ARRIVEE DES COLONS
Les colons quittèrent Paris le 19 novembre 1848. Comme ceux d’El-Affroun, partis un peu moins d’un mois avant eux, ils furent l'objet de manifestations de sympathie qui les accompagnèrent tout au long de leur voyage par les canaux (jusqu'à Châlons-sur-Marne) et le Rhône (jusqu'à Arles ). Les discours promettaient " un pays au climat sain, aux plaines immenses et fertiles, au sol vierge ; la fortune et le bonheur ".
Bien qu’à cette époque, le peuple s'accommodât d'une vie fruste, les conditions matérielles du voyage étaient déplorables. Les colons et leur famille voyageaient dans des bateaux plats non aménagés, avec leur mobilier, le plus souvent réduit à des matelas et des paillasses et quelques hardes. On entassait 600 personnes et plus dans des chalands de 30 m sur 6 m. La promiscuité était totale : pas de cabines, pas de séparations. Pour se changer les femmes faisaient tenir des draps par leurs compagnes. Le voyage était très lent. Aux écluses, aux arrêts nocturnes, les hommes descendaient à terre et buvaient : les pécules fondaient.
En raison des difficultés d'acheminement par terre, après une escale à Alger, les colons furent dirigés sur Cherchell. De là, cinq convois les amenèrent vers Marengo. Le premier quitta Cherchell le 19 décembre 1848 à 8 heures, avec bagages et bétail, par un temps magnifique et arriva le soir même à Marengo. Les hommes allaient à pied, les femmes et les enfants sur des prolonges. Performance méritoire, si l'on songe que le voyage avait lieu par des pistes semées de fondrières, que les oueds étaient passés à gué, que les prolonges n'avaient pas de ressorts, que le bétail devait suivre et que le trajet représentait une trentaine de kilomètres. Ajoutez à cela que les enfants étaient presque tous atteints d'affections intestinales dues au régime alimentaire de ce mois de voyage.
La nuit, les arrivants, la tête encore pleine de promesses faites, tombèrent de haut. Pas de trace de maisons.
En tout et pour tout, deux baraques où s'empilèrent pêle-mêle femmes et enfants, les hommes sous la tente, tous sur des paillasses ou des jonchées de diss ou de palmier nain. Plus d’une et plus d’un, ce soir-là, dut chercher le sommeil, l'amertume au cœur,en écoutant la rumeur assourdie du camp, les jappements des chacals et les hurlements ricaneurs des hyènes.
Le dernier convoi arriva à Marengo le 30 janvier 1849. Pour eux, le voyage avait duré 73 jours !
L'ASSISE DU VILLAGE |
Dans une lettre du 28 janvier 1849, le Commandant de la Subdivision de Miliana se plaint au Général commandant la Division de Blida que la plan du village ait été commencé sans que le Directeur ait reçu les instructions du Commandant supérieur de Cherchell. Le Gouverneur général avalisera le 4 février. Il adoptera le tracé et, pensant que le territoire la commune pourra être agrandi ultérieurement, il prévoit 348 lots dont 338 aux colons subventionnés par l'Etat.La Commission des Centres avait fixé l'emplacement du futur village sur la rive droite de l'oued Meurad, à proximité d'une petite source dans le lit de l'oued. Sagement le capitaine de Malglaive déplaça le quadrilatère qui devait enfermer le village de quelques centaines de mètres au sud est. La proximité de l’oued et des marécages de Sidi-Slimane rendait le lieu malsain. L’emplacement était mieux choisi sur un plateau légèrement en pente, facilitant l'écoulement des eaux. Mais cette initiative (heureuse) fut sanctionnée par un blâme. "Il fut mis eux arrêts officiellement pour n’avoir pas suivi les instructions données, mais félicité amicalement et officieusement pour le choix qu'il avait fait d'un emplacement plus salubre" (L-M de Malglaive).Pourtant, le lieu n'était pas des plus sains avec les marais qui l’entouraient.A l'est, les Oueds situés à mi-chemin de Bourkika (future ferme Sauveton), à sec en été, obstrués par la végétation sauvage et leurs propres alluvions étaient transformés en fondrières après les pluies. A l'ouest, les divagations de l’oued Mereirou (0. Nelah) qui venait se jeter dans la plaine transformaient celle-ci en bourbier couvert de ronces et de joncs. Les oueds Bou-Ardoun, Bou-Yaya, Bou-Yersen formaient un vaste marais en amont de leur jonction avec l'oued Bourkika.Mais le lieu le plus insalubre, et qui le restera longtemps, jusqu'à l'entre-deux guerres c'est le lac Halloula envahi sur les parties inondées de joncs, de roseaux, de tamarins, de broussailles. |
LE VILLAGE |
Le plan du village signé par de Malglaive le 29 décembre 1849 est un petit chef-d'oeuvre de précision avec les teintes pastel des lots et des habitations.L'original, à grande échelle, porte les plantations d’arbres, dans le centre et tout le long des rives de l' oued Meurad. Le village est un rectangle de 800 m du nord au sud, 450 de l'est à l'ouest. Les deux rues principales de 12 m de large et les rues secondaires de 6 m se coupent à angle droit.Un fossé de 2,50 m de profondeur et un parapet, qui se révèleront parfaitement inutiles l'entourent, flanqués de bastions en bois aux angles et aux portes. L'église se trouve sur la place centrale, et les bâtiments administratifs autour. De chaque côté des portes, on a prévu un bassin et une fontaine. Les rues principales et les boulevards de la périphérie seront plantés de rangées d'arbres espacés de 6 mètres, ainsi que les rives de l’oued Meurad.Le plan primitif subira quelques modifications de détail, mais la plus importante aura lieu à la suite d’une décision du Gouverneur général en date du 7 décembre 1849. Lorsque le tracé avait été adopté, au début de l’année, l'administration pensait pouvoir agrandir le territoire de la commune. Dans l'impossibilité de réunir d'autres terres, elle décida, par cette instruction, de limiter à 190 le nombre de feux, au moins provisoirement. L’enceinte étant exécutée dans tout son développement, il n’était pas possible de restreindre la superficie. Les rues étaient tracées, certaines maisons construites, selon le tirage au sort. Elles resteront dispersées, sans ordre, dans le village. De plus, au centre, règnera un vaste espace nu qu’on appellera par dérision le désert. Désert bienvenu, puisqu’il permettra d’édifier plus tard la mairie, la salle des fêtes avec son jardin, le groupe scolaire, divers immeubles entourant quatre places dont, en 1927, une deviendra un square, une autre une enceinte avec kiosque pour les fêtes et les concerts. |
LE CONTRAT DE COLONISATION |
D’après le contrat qu'ils avaient signé, les colons devaient recevoir à leur arrivée une maison d'habitation en maçonnerie comprenant 2 pièces de 3,5 m x 5 m dans un lot rural de 20 m sur 30 m, de plus, diverses parcelles de terre dans des zones concentriques au village.
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