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Le djihad, ou la guerre sainte, est déclarée par le Coran obligatoire pour tous les musulmans : seulement, lorsqu’un nombre suffisant de fidèles a répondu au premier appel de l’iman, les autres sont dégagés de l’obligation qui pesait sur tous. Dans le cas d’appel général, les exceptions cessent, si ce n’est en faveur des femmes, des enfants, des esclaves et des infirmes. L’esclave ne peut combattre sans l’autorisation de son maître, la femme sans celle de son mari. En Algérie, on n’a jamais vu de femme prendre part aux combats livrés à l’armée française; les esclaves seuls s’y sont montrés.
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Deux motifs, l’un purement religieux, l’autre purement humain, firent naître et entretinrent l’ardeur avec laquelle les Arabes répondirent longtemps d’eux mêmes aux appels de la guerre sainte: le premier, puisé dans les magnifiques espérances de la vie future et dans le mépris de la mort, est inspiré par un fatalisme absolu. Mahomet ne répète-t-il pas à toutes le pages de son livre, que le paradis sera la récompense de ceux qui combattent pour la foi; que le lâche et le déserteur sont dévolus à l’enfer; que tomber sur le champ de bataille, ce n’est pas mourir, mais vivre; que le martyr doit trouver après sa mort bien au delà de ce qu’il laisse dans ce monde inférieur, etc. Le second motif s’adresse, non plus à l’âme des croyants, mais à tous les instincts grossiers de la vie physique et du bien-être matériel. Le partage du butin est combiné par les lois du djihad, de manière à assurer à tous ceux qui y participent un intérêt personnel et positif. Tous les objets pris sur l’ennemi doivent être mis en commun, pour être répartis plus tard par l’iman : un cinquième se prélève d’abord pour les besoins généraux de l’islamisme; les quatre autres cinquièmes sont partagés entre les vainqueurs et ceux qui leur sont unis par les liens du sang, tels que les femmes, les enfants, etc. La loi donne aux cavaliers deux parts, et une seule aux fantassins. L’infidèle n’a pas droit au partage; l’iman peut, s’il le juge à propos, lui accorder une rétribution pour les services qu’il a rendus.
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Si le sentiment religieux s’affaiblit bientôt et subit chez la plupart des musulmans le sort de toutes les croyances humaines, l’amour du butin, développé de tout temps dans la race arabe, fut loin de diminuer. Ce mobile sembla, au contraire, grandir de tout ce que perdait en énergie le fanatisme purement religieux. Diverses irruptions tentées du IXe au XIIe siècle, par les Arabes d’Afrique et d’Espagne, dans le Languedoc et la Provence, et sur le littoral méditerranéen, paraissent avoir été uniquement inspirées par l’amour du butin; car ce ne fut qu’une série de courses entreprises pour piller les monastères, enlever les troupeaux, et fournir d'esclaves chrétiens les marchés de Grenade, de Tunis, ou du Caire.
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Enfin, après l’affaiblissement de la puissance musulmane en Occident, le djihad prit la forme exclusivement maritime. Au moment où l’armée française aborda en Algérie, il se trouvait réduit aux proportions, non plus d’une guerre nationale et religieuse, mais d’une piraterie souvent heureuse et quelquefois rudement châtiée. L'invasion semblait donc une occasion favorable pour ranimer le fanatisme de la population algérienne. Le souverain de la régence, Hussein Pacha, chercha dans un appel à l’énergie des croyances musulmanes un moyen de résistance; mais ce fut seulement l’amour du pillage qui réchauffa l’ardeur belliqueuse des Arabes; dès que toute espérance de butin fut perdue, les contingents se dispersèrent: la nécessité de défendre leurs croyances, ne leur sembla plus assez forte pour les faire rester sous des drapeaux que la fortune venait de trahir. Toutefois n’oublions pas que c’était un Turc qui les convoquait; bientôt après ils retrouvèrent toute leur énergie et tout leur fanatisme, à la voix du chef indigène qui s’est dit inspiré de Dieu. Telle est l’organisation politique et religieuse de ces peuples que nous avons toujours vus hostiles aux dominateurs de leur pays, et contre lesquels les armées allaient avoir tant de luttes à soutenir.
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