Dans un premier temps, quatre personnes ont été placées en garde à vue, dont la principale suspecte, Dahbia B. L’enquête se concentre sur le profil psychiatrique de cette SDF de 24 ans, d’origine algérienne, qui a été filmée par la vidéosurveillance en train de rentrer dans l’immeuble avec l’adolescente de retour de l’école, rapporte Le Parisien. La principale suspecte a été vue par un témoin en train de pousser la malle contenant le corps de Lola, selon le quotidien.
Une femme de 24 ans, principale suspecte du meurtre de Lola a été mise en examen lundi par un juge d’instruction parisien pour « meurtre » et « viol aggravé », trois jours après la découverte vendredi dans une malle du corps de la collégienne de 12 ans.
Selon une source proche du dossier, elle a été mise en examen pour « meurtre de mineur de moins de 15 ans » et « viol commis avec actes de torture et de barbarie ».
Une information judiciaire portant sur ces deux infractions criminelles et le délit de recel de cadavre a été ouverte par le parquet de Paris, a précisé une source judiciaire.
Le ministère public a requis le placement en détention provisoire de la femme ainsi que d’un homme, a-t-elle ajouté.
Le débat devant le juge des libertés et de la détention (JLD), qui doit se prononcer sur cette question, a débuté peu après 18h00.
Cheveux brun ondulés remontés en chignon, la femme considérée comme la principale suspecte s’est présentée avec un survêtement bleu, un T-shirt gris et un sweat clair sur les épaules, a constaté une journaliste de l’AFP.
La suspecte avait été interpellée à l’aube samedi à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine). Le huis clos a rapidement été prononcé pour la sérénité et la confidentialité des débats.
Cette jeune femme, qui souffrirait de troubles psychiques, avait été aperçue sur les images des caméras de surveillance de l’immeuble où résidait la collégienne.
Autre suspect
Un témoin a également signalé la présence de cette femme, qui aurait sollicité son aide contre rémunération pour déplacer une malle volumineuse, selon plusieurs médias.
Âgé de 43 ans, l’homme qui devait également être présenté à un magistrat dans la journée, est soupçonné d’avoir hébergé et véhiculé la suspecte.
Les parents de l’adolescente, inquiets de ne pas la voir rentrer du collège vendredi après-midi, avaient alerté la police de la disparition de leur fille, ainsi que de la présence de cette jeune femme inconnue dans la résidence, située dans le 19e arrondissement de Paris.
C’est finalement un SDF de 42 ans qui a découvert une boîte en plastique opaque renfermant le corps de l’adolescente, dans la cour intérieure de l’immeuble où réside la famille de Lola.
Le corps de la collégienne était dissimulé par des tissus, selon des sources proches du dossier. Deux valises cabine étaient posées à côté de la malle.
L’autopsie pratiquée samedi a déterminé que Lola était morte asphyxiée, selon une source proche de l’enquête. Les premières constatations avaient fait état de plaies importantes au cou.
Au total, six personnes ont été placées en garde à vue dans le cadre de l’enquête menée par la Brigade criminelle de la police judiciaire parisienne.
Quatre d’entre elles ont été libérées sans poursuite à ce stade.
« Épreuve terrible »
De multiples investigations ont été réalisées afin d’établir le déroulement des faits et le mobile des auteurs.
Durant le week-end, de nombreux habitants ont témoigné de leur tristesse et de leur effroi en déposant des fleurs sur la grille de la résidence de la famille de la victime et un muret conduisant au bâtiment, avait constaté une journaliste de l’AFP.
Le rectorat a annoncé la mise en place de cellules de soutien psychologique pour les élèves et pour les personnels du collège où était scolarisée Lola et des écoles du secteur.
Lundi matin, le maire du XIXe arrondissement, François Dagnaud, s’est rendu au collège Georges-Brassens où était scolarisée Lola. « C’est une épreuve terrible que traverse ce collège, cette communauté scolaire et tout un quartier », a-t-il dit.
Une élève de 5e, qui connaissait Lola de vue, dit ne « pas (être) bien aujourd’hui, elle ne veut pas venir au collège », a témoigné auprès de l’AFP sa mère, qui a souhaité rester anonyme.
« Ce qui est important, c’est que la principale suspecte, a priori, soit interpellée et qu’il n’y a pas un psychopathe qui est en train de se promener dans les rues de ce quartier par ailleurs tout à fait calme », a ajouté M. Dagnaud.
Légitimement, nous devons nous interroger sur ce qui s’est passé ce jour là, le 17 octobre 1961à Paris. Quel a été le nombre de corps d’Algériens et d’Algériennes littéralement avalés par la Seine ?
Jetés de sang froid par les forces de l’ordre de l’époque, après avoir été massacrés. Souvent, ces corps portaient des traces de strangulations.
Parmi ces victimes : Saïd Alilou, Mabrouk Yousfi, Ahmed Khlifi, Mohamed Khadraoui, Abdelaziz Baal, Miohamed Farès, M’Hamed Lamchaichi, Saïd Boukrif, Abdelmadjid Gacem, Hocine Milizi, Saïd Hadj Ali, Mohamed Saïd Ould Saïd… D’où venaient ces Algériens et Algériennes : de Paris 18è et quartier latin-, Montreuil, Nanterre, Porte de Champerret, Porte de la Villette, Argenteuil… Le nombre de morts ? 140 selon les services de l’Inspection générale de la police ; entre 200 à 327 selon la Fédération de France du FLN. Mais aussi, officiellement : 9260 Algériens furent détenus : 6600 au Palais des Sports ; 860 à Vincennes ; 1800 au stade de Coubertin et ailleurs.
Et pourtant que réclamaient alors nos compatriotes au pays des droits de l’homme ? « A bas le couvre-feu. Négociez avec le GPRA. Vive le FLN. Indépendance de l’Algérie ». La France pouvait comprendre ces slogans scandés de façon pacifique, elle qui a subi l’occupation nazie… Dès leur descente des cars, ils étaient accueillis pas des « Sale race », « ratons », « bicots » avec force frappes à coups de poing, de pied, de crosse, de nerfs de bœuf ; furent également utilisés les supplices de l’eau, de l’empalement sur une bouteille, de l’électricité…La chasse au faciès eut lieu ce jour là.
« Il m’a été pénible d’assister à des actes indignes d’êtres civilisés… des actes d’une bestialité révoltante ont été commis de propos délibéré par des policiers. Le nombre de doigts écrasés, de côtes enfoncées et de fractures du crâne ne se compte plus… Je ne m’étendrai pas sur ce sinistre tableau d’une sauvagerie inouïe » (Joseph Gommenginger, gardien de la paix), (1). Un autre témoignage d’un médecin militaire français : « L’entrée du stade franchie, c’est une vision d’horreur à laquelle, naïvement, je ne m’attendais pas. L’impression est celle d’un troupeau de bestiaux parqués dans un espace trop étroit (…). Le commissaire principal m’a avoué qu’il n’avait jamais vu ses hommes se déchaîner avec une telle sauvagerie… »
Comment vivaient ces victimes ? Souvent entassées dans de vieux hôtels de la région parisienne. J.L Einaudi rapporte que : les plus favorisés ont une chambre pour deux, mais il n’est pas rare que quatre garçons s’entassent dans une même pièce. Certains vivent ainsi depuis dix ans. D’autres encore occupent le même lit à deux : l’un le jour, l’autre la nuit, selon leurs horaires de travail. Et il relate comment des cars de police s’arrêtent devant ces hôtels, les occupants des chambres sortent pour stationner dans les couloirs et les escaliers pour qu’il soit procédé aux fouilles et aux perquisitions. Certains médecins, nous dit-il, ont aménagé deux salles d’attente à leur cabinet : l’une pour les Français, l’autre pour les Algériens.
Mais, il en est qui reçurent des menaces de mort pour avoir ausculté des Algériens victimes de sévices et de leur avoir délivré des certificats médicaux. Et ces victimes de l’arbitraire étaient repérées au faciès ; leurs papiers ne leur étaient pas demandés dès lors qu’apparaissaient des individus aux cheveux frisés et au teint basané. De l’hostilité à l’état pur. Méthodiquement et de sang froid, les victimes étaient jetées par-dessus le pont après avoir été systématiquement frappées à coups de matraque et de nerfs de bœuf. Faut-il s’étonner dès lors qu’il y eut du sang partout, sur le pont, comme sur un vrai champ de bataille ?
J.L. Einaudi, citant le New York Herald Tribune du 19 octobre 1961, rapporte l’anecdote suivante : Joseph Pomerleau, touriste américain, les cheveux noirs et une fine moustache. Vers 21 heures 30, en sortant de son hôtel, près de Solferino, il se retrouve avec un pistolet braqué sur lui… Collé sur un mur, il est matraqué. Quand il rentre à son hôtel, il lui manque 50.000 francs. Le lendemain ; au commissariat, on lui dira : « Vous feriez mieux de quitter le pays. Vous ressemblez trop à un Algérien »…
Plus dramatique, l’histoire de Fatima Bedar, adolescente de 15 ans, née à Bougie, qui ne rentra pas à la maison ce soir là. Le 31 octobre, on retrouvera le corps de Fatima, noyée, dans le canal de Saint-Denis… Elle ne rentrera plus.
De ce jour où eût lieu la barbarie au grand jour, en témoigne également un Algérien, M. Ahmed Djoughbal : « Le policier, fou de haine et voyant que nous étions solidaires même devant la mort, a porté un coup de matraque si terrible, oui si terrible que le cerveau de mon pauvre compagnon m’a éclaboussé la figure. Je n’ai pu entendre qu’un râle d’agonie, le frère martyrisé est mort dans mes bras. Voyant cela, le policier m’a asséné un dernier coup sur la nuque. Avant de tomber dans l’inconscience, j’ai entendu dire le policier Ils sont morts, balance-les ! » (1).
Face à cette tragédie, plusieurs personnalités et journaux s’offusquèrent de cette attitude peu commune en matière d’inhumanité ; ainsi, pour (P. Vidal-Naquet) : On aboutit à autre chose épouvantable dont certains d’entre nous se souviennent encore avec honte, au pogrom anti-algérien du 17 octobre 1961, aux Algériens jetés dans la Seine, pendus dans les bois… Pour D. Mayer, ancien président du Conseil de la Résistance, a écrit dans Les Cahiers de la République : Le racisme dont les musulmans sont l’objet dans la vie quotidienne est fort ancien (…).
A partir du moment où l’on accepte que, devant soi, sans que l’on proteste, il soit dit « raton » ou « bicot » pour Arabe, on accepte Auschwitz et les fours crématoires. Pour les Temps Modernes, sous le titre « La bataille de Paris » : Avec Papon, nous n’avons plus que le visage nu de la haine raciste (…). Alors, froidement, il a donné le signal du pogrom, il a couvert la ratonnade.
Dans un Appel contre la barbarie, la revue Esprit s’indigne : « Ce qui se passait quotidiennement à Alger s’est donc produit à Paris, et la Seine charrie les frères des cadavres qui dorment au fond de la baie d’Alger ». M. Eugène Claudius-Petit (alors vice-président de l’Assemblée nationale) a pu dire, s’adressant à M. Roger Frey (alors Ministre de l’Intérieur) : Nous vivons ce que nous n’avons pas compris que les Allemands vivaient quant Hitler s’est installé. M. Hervé Bourges, dans Témoignage chrétien a pu alors écrire : « Oui, c’est une rude leçon que viennent de nous donner les Algériens de Paris. Rude leçon parce que jamais ils ne seraient descendus dans la rue si nous, journalistes, avions su mieux informer une opinion chloroformée des réalités d’une guerre qui s’est établie sur notre sol… En 1936, dans l’Allemagne hitlérienne, Himmler expliquait aux Juifs que les ghettos avaient été créés de manière à assurer leur protection. En 1961, M. Papon assure les musulmans que les mesures du couvre-feu ont été prises dans leur propre intérêt ».
Pour Michel Winock : « Pour la légende du gaullisme, le silence de l’Elysée en ces jours-là est resté comme une meurtrissure » (Le Monde du 19 juillet 1986). Et, selon, Michel Levine (qui a sans succès tenté de consulter les registres de l’Institut médico-légal pour l’année 1961 en 1987, il écrit que Dans les Mémoires, le général de Gaulle, on cherchera vainement trace du 17 octobre 1961(2). Dans son éditorial in Le Populaire (journal du parti socialiste SFIO), M. Claude Fuzier mentionne : Les visages de la haine et du racisme que beaucoup ne voulaient pas voir, enrobés qu’ils étaient de leur bien être et de leur civilisation…. Et, comme le dit M. Robert Badinter, avocat : Ce qu’il reste maintenant de cela, ce sont les témoignages, ce sont les photos, ce sont les rappels qu’on me fait, à moi, lorsque je quitte notre pays et que je vais dans une conférence internationale de juristes où l’on me dit : chez vous aussi, ça a eu lieu à Paris, ces crimes-là », et je me tais.
Devons-nous nous taire quant à nous Algériens ? Certainement pas. Notre mémoire collective en souffrirait. La raviver constamment pour dire plus jamais ça.
Le poète a toujours raison, qui voit plus haut que l’horizon et le futur est son royaume … je déclare avec Aragon, la femme est l’avenir de l’homme » chantait Jean Ferrat.
Peut-on imaginer une femme comme premier ministre en Algérie ? La réponse à la question appelle une triade de réponses. Depuis des siècles, la société algérienne s’est organisée selon une forme patriarcale. Le territoire était soumis à l’autorité suprême : le père. L’image du père : autorité, rigueur, fermeté. Elle cristallise ses envies, ses craintes et ses aspirations sous l’autorité d’un chef unique.
Dans l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu de situation où c’est la femme qui dominerait l’homme dans tous les domaines politiques, économiques, sociaux, culturels et religieux. Il faut dire que le patriarcat n’est pas fondé sur le mode de relations horizontales c’est-à-dire sur la base de relations contractuelles dont démocratiques mais plutôt sur des relations verticales c’est-à-dire de subordination pure et simple.
« C’est par le travail, que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c’est le travail qui peut seul lui garantir une liberté » dira Simone Veil.
Aujourd’hui, la fille algérienne s’est affranchie des traditions par sa réussite dans les études, en investissant massivement le marché de travail disponible, en occupant l’espace public qui lui fût interdit.
Six décennies d’indépendance ont mis à nu l’incapacité des hommes du passé à gouverner le présent et à prévoir le futur. Un regard attentif sur les problèmes sociaux, politiques et économiques dans lesquels le pays se débat, suffit pour se convaincre de la justesse de cette hypothèse.
Aujourd’hui les femmes sont devenues incontournables dans la résolution des problèmes, tout gouvernement qui souhaite avoir une légitimité démocratique doit compter sur elles et avec elles constatent certains politologues au fait de l’évolution du monde.
Indira Gandhi a été la mère de l’Inde jusqu’à la mort. Elle s’est dévouée à la modernisation de l’Inde et à son indépendance. Elle a hérite d’un pays libéré de l’emprise britannique mais rongé par des tensions internes notamment religieuses Elle a bénéficié de la sympathie de l’armée et du soutien de la population.
Dans l’imaginaire indien, Indira Gandhi demeure associée au Mahatma Gandhi et à l’idée d’une Inde moderne et puissante. Les spécialistes de la représentation notent que l’ascension rapide des femmes est une tendance lourde de l’histoire contemporaine. C’’est un « socle en béton » : tout gouvernement souhaitant avoir une légitimité populaire doit s’appuyer sur les femmes.
« Les femmes sont la ceinture qui tient le pantalon de l’homme ». Il faut rappeler, la loi salique en France de succession au trône a été modifiée après le décès de Louis X en 1316 pour empêcher les femmes d’accéder au trône, La France de Brigide Bardot serait-elle une société machiste ? Selon le coran, les hommes et les femmes sont égaux en droits et en devoirs. La société a besoin autant de femmes médecins, ingénieurs que de femmes juristes ou politologues. Cependant de multiples obstacles sont dressés devant elles pour accéder aux postes décisionnels.
Le prix du sang a été valorisé durant la lutte de libération nationale où la femme combattait côte à côte avec l’homme le colonialisme français. Si la génération de Novembre a payé le prix du sang, elle a eu droit du repos du guerrier qui a donné lieu à une dilapidation des ressources du sous-sol saharien condamnant la génération de l’indépendance au désespoir et au suicide en fuyant le pays à bord d’embarcations de fortunes à destination de la France, qu’ils disent avoir combattu.
Depuis le 22 février 2019, un miracle s’est produit. les jeunes ont décidé de ne plus servir de nourriture aux poissons de la méditerranée et de rester au pays pour réclamer le changement du système de gouvernance. Filles et garçons manifestent ensemble, crient les mêmes slogans, et affichent leur détermination d’affronter pacifiquement le système en place ; Les femmes sont le fer de lance de cette révolution du sourire inédite dans l’histoire de l’humanité.
Aujourd’hui que les temps ont changé les lois doivent refléter l’évolution de la société. Si une femme peut devenir juge, pilote, elle peut également être premier ministre et pourquoi pas chef d’Etat.
Les femmes peuvent devenir plus sensibles, plus justes et plus rationnels que les hommes qui ont démontré leurs faiblesses dans l’exercice du pouvoir. S’il est possible que des dirigeants intelligents reconnaissent leurs erreurs et soient disposés à les corriger, il est également possible qu’un peuple qui s’est libéré du joug colonial accepte de se dire des vérités et décide dans sa grande majorité d’amorcer des changements indispensables à sa survie dans un monde sans état d’âme qui ne laisse aucune place aux nations faibles.
Dire que la femme est le sexe faible, c’est faire injure à l’intelligence humaine. Ce n’est ni une question de sexe, d’âge, de religion, de race ou de couleur. C’est une affaire de personnalité. La valeur d’un homme ou d’une femme réside dans leur personnalité. « Ma femme est un homme politique », Les couleurs que je préfère chez elle sont le bleu de sa robe, le blanc de ses draps, le rouge de ses lèvres. « La femme est la ceinture qui tient le pantalon de l’homme », selon un proverbe touareg dont le président Macron en a fait son livre de chevet.
Ses déplacements au Sahel n’ont pas été inutiles. Son esprit a réussi, là où son armée a échoué. Il faut lui rendre hommage. Les dirigeants algériens n’ont pas su tirer pas profit de la sagesse de leur peuple riche en culture et d’un territoire vaste comme quatre fois la France. Le peuple sait ce que le pouvoir ignore « au bout de la patience, il y a le ciel ». Ils sont rivés à leurs écrans, des écrans tous en couleurs avec une télécommande en noir et blanc.
L’Algérie a fait de la France une puissance nucléaire, la France a défiguré l’Algérie, elle l’a détaché de ses racines à la recherche de ses ancêtres les gaulois » à bord d’une barque en bois traversant la Méditerranée, mère de toutes les civilisations transformée en un cimetière à ciel ouvert au vu et au su de tout le monde. La France regarde des deux yeux des deux rives, l’Algérie écoute des deux oreilles des deux blocs. Les Français parlent d’énergie, les Algériens de visas. Les uns de mémoires, les autres d’histoires. Des histoires à dormir debout. C’est l’histoire de la pire tyrannie, celle du fort sur le faible. C’est la seule qui perdure depuis la nuit des temps. « Appelez les femmes le sexe faible est un mensonge. C’est une injustice des hommes faites aux femmes. Si la non-violence est la loi des êtres, le futur est avec les hommes » Mahatma Gandhi.
L’État français persiste à occulter le crime d’État perpétré en octobre 1 961 contre des manifestants algériens. Emmanuel Macron fera-t-il un pas décisif en ce sens ? Un appel unitaire à manifester ce lundi exige vérité et justice.
61 ans après le massacre de manifestants algériens à Paris, un geste fort de reconnaissance et de condamnation se fait toujours attendre. L’an dernier, Emmanuel Macron avait fait un pas en allant déposer une gerbe près du pont de Bezons, un des lieux où la police française avait jeté dans la Seine les corps de manifestants.
Mais il n’avait pas dit un mot et avait déçu, ceux, nombreux, qui espéraient qu’un cap soit franchi par celui qui, dans sa politique mémorielle à l’égard de l’Algérie, avait reconnu la responsabilité de l’armée dans l’assassinat du militant communiste Maurice Audin puis de l’avocat indépendantiste Ali Boumendjel.
Un crime d’État documenté et démontré
Le silence du président de la république, malgré un communiqué de l’Élysée affirmant que « les crimes commis sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la république », confirmait alors la politique d’occultation du crime d’État dans laquelle s’enferment les gouvernements français depuis six décennies. En faisant porter la responsabilité du crime sur le seul Préfet Papon, il éludait, encore une fois, celle de l’État français.
Le crime d’État commis en octobre 1961, documenté et démontré depuis longtemps par des témoins et par les historiens, n’est toujours pas reconnu. Cela faisait plus de six années que les Algériens luttaient pour l’indépendance de leur pays colonisé depuis 132 ans.
Alors que des négociations sont menées suite à au référendum favorable à l’autodétermination, le premier ministre Michel Debré instaure, le 5 octobre, un couvre-feu pour les seuls « Français musulmans d’Algérie ». Contre ce couvre-feu discriminatoire, des milliers d’Algériens manifestent pacifiquement, le 17 octobre. Ils sont violemment réprimés par la police aux ordres du préfet Papon et du ministre de l’Intérieur, Roger Frey. On parle d’une centaine de morts.
Après plus d’un demi-siècle, il est temps que les responsabilités soient clairement définies comme le souligne l’appel signé par tous les partis de gauche, les syndicats CGT, FSU, Solidaires et par de nombreuses organisations et associations dont la LDH, le MRAP, SOS Racisme et ATTAC. (1)
Exigeant la vérité et la justice, les signataires veulent « un geste fort et une parole claire des autorités de la République, au moment où certains osent encore parler des bienfaits de la colonisation, célébrer le putsch des généraux contre la République et honorer les criminels de l’OAS ».
L’appel donne rendez-vous sur le sur le pont Saint-Michel à Paris ce 17 octobre à 18 heures. D’autres commémorations sont prévues dans plusieurs villes.
Des fermiers des collines attaqués par les colons au sud de Hébron aux groupes armés du camp de Jénine faisant face aux raids nocturnes de l’armée israélienne, une nouvelle vague de la résistance cisjordanienne se forme.
Un manifestant palestinien affronte les forces de sécurité israéliennes lors d’une manifestation contre l’expropriation de terres palestiniennes par Israël dans le village de Kfar Qaddum en Cisjordanie occupée près de la colonie juive de Kedumim, le 7 octobre 2022 (AFP/Jaafar Ashtiyeh)
Le village de Letwani est au bout de la route. Littéralement. Derrière se trouve une route pour les colons, qui commence à Jérusalem et se termine dans les collines au sud de Hébron.
Devant se trouve Masafer Yatta, 30 km² décrétés zone de tir militaire par Israël dans les années 1980.
Les 2 500 habitants de Masafer Yatta sont impliqués dans des batailles rangées quotidiennes avec les colons et les soldats.
Le matin de mon arrivée à Letwani, j’aperçois Asharaf Mahmoud Amour (40 ans) regarder calmement une pile de parpaings. Il s’agit des restes de sa maison. Un bulldozer l’a rasée quelques heures plus tôt. À sa grande surprise, les soldats ont laissé la cabane sur la gauche et le poulailler sur la droite, tous deux faisant l’objet d’ordres de démolition.
« Je vais vous dire où on va dormir ce soir : avec les poules et les chèvres », dit-il.
« Tout ce qu’ils veulent, c’est nous faire partir. Détruire nos maisons, nous empêcher d’accéder aux champs, nous terrifier constamment avec les soldats et les colons tout autour, pénétrer chez nous, nous arrêter. Et nous savons ce qu’ils cherchent à faire ainsi, c’est nous chasser. C’est le défi que nous relevons », poursuit ce père de cinq enfants.
« Ils essaient de nous faire passer pour des terroristes face au monde. Qui sont les terroristes ? Nous essayons de rester chez nous. Ce sont eux qui nous terrorisent. Je resterai ici même si je dois dormir sous une pierre. »
Deux affiches se situent à quelques mètres de là sur le chemin de terre. Un premier panneau proclame « Soutien humanitaire aux Palestiniens menacés de transfert forcé en Cisjordanie » avec les logos de onze organismes d’aide humanitaire de l’Union européenne.
Cette expression de soutien international n’a pas dissuadé les colons, car dessus est affiché un portrait de Harum Abu Aram.
Le jeune homme de 26 ans est aujourd’hui paralysé dans un lit d’hôpital après avoir essayé de défendre sa parcelle rocailleuse.
Un autre agriculteur, Hafez Huraini, a eu la chance de s’en sortir avec les deux bras cassés.
Asharaf Mahmoud Amour inspecte les ruines de sa maison dans le village cisjordanien de Letwani (MEE/David Hearst)
Cinq colons masqués, armés de tuyaux en métal et accompagnés d’un soldat en repos qui tirait en l’air, ont attaqué Huraini alors qu’il s’occupait de sa terre. Ce dernier s’est défendu avec une houe.
Son fils Sami raconte : « Ils étaient cinq contre un quinquagénaire. Lorsque je suis arrivé à côté de mon père, son bras droit saignait et il tenait son bras gauche. D’autres villageois sont arrivés derrière moi, et d’autres colons et policiers sont arrivés. »
Les policiers ont alors annoncé qu’ils allaient arrêter le blessé.
« À ce moment-là, on s’est vraiment mis en colère. Les colons se tenaient devant l’ambulance. Nous avons mis mon père dedans. Les colons ont donné des coups de couteau dans les pneus de l’ambulance du Croissant-Rouge pour l’empêcher de partir », se rappelle Sami.
« L’armée a durci le ton et nous a chargés. Ils nous ont chassés des lieux. Puis ils ont transféré mon père dans une ambulance militaire. »
C’est ainsi qu’ont commencé dix jours de détention pour Hafez Huraini, la victime de l’attaque des colons.
Soupçonné d’avoir occasionné de graves blessures au colon qui l’a agressé, il a été transféré à la prison d’Ofer. Un tribunal militaire était prêt à le condamner à plus de douze ans de prison. Par miracle, l’affaire n’a pas tenu.
Une vidéo montrant l’intégralité de l’incident a été produite devant le tribunal. Le juge a critiqué la police pour avoir attendu plus d’une semaine pour interroger les colons.
« Les Israéliens transforment littéralement la Cisjordanie en réseau de réserves indigènes. Ils façonnent la géographie et la démographie de la Cisjordanie pour s’assurer d’établir une domination durable »
- Jamal Juma’a, activiste politique palestinien
L’avocat de Huraini, Riham Nasra, sous-entend que la manœuvre avait pour objectif de rendre les preuves inutilisables devant le tribunal. « Le complot fomenté contre Hafez Huraini a été discrédité à la minute même où une vidéo documentant son agression par des colons masqués et armés a été communiquée à la police et au public », a-t-il déclaré.
« Les dix jours de sa détention avaient pour unique but de dissimuler la vérité et de préserver la fable inventée par ses accusateurs. C’est pourquoi la police s’est abstenue d’enquêter sur ses agresseurs avec un avertissement pendant neuf jours, contaminant ainsi l’enquête dont elle est responsable. »
Néanmoins, la justice militaire n’en avait pas fini avec lui. En relâchant Huraini, le tribunal lui a ordonné de payer une caution de 10 000 shekels (2 800 dollars) et de rester loin de sa terre pendant 30 jours, dans l’attente de nouvelles investigations sur cet incident. Les colons qui ont perpétré cette attaque et le soldat en repos qui a tiré six balles en l’air sont ressortis libres.
Sami fait partie de cette nouvelle génération d’agriculteurs et activistes déterminés à résister aux prédations de l’État israélien sous toutes ses formes – colons, soldats, policiers et tribunaux.
Il a lancé le groupe Youth of Sumud. « Sumud » est un mot qui revient souvent dans les collines au sud de Hébron. Il signifie ténacité.
« Nous vivions dans une grotte lorsqu’ils nous ont chassés de notre village. Nous avions aménagé notre grotte, créé des murs, l’avions reliée à l’eau de notre village. L’occupant nous a fait payer le prix fort. J’ai eu les os brisés. La violence des colons est au plus haut », confie Sami.
Cette génération est différente : elle est assurée, déterminée, connectée à internet et elle parle couramment anglais.
« Israël s’attend à ce que les vieux meurent et que la jeunesse se résigne, mais c’est le contraire qui se produit », assure Sami.
« Nous n’attendons aucun ordre pour commencer la lutte. Nous n’avons aucun leader et nous n’appartenons à aucune faction. Nous commençons la lutte de notre propre chef. »
Sami est optimiste : « Quiconque dans cette situation envisagerait de partir, mais nous continuons à exister, à sourire, à montrer que nous sommes vivants, à montrer que nous n’abandonnons pas. Voilà ce qui rend notre peuple spécial, montrer que nous sommes incroyables. »
Jamal Juma’a, activiste palestinien de longue date, est plus pessimiste : « Les Israéliens transforment littéralement la Cisjordanie en réseau de réserves indigènes. Ils façonnent la géographie et la démographie de la Cisjordanie pour s’assurer d’établir une domination durable et la contrôler. »
Les colons ont aujourd’hui une emprise ferme sur la topographie de la Cisjordanie. Avant les accords d’Oslo, les colons devaient franchir la Ligne verte pour rejoindre Israël dans ses frontières de 1948 afin d’aller travailler. Aujourd’hui, ils disposent de dix-neuf zones industrielles (d’autres sont en construction) ainsi que de zones agricoles.
Avec des noms charmants tels que Porte du désert et Plantation de cerisiers, ils produisent de tout, du raisin au bétail.
Pour les fermiers indigènes sur cette terre, la vie est très différente. Les chemins de terre sont impraticables à cause des patrouilles militaires israéliennes.
Juma’a conclut : « On en revient aux grottes et aux ânes. »
Paralysie à Ramallah
Hani al-Masri est l’un des principaux journalistes et commentateurs politiques palestiniens.
Directeur général de Masarat, le centre palestinien de recherche politique et d’études stratégiques, Masri se considérait autrefois lui-même comme faisant partie du sérail du Fatah et confident du président Mahmoud Abbas.
Plus maintenant. « La dernière fois qu’il m’a vu, il s’est mis en colère avant même que j’aie eu une chance de parler », rapporte-t-il.
La cause de sa disgrâce est claire. Masri est devenu l’un des critiques les plus acerbes, mais également les mieux informés, d’Abbas.
« Il n’y a plus de leadership à Ramallah depuis longtemps. Au début, Abou Mazen [Abbas] s’est vanté d’obtenir plus d’Israël que Yasser Arafat parce qu’[Abbas] était modéré, contre la violence. Mais en réalité, son échec est encore plus grand que celui d’Arafat », estime Masri.
« Sa réponse à chaque échec a été “plus de négociations” mais le problème, c’est que les négociations n’intéressent pas Israël. Sans négociation, sa légitimité s’effondre, non seulement parce qu’il n’a pas de programme national mais parce que toutes les sources de sa légitimité se sont taries. »
Près de 30 ans après la signature des accords d’Oslo, le responsable de 87 ans préside au naufrage du proto-État palestinien.
« Israël s’attend à ce que les vieux meurent et que la jeunesse se résigne, mais c’est le contraire qui se produit »
- Sami Huraini, fondateur de Youth of Sumud
« Il n’y a pas de Fatah, pas d’OLP [Organisation de libération de la Palestine], pas d’élections, pas d’autorité, pas de société civile et pas de médias indépendants », énumère Masri.
Il n’est pas non plus surpris qu’Abbas ait désigné Hussein al-Sheikh comme son successeur. Celui-ci a été catapulté au poste clé de secrétaire général du comité exécutif de l’OLP au mois de mai.
Masri révèle pourquoi Abbas a choisi Sheikh. « On lui a demandé pourquoi il a choisi Sheikh et [Abbas] a répondu : “Parce qu’il est intelligent. J’ai demandé au comité central de choisir et ils n’ont pas su se mettre d’accord. Donc j’ai choisi parmi eux celui qui était intelligent.” »
Mais, lui a-t-on répondu, Sheikh n’est pas du tout populaire. « Je n’ai aucune popularité », aurait répliqué Abbas selon Masri.
Ce dernier est d’accord avec cette remarque franche. Selon les sondages d’opinion réalisés depuis plusieurs années, entre 60 % et 80 % des répondants veulent qu’Abbas démissionne.
Abbas n’a pas tout à fait tort à propos du comité central. Les poids lourds du Fatah – Nasser al-Qudwa (en exil), Jibril Rajoub, Mahmoud al-Aloul, Mohammed Dahlan (en exil) – mènent leurs propres combats.
Le Hamas, dont les dirigeants en Cisjordanie ont été décimés par les arrestations nocturnes, refuse de prendre part à la lutte de succession, comme les autres factions palestiniennes. Ils considèrent que cela relève exclusivement du Fatah.
Masri poursuit : « Je leur ai conseillé de travailler ensemble. Mais ils ne le font pas. Il y a une chose pour laquelle Abou Mazen est particulièrement doué. Il sait comment les diviser. Il a dit à un membre du comité central, “tu es mon successeur”. Chacun d’eux pense qu’il peut le faire. Il y a une expression en arabe : “lorsque tu n’as pas de cheval, selle un âne.” »
Reste à savoir si Sheikh correspond à la définition de l’âne. Sheikh pense mériter sa place au soleil, ayant fait son temps dans une geôle israélienne lui-même. Les autres n’en sont pas aussi convaincus.
Responsable des relations entre l’Autorité palestinienne (AP) et Israël, Hussein al-Sheikh s’est déjà vu décerner le titre suspect de « porte-parole de l’occupation ». La collaboration est un autre mot de plus en plus accolé à la coopération en matière de sécurité entre l’AP et les forces de sécurité israéliennes.
Il y a un accord non écrit entre lui et le chef de la sécurité de l’AP Majed Faraj, le seul autre responsable palestinien susceptible d’être considéré comme acceptable par Israël et Washington.
Malgré tout son pouvoir en tant que chef du service de sécurité préventive de l’AP, Faraj n’est pas parvenu à se faire élire au comité central de l’OLP.
Une enquête d’opinion menée en juin par le Centre palestinien pour la politique et les sondages a estimé la popularité de Sheikh à 3 % – avec une marge d’erreur de plus ou moins 3 %.
Masri poursuit : « Ils ont besoin l’un de l’autre. L’un est un canal pour Israël, l’autre un canal pour les États-Unis. Israël n’est pas encore prêt à mettre tous ses œufs dans le même panier. »
Toutefois, Sheikh est désireux d’apparaître sur le radar de Washington. Déjà, il agite le spectre de la dissolution de l’AP et la possibilité d’affrontement entre les clans armés rivaux du Fatah comme argument pour la persistance de l’AP.
« Si je devais démanteler l’AP, quelle serait l’alternative ? », déclarait-il au New York Times au mois de juillet.
« L’alternative est la violence, le chaos et les bains de sang », ajoutait-il. « Je sais les conséquences de cette décision. Je sais que les Palestiniens en paieraient le prix. »
Mais si Oslo est mort et l’AP moribonde, assurément la pratique consistant à élire uniquement des candidats dont la fonction première est de faciliter autant que possible l’occupation d’Israël est enterrée elle aussi.
Moustafa Barghouthi, leader et fondateur de l’Initiative nationale palestinienne et second derrière Abbas en 2005, le pense également.
« C’est une période très dangereuse et ceux qui pensent pouvoir imposer certaines personnes aux Palestiniens devront se montrer très prudents parce que ce qui reste de légitimité et de respect disparaîtra si nous n’avons pas de processus démocratique et de consensus parmi les Palestiniens », explique-t-il.
L’Autorité palestinienne est handicapée par trois crises : l’échec de son programme de construction d’un État ; une incapacité à présenter une stratégie alternative ; la création de divisions internes et la mort des élections.
« Ils ont tué le peu de processus démocratique que nous avions en annulant les élections », estime Barghouthi. « Ce faisant, ils ont fait disparaître le processus de participation, ils ont fait disparaître le droit du peuple à choisir ses dirigeants et ils ont totalement obstrué la voie pour la jeune génération. Comment un jeune en Palestine peut-il être influent en politique ? Comment ? »
La veille du jour où nous avons rencontré Masri, Naplouse était en flammes. Des affrontements armés avaient éclaté entre manifestants – beaucoup du Fatah – et les forces de sécurité de l’AP après l’arrestation d’un cadre du Hamas, Musab Shtayyeh, recherché par Israël.
Dans la fusillade, un quinquagénaire palestinien, Firas Yaish, a été tué et un autre homme grièvement blessé.
Des hommes armés ont visé le siège de l’AP pour manifester contre les politiques de l’autorité. Pour apaiser la ville, cette dernière a indiqué détenir Shtayyeh pour sa propre sécurité. Il est depuis en grève de la faim et l’AP lui a refusé par deux fois l’accès à son avocat.
« Sans le soutien d’Israël, l’AP s’effondrerait en quelques mois. Vous voyez ce qui s’est passé à Naplouse, tous les quartiers de Naplouse étaient en flammes, pas seulement la vieille ville mais tous les quartiers », insiste Masri.
Cela signifie que la majorité soutient les combattants qui sont contre l’Autorité palestinienne. Si l’AP revient sur sa promesse de libérer Shtayyeh et de le traiter comme une cause nationale, non comme un criminel, je pense que ce mouvement sera plus grand. »
Masri ajoute : « Notre problème est le suivant. Il nous faut changer, mais les conditions du changement ne sont pas réunies. Je redoute le scénario du chaos, pas le scénario du changement. »
Résistance dans le camp de Jénine
Les descentes nocturnes israéliennes se multiplient en Cisjordanie et tous les indicateurs de l’occupation sont à la hausse sous le gouvernement de coalition de Naftali Bennett et Yaïr Lapid.
Peace Now, le groupe de pression israélien qui plaide pour la solution à deux États, a comparé l’occupation sous cette coalition à celle de l’administration de Benyamin Netanyahou en matière de projets de colonies, d’appels d’offre, de début de construction, de nouveaux avant-postes, de démolitions, d’attaques de colons et de décès de Palestiniens.
Chacune de ces catégories est à la hausse. On constate une augmentation de 35 % des démolitions de maisons, une envolée de 62 % dans les lancements de construction, une hausse de 26 % des projets de nouveaux logements. La violence des colons a quant à elle bondi de 45 %.
Selon les données de l’ONU, au moins 85 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie entre le début de l’année et le 11 septembre, contre une moyenne annuelle de 41 décès sous Netanyahou – et, en l’espace d’un mois, ce chiffre a franchi le cap de la centaine, plaçant 2022 sur la voie de l’année la plus meurtrière des violences en Cisjordanie en plus de dix ans.
L’image de modéré de Lapid sur la scène internationale dissimule une vague implacable de violence étatique contre les civils palestiniens.
Beaucoup meurent dans des fusillades, dont les circonstances exactes ne sont pas claires et qui ne font pas l’objet d’enquêtes indépendantes.
Récemment, deux jeunes Palestiniens ont été abattus et un autre blessé quand les forces israéliennes ont ouvert le feu sur un véhicule près du camp de réfugiés de Jalazone, au nord de Ramallah.
L’armée israélienne a dit avoir « neutralisé » deux « suspects », affirmant que ceux-ci avaient « tenté de mener une attaque à la voiture-bélier contre des soldats ». L’armée a précisé en avoir tué deux et en avoir blessé un troisième.
Les victimes étaient Basel Basbous et Khaled al-Dabbas, tous deux originaires du camp de Jalazone. Mais le comité des prisonniers de l’Autorité palestinienne a indiqué avoir visité un hôpital de Jérusalem où ses membres ont vu Basel Basbous, qui a été blessé et y est soigné.
Les autorités israéliennes ont depuis longtemps cessé de confirmer l’identité des victimes et des survivants, sans parler de rendre les corps des défunts à leur famille pour qu’ils soient inhumés.
Yehia Zubaidi a passé 16 ans en prison en Israël après avoir combattu lors de la seconde Intifada (MEE)
Yehia Zubaidi a appris que son frère Daoud était mort de ses blessures à l’hôpital de Haïfa dans les médias israéliens. Mais l’hôpital a refusé de rendre le corps.
Yehia Zubaidi a combattu lors de la seconde Intifada qui a commencé en l’an 2000 et a passé seize ans en prison entre 2002 et 2018. Son frère Zakaria était l’un des six prisonniers qui se sont évadés de la prison de Gilboa en septembre 2021, avant d’être tous repris.
Yehia l’assure : « Mes années en prison ne m’ont pas changé, mais je comprends bien mon ennemi. La prison ne nous a jamais stoppés. J’ai prénommé mon fils Osama, c’était le nom d’un de mes amis qui a été assassiné. Mon deuxième fils s’appelle Mohammed et le troisième Daoud comme mon frère. »
En effet, la résistance se transmet de génération en génération.
Shtayyeh, le cadre du Hamas arrêté à Naplouse, était proche d’Ibrahim Nabulsi, membre de l’aile armée du Fatah – les Brigades des martyrs d’al-Aqsa –, assassiné par les forces israéliennes en août.
Nabulsi, qui était encore adolescent, était le fils d’un officier des renseignements au sein de l’Autorité palestinienne.
« Ibrahim pourchassait [les soldats israéliens], ce n’était pas l’inverse. Dès qu’il entendait parler d’un raid de l’armée israélienne, il était le premier à y aller et à les affronter. C’était son destin. Loué soit Dieu », a-t-il déclaré.
Son fils de 18 ans a laissé un mot indiquant qu’il voulait que son corps soit couvert du drapeau palestinien, plutôt que du drapeau de sa faction.
Barghouthi estime que « c’est en soit un indicateur très important d’une nouvelle conscience qui se développe parmi les jeunes Palestiniens ».
Lubna al-Amouri a transformé sa maison en sanctuaire pour son défunt fils Jamil, jeune commandant du Jihad islamique dans le camp qui a été pris dans une embuscade alors qu’il se rendait au mariage d’un ami il y a un an.
En tentant de s’échapper, il a été abattu d’une balle dans le dos. Deux officiers de sécurité palestiniens ont été tués dans la fusillade. Elle ressent à la fois de la fierté vis-à-vis de son fils, salué comme un héros local, et le chagrin d’une mère.
« À l’école, Jamil avait hâte de faire partie de la résistance, mais je ne l’ai pas laissé faire. Je lui ai acheté une voiture et je l’ai fait travailler. Je voulais qu’il devienne chauffeur de taxi, mais il a vendu la voiture pour acheter une arme et a commencé seul, sans groupe derrière lui. Cela ne faisait pas six mois qu’il appartenait au Jihad quand il est mort », raconte-t-elle, les larmes aux yeux.
« C’était un bon garçon. Il donnait ce qu’il avait d’argent ou de nourriture à des familles plus pauvres. Il était en colère à cause des événements à Jérusalem, les incursions à al-Aqsa. Il a vu ce qui se passait en Cisjordanie et il ne pouvait pas s’empêcher de s’impliquer.
« Nous ne nous reposons jamais dans le camp. Nous nous entraidons les uns les autres. Personne dans le camp ne pense à l’avenir. J’ai deux autres garçons et ils ont vu ce qui est arrivé à leur frère, j’ai peur pour eux. Lorsque j’entends des tirs, tout le monde sort », poursuit-elle.
J’ai demandé à Zubaidi s’il pensait voir la fin de l’occupation de son vivant.
« Oui », a-t-il répliqué sans la moindre hésitation.
« L’occupation s’effondre. Année après année, c’est un échec. Nous sommes des combattants légitimes. Ils tentent de changer le pays parce que nous comprenons que nous avons des droits sur ce pays et que nous le possédons. »
Zubaidi désigne les bâtiments du camp de Jénine qui sont peints en jaune. Ils ont été reconstruits à partir des ruines de la bataille de Jénine en 2002, au cours de laquelle les forces israéliennes ont tracé leur chemin à travers le camp à coups de bulldozer. Entre 52 et 54 Palestiniens ainsi que 23 soldats israéliens ont été tués dans les combats.
Lubna al-Amouri et son mari Mahmoud se tiennent à côté d’une photographie de leur fils, Jamil (MEE)
Pendant notre entretien, nous sommes rejoints par un homme prénommé Mohammed qui se présente comme un survivant de la bataille.
Mohammed était un jeune garçon à l’époque et se trouvait ce jour-là chez lui avec sa mère et son père. Sa mère préparait du pain pour les combattants dans les rues dehors, se remémore-t-il. Il se rappelle une explosion puis un « brouillard » dans la pièce. Sa mère s’était effondrée par-dessus le pain, elle saignait. Elle oscillait entre conscience et inconscience.
Mohammed poursuit : « Je me suis endormi à côté d’elle. Nous avions appelé une ambulance mais les Israéliens l’avaient empêchée de passer. Au matin, j’ai vu mon père mettre un voile sur ma mère quand je me suis réveillé. Il m’a dit : “Elle dort et tu es désormais avec moi”. »
Mohammed confie avoir prénommé sa fille Maryam en l’honneur de sa mère.
Le camp de Jénine est à la fois libéré de l’AP, qui n’ose pas entrer, et de l’occupation israélienne. Il n’y a pas de colonie autour de Jénine, donc les factions palestiniennes armées font la loi.
Abu Ayman (pseudonyme) est le commandant du Jihad islamique dans le camp.
Il assure : « Toutes les factions à Jénine sont les mêmes. Aucune n’accepte ce qu’Abbas fait, mais nous n’accepterons pas un homme tel que Sheikh. Nous ne reconnaissons pas les élections ou le Parlement. »
« Nous sommes unis. Si nous sommes face à un problème, nous n’en parlons pas à l’AP pour qu’elle vienne nous aider. Nous avons tout ce dont nous avons besoin, même de l’argent.
« À l’intérieur du camp, on se respecte les uns les autres, même entre partis différents. Les gens ne peuvent pas vivre [sous l’occupation] pour toujours. La résistance perdurera. Nous vivons librement ici. C’est ce que désire chacun en Palestine. »
Néanmoins, le camp de Jénine paie le prix fort pour cette liberté relative. Chaque mois, il y a des raids sanglants. Quelques jours après notre rencontre, Abu Ayman a échappé de peu à une embuscade des forces de sécurité israéliennes dans une petite forêt près du camp.
« Je figure désormais sur la liste des personnes les plus recherchées par Israël », indique-t-il.
Zubaidi affirme : « Croire en notre dignité, c’est comme croire en Dieu. De quoi ai-je besoin dans la vie ? Je veux que mon fils se sente en sécurité. Qu’attendez-vous de ces gens ? Nous sommes face à l’oppression et ils veulent qu’on reste calmement dans nos maisons. À quoi vous attendez-vous ? »
Par
David Hearst
–
CISJORDANIE, Palestine occupée
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 07:12 | Last update:11 hours 58 mins ago
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
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Le drame a choqué toute l’Algérie. Le 26 septembre, en Kabylie, Ryma Anane, 28 ans, enseignante de français, a été attaquée par son voisin alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bus pour aller à son travail. Il l’a aspergée d’essence et brûlée vive à l’aide d’un briquet.
La nouvelle s’est répandue très vite sur les réseaux sociaux. Selon des sources locales, l’agresseur a fini par se rendre à la police quelques heures après l’attaque. D’après ses aveux, il aurait agi ainsi parce que la jeune femme avait refusé de se marier avec lui et choisi un autre futur époux.
« Son dos et son cou en flammes, Ryma s’empresse d’aller chercher de l’aide. Arrivée chez elle, elle s’effondre, et bredouille quelques mots : ‘’Il a brûlé mon avenir !’’ », rapporte le site d’information TSA.
Après son transfert à l’hôpital de Tizi Ouzou (Kabylie), les médecins ont jugé que son état nécessitait une prise en charge rapide à l’étranger au regard de la gravité des brûlures (60 % de son corps).
Rapidement, la solidarité s’est organisée à travers les réseaux sociaux et une cagnotte a été lancée pour payer les frais d’un transfert en Europe.
« La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation », relate France 24.
Mais l’établissement n’a pas accepté l’échelonnement de la facture. « Qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », témoigne toujours sur France 24 un ami de la victime.
Faute d’avoir pu obtenir un visa pour la France, l’entourage de Ryma s’est tourné vers l’Espagne, qui a accepté de lui en délivrer un. Et grâce à une société d’assistance médicale, ADM international, la famille a pu trouver un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins onéreux, avec par ailleurs la possibilité de payer par tranches.
Ryma a donc été transférée en Espagne par avion médicalisé grâce aux efforts de ses proches et des nombreux donateurs en Algérie et à l’étranger. Selon les dernières informations, son état se serait stabilisé.
La cellule de veille indépendante Féminicides Algérie relève qu’une jeune femme, mère de quatre enfants, a été assassinée, brûlée vive, par son époux le 16 avril 2022. Depuis le début de l’année, 32 cas de féminicides ont été recensés par les militantes.
Par
MEE
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
Il y a 60 ans au Petit-Clamart, de Gaulle échappe de peu à la mort
Des impacts de balles sur la voiture du président Charles de Gaulle après qu'il a échappé à un attentat de l'OAS au rond-point du Petit-Clamart, le 22 août 1962 dans la cour de la Police judiciaire, quai des Orfèvres à Paris
Le chef de l'Etat, qui a présidé le Conseil des ministres de rentrée, vient de quitter l'Elysée avec Yvonne de Gaulle. Direction l'aérodrome militaire de Villacoublay pour regagner leur demeure de la Boisserie, à Colombey-les-Deux-Eglises.
Pratiquement arrivée à destination, la DS Citroën, accompagnée d'un véhicule d'escorte et de deux motocyclistes de la gendarmerie, roule à vive allure à hauteur du Petit-Clamart, quasi désert en ce mercredi soir d'août.
Il est environ 20h20, entre chien et loup. En bord de route, un homme agite un journal. Cerveau de l'attentat, Jean-Marie Bastien-Thiry, un polytechnicien, vient de donner le signal.
L'opération - nom de code "Charlotte Corday" - est menée par des conjurés mus par une même haine du "traître" de Gaulle, accusé d'avoir précipité la fin de l'Algérie française et de livrer le pays au communisme. Des pieds-noirs, d'anciens militaires et des étudiants. Le plus jeune a 20 ans.
Pas très aguerri, ce commando hétéroclite proche de l'OAS ouvre le feu. D'abord au fusil-mitrailleur depuis une estafette jaune. Puis d'un second véhicule garé plus loin.
L'opération ne dure que 45 secondes. Plus de 150 balles sont tirées, la voiture présidentielle porte huit impacts, trois balles ont traversé l'habitacle. Le couple est couvert d'éclats de verre mais sain et sauf. "Hasard incroyable !", dira le général dans ses mémoires.
Ils doivent une fière chandelle au sang froid de leur chauffeur Francis Marroux - c'est déjà lui qui conduisait la voiture présidentielle, un an plus tôt, lors de l'attentat de Pont-sur-Seine, aussi commandité, on le saura plus tard, par Bastien-Thiry - et de leur gendre, Alain de Boissieu, qui, assis à l'avant, intime "A terre, Père !"
- "Cette fois, c'était tangent" -
Sur deux jantes et deux pneus, la DS parvient jusqu'à l'aéroport tout proche. Imperturbable, de Gaulle passe en revue, comme chaque fois, les soldats. Tout juste glisse-t-il à son gendre, en montant dans l'avion sans changer ses plans: "Cette fois, c'était tangent !"
Il a failli mourir avenue de la Libération. Un comble pour l'homme du 18 juin...
Auteur du livre "Un attentat", l'historien Jean-Noël Jeanneney pointe une "somme de hasards" pour expliquer cet échec. Et, surtout, qu'"aucun" des conjurés "n'était prêt à mourir pour toucher leur but".
Des armes qui s'enrayent, des tireurs pas assez entraînés, avancera en 2012 à l'AFP un survivant du commando. "Ah, cher ami, ils tirent comme des cochons", rit le soir même le général au téléphone avec son Premier ministre Georges Pompidou.
Très vite, la nouvelle de la tentative d'assassinat se répand. "Attentat manqué contre de Gaulle": l'Agence France-Presse publie à 20h55 un premier "flash". Suivi d'un autre: "Des coups de feu ont été tirés peu après 20h00 contre la voiture du général de Gaulle près de Villacoublay. Personne n'a été atteint".
On apprendra plus tard qu'un certain M. Fillon, conduisant en sens inverse, a été touché à la main. Sans gravité.
Forte émotion dans le pays, encore en vacances. Même si les Français, avec le conflit algérien, ont vécu ces dernières années au rythme des bombes, dans un climat de guerre permanent.
Fin stratège, de Gaulle, qui échappera encore à plusieurs attentats, va profiter de cette émotion. Sur le plan politique, l'attentat "tombe à pic", confie-t-il, presque joyeux, à son ministre Alain Peyrefitte après la fusillade.
Avant d'ajouter: "les choses s'accélèrent. Nous vivons un précipité d'Histoire". De fait, il parvient en cette année 1962 à faire modifier la Constitution pour l'élection du président au suffrage universel.
Dans les semaines qui suivent l'attentat, la traque du commando est fructueuse. Vite interpellé, l'un des maillons faibles se met à table. Presque tous les conjurés sont arrêtés, dont leur chef, Bastien-Thiry, le 15 septembre.
Le procès s'ouvre fin janvier 1963. Devant une juridiction d'exception, la Cour militaire de justice, neuf hommes sont sur le banc des accusés.
Défendus notamment par Jacques Isorni, l'avocat de Pétain, et Jean-Louis Tixier-Vignancour, qui sera candidat d'extrême droite à la présidentielle de 1965 face... à de Gaulle.
Trois sont condamnés à mort. Le général en gracie deux. Bastien-Thiry, 35 ans, est lui passé par les armes le 11 mars. Il sera le dernier condamné à mort fusillé en France.
Pas question pour de Gaulle de pardonner à celui qui a attenté à la vie de son épouse. Tout aussi impavide, "Tante Yvonne" aurait eu, lors de l'attentat, cette simple phrase, passée à la postérité: "j'espère que les poulets n'ont rien eu". Allusion non pas aux policiers mais à la volaille en gelée dans le coffre...
Il y a 60 ans au Petit-Clamart, de Gaulle échappe de peu à la mort
REPORTERS ASSOCIES/Gamma-Rapho via Getty Images)
Le 22 août 1962, le général de Gaulle et son épouse Yvonne étaient la cible d'un attentat des ultras de l'Algérie française dont le cortège présidentiel est sorti miraculeusement indemne
Le Petit-Clamart, banlieue sud de Paris. Soir du 22 août 1962. Le cortège présidentiel est la cible d'un attentat des ultras de l'Algérie française. Le général de Gaulle et son épouse en sortent miraculeusement indemnes.
Le chef de l'Etat, qui a présidé le Conseil des ministres de rentrée, vient de quitter l'Elysée avec Yvonne de Gaulle. Direction l'aérodrome militaire de Villacoublay pour regagner leur demeure de la Boisserie, à Colombey-les-Deux-Eglises.Pratiquement arrivée à destination, la DS Citroën, accompagnée d'un véhicule d'escorte et de deux motocyclistes de la gendarmerie, roule à vive allure à hauteur du Petit-Clamart, quasi désert en ce mercredi soir d'août.
Il est environ 20h20, entre chien et loup. En bord de route, un homme agite un journal. Cerveau de l'attentat, Jean-Marie Bastien-Thiry, un polytechnicien, vient de donner le signal. L'opération - nom de code "Charlotte Corday" - est menée par des conjurés mus par une même haine du "traître" de Gaulle, accusé d'avoir précipité la fin de l'Algérie française et de livrer le pays au communisme.
Des pieds-noirs, d'anciens militaires et des étudiants. Le plus jeune a 20 ans. Pas très aguerri, ce commando hétéroclite proche de l'OAS ouvre le feu. D'abord au fusil-mitrailleur depuis une estafette jaune. Puis d'un second véhicule garé plus loin. L'opération ne dure que 45 secondes. Plus de 150 balles sont tirées, la voiture présidentielle porte huit impacts, trois balles ont traversé l'habitacle. Le couple est couvert d'éclats de verre mais sain et sauf.
"Hasard incroyable !", dira le général dans ses mémoires. Ils doivent une fière chandelle au sang froid de leur chauffeur Francis Marroux - c'est déjà lui qui conduisait la voiture présidentielle, un an plus tôt, lors de l'attentat de Pont-sur-Seine, aussi commandité, on le saura plus tard, par Bastien-Thiry - et de leur gendre, Alain de Boissieu, qui, assis à l'avant, intime "A terre, Père !"
"Cette fois, c'était tangent"
Sur deux jantes et deux pneus, la DS parvient jusqu'à l'aéroport tout proche. Imperturbable, de Gaulle passe en revue, comme chaque fois, les soldats. Tout juste glisse-t-il à son gendre, en montant dans l'avion sans changer ses plans : "Cette fois, c'était tangent !" Il a failli mourir avenue de la Libération. Un comble pour l'homme du 18 juin...
Auteur du livre "Un attentat", l'historien Jean-Noël Jeanneney pointe une "somme de hasards" pour expliquer cet échec. Et, surtout, qu'"aucun" des conjurés "n'était prêt à mourir pour toucher leur but". Des armes qui s'enrayent, des tireurs pas assez entraînés, avancera en 2012 à l'AFP un survivant du commando.
"Ah, cher ami, ils tirent comme des cochons", rit le soir même le général au téléphone avec son Premier ministre Georges Pompidou. Très vite, la nouvelle de la tentative d'assassinat se répand. "Attentat manqué contre de Gaulle": l'Agence France-Presse publie à 20h55 un premier "flash". Suivi d'un autre : "Des coups de feu ont été tirés peu après 20h00 contre la voiture du général de Gaulle près de Villacoublay. Personne n'a été atteint".
On apprendra plus tard qu'un certain M. Fillon, conduisant en sens inverse, a été touché à la main. Sans gravité. Forte émotion dans le pays, encore en vacances. Même si les Français, avec le conflit algérien, ont vécu ces dernières années au rythme des bombes, dans un climat de guerre permanent. Fin stratège, de Gaulle, qui échappera encore à plusieurs attentats, va profiter de cette émotion.
Un attentat qui "tombe à pic"
Sur le plan politique, l'attentat "tombe à pic", confie-t-il, presque joyeux, à son ministre Alain Peyrefitte après la fusillade. Avant d'ajouter : "les choses s'accélèrent. Nous vivons un précipité d'Histoire". De fait, il parvient en cette année 1962 à faire modifier la Constitution pour l'élection du président au suffrage universel. Dans les semaines qui suivent l'attentat, la traque du commando est fructueuse.
Vite interpellé, l'un des maillons faibles se met à table. Presque tous les conjurés sont arrêtés, dont leur chef, Bastien-Thiry, le 15 septembre. Le procès s'ouvre fin janvier 1963. Devant une juridiction d'exception, la Cour militaire de justice, neuf hommes sont sur le banc des accusés. Défendus notamment par Jacques Isorni, l'avocat de Pétain, et Jean-Louis Tixier-Vignancour, qui sera candidat d'extrême droite à la présidentielle de 1965 face... à de Gaulle.
Trois sont condamnés à mort. Le général en gracie deux. Bastien-Thiry, 35 ans, est lui passé par les armes le 11 mars. Il sera le dernier condamné à mort fusillé en France. Pas question pour de Gaulle de pardonner à celui qui a attenté à la vie de son épouse.
Tout aussi impavide, "Tante Yvonne" aurait eu, lors de l'attentat, cette simple phrase, passée à la postérité : "j'espère que les poulets n'ont rien eu". Allusion non pas aux policiers mais à la volaille en gelée dans le coffre...
La série est félicitée pour sa représentation nuancée de ce trouble, qui a longtemps été stigmatisé dans la région. Omar Elba, le comédien américano-égyptien qui incarne le personnage de Sameer, a lui-même été diagnostiqué tardivement. Il s’est confié à MEE.
Le personnage de Sameer (Omar Elba) a été salué pour son portrait des personnes autistes et pour avoir mis en lumière un sujet tabou (Netflix)
Dans les premières minutes de la série à succès Mo de Netflix, acclamée par la critique, le réfugié palestinien Mo Najjar voit son frère, Sameer, debout dans sa chambre tenant son chat bien-aimé, Crystal, et regardant Mo en silence.
« Pourquoi tu me regardes comme ça ? », demande Mo.
« Je travaille mon contact visuel », répond Sameer.
Cette première conversation peut sembler étrange pour certains, mais elle parle à ceux qui sont touchés par l’autisme.
Sameer est un personnage qui a du mal à s’intégrer en raison d’un trouble non pris en charge (autisme exacerbé par un trouble de stress post-traumatique). Avec une innocence enfantine, il est d’une honnêteté désopilante, obsédé par les routines, et fait de son mieux pour s’intégrer, formant un personnage complexe dont il est difficile de ne pas tomber amoureux.
Netflix : « changer l’image » de la Palestine avec Mo
Le personnage a été salué en ligne par des gens qui l’ont trouvé attachant et attachant.
« J’ai été diagnostiqué autiste quand j’étais très jeune », écrit un internaute. « En vieillissant, j’ai du mal à montrer aux gens autour de moi que je suis quand même capable de vivre ma vie. [Sameer] a aidé à présenter des gens comme moi sous un meilleur jour. »
« Mon fils est autiste et j’aime la façon dont Sameer vit sa vie chaque jour pour être une personne meilleure. Ce personnage ouvre les portes à l’acceptation dans ce monde », écrit un autre.
« Une représentation touchante »
Tout en recevant de nombreux éloges pour avoir réussi à transposer le vécu des réfugiés palestiniens sur nos écrans de télévision, la série Mo de Netflix devrait également être créditée pour montrer les réalités de la vie avec l’autisme dans les ménages arabes.
La sensibilisation à l’autisme s’améliore au Moyen-Orient au fil du temps, mais la stigmatisation persiste. À l’échelle mondiale, l’Organisation mondiale de la santé estime que la prévalence des Troubles du spectre autistique (TSA) est 1 pour 100 enfants.
Traduction : « Merci pour cette belle œuvre d’art et ces messages sincères reçus de ceux parmi vous qui sont touchés par l’autisme. Merci aux thérapeutes comportementaux spécialistes des TSA, aux membres des familles, aux centres de traitement et aux patients, qui ont méticuleusement travaillé avec moi pendant des mois pour honorer et rendre justice à ce personnage. J’espère que nous aurons la chance d’aller plus loin avec Sameer dans la prochaine saison de Mo. Aux autistes : vous êtes vus, vous êtes entendus, vous êtes profondément appréciés, et je vous aime tous tellement ! »
Bien qu’étant parmi les troubles les plus courants au monde, les TSA sont moins susceptibles d’être diagnostiqué dans les communautés arabes, car les parents ne savent pas reconnaître les symptômes pour demander un diagnostic et un traitement, ce qui rend le personnage de Sameer dans Mo primordial pour sensibiliser les familles du Moyen-Orient aux TSA.
Les TSA n’y sont pas identifiés en partie en raison d’une pénurie importante de professionnels formés qui travaillent avec l’autisme. Selon un rapport, dans toute la région, il existe également de très longues listes d’attente pour le traitement, et les évaluations sont également considérablement coûteuses.
Sameer est interprété par Omar Elba, un Américano-Égyptien surtout connu pour avoir joué aux côtés de Tom Hanks dans le film Un hologramme pour le roi. Il a reçu des critiques positives pour son portrait authentique et nuancé de l’autisme, notamment de la communauté autiste elle-même.
« En tant que personne ayant travaillé avec des enfants aux besoins particuliers, la performance d’Elba était incroyable et si bien réalisée », écrit un internaute.
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Omar Elba, qui a répondu en exclusivité aux questions de Middle East Eye, a déclaré qu’il ne s’attendait pas à ce que la série touche autant les gens ni aux réactions très positives.
« Si les critiques et les fans de la série l’apprécient, c’est génial, mais en réalité ce sont les commentaires des personnes directement touchées par l’autisme qui comptent », affirme-t-il.
Besoin d’authenticité
« Une énorme quantité de travail et de recherche a été consacrée à la compréhension de la réalité du niveau d’autisme de ce personnage, et [c’était] quelque chose que je devais gérer avec soin afin de trouver l’authenticité », souligne Omar Elba pour parler de la préparation de son rôle.
Ce besoin d’authenticité a poussé le comédien à chercher un thérapeute comportemental spécialiste des TSA, avec lequel il a travaillé rigoureusement pendant des mois, en observant et effectuant des recherches – une tâche qui s’est avérée quasi impossible au départ en raison du secret médical.
L’acteur Omar Elba a contribué à certaines des scènes où Sameer figure, dans le but d’en faire une représentation précise (Netflix)
Omar Elba a finalement trouvé un thérapeute comportemental qui lui a donné accès à des cliniques spécialisées dans les TSA, lui ouvrant la voie pour contribuer à l’écriture du personnage et des scènes de Sameer.
« C’était une chance pour [le créateur de la série] Mo Amer et les scénaristes parce qu’ils voulaient de l’authenticité et étaient curieux d’en apprendre plus sur l’autisme de mon point de vue et de savoir ce que j’avais recueilli auprès de mon thérapeute comportemental », explique Elba.
Elba a écrit une partie des scènes, en particulier celles qui comprenaient les moments où Sameer s’effondre, de la persévérance au discours fragmenté et à l’écholalie retardée (où un individu autiste mémorise une phrase ou même un paragraphe de discours – d’un livre ou d’une émission de télévision, par exemple – puis le répète après un certain temps).
Ce qui est remarquable, c’est le fait qu’Omar Elba lui-même se situe sur le spectre, ce qui lui a permis d’apporter son propre vécu au rôle, même si lui et Sameer sont à des niveaux différents du spectre.
« J’ai été officiellement diagnostiqué à la fin de la trentaine – avec des cas de TSA à haut niveau de fonctionnement, il n’est pas rare d’être diagnostiqué à l’âge adulte – car il est souvent non diagnostiqué dans l’enfance », confie Omar Elba. « Le diagnostic fut un choc au début mais finalement, un soulagement car c’était la pièce manquante du puzzle. »
L’acteur raconte qu’enfant, il pratiquait l’autostimulation vocale (un symptôme de TSA) et qu’à l’âge adulte, il a tendance à être facilement drainé dans les grandes foules, peut devenir obsédé par certaines routines et certains modèles, et est hypersensible à la lumière et au son.
« J’ai eu une petite amie il y a des années, qui a choisi de passer son 24e anniversaire dans une boîte de nuit et voulait vraiment que je sois là, alors je suis allé acheter des bouchons d’oreilles pour y assister », raconte-t-il. « Naturellement, elle et ses amis pensaient que c’était très étrange… comme vous pouvez l’imaginer, cette relation n’a pas duré. »
Tabous au Moyen-Orient
Mo aborde les tabous de l’autisme dans la culture arabe. D’une part, Sameer, qui a une bonne trentaine d’années, n’est toujours pas diagnostiqué. Pourtant, il est apparemment conscient que quelque chose est différent chez lui, mais n’est pas sûr car aucun des personnages autour de lui ne reconnaît son autisme face à lui ou même entre eux.
« Dis maman, pourquoi à moi tu me dis jamais de me marier ? » demande Sameer à sa mère (interprétée par l’actrice Farah Bsieso). « Je suis l’aîné et tu me dis jamais de me marier. C’est parce que je suis pas normal ? »
L’acteur Omar Elba interprétant le personnage de Sameer dans la série Mo (Netflix)
« Non. Non, non non non non. Je t’interdis de dire ça. Mashallah, il n’y a rien d’anormal chez toi », répond-elle.
Bien que cette interaction puisse sembler attachante pour certains, cette scène puissante renvoie en fait à la honte inhérente à laquelle les enfants autistes sont confrontés dans une famille arabe.
Leur TSA doit être caché, pas accepté (d’où la scène où la tante Samia explique que Sameer sera le tourment de sa mère car il sera avec elle toute sa vie).
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« Il existe des tabous indéniables sur l’autisme et la santé mentale dans de nombreux foyers arabes. Beaucoup de gens veulent être considérés par les autres comme génétiquement “parfaits”, “nos gènes et notre lignée familiale ne produiraient jamais en un million d’années une progéniture autiste”, “ne dites pas que votre sœur ou votre frère est autiste, vous ferez honte à toute notre famille” – ce genre de mentalité basée sur la peur », explique Omar Elba.
« Je pense que cette honte autour de l’autisme existe parce que les perceptions des autres sont déformées, dures et intolérantes », ajoute-t-il.
Par son jeu d’acteur, il a cherché à remettre en question la conception de la normalité.
« Prétendre que les problèmes de santé mentale n’existent pas restreint la définition déjà déformée de “normal” par d’autres, ce qui, à son tour, alimente le niveau de prétention pour répondre à cette norme étroite, irréaliste et épuisante de “normal” et vice versa – c’est un cercle vicieux inconscient. »
« J’aime mon peuple arabe, mais cette honte autour de la santé mentale est quelque chose que nous devons vraiment aborder et faire disparaître », estime-t-il.
Plaidoyer pour l’autisme
C’est quelque chose qu’il espère aborder dans la deuxième saison de Mo : « J’ai confiance, notre série aura le niveau de profondeur et le courage de pouvoir le faire. Pour être clair, ce tabou n’est pas exclusif à la culture arabe, et donc l’aborder dans la deuxième saison de la série serait très puissant, car cette détresse émotionnelle atteindrait diverses cultures universellement. »
Les téléspectateurs de la série sont désireux d’en savoir plus sur le personnage de Sameer en particulier.
On se demande s’il trouvera l’amour, comment il interagira avec son identité de réfugié et si sa famille reconnaîtra enfin qu’il est, en fait, sur le spectre.
De nombreux téléspectateurs ont fait l’éloge de la nuance avec laquelle le personnage de Sameer est joué (Netflix)
Omar Elba pense qu’il serait le mieux placé pour écrire ces scènes potentielles.
« En fait, j’adorerais écrire pour Sameer. En général, je pense que cela fournirait un niveau d’authenticité plus profond si un personnage neurodivergent venait d’une perspective neurodivergente. En fin de compte, c’est à Mo de le faire », affirme-t-il.
Elba est convaincu que les personnes autistes peuvent vivre une vie épanouissante, c’est le thème principal de son plaidoyer et ce pour quoi il essaie de se battre, même en dehors de son personnage, Sameer. « La croyance selon laquelle les autistes ne peuvent pas vivre une vie épanouissante est le résultat d’une discrimination neurotypique contre l’inconnu », estime-t-il.
« Albert Einstein était autiste et à l’école, ses professeurs pensaient qu’il était lent, non pas qu’il pourrait mener une vie épanouissante. C’est le gars qui a révolutionné notre compréhension de l’espace, du temps et de la gravité, et pourtant il a été rejeté par ses professeurs et jugé inadapté », poursuit Omar Elba.
« Albert Einstein était autiste et à l’école, ses professeurs pensaient qu’il était lent, non pas qu’il pourrait mener une vie épanouissante. C’est le gars qui a révolutionné notre compréhension de l’espace, du temps et de la gravité, et pourtant il a été rejeté par ses professeurs et jugé inadapté »
- Omar Elba
Il comprend, cependant, que tout le monde n’a pas les mêmes TSA qu’Einstein, et qu’il y a des individus à différents niveaux du spectre.
« Comment leur vie s’épanouit-elle ? Quelles sont leurs contributions ? Nous ne le savons pas encore. Par conséquent, nous ne pouvons pas les rejeter ou les brider. »
Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas sur l’autisme et ses effets, par conséquent, Elba croit que nous pouvons apprendre beaucoup des personnes autistes si nous faisons particulièrement attention.
« L’autisme est un diagnostic encore entouré de mystère ; nous n’avons aucune idée de ce dont la communauté de l’autisme est capable », assure-t-il.
« Nous pourrions bientôt découvrir, si nous y prêtons une attention particulière, qu’ils peuvent donner accès à une certaine sagesse inaccessible à l’esprit neurotypique. Restez à l’écoute – c’est peut-être le cas avec Sameer. »
La mort de Mahsa (Jhina) Amini, une femme de 22 ans d’origine kurde arrêtée à Téhéran par les agents de la « Brigade des mœurs » parce que son voile était mal ajusté a provoqué des manifestations qui se sont étendues à l’ensemble de l’Iran. Elles ont été particulièrement nombreuses au Kurdistan, où la politique de Téhéran est regardée avec méfiance.
Manifestation organisée à Erbil (Irak) devant le siège de l’ONU par des Kurdes irakiens et
iraniens, le 24 septembre 2022
Safid Hamed/AFP
Le 19 septembre 2022, six jours après l’assassinat de Mahsa Amini, commerçants et bazaris se sont mis en grève dans de nombreuses villes du Kurdistan iranien à l’appel de plusieurs partis kurdes. Des manifestations ont pris le relais à Sanandaj, Mahabad, Ashnoyeh, Saghez, Marivan, Bukan, Kamiyaran et Piranshahr. Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent les assauts et les tirs des Gardiens de la révolution et des forces de police locales contre les manifestants. À Bukan, lors d’une fusillade déclenchée par des agents antiémeute, une fillette de 10 ans a été atteinte par une balle à la tête. Ces derniers jours, au moins 1 500 Kurdes ont été arrêtés.
Étant donné leur histoire empreinte de discriminations, de luttes et de répression ainsi que leur situation géopolitique (la région se situe au nord-ouest du pays à la frontière de l’Irak et de la Turquie), les Kurdes tiennent une place particulière dans les mouvements de contestation iraniens.
UN DIXIÈME DE LA POPULATION
Ils sont près de dix millions, principalement sunnites, et représentent un dixième de la population iranienne. Les jeunes générations politisées de la région ne sont pas adeptes d’un islam rigoureux. Marginalisé comme celui du Baloutchistan au sud-ouest où des incidents armés ont fait une vingtaine de morts fin septembre, leur territoire pâtit d’un manque d’investissements de la part de Téhéran et, de ce fait, souffre d’un sous-développement chronique.
Victimes de persécutions, d’arrestations et d’assassinats ciblés, les oppositions kurdes iraniennes ont trouvé refuge dans la région du gouvernement autonome du Kurdistan d’Irak (GRK). Disposant de plusieurs milliers de combattants, le Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDKI) est le plus important de ces groupes. Le Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK), le (petit) frère du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), fondé en 2004, constitue la deuxième force politico-militaire majeure. Trois autres mouvements, le Komala, le Parti de la liberté au Kurdistan (PAK) et, jusqu’à récemment, le Parti démocratique du Kurdistan-Iran (issu d’une scission du PDKI en 2006) sont de moindre importance.
UNE ÉPHÉMÈRE RÉPUBLIQUE APRÈS-GUERRE
L’histoire légendaire du PDKI remonte à 1946, lorsqu’il proclama la République de Mahabad après le retrait de l’armée iranienne du Kurdistan après une intervention anglo-soviétique en 1941. Britanniques et Soviétiques souhaitaient empêcher l’Allemagne de s’emparer du pétrole iranien. La République de Mahabad s’employa à développer l’instruction, l’hygiène publique, fit construire des routes, imprima des livres scolaires en kurde, mit sur pied une armée. Mais l’expérience tourna rapidement court, la république n’étant pas en mesure de résister à l’attaque des troupes iraniennes, encouragées par les États-Unis. Son leader, Qazi Muhammad, sera pendu en 1947, ainsi que d’autres responsables kurdes.
En dépit de sa brève existence, la République de Mahabad demeure emblématique dans l’histoire et l’imaginaire collectif des Kurdes.. Bien que décapité, le PDKI retrouvera peu à peu de la vigueur et, en 1979, lors de la Révolution islamique, il prendra une part active au renversement de Reza Shah Pahlavi dans les zones à majorité kurde pour lesquelles il propose un Kurdistan autonome au sein d’un Iran démocratique. La région devait être dotée d’un parlement, les questions de défense, de politique extérieure et de planification économique relevant du gouvernement central. Le PDKI demande également la reconnaissance de la langue kurde comme langue nationale au même titre que le persan. Toutes ces revendications resteront lettre morte, Téhéran refusant d’y souscrire.
En 1988, à l’occasion d’une vague d’exécutions de milliers de militants et de dirigeants des partis d’opposition, Abdol Rahman Ghassemlou, le dirigeant du PDKI, est assassiné par un agent du ministère du renseignement, le redoutable Vevak. Dans ses mémoires, l’ayatollah Hashemi Rafsanjani, président de la République islamique de 1989 à 1997, précise que Ghasemlou négociait avec des diplomates iraniens au moment de son assassinat. En 1992, Sadegh Sharafkandi, le secrétaire général du parti, venu rencontrer des dirigeants suédois, est assassiné à son tour dans un restaurant grec de Berlin avec deux de ses camarades et un interprète. Après une décennie de mise en sommeil, le PDKI, dirigé depuis 2010 par Moustafa Hijri, a de nouveau repris ses activités militaires et diplomatiques. En juin 2018, Hijri a été reçu par plusieurs membres du Congrès et du département de la Défense américaine.
Depuis le début de la révolution, les États-Unis sont conscients du rôle que pourraient jouer les Kurdes dans un scénario qui viserait au renversement du régime iranien. Ainsi que le souligne le chercheur Émile Bouvier, « l’intérêt des Américains pour le PDKI est évident : en août 2017, avant d’être nommé conseiller à la sécurité nationale, John Bolton publiait un éditorial dans lequel il appelait l’administration américaine à s’entendre avec les minorités ethniques d’Iran, au premier rang desquelles les Kurdes, les Arabes du Khouzistan et les Baloutches, afin de créer un réseau d’alliés régionaux contre l’Iran. ».
Téhéran aussi a bien compris l’enjeu de ces alliances potentielles ; c’est pourquoi ces mouvements, s’ils ont été approchés par les Américains, l’ont été aussi par la République islamique. En 2019, alors que les accrochages à la frontière entre les combattants kurdes et les forces iraniennes avaient nettement diminué, des négociations ont été engagées entre le gouvernement et le PDKI afin d’arrêter les combats. Ceux-ci ayant repris l’année suivante, l’initiative qui n’a pas abouti. À la mi-novembre 2021, une vague d’arrestations a eu lieu dans le Kurdistan iranien. Puis, en juillet 2022, Téhéran a annoncé l’arrestation de cinq membres du Koumala, les accusant de complicité avec les services de renseignement israélien afin de faire sauter un site « sensible ».
DES RAIDS MILITAIRES EN TERRITOIRE IRAKIEN
Le mois suivant, seize ans après leur séparation, le Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI) et le Parti démocratique du Kurdistan (PKI), faisaient état de leur réunification. Khalid Azizi, le porte-parole du PDKI, a déclaré à la section en persan de Voice of America : « La situation interne de l’Iran et plus particulièrement l’intensité de la lutte du peuple en général et des Kurdes en particulier, contre la République islamique sont des facteurs importants de cette décision ».
Comme en réponse à cette réconciliation, l’agence de presse officielle Tasnim a publié le 24 septembre un communiqué dans lequel il est précisé que « suite à une offensive armée de grande ampleur, des groupes terroristes Komala et PDKI dans les villes frontalières du pays, afin de semer le chaos, les forces terrestres des Gardiens de la révolution islamique ont attaqué le quartier général de ces groupes dans la région du Kurdistan irakien ». L’attaque conduite à l’aide des drones Shahed-136 et de missiles a tué au moins 13 personnes et en a blessé 58. Le siège du PDKI situé à Koya, à 65 kilomètres à l’est d’Erbil, capitale du GRK, a été particulièrement touché. Le gouvernement fédéral irakien et le GRK ont élevé des protestations contre ces intrusions barbares.
Avec cynisme, l’agence Tasnim conclut : « L’ennemi cherche toujours un prétexte pour déstabiliser cette région et tout le pays. Cette fois, ils ont utilisé la mort de Mehsa Amini, bien que nous-mêmes soyons désolés et affectés par la mort de cette fille du Kurdistan ».
LES VRAIES CAUSES DE LA DÉSTABILISATION
Mais le pays est avant tout déstabilisé par la politique menée par le pouvoir. Depuis les années 1980, tous les partis et syndicats indépendants ont été interdits. Les restrictions liées à l’absence de liberté pour les femmes, la presse, les médias, les artistes, les associations et les syndicats se sont banalisées. Elles freinent, mais n’empêchent pas la colère des populations de s’exprimer. Ces dernières années, des heurts à caractère spontané ont éclaté dans la province à majorité arabe du Khouzistan, dans le sud-ouest du pays, aux confins de l’Irak et du golfe Persique. Des manifestations ont eu lieu à Ispahan contre le manque d’eau et les conditions de vie difficiles. Des enseignants et des conducteurs de bus ont fait grève, les retraités ont manifesté pour leur pouvoir d’achat, etc. Les frustrations s’accumulent. Le chômage, l’inflation, la corruption, la contrebande, l’omniprésence des réseaux mafieux et le manque de perspectives — notamment pour les jeunes — ont créé un terreau favorable aux protestations.
Le poids des élites économiques corrompues et le fossé entre les riches et les classes moyennes et populaires se sont aggravés, les sanctions américaines contribuant au délitement social. Alors qu’environ 45 % des Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté et que 10 % d’entre eux sont sous-alimentés, début mai 2022, dans un contexte marqué déjà par une importante inflation (de l’ordre de 40 %), des mesures d’austérité comme la diminution des subventions sur une partie des denrées alimentaires de première nécessité ont été annoncées par le gouvernement. Au même moment, un durcissement s’est traduit par des arrestations de cinéastes, de journalistes, de bahaïs (une obédience chiite hétérodoxe née à la fin du XVIIIe siècle), de pressions sur les syndicalistes et les binationaux ainsi que sur des institutions culturelles, mais aussi par le retour massif des patrouilles de la Brigade des mœurs, moins nombreuses sous la présidence d’Hassan Rouhani.
Les hackers d’Anonymous ont revendiqué des attaques sur plusieurs sites du gouvernement, mais également sur ceux des médias officiels. Le nombre de vues du hashtag #Mahsa Amini, avoisinant les 100 millions, a franchi des records mondiaux de diffusion. Les réseaux sociaux sont bombardés de vidéos et de messages relayant les informations et des images de la contestation. La plupart de ces vidéos d’amateurs sont envoyées lorsqu’un VPN (casseur de filtre) le permet, et surtout les premiers jours quand Internet n’était pas encore coupé et que les sites des influenceurs ou des médias de la diaspora iranienne étaient accessibles.
Reste que si le mouvement a été populaire sur les réseaux et s’est répandu dans tout le pays, l’absence d’opposition politique structurée laisse planer des doutes sur ses perspectives. Peut-il déboucher sur une remise en cause en profondeur du régime ou assistera-t-on au contraire à une répression accrue et à une déstabilisation mortifère de l’Iran ?
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