L’ancien président a été placé brièvement en état d’arrestation dans une prison de Géorgie pour ses pressions électorales en 2020 dans cet Etat américain. Il est ressorti après un passage éclair, moyennant le versement d’une caution de 200 000 dollars.
Donald Trump à son arrivée à l’aéroport d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie, le 24 août 2023. JOE RAEDLE / AFP
Donald Trump est arrivé, jeudi 24 août, à une prison d’Atlanta pour se rendre aux autorités de l’Etat américain de Géorgie, qui l’ont inculpé de tentative de manipulation de la présidentielle de 2020. L’ancien président américain a été placé brièvement en état d’arrestation pour ses pressions électorales en 2020 dans cet Etat de l’est des Etats-Unis, selon un document du bureau du shérif.
Il a été mesuré et pesé, et doit ensuite être libéré sous caution, mais l’événement promet d’être l’une de ces séquences historiques qui tiennent le pays en haleine : après y avoir échappé lors de ses trois précédentes inculpations pénales, il risque cette fois de ne pas couper à l’infamant rituel de la photo d’identité judiciaire, ou « mugshot », une première pour un ancien locataire de la Maison Blanche. Cette photo d’identité judiciaire devrait aussi être rendue publique.
« Encore un triste jour en Amérique », avait-il dénoncé sur sa plate-forme Truth Social peu avant son départ pour cet Etat, frontalier de la Floride. Il avait qu’il se constituerait prisonnier « pour avoir eu l’audace de contester une élection truquée et volée ».
Son ex-avocat, Rudy Giuliani, un des 19 prévenus poursuivis pour leurs tentatives présumées d’obtenir l’inversion du résultat de l’élection de 2020 dans cet Etat, a dit mercredi lui avoir parlé pour lui souhaiter bonne chance. « Ce qu’ils sont en train de lui faire est une atteinte à la Constitution américaine », s’est insurgé M. Giuliani à sa sortie de la prison du comté de Fulton, à Atlanta, capitale de l’Etat, où il s’est constitué prisonnier avant d’être libéré sous caution.
Un passage bref
Le passage du favori des républicains pour reprendre la Maison Blanche en 2024 dans un établissement pénitentiaire surpeuplé et notoirement insalubre, connu sous le nom de « prison de Rice Street », sous l’œil des médias du monde entier qui campent depuis plusieurs jours sous de grandes tentes, devrait cependant être bref. Il y a été précédé jeudi par son dernier chef de cabinet, Mark Meadows, qui a été relâché en échange d’une caution de 100 000 dollars. Un autre prévenu, Harrison Floyd, a en revanche été placé en détention, faute de caution.
Une opposante de Donald Trump manifeste devant la prison d’Atlanta, où l’ancien président est attendu jeudi 24 août. BEN GRAY / AP
Sauf imprévu, Donald Trump ressortira libre sous caution, fixée à 200 000 dollars dans son cas, comme les neuf prévenus qui se sont déjà livrés. Tous ceux qui l’ont précédé, pour certains en pleine nuit, ont vu leur passage immortalisé et leur « mugshot » circuler en boucle à la télévision comme sur les réseaux sociaux. Les règles en vigueur prévoient aussi la prise des empreintes digitales.
Les deux accès de la prison ont été fermés à la circulation, jeudi matin. A l’une des entrées, des agents en gilet pare-balles attendaient dans un pick-up.
Absent du débat républicain
Avant son arrivée, M. Trump a changé d’avocat jeudi pour le représenter en Géorgie. Le remplacement de Drew Findling par Steve Sadow, un ténor du barreau d’Atlanta, tous deux habitués à défendre des célébrités, n’a pas été expliqué, mais le second a, par le passé, contesté le fait que la procureure du comté de Fulton, Fani Willis, ait inculpé les 19 accusés en vertu de la loi sur la délinquance en bande organisée, qui prévoit des peines de cinq à vingt ans de prison.
Le 14 août, un grand jury constitué par la procureure les a inculpés de « tentatives illicites d’obtenir l’inversion du résultat de l’élection de 2020 », remportée dans cet Etat-clé par l’actuel président démocrate, Joe Biden. Ils ont jusqu’à vendredi à midi pour se présenter aux autorités. Ils devraient être de retour au tribunal la semaine du 5 septembre, vraisemblablement pour annoncer s’ils plaident coupable ou non.
Donald Trump fait l’objet de quatre inculpations pénales, dont deux au niveau fédéral, à Washington et en Floride (sud-est), une dans l’Etat de New York et une en Géorgie. Les nuages judiciaires ont beau s’amonceler, chaque rebondissement lui rapporte des millions de dollars de dons, versés par des partisans convaincus qu’il est victime d’une « chasse aux sorcières » manigancée par l’administration Biden pour l’écarter de la présidentielle.
Son passage en prison survient après le premier débat des primaires républicaines, organisé mercredi soir à Milwaukee, dans le Wisconsin (nord), un événement que le magnat de l’immobilier a snobé. Puisqu’il caracole en tête des sondages, il a jugé inutile d’y participer. A la place, il a accordé une interview à Tucker Carlson, ancien animateur vedette de Fox News, qui a été diffusée sur X (ex-Twitter)… à la même heure que le débat.
Les huit candidats présents à Milwaukee – sept hommes dont le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, et une femme, l’ex-ambassadrice à l’ONU Nikki Haley – ont donc eu des échanges tendus, parfois à son sujet, notamment en ce qui concerne leur soutien en sa faveur s’il était condamné pénalement.
Le Monde avec AFP
Publié aujourd’hui à 01h53, modifié à 01h59 (republication de l’article du 24 août 2023 à 19h26).
Ancien élève officier de réserve, issu de l'Ecole Militaire d'Infanterie de Cherchell,promotion 806,juillet/décembre 1958 et devenu officier de carrière, j'ai constaté l'absence d'informations sur la vie de cette école après la guerre 39/45 et laissé ma trace sur le site des Cadets de Cherchell. Rejoint par Christian ,un camarade plus ancien,promotion mai à octobre 1954, nous tombons d'accord pour combler ce vide par un site, qui marquera la pérennité glorieuse de ce centre , la valeur de ses chefs et instructeurs , celles de ses jeunes volontaires, futurs meneurs d'hommes, qui, après l'Italie et l'Allemagne , inscriront leurs faits d'armes et aussi leurs noms sur le livre d'or en Indochine et en Algérle.
Il est bon que ce drapeau , qui dort aujourd'hui au musée de l'Infanterie à l'EAI de Montpellier, retrouve par un moyen moderne sa gloire et son histoire.
Faute de compétence , le recours au blog est une première empreinte . L'ouvrage complet dans sa forme actuelle pèse 7 mo.Avis aux bonnes volontés compétentes pour créer ce site !..
Cette devise est née en mars 1961, un an avant le transfert de l'Ecole de Cherchell à Montpellier. La devise en latin évoque le passé romain de l'antique Césarée, capitale de Maurétanie. Elle s'inscrit dans un croissant encadrant l'insigne de l' Ecole dont les colonnes à chapiteaux symbolisent elles aussi l'époque romaine et la grenade emblème des grenadiers rappelle l'appartenance de Cherchell à l'Infanterie. Le Colonel Bernachot dans la brochure éditée en 1961 écrivait:
"Devise qui marque le caractère même de la vocation et de la conditiond'élève-Officier de Réserve d' Infanterie . Car,par un choix libre et décidé, ils veulent,eux aussi, assumer la charge du commandement. Ils estiment, en effet, que celui qui s'est préparé à être un Chef civil, pour construire et animer la Cité, doit également être un Chef dans le sein de l' Armée , pour protéger le Pays à l' heure des périls. Son exigence militaire doit aller de pair avec son exigence civile: pour lui il n' y a qu' une seule manière de SERVIR.
Evgueni Prigojine aux funérailles d’un combattant du Groupe Wagner, au cimetière de Beloostrov, à l’extérieur de Saint-Pétersbourg, le 24 décembre 2022. AP
Selon l’agence du transport aérien russe Rossaviatsia, le patron du Groupe Wagner, Evgueni Prigojine, 62 ans, se trouvait à bord d’un avion privé qui s’est écrasé, mercredi 23 août, dans la région de Tver, à environ 180 kilomètres au nord-ouest de Moscou. De nombreuses zones d’ombre et des interrogations entourent les circonstances et l’origine de l’accident. Voici ce que l’on sait.
Que s’est-il passé ?
L’avion, immatriculé RA-02795, a décollé de Moscou en direction de Saint-Pétersbourg entre 16 heures et 17 heures (heure de Paris). Selon Rossaviatsia, l’appareil appartenait à la société MNT-Aero, spécialisée dans l’aviation d’affaires.
Le jet a parcouru environ 180 kilomètres avant que le signal ADS-B (un système de géolocalisation utilisé par le contrôle du trafic aérien) qu’il émettait ne disparaisse, sans qu’il soit possible d’en déterminer la cause. Il se trouvait alors à 8 000 mètres, proche de son altitude de croisière.
Environ une heure plus tard, les images publiées sur les réseaux sociaux montraient la carcasse en feu d’un avion dont la forme des réacteurs, ainsi que les derniers caractères de son immatriculation (« 795 ») révèlent qu’il s’agit bien du même jet.
A l’aide d’autres vidéos montrant la chute de l’appareil, Le Monde est parvenu à localiser le site du crash, dans une prairie au sud du village de Koujenkino, dans le raïon Bologovski (oblast de Tver). Plusieurs corps étaient visibles, sans qu’il soit encore possible de les identifier.
Une enquête a été ouverte pour « violation des règles de sécurité du transport aérien ». « Une équipe d’enquêteurs a été envoyée sur les lieux (…) pour établir les causes de l’accident », a fait savoir le comité d’enquête de la Fédération de Russie.
La chaîne Telegram Grey Zone, proche de M. Prigojine et du Groupe Wagner, a accusé explicitement l’armée russe d’avoir abattu l’avion avec un missile antiaérien. Grey Zone assure que des témoins ont entendu « deux explosions caractéristiques du travail de la défense antiaérienne » et se fonde également sur des traces observées dans les vidéos du crash diffusées en ligne.
Des policiers russes montent la garde près du lieu du crash du jet privé dans lequel se trouvait Evgueni Prigojine, dans la région de Tver (Russie), le 24 août 2023. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / AP
Qui se trouvait dans l’avion qui s’est écrasé ?
« Il y avait dix personnes à bord, dont trois membres d’équipage. Selon les premières informations, toutes les personnes à bord sont décédées », a d’abord annoncé sur Telegram le ministère des situations d’urgence russe.
L’agence Rossaviatsia a confirmé qu’Evgueni Prigojine se trouvait à bord de l’avion, ainsi que son bras droit, Dmitri Outkine, « Wagner », selon son nom de guerre, un homme discret, connu pour ses tendances néonazies.
Selon l’agence de presse russe Interfax sur Telegram, citant les services de secours, les corps des dix personnes qui se trouvaient à bord de l’avion ont été retrouvés. Les recherches sont terminées, a-t-elle ajouté, sans préciser si les victimes ont pu être identifiées.
Prigojine et Vladimir Poutine ?
Après avoir passé neuf ans en prison à l’époque soviétique pour des délits de droit commun, Evgueni Prigojine a monté un groupe de restauration qui a officié au Kremlin, ce qui lui a valu le surnom de « cuisinier de Poutine », et la réputation d’être devenu milliardaire grâce aux contrats publics. C’est cet argent qu’il aurait utilisé pour fonder le Groupe Wagner, une milice privée d’abord composée de vétérans endurcis de l’armée et des services spéciaux russes.
A l’occasion du conflit en Ukraine, il a recruté des dizaines de milliers de prisonniers pour aller combattre sur le front là où l’armée russe était en difficulté. En mai 2023, après près d’un an de combats sanglants, M. Prigojine a atteint son objectif, en revendiquant la prise par les Wagner de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine, célébrant une rare victoire russe, malgré son coût humain important.
Il a ensuite lancé une rébellion contre l’état-major russe et le ministre de la défense, Sergueï Choïgou, menée par ses hommes, qui ont brièvement capturé des sites militaires dans le sud de la Russie avant de se diriger vers Moscou. Le chef mercenaire a renoncé au coup de force au bout de vingt-quatre heures, négociant un exil pour lui et ses fidèles en Biélorussie. Il a échappé à la prison, à la justice, mais Vladimir Poutine avait dénoncé, sans prononcer son nom, la « trahison » d’Evgueni Prigojine, « provoquée par les ambitions démesurées et les intérêts personnels ».
En juillet, le président russe avait assuré qu’il avait proposé aux hommes de Wagner de servir sous le commandement d’une autre personne au sein de l’armée, mais que leur chef, Evgueni Prigojine, avait refusé cette offre.
Que faisait Evgueni Prigojine en Russie ?
Pour une raison inexpliquée, le patron de Wagner semblait aller et venir en Russie malgré son statut de paria, jusqu’à participer quelques jours après sa révolte à une réunion au Kremlin.
Lundi soir, il est apparu dans une vidéo diffusée par des groupes proches de Wagner sur les réseaux sociaux, où il affirmait se trouver en Afrique. Dans un paysage désertique et armé d’un fusil d’assaut, il disait travailler à « rendre la Russie encore plus grande sur tous les continents et l’Afrique encore plus libre ».
Quelles ont été les réactions à l’annonce de la mort d’Evgueni Prigojine ?
Un conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak, a sous-entendu que le rival de Vladimir Poutine a pu être éliminé par le Kremlin. « L’élimination spectaculaire de Prigojine et du commandement de Wagner deux mois après [leur] tentative de coup d’Etat est un signal de Poutine aux élites russes avant les élections de 2024 », a-t-il écrit sur X (anciennement Twitter), estimant que « Poutine ne pardonne à personne ».
Le président des Etats-Unis, Joe Biden, a déclaré qu’il n’était « pas surpris » de la possible mort du patron du Groupe Wagner. « Peu de choses se passent en Russie sans que Poutine y soit pour quelque chose », a-t-il estimé.
La meneuse de l’opposition biélorusse en exil, Svetlana Tsikhanovskaïa, a estimé qu’Evgueni Prigojine était un « meurtrier » qui « ne manquera à personne ». Elle a espéré sur X que « sa mort pourrait démanteler la présence de Wagner en Biélorussie », un pays allié de Moscou.
Le Kremlin a-t-il réagi ?
Vladimir Poutine lors d’une cérémonie marquant le 80ᵉ anniversaire de la victoire de Koursk, une bataille majeure du front oriental de la seconde guerre mondiale, à Koursk (Russie), le 23 août 2023. GAVRIIL GRIGOROV / AF
Vladimir Poutine a prononcé mercredi un discours à l’occasion du 80e anniversaire de la bataille de Koursk, au cours de la seconde guerre mondiale, se rendant dans cette région du sud-ouest de la Russie, frontalière de l’Ukraine. Sans mentionner le crash, le président russe a salué sur scène devant la foule le « dévouement » et la « loyauté » des soldats russes en Ukraine, qui « combattent avec courage et détermination ».
A Saint-Pétersbourg, près des locaux de la société Groupe Wagner, un mémorial a été improvisé dans la soirée de mercredi. Des bougies, des fleurs, des écussons et des banderoles à l’effigie du groupe paramilitaire ont été déposés et des sympathisants de la milice armée se recueillaient.
Un mémorial improvisé en l’honneur d’Evgueni Prigojine, devant le « Centre PMC Wagner » de Saint-Pétersbourg, dans la nuit du 23 au 24 août 2023. STRINGER / AFP
Le Monde avec AFP
Publié aujourd’hui à 04h32, modifié à 09h38
https:/Publié aujourd’hui à 04h32, modifié à 09h38/www.lemonde.fr/international/article/2023/08/24/ce-que-l-on-sait-de-la-mort-annoncee-d-evgueni-prigojine-le-patron-de-wagner_6186353_3210.html
Le patron du groupe Wagner, Evgeniy Prigozhin, figurait sur la liste des passagers d'un avion qui s'est écrasé, tuant tous ses occupants, a déclaré l'autorité russe de l'aviation civile.
Un peu plus tôt, la chaîne Telegram Grey Zone, liée à Wagner, a indiqué que l'avion Embraer avait été abattu par les défenses aériennes dans la région de Tver, au nord de Moscou.
Le jet, qui reliait Moscou à Saint-Pétersbourg, transportait sept passagers et trois membres d'équipage.
Prigozhin a mené une mutinerie avortée contre les forces armées russes en juin.
Selon Grey Zone, les habitants de la région ont entendu deux détonations avant le crash et ont vu deux traînées de vapeur.
L'agence de presse Tass a déclaré que l'avion avait pris feu en touchant le sol, ajoutant que quatre corps avaient déjà été retrouvés.
L'avion avait volé pendant moins d'une demi-heure.
Cette information de dernière minute est en cours d'actualisation et de plus amples informations seront publiées sous peu.
Prigozhin, 62 ans, a mené une mutinerie ratée contre les forces armées russes en juin après que le groupe Wagner se soit allié au Kremlin dans l'invasion de l'Ukraine en envoyant des mercenaires faire la guerre aux côtés des soldats russes.
Les 23 et 24 juin, le chef du groupe Wagner a retiré ses troupes de la ligne de front en Ukraine pour marcher sur la ville de Rostov-sur-le-Don, dans le sud de la Russie, tout en menaçant d’avancer jusqu’à Moscou.
Cette brève mutinerie faisait suite à des mois de tension avec les commandants militaires russes au sujet du conflit en Ukraine.
L'impasse a été résolue par un accord qui stipulait que Prigozhin renonçait à sa mutinerie et permettait aux troupes de Wagner de se rendre en Biélorussie ou de rejoindre l'armée russe.
Prigozhin lui-même a accepté de se rendre en Biélorussie, mais a apparemment pu se déplacer librement. Il a été vu en Russie et aurait également visité l'Afrique.
CRÉDIT PHOTO,WAGNER TELEGRAM ACCOUNT/ANADOLU AGENCY VIA GETTY IMAGES
Prigozhin avait été qualifié « d'homme mort qui marche »
"Un homme mort qui marche", c'est ainsi que plusieurs observateurs de l’actualité russe décrivaient le chef mercenaire de Wagner, Evgeniy Prigozhin, depuis qu'il a mené sa mutinerie sur Moscou en fin juin.
La première réaction du président Poutine à ce défi lancé à l'establishment de la défense russe a été vitriolique : il l'a qualifié de trahison et de coup de poignard dans le dos dans un message vidéo diffusé le 24 juin.
Le fait qu'un accord ait ensuite été conclu à la hâte, permettant à Prigozhin de rester en liberté et de réapparaître ensuite en Biélorussie, à Saint-Pétersbourg et, cette semaine, quelque part en Afrique, ne signifiait pas qu'il était hors d'état de nuire.
"La vengeance", a commenté le directeur de la CIA William Burns, "est un plat que Poutine préfère servir froid."
Bien entendu, rien de tout cela ne prouve que Prigozhin et son entourage ont été délibérément pris pour cible.
Mais compte tenu des circonstances, toute affirmation selon laquelle sa mort, si elle est confirmée, est un accident, suscitera une levée de boucliers.
Les spéculations sur les canaux Telegram suggèrent que l'avion qui s'est écrasé était un Embraer Legacy portant le numéro de série RA-02795.
Les données de suivi de FlightRadar24 - un site web populaire de suivi des vols - n'indiquent pas le lieu de départ de l'avion.
Plus tôt dans la journée, il est apparu près de Moscou, où il a grimpé jusqu'à une altitude de près de 29 000 pieds (8 800 m) avant que les données ne montrent qu'il a soudainement chuté, terminant sa course à 0 pied.
L'avion est enregistré au nom d'Autolex Transport, que le gouvernement américain a associé à Evgeny Prigozhin.
Les enregistrements de vol de l'avion sont désormais partiellement inaccessibles via FlightRadar24.
Mais il a effectué plusieurs voyages à destination et en provenance de Moscou et de Saint-Pétersbourg au cours des derniers mois, et a été photographié par les médias locaux au Belarus, où le groupe Wagner serait désormais basé.
CRÉDIT PHOTO,WAGNER/ANADOLU AGENCY VIA GETTY IMAGES
Les données montrent qu'un deuxième avion a décollé vers Moscou
Certains chaines de Telegram russes ont émis l'hypothèse que le patron de Wagner, Yevgeny Prigozhin, aurait pu se trouver à bord d'un autre avion que celui qui s'est écrasé aujourd'hui.
L'autre jet, un autre Embraer 600, porte le numéro d'immatriculation RA-02748.
Les enregistrements de vol de l'avion sont partiellement inaccessibles via FlightRadar24, un site web populaire de suivi des avions.
Mais les données montrent qu'il a décollé de Saint-Pétersbourg plus tôt dans la journée et qu'il s'est dirigé vers Moscou. La trace disparaît près de l'aéroport d'Ostafyevo, dans la capitale russe.
La BBC n'a pas été en mesure de confirmer s'il était à bord de l'avion.
23 août 2023, 18:11 GMT Mise à jour il y a une heure
https://www.bbc.com/afrique/articles/c2vjpezl8ljo
ujourd'hui
10 VICTIMES
Selon l'agence russe Interfax sur Telegram, les corps des dix victimes qui se trouvaient à bord de l’avion d’affaires ont été retrouvés. Le média cite les services de secours, qui annoncent que les recherches sont terminées.
RÉCAPITULATIF
Un avion privé avec 10 personnes à son bord s'est écrasé mercredi en Russie. Le patron de Wagner, Evgueni Prigojine, fait partie des victimes. Après avoir temporisé, le groupe paramilitaire a confirmé la mort de son chef dans la soirée.
Le QG du groupe Wagner à Saint-Pétersbourg a été éclairé d'une croix ce mercredi, après l'annonce de son patron Evgueni Prigojine.
QG de Wagner après le décès d'Evgueni Prigojine. - LCI
"UN MEURTRIER QUI NE MANQUERA À PERSONNE"
Evgueni Prigojine était un "meurtrier" qui "ne manquera à personne", estime la meneuse de l'opposition biélorusse Svetlana Tikhanovkaïa. "C'était un meurtrier et il faut s'en souvenir comme tel", martèle-t-elle.
CONFIRMATION EN RUSSIE
"Evgueni Prigojine et Dmitri Outkine se trouvaient à bord de l'avion qui s'est écrasé", confirme l'agence de presse russe TASS. Selon L'agence russe du transport aérien Rossaviatsia, le vol se déroulait "en vertu d'un permis d'espace aérien dûment délivré".
WAGNER ANNONCE LE DÉCÈS DE PRIGOJINE
"Evgueni Prigojine, chef du groupe Wagner, héros de la Russie, véritable patriote de sa patrie, est mort à la suite des actions des traîtres à la Russie", annoncent les chaînes Telegram Grey Zone, réputée proche de la milice, et Wagner Group, qui se présente comme le canal officiel de ce groupe.
Telegram
QUELLES CAUSES DU CRASH ?
"Sur une image, on a un panache de fumée qui vient de l'extérieur avec deux couleurs. Une couleur blanche, qui correspond à la propulsion d'un missile, et un panache gris qui correspond à l'explosion. C'est exactement le même type d'image que des explosions par des missiles anti-aériens. J'ai vraiment l'impression que ça a été tiré de l'extérieur. Et ensuite, selon leurs témoignages, des gens au sol ont entendu des missiles", détaille sur LCI Xavier Tytelman, ancien aviateur militaire, spécialiste aéronautique Air et Cosmos. "La structure de l'avion a été détériorée. C'est une collision aérienne, c'est un missile. Une explosion venant de l'intérieur, une bombe par exemple, n'aurait pas laissé une deuxième traînée", ajoute l'expert.
"Je viens de parler avec des éminents wagnériens. Ils me confirment la mort d'Evgueni Prigojine et Dmitri Outkine (le bras droit du patron du groupe Wagner)", a indiqué Vladimir Rogov, le chef de l'administration pro-russe de la région de Zaporijia.
BIDEN "PAS SURPRIS"
"Je ne sais pas encore tout à fait ce qu'il s'est passé, mais je ne suis pas surpris", a déclaré Joe Biden à des journalistes. "Peu de choses ne se passent en Russie sans que Poutine n'y soit pour quelque chose," a ajouté le président américain depuis les montagnes de l'Ouest américain où il est avec sa famille.
CHAÎNE D'ÉTAT
La chaîne d'État russe Rossiya 24 a annoncé le décès d'Evgueni Prigojine.
HUIT CORPS
Huit corps ont, jusqu'ici, été découverts sur le lieu du crash, ont annoncé les services d’urgence, cités par l’agence russe Ria Novosti.
PORTRAIT DE PRIGOJINE
Le patron du groupe paramilitaire Wagner aurait perdu la vie ce mercredi 23 août dans un crash aérien en Russie. Selon les agences de presse russe Ria Novosti, TASS et Interfax, se référant à l'agence du transport aérien Rossaviatsia, le nom d'Evgueni Prigojine figure sur la liste des passagers de cet avion qui devait relier Moscou à Saint-Pétersbourg. Ancien proche de Vladimir Poutine, le chef de guerre est tombé en disgrâce en juin dernier après une rébellion avortée de sa milice contre l'état-major.
La mort d'Évgueni Prigojine ne "serait une surprise pour personne", a estimé mercredi la Maison Blanche. "Nous avons vu ce qui a été rapporté. Si cela était confirmé, ce ne serait une surprise pour personne", a indiqué Adrienne Watson, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de l'exécutif américain.
Joe Biden, dans les montagnes de l'Ouest américain avec sa famille, a par ailleurs été tenu informé de la situation, a fait savoir la présidence américaine.
"UN SIGNAL AUX ÉLITES RUSSES"
Selon la présidence ukrainienne, le crash de l'avion où se trouverait Évgueni Prigojine, est un "signal de Vladimir Poutine aux élites russes". "L'élimination spectaculaire de Prigojine et du commandement de Wagner deux mois après (leur) tentative de coup d'État est un signal de Poutine aux élites russes avant les élections de 2024", a estimé Mykhaïlo Podoliak, conseiller de Volodymyr Zelensky, estimant que le président russe "ne pardonne à personne".
POUTINE LORS D'UNE CÉRÉMONIE
Alors qu'Evgueni Prigojine est donné pour mort, le président Vladimir Poutine a prononcé un discours à l'occasion du 80ème anniversaire de la bataille de Koursk au cours de la Deuxième guerre mondiale. Sans mentionner le crash, le président russe a salué sur scène devant la foule les soldats russes en Ukraine, qui "combattent avec courage et détermination". "Le dévouement à la patrie et la loyauté au serment militaire unissent tous les participants à l'opération militaire spéciale", a-t-il déclaré, en référence au conflit en Ukraine.
SECOND AVION
Selon Flight Radar, un deuxième avion qui appartiendrait au groupe Wagner a atterri à Moscou.
Prigojine mort dans le crash d'un avion en Russie ?Source : TF1 Info
LES IMAGES DE L'ACCIDENT
Un avion s'est écrasé en Russie ce mercredi 23 août dans la région de Tver, à près de 200 km de Moscou. Selon les agences de presse russes, Evgueni Prigojine figurerait sur la liste des passagers.
Le patron du groupe paramilitaire Wagner était à l'origine d'une rébellion avortée contre le Kremlin en juin.
"Le ministère russe des Situations d'urgence mène des opérations de recherche" sur le site du crash de l'avion, près du village de Kujenko, a-t-il indiqué sur Telegram.
LE GROUPE WAGNER NIE LA MORT DE PROGOJINE
Le groupe Wagner affirme, sur Telegram, qu’un deuxième avion aurait fait demi-tour et pourrait transporter Evgueni Prigojine, le patron du groupe Wagner. "Le deuxième avion, qui appartient à Evgueni Prigojine , fait demi-tour au-dessus de la capitale et se dirige vers l'aéroport. Malgré le fait que de nombreuses chaînes écrivent que Prigojine est mort, il a pu voler dans un autre avion", écrit le groupe paramilitaire.
Découvrez les images du crash d'un avion en Russie, dans lequel se trouverait Evgueni Prigojine, le patron du groupe Wagner.
ON DE WAGNER DANS L'AVION ?
Selon les agences de presse russes, le patron de Wagner, Evgueni Prigojine, se trouvait sur la liste des passagers de l'appareil. "Une enquête a été ouverte sur l'accident d'avion qui s'est produit dans la région de Tver ce soir. D'après la liste des passagers, les nom et prénom d'Evgueni Prigojine figuraient sur cette liste", a indiqué l'Agence fédérale russe pour le transport aérien, rapporte l'agence TASS.
CRASH D'AVION
Un avion privé avec 10 personnes à son bord s'est écrasé mercredi près du village de Kujenkino, dans la région de Tver, en Russie, alors qu'il effectuait une liaison Moscou-Saint-Pétersbourg, sans laisser de survivants, ont annoncé les services de secours.
"Il y avait 10 personnes à bord, dont 3 membres d'équipage. Selon les premières informations, toutes les personnes à bord sont décédées", a indiqué sur Telegram le ministère russe des Situations d'urgence. Le vol aurait duré moins de 30 minutes.
BIENVENUE
Bonsoir à toutes et à tous, bienvenue dans ce direct consacré au crash d'un avion privé en Russie.
Personne n'aurait survécu. Un avion privé avec dix personnes à son bord s'est écrasé mercredi dans la région de Tver, en Russie, alors qu'il effectuait une liaison entre Moscou et Saint-Pétersbourg, sans laisser de survivants, ont annoncé les services de secours. "Il y avait dix personnes à bord, dont trois membres d'équipage. Selon les premières informations, toutes les personnes à bord sont décédées", a indiqué sur Telegram le ministère russe des Situations d'urgence. Le patron de
Dans une œuvre à multiples facettes, au rythme des soubresauts de l’histoire de son pays natal, Assia Djebar a mis la lumière sur la vie des femmes algériennes et porté leurs voix. Elle a aussi dénoncé sans relâche les méfaits du colonialisme. Le tout lui a valu une pluie de critiques.
AssiaAssia Djebar voulait des broderies dorées spécifiques sur son habit d’académicienne. Attachée à son héritage culturel, l’écrivaine algérienne avait demandé que les motifs reproduisent ceux du karakou de mariage de sa mère, cet habit de fête de velours et de fil d’or traditionnel, typique de la région d’Alger. Mais la secrétaire perpétuelle de l’Académie française, Hélène Carrère d’Encausse, y a mis un veto, invoquant une logistique trop complexe.
Cette demande n’est pas surprenante, tant l’Algérie imprègne Assia Djebar, qui a mené paradoxalement une grande partie de sa vie et de sa carrière en dehors de sa terre natale. Jennifer Dumont, qui fut son assistante lorsqu’elle enseignait aux États-Unis, à la New York University, au début des années 2000, se souvient d’une personnalité chérissant les espaces indéfinis.
« Elle m’a raconté un jour que les meilleures architectures de ses romans étaient nées dans les salles d’attente, une fois passés les contrôles de sécurité dans les aéroports. » Là, dans ces lieux de transit entre la France, l’Algérie et les États-Unis, les trois pays où s’entremêlent ses chemins.
Le sujet géographique est épineux pour Assia Djebar, sa vie ponctuée d’allers-retours depuis et vers l’Algérie qu’elle a explorée sous toutes ses facettes, jusqu’à en faire la toile de fond de tous ses ouvrages.
Quelques années après l’indépendance algérienne, Assia Djebar est poussée à émigrer en France. En 1965, alors qu’elle enseigne l’histoire moderne et contemporaine à l’université d’Alger, elle démissionne : l’enseignement de l’histoire doit désormais s’effectuer en arabe, ce qu’elle considère comme une erreur car l’essentiel des sources de ses cours est en français, « sa langue marâtre » mais la seule qu’elle écrit.
« Nous imposer l’arabe était condamner à mort cette école historiographique algérienne que j’avais commencé à mettre sur pied avec une quinzaine d’étudiants. J’ai toujours pensé que c’était important pour un pays fraîchement indépendant de prendre en charge sa mémoire collective et de repenser son histoire »,dira-t-elle dans un entretien à l’occasion de la sortie de son ultime roman, Nulle part la maison de mon père, paru en 2007.
Cette obsession de la mémoire est consubstantielle au travail d’Assia Djebar depuis Les Enfants du nouveau monde (1962). Jennifer Dumont a ainsi connu une écrivaine méticuleuse, « dotée d’une force de travail impressionnante » lui permettant de se concentrer des heures durant sans discontinuer, de se plonger dans des montagnes d’archives pour nourrir ses ouvrages. Tel Le Manuscrit inachevé, jamais achevé et publié sous forme de fac-similé par Mireille Calle-Gruber et Anaïs Frantzen 2021, qui devait porter sur saint Augustin, une figure tutélaire pour l’écrivaine.
Emprunter les chemins de l’histoire relève de l’évidence pour celle qui tenait à faire honneur à sa formation d’historienne. À l’École normale supérieure, elle excelle en philosophie mais choisit l’histoire, à rebours des conseils de ses professeurs.
Ne pas parler à la place des femmes
« Je pense qu’Assia était très consciente que les vainqueurs écrivaient l’histoire, analyse la chercheuse Mireille Calle-Gruber. C’est pour cette raison qu’elle a fait des recherches poussées, dépouillé des journaux de soldats français pour les démonter et les confronter à des témoignages d’Algériens et d’Algériennes qui montrent une autre face de l’histoire. »
Elle tient surtout à remettre au centre les grandes oubliées de l’histoire, les femmes. Mireille Calle-Gruber se rappelle qu’Assia Djebar jugeait ingrat le Front de libération nationale, le FLN. « Elle était extrêmement en colère du comportement des maquisards à l’endroit des femmes. Elle disait d’eux qu’ils les avaient violées et brisées en les renvoyant au foyer et en les privant de parole. Et ce, alors qu’elles ont pris des risques et le relais pour faire vivre les familles. Les bases arrière ont été assurées par les femmes. C’est pour ça que c’était tellement important pour elle de faire ces enquêtes auprès d’elles pour les réhabiliter. »
Pour la chercheuse, le fait qu’Assia Djebar se qualifie elle-même de « scripteuse » au lieu d’écrivaine démontre la force qu’elle accorde à la parole de ces femmes. Elle n’ambitionnait pas de parler pour elles de manière surplombante. Elle fuyait plutôt les rapports dissymétriques et ne se voyait pas comme l’autrice face aux femmes analphabètes. L’enjeu était de faire passer leurs propres voix, avec leur consentement.
Amel Chaouati l’a constaté dans ses lectures. Psychologue et présidente du Cercle des amis d’Assia Djebar, un club informel de passionné·es qu’elle a initié en 2005, elle a commencé son voyage en terre djébarienne avec Loin de Médine (1991). Ce roman entremêle histoire, à travers les sources islamiques, et fiction. Assia Djebar dépeint les premières années de l’islam après le décès du prophète Mohammed. Elle met en scène l’effacement progressif des femmes, notamment à travers la figure de Fatima, sa fille, cantonnée à son statut de mère des jumeaux Hassan et Hossein.
Fascinée par les allers-retours entre le passé et le présent, Amel Chaouati s’est réconciliée avec l’histoire en lisant Assia Djebar. « Celle qui m’a été enseignée en Algérie était de l’endoctrinement, avec un discours peu attrayant. Les professeurs tenaient un discours révolutionnaire qui glorifiait les héros de la guerre, rien de plus. »
Avant de rencontrer l’œuvre d’Assia Djebar, et c’est le plus déterminant selon elle, Amel Chaouti ne réalise pas que les femmes sont effacées du roman national, à quelques exceptions près comme les deux Djamila, Boupacha et Bouhired, ou Hassiba Ben Bouali. « Et encore, elles ont été transformées en icônes avec une image figée complètement dévitalisée et c’est dommage. J’ai eu beaucoup de transmissions de mes aïeules, et j’en suis fière, mais ça ne suffit pas. J’ai aussi besoin aussi d’identification extérieure à mon monde intime. Je ne veux pas seulement croiser des statues d’hommes dehors. »
Cette attention portée aux femmes confère à l’œuvre d’Assia Djebar une perception faussée. Elle est à tort réduite à des romans autobiographiques ou à une exploration poussée de l’intime, inoffensive et dénuée de toute portée politique. Son premier roman, La Soif (1957), a précisément été vilipendé pour cette raison (lire le premier volet de notre série).
Bien sûr, il est impossible de nier que la littérature djébarienne est imprégnée d’anecdotes et d’observations personnelles, mais l’y cantonner serait lui dénier sa complexité d’œuvre à l’architecture parfaitement pensée.
Dans un entretien publié à l’occasion de la sortie de son roman-testament, Nulle part la maison de mon père, paru en 2007, l’autrice explique sa démarche : « Ce livre n’est pas une autobiographie, parce que pour moi une autobiographie est une accumulation de multiples notations sur le passé à partir desquelles l’écrivain peut relater ce que fut sa vie. Pour ma part, j’ai tiré de mon enfance et de mon adolescence uniquement les éléments qui me permettent de comprendre le sens de cette pulsion de mort [sa tentative de suicide dans la vingtaine – ndlr] qui a fondé ma vie d’adulte. Il s’agit plutôt d’une auto-analyse. »
Cette attention portée aux femmes confère à l’œuvre d’Assia Djebar une perception faussée. Elle est à tort réduite à des romans autobiographiques ou à une exploration poussée de l’intime, inoffensive et dénuée de toute portée politique. Son premier roman, La Soif (1957), a précisément été vilipendé pour cette raison (lire le premier volet de notre série).
Bien sûr, il est impossible de nier que la littérature djébarienne est imprégnée d’anecdotes et d’observations personnelles, mais l’y cantonner serait lui dénier sa complexité d’œuvre à l’architecture parfaitement pensée.
Dans un entretien publié à l’occasion de la sortie de son roman-testament, Nulle part la maison de mon père, paru en 2007, l’autrice explique sa démarche : « Ce livre n’est pas une autobiographie, parce que pour moi une autobiographie est une accumulation de multiples notations sur le passé à partir desquelles l’écrivain peut relater ce que fut sa vie. Pour ma part, j’ai tiré de mon enfance et de mon adolescence uniquement les éléments qui me permettent de comprendre le sens de cette pulsion de mort [sa tentative de suicide dans la vingtaine – ndlr] qui a fondé ma vie d’adulte. Il s’agit plutôt d’une auto-analyse. »
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Gratter « l’immense plaie » du colonialisme
Pendant longtemps, l’autrice s’interdit de parler d’elle-même, en partie à cause de sa culture arabe où ce genre littéraire n’est ni valorisé, ni dans les usages. Et encore moins naturel. La première fois, elle s’y essaie dans L’Amour, la fantasia (1985), « une quête personnelle, intime autant que collective ». La chercheuse en littérature Beïda Chikhi, enseignante à Paris-Sorbonne, explique qu’Assia Djebar s’est lancée dans cette œuvre « sans doute pour relever un défi ». En effet, « une partie de son public réclamait à l’historienne une contribution plus soutenue à l’histoire de l’Algérie ».
Elle s’y astreint mais non sans mal. Littéralement. La romancière raconte dans Ces voix qui m’assiègent (1999) qu’elle souffre d’une tendinite, la maladie des passionné·es de tennis, sport qu’elle ne pratique pas. Pendant plusieurs mois, elle souffre sans se soigner. « Comme si, intérieurement, je savais que j’étais en train de payer le prix… de quoi ? De la publication d’un livre autobiographique ? Je finis par me soigner ; il me fallut ensuite plus de six mois pour guérir et retrouver un bras normal… »
À Alger, après des manifestations indépendantistes, le 13 décemb
Le résultat est à la hauteur de l’investissement moral, intellectuel et émotionnel. Le roman est « une puissante évocation historique » dotée d’une « belle créativité poétique », selon les mots de Beïda Chikhi. Ni l’histoire ni la littérature n’ont souffert de cette entreprise créative. Au contraire, le roman est même un essai clinique réussi de mise en adéquation du passé et de l’écriture romanesque.
Cette pudeur initiale ne constitue désormais plus un frein pour raconter l’Algérie et ses murmures, Assia Djebar a trouvé sa tonalité. La multiplication des récits et des voix lui permet de brouiller les pistes et de noyer sa vie au milieu de celle de ses compatriotes.
Je suis féministe parce que je suis algérienne. Je veux dire, en Algérie même une pierre devient féministe devant l’oppression.
Assia Djebar
Un jour, dans la moiteur d’un hammam, un secret de femmes se perce sous ses yeux. Elle le raconte dans Vaste est la prison. Une voisine doit rentrer chez elle et se plaint de le faire si tôt, à cause de « l’edou », soit l’ennemi en arabe, ici utilisé comme synonyme de mari. Assia Djebar comprend alors un versant jusque-là invisible des vies maritales algériennes, fruits de contraintes et d’accommodements.
Tout un champ s’ouvre à elle, et elle continuera à ouvrir son oreille pour donner vie à des paroles invisibles de femmes. Amel Chaouati a été surprise de découvrir ce passage sur l’ennemi dans ce roman. « J’ai toujours entendu ce terme employé autour de moi. Je sentais que c’était un secret, quelque chose qu’il ne fallait pas dire en présence des hommes, comme une espèce de complicité féminine. Le voir écrit noir sur blanc m’a remuée. »
Assia Djebar n’a jamais aimé la facilité, ni ne s’est préoccupée de devenir une autrice grand public, au grand dam de ses éditeurs. Elle n’hésite jamais aussi à gratter « l’immense plaie » du colonialisme des guerres dont elle a été témoin. Celle pour l’indépendance entre 1954 et 1962 et la guerre civile des années 1990.
Pêle-mêle, avec Femmes d’Alger dans leur appartement (1980), elle est l’une des premières à évoquer en littérature le sort des anciennes moudjahidates, les femmes combattantes reléguées dans l’oubli dans l’Algérie indépendante. Sujet qu’elle continuera d’évoquer dans La Femme sans sépulture (2002) qui raconte le destin de Zoulikha, montée au maquis en 1956 pour arracher l’indépendance de l’Algérie et évanouie dans les montagnes. Comme dans un puzzle, pièce après pièce, Assia Djebar fait parler les filles de la disparue, ses voisines, pour reconstituer ce destin invisibilisé.
Son féminisme, jamais brandi en étendard, s’exprimait ainsi. Assia Djebar n’a jamais cheminé intellectuellement ou amicalement avec des féministes, mais il est indéniable que son œuvre l’est, d’un « féminisme instinctif », considère Mireille Calle-Gruber.
Dans un entretien, interrogée sur son féminisme, Assia Djebar offre une réponse qui ne souffre aucune remise en question. « Je suis féministe parce que je suis algérienne », dit-elle, comme si cette réponse se suffisait à elle-même. Elle marque toutefois un temps d’arrêt, et précise : « Je veux dire, en Algérie même une pierre devient féministe devant l’oppression. »
Assimiler la colonisation à un viol ou parler des enfumades qui sont mises sous le tapis, rend difficile d’être célébrée en France. Elle l’a été tardivement avec l’Académie française
Sakina Imalhayène
L’Amour, la fantasia (1985), son chef-d’œuvre reconnu, celui qui lui ouvre le succès, peut de prime abord désarçonner dans sa construction, avec cette alternance de voix à l’identité parfois nébuleuse. Mais le roman est remarquable dans sa reconstitution de la violence de la conquête de l’Algérie en 1830 et de la guerre d’indépendance. Dans ce texte précurseur, l’autrice dénonce les viols de la guerre d’indépendance et ose l’écrire. Elle raconte avec force détails la prise d’Alger en 1830 et les enfumades du général Saint-Arnaud dans le centre ouest algérien.
Pour sa sœur Sakina Imalhayène, Assia Djebar, au-delà de son féminisme patent, est « sans concession » avec la mémoire algérienne et française. Cet engagement littéraire entrave la reconnaissance dans son pays d’abord et complique son adoubement en France, pense-t-elle.
Par ses écrits et ses films, elle réveillait leur « mauvaise conscience » vis-à-vis de l’oppression coloniale, de ses méfaits durables et de la guerre d’Algérie. « Assimiler la colonisation à un viol ou parler des enfumades qui sont mises sous le tapis, rend difficile d’être célébrée en France. Elle l’a été tardivement avec l’Académie française. »
Assia Djebar reconnaissait elle-même son étonnement, car elle savait son œuvre méconnue en France. À 69 ans, le 16 juin 2005, elle est élue au fauteuil 5 de l’Académie française, succédant à Georges Vedel. Elle y est reçue le 22 juin 2006 et prononce comme le veut l’usage un éloge de son prédécesseur avant de glisser sur une veine autobiographique plus personnelle et historique.
Un fragment ne passe pas dans ce discours éminemment lucide : « Le colonialisme vécu au jour le jour par nos ancêtres […] a été une immense plaie ! Une plaie dont certains ont récemment rouvert la mémoire, trop légèrement et par calcul électoraliste. » L’autrice fait référence à un débat qui a secoué la classe politique et médiatique l’année précédente. L’article 4 de la loi du 23 février 2005 en faveur des rapatriés et des harkis stipulait que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Il sera finalement abrogé.
Tout au long de son texte, Assia Djebar convoque l’histoire et profite de la tribune qui lui est offerte pour dénoncer ensuite la violence de l’entreprise coloniale, celle qui lui a fait croire que ses ancêtres étaient gaulois…
Deux jours plus tard, le journaliste Pierre Assouline publie un billet dévastateur, comme le raconte la sociologue Kaoutar Harchi dans cet article. « Elle n’a évoqué la France que pour la dénoncer sans nuance, faisant fi de tous les débats historiens qui ont récemment défrayé la chronique », lui reproche-t-il. Avant de regretter ce discours expéditif « résumant 130 ans de présence française en Algérie à une trace de sang… » D’autres protestations, comme celle d’une association de rapatriés d’Algérie, se joindront à ce concert de reproches.
Outre l’histoire, Assia Djebar se saisit aussi du moment présent pour créer. Meurtrie dans sa chair par le terrorisme islamiste qui sévit dans son pays natal dans les années 1990, elle réalisera un magnifique tombeau littéraire, Le Blanc de l’Algérie (1995), paru dans l’urgence, alors que d’autres voix sont stérilisées par la peur et l’horreur. L’autrice y rend hommage aux morts de l’Algérie, cette terre qui suinte le sang.
Elle raconte, à sa manière, la mort d’écrivains célèbres comme Albert Camus, Jean Amrouche, Frantz Fanon, Jean Sénac, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine. Elle y rend, entre autres, hommage au dramaturge Abdelkader Alloula, frère de son deuxième époux, le poète Malek Alloula, mortellement blessé à Oran en 1994. Ou au journaliste et écrivain Tahar Djaout assassiné un an plus tôt.
L’entreprise mémorielle est audacieuse, surtout dans l’urgence du moment. Mais à cette époque, Assia Djebar ne peut faire autrement qu’écrire. Sa sœur Sakina Imalhayène se souvient qu’à l’époque, elle lui dit que ces morts lui parlent. « Assia n’a jamais vraiment eu les pieds sur terre, elle pouvait être excessive parfois mais là je me suis dit qu’elle était en train de décompenser. Elle m’a inquiétée alors je lui ai suggéré d’écrire ce que ces fantômes lui disaient. Ça a été son déclic. »
Son amie Mireille Calle-Gruber, spécialiste de l’œuvre d’Assia Djebar, considère le résultat comme « extraordinaire », elle qui a échangé avec elle lors de l’accouchement de ce texte. Extraordinaire parce que bien qu’écrit à chaud, il possède une distance littéraire suffisante qui ne le rend jamais obsolète et le transforme « en œuvre d’art ».
Je suis l’homme de la draisine, un roman qui fait revivre la tragédie de cette génération algérienne engagée dans une guerre vouée à l’échec.
Le massacre du 16 avril 58 sur les hauts plateaux, qui donc l’a commis ? Vous aussi, vous voulez savoir ! Faire la lumière sur cette histoire de train, de draisine, d’une centaine de morts.
Une hécatombe donc parmi les habitants du djebel. Tout l’art de ce roman qui rejoint les meilleures fictions qu’ait inspirées le sort des mobilisés de la guerre d’Algérie, tel Des Hommes, de Laurent Mauvignier1, tient à ce que, dès ses premiers mots, le narrateur y livre l’essentiel du drame destructeur dont le « je » du titre annonçait déjà qu’il en fut tenu pour seul coupable. Et l’on en sait à peu près tout lorsqu’il ajoute : « Le récit ? Oh, je vais parler du carnage vu autour de moi, train, draisine, gourbis, lorsque j’ai pu, bien après les explosions, faire un pas. »
ROMPRE PLUS D’UN DEMI-SIÈCLE DE SILENCE
Dès lors, « quelle importance l’exactitude toponymique ? Car entre “Villerose” et “Terre-Noyée” », point n’est besoin que les noms soient de consonance maghrébine pour que l’on sache bien de quel effroyable conflit il est ici question, où l’on « sème la mort à tout vent » pour tenter de « rétablir notre bordel ». « Toute la vie, ajoute celui qui parle ici, on m’a dit que ça servait à rien de raconter un événement somme toute banal, d’une lutte qui… Alors je l’ai bouclée ». Aussi, à rompre enfin plus d’un demi-siècle de silence, « ça fait bizarre, observe-t-il, de sentir ses souvenirs revenir par wagons entiers. Du vrac quoi », où il n’y a guère lieu de s’étonner que « le temps du souvenir se mêle à celui de l’oubli ». Alors, non, ne croyez pas, proteste le narrateur, « que par pur plaisir je rallonge ma mise au point » : tant de détours se pressent en effet dans la parole, sur ce qui conduisait aveuglément à l’hécatombe finale ou sur ce qui l’a suivie, que sa relation sans cesse différée n’apporte en dernier lieu rien de plus à ce qu’on en avait pressenti de pire. Ainsi que l’a dit Pierre-Louis Rey, le « formidable exercice d’écriture » de Bogliolo aura donc été de traduire par quels allers et retours frénétiques du discours « l’épisode tragique, au lieu d’être raconté, traverse tout le récit comme une onde de choc ».
De celui qui, sans donner son nom, poursuit ce long monologue, on saura seulement qu’il est né « sous le même ciel que Saint-Augustin », qu’il n’a pas connu son père, tué à Monte Cassino, qu’il a d’abord été apprenti dans un garage. C’est depuis cet « hosto » où un tribunal militaire a préféré l’enfermer à vie « avec les mabouls comme on dit » qu’il se confie enfin à un interlocuteur venu l’interroger, soixante ans après les faits. À l’entendre, cette « histoire à devenir zinzin » est toute partie de ce mauvais « instinct maternel [...] qui des fois s’égare et aboutit au casse-pipe ». Celui d’une « veuve de guerre » qui encourage son fils à devancer l’appel et lui dit : « Choisis le train, tu n’auras pas à crapahuter dans les djebels avec ton barda sur le dos ». Et lui qui, découvrant que le « job » c’était « transport de civils et de militaires sur la voie métrique et unique » pour « amener les compagnies d’un campement à l’autre », au lieu de « s’attendre au pire », ne s’est pris que du fou désir de former bientôt avec sa « draisine imaginée »« un seul corps, enserrés l’un dans l’autre »...
« MOI J’AI TIRÉ, J’AI TUÉ »
Mais — « ce putain de Mais, ce Mais des questions sans réponse », il apprendra qu’« un jour sur deux, ça pète ou ça déraille » et que « dix-sept draisines avaient sauté depuis le début, à la fête des Morts. Cela s’appelle mourir pour les autres ». « Histoire sans commencement ni fin » où, son tour venu, « les choses ne se passèrent pas comme prévu », et même ont « tourné, simplifions : à la cata ». Après des mois passés à « patrouiller le long des voies pour empêcher les dinamiteros de faire tranquilou leur boulot », à « transbahuter » avec des mulets « cinq tonnes d’équipement », ou dans un atelier de « rafistolage post-sabotage », l’engagé volontaire est « enfin » affecté, avec six de ses camarades, comme chouf (guetteur) d’un convoi. C’est là que « le carrosse devint citrouille » : une mine fait dérailler le wagon de passagers, une autre, sauter la draisine dont les occupants sont pris sous des tirs « comme à la fête foraine »… Et celui qui, seul, reste « piégé au milieu du merdier, le bruit des balles sur le blindage, les potes en train de refroidir, les passagers en morceaux », avec Pierrot, son ami instituteur, « mort, ses yeux écarquillés », ne le nie pas : « Personne d’autre. Moi, j’ai tiré, j’ai tué […] Une demi-heure, deux heures […] j’ai arrosé tel un somnambule (…] à envoyer des giclées dans tous les sens, sans ligne de mire ».
« Rien d’autre. Survivre »,« Je tire pas, on me tue ; je tire, je tue. », expliquera-t-il tout au plus, lui pour qui « la vie n’avait qu’une seule voie : “ma” draisine, je devais la faire rouler ». Mais « certains te regardent de travers quand t’as exécuté le boulot », doit-il constater. Après « leurs cocoricos sur notre rassurante puissance de feu », les journaux « l’épinglèrent » : « Des faits accablants qu’il faut dévoiler, photo à l’appui, témoin qui raconte. » La hiérarchie s’en lave les mains en le condamnant pour « ouverture du feu sans ordres reçus ! » Et jusqu’à sa propre mère, « femme de devoir, cœur de marbre », qui, dit-il, « n’a plus voulu me voir après tout le boxon qui s’ensuivit. »
« Solitude sans issue » où s’engloutit tout le reste d’une vie et dont, à quatre-vingts ans passés, l’ancien engagé observe : « Je vis ici en retraité. Exilé – perpétuel », confessant sobrement à propos de la journée du désastre : « Je l’admets, pourquoi les buter tous ? »« Disons qu’aujourd’hui je le regrette. » Mais c’est sans rien céder de la rage qui, comme une grenade toujours dégoupillée, renvoie férocement dos à dos lâches envolées patriotardes des gradés d’alors et vaines injonctions des médecins ou infirmières à « se détacher » de sa sinistre affaire, « ces salopards de lanceurs de grenades sur les magasins » et « ces mille braillards qui aimaient accueillir les grosses légumes à la tomate », les Européens « zigouillés comme des lapins à Wahran » ou les martyrs algériens d’hier, attendant toujours leur dû dans « ce pays là-bas si grand, si riche, pour qui ? ».
UN COMBAT AUSSI MEURTRIER QUE VOUÉ À L’ÉCHEC
Le rythme effréné selon lequel le narrateur, à l’instar de son véhicule de mort, continue, « la sulfateuse en rafales », à dézinguer ceux qui l’ont « foutu là-dedans » fait si bien partager au lecteur l’horreur de son « gâchis » individuel, qu’il faut achever le récit pour que s’impose la force de la métaphore ici offerte de l’insoutenable entreprise dont celui-ci ne fut en effet qu’un épisode « somme toute banal » : « Le rythme de la draisine, me confirme l’auteur, aide à créer l’enchaînement, quelque peu absurde et fatal de toute guerre », et de celle-là en particulier. Comme si le véhicule surarmé avec sa « tourelle semi-aveugle » qui fonce, sans plus même pouvoir faire marche arrière, « la ligne métrique, unique, sans voix de secours ni à droite ni à gauche, qu’il suffisait de suivre pour le voir le terminus », en étaient la plus juste image : un État forcené engageant, aux cris de « Patrie, Empire, Liberté », toute une jeunesse dans un combat aussi monstrueusement meurtrier que voué à l’échec, pour ensuite la laisser à sa seule mauvaise conscience de dindon de la farce.
On verrait alors celle qui, après avoir poussé « son poussin chéri » vers ce qu’elle croyait lui « éviter les ampoules aux pieds », l’aura plaqué face à l’irréparable, comme figure de cette ingrate et irresponsable mère patrie, évoquée dès les premières lignes du récit, au nom de laquelle d’aucuns faisaient la morale en entonnant « Le Chant du départ » pour que d’autres qu’eux-mêmes laissent leur peau « en accomplissant leur devoir ».
Encore fallait-il, ajoute l’auteur, trouver à exprimer jusque dans la langue tout ce que cette histoire d’Algérie emporte « de morts et de disparitions — d’individus, d’un lieu, d’une époque... ». Et inventer donc une voix qui exprime le désastre d’un être qui s’y est fracassé, sans céder ni au faux parler « peuple », ni à l’idéologisme des bons sentiments ou du seul ressentiment. Dans une oralité qui, bannissant toute essentialisation, n’est de bout en bout qu’interpellation et ironie dévastatrice, Bogliolo le fait si bien dans ce premier roman publié, et d’une manière si éloignée de l’écriture raffinée qu’on lui connaît comme bibliographe et érudit, qu’il n’est pas à exclure qu’il se soit soumis à cet effet à quelque secret oulipien de l’écriture, à quelque autre « disparition » à la Georges Perec, qu’il nous dévoilera peut-être un jour.
nte enquête menée par Raphaëlle Branche2, les survivants de cette « génération algérienne » ne sortent souvent qu’à peine de décennies de silence, cette fiction sans tabous sait en dire autant que bien des témoignages vécus.
D’après les recherches d’une équipe de climatologues, le réchauffement global a rendu deux fois plus probables les conditions météorologiques extrêmes à l’origine des incendies qui ont ravagé l’est du Canada.
DDerrièreDerrière les flammes qui dévorent le Canada, les dérèglements climatiques d’origine humaine : c’est en substance ce que conclut une étude publiée mardi 22 août, menée par seize scientifiques affilié·es au World Weather Attribution, une structure de recherche internationale qui analyse l’influence du réchauffement sur les événements météorologiques extrêmes.
Selon leur analyse, entre mai et juillet 2023, les circonstances météorologiques à l’origine des mégafeux dans l’Est canadien étaient deux fois plus susceptibles de se produire en raison du réchauffement planétaire.
Depuis janvier, le Canada est en proie à des incendies sans précédent. En huit mois, le pays a dénombré près de 6 000 feux. 14 millions d’hectares, l’équivalent de la superficie de la Grèce, ont déjà brûlé, soit le double du dernier record en date de 1995, selon la vigie canadienne des incendies.
Par ailleurs, au moins quatre décès ont été directement liés à ces mégafeux et près de 200 000 personnes ont dû être évacuées de leurs logements. La semaine dernière, les 20 000 habitant·es de Yellowknife, capitale des Territoires du Nord-Ouest, ont reçu l’ordre de quitter la ville en raison de l’avancée des incendies. La Colombie-Britannique a quant à elle déclaré l’état d’urgence le 18 août, conduisant au déplacement de près de 15 000 personnes.
Un changement climatique qui attise les feux
D’après l’étude du World Weather Attribution (WWA), ces feux hors normes sont à associer à une augmentation de la température et à une diminution de l’humidité, toutes deux induites par le changement climatique. À cela s’ajoutent des précipitations anormalement faibles en 2023.
« Dans de nombreuses régions du Canada, la couverture neigeuse limite le début et l’étendue de la saison des feux de forêt : si une forêt est recouverte de neige ou humide à la suite de la fonte des neiges, le risque d’allumage et de propagation des feux est faible, détaille Philippe Gachon, professeur à l’Université du Québec à Montréal et coauteur de l’étude. Cette année, les températures élevées ont entraîné une fonte et une disparition rapide de la neige au mois de mai, en particulier dans l’est du Québec, ce qui a donné lieu à des feux de forêt inhabituellement précoces. »
Pour leur analyse, les climatologues se sont focalisé·es entre mai et juillet sur une région du Québec et ont utilisé l’indice forêt-météo (IFM), une mesure qui combine la température, la vitesse du vent, l’humidité et les précipitations pour estimer le risque d’incendie.
Les scientifiques ont calculé que les dérèglements climatiques, causés principalement par la combustion d’énergies fossiles, ont doublé le risque de survenue de conditions météorologiques propices aux feux de forêt. Selon leurs résultats, le changement climatique a aussi contribué à rendre de 20 % à 50 % plus intenses les températures chaudes et la sécheresse qui ont nourri ces incendies.
« Le changement climatique augmente considérablement l’inflammabilité du combustible disponible pour les incendies de forêt, ce qui signifie qu’une simple étincelle, quelle qu’en soit la source, peut rapidement se transformer en un véritable brasier », résume Yan Boulanger, chercheur au Service canadien des forêts et qui a participé à ces travaux de recherche.
Les communautés autochtones en première ligne
Les scientifiques soulignent aussi dans leur publication que si la planète continue à se réchauffer, le risque de feux de forêt augmentera de façon encore plus importante. Dans son dernier rapport d’évaluation sur le climat, le Giec, qui a inclus des recherches précédentes du World Weather Attribution, avait rappelé qu’au fur et à mesure que nos émissions de gaz à effet de serre augmentent, les mégafeux deviendront « plus fréquents » et « plus intenses ».
« L’augmentation des températures crée des conditions semblables à celles d’une poudrière dans les forêts du Canada et du monde entier. Tant que nous ne cesserons pas de brûler des énergies fossiles, le nombre d’incendies de forêt continuera d’augmenter, brûlant des zones plus vastes pendant des périodes plus longues », avertit Friederike Otto, professeure à l’Imperial College de Londres, qui a contribué à l’analyse.
Les chercheurs et chercheuses insistent enfin sur le fait que ces mégafeux ont eu des « répercussions disproportionnées » sur les communautés autochtones et nomades, « particulièrement vulnérables en raison du manque de services » au sein de leur lieu de vie. Mais aussi que les incendies de forêt ont créé une importante pollution atmosphérique « menaçant la santé, la mobilité et les activités économiques de la population dans toute l’Amérique du Nord ».
Les fumées libérées par ces feux depuis le début d’année sont telles que les autorités canadiennes ont estimé qu’elles ont recraché dans l’atmosphère environ un milliard de tonnes de CO2. Soit l’équivalent des émissions annuelles du Japon, le cinquième pays plus gros pollueur au monde.
Au 21 août, 1 037 incendies étaient encore en cours au Canada, dont 653 jugés « hors de contrôle ».
Une version de 90 mn est en préparation actuellement sans que son délai de parution ne soit fixé car elle nécessite davantage de moyens.
Si cela vous est possible, je voudrais que vous puissiez relayer notre besoin d'archives, photos ou films, pour mener à bien la réalisation de la version longue, beaucoup plus complète, mais nécessitant l'ajout d'images d'archive.
D'autre part, comme je vous l'avais indiqué, je serais heureux de pouvoir fournir à ceux qui le souhaiteraient des copies du film afin de le projeter où ils le voudront et de l'utiliser comme il leur plaira.
(Ecrit Par Denis DOMMEL et Maud CHAZEAU *** Musique Pauline CHAZEAU *** Montage Didier OUANNOUGHI).
Rencontrés en 2018 et 2019, ces hommes racontent leurs expériences comme ils n'en avaient souvent jamais parlé avant. Tous différents, leurs histoires portent un éclairage particulier sur une importante période de notre histoire récente aux multiples conséquences.
Avec Rémy Serres appelé en 1957, Xavier Jaquey appelé en 1957, Christian Travers appelé en 1960, Albert Meriau appelé en 1960, Roger Treilhou appelé en 1960, Bernard Dutoit appelé en 1959, Michel Delsaux appelé en 1960, Roger Winterhalter appelé en 1960, Georges Garie appelé en 1956, Stanislas Hutin appelé en 1958, Jean-Jacques Gastebois appelé en 1958.
Algérie
1954-1962
Agés d’à peine 20 ans ces hommes ont été au centre d’événements capitaux de notre Histoire.
Et pourtant, pendant 40 ans ils se sont tus.
Personne, pas même leurs proches, n’a entendu parler de ce qu’ils avaient vécu.
Jusqu’à la 4 ACG (Anciens Appelés d’Algérie et leurs Amis Contre la Guerre).
ENFIN…
Issus d’histoires et de géographies différentes ils possèdent pourtant beaucoup en commun.
Maintenant, ils racontent cette histoire collective et intime.
Maintenant, ils se racontent.
AVANT QU’IL NE SOIT TROP TARD
Car maintenant ce sont des octogénaires…
Par micheldandelot1 dans Accueil le 23 Août 2023 à 09:35
Première fille à aller à l’école dans sa famille en Algérie colonisée, première femme maghrébine à intégrer l’École normale supérieure puis l’Académie française, la romancière algérienne Assia Djebar (1936-2015) s’impose comme une figure majeure de la littérature française. Itinéraire en quatre volets d’une pionnière.
LeLe 3 mars 1999, Fatma Zohra Imalhayène soutient une thèse à l’université Paul-Valéry-Montpellier 3. Son titre est le suivant : Le roman maghrébin francophone entre les langues, entre les cultures : quarante ans d’un parcours : Assia Djebar 1957-1997.
L’intitulé n’a rien d’étonnant, ni même le thème. À cette époque, Assia Djebar est une autrice installée et une (la ?) figure majeure de la littérature contemporaine algérienne.
Le destin de l’écrivaine s’entrelace avec celui du pays. De la colonisation à la guerre d’indépendance, en passant par les années noires du terrorisme des années 1990, Assia Djebar a tout vécu, tout subi, tout raconté, tout sublimé et transcendé.
L’autrice a produit une œuvre foisonnante, complexe, avec plusieurs facettes à décomposer roman après roman. Quant à Fatma Zohra Imalhayène, elle est la personne la mieux placée pour réaliser cette exégèse puisqu’elle et Assia Djebar forment une seule et même personne.
Le dernier est le nom de plume de la première, emprunté pour ne pas embarrasser sa famille lorsque est paru, en 1957 aux éditions Julliard, son premier roman, La Soif. Mais nous y reviendrons. Assia signifie « consolation » et djebar, « intransigeance ».
En 1980, Assia Djebar a refusé d’assister à la soutenance de la thèse d’une étudiante consacrée à son œuvre pour ne pas assister, « vivante », à sa « propre autopsie ». Elle a préféré tenir le scalpel et explorer elle-même son chemin littéraire. Dans le compte-rendu de sa thèse, il est souligné que ce travail, « en sa démarche, n’obéit ni à une structure ni à un discours canoniques ».
Plus loin, il est présenté « comme visant à éclairer pas à pas l’aventure de l’écriture djébarienne à la lumière des expériences et des conflits idéologiques ou existentiels que la femme, la citoyenne, l’écrivaine a eu à résoudre au cours des quarante années de son parcours ».
Cette entreprise universitaire n’est pas mue par un ego hypertrophié de l’autrice. Loin de là. Tout part d’une nécessité administrative. Pour enseigner aux États-Unis, il était préférable pour Assia Djebar de posséder un doctorat. L’autrice saisit cette occasion pour raconter comment une petite fille, née indigène, selon la terminologie de l’époque en Algérie colonisée, a embrassé l’écriture et pourquoi.
Même si cette question confine parfois à l’interrogatoire de justice, regrette-t-elle dans Ces voix qui m’assiègent (Albin Michel, 1999), ouvrage réflexif nourri par ce travail universitaire introspectif.
« Le petit miracle »
Fatma Zohra Imalhayène, d’ascendance berbère, comme la sonorité de son nom le laisse deviner, est née à Mihoub, dans la wilaya de Médéa, le 30 juin 1936, selon l’année communément évoquée – à moins que ce ne soit un an plus tôt, comme l’indique son acte de naissance. Les ancêtres maternels, les Berkani, se sont rebellés contre l’armée française lors de la conquête de l’Algérie dans les années 1830.
En 1871, la résistance s’organise contre l’armée française coloniale sous la férule du caïd des Beni Menacer, qui meurt au combat. Assia Djebar rendra hommage à cette frange révoltée de sa famille dans un documentaire-fiction, La Nouba des femmes du mont Chenoua.
Son père, Tahar, instituteur à Mouzaïa, une petite ville de la Mitidja, jouera un rôle important dans la vie de sa fille. À tel point que la figure paternelle traversera l’œuvre djébarienne. En 1939, Assia intègre l’école élémentaire, où son père « audacieux » enseigne, noyée par la majorité de garçons arabes de la classe. L’incipit de son chef-d’œuvre, L’Amour, la fantasia, paru en 1985, démarre sur cet événement fondateur, acte transgressif dans l’Algérie coloniale, à la politique de scolarisation erratique. Le roman commence par une image. « Fillette arabe allant pour la première fois à l’école, un matin d'automne, main dans la main du père. Celui-ci, un fez sur la tête, la silhouette haute et droite dans son costume européen, porte un cartable, il est instituteur à l'école française. »
Dans un discours prononcé à Francfort en 2000, Assia Djebar évoque, reconnaissante, l’attachement de son père à ce qu’elle poursuive des études. « Il est clair, en effet, que je n’aurais jamais été écrivain si, à 10 ou 11 ans, je n’avais pu continuer mes études secondaires ; or ce petit miracle fut rendu possible grâce à mon père, instituteur, homme de rupture et de modernité face au conformisme musulman qui, presque immanquablement, allait me destiner à l’enfermement des fillettes nubiles. »
Tahar Imalhayène, né en 1911, est « un enfant de montagnard » scolarisé sur le tard, retrace Sakina Imalhayène, la sœur d’Assia Djebar. Il a 9 ans lorsque l’instituteur de sa ville de Cherchell – jadis Césarée – convainc son père analphabète et pauvre de le laisser fréquenter l’école, quitte à l’aider à rattraper son retard. Ce qu’il fera si bien que Tahar intégrera l’école normale de la Bouzaréah, pépinière des instituteurs « indigènes », selon la terminologie en vigueur à l’époque.
Ces « hommes-frontières », comme le racontait l’anthropologue Fanny Colonna, seront condamnés leur vie durant à un entre-deux inconfortable, instruments d’une stratégie de scolarisation aux objectifs ambigus. Émanciper mais pas trop, pour éviter que les indigènes ne se retournent contre la mécanique coloniale discriminatoire.
Convaincu de l’apport de l’école, Tahar Imalahyène apprendra aussi à lire et à écrire le français, la langue parlée par la famille, à son épouse analphabète, « niveau certificat d’études ».« On a eu un père exceptionnel toutes les deux »,juge encore Sakina Imalhayène. Une autre décision capitale prise par l’homme va infléchir la vie d’Assia Djebar, toujours Fatma Zohra Imalhayène.
Je savais que mon succès était important, très important. Parce que je suis la première Arabe à entrer à l’ENS et que je représente, que je dois représenter notre peuple.
Assia Djebar en 1955
La sœur cadette de l’autrice raconte à Mediapart la trajectoire de celle qu’elle appelle toujours Assia. Elle se souvient d’une lycéenne déjà studieuse, interne la semaine à Blida. « Le week-end, elle s’enfermait dans une chambre et elle ne faisait que lire et écouter de la musique. » Assia Djebar nourrissait alors une passion pour les auteurs russes. « Je ne sais pas pourquoi, peut-être que cette société pouvait rappeler la nôtre, tiraillée entre le traditionnel et la modernité. Ou alors c’est son côté un peu dramatique qui lui plaisait. » Elle nourrit aussi une grande admiration pour Colette.
Ses études au lycée se déroulent à merveille. « Elle était brillante, et quand elle a passé son bac, les enseignants ont dit qu’elle avait toutes les chances de réussir l’École normale supérieure. Nous sommes allés à Alger, j’étais en CM2, pour qu’elle intègre la prépa littéraire du lycée Bugeaud. En première année, le directeur convoque mon père pour lui dire qu’il n’a jamais eu de réussite à Normale sup à partir de la prépa d’Alger. Il a ajouté : “Si vous avez le courage de l’envoyer à Paris, au lycée Fénelon, son dossier sera accepté.” »
Tahar Imalhayène, « contre l’avis de la famille », envoie sa fille, seule, à Paris. Assia Djebar est admise du premier coup à l’École normale supérieure (ENS) de Sèvres, première femme maghrébine à intégrer le prestigieux établissement. Déjà pionnière. Plusieurs décennies plus tard, en 2005, elle ouvrira encore une voie en faisant son entrée à l’Académie française.
Dans une lettre datée de juin 1955, publiée par la spécialiste et amie de l’autrice Mireille Calle-Gruber dans Le Manuscrit inachevé (Presses Sorbonne Nouvelle, 2021), Assia Djebar s’ouvre à ses parents juste après ce succès scolaire.
Elle formule dans ce courrier une sorte de « serment de fidélité » aux siens, qu’elle remercie de l’avoir portée là. Être reçue à l’École normale supérieure à Paris l’a rendue « heureuse ». Mais elle ajoute : « Dans ma joie il n’y avait aucune satisfaction d’amour-propre ni d’orgueil. Non, je sentais que mon succès vous causerait de la joie ; je savais que mon succès était important, très important. Parce que je suis la première Arabe à entrer à l’ENS et que je représente, que je dois représenter notre peuple. »
Elle promet ensuite de se « perfectionner » et de se « surpasser », pour que les siens soient « fiers » d’elle, « et aussi parce que ce sera [s]a façon à [elle] de mieux être arabe, profondément arabe ».
La jeune étudiante est consciente, un an après le début de la guerre d’Algérie, qu’elle appartient à un « peuple qui souffre, qui crève de misère », et promet de servir son pays.
La lettre, d’une remarquable maturité, laisse entrevoir ce qui guidera Assia Djebar toute sa vie. Elle perçoit très vite les implications de cet événement personnel, la réussite à un concours sélectif, à une échelle plus large, qui la dépasse presque. Elle lie enfin sa vie, sa carrière à l’Algérie et à son histoire, imbriquées comme elles le seront toujours.
Les soubresauts de la guerre d’Algérie (1954-1962) percutent la vie de Fatma Zohra Imalhayène. L’Union générale des étudiants musulmans algériens (Ugema), liée au Front de libération nationale (FLN), appelle le 19 mai 1956 à la grève illimitée des cours et des examens en France. Elle invite les jeunes à rejoindre « le combat libérateur ».
Assia Djebar décide de répondre à l’appel, ne passe pas ses examens de licence. Elle est exclue de l’ENS. Avec son fiancé de l’époque, Ahmed Ould-Rouis, dit « Walid Garne »,qu’elle épousera en 1958, « il y a une espèce de jeu », raconte Assia Djebar dans un entretien en 2008 à la BPI : on peut écrire un roman en un mois, « un roman superficiel ».
Ce qu’elle fait. Le roman s’appelle La Soif. Il raconte l’histoire de Nadia, une jeune étudiante de vingt ans, issue de la bourgeoisie algérienne, qui s’ennuie beaucoup un été. Elle a rompu ses fiançailles deux mois plus tôt, à la surprise générale. Un jeune homme, Hassein, est amoureux d’elle mais elle ne sait que faire de ses avances, les repousser ou non.
Françoise Sagan de l’Algérie musulmane
Au même moment, elle retrouve une amie du lycée, Jedla, perdue de vue et qui la fascine. Celle-ci est mariée avec Ali, un journaliste prometteur voulant fonder un journal bilingue à Alger. Déterminée à sortir de sa torpeur, Nadia entreprend de séduire Ali, avec le soutien inespéré de Jedla.
Le roman continue de mettre en scène les péripéties de ce carré amoureux. L’autrice manifeste une volonté patente de tisser une intrigue fine, et dénonce l’inanité de la bourgeoisie sclérosée contre laquelle l’héroïne s’élève. La Soif reste assez classique, comme l’est une œuvre de jeunesse écrite en quelques semaines. Sa forme et son style, malgré quelques indices, ne rendent pas justice au talent qu’Assia Djebar déploiera un peu plus tard.
En 1957, le fiancé d’Assia Djebar soumet le manuscrit aux éditions Julliard, qui acceptent de le publier. Les mêmes qui publient Françoise Sagan, à laquelle Assia Djebar sera forcément comparée, qualifiée par les chroniqueurs littéraires de l’époque de « Françoise Sagan de l’Algérie musulmane ».
Une note précisant le caractère fictif de l’œuvre est ajoutée dans le roman : « Dans une atmosphère à la fois tendre et pure, où la franchise n’est que le revers de la tendresse, ce roman n’a rien d’autobiographique, bien que l’auteur appartienne au monde qu’elle dépeint. »
Cette publication, presque inopinée, met mal à l’aise Assia Djebar, qui confiera avoir eu des difficultés à en faire la promotion. Et ce même si elle écrit depuis toute petite. Une inquiétude la tiraille : la réaction de sa famille face à ce roman d’amour. « Sur le chemin pour aller signer mon contrat, je me disais surtout : pourvu que mon père ne sache pas que c’est moi. »
Sakina Imalhayène raconte le regard paternel qui finalement découvre l’œuvre de sa fille. « Elle pensait qu’il serait choqué qu’elle écrive un roman d’amour. Qu’elle écrive, ça lui paraissait normal. Mais il s’imaginait qu’elle publierait des livres d’histoire. Il était très sensible à la forme, même si elle avait déjà une très belle écriture et qu’on voyait la graine d’écrivain en elle, mais à ses yeux, c’étaient presque des romans de gare. »
Les femmes de la famille soutiennent davantage l’incursion littéraire d’Assia Djebar. « Moi, j’étais en sixième ou cinquième à sa parution et je l’ai lu, ça m’avait plu,se remémore encore Sakina Imalhayène. Ma mère était, elle, plus partagée. Elle vient d’un milieu plus austère. Mais elle était quand même fière qu’on mette sa fille sur le même plan que Françoise Sagan. Pour sa vanité personnelle, c’était quelque chose. »
Rétrospectivement, Assia Djebar, qui dit avoir une « haute idée de la littérature », aurait préféré « sortir quelque chose qui [lui] aurait demandé trois ou quatre ans d’efforts. […] [S]on entrée en littérature s’est faite par la petite porte ».
Sitôt paru, alors que la guerre d’indépendance entre dans sa quatrième année, deux auteurs et intellectuels de renom, Malek Haddad et Mostefa Lacheraf, jugent ce roman décalé, eu égard aux préoccupations d’alors des Algérien·nes. Il parle d’amour alors que le sang coule pour leur liberté. Assia Djebar, dans Ces voix qui m’assiègent, sait qu’on attend d’elle qu’elle écrive « des essais nationalistes », pas des romans « qui semblaient gratuits ».
Or ces parenthèses littéraires lui offrent « un espace de légèreté imaginative » et la changent « de [s]a gravité alors d’étudiante algérienne puis de [s]es silences de femme exilée ». Les critiques la poursuivront longtemps. Dans le même ouvrage, Assia Djebar raconte : « Autre souvenir : en 1976, un poète à la radio algérienne attaquait encore avec hargne le non-engagement politique (et le succès éditorial) de mon premier roman publié... en 1957 ! »
Avec le recul, elle analyse ce « dénigrement hâtif » comme la manifestation d’un sexisme frappant toute « expression féminine novice au Maghreb ».
La chercheuse en littérature Beïda Chikhi raconte, dans son ouvrage Assia Djebar, histoires et fantaisies (Pups), que ces critiques ont blessé l’autrice, la forçant à désavouer quelque peu ce premier roman, le ravalant à un simple « exercice de style ». Elle développe : « Sensible au tribunal de l’opinion, Assia Djebar a dû, pendant de longues années, dissimuler sa grande tendresse pour son premier roman, attendant de nouvelles générations de lecteurs capables de comprendre que “pour le personnage de La Soif, la découverte du corps est aussi une révolution importante”. »
Longtemps introuvable, ce roman a été republié en 2017 par les éditions Barzakh, en Algérie seulement, et suivi d’une postface de Beïda Chikhi retraçant les péripéties du texte.
Sofiane Hadjadj, cofondateur de la maison d’édition algérienne, juge cette polémique injuste et déplacée. « À ce moment-là, que peut faire un écrivain, comment peut-il apporter sa contribution à la guerre sachant que ce qu’il produit va être jugé avec des critères et avec une approche biaisés et faussés d’emblée ? Surtout qu’Assia Djebar s’est engagée pour la cause, elle sort de Normale, ce que tous ne font pas. Elle a 20 ans, elle écrit ce livre qui en apparence semble détaché, presque cool, mais il ne l’est pas ! »
Il confie beaucoup aimer ce texte, plus subtil et subversif qu’il n’y paraît. Parler d’amour ouvertement dans les années 1950 ne va pas de soi. D’où la volonté de rendre de nouveau accessible ce classique, notamment aux jeunes générations. « Il raconte les rapports de classe et met en scène la transgression des interdits. C’est pour moi un texte fondateur. »
L’année suivante, en 1958, Djebar publie Les Impatients, republié également par Barzakh en 2022. Là encore, elle met en scène une étudiante révoltée contre l’ordre établi, en proie à des émois amoureux puissants.
Après son mariage – son père, qui désapprouve le choix de l’époux, n’assiste pas aux noces à Paris –, Assia Djebar s’exile à Tunis. Elle y travaille comme journaliste avec le psychiatre et essayiste Frantz Fanon pour le journal El Moudjahid. Fanon l’encourage à continuer à écrire malgré tout.
Dans les camps de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, à la frontière algéro-tunisienne, elle enquête auprès des paysans algériens réfugiés après le bombardement de Sakiet Sidi Youssef par l’armée française en février 1958. Après un détour par le Maroc, où elle enseigne l’histoire et la littérature, Assia Djebar retrouve sa terre natale le 1er juillet 1962. Elle y réalise des reportages sur les premiers jours de l’indépendance pour L’Express de Françoise Giroud.
La même année, elle publie Les Enfants du Nouveau Monde.Cette fois-ci, le roman raconte des épisodes de la guerre d’Algérie à Blida, à travers le regard des femmes. Assia Djebar a été inspirée par les récits de sa belle-mère, venue lui rendre visite à Rabat. Elle publie cinq ans plus tard Les Alouettes naïves, un roman d’amour en pleine guerre d’indépendance, qui clôt ce premier cycle de quatre romans.
Puis Assia Djebar disparaît et s’ensuivent treize années de silence littéraire, brisées par la parution en 1980 de Femmes d’Alger dans leur appartement, que l’autrice considère être comme sa véritable entrée en littérature. Par la grande porte.
Le parquet de Constantine a requis mardi 22 août trois ans de prison ferme à l'encontre du chercheur algéro-canadien Raouf Farrah et du journaliste algérien Mustapha Bendjama, incarcérés depuis plus de six mois en Algérie, a annoncé le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).
Raouf Farrah, 36 ans, et Mustapha Bendjama, 32 ans, sont poursuivis pour «publication d'informations et de documents dont le contenu est classé partiellement ou intégralement secret, sur un réseau électronique ou d'autres moyens technologiques de médias», selon le CNLD.
«Atteinte à l’ordre public»
Raouf Farrah fait également l'objet de poursuites pour «réception de fonds d'institutions étrangères ou intérieures dans l'intention de commettre des actes qui pourraient porter atteinte à l'ordre public», a indiqué son avocat Kouceila Zerguine sur son compte Facebook. Son père, Sebti Farrah, âgé de 67 ans, libéré après 61 jours de prison pour raisons de santé, est lui aussi poursuivi pour ce même chef d'accusation, selon Me Zerguine.
Raouf Farrah, chercheur-analyste de l'organisation Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI-TOC), avait été arrêté le 14 février chez ses parents à Annaba. GI-TOC a mis sur son site sa photo et un décompte des jours et heures depuis qu'il est emprisonné. L'organisation mène également une campagne internationale pour la libération du chercheur, marié à une Canadienne et père d'une petite fille de quatre ans.
Mustapha Bendjama est rédacteur en chef du journal privé Le Provincial, basé à Annaba. Il est poursuivi dans plusieurs affaires depuis sa participation au mouvement de protestation prodémocratie du Hirak en 2019, dont il était l'un des acteurs phares à Annaba. Le journaliste a été arrêté le 8 février dans son journal et accusé d'avoir aidé la militante politique franco-algérienne Amira Bouraoui à quitter l'Algérie via la Tunisie deux jours plus tôt, alors qu'elle était interdite de sortie du territoire.
L'affaire Bouraoui, qualifiée d'«exfiltration illégale» par le gouvernement algérien, a provoqué une nouvelle brouille diplomatique avec la France, qui s'est résolue récemment. Le procès contre Mustapha Bendjama et d'autres personnes accusées d'avoir aidé la militante se tiendra séparément à une date encore non fixée.
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