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Rédigé le 22/08/2023 à 14:23 dans Lejournal Depersonne, Tunisie | Lien permanent | Commentaires (0)
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Rédigé le 22/08/2023 à 14:12 dans Algérie, Lejournal Depersonne | Lien permanent | Commentaires (0)
« Les séries qui ont changé notre regard » (2/6). Début 1977, le réseau ABC redoutait l’insuccès. Réunissant plus de 100 millions de téléspectateurs, la saga d’une famille africaine, de la déportation depuis la Gambie aux plantations du Sud esclavagiste, fut un triomphe.
Le 30 janvier 1977, il se trouva 100 millions d’Américains pour regarder le final de Racines. Le record d’audience établi l’année précédente par la programmation en prime time d’Autant en emporte le vent (1939) était battu. La série avait été diffusée huit jours d’affilée par le réseau ABC, qui redoutait l’insuccès et avait préféré concentrer d’éventuels mauvais chiffres sur une seule semaine.
A la décharge des dirigeants du groupe audiovisuel, on peut faire valoir le risque qu’ils prirent de se lancer dans une entreprise inédite dans l’industrie de la télévision. Adaptée du récit de l’écrivain Alex Haley Roots, la saga d’une famille africaine, qui planait en tête des ventes de livres depuis sa sortie en août 1976, Racines proposait pour la première fois à une heure de grande écoute une série dramatique dont les personnages principaux étaient tous noirs, déroulant l’histoire d’une famille – celle d’Alex Haley –, de la déportation d’un ancêtre, Kunta Kinte, de son village de Gambie vers le Sud esclavagiste, juste avant l’indépendance des Etats-Unis, jusqu’à la Reconstruction, l’époque qui suivit la guerre de Sécession.
Avant cela, l’industrie du spectacle américaine s’était gardée de mettre en scène l’esclavage autrement qu’à travers le regard des Blancs. Le révisionnisme qui faisait de l’économie de plantation sudiste un système paternaliste et protecteur restait la représentation dominante.
La coalition qui la fit voler en éclats n’était pas celle qu’on aurait pu attendre. Alex Haley – le seul Afro-Américain des promoteurs de l’entreprise – avait beau avoir coécrit L’Autobiographie de Malcolm X (1965), il votait républicain. Le producteur, David Wolper, était jusqu’alors connu pour des documentaires à succès destinés au petit écran et une poignée de longs-métrages commerciaux. Quant à ABC, le réseau s’était hissé à la première place des audiences grâce à des succès familiaux tels Happy Days ou The Brady Bunch.
C’est ce trio pourtant qui a rappelé aux Etats-Unis leur péché originel, à travers l’histoire de Kunta Kinte, adolescent mandingue capturé par des marchands d’esclaves, et celle de ses descendants. Ce sont eux les héros de la série, qui, de génération en génération, tentent de sauvegarder leur héritage que les planteurs veulent effacer, de préserver des familles disloquées par le commerce des êtres humains, de construire une nouvelle identité à travers les sévices et les privations.
Comme l’écrit le New York Times au printemps 1976, à l’occasion d’un reportage sur le tournage de la série, en Géorgie : « Racines est une entreprise risquée, artistiquement et commercialement (…). La possibilité existe que la description exhaustive et exacte de l’esclavage se révèle répugnante pour les téléspectateurs. »
Pourtant, dès le premier soir, Racines rencontre le succès. Cela tient à la fortune du livre. Alex Haley a mis douze ans à le rédiger, de la signature du contrat avec l’éditeur Doubleday à la parution. Se fondant sur des indices plutôt maigres (Haley se trouvera bientôt entraîné dans une controverse sur la valeur historique et généalogique de son travail, qui tournera à son désavantage), l’écrivain s’est convaincu qu’il descendait d’un clan mandingue de Juffureh, village sur l’embouchure du fleuve Gambie, et que son ancêtre, Kunta Kinte, avait été vendu en 1750 à Annapolis (Maryland), afin de servir dans une plantation de Virginie. Pour financer son travail (l’avance de Doubleday est depuis longtemps épuisée), il donne des centaines de conférences à travers les Etats-Unis, réunissant des centaines de milliers d’auditeurs qui seront autant de prosélytes de Racines.
A l’écran, l’hybride d’histoire et d’invention d’Alex Haley devient pure fiction. Les scénaristes, tous blancs, ont décidé avec David Wolper d’élaguer l’œuvre de son élément autobiographique, tout en donnant aux personnages d’origine européenne une importance qu’ils n’ont pas dans le livre. Ce qui permet d’embaucher des vedettes du petit écran. Ed Asner (Lou Grant) sera le capitaine du navire et sa performance de puritain taraudé par sa conscience lui vaudra un Emmy Award, contrairement à ses collègues noirs ; Chuck Connors (L’Homme à la carabine), le petit planteur auquel Kunta Kinte est revendu.
Les acteurs noirs sont forcément moins connus. A l’exception de Sidney Poitier, Hollywood ne compte alors pas de vedette afro-américaine. Mais on peut voir en Racines un Who’s Who du cinéma noir américain, de la blaxploitation (Richard Roundtree, l’interprète de Shaft, tient un petit rôle) au cinéma d’auteur. Cicely Tyson, nommée à l’Oscar de la meilleure actrice en 1973, joue la mère de Kunta Kinte, personnage qui échoit à un inconnu, le jeune LeVar Burton.
Dans Making Roots. A Nation Captivated (ASU Press, 2016, non traduit), l’universitaire et écrivain Matthew Delmont rapporte qu’ABC trouvait le jeune homme « trop africain (…) et que ses lèvres étaient trop grosses ». Le producteur Wolper passa outre, s’appuyant sur le fait que le premier épisode de la série, situé en Gambie (mais tourné en Géorgie), devait mettre en valeur la richesse et la complexité de la société et de la culture auxquelles Kunta Kinte était arraché.
Dans le concert de louanges qui accueille la diffusion de Racines, quelques voix dissidentes se firent entendre, comme celle de Ronald Reagan. Cité par le Washington Post, le futur président estima que « le parti pris qui consiste à ce que les bons soient tous d’une couleur et les méchants d’une autre est plutôt destructeur ».
Ce couac est en fait le « la » d’un concert à venir, le programme de la réaction qui se construit face aux avancées du mouvement pour les droits civiques. Le succès de Racines ne profitera pas aux acteurs, qui retourneront à la semi-obscurité à laquelle les condamne le système hollywoodien. Il faudra attendre le siècle suivant pour que le quotidien et l’histoire des Afro-Américains soient vus autrement dans les séries qu’à travers le prisme de la comédie.
Pourtant, les racines ont continué de ramper, à l’abri de la lumière, pour resurgir triomphalement. En 2015, le rappeur Kendrick Lamar enregistre King Kunta. En 2020, Barry Jenkins réalise la série The Underground Railroad, autre adaptation d’une fiction sur l’esclavage, qui sera cette fois une expérience entièrement afro-américaine. Et un chef-d’œuvre.
Par Thomas Sotinel
Rédigé le 22/08/2023 à 13:59 dans Cinéma, Racisme, USA | Lien permanent | Commentaires (0)
Le Vietnam, royaume indépendant depuis le 10e siècle, après un millénaire de domination du grand voisin du Nord, la Chine, a été colonisé par la France à la fin du 19e siècle. En 1945, profitant du vide laissé par le départ des troupes japonaises qui occupaient le pays depuis 1940, le PCV (Parti communiste vietnamien, fondé en 1930 par Ho Chi Minh) proclame l’indépendance du Vietnam.
L’impérialisme français reconquiert militairement sa colonie : c’est la guerre d’Indochine (500 000 morts). Après le désastre militaire de Dien Bien Phu en 1954, la France est contrainte de partir. Le pays est alors coupé artificiellement en deux, de part et d’autre du 17e parallèle : le Nord « communiste » (capitale Hanoï), le Sud néocolonial (capitale Saïgon).
Une guerre impérialiste d’endiguement du communisme
Le PCV, soutenu militairement par l’URSS et la Chine, veut poursuivre la guerre de libération nationale jusqu’au bout. Les USA (États-Unis d’Amérique) veulent, à la suite de la guerre de Corée (1950-1953), en cette époque de « guerre froide », « endiguer » le danger « communiste ». C’est la guerre du Vietnam (1955-1975, 3 millions de morts).
La « vietnamisation » du conflit prônée par les USA ne marchant pas, ceux-ci interviennent de plus en plus directement : 15 000 soldats en 1963, 185 000 fin 1965, 536 000 en 1968 sous la présidence du démocrate Johnson. Ils mettent en œuvre une stratégie dite de « contre-insurrection » : flicage de la population regroupée dans des « hameaux stratégiques », opérations coup de poing en zone ennemie, bombardements massifs (les USA ont lâché durant la guerre du Vietnam trois fois plus de bombes que durant toute la Seconde Guerre mondiale). Sans oublier l’épandage de défoliant, le tristement célèbre « agent orange », qui a fait un million d’handicapés et qui continue, des années après, à empoisonner le sol et l’eau.
Une défaite majeure de l’impérialisme
En 1973, sous la présidence républicaine de Nixon, les USA quittent le Vietnam. L’élément décisif qui a fait basculer la situation est le mouvement anti-guerre aux USA. L’opposition à la guerre, portée initialement par des organisations trotskistes comme le SWP, se développe au fur et à mesure de l’engagement terrestre des USA et gagne la majorité de l’opinion publique américaine en 1968. Plusieurs facteurs jouent : l’engagement d’artistes (Joan Baez, Jim Morrison) et de leaders afro-américains (Martin Luther King), l’offensive du Têt en 1968 qui montre que les USA ne sont pas en train de gagner la guerre contrairement à la propagande officielle, la révélation de crimes de guerre américains (My Lai en 1968), des pertes américaines importantes (60 000 soldats tués et 150 000 blessés).
Le régime fantoche du Sud s’effondre et le PCV réunifie le pays en 1975. La « théorie des dominos » redoutée par les USA s’applique : les partis communistes prennent le pouvoir dans les pays voisins du Vietnam, Laos et Cambodge. La leçon, c’est qu’une guerre d’occupation contre un peuple ne peut pas être victorieuse à terme. La France avait connu le même sort en Algérie (1954-1963), les USA l’expérimenteront aussi en Irak (2003-2011).
Un formidable encouragement pour les luttes anti-impérialistes
Cette défaite majeure de l’impérialisme américain met à mal son rôle de gendarme du monde. À l’inverse, la victoire du mouvement de libération national vietnamien constitue un formidable encouragement pour les luttes anticolonialistes et anti-impérialistes. « Créer deux, trois, plusieurs Vietnam », tel était le message du Che. En 1975, les colonies portugaises africaines arrachent enfin leur indépendance. En 1979, le régime pro-américain du Shah d’Iran tombe. En 1979, éclate la révolution sandiniste au Nicaragua. En 1979, l’URSS, partisane de la « coexistence pacifique » avec l’impérialisme, pousse ses pions en Afghanistan, ce qui contribuera à sa perte.
La dynamique anti-impérialiste s’enraye toutefois au début des années 1980. D’une part, les pays qui se libèrent de la domination impérialiste ne constituent pas des alternatives attractives. Les régimes qui renversent le capitalisme sont, à l’image de l’URSS ou de la Chine, des dictature bureaucratiques, c’est aussi le cas du PCV, la caricature la plus atroce étant les Khmers Rouges au Cambodge. D’autre part, l’impérialisme américain surmonte sa crise sous Reagan (1981-1989). Il stoppe l’extension de la révolution nicaraguayenne qui menace son pré carré d’Amérique centrale et il reprend progressivement ses interventions militaires, à la Grenade en 1983, au Panama en 1989, en Irak en 1991.
Mardi 22 août 2023 / DE : LEMMY
https://www.pressegauche.org/1973-fin-de-partie-au-Vietnam-pour-l-imperialisme-americain
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Rédigé le 22/08/2023 à 11:09 dans France, USA, Vietnam | Lien permanent | Commentaires (0)
L’ex-président américain a été inculpé une quatrième fois au pénal mi-août pour ses tentatives présumées de renverser le résultat de l’élection de 2020 dans l’Etat de Géorgie.
L’ex-président américain a été inculpé une quatrième fois au pénal mi-août pour ses tentatives présumées de renverser le résultat de l’élection de 2020 dans l’Etat de Géorgie
Donald Trump a confirmé lundi soir qu’il se rendrait jeudi 24 août à Atlanta, en Géorgie, afin de comparaître une première fois devant le tribunal qui le jugera, ultérieurement, de ses tentatives présumées de renverser l’élection présidentielle de 2020 dans cet Etat du sud-es
t des Etats-Unis. Il s’agit du quatrième dossier pénal pour lequel est inculpé l’ancien président, qui brigue de nouveau la Maison-Blanche en 2024 et reste le favori pour les primaires républicaines.
J’irai à Atlanta, en Géorgie, jeudi pour être ARRÊTÉ par une procureure d’EXTRÊME GAUCHE », a dénoncé sur sa plateforme Truth Social le milliardaire républicain, à propos de la procureure du comté de Fulton, Fani Willis. La chaîne CNN avait donné peu auparavant la date de cette audience.
Les autorités lui avaient donné jusqu’à vendredi midi pour se présenter à la prison du tribunal du comté de Fulton, à Atlanta, la capitale de l’Etat. Sa comparution jeudi interviendra au lendemain du premier débat télévisé entre les candidats des primaires républicaines, débat auquel Donald Trump, loin en tête dans les sondages, a décidé de ne pas participer.
Un grand jury (panel de citoyens investis de pouvoirs d’enquête), constitué par la procureure Fani Willis, a inculpé le 14 août Donald Trump et dix-huit autres personnes pour leurs tentatives présumées illicites d’obtenir l’inversion du résultat de l’élection de 2020 remportée dans cet Etat clé par l’actuel président démocrate Joe Biden. Ils sont poursuivis en vertu d’une loi sur la délinquance en bande organisée qui prévoit des peines de cinq à vingt ans de prison.
En vue de sa première audience dans ce dossier, ses avocats ont accepté de verser 200 000 dollars (environ 185 000 euros) de caution, avait-on appris de documents judiciaires plus tôt dans la journée. Quatre autres de ses coprévenus ont également accepté de payer des cautions allant de 10 000 à 100 000 dollars chacun.
Le versement d’une caution permet aux accusés de ne pas être placé en détention provisoire, à condition de ne violer aucune loi, de s’abstenir de toute menace et de ne pas communiquer entre eux autrement que par l’intermédiaire de leurs avocats.
Jeudi à Atlanta, l’ancien président pourrait avoir à se soumettre à une procédure à laquelle il avait échappé lors des trois inculpations précédentes : prise des empreintes digitales et celle de deux photos, l’une de face et l’autre de profil. « Peu importe votre statut, nous serons prêts à prendre votre photo », avait lancé à la presse début août Patrick Labat, shérif du comté de Fulton, chargé du dossier.
La procureure Fani Willis a demandé à la justice de fixer la date de début du procès au 4 mars, un juge tranchera. Elle affirme avoir choisi cette date pour ne pas interférer avec les autres poursuites, fédérales ou à l’échelle des Etats, visant Donald Trump.
L’ancien président a en effet été inculpé dans trois autres dossiers. La justice de l’Etat de New York lui reproche des fraudes comptables dans un paiement à une ancienne actrice de films X pendant sa campagne victorieuse de 2016. En Floride, la justice fédérale l’a inculpé pour sa gestion jugée négligente de documents confidentiels. Et dans la capitale Washington, la justice fédérale le poursuit pour sa tentative de renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020 qu’il a perdue.
Après l’inculpation dans chacune de ces trois affaires, Donald Trump a comparu devant un juge et par trois fois il a plaidé non coupable de l’ensemble des charges à son encontre. Lundi, il a encore dénoncé une « chasse aux sorcières » politique.
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Rédigé le 22/08/2023 à 07:28 dans USA | Lien permanent | Commentaires (0)
VRAI
La Terre a déjà connu des périodes beaucoup plus froides ou plus chaudes. Au crétacé, de 145 à 65 millions d’années dans le passé, la température était de 5 à 10 °C plus chaude qu’aujourd’hui. Au cours du quaternaire (les derniers 2,5 millions d’années), la Terre a connu de longues glaciations, où la température était de près de 5 °C plus froide. Mais depuis l’holocène (les 10 000 dernières années), elle était relativement stable… jusqu’au réchauffement actuel !
VRAI
La température mondiale moyenne par rapport à la période 1850-1900 a augmenté de plus de 1,1 °C. Certaines années – 1983, 1998, 2015 et 2016 – ont été particulièrement chaudes en raison d’El Niño, phénomène naturel qui provoque une bascule des vents et des courants marins dans le Pacifique équatorial, avec des eaux de surface très chaudes. Les pauses entre ces années chaudes peuvent laisser penser que le réchauffement est interrompu – il n’en est rien. Le réchauffement global, moyenné sur une dizaine d’années, est toujours présent et s’accélère : près de + 0,2 °C par décennie depuis 1981.
FAUX
Le rayonnement que la Terre reçoit du Soleil est sa principale source d’énergie et explique en grande partie les températures clémentes de notre planète. Cette énergie varie selon des cycles de 11 ans, en fonction de la présence ou l’absence de « taches solaires ». Mais l’effet sur la température de la Terre est de faible ampleur. Ce sont bien les augmentations des gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O), induites par les activités humaines, qui expliquent 100 % du réchauffement depuis 1850.
VRAI
Cette tendance, modeste, a été mise en évidence sur la période 1979-2014 grâce aux observations des satellites. Mais des travaux récents montrent que cette augmentation s’inscrit dans un cycle multidécennal qui illustre la variabilité naturelle de l’océan Austral. Depuis 2014, la banquise antarctique connaît une fonte rapide et vient d’atteindre son étendue la plus faible depuis 1979.
FAUX
+ 2 °C, c’est le réchauffement moyen à ne pas dépasser (par rapport à la période 1850-1900) fixé lors de l’accord de Paris. Mais, avec les politiques climatiques en place aujourd’hui, il faut plutôt s’attendre à un réchauffement de 3 °C en 2100. Et ce chiffre rond recouvre une très forte hétérogénéité : les continents, qui se réchauffent plus vite que la surface des océans, connaîtront une augmentation de 4 °C. C’est ce qui est attendu en France, où les étés se réchaufferont encore plus fort : + 5 °C en moyenne. Et, puisqu’il s’agit d’une moyenne, certains étés pourraient être à + 6 ou + 7 °C, avec des épisodes à + 8 °C ou au-delà… En France, où il a fait 46 °C en 2018 dans le Gard, le thermomètre pourra dépasser les 50 °C.
PARTIELLEMENT VRAI
Environ la moitié de nos émissions est absorbée rapidement par les puits naturels : les océans et la végétation des continents. Mais le reste s’accumule dans l’atmosphère et y restera pour des milliers d’années. Un point important : dans l’hypothèse d’une baisse de nos émissions, ces puits absorberont de moins en moins de CO2. Ce qui signifie que pour stabiliser le climat, il nous faudra atteindre des émissions quasiment nulles…
FAUX
Le Gulf Stream est un courant océanique de surface qui transporte des eaux chaudes des Caraïbes vers les côtes européennes. Il est mis en mouvement par les vents qui soufflent vers l’est en surface de l’océan Atlantique. Avec le changement climatique, ces vents seront toujours présents et le Gulf Stream aussi, mais les projections climatiques montrent que ce courant pourrait s’affaiblir.
FAUX
Pour s’adapter, les espèces végétales et animales ont besoin de temps. Lors du maximal thermique il y a 56 millions d’années, si les forêts ont pu coloniser les régions boréales (vers le nord) et si l’on a trouvé des traces de crocodiles en Arctique, c’est que le changement s’est étalé sur plusieurs dizaines de milliers d’années. Le réchauffement actuel va 200 fois plus vite. Si le réchauffement atteint + 2 °C d’ici à 2100 (par rapport à 1850-1900), 18 % des espèces continentales seront menacées d’extinction.
Cet article fait partie d’un hors-série à retrouver en kiosque ou sur la page de notre boutique. Il peut aussi être consulté sur notre site, dans un dossier enrichi.
VRAI, MAIS…
Comme le CO2 ou le méthane, les molécules de vapeur d’eau (H2O) présentes dans l’atmosphère absorbent le rayonnement infrarouge et donc contribuent à l’effet de serre naturel – environ pour moitié. Mais la quantité de vapeur d’eau ne dépend pas de nos émissions : elle est régulée par la température de l’atmosphère. Donc il n’y a pas d’effet significatif des activités humaines sur la température par ce biais. En revanche, le réchauffement provoqué par les émissions de CO2 augmente la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère, ce qui amplifie le réchauffement : cette rétroaction est prise en compte par les modèles climatiques.
BIO EXPRESS
Climatologue, Laurent Bopp est directeur de recherche au CNRS et directeur du département de géosciences de l’Ecole normale supérieure (ENS).
·Publié le
https://www.nouvelobs.com/ecologie/20230821.OBS77150/c-est-la-faute-au-soleil-2-c-c-est-peu-9-affirmations-sur-le-changement-climatique-passees-au-crible.html
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Rédigé le 22/08/2023 à 07:13 dans changements climatiques | Lien permanent | Commentaires (0)
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Rédigé le 22/08/2023 à 06:51 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
En dénonçant l’hégémonie française et en soulignant les injustices de la colonisation, les écrivains maghrébins[1] opposent leur propre littérature et leur regard propre aux romans lénifiants des écrivains français d’Algérie.
Kateb Yacine, auteur de Nedjma (1956) et poète algérien aux trois langues
La génération des années 50 -comme les Algériens Mouloud Feraoun[2], Mouloud Mammeri[3], Mohammed Dib[4], le Marocain Driss Chraïbi[5], le Tunisien Albert Memmi[6], ou le très médiatique Kateb Yacine[7]– mettait en cause, dans des romans réalistes et populaires, l’impérialisme colonial, non sans critiquer aussi le passéisme et le traditionalisme islamiques, et invitait implicitement à la conquête d’une identité collective trop longtemps sacrifiée.
La génération des années 60 -comme les Algériens Malek Haddad[8] et Rachid Boudjera[9]– traitait des séquelles de la guerre d’indépendance, mais évoquait déjà les problèmes d’adaptation au monde moderne et au progrès.
À partir des années 70, des écrivains comme le Marocain Tahar Ben Jelloun[10] ou l’Algérien Nabile Farès[11], évoquent le problème de l’émancipation et de l’exil, donc de l’intégration. De jeunes femmes comme les Algériennes Yamina Mechakra[12] ou Aïcha Lemsine, dénoncent la condition de la femme dans la civilisation musulmane, et transgressent les tabous[13].
Si le théâtre était resté en retrait jusqu’en 1962 -date à laquelle Kateb Yacine peut faire jouer ses pièces en Algérie-, il se développe à partir des années 80, touchant un public fervent de plus en plus populaire. À l’inverse, la poésie, engagée au temps de la guerre d’indépendance (Anna Grebi), évolue vers des recherches esthétiques qui la réservent à un public de lettrés et partant la marginalisent. Des poètes[14] comme Hedi Bouraoui, Malek Alloula et surtout Abdellatif Laâbi cherchent à subvertir les formes classiques du vers par des rythmes syncopés et des images télescopées.
De nos jours, les préoccupations des écrivains prennent une ampleur nouvelle : dépassant le domaine politique, ils s’interrogent désormais, à partir d’une réflexion sociologique et philosophique, sur le devenir de leur civilisation.
Parler de littératures francophones plutôt qu’illustrer encore une fois l’universalité de la langue française en déroulant la saga des écrivains qui, de par le vaste monde, ont choisi la langue de Racine et de Voltaire, c’est déjà manifester que la littérature dite jusque-là « d’expression française » n’est plus un phénomène qui aille de soi. Les littératures francophones, singulièrement au Maghreb, n’existent qu’à deux conditions, l’une négative -ne pas être une simple variante provinciale ou exotique de la littérature parisienne-, l’autre positive, être le lieu d’une recherche et d’une interrogation communes à tout un peuple.
Le problème linguistique n’est souvent qu’un des éléments d’une problématique plus complexe. Les rapports de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie avec la France présentent toujours une profonde ambiguïté. Après avoir rejeté politiquement la greffe d’une conquête somme toute récente, le Maghreb va-t-il se dégager définitivement de la voie du bilinguisme et assumer les traditions fondamentalistes de la culture arabe ?
Les cinquante dernières années ont vu le Maroc, la Tunisie, l’Algérie enfin, conquérir leur indépendance nationale. La colonisation française y avait pris des formes différentes : en Algérie, elle avait abouti à la création de « départements » français, et recherchait, au moins théoriquement, « l’intégration » des colonisés. En fait, malgré un siècle de cohabitation, le fossé restait profond, trop profond, entre la minorité européenne et la masse des musulmans, fort loin d’être des « Français à part entière » faute d’être des « Français de souche ». Au Maroc et en Tunisie, la France, plus tard venue, plus respectueuse des traditions nationales, exerçait un « protectorat » qui recouvrait cependant un régime colonial.
Dans ces trois pays, dès 1945, la vigueur des revendications, la violence des troubles annoncent le début d’une décolonisation, rendue plus difficile que partout ailleurs par la présence de deux millions de Français installés dans le Maghreb et attachés à cette terre de soleil. Le Maroc et la Tunisie, après des conflits dramatiques, obtiennent l’indépendance en 1956.
L’Algérie n’y accède qu’en 1962, avec les accords d’Évian qui mettent fin à huit ans « d’événements », de guerre et de souffrances. Par de Gaulle, l’empire français (re)devient hexagonal. L’âpreté du conflit qui a opposé le Maghreb à la France durant ces années tragiques n’a pourtant jamais rompu les liens qui les unissent.
Certes, le Maghreb trouve son unité dans la langue arabe, dans la religion musulmane et dans la civilisation islamique. Il se tourne donc naturellement / culturellement vers l’ensemble du monde arabe dont il s’est toujours senti solidaire ; mais il renoue de la sorte les traditions d’amitié qui unissent ce monde arabe à la France, comme on le voit au Liban et en Égypte. Après les déceptions de l’époque coloniale, les révoltes de la décolonisation, l’Afrique du Nord a établi avec la France, aux printemps comme aux automnes, sur un pied d’égalité, des rapports durables et fructueux, malgré les crises inévitables qui les traversent, sur fond de terrorisme.
La littérature maghrébine « d’expression française » n’est pas séparable de cette histoire douloureuse : elle en a reflété toutes les phases, exprimant aussi bien l’attachement profond à la culture française que le refus d’une domination étrangère.
La deuxième génération qui apparaît en force aux alentours de 1952 revendiquent leur nationalité ou tout au moins leur singularité magrébine.
Solidaires du combat de leur peuple pour l’indépendance, ils engagent avec la France, adversaire et partenaire à la fois, l’indispensable dialogue. Ils décrivent, avec la précision de l’étude sociologique, les injustices du système colonial, mais aussi les problèmes complexes d’une société musulmane traditionaliste.
Composant un tableau du Maghreb, ils présentent à la France, sans ménagement, l’addition d’années de dédoublement, « le double portrait du colonisé et du colonisateur », pour reprendre le titre de l’essai d’Albert Memmi paru en 1956. Cet écrivain tunisien décrit dans La Statue de sel (1952) la condition particulière de l’israélite. Le marocain Driss Chraïbi, dans Les Boucs (1955) dont il se fait l’émissaire, présente la situation des travailleurs nord-africains en France. L’Algérie, elle, apparaît à travers les romans de Mohammed Dib, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun enfin (singulièrement La Terre et le Sang, 1953), qui devait trouver la mort dans les massacres commis par l’O.A.S. en 1962. Toutes ces œuvres, d’une facture classique, solide, visent surtout à mettre en lumière des problèmes sociaux et politiques. Chez Kateb Yacine, en revanche, on découvre l’ambition d’exprimer sous la forme du mythe la tragédie de l’Algérie. Emprisonné dès l’âge de seize ans pour avoir participé en 1945 à des manifestations nationales, le romancier de Nedjma (1956) et le dramaturge du Cercle des représailles, a donné les œuvres les plus vertigineuses et rigoureuses qu’ait inspirées l’insurrection algérienne.
Avec la conquête de l’indépendance, cette littérature militante qui s’adressait aussi bien au public français qu’au public arabe perdait sa raison d’être. Dès lors l’écrivain du Maghreb semble ne pas pouvoir éluder un choix difficile : s’il s’exprime en langue française, il tend à se détacher de son pays, et à devenir un Français d’adoption ; s’il veut s’adresser à ses compatriotes, il doit cesser d’écrire dans une langue qui leur est étrangère.
Avant même la fin de la guerre d’Algérie, des écrivains exprimaient leurs doutes sur l’avenir d’une littérature nationale d’expression française. Le poète Malek Haddad estimait que, « même s’exprimant en français, les écrivains d’origine arabo-berbère traduisent une pensée spécifiquement algérienne, une pensée qui aurait trouvé la plénitude de son expression si elle avait été véhiculée par un langage et une écriture arabes ». Albert Memmi, dès 1956, après avoir analysé son « drame linguistique », affirmait : « la littérature colonisée de langue européenne semble condamnée à mourir jeune », et il annonçait la venue de nouvelles générations d’écrivains abandonnant le français pour l’arabe.
Une importante pléiade de poètes et de romanciers ont ainsi illustré les lettres algériennes depuis l’indépendance, on l’a dit, autour de Mohammed Dib, Kateb Yacine. Le roman se montre particulièrement novateur au niveau de la forme. Violent, iconoclaste, le texte adopte volontiers une esthétique torturée, provocatrice – avec Rachid Boudjedra et Nabile Farès. Après le succès rencontré en 1967 par la romancière Assia Djebar avec les Alouettes naïves, s’amorce un nouveau mouvement parmi les jeunes écrivains, qui ne craignent plus d’analyser, à Alger même, les contradictions nationales.[15] L’histoire des années 80 sert de cadre aux Bandits de l’Atlas (1983) d’Azzedine Bounemeur. Enfin naît en France, dans le milieu des « beurs », une jeune littérature de l’émigration à l’instar de Nacer Kattane, Leïla Sebaar et Medhi Charef.
Le travail idéologique autant que littéraire d’Abdellatif Laâbi, au Maroc, lui vaut la prison[16], mais aussi une autorité considérable sur sa génération. Des talents volcaniques en font partie, comme le poète Mostafa Nissaboury[17], le « romancier » Mohammed Khaïr-Eddine, [18]le sociologue Adbelkébir Khatibi[19]. Enfin, Tahar Ben Jelloun est devenu un « classique » de la francophonie internationale, touchant aux angoisses humaines les plus stables à travers une mythologie subtile[20], récoltant le Prix Goncourt 1987 avec La nuit sacrée. Le roman marocain est sorti d’une longue période de révolte textuelle pour chercher de la profondeur dans le récit de vie et le constat social[21].
Le roman tunisien -dominé on l’a vu jusque-là par Albert Memmi- a trouvé sa voie dans les années 70 : Mustapha Tlili traite de l’aliénation[22] ; Abdelwahab Meddeb veut bousculer tous les interdits[23]. Cette inspiration emportée laisse toutefois place, comme en Algérie et en Tunisie, à des évocations plus intimes, plus apaisées, chez Souad Guellouz[24] ou Hélé Béji[25].
Les États du Maghreb se sont en effet engagés dans une politique d’arabisation : modérée en Tunisie, elle se concilie avec le bilinguisme et l’attachement à la « francophonie » ; beaucoup plus nette en Algérie et au Maroc, elle fait du français une langue étrangère privilégiée. Il est évident que l’écrivain maghrébin n’a pas cessé brusquement d’écrire en français. Jacques Nantet, l’intellectuel et journaliste, dans une enquête sur le roman algérien, constatait que sur dix romans d’auteurs algériens, huit sont écrits directement en français.
Un roman comme La Répudiation de Rachid Boudjedra montre avec force que l’écrivain algérien peut donner, en français, une image critique du monde musulman, mais il semble bien que cette littérature francophone, écrite le plus souvent par des auteurs maghrébins qui ont choisi de résider en France et de fréquenter la rue Sébastien-Bottin ou d’être publiés par le consortium Gallimard-Grasset-Le Seuil[26], n’ait plus la même portée ; elle témoigne moins de la volonté d’exprimer les problèmes et les espoirs d’une nation que de l’ascendant qu’exercent la langue et la culture françaises au-delà de ses frontières sur les écrivains étrangers. Elle se rapproche ainsi de la littérature française, très vivante au Liban[27], ou en Egypte[28] : la langue française traduit plus alors les révoltes et les conflits communs à l’écrivain et à son peuple, elle est l’objet d’un choix et d’une prédilection.
[1] Marie-Louise Taos Amrouche (Algérie), Jacinthe noire (1947).
[2] Mouloud Feraoun, Le Fils du pauvre (1950), L’Anniversaire (1959).
[3] Mouloud Mammeri, La Colline oubliée (1952), La Traversée (1982).
[4] Mohammed Dib, La Grande Maison (1952), L’Incendie (1954).
[5] Driss Chraïbi, Le Passé simple (1954), Succession ouverte (1962), La Civilisation, ma mère !… (1972).
[6] Albert Memmi, La Statue de sel (1953).
[7] Kateb Yacine, Nedjma (1956), Le Polygone étoile (1966).
[8] Malek Haddad, Je t’offrirai une gazelle (1959).
[9] Rachid Boudjera, La Répudiation (1969), Les Mille et unes années de la nostalgie (1977).
[10] Tahar Ben Jelloun, Cicatrices du soleil, poèmes (1972), A l’insu du souvenir (1980) et le fameux La Nuit sacrée (1987).
[11] Nabile Farès, Yahia, pas de chance (1970).
[12] Yamina Méchakra, La Grotte éclatée (1979).
[13] Voir également Femmes d’Alger dans leur appartement de Assia Djebar.
[14] L’auteur de cette chronique recommande particulièrement le recueil de poèmes de l’Algérien Henri Kréa, Tombeau de Jugurtha (1968).
[15] Tahar Djaout, Les Chercheurs d’or, 1984 ; Rachid Mimouni, Le Printemps n’en sera que plus beau, 1978.
[16] Sous le bâillon, le poème, 1981.
[17] La Mille et deuxième nuit, 1975.
[18] Le Déterreur, 1973.
[19] La Mémoire tatouée, 1971
[20] L’Enfant de sable, 1985.
[21] Driss Chraïbi, Une Enquête au pays, 1981.
[22] La Rage aux tripes, 1975.
[23] Talismano, 1979.
[24] La Vie simple, 1975.
[25] L’Œil du jour, 1985.
[26] Six grands jurys littéraires, dont le fonctionnement et les décisions sont mis en question tous les ans sans que le système en souffre le moins du monde, jouent un rôle décisif pour la sélection des « valeurs » romanesques, la régulation du public, et, partant, la santé financière des éditeurs. Des esprits chagrins voire acerbes observent que trois grandes maisons d’édition (Gallimard, Grasset, Le Seuil) se partagent la (grande) majorité des (grands) prix [Grand prix du roman de l’Académie française ; Prix Goncourt ; Prix Renaudot ; Prix Femina ; Prix Interallié ; Prix Médicis], et par conséquent des grands tirages, et ceci en raison de la solidarité littéraire, mais aussi économique, qui unirait ces éditeurs et les jurés.
[27] Pays martyrisé qui se dévore lui-même, le Liban célèbre d’une voix douloureuse et forte ses morts et ses plaies. Poète et romancière, Vénus Khoury-Ghâta chante Les Ombres et leurs cris (1980) ; Salah Stetié (Fragments : Poèmes, 1981) et Andrée Chédid (L’Epreuve du vivant, 1982) disent le désenchantement de leur âme à l’image de leur peuple. Ces écrivains intègrent la culture orientale dans une forme résolument contemporaine à l’image de leur prestigieux prédécesseur, poète et dramaturge Georges Schéhadé l’un des maîtres du nouveau théâtre… en France. Une voie à suivre par les voix maghrébines ?
[28] Avec Albert Cossery et Joyce Mansour.
Une chronique de Philippe Pichon
https://mondafrique.com/loisirs-culture/week-end-notre-promenade-au-coeur-de-la-litterature-du-maghreb/
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Rédigé le 21/08/2023 à 20:12 dans colonisation, France, Littérature, Livres | Lien permanent | Commentaires (0)
Kateb Yacine, auteur de Nedjma (1956) et poète algérien aux trois langues
La génération des années 50 -comme les Algériens Mouloud Feraoun[2], Mouloud Mammeri[3], Mohammed Dib[4], le Marocain Driss Chraïbi[5], le Tunisien Albert Memmi[6], ou le très médiatique Kateb Yacine[7]– mettait en cause, dans des romans réalistes et populaires, l’impérialisme colonial, non sans critiquer aussi le passéisme et le traditionalisme islamiques, et invitait implicitement à la conquête d’une identité collective trop longtemps sacrifiée.
La génération des années 60 -comme les Algériens Malek Haddad[8] et Rachid Boudjera[9]– traitait des séquelles de la guerre d’indépendance, mais évoquait déjà les problèmes d’adaptation au monde moderne et au progrès.
À partir des années 70, des écrivains comme le Marocain Tahar Ben Jelloun[10] ou l’Algérien Nabile Farès[11], évoquent le problème de l’émancipation et de l’exil, donc de l’intégration. De jeunes femmes comme les Algériennes Yamina Mechakra[12] ou Aïcha Lemsine, dénoncent la condition de la femme dans la civilisation musulmane, et transgressent les tabous[13].
Si le théâtre était resté en retrait jusqu’en 1962 -date à laquelle Kateb Yacine peut faire jouer ses pièces en Algérie-, il se développe à partir des années 80, touchant un public fervent de plus en plus populaire. À l’inverse, la poésie, engagée au temps de la guerre d’indépendance (Anna Grebi), évolue vers des recherches esthétiques qui la réservent à un public de lettrés et partant la marginalisent. Des poètes[14] comme Hedi Bouraoui, Malek Alloula et surtout Abdellatif Laâbi cherchent à subvertir les formes classiques du vers par des rythmes syncopés et des images télescopées.
De nos jours, les préoccupations des écrivains prennent une ampleur nouvelle : dépassant le domaine politique, ils s’interrogent désormais, à partir d’une réflexion sociologique et philosophique, sur le devenir de leur civilisation.
Parler de littératures francophones plutôt qu’illustrer encore une fois l’universalité de la langue française en déroulant la saga des écrivains qui, de par le vaste monde, ont choisi la langue de Racine et de Voltaire, c’est déjà manifester que la littérature dite jusque-là « d’expression française » n’est plus un phénomène qui aille de soi. Les littératures francophones, singulièrement au Maghreb, n’existent qu’à deux conditions, l’une négative -ne pas être une simple variante provinciale ou exotique de la littérature parisienne-, l’autre positive, être le lieu d’une recherche et d’une interrogation communes à tout un peuple.
Le problème linguistique n’est souvent qu’un des éléments d’une problématique plus complexe. Les rapports de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie avec la France présentent toujours une profonde ambiguïté. Après avoir rejeté politiquement la greffe d’une conquête somme toute récente, le Maghreb va-t-il se dégager définitivement de la voie du bilinguisme et assumer les traditions fondamentalistes de la culture arabe ?
Les cinquante dernières années ont vu le Maroc, la Tunisie, l’Algérie enfin, conquérir leur indépendance nationale. La colonisation française y avait pris des formes différentes : en Algérie, elle avait abouti à la création de « départements » français, et recherchait, au moins théoriquement, « l’intégration » des colonisés. En fait, malgré un siècle de cohabitation, le fossé restait profond, trop profond, entre la minorité européenne et la masse des musulmans, fort loin d’être des « Français à part entière » faute d’être des « Français de souche ». Au Maroc et en Tunisie, la France, plus tard venue, plus respectueuse des traditions nationales, exerçait un « protectorat » qui recouvrait cependant un régime colonial.
Dans ces trois pays, dès 1945, la vigueur des revendications, la violence des troubles annoncent le début d’une décolonisation, rendue plus difficile que partout ailleurs par la présence de deux millions de Français installés dans le Maghreb et attachés à cette terre de soleil. Le Maroc et la Tunisie, après des conflits dramatiques, obtiennent l’indépendance en 1956.
L’Algérie n’y accède qu’en 1962, avec les accords d’Évian qui mettent fin à huit ans « d’événements », de guerre et de souffrances. Par de Gaulle, l’empire français (re)devient hexagonal. L’âpreté du conflit qui a opposé le Maghreb à la France durant ces années tragiques n’a pourtant jamais rompu les liens qui les unissent.
Certes, le Maghreb trouve son unité dans la langue arabe, dans la religion musulmane et dans la civilisation islamique. Il se tourne donc naturellement / culturellement vers l’ensemble du monde arabe dont il s’est toujours senti solidaire ; mais il renoue de la sorte les traditions d’amitié qui unissent ce monde arabe à la France, comme on le voit au Liban et en Égypte. Après les déceptions de l’époque coloniale, les révoltes de la décolonisation, l’Afrique du Nord a établi avec la France, aux printemps comme aux automnes, sur un pied d’égalité, des rapports durables et fructueux, malgré les crises inévitables qui les traversent, sur fond de terrorisme.
La littérature maghrébine « d’expression française » n’est pas séparable de cette histoire douloureuse : elle en a reflété toutes les phases, exprimant aussi bien l’attachement profond à la culture française que le refus d’une domination étrangère.
La deuxième génération qui apparaît en force aux alentours de 1952 revendiquent leur nationalité ou tout au moins leur singularité magrébine.
Solidaires du combat de leur peuple pour l’indépendance, ils engagent avec la France, adversaire et partenaire à la fois, l’indispensable dialogue. Ils décrivent, avec la précision de l’étude sociologique, les injustices du système colonial, mais aussi les problèmes complexes d’une société musulmane traditionaliste.
Composant un tableau du Maghreb, ils présentent à la France, sans ménagement, l’addition d’années de dédoublement, « le double portrait du colonisé et du colonisateur », pour reprendre le titre de l’essai d’Albert Memmi paru en 1956. Cet écrivain tunisien décrit dans La Statue de sel (1952) la condition particulière de l’israélite. Le marocain Driss Chraïbi, dans Les Boucs (1955) dont il se fait l’émissaire, présente la situation des travailleurs nord-africains en France. L’Algérie, elle, apparaît à travers les romans de Mohammed Dib, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun enfin (singulièrement La Terre et le Sang, 1953), qui devait trouver la mort dans les massacres commis par l’O.A.S. en 1962. Toutes ces œuvres, d’une facture classique, solide, visent surtout à mettre en lumière des problèmes sociaux et politiques. Chez Kateb Yacine, en revanche, on découvre l’ambition d’exprimer sous la forme du mythe la tragédie de l’Algérie. Emprisonné dès l’âge de seize ans pour avoir participé en 1945 à des manifestations nationales, le romancier de Nedjma (1956) et le dramaturge du Cercle des représailles, a donné les œuvres les plus vertigineuses et rigoureuses qu’ait inspirées l’insurrection algérienne.
Avec la conquête de l’indépendance, cette littérature militante qui s’adressait aussi bien au public français qu’au public arabe perdait sa raison d’être. Dès lors l’écrivain du Maghreb semble ne pas pouvoir éluder un choix difficile : s’il s’exprime en langue française, il tend à se détacher de son pays, et à devenir un Français d’adoption ; s’il veut s’adresser à ses compatriotes, il doit cesser d’écrire dans une langue qui leur est étrangère.
Avant même la fin de la guerre d’Algérie, des écrivains exprimaient leurs doutes sur l’avenir d’une littérature nationale d’expression française. Le poète Malek Haddad estimait que, « même s’exprimant en français, les écrivains d’origine arabo-berbère traduisent une pensée spécifiquement algérienne, une pensée qui aurait trouvé la plénitude de son expression si elle avait été véhiculée par un langage et une écriture arabes ». Albert Memmi, dès 1956, après avoir analysé son « drame linguistique », affirmait : « la littérature colonisée de langue européenne semble condamnée à mourir jeune », et il annonçait la venue de nouvelles générations d’écrivains abandonnant le français pour l’arabe.
Une importante pléiade de poètes et de romanciers ont ainsi illustré les lettres algériennes depuis l’indépendance, on l’a dit, autour de Mohammed Dib, Kateb Yacine. Le roman se montre particulièrement novateur au niveau de la forme. Violent, iconoclaste, le texte adopte volontiers une esthétique torturée, provocatrice – avec Rachid Boudjedra et Nabile Farès. Après le succès rencontré en 1967 par la romancière Assia Djebar avec les Alouettes naïves, s’amorce un nouveau mouvement parmi les jeunes écrivains, qui ne craignent plus d’analyser, à Alger même, les contradictions nationales.[15] L’histoire des années 80 sert de cadre aux Bandits de l’Atlas (1983) d’Azzedine Bounemeur. Enfin naît en France, dans le milieu des « beurs », une jeune littérature de l’émigration à l’instar de Nacer Kattane, Leïla Sebaar et Medhi Charef.
Le travail idéologique autant que littéraire d’Abdellatif Laâbi, au Maroc, lui vaut la prison[16], mais aussi une autorité considérable sur sa génération. Des talents volcaniques en font partie, comme le poète Mostafa Nissaboury[17], le « romancier » Mohammed Khaïr-Eddine, [18]le sociologue Adbelkébir Khatibi[19]. Enfin, Tahar Ben Jelloun est devenu un « classique » de la francophonie internationale, touchant aux angoisses humaines les plus stables à travers une mythologie subtile[20], récoltant le Prix Goncourt 1987 avec La nuit sacrée. Le roman marocain est sorti d’une longue période de révolte textuelle pour chercher de la profondeur dans le récit de vie et le constat social[21].
Le roman tunisien -dominé on l’a vu jusque-là par Albert Memmi- a trouvé sa voie dans les années 70 : Mustapha Tlili traite de l’aliénation[22] ; Abdelwahab Meddeb veut bousculer tous les interdits[23]. Cette inspiration emportée laisse toutefois place, comme en Algérie et en Tunisie, à des évocations plus intimes, plus apaisées, chez Souad Guellouz[24] ou Hélé Béji[25].
Les États du Maghreb se sont en effet engagés dans une politique d’arabisation : modérée en Tunisie, elle se concilie avec le bilinguisme et l’attachement à la « francophonie » ; beaucoup plus nette en Algérie et au Maroc, elle fait du français une langue étrangère privilégiée. Il est évident que l’écrivain maghrébin n’a pas cessé brusquement d’écrire en français. Jacques Nantet, l’intellectuel et journaliste, dans une enquête sur le roman algérien, constatait que sur dix romans d’auteurs algériens, huit sont écrits directement en français.
Un roman comme La Répudiation de Rachid Boudjedra montre avec force que l’écrivain algérien peut donner, en français, une image critique du monde musulman, mais il semble bien que cette littérature francophone, écrite le plus souvent par des auteurs maghrébins qui ont choisi de résider en France et de fréquenter la rue Sébastien-Bottin ou d’être publiés par le consortium Gallimard-Grasset-Le Seuil[26], n’ait plus la même portée ; elle témoigne moins de la volonté d’exprimer les problèmes et les espoirs d’une nation que de l’ascendant qu’exercent la langue et la culture françaises au-delà de ses frontières sur les écrivains étrangers. Elle se rapproche ainsi de la littérature française, très vivante au Liban[27], ou en Egypte[28] : la langue française traduit plus alors les révoltes et les conflits communs à l’écrivain et à son peuple, elle est l’objet d’un choix et d’une prédilection.
[1] Marie-Louise Taos Amrouche (Algérie), Jacinthe noire (1947).
[2] Mouloud Feraoun, Le Fils du pauvre (1950), L’Anniversaire (1959).
[3] Mouloud Mammeri, La Colline oubliée (1952), La Traversée (1982).
[4] Mohammed Dib, La Grande Maison (1952), L’Incendie (1954).
[5] Driss Chraïbi, Le Passé simple (1954), Succession ouverte (1962), La Civilisation, ma mère !… (1972).
[6] Albert Memmi, La Statue de sel (1953).
[7] Kateb Yacine, Nedjma (1956), Le Polygone étoile (1966).
[8] Malek Haddad, Je t’offrirai une gazelle (1959).
[9] Rachid Boudjera, La Répudiation (1969), Les Mille et unes années de la nostalgie (1977).
[10] Tahar Ben Jelloun, Cicatrices du soleil, poèmes (1972), A l’insu du souvenir (1980) et le fameux La Nuit sacrée (1987).
[11] Nabile Farès, Yahia, pas de chance (1970).
[12] Yamina Méchakra, La Grotte éclatée (1979).
[13] Voir également Femmes d’Alger dans leur appartement de Assia Djebar.
[14] L’auteur de cette chronique recommande particulièrement le recueil de poèmes de l’Algérien Henri Kréa, Tombeau de Jugurtha (1968).
[15] Tahar Djaout, Les Chercheurs d’or, 1984 ; Rachid Mimouni, Le Printemps n’en sera que plus beau, 1978.
[16] Sous le bâillon, le poème, 1981.
[17] La Mille et deuxième nuit, 1975.
[18] Le Déterreur, 1973.
[19] La Mémoire tatouée, 1971
[20] L’Enfant de sable, 1985.
[21] Driss Chraïbi, Une Enquête au pays, 1981.
[22] La Rage aux tripes, 1975.
[23] Talismano, 1979.
[24] La Vie simple, 1975.
[25] L’Œil du jour, 1985.
[26] Six grands jurys littéraires, dont le fonctionnement et les décisions sont mis en question tous les ans sans que le système en souffre le moins du monde, jouent un rôle décisif pour la sélection des « valeurs » romanesques, la régulation du public, et, partant, la santé financière des éditeurs. Des esprits chagrins voire acerbes observent que trois grandes maisons d’édition (Gallimard, Grasset, Le Seuil) se partagent la (grande) majorité des (grands) prix [Grand prix du roman de l’Académie française ; Prix Goncourt ; Prix Renaudot ; Prix Femina ; Prix Interallié ; Prix Médicis], et par conséquent des grands tirages, et ceci en raison de la solidarité littéraire, mais aussi économique, qui unirait ces éditeurs et les jurés.
[27] Pays martyrisé qui se dévore lui-même, le Liban célèbre d’une voix douloureuse et forte ses morts et ses plaies. Poète et romancière, Vénus Khoury-Ghâta chante Les Ombres et leurs cris (1980) ; Salah Stetié (Fragments : Poèmes, 1981) et Andrée Chédid (L’Epreuve du vivant, 1982) disent le désenchantement de leur âme à l’image de leur peuple. Ces écrivains intègrent la culture orientale dans une forme résolument contemporaine à l’image de leur prestigieux prédécesseur, poète et dramaturge Georges Schéhadé l’un des maîtres du nouveau théâtre… en France. Une voie à suivre par les voix maghrébines ?
[28] Avec Albert Cossery et Joyce Mansour.
Portrait d’Albert Memmi, le sioniste contrarié
Rédigé le 21/08/2023 à 20:11 dans colonisation, France, Littérature, Livres | Lien permanent | Commentaires (0)
Les abus systématiques contre les Éthiopiens pourraient constituer des crimes contre l’humanité
https://mondafrique.com/confidentiels/arabie-saoudite-yemen-des-migrants-massacres-a-la-frontiere/
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Rédigé le 21/08/2023 à 19:59 dans Arabie Saoudite ou maud;.. :) | Lien permanent | Commentaires (0)
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