Deux ans après les faits, Joseph Biggs a reçu la deuxième peine la plus lourde dans ce dossier judiciaire.
Norm Pattis, avocat de Proud Boy Joseph Biggs, quitte le tribunal de district des États-Unis après que le jury a rendu son verdict dans le procès de conspiration des Proud Boys.
Un des dirigeants du groupe d’extrême droite américain Proud Boys a été condamné jeudi à 17 ans de prison pour son rôle dans l’assaut contre le Capitole, siège du Congrès, le 6 janvier 2021 à Washington.
Les procureurs avaient réclamé 33 ans de prison contre Joseph Biggs, ancien militaire qui a servi en Irak et en Afghanistan et a conduit quelque 200 membres des Proud Boys au Capitole, sanctuaire de la démocratie américaine, pour tenter d’y empêcher la certification de la victoire du démocrate Joe Biden sur le président républicain sortant Donald Trump. Il s’agit de la deuxième peine la plus lourde prononcée par la justice américaine dans ce dossier.
L’ancien président des États-Unis Donald Trump sera jugé à partir du 4 mars 2024. Il est accusé d’avoir tenté d’inverser le résultat de l’élection de 2020, qu’il a perdue. Ce procès aura lieu en pleine campagne dans laquelle le magnat de l’immobilier est favori.
L’ex-président américain Donald Trump sera jugé à partir du 4 mars 2024 par un tribunal fédéral à Washington pour ses tentatives d’inverser le résultat de l’élection de 2020, en pleine campagne pour reprendre la Maison-Blanche.
La juge Tanya Chutkan, qui présidera les débats, a tranché lundi sur cette date lors d’une audience consacrée aux propositions des deux parties.
Le procureur spécial Jack Smith souhaitait que le procès de Donald Trump à Washington débute le 2 janvier 2024, un délai trop court selon elle pour lui permettre de se préparer, tandis que la défense réclamait une échéance lointaine, en avril, « bien au-delà de ce qui est nécessaire », selon la juge.
Cette date n’a aucun caractère hâtif, a ajouté la magistrate, soulignant que le procès s’ouvrirait exactement trois ans, deux mois et six jours après le 6 janvier 2021. Elle faisait référence à l’assaut du Capitole, siège du Congrès, par des centaines de partisans de Donald Trump chauffés à blanc pour y empêcher la certification de la victoire de son adversaire démocrate Joe Biden.
Il s’agira donc du premier procès au pénal pour le favori des primaires républicaines, qui doit également être jugé à partir de fin mars 2024 dans l’État de New York pour des paiements suspects à une ancienne actrice de films X, en mai 2024 par un tribunal de Floride (sud-est) pour sa gestion négligente de documents confidentiels après son départ de la Maison-Blanche.
La date de son procès dans une quatrième affaire, celle de pressions électorale en Géorgie en 2020, inculpation qui lui a valu la semaine dernière sa prise de photo d’identité judiciaire, un cliché déjà historique pour un ancien président, n’a pas encore été fixée.
« Crimes historiques »
Sans surprise, la juge Chutkan a balayé la plupart des arguments de la défense qui réclamait deux ans et demi, soit l’équivalent de la durée de l’enquête, pour examiner les documents de l’accusation.
L’avocat de Donald Trump, John Lauro, s’est indigné avec véhémence contre la proposition de date de l’accusation, en janvier 2024. « Vous demandez un procès spectacle, pas un procès rapide », a-t-il lancé à l’audience. « Vous n’allez pas avoir deux ans de plus, cette affaire ne sera pas jugée en 2026 », a-t-elle déclaré lundi.
Pour l’accusation, la procureure Molly Gaston a invoqué « l’intérêt public extraordinaire pour un procès rapide », compte tenu du fait que « le prévenu est accusé de crimes historiques » pour un président en exercice au moment des faits.
La juge avait déjà mis en garde Donald Trump contre toute « déclaration incendiaire susceptible de polluer la sélection du jury », qui ne pourrait qu’encourager la magistrate à fixer une date rapprochée pour le procès.
« Crapule »
Cela n’a pas empêché le milliardaire républicain d’accuser sans preuves lundi le président Biden d’être responsable de ses inculpations, qualifiant à nouveau le dirigeant démocrate de « crapule ». Les deux hommes pourraient une nouvelle fois être opposés lors de la présidentielle de novembre 2024.
Il n’était pas clair dans l’immédiat quelles conséquences cette nouvelle date pourrait avoir sur le calendrier judiciaire chargé de Donald Trump, bien que la juge Chutkan ait indiqué avoir avisé de sa décision sa collègue en charge du procès à New York.
« Je suppose que les quatre juges en charge de ces dossiers ont tenté de coordonner l’ordre des procès et que les procureurs de New York et de Géorgie reporteront les leurs par déférence pour les affaires fédérales », avait expliqué avant l’audience Carl Tobias, professeur de droit à l’université de Richmond.
Pour Whit Ayres, un consultant politique républicain, un acquittement de Trump à son premier procès à venir, quel qu’il soit, contribuerait à rendre son avance dans les primaires républicaines irréversible. « Je ne vois pas comment il serait possible de l’arrêter » dans sa course à l’investiture, a-t-il dit dans une interview en ligne. « Mais s’il est condamné pour une accusation grave, je ne sais pas comment les gens réagiraient », a-t-il poursuivi, « parce que nous n’avons jamais connu de situation qui ressemble de près ou de loin à celle-ci ».
Des manifestes laissés par le tireur, qui était âgé d’une vingtaine d’années et blanc, détaillent sa « répugnante idéologie de haine », selon le shérif local. Trois personnes sont mortes dans la fusillade.
Le tireur qui a ouvert le feu et tué trois personnes noires samedi 26 août dans un magasin de Jacksonville, en Floride, avant de se suicider, était motivé par la « haine » raciale, a annoncé le shérif local.
« Il a visé un certain groupe, et ce sont les Noirs », a affirmé lors d’une conférence de presse le shérif TK Waters, estimant que le motif racial était « très clair ». Des manifestes laissés par le tireur, qui était âgé d’une vingtaine d’années et blanc, détaillent sa « répugnante idéologie de haine », selon TK Waters. Des croix gammées ont été dessinées à la main sur au moins une de ses armes, a-t-il dit.
« Il a agi complètement seul »
Le tireur, équipé d’une veste tactique et armé d’un fusil d’assaut ainsi que d’un pistolet, a fait feu dans un magasin Dollar General, a précisé le shérif, expliquant que deux hommes et une femme avaient perdu la vie. « Nous savons qu’il a agi complètement seul », a assuré TK Waters.
Le FBI enquêtera sur les faits en tant que crime de haine, a affirmé l’agent Sherri Onks. La fusillade a eu lieu près de l’université Edward Waters, historiquement fréquentée par des étudiants noirs.
Un officier de sécurité du campus avait repéré un homme « non identifié » près de la bibliothèque universitaire, et lui avait « demandé de partir », a expliqué l’établissement dans un communiqué. Cet homme, qui s’est avéré ensuite être le tireur, avait quitté les lieux « sans incident ».
« Pourriture »
Le gouverneur de la Floride Ron DeSantis, en lice pour l’investiture républicaine en vue de la présidentielle de 2024, a parlé d’un crime « horrible » et qualifié l’auteur de « pourriture », tout en affirmant lui aussi que le tireur avait choisi ses victimes en se « basant sur la race ». « C’est totalement inacceptable », a-t-il ajouté. « Ce type s’est suicidé plutôt que (…) d’assumer la responsabilité de ses actes, et donc il a choisi la voie de la lâcheté », a encore lancé le gouverneur.
Les Etats-Unis comptent davantage d’armes individuelles que d’habitants, en raison notamment de la facilité avec laquelle les Américains y ont accès. Un adulte sur trois possède au moins une arme et près d’un adulte sur deux vit dans un foyer où se trouve une arme. La conséquence de cette prolifération est un taux très élevé de décès par arme à feu aux Etats-Unis, sans comparaison avec celui des autres pays développés.
Plusieurs autres fusillades ont eu lieu en fin de semaine dans le pays. Plus tôt samedi, au moins sept personnes ont été hospitalisées après des coups de feu lors d’un festival caribéen à Boston (nord-est), selon la police. La veille, deux femmes ont été blessées par balle à Chicago (nord) alors qu’elles assistaient à un match des White Sox, équipe de la Ligue majeure de baseball nord-américaine.
Et dans la nuit de vendredi, une dispute en marge d’un match de football américain lycéen dans l’Oklahoma (centre) a dégénéré, faisant une victime de 16 ans tuée par balle ainsi que quatre blessés, selon la police locale.
Le président américain Joe Biden a reçu un briefing sur les événements de Jacksonville et sur les autres fusillades qui ont eu lieu dans les 24 heures, a déclaré la Maison Blanche.
Le 28 août 1963, Martin Luther King partageait son rêve d’un pays sans racisme dans son célèbre discours « Je fais un rêve », prononcé à l’issue de la Marche sur Washington. Soixante ans plus tard, alors que la communauté afro-américaine estime qu’il reste du chemin pour l’exaucer, une nouvelle marche a lieu ce samedi 26 août dans la capitale fédérale.
La chaleur de plomb, la foule, le silence… Gwen Day-Fuller se souvient de ce 28 août 1963 comme si c’était hier. Cette enseignante afro-américaine à la retraite avait 19 ans quand elle a participé, avec 250 000 autres personnes, à la « Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté », un grand rassemblement pour l’égalité raciale organisé par plusieurs groupes de défense des droits civiques.
Le point d’orgue de l’événement fut le discours « Je fais un rêve » du pasteur Martin Luther King Jr. Au pied de la fameuse statue d’Abraham Lincoln, le président qui mit fin à l’esclavage, il invita les participants à imaginer une nation débarrassée du racisme et de la ségrégation.
« Nous avions le sentiment que le changement était possible », se remémore Gwen Day-Fuller. Soixante ans plus tard, elle se montre plus mesurée. « Il y a eu des progrès évidents, mais on ne peut pas nier les régressions, estime-t-elle. Ce n’est pas le moment de se relâcher. »
Plombés par l’héritage de l’esclavage
Le « rêve » de « MLK » et de ses alliés est encore loin d’être réalité. Malgré l’examen de conscience déclenché par le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd en 2020, les cas de violences policières contre les minorités continuent d’entacher l’actualité. Plombés par l’héritage de l’esclavage, les ménages afro-américains ont un patrimoine sept fois inférieur à celui des ménages blancs, d’après une étude de 2019.
Dans le sillage de la victoire de Joe Biden en 2020, plusieurs États dirigés par le Parti républicain ont instauré des mesures de lutte contre la fraude électorale accusées de rendre plus difficile la participation des Noirs, un électorat traditionnellement démocrate.
Et en juin dernier, les militants ont connu un nouveau revers : la Cour suprême à majorité conservatrice a décidé de mettre un terme à l’« affirmative action », cette politique héritée du mouvement des droits civiques qui autorisait les universités à utiliser le critère racial ou ethnique pour sélectionner leurs futurs étudiants.
Deux populations qui ne vivent pas dans le même monde
Les Américains mesurent qu’il reste du chemin. D’après l’Institut Pew, 52 % estiment qu’en soixante ans le pays a fait « beaucoup » ou « une quantité honnête » de progrès dans le domaine de l’égalité raciale. Mais seuls 30 % des sondés noirs le pensent, contre 58 % des blancs. Signe que ces deux populations ne vivent pas dans le même monde.
«C’est fatigant. On a l’impression de devoir se battre encore et toujours, même si la ségrégation n’est plus légale », souffle Star, une touriste afro-américaine rencontrée au Mémorial de Martin Luther King Jr. à Washington. «On revient aux années 1960 : une période fragile, où les avancées d’hier sont remises en question », estime son amie, Trudy. Cette décennie turbulente avait vu l’interdiction des discriminations grâce à une série de lois nationales majeures, mais aussi l’assassinat de Martin Luther King, en 1968.
« Être dans l’action ! »
Afro-Américaine résidant en Floride, Trudy vit ces dynamiques aux premières loges. Le gouverneur républicain de l’État, Ron DeSantis, candidat aux primaires de son parti pour la présidentielle de 2024, a récemment défendu une nouvelle norme scolaire qui oblige les écoles locales à enseigner que les esclaves ont bénéficié de leur asservissement car il leur a permis d’acquérir des « compétences ».
« J’aimerais beaucoup que les républicains m’invitent à parler de l’héritage de Martin », confie Clarence Jones. À 92 ans, il fut l’avocat et la plume des discours de l’icône des droits civiques – il a notamment signé le début de « Je fais un rêve ». « On doit arrêter de se plaindre des difficultés que nous rencontrons. Il faut s’inscrire sur les listes électorales et voter ! Être dans l’action ! »
Samedi 26 août, il participera à un rassemblement à Washington en présence de la famille du pasteur pour marquer les 60 ans du rendez-vous historique. Plusieurs milliers de personnes sont attendues à cet événement. Avec un mot d’ordre : « La marche continue. »
Mise en place dans les années 1960, la politique d’« affirmative action » vise à favoriser l’insertion d’étudiants afro-américains ou latinos dans les universités, en prenant en compte l’origine raciale ou ethnique dans les admissions.
Il s’agit de favoriser les minorités et la diversité ainsi que de «corriger une tradition nationale de discrimination »,selon la juge Ketanji Brown Jackson, première femme noire à la Cour suprême, nommée en 2022 par le président Joe Biden.
Cette politique a des résultats plutôt décevants. En 2017, indique le New York Times, la proportion d’étudiants noirs en première année dans les établissements d’élite n’est que de 6 %.
Le 29 juin 2023, à six voix contre trois, la Cour suprême américaine révoque cette disposition, jugeant inconstitutionnelle l’utilisation du critère de la race.
lexis Buisson, envoyé spécial à Washington (États-Unis),
Elle a tenu les États-Unis en haleine jusque tard dans la nuit avant de présenter devant les caméras la nouvelle inculpation de Donald Trump. Fani Willis, la procureure qui a enquêté sur les tentatives de manipulation de la présidentielle de 2020 dans l’État de Géorgie, est décrite comme stricte et ambitieuse, un bourreau de travail qui « refuse l’échec ».
Fani Willis, procureure du comté de Fulton en Géorgie, a enquêté sur Donald Trump pendant deux ans avant de l’inculper le 14 août 2023.
ÉTATS-UNIS - Et de quatre. L’ex-président américain, qui prend de nouveau part à la course à la Maison Blanche Donald Trump a été inculpé lundi 14 août pour une tentative de manipulation du résultat de l’élection présidentielle de 2020 dans l’État de Géorgie. C’est la quatrième fois en six mois que le milliardaire est mis en examen.
Sans surprise, Donald Trump s’en est immédiatement pris à la procureure Fani Willis, qui dirige l’enquête, la traitant de « partisane enragée » au service des intérêts de Joe Biden, candidat à sa réélection après avoir déjà vaincu Trump il y a 3 ans. « Willis a stratégiquement ralenti son enquête pour interférer au maximum avec la course à la présidentielle de 2024 et nuire à la campagne Trump », a dénoncé le milliardaire.
La procureure, habituée aux insultes du magnat de l’immobilier, a répondu qu’elle prenait ses décisions en se basant « sur les faits et la loi ». « La loi est complètement impartiale », a assuré Fani Willis. Mais qui est cette femme sous le feu des projecteurs et qui ne compte pas se laisser intimider par Donald Trump ?
Un père Black Panther
Fani Willis est née en 1971 à Inglewood, près de Los Angeles, en Californie, mais a été élevée dans la capitale Washington D.C. Son père, John Floyd, est un ancien membre des Black Panthers – un groupe d’extrême gauche qui prônait la libération afro-américaine – et aurait contribué à la création du Black Panther Political Party, d’après le média canadien La Presse.
Avocat pénaliste, John Floyd a souvent emmené la petite Fani (qui signifie « prospérité » en swahili) à la Cour supérieure du district de Columbia, raconte le Washington Post. C’est en accompagnant son père et en l’aidant à classer ses dossiers que Fani Willis a trouvé sa voie et décidé de suivre des études de droit. D’abord à Howard University, surnommée la « Harvard noire » à partir de 1992, puis à la Emory School of Law en 1996.
Après plusieurs années de pratique du droit dans le privé, elle décide en 2001 de rejoindre le parquet du comté de Fulton, qui comprend Atlanta, la capitale de l’État de Géorgie. Elle a notamment traité de nombreux dossiers de meurtres, mais aussi conduit une affaire sur un énorme scandale de tricherie organisée par des professeurs dans les années 2010.
C’est aussi elle qui poursuit les célèbres rappeurs d’Atlanta Young Thug et Gunna en vertu de la loi dite « Rico », un texte généralement utilisé contre la mafia et les gangs. C’est d’ailleurs à nouveau sur cette législation visant la délinquance en bande organisée que s’est appuyée Fani Willis pour inculper Donald Trump.
« Elle est un pitbull »
Depuis, sa réputation n’est plus à faire. « C’est un pitbull », a déclaré au Washington PostVince Velazquez, un policier d’Atlanta qui a travaillé avec Fani Willis avant qu’elle ne devienne procureure. Etil ajoute : « Si j’avais commis un crime, je ne voudrais pas être poursuivie par Fani Willis. »
En 2020, elle décide de se lancer dans la course, sous l’étiquette démocrate, pour se faire élire procureure du comté de Fulton et remplacer de Paul Howard, lui aussi démocrate, en poste depuis 1997. Le 4 janvier 2021, elle déclare à l’Atlanta Magazine : « Dans mon esprit, je n’allais jamais me lancer face au procureur en place… Mais les appels sont devenus de plus en plus forts… Et j’ai juste fait ce pour quoi Dieu m’avait appelée. »
Fani Willis l’emporte largement face à son patron et ancien mentor avec près de trois quarts des votes et 40 000 voix d’avance, et devient la première femme à occuper ce poste.
Le 2 janvier 2021, Donald Trump appelle le républicain Brad Raffensperger pour lui demander de « trouver » les quelque 12 000 voix qui lui manquent pour renverser le résultat de l’élection présidentielle en Géorgie, État remporté par Joe Biden. Fani Willis est chargée de mener l’enquête qui résulte de cette manipulation et qui aboutira, donc, à l’inculpation de l’ancien président et de 18 autres personnes. En attendant un procès qui pourrait être dévastateur pour l’avenir de l’ancien chef de l’État.
L’ancien président a été placé brièvement en état d’arrestation dans une prison de Géorgie pour ses pressions électorales en 2020 dans cet Etat américain. Il est ressorti après un passage éclair, moyennant le versement d’une caution de 200 000 dollars.
Donald Trump est arrivé, jeudi 24 août, à une prison d’Atlanta pour se rendre aux autorités de l’Etat américain de Géorgie, qui l’ont inculpé de tentative de manipulation de la présidentielle de 2020. L’ancien président américain a été placé brièvement en état d’arrestation pour ses pressions électorales en 2020 dans cet Etat de l’est des Etats-Unis, selon un document du bureau du shérif.
Il a été mesuré et pesé, et doit ensuite être libéré sous caution, mais l’événement promet d’être l’une de ces séquences historiques qui tiennent le pays en haleine : après y avoir échappé lors de ses trois précédentes inculpations pénales, il risque cette fois de ne pas couper à l’infamant rituel de la photo d’identité judiciaire, ou « mugshot », une première pour un ancien locataire de la Maison Blanche. Cette photo d’identité judiciaire devrait aussi être rendue publique.
« Encore un triste jour en Amérique », avait-il dénoncé sur sa plate-forme Truth Social peu avant son départ pour cet Etat, frontalier de la Floride. Il avait qu’il se constituerait prisonnier « pour avoir eu l’audace de contester une élection truquée et volée ».
Son ex-avocat, Rudy Giuliani, un des 19 prévenus poursuivis pour leurs tentatives présumées d’obtenir l’inversion du résultat de l’élection de 2020 dans cet Etat, a dit mercredi lui avoir parlé pour lui souhaiter bonne chance. « Ce qu’ils sont en train de lui faire est une atteinte à la Constitution américaine », s’est insurgé M. Giuliani à sa sortie de la prison du comté de Fulton, à Atlanta, capitale de l’Etat, où il s’est constitué prisonnier avant d’être libéré sous caution.
Un passage bref
Le passage du favori des républicains pour reprendre la Maison Blanche en 2024 dans un établissement pénitentiaire surpeuplé et notoirement insalubre, connu sous le nom de « prison de Rice Street », sous l’œil des médias du monde entier qui campent depuis plusieurs jours sous de grandes tentes, devrait cependant être bref. Il y a été précédé jeudi par son dernier chef de cabinet, Mark Meadows, qui a été relâché en échange d’une caution de 100 000 dollars. Un autre prévenu, Harrison Floyd, a en revanche été placé en détention, faute de caution.
Sauf imprévu, Donald Trump ressortira libre sous caution, fixée à 200 000 dollars dans son cas, comme les neuf prévenus qui se sont déjà livrés. Tous ceux qui l’ont précédé, pour certains en pleine nuit, ont vu leur passage immortalisé et leur « mugshot » circuler en boucle à la télévision comme sur les réseaux sociaux. Les règles en vigueur prévoient aussi la prise des empreintes digitales.
Les deux accès de la prison ont été fermés à la circulation, jeudi matin. A l’une des entrées, des agents en gilet pare-balles attendaient dans un pick-up.
Absent du débat républicain
Avant son arrivée, M. Trump a changé d’avocat jeudi pour le représenter en Géorgie. Le remplacement de Drew Findling par Steve Sadow, un ténor du barreau d’Atlanta, tous deux habitués à défendre des célébrités, n’a pas été expliqué, mais le second a, par le passé, contesté le fait que la procureure du comté de Fulton, Fani Willis, ait inculpé les 19 accusés en vertu de la loi sur la délinquance en bande organisée, qui prévoit des peines de cinq à vingt ans de prison.
Le 14 août, un grand jury constitué par la procureure les a inculpés de « tentatives illicites d’obtenir l’inversion du résultat de l’élection de 2020 », remportée dans cet Etat-clé par l’actuel président démocrate, Joe Biden. Ils ont jusqu’à vendredi à midi pour se présenter aux autorités. Ils devraient être de retour au tribunal la semaine du 5 septembre, vraisemblablement pour annoncer s’ils plaident coupable ou non.
Donald Trump fait l’objet de quatre inculpations pénales, dont deux au niveau fédéral, à Washington et en Floride (sud-est), une dans l’Etat de New York et une en Géorgie. Les nuages judiciaires ont beau s’amonceler, chaque rebondissement lui rapporte des millions de dollars de dons, versés par des partisans convaincus qu’il est victime d’une « chasse aux sorcières » manigancée par l’administration Biden pour l’écarter de la présidentielle.
Son passage en prison survient après le premier débat des primaires républicaines, organisé mercredi soir à Milwaukee, dans le Wisconsin (nord), un événement que le magnat de l’immobilier a snobé. Puisqu’il caracole en tête des sondages, il a jugé inutile d’y participer. A la place, il a accordé une interview à Tucker Carlson, ancien animateur vedette de Fox News, qui a été diffusée sur X (ex-Twitter)… à la même heure que le débat.
Les huit candidats présents à Milwaukee – sept hommes dont le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, et une femme, l’ex-ambassadrice à l’ONU Nikki Haley – ont donc eu des échanges tendus, parfois à son sujet, notamment en ce qui concerne leur soutien en sa faveur s’il était condamné pénalement.
Le Monde avec AFP
Publié aujourd’hui à 01h53, modifié à 01h59 (republication de l’article du 24 août 2023 à 19h26).
« Les séries qui ont changé notre regard » (2/6). Début 1977, le réseau ABC redoutait l’insuccès. Réunissant plus de 100 millions de téléspectateurs, la saga d’une famille africaine, de la déportation depuis la Gambie aux plantations du Sud esclavagiste, fut un triomphe.
Par Thomas Sotinel
Publié aujourd’hui à 16h00https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/22/avec-la-serie-racines-les-etats-unis-face-a-la-realite-de-l-esclavage_6186201_3451060.html.
Le Vietnam, royaume indépendant depuis le 10e siècle, après un millénaire de domination du grand voisin du Nord, la Chine, a été colonisé par la France à la fin du 19e siècle. En 1945, profitant du vide laissé par le départ des troupes japonaises qui occupaient le pays depuis 1940, le PCV (Parti communiste vietnamien, fondé en 1930 par Ho Chi Minh) proclame l’indépendance du Vietnam.
L’impérialisme français reconquiert militairement sa colonie : c’est la guerre d’Indochine (500 000 morts). Après le désastre militaire de Dien Bien Phu en 1954, la France est contrainte de partir. Le pays est alors coupé artificiellement en deux, de part et d’autre du 17e parallèle : le Nord « communiste » (capitale Hanoï), le Sud néocolonial (capitale Saïgon).
Une guerre impérialiste d’endiguement du communisme
Le PCV, soutenu militairement par l’URSS et la Chine, veut poursuivre la guerre de libération nationale jusqu’au bout. Les USA (États-Unis d’Amérique) veulent, à la suite de la guerre de Corée (1950-1953), en cette époque de « guerre froide », « endiguer » le danger « communiste ». C’est la guerre du Vietnam (1955-1975, 3 millions de morts).
La « vietnamisation » du conflit prônée par les USA ne marchant pas, ceux-ci interviennent de plus en plus directement : 15 000 soldats en 1963, 185 000 fin 1965, 536 000 en 1968 sous la présidence du démocrate Johnson. Ils mettent en œuvre une stratégie dite de « contre-insurrection » : flicage de la population regroupée dans des « hameaux stratégiques », opérations coup de poing en zone ennemie, bombardements massifs (les USA ont lâché durant la guerre du Vietnam trois fois plus de bombes que durant toute la Seconde Guerre mondiale). Sans oublier l’épandage de défoliant, le tristement célèbre « agent orange », qui a fait un million d’handicapés et qui continue, des années après, à empoisonner le sol et l’eau.
Une défaite majeure de l’impérialisme
En 1973, sous la présidence républicaine de Nixon, les USA quittent le Vietnam. L’élément décisif qui a fait basculer la situation est le mouvement anti-guerre aux USA. L’opposition à la guerre, portée initialement par des organisations trotskistes comme le SWP, se développe au fur et à mesure de l’engagement terrestre des USA et gagne la majorité de l’opinion publique américaine en 1968. Plusieurs facteurs jouent : l’engagement d’artistes (Joan Baez, Jim Morrison) et de leaders afro-américains (Martin Luther King), l’offensive du Têt en 1968 qui montre que les USA ne sont pas en train de gagner la guerre contrairement à la propagande officielle, la révélation de crimes de guerre américains (My Lai en 1968), des pertes américaines importantes (60 000 soldats tués et 150 000 blessés).
Le régime fantoche du Sud s’effondre et le PCV réunifie le pays en 1975. La « théorie des dominos » redoutée par les USA s’applique : les partis communistes prennent le pouvoir dans les pays voisins du Vietnam, Laos et Cambodge. La leçon, c’est qu’une guerre d’occupation contre un peuple ne peut pas être victorieuse à terme. La France avait connu le même sort en Algérie (1954-1963), les USA l’expérimenteront aussi en Irak (2003-2011).
Un formidable encouragement pour les luttes anti-impérialistes
Cette défaite majeure de l’impérialisme américain met à mal son rôle de gendarme du monde. À l’inverse, la victoire du mouvement de libération national vietnamien constitue un formidable encouragement pour les luttes anticolonialistes et anti-impérialistes. « Créer deux, trois, plusieurs Vietnam », tel était le message du Che. En 1975, les colonies portugaises africaines arrachent enfin leur indépendance. En 1979, le régime pro-américain du Shah d’Iran tombe. En 1979, éclate la révolution sandiniste au Nicaragua. En 1979, l’URSS, partisane de la « coexistence pacifique » avec l’impérialisme, pousse ses pions en Afghanistan, ce qui contribuera à sa perte.
La dynamique anti-impérialiste s’enraye toutefois au début des années 1980. D’une part, les pays qui se libèrent de la domination impérialiste ne constituent pas des alternatives attractives. Les régimes qui renversent le capitalisme sont, à l’image de l’URSS ou de la Chine, des dictature bureaucratiques, c’est aussi le cas du PCV, la caricature la plus atroce étant les Khmers Rouges au Cambodge. D’autre part, l’impérialisme américain surmonte sa crise sous Reagan (1981-1989). Il stoppe l’extension de la révolution nicaraguayenne qui menace son pré carré d’Amérique centrale et il reprend progressivement ses interventions militaires, à la Grenade en 1983, au Panama en 1989, en Irak en 1991.
L’ex-président américain a été inculpé une quatrième fois au pénal mi-août pour ses tentatives présumées de renverser le résultat de l’élection de 2020 dans l’Etat de Géorgie.
L’ex-président américain a été inculpé une quatrième fois au pénal mi-août pour ses tentatives présumées de renverser le résultat de l’élection de 2020 dans l’Etat de Géorgie
Donald Trump a confirmé lundi soir qu’il se rendrait jeudi 24 août à Atlanta, en Géorgie, afin de comparaître une première fois devant le tribunal qui le jugera, ultérieurement, de ses tentatives présumées de renverser l’élection présidentielle de 2020 dans cet Etat du sud-es
t des Etats-Unis. Il s’agit du quatrième dossier pénal pour lequel est inculpé l’ancien président, qui brigue de nouveau la Maison-Blanche en 2024 et reste le favori pour les primaires républicaines.
Truth Social - Donald J. Trump (@realDonaldTru
J’irai à Atlanta, en Géorgie, jeudi pour être ARRÊTÉ par une procureure d’EXTRÊME GAUCHE », a dénoncé sur sa plateforme Truth Social le milliardaire républicain, à propos de la procureure du comté de Fulton, Fani Willis. La chaîne CNN avait donné peu auparavant la date de cette audience.
Les autorités lui avaient donné jusqu’à vendredi midi pour se présenter à la prison du tribunal du comté de Fulton, à Atlanta, la capitale de l’Etat. Sa comparution jeudi interviendra au lendemain du premier débat télévisé entre les candidats des primaires républicaines, débat auquel Donald Trump, loin en tête dans les sondages, a décidé de ne pas participer.
Un grand jury (panel de citoyens investis de pouvoirs d’enquête), constitué par la procureure Fani Willis, a inculpé le 14 août Donald Trump et dix-huit autres personnes pour leurs tentatives présumées illicites d’obtenir l’inversion du résultat de l’élection de 2020 remportée dans cet Etat clé par l’actuel président démocrate Joe Biden. Ils sont poursuivis en vertu d’une loi sur la délinquance en bande organisée qui prévoit des peines de cinq à vingt ans de prison.
Une caution de 200 000 dollars
En vue de sa première audience dans ce dossier, ses avocats ont accepté de verser 200 000 dollars (environ 185 000 euros) de caution, avait-on appris de documents judiciaires plus tôt dans la journée. Quatre autres de ses coprévenus ont également accepté de payer des cautions allant de 10 000 à 100 000 dollars chacun.
Le versement d’une caution permet aux accusés de ne pas être placé en détention provisoire, à condition de ne violer aucune loi, de s’abstenir de toute menace et de ne pas communiquer entre eux autrement que par l’intermédiaire de leurs avocats.
Jeudi à Atlanta, l’ancien président pourrait avoir à se soumettre à une procédure à laquelle il avait échappé lors des trois inculpations précédentes : prise des empreintes digitales et celle de deux photos, l’une de face et l’autre de profil. « Peu importe votre statut, nous serons prêts à prendre votre photo », avait lancé à la presse début août Patrick Labat, shérif du comté de Fulton, chargé du dossier.
La procureure Fani Willis a demandé à la justice de fixer la date de début du procès au 4 mars, un juge tranchera. Elle affirme avoir choisi cette date pour ne pas interférer avec les autres poursuites, fédérales ou à l’échelle des Etats, visant Donald Trump.
« Chasse aux sorcières »
L’ancien président a en effet été inculpé dans trois autres dossiers. La justice de l’Etat de New York lui reproche des fraudes comptables dans un paiement à une ancienne actrice de films X pendant sa campagne victorieuse de 2016. En Floride, la justice fédérale l’a inculpé pour sa gestion jugée négligente de documents confidentiels. Et dans la capitale Washington, la justice fédérale le poursuit pour sa tentative de renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020 qu’il a perdue.
Après l’inculpation dans chacune de ces trois affaires, Donald Trump a comparu devant un juge et par trois fois il a plaidé non coupable de l’ensemble des charges à son encontre. Lundi, il a encore dénoncé une « chasse aux sorcières » politique.
Donald Trump à Las Vegas (Nevada), le 8 juillet 2023. (PATRICK T. FALLON / AFP)
Les faitsUn grand jury de l’Etat de Géorgie a mis en accusation l’ancien président pour avoir tenté, avec dix-huit autres personnes de son entourage, d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020.
Donald Trump a été mis en accusation, lundi 14 août dans la soirée, par un grand jury de Géorgie, pour avoir cherché à renverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020. Cette inculpation complète celle réalisée le 1er août à Washington par le procureur fédéral spécial Jack Smith, qui poursuit Donald Trump pour sa tentative de coup d’Etat lors de l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021. Plus de deux ans et demi après les faits, la justice américaine est sur les vrais sujets.
Pendant longtemps, M. Trump a été poursuivi pour des affaires révélatrices de son comportement, mais qui pouvaient apparaître secondaires : sa mise en examen cet hiver par un procureur de Manhattan pour avoir acheté en 2016, en violation de la loi électorale, le silence d’une prostituée, Stormy Daniels ; son inculpation fédérale pour avoir emporté après sa défaite des documents classés dans son golf de Mar-a-Lago, en Floride.
La procureure Fani Willis lors d’une conférence de presse après le vote pour l’inculpation de Donald Trump et dix-huit autres personnes à Atlanta, en Géorgie (Etats-Unis), le 14 août 2023. CHRISTIAN MONTERROSA / AFP
Désormais, la justice se trouve au cœur du réacteur, avec deux inculpations qui décrivent la réalité du trumpisme : une tentative de coup d’Etat (c’est l’accusation fédérale de Jack Smith), réalisée par un groupe quasi mafieux, une « entreprise ». C’est la particularité de l’accusation portée en Géorgie par la procureure Fani Willis. Cette dernière a eu recours à la version géorgienne de la loi sur les organisations motivées par le racket et la corruption (RICO). Cette loi fédérale de 1970 fut utilisée pour lutter contre la mafia et le crime organisé. Et c’est une « entreprise » criminelle que décrit la procureure. « RICO est un outil qui permet au procureur de raconter toute l’histoire », a expliqué Mme Willis lundi peu avant minuit lors d’une brève conférence de presse.
« L’accusé Donald Trump a perdu l’élection présidentielle américaine qui s’est tenue le 3 novembre 2020. L’un des États qu’il a perdus était la Géorgie. Trump et les autres accusés ont refusé d’accepter que Trump ait perdu, et ils ont sciemment et volontairement rejoint un complot visant à modifier illégalement le résultat des élections », commence l’acte d’accusation, qui décrit ensuite « l’entreprise ».
Treize chefs d’inculpation
Donald Trump est poursuivi avec dix-huit coaccusés, dont son ancien conseiller Rudolph Giuliani, maire de New York au moment des attentats du 11 septembre 2001, qui apparaît avoir été la plaque tournante du complot, et le chef de cabinet de la Maison Blanche Mark Meadows. L’ancien président a droit à treize chefs d’inculpations sur un total de quarante et un pour l’ensemble du groupe. L’enquête fut large et a révélé une trentaine de complices supplémentaires, qui n’ont pas été inculpés sans doute en raison de leur collaboration avec la justice. La peine maximale est de vingt ans de réclusion. Ces charges comportent aussi une peine minimale de cinq ans, à la différence des autres procès pour lesquels M. Trump est convoqué.
Grâce à la loi qui donne à la procureure des pouvoirs étendus pour poursuivre de nombreux suspects au-delà de son territoire, Fani Willis décrit, dans son acte d’accusation de 98 pages, un processus qui débute avant l’élection, passe par Washington, les pressions sur le vice-président Mike Pence et l’assaut du Capitole mais aussi des Etats disputés, comme l’Arizona. Mais le fond du dossier concerne les événements de Géorgie, avec la contestation des résultats locaux et les déclarations mensongères répétées de Donald Trump et de ses acolytes.
Dès le soir de sa défaite en novembre 2020 face à Joe Biden, le président sortant avait contesté les élections. Tout en collectant des fonds massifs auprès de ses sympathisants, au moyen de mensonges sur les fraudes électorales, il tentait, par tous les moyens et à tous les niveaux possibles, d’interrompre la transition démocratique. Celle-ci devait aboutir à la certification des grands électeurs au Congrès, le 6 janvier 2021. Dans ce schéma, la Géorgie faisait partie des Etats clés où Donald Trump s’efforçait de remettre en cause le choix populaire en faveur de son adversaire. « Tout le monde sait qu’on a gagné cet Etat », écrivait-il sur Twitter le 13 novembre, en dépit des faits. Joe Biden a remporté le scrutin en Géorgie avec 2 473 633 voix, contre 2 461 854 pour son adversaire, soit une marge de seulement 11 779 bulletins, confirmée après plusieurs recomptages scrupuleux.
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Cela n’empêche pas Donald Trump et Rudy Giuliani de multiplier mensonges et intimidations. Le 3 décembre 2020, au Sénat de Géorgie, l’ancien maire de New York diffuse aux élus une vidéo supposément accablante d’employés électoraux, le soir du scrutin, dans un bureau d’Atlanta installé dans la salle omnisports State Farm Arena, en train d’apporter des valises de faux bulletins, profitant de l’absence d’observateurs. Dès le lendemain, le secrétaire de l’Etat, le républicain Brad Raffensperger, dégonflait l’affaire : tout était parfaitement légal.
Rudy Giuliani, l’avocat de Donald Trump, lors d’une conférence de presse à Washington, DC., le 9 novembre 2020. MANDEL NGAN / AFP
Une semaine plus tard, Giuliani livre en pâture le nom des deux employées du centre électoral de la State Farm Arena, une mère et sa fille, Ruby Freeman et Shaye Moss. « Ruby Freeman, Shaye Moss et un homme se sont transmis subrepticement des clés USB comme s’il s’agissait d’héroïne ou de cocaïne dans la State Farm Arena pour infiltrer les machines à voter tordues de Dominion », a accusé faussement Rudy Giuliani dès le 10 décembre, selon l’accusation. Il s’agissait en fait d’un bonbon au gingembre.
Par ailleurs, la mise en cause de ces machines électorales par la galaxie Trump a conduit Fox News à payer en avril plus de 787,5 millions de dollars de dommages et intérêts pour éviter de perdre un procès en diffamation.Ruby Freeman a été harcelée par téléphone et a reçu la visite à son domicile, le 15 décembre, d’un autre accusé. La Commission parlementaire sur l’assaut du Capitole avait déjà réhabilité la mère et la fille dans son rapport final publié en décembre 2022 : « Non seulement les allégations de Giuliani au sujet de Freeman et de Moss étaient imprudentes, racistes et fausses, mais elles ont eu des conséquences concrètes qui ont bouleversé la vie des deux femmes. »
Deuxième manipulation assez rocambolesque, la création, en décembre, de faux grands électeurs pour empêcher la validation du vote de Géorgie. Certains d’entre eux ont collaboré avec la procureure Willis.
Troisième volet, une tentative de manipulation de matériel électoral. Dans la zone rurale du comté de Coffee, à 300 kilomètres au nord d’Atlanta, une vidéo a révélé que des partisans de Donald Trump avaient accédé au local électoral en janvier 2021, en pleine période de contestation, et commis des intrusions dans le matériel informatique électoral.
« Dictature marxiste »
Mais c’est surtout un entretien téléphonique de Donald Trump, le 2 janvier 2021, avec Brad Raffensperger, le secrétaire de l’Etat de Géorgie, qui se révèle accablant pour l’ancien président et devrait prouver son implication directe. Les Etats-Unis sont à quatre jours de l’assaut du Capitole. A cette date, la Géorgie avait déjà procédé à un recomptage manuel des bulletins. Aucune fraude massive n’avait été détectée.
Pourtant, depuis des semaines, la pression montait pour Brad Raffensperger, responsable de la tenue du scrutin, et le gouverneur républicain Brian Kemp. L’objectif du clan Trump était de provoquer la convocation d’une session extraordinaire du parlement local pour valider une liste alternative – et totalement artificielle – de grands électeurs en faveur du président sortant. Un effort similaire était conduit en Arizona, dans le Wisconsin, le Nevada et le Michigan.
Donald Trump (alors président américain) et son chef d’état-major Mark Meadows à la Maison Blanche, à Washington (Etats-Unis), le 8 mai 2020. MANDEL NGAN / AFP
Mark Meadows, le chef de cabinet de Donald Trump, lui aussi inculpé, a joué un rôle essentiel dans les contacts préalables, longtemps infructueux, avec le secrétaire d’Etat de Géorgie. Selon la commission d’enquête parlementaire, « le président a essayé de parler par téléphone avec Raffensperger à dix-huit reprises au moins » avant de parvenir à ses fins. Ce jour-là, chacun des deux hommes est entouré par conseillers et avocats.
Le président est très agité. « Alors dites-moi, Brad, qu’allez-vous faire ? On a gagné l’élection, et ce n’est pas juste de nous l’enlever comme ça. Et ça va coûter très cher de nombreuses manières. » Donald Trump formule clairement sa demande : « Alors, écoutez. Tout ce que je veux faire, c’est ça. Je veux juste trouver 11 780 voix, soit une de plus que ce que nous avons. » Puis Donald Trump passe aux menaces en soulignant que M.Raffensperger prend « un grand risque », en laissant un « crime » se commettre. « Je savais qu’on avait suivi la loi », résumera le secrétaire d’Etat devant la commission parlementaire.
Donald Trump, dont les déboires judiciaires n’ont pas eu jusqu’à présent d’effet négatif sur sa cote de popularité auprès de l’électorat républicain, a réagi lundi par communiqué à sa nouvelle inculpation. « Un procureur de gauche – avec un parti pris anti-Trump si extrême que même CNN a mis en doute sa légitimité – m’a mis en accusation alors que je n’ai commis AUCUN CRIME », écrit-il. L’ancien président a estimé qu’allait disparaître une République libre : « A sa place se trouve une dictature marxiste du tiers-monde dirigée par un tyran incompétent mais véreux [Joe Biden] qui tente de placer votre sort entre les mains de procureurs vengeurs et corrompus. Le communisme a enfin atteint les côtes américaines. »
Agée de 51 ans, la procureure Willis fut la première femme noire élue en 2020 procureure du district de Fulton, qui englobe Atlanta, après avoir travaillé pendant près de vingt ans pour le parquet. Elle est qualifiée d’extrémiste de gauche par Donald Trump mais, selon le New York Times, elle a irrité la gauche en poursuivant des enseignants d’écoles publiques dans le cadre d’une gigantesque triche aux résultats, et un rappeur dans des affaires de gangs. Cette fille d’un membre des Black Panthers et avocat pénaliste avait affiché dans son bureau une citation de Malcom X, militant de la cause afro-américaine assassiné en 1965 : « Je suis pour la vérité, peu importe qui la dit. Je suis pour la justice, peu importe qui est pour ou contre. »
La procureure Fani Willis lors d’une conférence de presse après le vote pour l’inculpation de Donald Trump et dix-huit autres personnes à Atlanta, en Géorgie (Etats-Unis), le 14 août 2023. JOHN BAZEMORE / AP
Lors de sa conférence de presse, Mme Willis a précisé que des mandats d’arrêt avaient été émis contre les prévenus. « Je donne aux accusés la possibilité de se rendre volontairement au plus tard à midi le vendredi 25 août 2023 », a-t-elle annoncé, précisant qu’elle recommanderait au juge un procès « dans les six mois ». Un objectif ambitieux, vu la complexité du dossier et le nombre d’inculpés.
Dans ce contexte, le premier procès pourrait être celui de l’assaut du Capitole, que le procureur spécial voudrait voir débuter le 2 janvier 2024. Celui-ci a le mérite de n’avoir qu’un seul prévenu, Donald Trump, et quatre chefs d’accusation. Juste avant le début des primaires pour la présidentielle de 2024.
par Arnaud Leparmentier (New York, correspondant) et Piotr Smolar (Washington, correspondant)
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