9 affirmations sur le changement climatique passées au crible
« Le climat a toujours changé »
VRAI
La Terre a déjà connu des périodes beaucoup plus froides ou plus chaudes. Au crétacé, de 145 à 65 millions d’années dans le passé, la température était de 5 à 10 °C plus chaude qu’aujourd’hui. Au cours du quaternaire (les derniers 2,5 millions d’années), la Terre a connu de longues glaciations, où la température était de près de 5 °C plus froide. Mais depuis l’holocène (les 10 000 dernières années), elle était relativement stable… jusqu’au réchauffement actuel !
• « L’élévation de la température n’est pas régulière »
VRAI
La température mondiale moyenne par rapport à la période 1850-1900 a augmenté de plus de 1,1 °C. Certaines années – 1983, 1998, 2015 et 2016 – ont été particulièrement chaudes en raison d’El Niño, phénomène naturel qui provoque une bascule des vents et des courants marins dans le Pacifique équatorial, avec des eaux de surface très chaudes. Les pauses entre ces années chaudes peuvent laisser penser que le réchauffement est interrompu – il n’en est rien. Le réchauffement global, moyenné sur une dizaine d’années, est toujours présent et s’accélère : près de + 0,2 °C par décennie depuis 1981.
• « C’est la faute au Soleil »
FAUX
Le rayonnement que la Terre reçoit du Soleil est sa principale source d’énergie et explique en grande partie les températures clémentes de notre planète. Cette énergie varie selon des cycles de 11 ans, en fonction de la présence ou l’absence de « taches solaires ». Mais l’effet sur la température de la Terre est de faible ampleur. Ce sont bien les augmentations des gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O), induites par les activités humaines, qui expliquent 100 % du réchauffement depuis 1850.
• « La superficie de la banquise de l’Antarctique a augmenté jusqu’en 2014 »
VRAI
Cette tendance, modeste, a été mise en évidence sur la période 1979-2014 grâce aux observations des satellites. Mais des travaux récents montrent que cette augmentation s’inscrit dans un cycle multidécennal qui illustre la variabilité naturelle de l’océan Austral. Depuis 2014, la banquise antarctique connaît une fonte rapide et vient d’atteindre son étendue la plus faible depuis 1979.
• « + 2 °C, ça n’est pas beaucoup »
FAUX
+ 2 °C, c’est le réchauffement moyen à ne pas dépasser (par rapport à la période 1850-1900) fixé lors de l’accord de Paris. Mais, avec les politiques climatiques en place aujourd’hui, il faut plutôt s’attendre à un réchauffement de 3 °C en 2100. Et ce chiffre rond recouvre une très forte hétérogénéité : les continents, qui se réchauffent plus vite que la surface des océans, connaîtront une augmentation de 4 °C. C’est ce qui est attendu en France, où les étés se réchaufferont encore plus fort : + 5 °C en moyenne. Et, puisqu’il s’agit d’une moyenne, certains étés pourraient être à + 6 ou + 7 °C, avec des épisodes à + 8 °C ou au-delà… En France, où il a fait 46 °C en 2018 dans le Gard, le thermomètre pourra dépasser les 50 °C.
• « Les puits de carbone absorberont le CO2 »
PARTIELLEMENT VRAI
Environ la moitié de nos émissions est absorbée rapidement par les puits naturels : les océans et la végétation des continents. Mais le reste s’accumule dans l’atmosphère et y restera pour des milliers d’années. Un point important : dans l’hypothèse d’une baisse de nos émissions, ces puits absorberont de moins en moins de CO2. Ce qui signifie que pour stabiliser le climat, il nous faudra atteindre des émissions quasiment nulles…
• « Avec le réchauffement, le Gulf Stream va s’arrêter »
FAUX
Le Gulf Stream est un courant océanique de surface qui transporte des eaux chaudes des Caraïbes vers les côtes européennes. Il est mis en mouvement par les vents qui soufflent vers l’est en surface de l’océan Atlantique. Avec le changement climatique, ces vents seront toujours présents et le Gulf Stream aussi, mais les projections climatiques montrent que ce courant pourrait s’affaiblir.
• « Ce n’est pas si grave, la nature s’adaptera »
FAUX
Pour s’adapter, les espèces végétales et animales ont besoin de temps. Lors du maximal thermique il y a 56 millions d’années, si les forêts ont pu coloniser les régions boréales (vers le nord) et si l’on a trouvé des traces de crocodiles en Arctique, c’est que le changement s’est étalé sur plusieurs dizaines de milliers d’années. Le réchauffement actuel va 200 fois plus vite. Si le réchauffement atteint + 2 °C d’ici à 2100 (par rapport à 1850-1900), 18 % des espèces continentales seront menacées d’extinction.
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• « Le véritable gaz à effet de serre, c’est la vapeur d’eau »
VRAI, MAIS…
Comme le CO2 ou le méthane, les molécules de vapeur d’eau (H2O) présentes dans l’atmosphère absorbent le rayonnement infrarouge et donc contribuent à l’effet de serre naturel – environ pour moitié. Mais la quantité de vapeur d’eau ne dépend pas de nos émissions : elle est régulée par la température de l’atmosphère. Donc il n’y a pas d’effet significatif des activités humaines sur la température par ce biais. En revanche, le réchauffement provoqué par les émissions de CO2 augmente la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère, ce qui amplifie le réchauffement : cette rétroaction est prise en compte par les modèles climatiques.
BIO EXPRESS
Climatologue, Laurent Bopp est directeur de recherche au CNRS et directeur du département de géosciences de l’Ecole normale supérieure (ENS).
·Publié le
https://www.nouvelobs.com/ecologie/20230821.OBS77150/c-est-la-faute-au-soleil-2-c-c-est-peu-9-affirmations-sur-le-changement-climatique-passees-au-crible.html
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