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... leur marche & leur manière de combattre
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Les camps, ou armées, sont composés d’un nombre de tentes, par lesquelles on compte au lieu d’escadrons & de bataillons. Les tentes sont de forme ronde, capables de contenir trente personnes commodément. Les chevaux sont attachés au piquet par un pied, & les harnais sont mis dans les tentes.
Chaque tente est composée d’un boluk-bachi, d’un oldak-bachi, d’un vekilardgi qui a soin de la tente, des provisions & hardes & de 17 oldaks ou soldats, qui sont en tout 20 hommes de combat, outre quelques maures armés pour le service de la tente, & la conduite des animaux qui portent le bagage.
Chaque soldat ne porte que son fusil & son sabre, & ne s’embarrasse d’aucune autre chose. La république fournit les vivres & six chevaux ou mulets à chaque tente, pour porter vivres, tente, hardes, munitions & malades.
Le bagage marche ordinairement devant, de sorte que lorsque les soldats arrivent, ils n’ont d’autre soin que de se reposer & de manger, trouvant leur cuisine prête à leur arrivée, dont ils réservent quelque chose pour le lendemain matin. Ils observent de faire marcher, à la queue des troupes, des chevaux de relais pour le besoin de ceux qui tombent malades, ou pour échanger les bêtes de charge qui peuvent mourir en chemin, ou être hors de service.
Lorsqu’il sort un camp d’Alger, le dey nomme un aga & un chaya pris du nombre des aya-bachis, lesquels ont soin de la justice de ce camp tant civile que criminelle, n’étant pas permis aux officiers de châtier les soldats en aucune façon. Il faut qu’ils portent leurs plaintes à l’aga qui y met ordre comme bon lui semble, suivant l’exigence du cas.
Le dey nomme aussi deux chaoux pour l’exécution des ordres de l’aga & du chaya.
Les soldats vont en campagne suivant leur rang & leur tour, sans qu’il puisse être fait aucun passe-droit, ni qu’aucun puisse s’en exempter. Tous marchent à pied, tant officiers que soldats sans exception, à la réserve du bey, de l’aga & du chaya.
Le cavalerie est distribuée de même par tentes de vingt personnes avec les mêmes officiers, chevaux de charge & quelques maures de plus pour le fourrage & le foin des chevaux.
On envoie toutes les années au printemps trois camps ou armées d’Alger, plus ou moins fortes, selon qu’il paraît nécessaire ; savoir le camp du levant, le camp du ponant & celui du midi. Chacune de ces armées va joindre le camp particulier du bey qui doit la commander, & qui se trouve en campagne avec sa milice ordinaire. Le bey commande son camp en souverain, à l’exception de la justice, qui est réservée à l’aga. C’est dans les occasions de conséquence seulement qu’il assemble son Divan où il préside ; ce conseil est composé de l’aga, du chaya, & de tous les boluks-bachis qui donnent leurs avis, chacun selon leur ancienneté.
Comme la plupart des pays se trouvent abandonnés par la fuite des maures à la venue des armées, le bey fait porter du biscuit, de l’huile & les autres provisions accoutumées, & fait conduire des bœufs & des moutons. Toutes ces provisions ont déjà été exigées des maures, excepté le biscuit dont ils n’ont contribué que le blé. Les maures de la campagne fournissent aussi tous les chameaux, les chevaux & les mulets nécessaires pour remplacer ceux qui peuvent manquer pendant la campagne, qui est ordinairement de six mois.
Les camps sont pour maintenir les arabes & les maures dans leur devoir ; pour lever le carache ou taille, qu’on fait payer double à ceux qui s’y font contraindre, pour exiger des contributions des pays, qui ne sont pas tout à fait soumis ; & enfin pour acquérir des nouveaux sujets & des tributaires, suivant l’adresse ou le courage des beys, qui marchent quelquefois assez avant dans les déserts du Biledulgerid, suivant les avis qu’ils peuvent avoir de quelque nation dont l’accès n’est pas possible.
Comme il y a beaucoup de pays dans le Biledulgerid, que la stérilité ou la disette d’eau rendent exempts de tribut, il est de l’habileté d’un bey de pouvoir y parvenir, sans trop risquer ses troupes, qui n’y marchent que s’ils voient un chemin sûr pour leur retour. Ils ne font guère de campagne, qu’ils n’y fassent une quantité d’esclaves, les maures de cette contrée se trahissant les uns les autres, & n’ayant aucune union entre eux. C’est ce qui les fait gémir sous la domination ou la tyrannie des turcs d’Alger, dont ils sont traités avec la dernière hauteur.
Il n’y a aucun ordre prescrit dans la marche des troupes d’Alger, elle dépend de la volonté du chef, jusqu’à ce que l’on soit dans le pays ennemi.
Le bey fait joindre un nombre de tentes ou compagnies tant de cavalerie que d’infanterie, & forme des espèces d’escadrons & de bataillons auxquels il donne un aga pour les commander, & à défaut d’aga d’office, il nomme des plus anciens boluks-bachis pour commander ces corps, chacun desquels à sa bannière ou étendard.
Leur marche ordinaire dans le pays ennemi, est de mettre à la tête le gros de l’infanterie, sur les ailes un peu en arrière deux escadrons, le reste de l’infanterie sur deux files, le bagage au milieu, deux autres escadrons derrière formant deux ailes, & un petit bataillon à la queue.
Dans un combat on laisse des gens à la garde du bagage, & l’armée marche à l’ennemi de la manière suivante. Un gros corps d’infanterie à latête, deux gros escadrons sur les ailes soutenus de deux autres qui suivent à quelque distance, & le corps d’armée au milieu, derrière lequel tant la cavalerie que l’infanterie viennent se rallier si besoin, & dont on remplace le premier bataillon ou corps d’infanterie qui est à la tête, autant qu’il est nécessaire.
Les maures auxiliaires se tiennent par troupes sur les ailes, pour donner suivant le commandement du bey & l’occasion.
Il est à observer, comme nous l’avons déjà dit, qu’il est absolument défendu aux turcs de toucher, ni de piller quoi que ce puisse être dans le temps du combat. Cela est si exactement observé, qu’on regarderait un soldat turc qui s’amuserait au pillage comme le plus infâme & le plus indigne des hommes, & ils le laissent faire aux esclaves & aux maures.
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