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A Alger un sourd mécontentement agitait l’armée; M. de Bourmont avait adressé au président du conseil une liste de promotions et de récompenses quatre maréchaux de camp étaient présentés pour le grade de lieutenant général; huit colonels pour celui de maréchal de camp; des officiers, des soldats, tous ceux, en un mot, qui s’étaient distingués durant la campagne, figuraient sur cette liste. M. de Bourmont demandait en outre deux cent quarante décorations de chevaliers de la Légion D’Honneur, quarante décorations tant de grand cordon que de grand officier, commandeur et officier, cent croix de chevalier de Saint-Louis et six de commandeur dans le même ordre. Ces demandes parurent exorbitantes, et le général en chef fut invité à les restreindre, comme si les faits d’armes et le courage des soldats n’avaient pas toujours été au niveau des dangers qu’ils eurent à surmonter. M. de Bourmont insista pour le maintien de sa liste; le cabinet ne tint aucun compte de ses réclamations, et n’accorda à l’armée, pour toute récompense, que le bâton de maréchal donné à son chef, et deux croix de Saint-Louis: l’une pour M. Louis de Bourmont, l’autre pour M. de Bessière, qui tous deux s’étaient distingués à Staouëli. Mais ces deux jeunes officiers, indignés d’une telle partialité, jurèrent de ne porter leur décoration que lorsque tous leurs camarades auraient reçu celles auxquelles ils avaient droit. C’est ainsi qu’on récompensait cette armée qui venait d’attacher un si beau fleuron à la couronne de France, le dernier qui dût illustrer la branche aînée des Bourbons !
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D’un autre côté, et ce qui était plus grave encore, on laissait M. de Bourmont sans instructions sur ce qu’il avait à faire pour utiliser sa conquête. Dans l’espace de dix ou douze jours, le nouveau maréchal ne reçut que deux dépêches l’une était relative à l’envoi en France de soixante chameaux que l’on avait le projet d’acclimater dans les landes de Bordeaux; l’autre recommandait que l’on formât, sans perdre de temps, des collections de plantes et d’insectes pour le cabinet d’histoire naturelle. La futilité de pareilles demandes dans un moment si critique, montre combien peu arrêtées étaient les vues du gouvernement sur l’utilisation ultérieure de la conquête d’Alger. Tout était donc livré à la sollicitude du maréchal. Il y pourvut de son mieux.
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Un comité municipal, composé des syndics des principales corporations de la ville, avait été institué; on s’occupa ensuite de l’installation du codjia (inspecteur) du marché au blé, du petri meldji (intendant des inhumations), de l’aga des Arabes, dont la juridiction devait s’étendre, comme du temps de la régence, sur toutes les tribus qui avoisinent Alger. L’administration de la justice fut aussi réorganisée: les cadis maures reprirent leurs sièges, ainsi que les rabbins; mais on supprima les tribunaux spéciaux des Turcs, afin de ne laisser à ceux-ci aucune marque d’autorité et de les obliger à se retirer. Les décisions principales de tous ces tribunaux furent soumises à l’exequatur de l’autorité française. Des tarifs discutés au sein de la commission de gouvernement réglèrent la perception des droits de douane et d’octroi ; enfin, un comité spécial prit sous sa responsabilité la surveillance et la direction des domaines de l’état. Toutes ces créations, quelque imparfaites qu’elles fussent, font le plus grand honneur à M. de Bourmont, car ce qui importe le plus après la victoire, c’est de ne pas en perdre les fruits, c’est de conserver tout ce que la guerre n’a pas dévoré.
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De son côté, le comité municipal, plein de zèle, se livrait sans relâche aux nombreuses améliorations que réclamait une ville soumise depuis trois siècles à l’ignorante administration des Turcs. Une garde urbaine, composée de deux cents hommes d’élite, fut affectée à la police de la ville et du port; on élargit les rues qui conduisaient de la Marine aux portes Bab-el-Oued et Bab-Azoun, afin d’y rendre possible la circulation des voitures à quatre roues; une manutention des vivres s’éleva dans l’enceinte même des magasins de la Marine, et bientôt plusieurs bataillons purent abandonner leurs bivouacs pour venir s’installer dans l’intérieur d’Alger ; la Casbah fut complètement isolée du corps de la place, on ouvrit une communication entre cette citadelle et la campagne; enfin un bureau de santé semblable à celui de Marseille fut institué, précaution importante, qui devait préserver l’armée des maladies pestilentielles qui règnent fréquemment dans la partie orientale du bassin de la Méditerranée. Au dehors de la ville, plusieurs maisons de campagne furent transformées en hôpitaux. Ces utiles travaux employèrent les premiers jours de l’occupation : officiers et soldats y prirent une large part.
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Depuis le 5 juillet, nos avant-postes n’avaient pas été attaqués. Les Arabes de la plaine de la Metidja, les habitants même des montagnes venaient en foule vendre aux troupes françaises les produits de leur sol. L’abondance régnait partout, et, dans l’ignorance où l’on était alors du caractère haineux et sanguinaire des Arabes, on croyait déjà à la pacification complète de l’Algérie. Cependant, le 18, ayant appris qu’une bande armée avait enlevé dans la Metidja presque tous les bœufs que nous envoyait le bey de Tittery, le maréchal pensa qu’une excursion dans l’intérieur exercerait une grande influence sur les habitants et lui fournirait l’occasion d’apprécier la disposition des esprits : les Arabes commençaient à croire qu’affaiblie par les pertes qu’elle avait faites sur le champ de bataille et dans les hôpitaux, l’armée victorieuse était réduite à camper sous le canon d’Alger. Plusieurs autres motifs encore portaient M. de Bourmont à s’avancer jusqu’au pied de l’Atlas. La plaine de Metidja avait été signalée comme éminemment propre à l’établissement d’une colonie : il était donc important de la reconnaître pour savoir jusqu’à quel point cette opinion était fondée. Menacés par les Kabyles des montagnes voisines de leur ville, les habitants de Blida réclamaient aussi notre protection. Les envoyés qui se présentèrent de leur part au quartier général paraissaient convaincus que l’apparition d’un corps français suffirait pour écarter l’orage prêt à fondre sur eux; ils affirmaient qu’à peine sept heures de marche séparaient Alger de Blida, et que souvent les cavaliers franchissaient cette distance deux fois dans le même jour. Pendant que ces envoyés sollicitaient ainsi la protection de l'armée, deux juifs venus d’Oran annonçaient au maréchal que le bey de cette province était décidé à se reconnaître vassal du roi de France. M. de Bourmont résolut donc de se porter en personne sur Blida, pendant que son fils aîné se rendrait à Oran, à bord du brick le Dragon, pour recevoir le serment du bey et lui remettre le diplôme de son investiture. Mais le conseil municipal d’Alger, où se trouvaient plusieurs Maures qui avaient une connaissance parfaite du pays, désapprouva hautement l’expédition de Blida; il assurait que toutes ces sollicitations cachaient quelques ruses du bey de Tittery, et qu’il serait prudent de l’ajourner. M. de Bourmont repoussa cet avis, et fit les dispositions nécessaires pour l’exécution de son projet.
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Le 22juillet, jour fixé pour le départ, le duc d’Escars reçut l’ordre de former dans sa division un détachement de mille hommes d’infanterie, jugé suffisant ; il le composa d’un bataillon du 1er régiment de marche et de huit compagnies d’infanterie de ligne, prises dans les deuxième et troisième brigades; d’un escadron de chasseurs à cheval, de deux pièces de 8, de deux obusiers de montagne et d’une compagnie de sapeurs. Le général Hurel en prit le commandement. L’infanterie, avec les quatre bouches à feu, partit dans l’après-midi du 22, alla bivouaquer à trois lieues d’Alger, en arrière de l’Oued-Kerma, un des affluents de l’Harrach, et se remit en marche le 23, à quatre heures du matin. Le maréchal sortit lui-même d’Alger, escorté de deux compagnies de grenadiers, d’une compagnie de sapeurs et de quelques chasseurs à cheval: les généraux d’Escars, Desprez et Lahitte, le lieutenant-colonel Filosofof, le capitaine de vaisseau Mancel, le prince de Schwartzemberg, plusieurs autres volontaires étrangers et un grand nombre d’officiers d’état-major l’accompagnaient, tous impatients de voir une ville que bien peu d’Européens avaient jusque-là visitée. Le syndic Hamden-ben-Secca, deux membres du conseil municipal et dix ou douze Maures ou Arabes se joignirent à cette suite.
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On suivit la voie romaine qui, sur une longueur de deux lieues, est ombragée par des arbres de différentes espèces et par des haies d’une grande élévation. Sur toute cette partie de la route les voitures roulèrent sans beaucoup de difficultés; mais lorsqu’on eut atteint la berge gauche de la vallée de l’Oued-Kerma, déchirée par de nombreuses ravines, il fut impossible de les faire avancer; les soldats étaient presque obligés de les porter à dos. Le maréchal leur laissa le soin de vaincre ces difficultés, et, continuant d’avancer avec un détachement de chasseurs, passa l’Oued-Kerma sur un pont en maçonnerie : il se trouvait en face de la Mitidja. La vue de cette vaste plaine, coupée par de nombreux marais, mal cultivée, ravagée par le parcours des bestiaux, produisit une fâcheuse impression sur le maréchal et sur ceux qui l’accompagnaient. On s’était attendu à voir une plaine unie, verdoyante, parsemée de gracieuses habitations, et au contraire, on se trouvait en présence d’une nature sauvage, d’un terrain en désordre, où les cultures n’occupaient que la plus faible partie. Si le désappointement fut grand, la richesse du sol n’en était pas moins réelle : c’est sous un pareil aspect que se montrèrent aux premiers défricheurs les vallées de l’Ohio, du Missouri, de la Delaware, qui font aujourd’hui la fortune de l’Amérique du Nord.
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La plaine de la Mitidja, dont la partie S. - E. touche presque à Alger, est sans contredit une des plus belles qui existent dans l’ancien continent. Elle a de soixante-quatre à soixante-douze kilomètres de long sur vingt-quatre à vingt-huit de large , Bordée et dominée par le massif d’Alger et le petit Atlas sur deux de ses côtés, elle a pour limites, à ses deux points extrêmes, les collines du Sahel et les dunes de sables de l’Harach. Malgré le voisinage des montagnes, elle présente presque partout une surface plane. Plusieurs rivières le Mazafran, l’Hamise, l’Harach, etc., la traversent dans une direction à peu près parallèle, en se rendant du petit Atlas dans la Méditerranée ; mais, arrivés au pied du massif, quelques-uns de ces cours d’eau rencontrent des obstacles qui les rejettent sur les basses terres où ils donnent naissance à de nombreux marais. La partie méridionale était couverte de vastes établissements agricoles et de très belles cultures en orge et en blé, de riches vignobles, de plantations d’oliviers, d’orangers, de caroubiers; mais partout ailleurs le sol, presque inculte, était livré aux dépaissances, et l’on n'y voyait de distance en distance que des tentes en poil de chameau ou des huttes construites en terre qui servaient d’abri aux pasteurs.
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L’escorte du maréchal atteignit la colonne du général Hurel près de Boufarik, ancien lieu de rendez-vous d’un grand nombre de tribus arabes, qui viennent y opérer leurs échanges, et qui, depuis l’occupation française, est destinée à devenir le centre de nos établissements dans la plaine. On jugea à propos de faire halte en cet endroit pour rallier les traînards, menacés à chaque pas de tomber sous le yatagan des Kabyles. En effet, ceux qui rejoignaient n'avaient que de lamentables récits à faire : plusieurs de leurs camarades avaient été tués, et ceux qui avaient pu échapper étaient horriblement maltraités. Un des interprètes du maréchal ne dut son salut qu’à la connaissance parfaite qu’il avait de l’arabe : retenu prisonnier pendant quelques heures, il fut obligé de rebrousser chemin et de regagner Alger.
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Quand la colonne se remit en marche, une députation sortie de la ville de Blida se présenta devant le maréchal; elle venait protester de la soumission des habitants, et lui donner l’assurance de la vive satisfaction qu’ils éprouvaient en voyant arriver les troupes françaises : l’accueil qu’elles y reçurent ne démentit pas ces protestations.
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Blida est une petite ville, située tout au pied du versant septentrional de l’Atlas, dont les premiers gradins ne sont éloignés que de quelques centaines de mètres de ses remparts. Son élévation au-dessus du niveau de la mer est d’environ cent quatre-vingts mètres, et sa distance d’Alger de cinquante et un kilomètres. Elle est assise sur un terrain plat et peu accidenté. Des masses abruptes de montagnes l’enferment dans un vaste demi-cercle d’où s’échappent les eaux de l’Oued-el-Kébir qui arrosent et fertilisent une grande partie de son territoire. Grâce à l’abondance de ces eaux habilement distribuées, Blida était, pour ainsi dire, cachée dans une forêt d’orangers.
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Du point élevé et central où elle est assise, cette ville offre un des plus beaux panoramas que la nature ait créés: l’œil embrasse une vaste étendue de pays; à l’ouest, il plonge et se perd dans les profondeurs de la plaine des Hadjoutes, et va s’arrêter sur les montagnes voisines de Cherchell; à l’est se déroule la Metidja; en face, et sur une étendue considérable, l’horizon est borné par les collines du Sahel, dont quelques coupures laissent apercevoir la mer. Les montagnes qui entourent Blida sont fort élevées; elles sont souvent couvertes de neige jusqu’à la mi-mai, et leur cime est couronnée de chênes balottes, dont les glands nourrissent un grand nombre d’habitants de ces cantons. On y voit des ravins profonds et très fertiles, remplis d’arbres fruitiers arrosés par des sources d’eaux vives aussi pures que le cristal. Les frênes, les peupliers blancs, les micocouliers, s’y élèvent à une grande hauteur et offrent partout de délicieux ombrages.
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On ne trouve à Blida aucune trace de monuments antiques, et ses édifices n’offrent rien de remarquable. La tradition locale fait remonter son origine à l’époque de la conquête turque, et lui donne pour fondateurs une famille de marabouts. Les tombeaux très remarquables et très vénérés de ces personnages existent encore aujourd’hui dans un village situé à une heure de distance dans la montagne, près de la source de l’Oued-el-Kébir. Quoi qu’il en soit de cette tradition , Blida, grâce à son heureuse situation, à son territoire fertile, à son climat salubre, était devenue en peu de temps l’une des villes les plus importantes et les plus riches de l’intérieur. En 1825, époque du tremblement de terre qui renversa cette ville, dispersa ou fit périr plus de la moitié de ses habitants, sa population s’élevait de quinze à dix-huit mille âmes; en 1830, elle en comptait à peine cinq à six mille.
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Blida est entourée d’une simple muraille en terre, blanchie à la chaux, de douze pieds d’élévation, mais suffisante pour arrêter une armée qui n’aurait pas d’artillerie. Les habitations sont construites sur le même modèle que celles d’Alger; presque toutes les rues se coupent à angle droit, et chaque carrefour est orné d’une fontaine. Les édifices religieux y sont en très petit nombre ; une seule mosquée mérite d’être remarquée. Elle était pour les Arabes une ville de luxe et de plaisir, ainsi qu’un grand centre qui mettait les populations de l’intérieur en contact avec celles de la côte, et où venait aboutir presque tout le commerce d’une grande partie de la plaine, de la montagne, de la province de Tittery et même du haut Chélif. Les eaux de l’Oued-el-Kébir, habilement ménagées, y faisaient mouvoir une quinzaine de moulins à blé; elle possédait de nombreuses tanneries, et jouissait d’une certaine renommée pour ses ateliers de teinture, la préparation du maroquin, la fabrication d’articles d’habillement, de chaussure, d’harnachement, et surtout d’instruments aratoires.
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A peine les bivouacs étaient-ils établis, que les habitants s’empressèrent d’offrir à nos soldats des fruits et des boissons rafraîchissantes, des vivres de toutes sortes. Les bœufs ne coûtaient que vingt-cinq francs par tète, et on avait pour dix centimes une douzaine de magnifiques oranges; l’orge et la paille étaient dans la même proportion. Quelques officiers pénétrèrent dans la ville, mais ils revinrent peu satisfaits de leur excursion : son aspect leur parut beaucoup moins agréable que celui du pays environnant. Les maisons ruinées par le tremblement de terre de 1825 n’avaient pas été relevées; dans leurs boutiques ouvertes, mais mal approvisionnées, les marchands ne témoignaient, il est vrai, aucune inquiétude à la vue des uniformes Français, mais la crainte des Kabyles les préoccupait extrêmement.
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Le 24 au matin, M. de Bourmont, à la tête d’un bataillon d’infanterie et d’un détachement de chasseurs, poussa une reconnaissance jusqu’à une lieue et demie à l’ouest de la ville; tout était tranquille. Au retour, dans une escarmouche engagée entre l’arrière-garde et quelques Kabyles qui ne tardèrent pas à s’éloigner, un de nos fantassins fut blessé à mort. A dix heures, le général Desprez, suivi de deux officiers d’état-major et de quatre chasseurs à cheval, remonta l’Oued-el-Kébir jusqu’à près d’une demi lieue de Blida; aucun ennemi ne vint à sa rencontre; cependant il vit errer çà et là des hommes armés qui semblaient épier tous ses mouvements. Ces symptômes d’hostilité, les alarmes qu’éprouvaient les habitants de la ville, décidèrent M. de Bourmont à se replier sur Alger.
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A une heure, plusieurs coups de feu retentirent dans les environs; on sut bientôt après que deux canonniers conducteurs avaient été tués au moment où ils abreuvaient leurs chevaux dans un ruisseau qui baigne les murs de Blida. Plusieurs soldats d’infanterie furent frappés, presque au même instant, dans les jardins où ils croyaient pouvoir se promener avec sécurité; enfin, M. de Trelan, chef de bataillon, aide de camp du maréchal, étant sorti pour reconnaître ce qui se passait, reçut une balle dans le bas-ventre: la blessure était mortelle. De tous côtés partaient des coups de fusil, mais l’ennemi ne se montrait nulle part. La colonne étant trop peu nombreuse pour faire des battues dans la campagne, le parti le plus sage était de quitter un lieu où les arbres, les haies, les buissons, cachaient de nombreuses embuscades.
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Le détachement gagna la plaine sans obstacle; mais bientôt on vit accourir une multitude d’Arabes et de Kabyles à pied et à cheval, qui se ruèrent sur ses flancs afin de l’entamer. L’avant-garde, serrée de près, fit une charge à la baïonnette qui repoussa l’ennemi. Le prince de Shwartzemberg mit pied à terre pour se mêler à nos soldats, et tua un Arabe de sa main. Les chasseurs à cheval, qui trouvaient pour la première fois depuis l’ouverture de la campagne l’occasion de charger, laissèrent sur le terrain une quarantaine d’Arabes et de Kabyles ; le reste s’enfuit en désordre. Afin de prévenir toute surprise, une double ligne de tirailleurs flanqua la colonne; et lorsque l’ennemi devenait trop nombreux, la cavalerie le dispersait par des charges à fond. Des officiers d’ordonnance et plusieurs des Maures qui accompagnaient le maréchal prirent part à ces escarmouches; le jeune Poniatowski, qui faisait la campagne comme maréchal des logis, s’y distingua; M. de Bourmont lui-même mit l’épée à la main pour dégager son chef d’état-major que des cavaliers venaient d’entourer. Ces petits combats harassaient nos chevaux; les Arabes s’en aperçurent, et se portèrent en masse sur la colonne principale. Nos pièces de campagne, bien ajustées, les firent repentir de cette audace; la mitraille en abattit un grand nombre. Ce coup de vigueur déconcerta les assaillants: tous regagnèrent les montagnes, et le détachement put arriver paisiblement sous les murs d’Alger, après avoir perdu toutefois plus de quatre-vingts hommes.
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Le soir, comme M. de Bourmont se disposait à rentrer en ville, deux émissaires arabes vinrent le trouver, et lui expliquèrent les motifs de l’attitude hostile des tribus. Désireux d’avoir la ville de Blida sous son autorité, le bey de Tittery en avait demandé le commandement au maréchal; mais celui-ci, instruit du caractère perfide de ce bey, lui avait refusé cette faveur. Mustapha, désappointé, voulut avoir par la force et la ruse ce qu’il n’avait pu obtenir autrement : il fit répandre le bruit que sous le prétexte de visiter Blida les Français venaient saccager le pays, détruire les moissons et emmener en esclavage les habitants. C’en était assez pour exciter l’ardeur belliqueuse des Kabyles et des Arabes. Deux jours avant le départ du maréchal, toutes les tribus voisines de Blida étaient en armes, décidées à nous attaquer à outrance. Cette petite campagne, durant laquelle le caractère astucieux et féroce des Arabes se montra à découvert, rendit les Français plus circonspects; ils observèrent avec une minutieuse attention les démarches des habitants d’Alger, et ne tardèrent pas à découvrir qu’une conspiration se tramait contre eux.
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