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l’Algérie au cœur
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Après
des débuts timides et hésitants au siècle écoulé, les écrivaines
algériennes d'expression française et arabe d'aujourd'hui ( et celles
émergeantes de graphie Tamazighte), sont en train de s'imposer sur le
plan international , où elles sont de plus en plus traduites...
Regard
rétrospectif, en commençant d'abord par les écrivaines algériennes de
graphie française : En se référant à l'étude de la linguiste Aicha
KASSOUL parue dans la revue «INSANIYAT» du centre algérien de recherche
en anthropologie sociale et culturelle sous le titre «Femmes en texte
1857 - 1950 «(Numéro 9, de septembre - décembre, 1999, Vol. 111,3) nous
distinguons, regroupées suivant leur date de naissance, les écrivaines
algériennes comme suit :
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- une première génération (1882 -
1928) représentée par : Fadhma AIT MANSOUR, Amrouche, Taos AMROUCHE,
Djamila DEBECHE, Myriam BEN, Leila AOUCHAT ... écrivaines qui signent
de leurs noms leurs oeuvres ne recourant pas au pseudonyme.
La
thématique abordée de cette écriture «première ébauche » tourne
essentiellement autour de la quête de soi, à travers la prépondérance
de récits autobiographiques, les publications se faisant tantôt à
Alger, tantôt à Paris... L'avènement de la guerre d'indépendance marque
la thématique de certaines comme Myriam BEN, de son vrai nom, Marylise
BEN-HAIM, née le 10 octobre 1928 à Alger, une descendante, par son
père, de la tribu berbère judaïsée des BEN MOCHI de Constantine, et par
sa mère (d'après la tradition familiale) des savants judéo- arabes des
maémonides d'Andalousie .Elle s'engage même dans le combat contre les
forces d'occupation, comme agent de liaison du maquis de la région
d'Oued Fodda où elle a enseigné , avant d'être radiée des cadres de
l'éducation en 1957.Recherchée par la police, elle est condamnée en
1958 à vingt ans de travaux forcés par contumace sanctionnant son
courageux militantisme pour l'idéal hautain de liberté et dignité
humaine de son peuple opprimé... Aux lendemains de l'indépendance elle
rentre à Alger et renoue avec son journal Alger - Républicain. Sa santé
vacillante ne l'empêche pas de participer à des stages d'éducateurs, de
s'adonner à la peinture et à la musique et d'écrire nombre de textes
dont plusieurs attendent d'être publiés. Parmi les oeuvres de cette
écrivaine qui a côtoyé KATEB Yacine, F.YVETON et H. Maillot: Ainsi
naquit un homme, recueil de nouvelles; Alger la maison des livres, 1982
; Sur le chemin de nos pas (recueil de poèmes; Paris, l'Harmattan 1984)
; Sabrina, ils t'ont volé ta vie (l'Harmattan roman, Paris 1986)...
alors que Leila AOUCHAT, française mariée avec un algérien, revendique
son assimilation totale (nationale et religieuse,) vécue sans conflit
majeur. Djamila DEBECHE pointe, pour sa part, directement sur le thème
de la condition de la femme dans la société algérienne jugée archaïque
par opposition au milieu émancipé occidental. Née en 1910 (?) dans la
commune des Ghiras (Sétif), Malika DEBECHE lance le 25 septembre 1947
le numéro 1 d'une revue féministe «L'action», la même année où elle,
publie son premier roman «Leila, jeune fille d'Algérie, imprimerie
Charras, Alger 1947). Elle publie également des essais dont «Les
musulmans algériens et la scolarisation, Alger 1950 «, «L'enseignement
de la langue arabe en Algérie et Le droit de vote aux femmes
algériennes, Alger 1950) et un second roman «AZZIZA, Alger, imprimerie
Imbert, 1955).
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La seconde génération (1930-1940) est
représentée par Corinne CHEVALLIER, Assia DJEBBAR, Zoubeida BITTARI
(Louise ALI RACHEDI), BEDYA Bachir ( Baya el AOUCHICHE), avec trois
recours au pseudonyme, sur quatre.
Le thème traité est celui
de la guerre d'indépendance, la condition de la femme, le refus de
l'assimilation occidentale d'une part, et le refus de l'aliénation ;
une affaire «Algéro - algérienne» par opposition au discours
assimilationniste de DEBECHE.
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- La troisième génération
(1940-1950) représentée par Leila SEBBAR, Zinaï-KOUDIL, Yamina
MECHAKRA, Hawa DJABALI, Houfani- BERFAS, Aicha LEMINE qui est la seule
à porter un pseudonyme.
- La thématique concerne d'abord
l'exil avec SEBBAR (6 livres sur les 12 de la période) avec des
interrogations sur la question du «métissage, mais progressivement
s'installe la revendication sereine de la marge. Leila SEBBAR est
elle-même fille d'un père algérien et d'une mère française, tous deux
instituteurs. Quittant l'Algérie pour Aix-En Provence et Paris, elle y
accomplit des études supérieures en littérature ,collaborant notamment
avec les prestigieuses revues «Les Temps Modernes», «La Quinzaine
Littéraire», «La Lettre internationale», «L'Actualité de l'émigration».Elle collaborera également plusieurs années au «Panorama de
France-culture», publiant essais, romans et recueil de nouvelles,dont:
On tue les petites filles (essai Paris, Stock 1978), les romans et
récits, «Fatima ou les algériennes au square, 1981», «Shéhérazade, 17
ans..., 1982 ««J.H. cherche âme soeur,1987».
Dans son oeuvre,
l'héritage orientaliste est tantôt tourné en dérision (L'Orient des
odalisques), tantôt assumé fièrement (Culture algérienne) notera
l'universitaire Aicha KASSOUL à son propos, ajoutant que cette
génération, n'aborde point les problèmes sociaux, ce sont
particulièrement les difficultés du couple et la question de l'amour
«hors mariage «(adultères et mères célibataires) qui sont privilégiées.
A un degré moindre, le thème de la guerre sur lequel revient Yamina
MECHAKRA (La grotte éclatée, Alger 1979) avec la tentative d'une
nouvelle écriture, refusant le reflet de l'histoire officielle, mais
exprimant, de manière poétique et symbolique, les stigmates et marques
des personnages émouvants d'une histoire dans l'histoire, hors des
conventions et des coutumes (récit de l'infirmière narratrice à la
frontière tunisienne).
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La quatrième génération est composée de
femmes nées ailleurs qu'en Algérie et dont l'âge plus jeune
expliquerait l'absence de références biographiques, citons les
BOUKHORT, FGHALEM, LACHMET, TOUATI, WAKAS, BELGHOUL..._ qui publient
soit en France, soit au canada. Mis à part «La grenade dégoupillée «de
Safia WAKAS sur l'histoire de la guerre d'indépendance, aucun des
autres récits ne traitera de ce thème. C'est plutôt le thème de leurs
aînées, la condition inférieure des femmes, qui est reconvoqué mais
avec cette particularité d'un discours agressif, d'introspection
violente, qui s'accompagne d'une remise en cause de l'écriture elle -
même, rompant avec la monotonie de l'habituelle, quête identitariste,
historique ou sociale.
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D'une manière générale cette;«petite histoire de la littérature algérienne féminine
d'expression française de la période 1857 - 1950 «abordée par Aïcha
KASSOUL dans, la revue du CRASC d'Oran, et dont nous avons esquissé un
aperçu thématique, nous confirme que le terrain de l'écriture féminine
épouse nettement les contours d'une histoire et destinée d'une nation
dans laquelle les femmes écrivaines se sentent impliquées, bien mieux
! Tournant rapidement le dos au problème de l'assimilation et de
l'aliénation, les discours des femmes revendiquent le droit d'être une
personne à part entière... Aux discours de partis et de liberté, sont
montées au créneau les voix d'opprimées et la revendication des droits
de la concitoyenne à part entière, parallèlement à la remise en cause
des tabous et des visions étriquées ou réductrices, ne cédant ni au
moralisme outrancier de l'orientalisme, ni à la séduction du leurre de
l'occidentalisme .D'où cette tonalité sombre et cet aspect grave qui
caractérise l'ensemble de l'oeuvre de cette période et qui persistera
même au-delà ... comme si l'écho de la première des voix qui s'est
faite entendre, de Fatma AÏT-MANSOUR, répercutant sa vie d'éternelle
exilée, faite de douleurs et de rares moments de joie, est constamment
perceptible à travers les oeuvres de ses successeurs ou continuateurs,
en général, marqués par la saga des AMROUCHE (Fatma AÏT MANSOUR et ses
enfants Taos AMROUCHE, Jean AMROUCHE).
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Aux lendemains de
l'indépendance de l'Algérie, nombreuses sont les plumes qui se sont
tues, après avoir dit, par les mots leurs espoirs, leurs luttes, leurs
souffrances et leurs éphémères moments de joie également. Mais la
génération post-indépendance qui suit saura introduire une marque
originale dans cette littérature, proposant des écritures nouvelles,
des regards différents sur la réalité sociale et culturelle algérienne.
A l'image de Assia DJEBBAR, cette grande dame de la littérature
féminine algérienne d'expression française qui continue d'écrire,
innovant sur le plan style et contenu, tout autant que les oeuvres
d'autres écrivaines qui ont atteint une ampleur et une dimension
universelle.
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Alors que la création poétique se fraye une voie
originale, amputée du verbe d'Anna GREKI, disparue trop tôt, après
avoir laissé une poésie étonnante de vivacité de lucidité et
d'anti-conformisme, l'auteur inoubliable de «Algérie, capitale Alger
«(Paris, P.J. OSWALD, Tunis, SNE, 1963, préfacée par Mostéfa LACHERAF).
Ayant commencé des études supérieures à Paris, Anna GREKI interrompt sa
licence de littérature pour s'engager dans la résistance.
Arrêtée
en 1957, elle est incarcérée à Barberousse, puis est transférée en 1958
au camp de Beni Messous.Expulsée, fin 1958, elle rejoint en 1962
l'Algérie où elle achèvera sa licence de français et y enseignera
jusqu'au 6 Janvier 1966, date de sa mort brutale. Elle compte une autre
publication, «Temps forts «(Paris, présence Africaine, 1966), et des
textes inachevés dont un roman... Le souvenir de la poétesse qui s'est
battue pour l'Algérie ressurgira certainement à l'avenir. Le thème qui
émerge surtout durant cette période est celui du couple, de la femme
circulante dans l'espace masculin, avec la publication de temps à autre
de romans intimistes. Dans les années 1980 de nouveaux auteurs féminins
apparaissent, alors que les auteurs connus continuent d'écrire, mais
avec plus d'audace, ébranlant tabous et préjugés. Parmi ces auteurs
Assia DJEBBAR ,bien sûr , avec L'amour, la fantasia (1985) ; Ombre
sultane, (1987), Leila SEBBAR (Shéhérazade), Aicha Lemsine (La
chrysalide, 1976) ; Myriam BEN (Sabrina, ils t»ont volé ta vie, 1986),
et aussi Safia KETTOU, Zehira HAOUFANI, Hafsa ZINAI- KOUDIL, Hawa
DJABALI, Nadia GHALEM, Yamina MECHAKRA..._
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Toutes crient leur
indignation devant le drame de la castration imposée, par la société au
couple qui s'aime et désire s'affranchir du poids des chaînes
ancestrales et conditionnements sociaux - politiques et religieux, qui
minorisent le statut de la femme. Ainsi Zoulikha BOUKHORT qui crie son
exaspération dans «Le corps en pièces «(1977), tout autant que Myriam
BEN, ou Hafsa ZIANI KOUDIL, fustigeant cette société mutilée et
mutilante par bien des côtés.
Ce thème de la revendication
féminine, de plus en plus présent, requiert naturellement un langage
audacieux, et renouvelé pour parvenir à se faire entendre, et à sortir
de l'ombre afin de gagner sa place à part entière dans la société,
Résolues, les femmes écrivaines investissent l'espace de l'écriture,
décidées à contribuer efficacement à la modification de l'état des
choses.
Quoique les structures rares de l'édition publique de
départ, ne se montre guère encourageante, favorisant de temps à autre à
l'occasion de dates commémoratives historiques, la publication de
textes souvent accommodants avec les orientations idéologiques des
apparatchiks. Mais du delà des années 80, l'après octobre 88 surtout
sonnant le glas du règne du parti unique, beaucoup de jeunes écrivaines
parviennent à émerger, voire à s'imposer en Algérie et ailleurs, à
l'image d'une Nina BOURAOUI, par exemple, ou Malika MOKEDDEM, ou encore
Maissa BEY... parallèlement aux autres plumes nouvelles qui pointent
dans l'hexagone, et dont quelques unes sont nées en France, ne
connaissant rien de l'Algérie, porteuses de bribes de cultures, de
langages et d'identités plurielles.
Ce sont, les Farida
BAGHLOUL, Leila REZZOUG, Fatiha BEREZAK, Leila HOUARI, etc ... qui
écrivent sur les conflits des enfants de la troisième et quatrième
génération d'immigrés, en prise avec les contradictions d'un milieu
socio - culturel fait d'attraits séducteurs, d'exclusions et
d'interrogations sur le devenir... d'où la nécessité de réactualiser
sans cesse le combat pour l'honneur et l'amour de la dignité humaine.
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Côté
littérature féminine, quoiqu'il ne sied guère de parler de littérature
féminine et de littérature masculine, mais juste pour signaler qu'elle
est très mal connue, imposante par deux noms surtout aux lendemains de
l'indépendance (Zoulikha ESSAOUDI et Zhor OUNISSI) dans le roman et la
nouvelle et plusieurs autres dans la poésie. Liée, dès sa naissance à
un espace civilisationnel. Maghrebo arabo-musulman, où certains
symboles religieux sont omniprésents, la littérature algérienne
féminine d'expression arabe, a pu transcender, tout au long de son lent
et pénible parcours, évolutif, nombre de tabous et conditionnements
idéologiques, en s'enrichissant, notamment de l'expérience des
écritures féminines dans la sphère Arabo musulmane et dans le monde
moderne, tout en puisant dans ses ressources internes et références
culturelles patrimoniales.A l'instar du reste, de la littérature de
leurs concitoyens, Ouettar, BENHADOUGA ,KHELLAS etc...mouvement
littéraire algérien dont elle ne se dissocie guère, évoluant de
concert, dans sa trajectoire intégratrice, tant bien que mal, de la
modernité.
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Un défi d'horizons littéraires nouveaux, d'un
espace de modernité résolument compris, dans le domaine de l'art que
relèveront par la suite de jeunes femmes écrivaines algériennes dont la
réputation dépassera les frontières.
Elles succéderont aux
pionnières dont certaines, qui quoique mal connues, ont beaucoup fait
pour la littérature algérienne féminine d'expression arabe.
C'est
le cas de Zoulikha ESSAOUDI. On ne connaît de Zoulikha ESSAOUDI que ses
nouvelles disparates, publiées dans la presse (El-Ahrar, El Fajr, El
Djazaïria, Amel...) Et dont les recueils n'ont pas vu le jour à cause
de sa disparition tragique et l'oubli de ceux qui avaient le devoir de
conscience d'éditer ses écrits. Zoulikha a écrit beaucoup de nouvelles
sur le thème de la Révolution et des martyrs, mais s'est penchée, dans
une deuxième phase sur les maux sociaux, et notamment la condition de
la femme et le code de la famille, les tabous sociaux et les
interrogations sur l'écriture,prônant un langage humain désacralisé qui
refuse les concessions, et les restrictions idiomatiques etc... Dans
ses nouvelles (Aardjouna, Derrière la colline, Qui est le héros...)
Zoulikha aborde une approche moderniste de la structure du discours
littéraire classique sclérosé pour tenter de lui substituer de
nouvelles formes, thématiques et esthétiques à même d'exprimer mieux
les exigences de la nouvelle société vagissante.
Tâche à
laquelle se consacrera, pour sa part Zhor OUNISSI, très connue dans la
sphère arabophone, qui prendra à bras le corps les problèmes de la
quotidienneté, mais sans pour autant parvenir à dépasser les limites
imposées du discours politique et religieux de l'époque. Dans ses
nouvelles (L'autre rive, Le trottoir endormi) Zhor OUNISSI, en dépit
d'un contexte social culturel défavorable, et de son appartenance au
système politique conditionnant, tenta néanmoins d'adhérer aux
nouvelles tendances littéraires sans pour autant se délier de ses
attaches à son école réformiste imprégnée des idéaux de l'Association
des Oulémas et de ceux grandiloquents du discours politique des années
1970. Aussi l'élan direct vers des formes plus évoluées et quelque peu
libératrices, c'est à d'autres écrivaines qu'il échut de concrétiser,
en dépassant les références sociales politiques (révolution agraire,
sensibilisation au code de la famille...) pour aller directement droit
au but, comme le tente Jamila ZENNIR avec son ébauche d'un champ
d'expression se voulant nouveau, avec les questions abordées de
l'amour, du harcèlement sexuel, de l'émigration... Autrement dit une
tentative d'ébauche d'une nouvelle écriture qui se veut résolument
moderne, avec des possibilités nouvelles de rupture, ne cherchant pas à
se référer à l'élément traditionnel, pour affirmer un espace esthétique
relativement libéré du tabou limitatif du champ d'expression.
Jusqu'aux
années 1990, un seul nom a régné sur le roman féminin, celui de Zhor
OUNISSI, auteur d'un seul ouvrage « Journal d'une institutrice», roman
qui se veut à la fois, original, lié aux moeurs de la société et
moderne, ouvert sur les nouvelles réalités que connaissait l'Algérie.
Ce premier roman de Zhor OUNISSI apparaissait beaucoup plus comme un
journal littéraire autobiographique, qu'un texte romanesque, plein de
références à la « révolution nationale». Et c'est avec son deuxième
roman « Loundja Wa Lghoul «, paru en 1993, que Zhor OUNISSI rompit avec
son style et hésitations d'aller de l'avant. Objectif que réalisa
pleinement cependant une certaine poétesse du nom de MOSTEGHANEMI.
Ahlam MOSTEGHANEMI très connue actuellement sur la scène littéraire
arabo_ musulmane et internationale devint célèbre surtout après la
parution au Liban d'un roman au texte audacieux et au titre révélateur
de: « Dhakirat el Jassad « (Mémoire d'un corps) et que Naguib MAHFOUDH,
le Nobel de la littérature arabe apprécia fort. Un véritable ton
provocateur dans la société Arabo musulmane fortement imprégnée de
machisme, et que l'écrivaine Ahlam en a laissé transparaître un avant
goût à travers ses poèmes qui ont incontestablement introduit beaucoup
de changement dans le langage d'écriture dans la texture de la
littérature féminine de langue arabe. Cette poétesse des plus
audacieuses connues dans le monde Maghrebo Arabo musulman, est née
en 1953 à Alger, et fait ses études universitaires à la faculté
d'Alger, puis à Paris où elle a présenté une thèse de troisième cycle
sur « La femme dans la littérature algérienne», sous la direction de
Jacques BERQUE. Son premier recueil de poésie « Au havre des jours «
est paru en 1972, et « Ecriture nue « en 1976 à Beyrouth...
Déjà
dans ces deux recueils la poétesse mettait en exergue le problème de la
démocratie, de la répression de la femme, de l'amour, réclamant liberté
et droit à l'expression et à l'initiative concertée pour faire oeuvre
utile et constructive, disant nettement ce qu'elle vit sans détour de
mots ou de sens, loin des discours voilant la spontanéité et la
franchise. AHLAM, tout autant que les poètes de langue française,
exprime une angoisse et un malaise d'être, et une impatience de se dire
en toute sincérité, révélant par là même l'émancipation bien comprise
de la femme qui revendique la liberté pour construire, comme le
signalait Jean DEJEUX. Ahlam, nom qui signifie « rêves « et sens du
merveilleux en arabe, écrit plutôt sur les cauchemars vécus en plein
jour d'un présent amer, dont elle en n'en a que l'amertume qui pèse sur
son épanouissement et qu'elle ne pourrait maquiller en termes et propos
simulacres, exhalant une réalité plus poétique, plus romantique, et
moins dramatique ... et pour cause... L'écrivaine fait partie d'une
génération d'écrivaines, et d'une pléiade de poétesses profondément
imprégnées des maux qui rongent la société, quêtant constamment un
nouvel espace d'expression libéré du discours politico- religieux
extrémiste, du machisme féodal, des carcans du passé et du milieu
ambiant anti-moderniste à souhait quand ça l'arrange ( les idées de la
modernité sont rejetées mais les produits technologiques et
industriels, la voiture, l'ordinateur, la télévision etc.. eux sont
bénis et acceptés).
Cette jeune génération, insurgée contre
les normes sclérosantes du passé comme en témoigne sa nouvelle poésie (
à l'image d'une Mabrouka BENSAHA (« Bourgeons») aux vers pleins d'amour
et d'amertume amorçant une nouvelle donnée dans l'écriture poétique
féminine) qui se distingue par ses innovations au niveau du style, des
formes, du contenu et d'une esthétique en général liée charnellement au
quotidien et vécu social, et où le corps de la femme, si souvent
étouffé, est mis en valeur contrebalançant le tabou de l'image de la
femme-objet, soumise et possédée.
Cette image de drame et de
désespoir, que la poésie des années 90 en a répercuté l'amer écho de
poètes déchirés autant que l'est le corps social (après la regrettée
Safia KETTOU, deux jeunes poètes se sont suicidés : Abdallah BOUKHALFA
quelques jours avant l'explosion rupture d'octobre 1988, et Farouk
SMIRA en été 1994).
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La nouvelle génération de femmes
écrivaines, comme Ahlam MOSTEGHANEMI, Zineb LAOUEDJ, Rabia DJALTI,
Zahra DIK ou encore les jeunes plumes montantes Yasmina SALAH, Rachida
KHOUAZEM, Sara HAIDER etc..., cette génération-là semble déterminée à
aller jusqu'au bout du défi relevé de s'imposer coûte que coûte : d'une
part sur le plan thématique où elles ont déjà réussi à traiter
localement avec brio des sujets brisant audacieusement les tabous tout
en travaillant mieux la dimension esthético - artistique littéraire et
d'autre part en veillant, en tant que citoyenne à part entière, à
contribuer par là même à l'émancipation de la femme, tant il est vrai
q'une femme qui écrit vaut son pesant de poudre « ,dixit Kateb Yacine.
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par Mohamed Ghriss
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