Rédigé le 18/05/2018 à 23:24 dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)
A force de s'enfoncer dans un quotidien difficile, les rêves des Algériens semblent se dévitaliser, se rétrécir en peau de chagrin et se banaliser autour de l'incertitude et de l'attente. De l'attente d'un miracle, d'une solution extraordinaire à cette crise-monstre, laquelle viendrait, peut-être, d'une quelconque force surnaturelle..., du «bâton magique de Moïse», ironisent même certains ! Cela simplement pour tenir la tête hors de l'eau, pour ne pas se laisser emporter par les flots du pessimisme, pour résister, pour exister, éviter le chaos, la disparition... Beaucoup d'entre ces derniers se contentent alors de s'écrier : «ce gâchis ne peut plus durer ! Il faudra bien un jour faire quelque chose parce que nous allons droit vers la catastrophe !», d'autres, au contraire, regardent le spectacle de la déchéance et de la forfaiture morale de la nation en spectateurs désintéressés, en disant simplement, le cœur las : «il n'y a rien à faire, le pays est irrécupérable, foutu !» Entre ces deux catégories, plaintive pour la première et fataliste pour la seconde, une toute petite minorité combative mais presque invisible dans le panorama social d'aujourd'hui dresse un petit ruban bleu et continue de labourer les vagues de l'espoir dans un climat suffocant de résignation collective. Mais celle-ci a-t-elle encore de la force pour persévérer sur cette voie ? Puis, jusqu'à quand ? Voilà le problème ! D'autant que, de toute évidence, il y a une perte cruelle de confiance de la société en elle-même, en ses potentialités de progresser, en l'avenir, en son destin. Chose qui non seulement la gêne, mais crée en son sein des tensions et des peurs de plus en plus difficiles à maîtriser. Dans le flou général, l'Algérie apparaît alors comme une grande loterie ouverte à toutes les hypothèses ! Une loterie où plus personne ne sait, au juste, sur quoi on va tomber demain. Outre cette incertitude qui sape le moral, tout se passe comme si les consciences se ralentissent, comme si le corps de la patrie s'amortit, comme si l'attentisme, l'assistanat, le désespoir triomphant et l'angoisse ont castré ce qui reste de vital chez les Algériens. Or, si la présence d'une «saine inquiétude» dans la société est parfois justifiable pour avancer, il n'en demeure pas qu'elle soit, dans notre cas, maladive, frisant par moments la paranoïa.
Les nôtres tirent, à ce qu'il paraît, un malin plaisir à voir le mal partout, à rester dans l'inconfort du ressentiment et du râle, à critiquer sans rien faire pour bouger la locomotive en avant. Ce qui rend désormais la tâche de tout changement presque impossible à accomplir. Dommage !
par Kamal Guerroua
Rédigé le 13/05/2018 à 08:39 dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)
-_-
Falestine
Mon père s'est marié à deux reprises
Une fois à l'Est et une deuxième fois à l'Ouest... de Jérusalem...
Je suis Palestinienne
Et ma demi-sœur est Israélienne
On ne se parle plus...
Je parle arabe, elle parle hébreu
Mais on ne se comprend plus...
On fait semblant de ne plus se comprendre
On s'est divisées sur la terre de notre père
Comme deux indignes héritières
Je dis que c'est à moi, elle dit que c'est à elle
Et aucune des deux ne veut lâcher prise
Elle a fait de son veau d'or une nation
De ma nation, j'ai fait un veau de chair et de sang
Elle est riche et prospère
Je suis pauvre et amère
Elle a tous les puissants à ses pieds
Je n'ai même plus d'yeux pour pleurer
Elle dit que je lui fais la guerre
Mais ne veut surtout pas signer la paix
Elle dit... elle dit que... je rêve de l'exterminer
Et pour m'en empêcher elle m'extermine pour de vrai !
Elle dit que son héritage est inscrit dans la bible,
en bas de chaque page
Je lui réponds... désolée
Mais ton titre de propriété n'est pas signé
Qu'il y a l'histoire que l'on fait
Et l'histoire que l'on raconte !
Et aucun lien entre les deux...
La Palestine c'est la maison de mon père
Quant à la maison de Dieu
Elle n'est pas sur cette terre
Tu la retrouveras si et seulement si
Tu ne m'ôtes pas la lumière
Tu m'ignores et tu voudrais que je m'ignore
Tu m'enterres pour me faire taire
Mais je serai pour toi, Israël
L'œil qui te poursuivra jusque dans ta tombe
Pour te dire : Abîme... Abîme !
Tu as commis le pire des crimes
En faisant de Dieu
L'instrument de ta morsure.
Rédigé le 30/04/2018 à 21:50 dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)
Il existe un roman algérien dont chaque Algérien est auteur. Il suffit de s’asseoir, méditer, à deux ou trois, murmurer, analyser à vide, spéculer, boire ou songer. En ville ou dans le village. En groupe ou dans ses cheveux. C’est le polar national, par défaut policier, ouvert, sans fin et aux troubles débuts depuis la première réunion pour libérer ce pays. Il est lié à la loi du genre littéraire : on y retrouve du meurtre, des enquêtes, des pistes, des soupçons, du crime et des vérités, un pouvoir apparent et un pouvoir occulte, des masques et des sigles, des femmes fatales et des ancêtres sans appel, des armes et des slogans. La question de la légitimité politique n’étant pas tranchée, ni celle de l’Histoire, ni celle du rapport à la loi ou la loi de la force, on y revient toujours à ce récit du polar algérien où on se pose la question de «qui a tué qui ?», «qui a trahi qui ?», «Qui est le vrai propriétaire de quoi et depuis quand ?».
Ce roman-là, l’un des journalistes et auteurs algériens les plus observateurs de ma génération, vient de l’écrire. Sous le titre de «1994» (publié aux Editions Barzakh), on retrouve ce «polar» national qui mêle les «Services», l’Histoire ancienne, le cadavre frais et le silence et la peur. Tous les ingrédients de l’imaginaire algérien depuis la Guerre de libération, à la sale guerre et jusqu’à la guerre lasse d’aujourd’hui. «1994» est une année charnière, «blanche», creuse et escamotée dans la mémoire : on ne veut pas s’en souvenir aujourd’hui au nom de l’oubli ou de la Réconciliation, mais c’était cette année que l’Algérie a cessé d’exister pendant quelques mois. Terrorisme, «Services», tortures, cadavres, exils, amours et Berretta au poing et au cœur. On peut résumer ainsi les choses, mais chaque Algérien peut les résumer à sa manière quand il ouvre sa mémoire et reparle de ces années sombres et sans levers de soleil. Chacun d’entre nous a vécu le «Polar national» dans son village, dans son quartier ou dans les quartiers chics d’Alger. On en parlait sans cesse et jusqu’à aujourd’hui. Personne n’y échappe, ni le président à la république qu’on peut tuer dans le dos, ou pousser à la démission ou à la mégalomanie, ni le petit berger de Relizane qui va se retrouver à choisir entre les apparences et l’occulte, le maquis ou la caserne, l’Histoire ou l’aveu, Le Pharaon ou l’Emir. Tout roman algérien est soit un polar, soit un roman lié à la Mémoire et l’Histoire. On y parle d’un cadavre que l’on porte sur le dos ou on y marche sur un cadavre qu’on veut nier. Au choix.
Dans le roman «1994» il y a un artifice littéraire qui revient souvent : le télescopage du «temps» dans la conscience du narrateur. Le passé, les premières années de la Guerre de libération ou d’indépendance et le présent se mêlent. Il s‘agit des mêmes personnages, différemment âgés, ou d’autres qui en sont les fils ou les collègues. Le passé chevauche le présent qui en devient l’écho ou la matrice, paradoxalement. Un pays tue un président ou un président tue le pays. A tour de rôle. Un général prend le pouvoir ou un pouvoir rend fou un civil. L’artifice qui se veut littéraire dans ce roman de Adlène Meddi, ne l’est pas à vrai dire. Il faut être algérien pour le vivre : tout est mêlé, lié. Passé, présent et futur décomposé. On le sait tous. Parler d’un arbre nous mène à parler de l’Emir Abdelkader. Parler d’un mouton, nous mène à parler de Messali, etc. L’Algérie vit le temps comme une boucle, un leitmotiv qui attend son dénouement, une obsession. C’est le temps clos d’un crime ou d’un trauma. Commis ou subi. Il n’y a pas de différence, dans la conscience de l’Algérien, entre l’histoire et l’immédiat. Tout est histoire. C’est pour cela que les années noires, la décennie noire algérienne avaient cet air de monstrueux remake sur le détail : le fils qui tue le père, le père qui veut enterrer le fils, les noms de quartier, le casting du maquis rejoué par le «pouvoir occulte», le cabinet noir, la mystique des généraux et l’épopée des terroristes, le recours fétichiste aux pseudonymes et le culte des armes et des cimetières, la torture et les casernes, la bataille d’Algérie, la contre-bataille d’Alger, l’autre bataille d’Alger, le fantasme de la «bataille d’Alger».
Le roman dont vous êtes l’auteur, si vous êtes algérien et dont vous êtes l’enquêteur si vous ne l’êtes pas encore ! Policier, historique, délirant, métaphysique, en forme de procès-verbal ou de rapport de «BRQ» (Bulletin de renseignement quotidien), aveu et retour. Il faut préciser aux étrangers qu’en Algérie, si le polar est national, le cadavre connu, le crime public, vers la fin on n’arrête pas le coupable, on baisse juste les yeux pour faire semblant de ne pas le reconnaître dans la rue car la prison est tout un pays parfois. Adlène Meddi a écrit la grande mythologie de l’Algérie ou des pays qui y ressemblent. La «loi de la Réconciliation» interdit d’en parler et c’est rare qu’un roman arrive à nous faire retrouver la mémoire sur cette décennie noire, mémoire blanche. Il faut être journaliste, connaisseur du sérail, ancien élève-soldat, analyste et passionné de l’occulte, de l’invisible, des «Services» et grand lutteur pour que la vérité soit dite et écrite, pour pouvoir l’écrire. Meddi l’est. «1994» est l’aveu bouleversant, arraché par le verbe et pas par la torture ou l’attentat, à une année de crime et de vol. On espère le premier sur cette décennie dont on n’a pas le droit de parler et qui pourtant nous a tant tués et massacrés.
par Kamel DAOUD
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5260783
Une année pour brosser un tableau des plus sombres de l'histoire de l'Algérie postindépendance. 1994 est le titre qu'a choisi le journaliste Adlène Meddi pour son troisième roman. Clin d’œil à Orwell mais également date significative, un pic au cœur de la décennie macabre algérienne.
Dans cette histoire où les règlements de compte tardifs de la guerre de libération se greffent à la "nouvelle guerre", des lycéens à l’innocence volée basculent dans la violence.
"Justiciers revanchards" ou..."Escadrons de la mort"?
De 1994 à 2004, des vies entières ont été détruites. Des jeunes décident un jour de rendre justice à "leurs morts" et se retrouvent, par ironie du sort, prisonniers de ces mêmes morts.
"Des petites banales vies de lycéens avec comme seul univers des cahiers de cours, des profs et des dragues sans lendemains", les quatre jeunes de ce lycée de Mohammadia ont été emporté par la déferlante d'un monde dont ils ne soupçonnaient même pas l'existence.
De ces jeunes lycéens à peine sortis de l’adolescence à ces jeunes "revanchards" aveuglés par la haine et animés par la vengeance qui veulent dresser des listes de personnes à liquider, ce cimetière de Al Alia n'abritait, tout compte fait, pas que les morts. Il cachait aussi une vérité trop lourde pour être portée par quatre âmes.
De l’exilé Sidali, aux fuyards, Farouk et Nawfel à Amin, ce jeune officier qui finira, certainement, sa vie dans cet asile d'aliénés, personne n'est épargné.
Ce cimetière cache dans ses entrailles la pièce d'un puzzle que même les trop puissants services Algériens n'ont réussi à percer. A-t-on si bien réussi à maquiller le crime? Pas si sûr.
Tout le monde est rattrapé par les fantômes du passé. Vivants ou morts. Assassins et assassinés hantent les lieux et ne peuvent libérer toute la peine que contient la poitrine de Sidali qui embrasse du regard toutes ces tombes pour une dernière fois.
Ses yeux rencontrent, là où ils se posent, les marques indélébiles de cette guerre sans nom. Forcé à s'exiler pour toujours, il finit par comprendre enfin que sa vie lui a été volée. Elle ne lui a jamais appartenu. Ses larmes se libèrent enfin.
Il pleure son cousin ravi à la vie par des balles de terroristes. Il pleure Mehdi, le frère de la bienaimée de Amine, qu'il a condamné lui et sa bande de copains.
Il pleure ses amis morts-vivants. Il pleure son triste sort, aussi, avant de lever l'ancre pour toujours.
Le silence qui entoure ces groupes érigés en justiciers est brisé par un roman aussi noir que la décennie qu’il décrit.
Ghada HamroucheHuffPost Algérie
Rédigé le 30/04/2018 à 19:49 dans Culture, Société | Lien permanent | Commentaires (0)
'' Pas de disparitions forcées mais poursuite des arrestations arbitraires ''.
par Yazid Alilat
par Mahdi Boukhalfa
Rédigé le 23/04/2018 à 00:08 dans Politique, Société | Lien permanent | Commentaires (0)
L’acteur Michael Lonsdale (à gauche) et le pianiste Patrick Scheyder, à Alger
L’acteur français Michael Lonsdale, qui a incarné le rôle poignant de frère Luc, l’un des huit moines du monastère de Tibhirine, morts assassinés en 1996, dans le film Des Hommes et des dieux, de Xavier Beauvois, était à Alger, pour lire du Victor Hugo et George Sand, accompagné par le pianiste Patrick Scheyder, à la basilique Notre-Dame d’Afrique.
Vous allez déclamer des poèmes…
Michael Lonsdale : Non, je ne déclame pas. C’est fini la déclamation. Ce fut un temps…(Il mime les joutes poétiques, envolées lyriques pour dire que c’est obsolète avec ironie). C’est fini cela. On «cause» très rapide maintenant (rires).
Alors ce sont des lectures…
Oui, ce sont des lectures de poèmes, des textes de Victor Hugo et George Sand. Et surtout de Victor Hugo. Des gens qui ont été vraiment préoccupés par la nature (préservation de l’environnement immédiat).
Ils étaient écologistes avant l’heure…
George Sand avait sauvé la forêt de Fontainebleau (ville située au sud-est de Paris) qui était destinée à être rasée. Pour construire des maisons. Alors il a écrit à Stendhal et Victor Hugo en leur disant : «Ecoutez ! Envoyez une lettre au président de la République pour faire arrêter ça, suspendre cette décision…» Et bien ça été fait. On l’a écoutée. Grâce à George Sand.
Patrick Scheyder (pianiste) :
Cela fait dix ans qu’on travaille sur ce concept intitulé «Des hommes et des jardins» qu’on appelle d’une façon un peu vague
«biodiversité». C’est-à-dire toutes choses sur la surface de la terre, les végétaux, les animaux, les hommes, sont liées. Donc, on défend cela. Mais comme on n’est ni jardinier ni scientifique, nous utilisons l’art comme moyen de défense de la nature.
D’une façon générale, nous nous produisons dans des jardins, des parcs… Comme par exemple, le jardin d’Essai, ici à Alger. Ce serait tout à fait ce genre de lieu adéquat où l’on joue. On s’est produit dans une cinquantaine de villes…
Michael Lonsdale :
J’ai été stupéfait quand j’ai appris que Charles Trénet (grand chanteur) avait une terrasse. Et il y a mis des fleurs en plastique (rire).
Vous avez la main verte…
Oh, oui (indécis). Mais je n’ai pas beaucoup de choses à entretenir, à soigner… J’ai deux pots de géraniums sur le rebord de la fenêtre de la cuisine.
Un jour, heureusement que j’étais absent, il y a eu un vent terrible. Et un des deux pots est tombé depuis le quatrième étage. Heureusement, qu’il n’y avait personne en bas. Là, je ne peux plus mettre de géraniums. Sinon il faudrait les surveiller, les rentrer…
Vous allez vous produire à la basilique Notre-Dame d’Afrique, un lieu symbolique…
C’est formidable et magnifique de se produire dans un tel endroit. Il y a quelque chose qui y flotte. Il y a une présence. Tout de suite en entrant, on est…
Apaisé…
Oui, parfaitement. C’est cela.
Le rôle du frère Luc — l’un des huit moines de Tibhirine morts assassinés en 1996 — que vous incarnez dans le film Des Hommes et des dieux de Xavier Beauvois, était-il lourd à porter ?
Le frère Luc était un saint homme. C’est-à-dire, finalement, il aimait son prochain. Il soignait les gens aussi différents les uns que les autres. Il le dit même dans le texte. C’est un homme universel. C’est un philanthrope.
Il aime le genre humain. Et il a accompli ce que le Christ a demandé. Il n’y a pas plus grand amour que de donner sa vie pour ce qu’on aime.
Le frère Luc soignait les gens au nom de Dieu et d’autres l’ont assassiné au nom de Dieu…
Et bien oui. C’est difficile de pardonner. Mais il faut pardonner.
Le frère Luc n’est pas mort pour rien…
Il a donné sa vie. Comme il le dit dans le film Des Hommes et des dieux de Xavier Beauvois : «Moi, je reste là (à Tibhirine) parce que je préfère rester avec eux (la population).» C’était un bonheur que de camper le rôle du frère Luc. Et puis, c’était l’occasion d’improviser un peu…
L’éloquente scène avec l’actrice Sabrina Ouazani…
J’ai un peu improvisé avec la petite Algérienne. A un moment, Xavier (Beauvois), le réalisateur, est venu me voir et m'a confié : «Je ne suis pas content de ce que j’ai écrit. Tu ne pourrais pas improviser un peu.» Je lui ai répondu que je pourrais toujours essayer, mais je ne garantis rien (rire). Bon alors, on installe tout et puis moteur, action ! La petite ( Sabrina Ouazani) commence : «Oui, mon père veut me marier avec un homme que je ne connais pas…
C’est quoi l’amour ?» Et quand elle demande : «Et toi, tu as aimé dans ta vie ?» Il (frère Luc) avouera que oui. Alors, tout cela, je l’ai improvisé. Mais c’est venu comme ça. Il y avait du vrai dans ce que je disais.
Le film Des Hommes et des dieux est une œuvre utile. Pour que nul n’oublie…
Le film parle avec force de quelque chose que je respecte et que je souhaite en effet. La générosité, l’écoute du prochain…Et puis la grâce de chaque être humain. Chaque être humain est un trésor. Alors, le trésor va être bousculé (rire). C’est la vie.
Justement, vous allez vous rendre au monastère de Tibhirine pour vous recueillir et honorer la mémoire des huit moines assassinés…
Oui, absolument. C’est drôle, parce que le premier plan dans le film Des Hommes et des dieux est sur le frère Luc. Il se promène dans le cimetière. Et on voit les tombes des pères qui étaient morts. Il y aura de l’émotion. Cela va être très spécial.
Votre message…
Je répète souvent cela : «Si vous n’êtes pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume.» (rire)
Patrick Scheyder (pianiste) :
On a créé un peu le jardin comme prototype de lieu d’entente et de concorde des cultures. Et aussi un espace de réflexion sur la biodiversité des cultures humaines. Les différences sont de grandes richesses. Il s’agit de tolérance entre les cultures.
Le jardin, c’est la base, un lieu de vie commune. Une base d’harmonie aussi. Et Tibhirine veut dire «les jardins» en tamazight. Tout un symbole, un signe...
Dans le film Des Hommes et des dieux de Xavier Beauvois, il n’y a pas que la foi. Je le souligne souvent et c’est important,
http://www.elwatan.com/culture/le-frere-luc-etait-un-saint-homme-philanthrope-et-universel-08-04-2018-365919_113.php
Rédigé le 08/04/2018 à 20:53 dans Divers, Société | Lien permanent | Commentaires (0)
Aucun élément nouveau sur la cause directe» de l'assassinat des sept moines trappistes du monastère de Tibhirine, sur les hauteurs de Médéa en 1996, n'a été décelé par les experts français qui ont analysé les échantillons des crânes des moines français. La seule certitude des experts, qui ont travaillé sur des échantillons des crânes exhumés des moines français, est qu'ils auraient été tués avant l'annonce de leur décès. Selon les conclusions des experts remises le 23 février aux juges antiterroristes, les experts affirment que «les résultats des analyses n'apportent aucun argument nouveau concernant la cause directe de la mort» des religieux, dont les têtes décapitées ont été retrouvées au bord d'une route de montagne, mais jamais les corps, jusqu'à présent. Les prélèvements avaient été effectués à l'automne 2014 lors d'une exhumation des crânes des religieux enterrés à Tibhirine, mais les juges et les experts français qui y avaient assisté n'avaient pu les rapporter d'Algérie. Ce n'est qu'en juin 2016, que la juge d'instruction française Nathalie Poux, qui travaillait auparavant sous la houlette d'un premier magistrat, Marc Trévidic, sur le dossier, avait ramené des prélèvements des têtes des moines en France et ordonné une expertise dans la foulée. Le rapport des experts met ainsi une nouvelle fois en doute les conditions de la mort décrite dans la revendication du GIA, qui avait revendiqué l'assassinat des moines trappistes, notamment sur le point crucial de la datation des meurtres. 'L'hypothèse de décès survenus entre le 25 et le 27 avril, soit bien avant l'annonce officielle de leur mort, reste plausible», estiment les experts qui ont notamment mené des analyses sur l'apparition de cocons d'insectes et confirment que des traces d'égorgement n'apparaissent que pour une minorité des moines et que tous présentent les signes d'une «décapitation post-mortem». Les experts jugent également «vraisemblable» l'hypothèse d'une «première inhumation» avant la découverte des têtes. Ensuite, l'absence de traces de balles sur les crânes vient une nouvelle fois fragiliser la version d'une éventuelle bavure de l'armée algérienne lors d'une opération menée depuis un hélicoptère. En somme, rien de nouveau sur l'assassinat des sept moines trappistes de Tibhirine, qu'une partie de la presse et des politiques français ont imputé aux services de sécurité algériens. Ce que l'on sait de cette triste affaire, c'est que dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, les moines trappistes Christian de Cherge, Luc Dochier, Paul Favre Miville, Michel Fleury, Christophe Lebreton, Bruno Lemarchand et Célestin Ringeard sont enlevés du monastère et emmenés vers une destination inconnue par le GIA, alors dirigé par Djamel Zitouni. Une version confirmée bien après par un de ses adjoints, Boukabous. Un peu plus de deux mois après leur enlèvement, le 30 mai, les têtes des moines assassinés ont été retrouvées, au bord d'une route de montagne. Mais leurs corps n'ont jamais été retrouvés jusqu'à aujourd'hui. S'ensuit alors une terrible tension entre Alger et Paris, au plus fort des attentats terroristes en Algérie, les deux parties s'accusant d'avoir provoqué l'assassinat des sept moines. En octobre 2014, un juge algérien du pôle spécialisé dans les affaires de terrorisme et le crime organisé, s'était rendu à Paris, accompagné de deux collaborateurs, dans le cadre de cette affaire. La mission du juge algérien, qui est intervenue après celle de son collègue français Marc Trévidic, était simple : entendre deux anciens officiers des services secrets français, Pierre le Doaré, ancien chef d'antenne de la DGSE à Alger (1994 - 1996) et Jean-Charles Marchiani, ex-officier du même service et ex-préfet du Var, proche et homme de main du ministre de l'Intérieur Charles Pasqua. M. Marchiani, également proche du milieu marseillais, avait été chargé d'une mission auprès du Groupe islamique armé (GIA), qui avait revendiqué le massacre. Il a confirmé au juge antiterroriste chargé côté français de l'affaire, Marc Trévidic, en 2012 que cette mission avait été décidée par le président Jacques Chirac pour négocier une rançon, mais que le Premier ministre de l'époque, Alain Juppé, qui n'en avait pas été informé, y a mis fin, signant 'l'arrêt de mort des moines'', selon le témoignage de M. Marchiani. Quant à Pierre le Doaré, il avait reçu, dans les locaux de l'ambassade de France, à Alger, un émissaire du GIA, qui lui avait remis une bande sonore, preuve de vie des moines, en captivité, selon plusieurs témoignages et documents. Marc Trevidic, chargé alors par le parquet de Paris de ce dossier, et sa collègue Nathalie Poux, en charge actuellement du dossier, s'étaient rendus en 2014 au monastère de Tibhirine, dans le cadre d'une commission rogatoire, demandée en 2011, pour élucider l'assassinat des moines trappistes. Plus aucune information de nature à éclairer davantage ce dossier n'a été divulgué depuis, hormis le témoignage de Boukabous sur les circonstances de l'assassinat des sept moines trappistes par le GIA. Ni le parquet d'Alger ni celui de Paris n'ont rendu publiques leurs conclusions. Au mois de mai dernier, l'ancien patron de la direction du contre-espionnage français, la DST, avait stigmatisé les 'hypothèses fantaisistes» sur ce drame. «Les médias, particulièrement français, ont joué dans cette affaire un rôle que je n'approuve pas. Je ne partage pas en particulier un certain nombre d'hypothèses qui ont été émises et qui sont d'ailleurs fantaisistes, et qui visent uniquement à faire de cette tragédie une sorte de machination algérienne», a-t-il souligné lors d'une émission TV.
par Yazid Alilat, amedi 31 mars 2018
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5259272
Un nouveau rapport d’expertise sur l’assassinat des moines de Tibhirine a été remis à la justice française en février. Il n’apporte pas la vérité tant attendue, mais donne au moins des pistes de compréhension. Décryptage.
Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, en plein coeur de la guerre civile en Algérie, sept moines du monastère Notre Dame de l’Atlas, à côté du village de Tibhirine, ont été enlevés par des éléments du Groupe islamique armée (GIA) puis assassinés. Un mois plus tard, leur mort a été revendiquée par ce groupe à travers un communiqué publié le 23 mai (mais daté du 21). Le 30 mai, leurs têtes ont été retrouvées par l’armée algérienne – sans les corps – sur une route au nord-ouest de Médéa.
Depuis, cette affaire fait partie des grands mystères de la décennie noire en Algérie. Elle a franchi une nouvelle étape, le 23 février, lorsque les experts français, saisis de cette affaire pour en élucider les nombreuses zones d’ombre, ont présenté un rapport d’expertise à la justice française. révélé par France Info, ce document de 185 pages – que les familles des victimes ont pu consulter- ne contient pas de révélations majeures, mais apporte quelques précisions à ce qu’on savait déjà. Résumé en trois questions-clés.
Au moment du crime, les autorités algériennes avaient déclaré que les moines ont été enlevés puis exécutés par le GIA. En 2003, mettant en cause cette thèse, des familles des victimes ont déposé plainte à Paris réclamant que toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce drame. La justice française avait alors chargé deux juges antiterroristes, Marc Trévidic et Nathalie Poux, de diligenter une expertise sur les crânes des moines enterrés à Tibhrinie. Mais leur mission sera jonchée d’obstacles. En octobre 2014, après plusieurs années d’attente, ils ont été autorisés à exhumer les têtes, sous la supervision d’un magistrat algérien, afin d’y effectuer les examens nécessaires. Mais les autorités algériennes ont refusé qu’ils ramènent les têtes en France pour cause de souveraineté nationale. Un refus d’autant plus embêtant pour les juges français que plusieurs doutes planent sur la sincérité de la thèse officielle sur les circonstances du crime. Ils dénoncent « une confiscation des preuves ».
En juin 2016, coup de théâtre : Alger autorise enfin les juges français à ramener les échantillons en France. C’est donc le résultat de cette expertise qui vient d’être présenté à la justice française en février et qui a été consulté par les familles des victimes.
Pour définir les responsabilités, les enquêteurs français devaient, dès le départ, répondre à trois questions : s’agit-il d’un assassinat des islamistes du GIA ? D’une erreur de tir de l’armée algérienne ? Ou d’une manipulation des services secrets algériens ?
Aucune réponse définitive n’a été apportée à ces trois questions dans ce nouveau rapport d’expertise. Par contre, trois pistes sur les circonstances de l’assassinat ont été confirmées.
1/ Les têtes ne portent pas de trace de balles. Ce qui écarte la thèse d’une erreur de tir de l’armée algérienne avancée en 2009 par le général Buchwalter, ancien attaché militaire de l’ambassade de France. Selon ses dires, au cours d’une opération de ratissage, des avionneurs algériens auraient visé un campement tuant les moines séquestrés. Par la suite, toujours ses dires, l’armée les aurait décapités faisant croire à un crime commis par le GIA.
2/ Les moines ont été assassinés plusieurs semaines avant la découverte officielle des têtes, probablement fin avril. Le rapport indique la présence de cocons d’insectes à l’intérieur des têtes bien avant leurs découverte le 30 mai 1996 confirmant que les moines auraient été tués bien avant leur décapitation. Lorsque les autorités algériennes avaient découvert les têtes sur la route de Médéa, elles avaient aussitôt accusé le GIA d’être derrière l’enlèvement et l’exécution des religieux. Ce qu’avait confirmé un témoignage d’un ancien émir de ce groupe, Hassan Hattab – amnistié par le pouvoir et vivant toujours à Alger – dans le documentaire Le Martyre des sept moines de Tibhirine, sorti en 2013.
3/ Les dépouilles ont été décapitées après la mort. Des traces d’égorgement avec une lame fine puis une lame à dents ont été retrouvées sur certaines têtes. Vraisemblablement, même en l’absence de preuves catégoriques, ces dernières ont été inhumées une première fois avant leur découverte à l’air libre sur la route de Médéa.
Les résultats des analyses effectués sur les échantillons des têtes des moines ne donnent aucun argument sur la cause directe de leur mort. De fait, les zones d’ombre sur les responsabilités réelles demeurent. Elles resteront probablement encore tant que les corps n’ont pas été retrouvés.
Rédigé le 31/03/2018 à 17:40 dans Divers, Société | Lien permanent | Commentaires (0)
Un beau film d’Abdelkrim Bahloul ressuscite la figure de ce grand poète engagé, provocateur, homosexuel, négligé en France et rejeté en Algérie, et dont le meurtre mystérieux symbolisa le naufrage d’une révolution à laquelle il s’était identifié
C’était un fou d’Algérie et il en est mort. On a retrouvé Jean Sénac le 30 août 1973, allongé entre deux lits, dans une cave sordide d’Alger, celle qu’il habitait au 2 rue Elisée-Reclus, étrange adresse qui sonne comme prince captif ou poète emmuré. Ce mur contre lequel on lui a fracassé la tête, avant de lui porter 23 coups de couteau post mortem, histoire d’accréditer la thèse d’un crime crapuleux. Il l’avait prévu : « Vous verrez que je serai assassiné, et ils feront croire que c’est une affaire de moeurs... » Le journal « El Moudjahid » traite sa mort en quelques lignes, le reste de la presse se tait, on arrête un petit délinquant, il « avoue » et reconnaît le vol avant d’être discrètement libéré. Le ministre de l’Information refuse qu’on publie l’annonce de ses funérailles et il est enterré - contre sa volonté - dans un cimetière chrétien à Guyotville et non en terre musulmane. Exit le poète. Il faut dire qu’il ne servait plus à rien au nouveau régime, qu’il était même devenu très irritant avec son idéalisme révolutionnaire et sa naïveté intacte, voire franchement gênant, lui l’homosexuel, pied-noir, français, chrétien, à force de dénoncer le naufrage d’une Algérie nouvelle : « J’ai vu ce pays se défaire/ Avant même de s’être fait/ Pays de zombies, de fantômes.../ Cet immense cloaque, c’est quoi ? » Face au dévoiement des anciens militants devenus potentats, il écrit : « Non, mon frère, ce ne sont plus les monstres colonialistes, c’est le napalm de nos bourgeois, des profiteurs, des "militants" sans base/ [...] Camarades, les ordures envahissent le sang !/ Il y a corruption et crime/ [...] Le sang de Ben M’Hidi, c’est leur Coca-Cola ! » Lui qui avait rêvé d’une terre de soleil, méditerranéenne et mélangée, arabe, berbère, juive et latine, belle et sensuelle, contemple une capitale « libérée du colonialisme » mais étriquée, dogmatique et brutale : « Dans cette ville, la jeunesse est un crime, l’intelligence est un crime, la beauté est un crime. » Jean Sénac en crève parce qu’il est algérien, de naissance, de ventre, de cœur, d’esprit. Il est né pauvre et bâtard à Beni-Saf et a grandi dans un faubourg d’Oran. Camus, qui sera longtemps son protecteur, reconnaît en lui ce pied-noir misérable, le métèque espagnol, l’orphelin et même l’homme fragile relégué un temps dans un sanatorium d’Algérie. Il est petit, moche, devient prématurément chauve, efflanqué, porte les épaules en dedans mais signe ses lettres d’un soleil et séduit tous ceux qui l’approchent. Il est fou de culture, de lecture, de peinture - « la peinture, ça reste, ça saigne, ça éclabousse... » -, fou d’ambition aussi, de vanité souvent, de désir et de sexualité débridée. Le poète écrit ses vers sur une carte postale, au coin d’un journal ou d’un carton d’invitation, drague tous les jeunes Algériens qui lui plaisent, court toujours après trois sous pour manger et une chambre pour aimer. A l’heure de la guerre d’indépendance, il choisit son camp naturel, présente des étudiants algériens indépendantistes à Camus, aide le journal « El Moudjahid » à trouver une imprimerie clandestine et joue, à défaut de valises, les porteurs d’idées du FLN, écrivain engagé mais contradictoire qui passe la guerre à Paris et confesse : « Je suis ici inutile, complice et lâche. J’ai honte... » Quand Camus dénonce les « crimes du FLN », Sénac l’interpelle : « N’êtes-vous plus désormais que le prix Nobel de la pacification ? » Mais celui qui l’appelait « mi hijo » (« mon fils ») le qualifie désormais en souriant de « petit égorgeur ». A l’heure de l’indépendance en 1962, l’Algérie accueille à bras ouverts un poète capable de commettre des vers ridicules : « O Révolution/ Tu es belle comme un comité de gestion... » Nommé conseiller d’un ministre de Ben Bella, Sénac crée une galerie de peinture, fonde l’Union des Ecrivains algériens et anime une émission de radio : « Poésie sur tous les fronts ». Mieux, il vit désormais dans son élément, à Pointe-Pescade, près d’Alger, à la villa Venezia, face à la mer, en plein soleil. Courtes années de gloire. Un coup d’Etat chasse Ben Bella remplacé par l’austère Boumediene, ennemi du « rouge à lèvres » et de la francophonie. Déjà, une loi interdit à toute musulmane le mariage avec un non-musulman. Quand on lui annonce l’imminence d’une campagne anti-homosexuelle, le « fou à lier, poète, bâtard, pédéraste... » éclate d’un grand rire : « Il faudrait débaptiser la moitié des rues d’Alger ! » « La poésie de Sénac affronte le feu », a écrit un de ses amis militants. Lui n’a pas changé, écrit des articles à l’étranger et donne des conférences qui font salle comble, plus sûrement que celles des ministres du régime qui boudent sa volonté d’avoir la nationalité algérienne. C’en est trop. Le ministre de l’Information, Ahmed Taleb Ibrahimi, lui retire son émission à la radio ; il perd son poste à l’Union des Ecrivains et sa belle villa Venezia pour se retrouver dans une cave d’Alger, 2 rue Elisée-Reclus. Le régime l’a assassiné politiquement. Ne reste plus qu’à en finir avec l’homme, poète obstiné, qui écrivait : « Quand je serai mort, jeunes gens, vous mettrez mon corps sur la mer... Vous comprendrez pourquoi ma mort est optimiste... »
Jean-Paul Mari
A voir : « le Soleil assassiné », film d’Abdelkrim Bahloul.
par Jean-Paul Mari
http://www.grands-reporters.com/RETOUR-SUR-L-ASSASSINAT-D-UN-POETE.html
CITOYENS DE BEAUTE
Et maintenant nous chanterons l'amour
Car il n'y a pas de Révolution sans Amour,
Il n'y a pas de matin sans sourire.
La beauté sur nos lèvres est un fruit continu.
Elle a ce goût précis des oursins que l'on cueille l'aube
Et qu'on déguste alors que l'Oursin d'Or s'arrache aux brumes et sur les vagues module son chant.
Car tout est chant – hormis la mort!
Je t'aime!
Il faut chanter, Révolution, le corps sans fin renouvelé de la Femme,
La main de l'Ami,
Le galbe comme une écriture sur l'espace
De toutes ces passantes et de tous ces passants
Qui donnent à notre marche sa vraie lumière,
A notre cœur son élan.
O vous tous qui constituez la beauté sereine ou violente,
Corps purs dans l'alchimie inlassable de la Révolution,
Regards incorruptibles, baisers, désirs dans les tâtonnements de notre lutte,
Point d'appui, points réels pour ponctuer notre espérance,
O vous, frère et sœurs, citoyens de beauté, entrez dans le Poème !
Voici la mer.
La baie (parce qu'elle est un fruit de la lumière et de notre regard).
Les jeunes corps sont pleins des signes de la mer.
(Oh je répète car la beauté sur notre page est d'une reconnaissance infinie...)
Tout est lumières et chant tandis que la Révolution façonne ses outils.
Voici la mer.
Ton corps, marais salant où je règne assoiffé.
Nous boirons la mer.
Je boirai ton âme.
Ivre de sel.
Ivre de soif.
A petits coups je bois ton âme.
Quel espace dans nos connexion les plus closes!
Quelles mutilations dans cet alambic saccagé !
Tu rayonnes, porteuse de planètes,
Au bord des abîmes de lin.
Sur l'autre versant de nous-mêmes
Nous basculons.
Voici la mer.
Voici les champs.
Les sarments renfrognés.
Mais les bourgeons, l'herbe parée, la terre
Large comme tes hanche !
Et les palmes le long
Des larges routes goudronnées.
Nous chanterons l'amour
Car la Révolution sur cette terre est l'élément de fécondation capitale.
Quelle gloire dans ce simple regard d'un enfant – sous ce voile
Quelle promesse !
Que les matinées ici sont bouleversantes,
Perpétuellement neuves dans leurs modulations
Qui chantera ici deux fois le même chant ?
Et maintenant l'amour à n'en plus pouvoir dire.
Sur nos dents éclatent les grenades nouvelles,
Les grenades de la conscience populaire, les fruits !
Ton corps était presque impalpable – et je le parcourais de mes lèvres ! - mais presque,
Si grande était sur toi la multitude du soleil
Et le sable alentour.
(Les mots, dis-moi ô mon amour, les mots nous allons les remettre à neuf,
Les tirer à quatre épingles – qu'ils n'aient plus honte dans le gangues où le malheur les avait mis -
Qu'ils sortent, qu'ils aillent dans la rue, sur le Môle, dans les champs.
Comme toi, qu'ils aient le sourire apaisé. Dans
La bouche des mots l'épaisseur de la mer, l'épaisseur de tes lèvres !)
La beauté sur tes lèvres est un feu continu,
L'oiseau du soleil qui s'acharne dans sa ponte miraculeuse
Et réussit !
O je n'en finis plus de saluer le jour, de mettre mon délire
Dans l'ordre quotidien, et sur ton corps
De l'ordonner, de donner vie à l'alphabet du rêve !
Je t'aime.
La Révolution monte
Parmi la pur symphonie des jeunes corps face à la mer.
Et nous nous sommes approchés.
Quel émerveillement, terre loyale,
Quelle bonté !
La beauté était là, pour le premier venu, à la portée de la main,
Vulnérable et farouche, un fruit en équilibre
Entre le regard et la faim.
Et moi
Des oiseaux, des oiseaux
Battaient, les mots prenaient
Leurs sandales de marche.
Révolution,
Que la matinée était belle !
J'ai vu le peuple le plus beau de la terre
Sourire au fruit et le fruit se donner.
Car le fruit, si tu le convies aux fêtes de l'homme,
Il accourt.
Il éclate comme une pupille.
Tu crois qu'il est dans le désordre, il nage à brasses ordonnées.
Écoute l'oursin la méduse
Qui se déploient pour se défendre :
Une mélodie de l'espace – et le cosmonaute répond.
Ton cœur n'éclate pas de joie, il s'arrondit, il se compose.
La paix est douce sur notre peau...
Je t'aime.
Tu es forte comme un comité de gestion
Comme une coopérative agricole
Comme une brasserie nationalisée
Comme la rose de midi
Comme l'unité du peuple
Comme une cellule d'alphabétisation
Comme un centre professionnel
Comme une parole de meddah
Comme l'odeur du jasmin dans la rue de Tayeb
Comme une gouache de Benanteur
Comme le chant des murs et la métamorphose des slogans
Comme le soléa de ma mère
Les bleus les bruns de Zérarti
Comme les baigneurs à la Pointe-Pescade
Comme le Nègre de Timgad
La Vénus de Cherchell
Mon coeur mon graffiti.
Je t'aime.
Tu es ma folie positive.
Comme une pastèque bien rouge
Comme le sourire d'Ahmed
Comme une chemise de Chine
Une djebbah de Yasmina
Comme un beau discours politique
Comme un camion plein de rires
Comme une jeune fille qui retire son voile
Comme une autre qui le remet
Comme un boucher qui affiche des prix bas
Comme un spectacle réussi
Comme la foule qui acclame
Comme Jean qui sur une pierre
Pose une autre et nomme la terre
Comme le jet d'eau dans la cour
Comme à la nuit la bouqala
Comme une pière de Djelal
Une élégie d'Anna Gréki
Comme une formule mathématique
Comme l'histoire de Madjnoun
Et sa Leïla
Comme le défilé du 1er Novembre
Comme le certitude de Bachir
Comme les escaliers d'Odessa
Comme à Tilioua les olives
Comme un danseur de hadaoui
Comme El Anka et sa colombe
Comme Yahia qui épluche le noûn
Et comme Nathalie qui épèle
Une orange.
Tu es ma poésie active.
Je t'aime.
Oui tu es forte tu es belle
Comme les mots qui trouvent sur la feuille
Leur place
Notre douleur cicatrisée
Notre miracle du pardon
Comme les youyous sur les terrasses
Le satellite qui répond
Comme un galet entre ta main
Et la mienne
Pour porter témoignage de l'été.
Ensemble nous avons affronté le ridicule,
Les habitudes acquises, les images courantes,
Les aciéries du capital.
Cet été les moissons furent bonnes.
La mer très bleue.
Presque verte.
Je t'aime.
Et maintenant pour nos enfants je dis la couleur de Tolga,
Ce bleu qui est venu frapper à notre vitre,
Pas le bleu de la mer mais un lit plus profond
Pour les loisirs simples de l'âme.
Et notre cœur, tout comme un drap, à ce bleu nous l'avons passé
(Regarde, il brille !)
Le sourire bleu de Tolga parmi ses ruines et ses palmes !
Et la dignité d'El Hamel !
M'Chounèche qui crépitait d'audace au fond des gorges !
Je n'en finirais plus de ranimer nos forges,
Je n'en finirais plus de nommer sur ton corps
Les infinis prolégomènes...
O Révolution patiente
Et têtue !
O ces dents qui sont la page blanche
Où mon poème se construit !
O nuit très douce
Dans les absinthes de tes bras !
Oui, n'aie pas peur, dis leur
Que tu es belle comme un comité de gestion
Comme une coopérative agricole
Comme une mine nationalisée.
Osons, ô mon amour, parer de fleurs nouvelles
Le corps du poème nouveau !
Et même si l'horreur maintenant nous fait face
(Car rien n'est facile, non, et tout sans fin remis),
A la terrasse des cafés si nos singes bouffis
Grignotent l'avenir avec des cacahuètes
Et parlent de Ben M'Hidi comme d'un objet de consommation anodine
(O frère-dynamite ! O frère-flamme nue !
O frère-vent actif qui déracine la gangrène !),
Même si le découragement et la dérision nous assaillent,
Maintenant nous savons que nous sommes sauvés
Dans le grand geste socialiste
Car la Révolution et l'Amour ont renouvelé notre chair
(Salves ! Salves cent fois de tzaghrit et de graines !)
Je t'aime.
Vers la mer
Les enfants de l'alphabet dresse leur joie comme des roseaux.
A l'ombre nous nous asseyons
Et tu t'émerveilles
Parce qu'une bête à bon Dieu vient se poser sur mon genou.
Oui, ceux qui ont péri ne nous ont pas trompés.
C'est pourquoi maintenant nous chanterons l'amour.
JEAN SENAC
Rédigé le 21/03/2018 à 22:13 dans Poésie/Littérature, Société | Lien permanent | Commentaires (0)
*Photo: Alatele fr.
Prépare ta valise. Achète un billet. Change de pays. Cesse d’être schizophrène. Tu ne le regretteras pas. Ici, tu n’es pas en paix avec ton âme. Tu te racles tout le temps la gorge. L’Occident n’est pas fait pour toi. Ses valeurs t’agressent. Tu ne supportes pas la mixité. Ici, les filles sont libres. Elles ne cachent pas leurs cheveux. Elles portent des jupes. Elles se maquillent dans le métro. Elles courent dans les parcs. Elles boivent du whisky. Ici, on ne coupe pas la main au voleur. On ne lapide pas les femmes adultères. La polygamie est interdite. C’est la justice qui le dit. C’est la démocratie qui le fait. Ce sont les citoyens qui votent les lois. L’État est un navire que pilote le peuple. Ce n’est pas Allah qui en tient le gouvernail.
Tu pries beaucoup. Tu tapes trop ta tête contre le tapis. C’est quoi cette tache noire que tu as sur le front ? Tu pousses la piété jusqu’au fanatisme. Des poils ont mangé ton menton. Tu fréquentes souvent la mosquée. Tu lis des livres dangereux. Tu regardes des vidéos suspectes. Il y a trop de violence dans ton regard. Il y a trop d’aigreur dans tes mots. Ton cœur est un caillou. Tu ne sens plus les choses. On t’a lessivé le cerveau. Ton visage est froid. Tes mâchoires sont acérées. Tes bras sont prêts à frapper. Calme-toi. La violence ne résout pas les problèmes.
Je sais d’où tu viens. Tu habites trop dans le passé. Sors et affronte le présent. Accroche-toi à l’avenir. On ne vit qu’une fois. Pourquoi offrir sa jeunesse à la perdition? Pourquoi cracher sur le visage de la beauté?
Je sais qui tu es. Tu es l’homme du ressentiment. La vérité est amère. Elle fait souvent gerber les imbéciles. Mais aujourd’hui j’ai envie de te la dire. Quitte à faire saigner tes yeux.
Ouvre grand tes tympans. J’ai des choses à te raconter. Tu n’as rien inventé. Tu n’as rien édifié. Tu n’as rien apporté à la civilisation du monde. On t’a tout donné : lumière, papier, pantalon, avion, auto, ordinateur… C’est pour ça que tu es vexé. La rancœur te ronge les tripes.
Gonfle tes poumons. Respire. La civilisation est une œuvre collective. Il n’y a pas de surhomme ni de sous-homme. Tous égaux devant les mystères de la vie. Tous misérables devant les catastrophes. On ne peut pas habiter la haine longtemps. Elle enfante des cadavres et du sang.
Questionne les morts. Fouille dans les ruines. Décortique les manuscrits. Tu es en retard de plusieurs révolutions. Tu ne cesses d’évoquer l’âge d’or de l’islam. Tu parles du chiffre zéro que tes ancêtres auraient inventé. Tu parles des philosophes grecs qu’ils auraient traduits. Tu parles de l’astronomie et des maths qu’ils auraient révolutionnées. Tant de mythes fondés sur l’approximation. Arrête de berner le monde. Les mille et une nuits est une œuvre persane. L’histoire ne se lit pas avec les bons sentiments. Rends à Mani ce qui appartient à Mani et à Mohammed ce qui découle de Mohammed. Cesse de te glorifier. Cesse de te victimiser. Cesse de réclamer la repentance. Ceux qui ont tué tes grands-parents sont morts depuis bien longtemps. Leurs petits-enfants n’ont rien à voir avec le colonialisme. C’est injuste de leur demander des excuses pour des crimes qu’ils n’ont pas commis.
Tes ancêtres ont aussi conquis des peuples. Ils ont colonisé les Berbères, les Kurdes, les Ouzbeks, les Coptes, les Phéniciens, les Perses… Ils ont décapité des hommes et violé des femmes. C’est avec le sabre et le coran qu’ils ont exterminé des cultures. En Afrique, ils étaient esclavagistes bien avant l’île de Gorée.
Pourquoi fais-tu cette tête ? Je ne fais que dérouler le fil tragique du récit. Tout est authentique. Tu n’as qu’à confronter les sources. La terre est ronde comme une toupie, même s’il y a un hadith où il est écrit qu’elle est plate. Tu aurais dû lire l’histoire de Galilée. Tu as beaucoup à apprendre de sa science. Tu préfères el-Qaradawi. Tu aimes Abul Ala Maududi. Tu écoutes Tarik Ramadan. Change un peu de routine. Il y a des œuvres plus puissantes que les religions.
Essaie Dostoïevski. Ouvre Crime et châtiment. Joue Shakespeare. Ose Nietzche. Quand bien même avait-il annoncé la mort de Dieu, on a le droit de convier Allah au tribunal de la raison. Il jouera dans un vaudeville. Il fera du théâtre avec nous. On lui donnera un rôle à la hauteur de son message. Ses enfants sont fous. Ils commettent des carnages en son nom. On veut l’interroger. Il ne peut pas se dérober. Il doit apaiser ses textes.
Tu trouves que j’exagère ? Mais je suis libre de penser comme tu es libre de prier. J’ai le droit de blasphémer comme tu as le droit de t’agenouiller. Chacun sa Mecque et chacun ses repères. Chacun son dieu et à chaque fidèle ses versets. Les prophètes se fustigent et la vérité n’est pas unique. Qui a raison et qui a tort ? Qui est sot et qui est lucide ? Le soleil est assez haut pour nous éclairer. La démocratie est assez vaste pour contenir nos folies.
On n’est pas en Arabie saoudite ni au Yémen. Ici, la religion d’État, c’est la liberté. On peut dire ce qu’on pense et on peut rire du sacré comme du sacrilège. On doit laisser sa divinité sur le seuil de sa demeure. La croyance, c’est la foi et la foi est une flamme qu’on doit éteindre en public.
Dans ton pays d’origine, les chrétiens et les juifs rasent les cloisons. Les athées y sont chassés. Les apostats y sont massacrés. Lorsque les soldats d’Allah ont tué les journalistes, tes frères ont explosé de joie. Ils ont brûlé des étendards et des bâtiments. Ils ont appelé au djihad. Ils ont promis à l’Occident des représailles. L’un d’eux a même prénommé son nouveau-né Kouachi.
Je ne comprends pas tes frères. Il y a trop de contradictions dans leur tête. Il y a trop de balles dans leurs mitraillettes. Ils regardent La Mecque, mais ils rêvent de Hollywood. Ils conduisent des Chrysler. Ils chaussent des Nike. Ils ont des IPhone. Ils bouffent des hamburgers. Ils aiment les marques américaines. Ils combattent « l’empire », mais ils ont un faible pour ses produits.
Et puis, arrête de m’appeler « frère ». On n’a ni la même mère, ni les mêmes repères. Tu t’es trop éloigné de moi. Tu as pris un chemin tordu. J’en ai assez de tes fourberies. J’ai trop enduré tes sottises. Nos liens se sont brisés. Je ne te fais plus confiance. Tu respires le chaos. Tu es un enfant de la vengeance. Tu es en mission. Tu travailles pour le royaume d’Allah. La vie d’ici-bas ne t’intéresse pas. Tu es quelqu’un d’autre. Tu es un monstre. Je ne te saisis pas. Tu m’échappes. Aujourd’hui tu es intégriste, demain tu seras terroriste. Tu iras grossir les rangs de l’État Islamique.
Un jour, tu tueras des innocents. Un autre, tu seras un martyr. Puis tu seras en enfer. Les vierges ne viendront pas à ton chevet. Tu seras bouffé par les vers. Tu seras dévoré par les flammes. Tu seras noyé dans la rivière de vin qu’on t’a promise. Tu seras torturé par les démons de ta bêtise. Tu seras cendre. Tu seras poussière. Tu seras fiente. Tu seras salive. Tu seras honte. Tu seras chien. Tu seras rien. Tu seras misère.
https://www.causeur.fr/islam-daech-terrorisme-36313
Rédigé le 20/03/2018 à 13:38 dans Islam, Société | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé le 17/03/2018 à 19:31 dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)
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