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Le général Clausel avait commis une grave erreur; mais était-ce un motif suffisant pour rappeler un chef qui s était acquis la confiance de l’armée et avait fait preuve d’une incontestable capacité en organisant les différents services de l’administration, en étendant les limites de la conquête ? Non sans doute. Pourquoi donc le rappeler ? Pourquoi donc encore s’exposer aux fâcheux et inévitables tâtonnements d’un nouveau chef ? Cette conduite ne peut s’expliquer que la marche qu’il se proposait de suivre en Algérie. Le général Clausel était trop porté à prendre l’initiative, à tenter des expéditions d’éclat qui engageaient la France. Dans la pensée gouvernementale, il fallait un esprit plus docile, un génie moins entreprenant: l’influence de ces idées fit porter le choix sur le lieutenant général Berthézène.
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A part sa haute réputation de bravoure et de probité, rien ne recommandait ce général pour un poste si éminent, pour une tâche si difficile. Toutes les guerres de l’empire, il les avait faites avec honneur, avec distinction, mais jamais il n’avait eu l’occasion de déployer la sûreté de tact, la rapidité de coup d’œil qui distinguent les grands capitaines. En outre, de graves blessures reçues durant les mémorables campagnes avaient hâté chez lui les glaces de l’âge, et accru sa réserve habituelle. Mais aux yeux du gouvernement c’étaient là d’éminentes qualités, et il leur dut d’être investi du commandement de l’armée d’Afrique.
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Dans l’incertitude où l’on était du maintien de la paix en Europe, et sur une indication un peu hasardée du général Clausel, on avait prescrit la rentrée en France d’une grande partie de l’armée expéditionnaire, si bien qu’au 1er février 1831 elle était réduite à un effectif de neuf mille trois cents hommes. Avec de si faibles moyens, le général Berthézène allait être obligé de faire face aux difficultés déjà grandes du pays et à une foule d’éventualités qui surgissaient imprévues à la suite des événements de ce nombre fut la nécessité de soutenir le bey de Médéa. Tant que l’administration de Mustapha Ben Omar put s’appuyer sur des baïonnettes françaises, elle rencontra peu d’obstacles; mais après le départ de la garnison, les Kabyles se montrèrent plus hostiles que jamais, et crurent pouvoir impunément attaquer notre protégé. Le fils de Bou-Mezrag jugea le moment opportun pour se mettre en campagne: favorisé par de nombreux amis, par sa fortune et le souvenir de son père, il se trouva bientôt à la tête d’une troupe considérable de Turcs et de Koulouglis, que l’arrivée de nouveaux partisans augmentait chaque jour. Avec ces forces, et appuyé sur les Kabyles, il vint assiéger Mustapha ben Omar dans sa nouvelle capitale.
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Quelles que fussent la faiblesse numérique de l’armée et ses répugnances personnelles, le général Berthézène ne pouvait assister impassible à la ruine d’un fidèle allié; cependant, au lieu de frapper un coup prompt et décisif, il en référa au ministre de la guerre, et demanda des renforts. Pendant ces délais, l’insurrection devenait chaque jour plus menaçante. L’occupation française se bornait alors à quelques lieues carrées autour d’Alger. A demi portée de fusil de nos lignes veillait un ennemi terrible et menaçant, bien résolu à nous vendre cher toute usurpation nouvelle de territoire; son unique cri de ralliement était : « Mort aux Français ! » Les marabouts promettaient cent houris au guerrier qui tuerait un ennemi ou qui mourrait les avines à la main. La soif de la vengeance, l’espoir d’un riche butin et la promesse d’ineffables voluptés, c’était plus qu’il n’en fallait pour enflammer l’ardeur belliqueuse des Arabes et des Kabyles. Aussi ne parvenait-on à les écarter du fahs (la banlieue d’Alger), qu’au moyen de fortes reconnaissances.
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Enfin, les renforts si vivement attendus arrivèrent, c’étaient les bataillons de dépôt et deux mille volontaires parisiens, dont l’incorporation dans l’armée d’Afrique demande quelques détails.
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