Les Chenouis du berbère « Ichenwiyen » population berbère d'Algérie d'environ 30 000 personnes habitent le Mont Chenoua qui surplombe la ville de Tipaza à 70 km d'Alger. Le Mont Chénoua, point culminant du Sahel algérois, est la limite orientale d'une région berbérophone qui s'étale de Bou Ismaïl (40 km à l'ouest d'Alger) jusqu'à Ténès (200 km à l'ouest d'Alger).
"j'ai quitté mon chenoua" :-)
Rachid Taha - Ya Rayah (Live)
Le Mont Chenoua, le mont oublié !
On me dit fou de retourner là-bas Là-bas dans ma montagne bien aimée Ne comprendront-ils donc pas Que demeurer sourd me torture ?
Et pourtant je suis retourné Là-bas dans ma montagne bien aimée Immortelle dans sa force profonde Tranquille adorant les cieux Acceuillant des vents farouches Quii soufflent sur son front l'écho de quelques âmes volées
On me dit fou de retourner là-bas Là-bas dans ma montagne bien aimée Ne sauront-ils donc jamais Que dans son sein Je couve mon nid ?
Le soleil frappait fort, l'orsque qu'enfin l'échine grisâtre du Mont Chenoua apparut la pleine bleue était là, majestueuse berçant ses vagues qui se retiraient en signe de révérences saluant le bienvenu. J'eu l'impression de renaître par cette bouffée d'air marin que venait me présenter la reine des mers... Ma montagne tout lâ-haut m'attendait. Dans mon silence je vivais mon Chenoua brisé... Murmures dans la plainte noyée dans les débris du silence des temples C'est l'âme de l'infant martyre qui revient bercer le crépuscule Il revient frémissant, plus doux que jamais de son printemps envolé... Une grande obscursité couvrit la montagne.
Revenez oh ! souvenirs
Revenez à moi
Comme lorsque nous étions enfants
Comme lorsque pieds nus sur les galets
Nous cherchions les petits coquillages enfouis dans l'eau
Quand nous essayions de nos petites mains
d'attraper les petits poissons
Revenez oh ! souvenirs
Revenez à mloi
Réveiller ce bonheur de la nuit tombante
Quand nous chantions le soir
Les étoiles éparpillées sur nos têtes
Tels des papillons en fête...
Sur ma prairie bleue je reviendrai tu sais Je reviendrai un jour l'orsque mon âge aura blanchi mes cheveux Je reviendrai marcher tout le long de tes rives Comme au temps ou mes jambes me faisaient voler.
''Ô brise vois-tu qui monte vers nous ?
C'est l'ami qui reviens près de nous
Et sur sa colline aimée se courbent les oliviers
Il erre candide sur l'étendue des ruines
Il revient à chaque lune éblouir les Dieux''
La terre a bougé, basculant les entrailles des mers
La mer a grondé une nuit crachant sa solitude
La mer a pleuré sur le Mont chenoua
L'oubli de ceux qui ne sont pas revenus.
S'abreuver de ses coquilles et de son eau salée...
A l'occasion de la saison culturelle "Djazaïr, une Année de l'Algérie en France", Olivier BARROT présente le livre de l'écrivain et romancière algérienne Assia DJEBAR "La Femme sans sépulture". Ce roman est un hommage à Zoulikha, une héroïne de la guerre d'Algérie. Couverture du livre "La femme sans sépulture" avec photo couleur d'un tableau non identifiée.
C’est le sujet de l’heure en France qui découvre stupéfaite l’exode inverse de ses cadres musulmans alors qu’elle déploie des moyens colossaux pour lutter contre l’immigration notamment en provenance du Maghreb.
Las des stigmatisations et des discriminations notamment à l’emploi, beaucoup de cadres musulmans songent à s’expatrier, ou l’ont déjà fait.
Dans un contexte de montée de l’extrême-droite et de libération de la parole raciste, les musulmans sont parfois contraints au choix douloureux de tout quitter pour retourner vers leur pays d’origine comme l’Algérie ou d’autres destinations, comme les pays du Golfe, le Royaume-Uni, le Canada, La Suisse ou l’Allemagne…
Le phénomène n’est pas encore quantifié en France, mais selon les chercheurs Julien Talpin, Olivier Esteves, et Alice Picard qui viennent de publier un livre au titre évocateur « La France tu l’aimes mais tu la quittes », les départs se compteraient en milliers, « voire par dizaines de milliers ».
En attendant les politiques, les médias et les chercheurs français commencent à se pencher sur le phénomène qui fait perdre à la France ses meilleurs cadres musulmans dans un contexte mondial marqué par une compétition entre les pays développés comme le Canada et l’Allemagne pour attirer les compétences afin de répondre aux besoins de leurs économies.
L’occasion pour les langues de se délier. Beaucoup de musulmans qui ont en tête l’idée de changer de pays ou qui sont déjà ailleurs, témoignent, en gardant l’anonymat dans la plupart des cas pour des raisons évidentes.
Farid* était « bien installé » en France grâce à son statut de cadre commercial. Ce qui ne l’a pas empêché de s’exiler en Suisse voisine.
« J’ai décidé de quitter la France durant les élections présidentielles de 2022, à cause des polémiques nauséabondes entre Éric Zemmour, le Rassemblement national, sans parler des Républicains. J’avais l’impression que tous les maux de la France étaient de notre (musulmans) faute », raconte-t-il à TSA.
« La France, tu l’aimes ou tu la quittes ». Cette sentence, prêtée à tort ou à raison à l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, est devenue le slogan des racistes de tout bord en France.
« Quand Sarkozy a dit « La France tu l’aimes ou tu la quittes », j’ai décidé de quitter la France et je ne le regrette pas », confie Lina* à TSA, cadre dans un grand groupe dans un pays voisin de la France. « Je ne pouvais pas rester dans un pays où la stigmatisation des musulmans est le programme électoral d’une partie de la classe politique. C’est insupportable », raconte-t-elle.
L’acharnement d’une partie de la classe politique et de certains médias sur l’islam et les musulmans a fini par déboucher sur une tout autre situation, « la France, tu l’aimes mais tu la quittes ».
C’est d’ailleurs le titre d’un livre qui vient de sortir vendredi en France sur le phénomène de la fuite des cerveaux musulmans. Il s’agit d’une enquête menée par trois sociologues, dont Julien Talpin, à travers un échantillon de 1000 personnes et 140 entretiens approfondis.
Farid s’est installé en Suisse où il a trouvé un travail conforme à ses compétences. En termes d’embauche et d’avancement, il n’y a pas photo avec ce qui se passe en France. La preuve, le cadre d’origine algérienne est passé directeur commercial « en peu de temps » alors qu’en France, dit-il, « c’est effectivement plus difficile pour les personnes issues de l’immigration ».
Farid est parti seul, sans sa femme, qui est aussi cadre dans le domaine pharmaceutique, et son fils. Une année et demi après, il assure qu’il « ne regrette rien ». Bien au contraire. Et c’est pour cela que sa famille s’apprête à le rejoindre « définitivement » dès l’été prochain. Pour cette famille, comme beaucoup d’autres d’origine musulmane, c’est « adieu la France ».
S’il dit se sentir bien en Suisse, c’est que le problème n’est pas dans l’incompatibilité de sa culture musulmane avec les valeurs occidentales, comme on l’entend souvent en France depuis quelques années. La Suisse aussi est de culture occidentale. Cette réalité a été rappelée par le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, dans un récent billet publié dans le journal Le Monde.
Témoignages de cadres musulmans
qui quittent la France
« Il est troublant de constater que les pays accueillant ces exilés français sont majoritairement imprégnés de culture occidentale et majoritairement chrétienne comme la Grande Bretagne », a écrit le recteur, lui-même d’origine algérienne, tout en déplorant « une perte immense pour la France en termes de talents, de compétences et de contributions ».
Farid confirme que le perdant dans cette équation ce ne sont pas les « exilés » qui finissent toujours par trouver mieux ailleurs, mais bien le pays, la France, qu’ils quittent.
« En fait, la France risque de perdre les meilleurs, ceux qui parlent plusieurs langues, ceux qui ont des compétences, et de garder les moins bons. Les compétences optent pour le Canada, les harragas pour l’Espagne et la France », analyse Karim, cadre dans une grande entreprise en France. Soit l’exact inverse de la politique des visas appliquée par la France aux demandeurs maghrébins.
« En tirant dans le tas pour soi-disant réduire l’immigration notamment d’origine musulmane, les extrémistes de tout bord ont fini par cibler tous les musulmans y compris ceux qui sont Français », analyse un chef d’entreprise qui veut rester anonyme. En réalité, le problème de l’extrême-droite en France est l’islam comme le proclame Éric Zemmour.
« L’Islam n’est pas compatible avec la République », répète celui qui est souvent invité sur les plateaux TV pour répandre sa théorie sur le grand remplacement.
Même l’ancien premier ministre Alain Juppé a posé une question similaire, sans être affirmatif comme le polémiste d’extrême-droite.
« Est-ce qu’il y a une forme d’islam qui est compatible avec la République ? Je veux encore le croire. Parce que si la réponse est non à cette question, cela veut dire qu’il y a 4 à 5 millions de Français musulmans qui n’ont pas la place chez nous », a dit cette figure de la droite le 22 octobre sur la radio communautaire Radio J, soit deux semaines après l’éclatement de la guerre à Gaza qui a cristallisé les débats sur la place de l’islam en France .
« Il y a une fuite des cerveaux, on se prive de talents », s’alarme dans le Parisien Mariam Khattab, spécialiste en ressources humaines au cabinet de recrutement Mozaïk RH.
« Les discriminations, le racisme sont à l’origine d’un gigantesque gaspillage humain et de perte de talents », déplore pour sa part sur X, Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste.
Outre ceux rapportés dans l’enquête sociologique qui vient de paraître, de nombreux témoignages sont cités ces derniers jours dans les médias français. Ils sont tous aussi poignants les uns que les autres et décrivent une atmosphère invivable en France.
Antoine Léaument, député LFI, a assuré sur LCP que de nombreux compatriotes qui n’ont pas sa « couleur de peau » viennent le voir pour lui dire ceci : « L’ambiance est tellement nauséabonde que j’ai envie de quitter mon pays ».
Sur RMC, un auditeur a témoigné au téléphone qu’il à dû changer son prénom musulman pour un autre à consonance chrétienne, Grégoire, pour pouvoir le porter sans subir de discriminations dans la société française. « C’est le rapport aux gens qui est insupportable. Si vous voulez évoluer dans le boulot, il ne faut pas être musulman », a-t-il dit.
« On a ce sentiment d’oppression constante », a assuré pour sa part à France Info, Myriam, 25 ans et bac+5 en ressources humaines. La jeune femme dit qu’elle va partir parce qu’elle ne se sent plus à sa place en France. Elle a choisi une destination très lointaine, le Japon, où son voile « ne suscitera pas de réaction ».
Mehdi, 25 ans également et multi diplômé en gestion de patrimoine, assure qu’il ne regarde plus la télévision à cause de ce qu’il entend sur les musulmans et les immigrés à chaque fois qu’il y a un fait divers.
« En France, si vous faites le Ramadan, on vous regarde mal, si vous ne mangez pas de viande de porc, on vous regarde mal, si vous ne buvez pas d’alcool, on vous regarde mal », résume un chef d’entreprise dont les parents sont d’origine algérienne.
*Les prénoms ont été changés
Après avoir visionné cette vidéo, cliquez sur le lien ci-dessous pour écouter des témoignages de musulmans de France et ce sera pire lorsque la peste brune aura, peut-être, pris le pouvoir en 2027 ? Dommage mon médecin traitant décédé était musulman, il m'a suivi médicalement pendant 40 ans de ma vie et je l’aimais bien, mais lui aussi ne supportait plus les haineux islamophobes.
La presse en a fait état, il s’agit d’un phénomène important auquel on assiste. De plus en plus nombreux sont les cadres de confession musulmane mais Français qui quittent notre pays pour s’installer dans des pays voisins, Suisse, Royaume Uni, Allemagne, ou plus lointains, tels le Canada ou les pays du Golfe. A l’origine de leur démarche il y a l’islamophobie qui s’est développée chez nous et le moindre fait divers fait ressurgir une forme de racisme faisant l’amalgame entre islam et terrorisme.
Un ouvrage sur le sujet vient de paraître. Il a pour titre « La France tu l’aimes mais tu la quittes ». Il répond à un slogan de l’extrême droite repris par la droite conventionnelle qui est « La France, tu l’aimes ou tu la quittes ».
Ce sont les conséquences du racisme et de la xénophobie qui se sont développés chez nous. Cela a pu se produire en l’absence d’analyse de ce qui est en cause dans la crise socio-économique insupportable que nous subissons. Le musulman, particulièrement s’il est Maghrébin, est désigné comme bouc émissaire devant le constat que tout va mal.
Les témoignages concordent. Celui qui ne mange pas de porc, ne boit pas d’alcool, fait le ramadan, et pis encore celle qui porte le voile, sont accablés de tous les maux. La laïcité, valeur fondatrice de notre République, n’est nullement respectée et comme les actions terroristes se réclament de l’islam, la confusion est à son comble.
L’impact sur notre économie du départ de ces cadres qui ont un rôle important dans notre société n’est pas négligeable. Cet exil de gens, le plus souvent Français, compétents affaiblit notre pays.
Il me rappelle la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685 par Louis XIV. Elle avait vu l’exode de protestants français en Prusse où ils avaient fait bénéficier le pays d’accueil de leurs compétences professionnelles. Même qu’à la demande de l’ambassadeur de France au roi de Prusse de ce qui ferait plaisir à sa majesté de la part de Louis XIV le souverain prussien avait répondu « Un autre Révocation de l’Edit de Nantes » !
Ainsi l’islamophobie est non seulement un problème humain mais a une incidence sur notre activité dans divers domaines qui conditionnent le fonctionnement de notre société.
Et pourtant ils ont tant donné des deux côtés de la rive. Je pense à un ancien voisin de quartier. Actuellement directeur du laboratoire français de rayonnement synchrotron (lumière émise par des électrons à haute énergie), le Lure (Laboratoire pour l’utilisation du rayonnement électromagnétique) qui regroupe 400 chercheurs, Abderrahmane Tadjeddine, un physicien de carrière, est aussi un homme modeste et simple qui pose un regard généreux sur son pays d’origine. En somme, rien d’étonnant pour ce fils de nomade originaire de El Bayadh (ex Geryville)! Arrivé en France au milieu des années 60 pour y préparer l’Ecole normale, il s’y installe et s’y fraye une carrière de physicien. A sa passion pour la physique, s’ajoute sa passion pour le pays. Un casse-tête ? Non… Avec des collègues algériens, il inventera le trait d’union entre les deux passions. Et c’est une collaboration scientifique entre Algériens et Français qui se construit au fil des ans, dès 1978. Une expérience fabuleuse à faire absolument connaître et à multiplier…
ui ce sera ma conclusion : Si la majorité des Français avaient les valeurs dont disposent Mme Danielle Mérian, les cadres musulmans ne quitteraient pas la France.
Au moment où en France la fachosphère se déchaîne en faisant monter le racisme anti musulmans, cette fachosphère qui a comme maîtres à penser les Le Pen, Ménard et surtout Zemmour, ce dernier songeant à déporter 5 millions de musulmans français, ceci il l’avait écrit en 2014 dans le quotidien italien "Corriere della Sera", le «polémiste» de droite extrême envisageant ainsi une manière radicale de stopper un «grand remplacement» fantasmé… Eh bien je vais vous rappeler une tragédie, d’une part, et une grande dame d’autre part…
« Madame Danielle Mérian, vous êtes la voix de la France que j’aime, vous êtes à des années lumière des Le Pen, Ménard, Zemmour et bien d'autres et de toute la fachosphère »
Michel DANDELOT
Son discours de résilience sur BFMTV a ému de nombreux internautes qui se mobilisent pour lui offrir des fleurs.
Elle était venue apporter des fleurs à proximité du Bataclan en hommage aux victimes des attentats du vendredi 13 novembre 2015. Refusant les amalgames et humanistes, ses mots ont touché de nombreux internautes et spectateurs.
"C’est très important d’apporter des fleurs à nos morts, c'est très important de lire plusieurs fois le livre d'Hemingway Paris est une fête. Nous sommes une civilisation très ancienne et nous porterons au plus haut nos valeurs. […] Nous fraterniserons avec les 5 millions de musulmans qui exercent leur religion librement et gentiment et nous nous battrons contre les 10.000 barbares qui tuent, soi-disant au nom d’Allah", a simplement témoigné Danielle auprès de BFMTV.
Les mots réconfortants de cette avocate parisienne ont été largement partagés sur les réseaux sociaux, accompagnés de mots d'amour même pour certains.
"La petite mamie et ses paroles sur BFM, on en veut des comme ça tous les jours", a tweeté une certaine lili. "J'arrêterai jamais de regarder la vidéo de la mamie interviewée par BFM, elle est si mignonne", a partagé @ImMaureenCrow.
Par micheldandelot1 dans Accueil le 28 Avril 2024 à 07:49
Une Chanson arabe traduite en français sur la nostalgie et les contes d’antan. Contes qu'on se racontait autrefois autour d'un feu, au pied du lit, en famille dans de petite et moyenne communautés. Contes qui véhiculaient des valeurs communes et qui nous liaient les uns aux autres dans quelque chose de plus grand que son petit nombril. Contes et manières de conter qui disparaissent avec la modernité, le fun et l'individualisme triomphant d'une société industrielle et consumériste... Bon Voyage !
la révolution algérienne continue d’inspirer les défenseurs de la justice et les anticolonialistes partout dans le monde. À l’université de Stanford aux États-Unis, le film La Bataille d’Alger a été projeté aux étudiants qui manifestent pour l’arrêt de la guerre à Gaza et du soutien américain à Israël.
Parties il y a plus d’une semaine de l’université de Columbia à New York, les manifestations pro-palestiniennes se sont étendues à de nombreux campus américains.
D’Est en Ouest, de nombreuses universités américaines dont les plus prestigieuses comme Yale, Harvard, Princeton ou encore MIT sont le théâtre de manifestations estudiantines pour dénoncer la guerre à Gaza et le soutien américain à Israël.
Partout dans le pays, les mêmes scènes sont retransmises par les médias du monde entier : des tentes plantées à l’intérieur des campus où des étudiants campent en scandant des slogans hostiles à la guerre à Gaza et en dénonçant l’appui apporté par leur pays à Israël, responsable de la mort de plus de 34000 palestiniens depuis le début de son offensive sur l’enclave palestinienne en octobre dernier.
Le 8 février, six musulmans sont morts dans la répression d’une émeute provoquée par la destruction d’une mosquée à Haldwani, dans le nord de l’Inde. Près de trois mois plus tard, la population musulmane de la ville est encore sous le choc et peine à croire au retour d’une coexistence apaisée avec la majorité hindoue.
C’était normal, avant le 8 février. »
Ce jour-là, les violences ont éclaté à Haldwani, ville d’un million d’habitants de l’État d’Uttarakhand, dans le nord de l’Inde, lorsque des bulldozers ont rasé une mosquée et une école coranique de Banbhoolpura, au prétexte qu’elles auraient été construites illégalement. Indignée, une foule de musulmans jette des pierres sur les engins et leur escorte policière, et incendie une station de police.
Au même moment, une centaine d’hindous de Gandhinagar s’en prennent aux habitations des musulmans de la rue de Nazim Hussain. Un de ses voisins, sorti protéger sa moto et sa camionnette, est tué par balles. Pour réprimer l’émeute, la police décide d’ouvrir le feu sur les musulmans. Cinq d’entre eux tombent sous les balles et une dizaine d’autres sont blessés.
Politique d’éviction
Le père de Mohammad Suhail fait partie de ceux qui ont été mortellement touchés par la police le 8 février. « Il ne participait pas à l’émeute, il était simplement ressorti de la maison avec mon frère pour garer sa voiture, raconte ce mécanicien de 22 ans dans la maison exiguë où il vit avec sa famille sous un toit de tôle. Peu après qu’ils sont sortis, mon frère m’a appelé pour me dire que notre père avait pris une balle dans la tempe droite. Je me suis précipité dehors pour le trouver. Il respirait encore. » Âgé de 53 ans, son père agonisera pendant six jours à l’hôpital avant de succomber à ses blessures le 13 février, à 9 h 13 du matin.
Mohammad Suhail n’est pas le seul à faire état de tirs indiscriminés. « Mon père était sorti acheter du lait pour ma nièce quand quelqu’un m’a téléphoné pour me dire qu’il avait été touché, raconte Mohammad Aman, 21 ans. Quand je l’ai trouvé, il était étendu dans une mare de sang. Je l’ai hissé sur un chariot pour l’emmener à l’hôpital, mais une dizaine de policiers me sont tombés dessus et m’ont frappé. Je les ai suppliés de me laisser emmener mon père, mais ils n’écoutaient pas. Ils m’ont tellement frappé que mes mains étaient enflées. »
Mohammad Aman parviendra à emmener son père à l’hôpital, mais trop tard pour lui sauver la vie. Les obsèques ont lieu le lendemain, alors qu’un couvre-feu drastique vient d’être instauré. Seuls cinq membres de la famille seront autorisés à y assister, sous étroite surveillance policière. À Haldwani, certains mettent en cause la violence des manifestants. « Évidemment que c’est mal de jeter des pierres aux policiers et de brûler une station de police, mais est-ce que c’est juste que seuls les lieux de prière et les maisons des musulmans sont ciblés par les démolitions ? », s’indigne un activiste local, qui préfère rester anonyme par crainte de représailles.
Les musulmans dénoncent fréquemment le fait que les destructions de bâtiments construits sans autorisation, très nombreux en Inde, concernent de façon disproportionnée leur communauté. En 2023 déjà, il s’en était fallu de peu que les autorités ne fassent raser pour ce motif plus de 4 000 logements dans le quartier de Banbhoolpura. La décision avait finalement été suspendue par la Cour suprême.
« Ils sont partis, comme pendant la Partition »
Cette politique d’éviction n’en reste pas moins fermement promue par les autorités locales, sous la houlette de Pushkar Singh Dhami, chef de l’exécutif de l’Uttarakhand. Ce membre de longue date du BJP, le parti nationaliste hindou du premier ministre Narendra Modi, est tout particulièrement engagé dans une campagne visant à détruire les sanctuaires et lieux de culte musulmans construits de façon « non réglementaire », une expression selon lui du « Land Jihad » (« djihad terrestre », en anglais, NDLR) que mèneraient supposément les musulmans dans l’État.
« Quand j’étais jeune, ça ne posait aucun problème d’être musulman, mais maintenant on vit dans la peur », poursuit l’activiste. D’après lui, plus d’une centaine de familles auraient quitté au moins temporairement Haldwani après la levée du couvre-feu. « Ils ont pris ce qu’ils ont pu, et ils sont partis, comme pendant la Partition », dit-il, en référence à la séparation violente de l’Inde et du Pakistan dans la foulée de l’Indépendance en 1947.
« Le gouvernement alimente tout ça, c’est clair qu’ils veulent que ces violences entre communautés aient lieu », affirme Mohammad Suhail, le jeune mécanicien dont le père a été tué. D’après lui, la tension resterait palpable en ville entre musulmans et hindous. « Quand je traverse Gandhinagar pour aller au travail, je vois les hindous me dévisager, je ne me sens pas en sécurité. » La veille de notre entretien, alors qu’il se trouvait à la mosquée, « quatre ou cinq hindous » ont crié vers les fidèles « Jai Shri Ram ! » (« Gloire au Seigneur Ram ! » en hindi), le mot de ralliement des nationalistes hindous, avant de décamper à moto. Du jamais-vu, selon lui, avant le 8 février.
Drapeaux safran contre drapeaux verts
Ces mots-là, Nazim Hussain se souvient les avoir entendus le jour de l’émeute, scandés par la foule, encore et encore, pendant que ses enfants pleuraient, barricadés à l’intérieur de cette maison où il est né. Ce jour de violence marque une cassure pour lui. Alors qu’il avait toujours voulu passer sa vie à Haldwani, il envisage désormais de déménager ailleurs, quelque part où sa famille ne se sentirait pas en danger. « Je ne veux rien dire de mal à propos des hindous », déclare-t-il à l’étage de la maison, dans la chambre aux murs vert pomme où il a installé sa vieille machine à coudre.
Depuis le 8 février, ses clients hindous se font rares. « Pour nous, le problème était avec les autorités, pas avec les hindous. Mais maintenant, la confiance est rompue. » Sur son téléphone, il montre les photos prises l’an dernier à l’occasion de Holi, la fête des couleurs, sur lesquelles on le voit avec un ami hindou de Gandhinagar, hilares et recouverts de poudre colorée. Depuis l’émeute, les deux hommes ne se sont presque pas parlé. Célèbrera-t-il Holi cette année ? Il sourit un instant, avant que son visage ne se ferme. « Nos sentiments sont blessés, dit-il en pointant son index sur son cœur. Il nous faudra du temps pour guérir.
De l’autre côté de la rue, un groupe de garçons hindous joue au cricket. Frappée trop fort, une balle file dans les airs et vient rebondir dans un fracas métallique sur l’auvent de tôle de leurs voisins musulmans, qu’encombrent encore les pierres jetées deux mois plus tôt par les émeutiers. Les femmes sortent, l’air anxieux. La rue qui sépare les deux quartiers ne fait que cinq mètres de large, mais la distance paraît considérable, encore creusée par les drapeaux safran qui se sont multipliés sur les toits et aux fenêtres des maisons de Gandhinagar. Symboles du nationalisme hindou, ils flottent ici depuis l’inauguration en grande pompe en janvier du grand temple d’Ayodhya, dans la région voisine d’Uttar Pradesh.
À l’endroit même où se tenait auparavant une mosquée détruite par des extrémistes hindous en 1992, le premier ministre Narendra Modi y a annoncé « l’avènement d’une nouvelle ère ». Par jeu de miroirs, les musulmans de Banbhoolpura ont hissé des drapeaux verts lorsque a commencé le mois de Ramadan. Les deux quartiers, piqués d’étendards, semblent désormais se toiser comme des citadelles ennemies.
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.
Lundi 22 avril 2024.
Ce lundi, je suis allé au rond-point Nejma, qui veut dire l’étoile en arabe. C’est là qu’on trouve les marchands grossistes. Enfin, quand je dis grossistes, c’est à l’échelle de la ville de Rafah et en temps de guerre. On y trouve par exemple quelques dizaines de cartons de biscuits, ou un carton de mouchoirs en papier qui seront vendus au détail, pour se faire 20 ou 30 shekels (entre 5 et 7 euros) par jour, juste de quoi survivre.
On appelle cela « le business du quotidien », car ces personnes revendent le jour même la marchandise qu’ils ont achetée à un importateur au terminal de Rafah, à la frontière égyptienne. Avant la guerre, à l’époque où Rafah était prospère, le business des grossistes au rond-point Nejma était bien plus important. On venait de toute la bande de Gaza pour y acheter les marchandises qui passaient par les tunnels communiquant avec l’Égypte. Il y avait de tout : des fruits, des légumes, des réfrigérateurs, des téléviseurs… Les Égyptiens fermaient les yeux pour que Gaza, soumise au blocus israélien, puisse respirer. Aujourd’hui les tunnels n’existent plus et les quelques biens qui passent viennent de la frontière terrestre.
« ÇA, C’ÉTAIT LA BELLE ÉPOQUE »
Il y avait du nouveau au rond-point : des fruits — pommes, pastèques, melons — en petites quantités et moins chers que depuis le 7 octobre, mais sans revenir aux prix d’avant. On est passé de vingt fois, à dix fois et parfois cinq fois le prix normal.
rer Chaher Al-Helou, un jeune homme de trente ans, ancien voisin de Gaza-ville. C’était le meilleur producteur de volailles du quartier. Il avait un élevage et une boutique de vente. Chaher était connu pour ses prix raisonnables et pour la qualité de ses produits. Par réflexe, je lui ai posé la question que je posais toujours en entrant dans sa boutique : « C’est combien le kilo aujourd’hui ? » Il m’a regardé derrière ses lunettes, l’air désolé : « Abou Walid1, on ne vend plus de poulets. Ça, c’était la belle époque. Maintenant si tu veux, je vends des biscuits. »
Puis il a ajouté :
On a tout perdu : il n’y a plus de fermes, plus de volailles dans toute la bande de Gaza. Depuis qu’on a quitté Gaza-ville, on ne sait pas si notre maison est toujours là ; la zone a été détruite.
Il avait une maison à Chajaya, mais il est sûr en revanche que la maison de ses parents a été détruite. Déplacé à Rafah, ce jeune homme achète et revend ces cartons de biscuits qui arrivent au terminal via des transporteurs privés, « pour ne pas rester les bras croisés ». Le trentenaire arrive à récolter 25 shekels par jour, juste de quoi donner à manger à sa famille. Il est infiniment triste : « On était éleveurs de volailles de père en fils, je travaillais avec mes frères. Et me voilà avec quelques cartons de biscuits au rond-point Nejma. » Il a pu quitter Gaza-ville avec quelques économies et financer ce petit commerce.
J’ai voulu lui remonter le moral en lui disant qu’il pourrait revenir chez lui après la guerre. Mais il lui faut six mois pour relancer la production, plus quarante jours pour recommencer le cycle œuf-poulet. Chaher m’a dit aussi : « On a toujours recommencé : après la guerre de 2009, après celle de 2014… Mais là, c’est le pire du pire. Je crois qu’on ne va pas recommencer. » Lui et sa famille ne savent pas du tout ce qu’ils vont faire.
DES FRAISES EXCEPTIONNELLES
C’est toute l’industrie de l’alimentaire à Gaza qui est par terre. La situation avant le 7 octobre était complexe. Malgré le blocus, une zone industrielle d’environ 55 000 mètres carrés fonctionnait à côté du terminal de Karni, à l’est de la ville de Gaza, grâce à la compagnie Piedico. Les garanties des Israéliens permettaient à des donateurs européens d’investir. Il y avait une petite industrie de plastique, de meubles, de textiles et de produits laitiers, avec un grand homme d’affaires palestinien, Khaled Al-Wadiya.
Il y avait aussi de la production de boissons gazeuses, de jus de fruits, etc. C’était à l’est de la ville de Gaza, à côté de la frontière. Cette zone avait été fermée en 2007 après la prise du pouvoir par le Hamas, puis l’activité y a repris en 2018. Elle exportait en Israël, en Cisjordanie et même en Jordanie et à d’autres pays. Il y avait aussi des exportations de produits agricoles, comme les fraises – la fraise de Gaza était célèbre2.
Maintenant il n’y a plus d’exportation, il n’y a plus rien. Chaher dit que la majorité des industriels sont partis pour investir ailleurs. Beaucoup de Gazaouis ont perdu leur emploi. Khaled Al-Wadiya a perdu dix millions de shekels quand l’électricité a été coupée. Il est parti en Jordanie, et il ne veut plus revenir à Gaza.
Car tout le monde a bien compris la leçon : les Israéliens ne veulent plus d’industrie dans la bande de Gaza. Ils ont détruit tout ce qui ressemblait à un atelier ou à une usine. C’est toute l’histoire industrielle de Gaza qui se termine. Cela peut paraître surprenant, mais il y avait une tradition de production dans la bande de Gaza, qui remonte loin. Prenons l’industrie du textile par exemple : pendant des années, des dizaines d’ateliers cousaient pour l’industrie israélienne du vêtement. De Gaza sortaient des pièces griffées Levi’s ou Nike. Les Israéliens fournissaient les tissus, les Gazaouis maniaient la machine à coudre. Cette collaboration s’était arrêtée, puis avait repris dans la zone industrielle de Karni.
L’armée israélienne a détruit le système santé et le système d’éducation. Elle a aussi anéanti le troisième pilier de tout État : l’économie et le système de production. Je ne parle pas des gens qui profitent de la guerre pour se faire beaucoup d’argent. Depuis le retour de l’Autorité palestinienne (AP) et même avant, pendant l’occupation, il y avait des industriels qui faisaient quelque chose pour leur pays, qui créaient des emplois. Tout cela est parti en fumée. Cette fois, il n’y aura plus personne pour investir à Gaza.
Je me rappelle très bien qu’au retour de Yasser Arafat et l’installation de l’AP à Gaza en 1994, l’économie avait fait un bond. Des hommes d’affaires étrangers étaient venus ici pour faire du business. Maintenant tout le monde fuit, à commencer par les Palestiniens. Des centaines de petits entrepreneurs sont devenus des marchands ambulants, comme Chaher Al-Helou, l’éleveur de poulets qui essaie de gagner entre 20 et 100 shekels (entre 5 et 25 euros) par jour au rond-point Nejma.
Et on ose dire que les Israéliens ne veulent pas pousser les Gazaouis à émigrer…
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.
26 février 2024. Des Palestiniens se rassemblent au bord de la mer Méditerranée à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
AFP
Mercredi 24 avril 2024.
Aujourd’hui, il faisait à peu près 36 degrés. En rentrant des courses, j’ai annoncé à famille qu’on allait à la plage. Ça les a un peu étonnés parce qu’on sait que c’est un endroit risqué, les navires de guerre israéliens tirent régulièrement. Je savais qu’on ne serait pas les seuls, vu la température. Beaucoup de gens vont à la plage car la chaleur est insupportable sous les tentes.
On aurait pu croire en arrivant que c’était une journée d’été ordinaire à Gaza : il y avait beaucoup de monde sur la plage comme avant la guerre, des enfants construisaient des châteaux de sable ou fabriquaient des cerfs-volants aux couleurs du drapeau palestinien. À cette différence près : pour voir la mer, il fallait descendre de la corniche envahie par les tentes des déplacés.
ON OUBLIAIT TOUT
Beaucoup de femmes étaient là pour laver le linge, parce qu’il n’y a pas d’eau. C’est vrai que l’eau de mer ne lave pas bien à cause du sel, mais elles n’ont pas le choix. Il y avait des marchands ambulants qui vendaient des petits gâteaux pour les enfants, d’autres qui faisaient du pain chaud et des feuilletés au fromage avec des fours en argile qu’ils avaient transportés jusque-là. Ils avaient du bois pour allumer le feu. Certains vendaient des vêtements d’occasion usés pour femmes ou pour enfants.
rière, parce qu’elles n’ont plus que ça. C’est une espèce de voile qui couvre tout le corps. Beaucoup d’entre elles n’avaient plus de chaussures. Chez nous, il n’y a plus ni tongs ni pantoufles, ou alors elles sont abîmées, déchirées. On voit aussi des gens qui ont des paires de chaussures dépareillées. Mais à la plage, on oublie tout cela.
Pour la première fois, Walid était très content. Avant, il avait peur des vagues. Mais cette fois, il s’est baigné avec ses frères. On a construit des châteaux de sable. C’était la première fois qu’il prenait conscience de la plage, de la mer, des châteaux.
Heureusement qu’il y a la mer à Gaza. C’est vrai qu’on vit dans une prison à ciel ouvert. Mais même dans les pires conditions, il y a cette petite fenêtre. Je regardais les gens heureux de se baigner, le sourire des enfants. On oubliait tout, la misère, l’humiliation, les tentes, les bombardements, les massacres… Et de voir les gens s’amuser comme si de rien n’était m’a fait d’autant plus plaisir que cela n’a pas plu, je le sais, ni à Benyamin Nétanyahou, ni aux Israéliens en général.
MAHMOUD CÉLÈBRERA SON MARIAGE SUR LES DÉCOMBRES DE SA MAISON
Nétanyahou a dit au ministre des affaires étrangères allemand qu’il n’y avait pas de misère à Gaza puisque les gens s’amusaient à la plage. Les Israéliens veulent que la population de Gaza reste toujours dans la misère et sous les bombes. Ils n’arrivent pas à comprendre que malgré toutes ces années d’occupation depuis 1948, malgré le blocus, malgré les incursions militaires et les bombes, nous sommes un peuple qui aime la vie et qui veut toujours vivre, même si la mort est le prix à payer. Ils croient que nous sommes un peuple qui recherche la mort, mais nous sommes un peuple qui recherche la vie.
On a pris des risques pour aller à la plage parce qu’on aime la vie. On a continué à célébrer des mariages sous les tentes de fortune, parce qu’on aime la vie. Mahmoud le frère de Sabah, ma femme, devait se marier le 3 novembre. Le mariage avait été reporté. Maintenant, après la mort de son papa, il a pris la décision de se marier en mémoire de son père qui voulait voir ce jour. Il célèbrera son mariage sur les décombres de sa maison.
Nous risquons notre vie parce que nous aimons la vie. Nous allons chercher des sacs de farine en sachant qu’on risque d’être bombardés. Nous allons à la plage parce que nous aimons la vie, même si l’on sait très bien que les navires israéliens peuvent nous tirer dessus, comme c’est arrivé plusieurs fois. On veut rester à Gaza, on ne veut pas quitter cet endroit parce qu’on aime la vie.
Mahmoud Darwich l’a bien dit :
Nous aimons la vie autant que possible Là où nous résidons, nous semons des plantes luxuriantes et nous récoltons des tués Nous soufflons dans la flûte la couleur du lointain, lointain, et nous dessinons un hennissement sur la poussière du passage Nous écrivons nos noms pierre par pierre. Ô éclair, éclaire pour nous la nuit, éclaire un peu Nous aimons la vie autant que possible
On voyait très nettement les navires israéliens à quelques milles nautiques de la plage de Rafah. On entendait les bombardements des F-16, surtout du côté de Nusseirat et de Deir El-Balah. Mais ce moment à la mer nous a fait oublier tout ce bruit de tonnerre et de mort.
L’ÂNE « PLUS FIDÈLE QUE LES HUMAINS »
Je voulais parler de ça parce que tout le monde croit que Gaza, c’est juste la mort et la destruction. Malgré toutes les années de blocus, on a continué à vivre, on a fait des fêtes, on a fait des mariages, on est allé à la plage, on y a fait des barbecues et des fêtes.
On rentre de la plage à pied, ou à bord d’une charrette tirée par un cheval ou un âne, comme les gens les plus pauvres en utilisent à Gaza ; parfois la charrette est attelée à une voiture. Il y a aussi le bus bondé où les gens s’entassent les uns sur les autres. Nous avons eu la chance de trouver une charrette tirée par un âne. Cela m’a rappelé le jour où l’on a quitté la ville de Gaza : Walid et ma femme étaient montés pour la première fois sur une charrette, avec l’humiliation d’être chassé de chez soi.
Mais aujourd’hui, à bord de cette charrette, nous étions heureux. Nous venions de passer un très beau moment à la plage qui nous avait rappelé la belle époque où l’on s’amusait tout le temps, où l’on pouvait faire la fête sans risquer la mort, sans crainte de bombardements. L’homme qui conduisait la charrette disait qu’on était un peuple qui n’a pas peur de la mort, et que même si tout le monde parle d’une prochaine incursion militaire israélienne à Rafah, les gens continuent de vivre. Il a ajouté : « Soit nous avons perdu le sens de la peur, soit nous fuyons la peur pour rechercher un moment de joie. » C’est vrai : nous fuyons la peur pour chercher la joie, oublier tout ce qui se passe autour de nous. Nous sommes un peuple qui a toujours su s’adapter au pire. Ce n’est pas forcément quelque chose de positif, c’est vrai. S’adapter au pire, c’est aussi ne pas se révolter et accepter tout ce qu’on vous fait subir.
J’ai demandé à notre chauffeur : « Et toi, tu es prêt s’ils entrent à Rafah ? » Il m’a répondu :
Moi, je suis un déplacé du nord de la bande de Gaza. Ma famille et moi sommes arrivés ici à bord de cette charrette. Nous avons été les premiers touchés à Beit Hanoun1. Nous avons été déplacés plusieurs fois, au début c’était à Deir Al-Balah, puis Khan Younès et nous avons fini à Rafah. Cette fois-ci c’est pareil. On s’installera là où ils nous diront de s’installer. À Mawassi, au bord de la mer ? À Nusseirat, au centre de la bande de Gaza ? Je ne sais pas si l’on va rester en vie — ce serait tant mieux — ou si l’on va mourir. On a déjà affronté la mort plusieurs fois.
Quand il parlait de son âne, il disait :
Il est plus fidèle que les humains. Il a transporté des blessés et des morts au risque de se faire tuer, surtout au début de l’offensive, quand on était pris pour cible. Il n’y avait plus d’ambulances, ni de secouristes.
J’ai aimé cette ironie, sa façon de parler de cet animal plus fidèle que les êtres humains, ça m’a vraiment, vraiment touché. Malgré la violence de la guerre, cet âne n’a pas fui. Au contraire, il était là quand il fallait, comme un vrai ami, pour aider les gens. Ces mots sont restés gravés dans ma tête : nous sommes abandonnés par le monde entier qui nous regarde nous faire massacrer, pourtant cet animal, lui, ne nous a pas abandonnés.
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