travers "Papicha", la réalisatrice Mounia Meddour défend le combat féministe d’une génération : celle des femmes algériennes des années 90, soumises à l’oppression de plusieurs groupes islamistes pendant les années de guerre civile. Un manifeste féministe et engagé, à découvrir ce jeudi 31 août sur La Trois.
Nous sommes à Alger, dans les années 90. À cette époque, l’Algérie est la proie d’une violente guerre civile qui fera plusieurs dizaines de milliers de victimes. Pour les habitantes du pays, c’est donc une décennie noire qui s’esquisse, à mesure que les groupes islamistes gagnent du terrain. Privées de bon nombre de leurs libertés, celles-ci devront dorénavant lutter pour s’habiller comme elles l’entendent.
Parmi elles, Nedjma, une étudiante en licence de français passionnée par le stylisme, dont la coquetterie lui vaut quelquefois de se faire appeler "papicha". "Un mot qu’on utilisait beaucoup dans les années 90, qui voulait dire jeune et jolie fille, émancipée, coquette…",explique à ce propos la réalisatrice Mounia Medour lors d’une entrevue accordée aux Grenades.
Refusant de porter le hijab, la jeune femme décide d’organiser un défilé de mode clandestin au sein de sa résidence universitaire pour se révolter contre les extrémistes islamistes…
Une intrigue inspirée du vécu de la réalisatrice
Comme Nedjma, Mounia Meddour a elle aussi été étudiante dans l’Algérie des années 90. Elle a étudié pendant un an à la faculté de journalisme d’Alger, avant de partir s’installer en France avec sa famille. À travers ce film, c’est donc un pan de sa propre histoire qu’elle raconte, même si une part importante du scénario relève de la fiction. Ainsi, elle confie à AlloCiné que la passion dévorante de son personnage pour la mode a avant tout "une dimension symbolique". "Ce que les islamistes voulaient, à cette époque-là, c’était cacher le corps des femmes", rapporte-t-elle d'ailleurs, avant de poursuivre :
Pour moi, la mode, qui dévoile et embellit les corps, constitue une résistance aux foulards noirs.
Un succès sur les tapis rouges, et une sortie contestée en Algérie
Dès sa sortie en 2019, "Papicha" connaît un succès retentissant non seulement auprès du public, puisqu’il comptabilise pas moins de 250.000 entrées au box-office, mais également auprès de la critique, qui l’encense de toutes parts.
Présenté au Festival de Cannes dans la catégorie "Un Certain Regard", il est par la suite couronné de nombreux prix, avec notamment le César du meilleur film et le César du meilleur espoir féminin, remis à son actrice principale Lyna Khoudri.
Je crois aux nostalgies génétiques qui font que les oiseaux migrent que la mer des sargasses reste un mystère que Jérusalem est la mémoire d'un peuple et que certaines haines perdurent plus fortes que les vérités. Je crois que la mémoire des peuples est pervertie par les tabous, les superstitions et les religions.
Qui ne m'accepte pas, reste mon frère, il ne peut être fautif des détournements de conscience pratiqués par ses maîtres, par l'école des rumeurs, des peurs et des frustrations millénaires. Qui parle de "la joue tendue" n'a rien compris s'il ne se reconnaît pas en l'autre. Qui parle d'amour mais prêche ou vit de vengeance et de haine n'a pas de miroir.
Si en ces temps je reste le maître de mes espoirs, j'ai peur des cons et de leur haine, j'ai peur de ceux qui rient de la misère, de ceux qui disent que riches et pauvres sont dans la nature des choses, que contre mauvaise fortune il n'y a rien à faire.
Dans cette marche où s'écrit le destin je n'ai pas peur du printemps en hiver, je n'ai pas peur des échelles, des hiboux, j'aime les chouettes et les chats noirs.
Je crois à la génétique de l'inné et à la conscience du bien et du mal. Je crois que toutes les croix, toutes les marseillaises tous les nationalismes, toutes les exclusions, sont fils et filles de l'ignominie et de la négation de l'autre, j'attends le jour où s'enseignera le respect et l'acceptation des différences.
Je crois à l'espoir, aux lendemains, aux vérités non édulcorées, j'affirme que les demi-vérités sont des mensonges entiers.
Je crois l'amour plus fort que les frontières, je crois à une mémoire du Tout et au droit de l'infime, je crois que l'insecte, le bonobo, le dauphin, l'homme d'hier et celui de demain sont mes frères, je les crois enfants du contenant, de la fraction et de l'immense, simples notes dans l'infinie symphonie.
Je n'ai pas peur de vieillir, j'ai peur d'oublier d'aimer
Le 24 mars 2022, quatre membres d’une famille française sont morts après avoir sauté de leur appartement de Montreux, sur les bords du lac Léman. Un « suicide collectif », a conclu la police suisse. Dans un livre-enquête qui paraît aux Editions du sous-sol vendredi 1er septembre, la journaliste au « Monde » explore les origines de ce drame familial.
La sœur jumelle [Narjisse Feraoun-Gama, 40 ans, chirurgienne-ophtalmologue].
Puis la mère [Nasrine Feraoun-David, chirurgienne-dentiste].
Puis la petite fille de 8 ans.
Puis le fils adolescent.
Et enfin le père [Eric David, 40 ans, ingénieur du corps des Mines].
Le jour venait de se lever sur le Léman quand les cinq membres de la famille David-Feraoun ont sauté dans le vide, les uns après les autres [seul l’adolescent a survécu]. Il était environ 6 h 45 du matin. Ce fut comme une pluie de corps depuis le septième étage de l’immeuble. Cinq longues minutes, avec parfois soixante secondes entre chaque saut. A cette heure matinale, Montreux paresse et personne n’a rien vu. Les seuls témoins, un passant retraité, une voisine psychothérapeute, n’ont fait qu’entendre le son des corps sur le bitume de la rue Igor-Stravinsky. C’est là que donnent les balcons en forme de trapèzes incurvés du 35, avenue du Casino, comme des vagues déferlant sur sept étages, afin que chacun puisse profiter de la vue sur le lac s’étalant à cent mètres.
Un détail les a frappés. Les procès-verbaux des rares témoins auditifs sont formels, et le procureur, pourtant peu bavard, a tenu à souligner cette information « saisissante » : les chutes n’ont été accompagnées d’aucun cri. Les corps ont plongé sans une plainte, sans un appel au secours. Rien d’autre que le bruit de cinq corps tombés, vingt-cinq mètres plus bas, sur l’artère en pente douce plantée de huit palmiers. Sans que personne ne voie rien. Une caméra veillait, cependant. « Aujourd’hui, tout commence par des caméras de surveillance, me glisse plus tard Jean-Christophe Sauterel, le porte-parole de la police cantonale vaudoise. De nos jours, toutes les enquêtes démarrent par là. »
(…)
Une seule a enregistré la scène : celle du casino, installée par le Groupe Barrière pour guetter toute tentative d’intrusion, quelqu’un qui voudrait filer avec le jackpot. Posée près du dais de l’entrée, elle scrute jour après jour les deux rangées de palmiers de la rue Stravinsky – à gauche l’Adam’s Café, « best pub in Town », plus haut le coiffeur, à droite la pharmacie et l’horloger qui fait l’angle – une institution, la bijouterie où acheter ses montres Patek. La caméra de surveillance a un regard fixe : elle ne lève jamais les yeux au ciel. « On voit les corps tomber, mais on ne voit pas le balcon ni le point de départ, me précise le commissaire. Nous ne savons rien du saut, mais tout des chutes. » La caméra a permis de conclure, vu le laps de temps écoulé entre chaque plongeon, que le saut n’était pas groupé. Y a-t-il eu des ordres et des consignes donnés par l’un des adultes ? Impossible de savoir. Peut-être des mots murmurés, des regards et alors un autre silence dans le silence, un mystère plus épais encore ? (…) Cinq jours après le drame, la police cantonale vaudoise pouvait indiquer que « la piste du suicide collectif était privilégiée » – terme retenu un an plus tard, lors de la préclôture du dossier, en mars 2023. (…)« Aucun signe avant-coureur d’un tel passage à l’acte » n’avait été décelé, assurent alors les enquêteurs, qui ajoutent en guise d’explication : « Depuis le début de la pandémie, la famille était très intéressée par les thèses complotistes et survivalistes. »
Cette photographie prise le 27 mars 2022 montre l’immeuble d’où les cinq membres de la famille David-Feraoun ont sauté, le 24 mars 2022, à Montreux, en Suisse romande. FABRICE COFFRINI / AFP
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(…)
« J’admire ma sœur », confie la dentiste Nasrine David à l’un de ses patients croisés devant le Monoprix de la place centrale de Vernon [où sa famille s’était installée en 2008], tandis que Narjisse fait quelques courses. « Nous sommes fusionnelles. » Autant la nouvelle praticienne de l’Eure tient le reste de sa famille à distance, autant le lien quotidien avec sa jumelle s’est renforcé. Il n’y a de place pour personne d’autre dans sa vie, hormis son fils et son mari Eric, qui semble si épris.
(…)
[Fin 2012] les David ont quitté Vernon sans crier gare, du jour au lendemain, comme si le Conseil national de l’ordre [des chirurgiens-dentistes] allait les jeter en prison. Comme si des hordes de patients pouvaient encercler leur maison, comme si des créanciers s’apprêtaient à leur réclamer de rembourser leurs emprunts sur-le-champ, comme si un danger les menaçait, derrière les collines de Vernonnet. « Ils n’ont pas même pris un camion de déménagement, tout s’est fait en voiture », dit la voisine de la rue Paul-Doumer. Leur maison est mise en vente 300 000 euros, quasiment son prix d’achat.
Le charmant cabinet médical est aussi proposé aux agences immobilières de Vernon. Un ostéopathe parisien soucieux de se mettre au vert se montre vivement intéressé. Il doit patienter un moment : Eric et Nasrine David guettent en effet le feu vert de leurs créanciers, car, comme pour l’autre maison, ils sont liés à leurs emprunts. Trois ans après leur départ précipité, le bien est finalement négocié à trois quarts de son prix initial dans une étude notariale versaillaise où le chef de famille se rend seul, muni de la procuration de sa femme.
« Tout était resté en l’état dans le cabinet, me raconte l’ostéopathe de Vernon en sirotant un whisky glaçons dans l’ancienne salle d’attente devenue un coquet salon. Un départ à la cloche de bois, comme si on leur avait dit : “Vous avez trois heures”. » La fuite de Vernon. A l’étage, des ballons et des jeux d’enfants. Au rez-de-chaussée, abandonnés, le fauteuil de dentiste, « le matériel médical, la poudre pour les pansements dentaires », détaille depuis son canapé moelleux le « repreneur » de Vernon. « Elle avait même laissé deux cents mâchoires sur les étagères ! »
C’est sur cette évocation d’une forêt d’incisives et de molaires que je me décide à quitter la compagnie de mon hôte. Je ne veux pas rater le dernier train pour Paris-Saint-Lazare. J’avale le fond de mon verre et lève les yeux vers une lithographie d’un tableau de Monet – La Tamise à Charing-Cross. L’ostéopathe suit mon regard tout à coup fixé sur un drôle d’œilleton blanc dans un coin du plafond. Il devance ma question :
« Mme Feraoun a aussi laissé des caméras de surveillance. Du “Verisure”. Trois dedans, une dehors. »
(…)
[Le 15 mars 1962, six professeurs sont assassinés au centre social de Château-Royal, près d’Alger, par l’Organisation de l’armée secrète (OAS) en début de matinée. La victime la plus connue s’appelle Mouloud Feraoun, écrivain et futur grand-père des sœurs jumelles.]
J’ai pris rendez-vous dans un café avec Jean-Philippe Ould Aoudia. Ce médecin a passé trente ans à essayer de faire la lumière sur le massacre du 15 mars 1962 – la mort de son père, celle de [Mouloud] Feraoun, de quatre autres inspecteurs de l’éducation nationale –, et c’est honteuse que je dois avouer à ce monsieur de 82 ans venu me rejoindre à l’autre bout de Paris que je suis moins là pour lui parler de Château-Royal que du drame de Montreux. J’entends ma voix mal assurée se perdre dans des tas de circonvolutions. « Je vous explique ce qui m’amène, ce que je cherche exactement, les questions que je me pose, comment vous pourriez m’aider… » Jean-Philippe Ould Aoudia n’a pas la réputation d’un homme facile (…). Il a la critique rosse et aime la précision. Je me lance et décide d’aller au but. « Vous avez le droit de vous lever et de quitter la table si vous trouvez mes questions et mon intention indécentes. » Et j’évoque le « suicide collectif » du 24 mars 2022.
Un long silence s’installe à la table du bistrot. Je guette chaque tressaillement de son visage un brin sévère. Et puis, tout à coup, il lâche cette phrase, onze mots qui tissent un fil invisible entre lui, le valeureux fils de Salah, l’innocent fusillé, et elles, les deux jumelles du balcon de Montreux, les petites-filles de Mouloud Feraoun : « Le 15 mars 1962 a fait six victimes et vingt orphelins. »
(…)
« C’est une drôle d’entreprise dans laquelle vous vous lancez là, me dit Jean-Philippe Ould Aoudia en évoquant mon enquête sur Montreux. Je connais la solitude et les abîmes de la recherche. Moi-même je m’y suis frotté : le massacre de Château-Royal, j’étais seul face à une énigme. » Quelques investigations ont été lancées après le meurtre collectif du 15 mars 1962. Mais dans les archives déposées à Pierrefitte, l’enquête se limite à quelques dépositions, juste quelques pages volantes. Rien de plus. Personne n’a été inculpé pour avoir assassiné Marchand, Aoudia, Feraoun, Eymard, Basset et Hammoutène. Le chef du commando, Roger Degueldre, a été condamné à mort par la cour militaire de justice le 20 juin 1962 et exécuté au Fort d’Ivry, pour onze chefs d’accusation. Mais le crime de Château-Royal n’y figure pas, alors que la police connaissait son implication.
(…)
Dans ce récit, je bute sans cesse sur de petits cailloux blancs, des « coïncidences exagérées », pour reprendre le titre d’un roman. A moins d’être malhonnête, le journaliste ne peut pas en faire grand-chose : ces correspondances, ces dates, ces numéros de rue ne signifient rien. J’ignore si les petites-filles de Mouloud Feraoun savaient que leur trottoir avait été foulé par d’anciennes figures de la Résistance algérienne. Peut-être même auraient-elles détesté cet entrechoquement des mémoires, elles qui ne parlaient jamais, ou si rarement, du pays où étaient nés leurs parents.
(…)
J’ai lu quantité d’articles et de revues scientifiques sur ce trouble psychiatrique si particulier qu’est la paranoïa, faite de « méfiance excessive et irrationnelle envers les autres » et d’« idées délirantes de persécution ou de complot », entraînant un « comportement étrange ou inhabituel » et obligeant ceux qui en souffrent « à interpréter les actions ou les intentions des autres comme étant délibérément menaçantes ou malveillantes », provoquant parfois des colères, isolant un peu plus les malades du reste de la société. J’ai besoin de savoir comment cette maladie peut puiser loin, très loin, dans une généalogie.
« Vous avez entendu parler des TSPT, les troubles du stress post-traumatiques ? me répond le docteur Amine Benyamina [psychiatre à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif]. Par exemple, les gens qui ont vécu les attentats du Bataclan en 2015 sont sensibles à la moindre explosion, au moindre événement. Mouloud Feraoun a vécu la peur de manière réelle, objective. Mais cette angoisse a pu faire écho chez les générations suivantes. Il a pu creuser malgré lui le lit d’une décompensation pour une partie de sa descendance. » J’interromps son exposé. « Vous voulez dire que le danger au milieu duquel Mouloud Feraoun a vécu, ces menaces de sang et de mort dans lesquelles il évoluait, ont pu irriguer et créer, deux générations plus tard, un état traumatique ? »
(…)
Je suis assise face au commissaire Jean-Christophe Sauterel, à Lausanne, et j’ai l’impression étrange d’entendre l’exposé d’un biographe. « On ne sait pas tout. On ne saura pas tout. On ne pourra pas tout savoir. Il y a une partie de cette histoire et de cette journée pour laquelle on n’aura pas de réponse. Il faut juste admettre que dans ce genre de situations, il y a des secrets qu’on ne connaît jamais. L’être humain n’aime pas ne pas savoir, mais voilà. Il y a des choses qui appartiennent à cette famille. »
Quoi qu’elle en dise, la police vaudoise a été d’une discrétion étonnante dans cette affaire, cadenassant le dossier de toute part. (…) Le porte-parole de la police vaudoise ne veut pas plonger dans cette histoire franco-algérienne. Je le devine agacé quoiqu’il contrôle son humeur. « En Suisse, nous ne déroulons pas le pedigree des victimes et nous n’entrons pas dans la vie privée. Nous sommes là pour faire du pénal : nous devions la vérité sur la mort de ces quatre personnes à leur famille. Y a-t-il eu infraction ? Nous avons montré que personne n’avait pu entrer dans l’appartement et pousser ses occupants. Est-ce que l’histoire familiale de ces gens apporte des éléments objectifs à la recherche d’une responsabilité devant la loi ? Non. Le reste ne nous regarde plus. Nous ne sommes pas là pour faire de la psychologie ou de la sociologie. A chacun son métier. Pour nous, l’enquête s’arrête là. »
Une collègue des jumelles avait évoqué devant moi le goût de l’écriture de Nasrine Feraoun. J’ai voulu me promener dans ce monde méconnu de l’auto-édition. Je n’ai pas eu à naviguer très longtemps pour trouver la trace d’une dentiste française qui s’évadait dans les livres et publiait de longue date des romans de science-fiction à deux voix et à la première personne.
« Ne réveille pas les enfants », d’Ariane Chemin (Editions du sous-sol, 128 pages, 18,50 euros).
Les plaies des essais nucléaires menés par la France coloniale dans le Sahara algérien ne se referment pas, et ne se refermeront jamais si on continue encore à feindre l'ignorance du crime et de ses effets qui s'inscrivent dans la longue durée. Cacher les preuves en fermant les archives et ne pas reconnaître le crime ne sert à rien quand les séquelles se perpétuent dans le temps. Les essais nucléaires français au Sahara algérien resteront à jamais des crimes imprescriptibles engageant une «responsabilité juridique», a indiqué le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) à travers un communiqué, publié à l'occasion de la Journée internationale contre les essais nucléaires, coïncidant au 29 août.
Le CNDH soutient que «toutes les circonstances ayant entouré ces explosions nucléaires et l'ampleur des effets des radiations qui en ont résultés sur la population de la région ne font aucun doute sur le caractère intentionnel et prémédité de ce crime».
La France, qui a fermé les archives liées aux essais nucléaires dans le Sahara algérien après une brève ouverture à la fin des années 90, tente-t-elle de dissocier ce dossier des actions visant la réconciliation mémorielle ? Ce n'est pas innocent qu'on garde la chape de plomb sur ces événements dans des moments où on parle de réconciliation des mémoires et d'assouplissement de l'accès aux archives devant les chercheurs.
La France a décidé d'ouvrir les archives dans les «affaires relatives à des faits commis en relation avec la guerre d'Algérie entre le 1er novembre 1954 et le 31 décembre 1966», et les essais nucléaires dans le Sahara algérien ne font pas partie de ces faits. Un secret militaire qu'on ne veut pas livrer à l'opinion publique ? Toute la période coloniale, gérée par les militaires, en collaboration avec des civiles pour faire tourner la machine administrative, est empreinte de pleins de secrets militaires, qui n'ont pas résisté à l'éclatement de la vérité, à l'enseigne de la torture qu'on ne voulait pas reconnaître, mais on a fini par passer aux aveux.
Seuls ces essais nucléaires ne veulent pas livrer leur secret. Enfin, pas si secret que cela en a l'air, puisque des témoignages d'Algériens et de soldats français qui ont vécu cette époque, et qui en souffrent dans leur chair de nos jours, ont tout dit, tout ce qu'il y a lieu de savoir sur ces horreurs. Mais là où le bât blesse encore plus, c'est que la France persiste encore dans son crime en refusant de collaborer avec l'Algérie dans le cadre de la décontamination nécessaire des sites où ont eu lieu les essais nucléaires. Le minimum de son devoir. L'Algérie ne cherche pas «les indemnisations adéquates, mais seulement l'application des méthodes scientifiques pour trouver des solutions adaptées aux problèmes environnementaux qui exigent une décontamination totale», comme l'a relevé le communiqué du CNDH.
Il reste seulement à se demander s'il n'est pas plus entreprenant de se tourner vers d'autres parties pour effectuer cette décontamination. Et, tant qu'on y est, saisir les instances internationales pour la reconnaissance de ce crime contre l'Humanité. On ne doit plus rien attendre après soixante ans de silence.
Avec sa décision d’interdire l’abaya dans les établissements scolaires, le ministre de l’éducation nationale Gabriel Attal poursuit l’encadrement politique du religieux. Cette « nouvelle laïcité » promue par Emmanuel Macron entraine une stigmatisation toujours plus poussée des musulman·es et assigne le corps éducatif au rôle de police des intentions.
Saint-Denis de la Réunion, le 17 août 2023. Le ministre français de l’éducation et de la jeunesse Gabriel Attal assiste à la rentrée des classes au collège Bourbon
Richard Bouhet/AF
Comment expliquer la récurrence des polémiques autour des « signes religieux » dans les écoles publiques, alors que le principal problème de ces établissements est la pénurie sans précédent de professeurs et de personnel éducatif ? L’argument de la diversion échoue à rendre compte de l’ampleur de l’offensive réactionnaire. Celle-ci a érigé depuis trois décennies la défense d’une « laïcité assiégée » érigée en cause nationale, mobilisable à tout moment. Y compris en temps de crise ou d’agitation sociale. La catégorie des « atteintes à la laïcité » permet désormais de donner corps à une panique morale1, tout en appelant une réponse des pouvoirs publics pour endiguer un phénomène jugé inquiétant, au besoin par l’adoption de nouvelles mesures restrictives telles l’interdiction des abayas annoncée à la veille de la rentrée scolaire par le ministre de l’éducation nationale Gabriel Attal.
Pour démêler l’écheveau autour de la laïcité à l’école, devenue une laïcité essentiellement négative, il convient de distinguer deux aspects. Le premier a trait à la loi de 2004 elle-même, son texte et son esprit, au renversement de sens qu’elle opère et à ses conséquences pratiques depuis son entrée en vigueur il y a vingt ans. Le second renvoie à la question plus ancienne du sécularisme français et à l’encadrement politique du « religieux ».
L’INTERDICTION COMME PRINCIPE, L’AUTORISATION COMME EXCEPTION
Année du bicentenaire de la Révolution française, 1989 marque la première « affaire du foulard » à l’école. À Creil, en région parisienne, le principal du collège Gabriel-Havez exclut temporairement trois élèves (Fatima, Leïla et Samira) qui refusent d’enlever leur foulard en classe. Le tapage médiatique et politique autour de cette affaire conduit le ministre de l’éducation nationale de l’époque, Lionel Jospin, à saisir pour avis le Conseil d’État pour savoir si « le port de signes d’appartenance à une communauté religieuse est ou non compatible avec le principe de laïcité », et à quelles conditions ce port pourrait être admis.
Dans son avis du 27 novembre 1989, le Conseil d’État pose une autorisation de principe des signes religieux à l’école :
Le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il constitue l’exercice de la liberté d’expression et de manifestation de croyances religieuses.
La haute juridiction administrative entoure toutefois cette autorisation de principe de réserves. Le port de signes d’appartenance religieuse par les élèves ne doit pas constituer un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, et ne doit pas porter atteinte à la dignité ou à la liberté de l’élève ou d’autres membres de la communauté éducative, ni compromettre leur santé ou leur sécurité, ni perturber le déroulement des cours et le rôle éducatif des enseignants, ni enfin troubler le fonctionnement normal du service public.
Sur le fondement de cet avis, la jurisprudence administrative a donc autorisé le port de signes religieux sous les réserves émises par le Conseil d’État. La plupart des décisions étaient rendues en faveur des élèves (le plus souvent musulmanes) et venaient infirmer les exclusions prononcées contre elles. La loi du 15 mars 2004 va opérer un renversement complet de la logique à l’œuvre. L’interdiction devient de principe, tandis que l’autorisation demeure l’exception.
LE COUP DE FORCE DE LA LOI DE 2004
Le contexte politique du début de millénaire, marqué par les attentats du 11 septembre 2001 et une polarisation du débat public en France autour des thèmes de l’islam et de la laïcité, sur fond de discours sur le « choc des civilisations », a permis le coup de force opéré en 2004 par le législateur : assurer la neutralité du service public en matière religieuse en faisant peser l’obligation de neutralité non plus seulement sur les agents, mais sur ses usagers.
À la suite des travaux de la « Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité » installée par Jacques Chirac à l’été 2003, plus connue sous le nom de « Commission Stasi », la loi sur les signes religieux à l’école est adoptée le 15 mars 2004. Elle ajoute un article L. 141-5-1 du Code de l’éducation, qui interdit « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ».
Quelques semaines plus tard, la circulaire 2004-084 du 18 mai 2004, qui précise les modalités d’application de la loi, est venue étendre le champ de l’interdiction. Ce texte passé presque inaperçu à l’époque distingue en effet deux types de signes ou vêtements religieux. D’un côté, ceux « dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse comme le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive ». De l’autre, les tenues a priori anodines auxquelles l’élève attache un « caractère religieux », qui peuvent être assimilées à une tentative de contourner la loi. Si l’expression « signes religieux par destination » n’est pas employée dans la circulaire, on la retrouve toutefois dans des articles de doctrine2.
SONDER « L’INTENTION RELIGIEUSE »
En mettant en garde sur la possible apparition de « nouveaux signes », la circulaire Fillon, du nom du ministre de l’éducation nationale d’alors, va plus loin que l’interdiction posée par la loi. À côté de l’élément objectif (la manifestation ostensible d’une appartenance religieuse), elle ajoute un élément subjectif : le comportement ou les intentions de l’élève.
Placé au cœur du dispositif, cet élément intentionnel plonge les chefs d’établissement dans une casuistique délicate qui prend souvent la forme de mesures de profilage racial3. Certains conseillers principaux d’éducation (CPE) demandent par exemple aux surveillants d’établir des listes d’élèves qui portent le voile en dehors de l’école, pour pouvoir ensuite déterminer si leurs tenues portées dans l’établissement sont « religieuses ». En droite ligne de la circulaire, l’ancien ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, indiquait dans les colonnes d’un quotidien du soir la marche à suivre :
Est-ce que la jeune fille qui porte telle ou telle robe la met régulièrement ? Est-ce qu’elle refuse de changer de tenue, est-ce que cela s’accompagne d’autres signaux ? Voilà des éléments qui peuvent laisser à penser qu’il s’agit bien d’un signe religieux amenant à du prosélytisme4.
Il appartient alors aux directeurs et directrices d’établissement de qualifier une tenue de « religieuse » sur la base de ce qu’elles ou ils connaissent ou croient connaitre des religions en question, en particulier de l’islam. Le personnel éducatif doit se faire expert en religion, au nom même de la garantie de neutralité du service public de l’enseignement, pour déterminer si la tenue litigieuse est bien un signe de la religion de l’élève.
DES SIGNALEMENTS POUR « ATTEINTE À LA LAÏCITÉ »
Pour aider le personnel éducatif à déchiffrer l’intention « religieuse » des élèves, les autorités ont mis en place un certain nombre d’outils et de ressources pédagogiques, parmi lesquels un formulaire en ligne « atteinte à la laïcité », réservé à tous les personnels de l’éducation nationale. Ces derniers sont invités à l’utiliser s’ils « pressentent que le principe de laïcité est remis en cause ». Les signalements collectés sont ensuite classés par type d’atteinte et rendus publics, sur le modèle des « chiffres de la délinquance ».
En dépit de l’autorité dont on tente de la parer, la catégorie des « atteintes à la laïcité » n’a rien d’objectif. Fonctionnant sur une base déclarative, elle mesure les signalements effectués de manière unilatérale et non contradictoire par le personnel éducatif, en fonction de ses opinions sur les questions de laïcité et d’islam, qui concerne la quasi-totalité des signalements. Autrement dit, c’est un décompte des dénonciations, qui peut tout au plus servir de baromètre de l’opinion au sein du personnel éducatif.
Mais cette catégorie remplit d’autres objectifs. Elle donne corps aux paniques morales autour de la visibilité du fait musulman et appelle une réponse des autorités face à un phénomène que l’on peut désormais mesurer, dénoncer, et par suite, juguler. Un article de L’Opinion titrait en juin 2022 : « L’Éducation nationale confrontée à une "épidémie" de tenues islamiques ».« Quand il y a des épidémies, il faut qu’il y ait des symptômes, et on mesure », réagissait dans la foulée le président de la République, assurant qu’il comptait bien avec son ministre « regarder, mesurer et répondre avec la plus grande clarté à toutes les situations qui ne respectent pas les lois de la République ».
UNE VISION AUTORITAIRE DE LA LAÏCITÉ
La reconfiguration du paysage intellectuel autour de la promotion d’une « nouvelle laïcité »5, les politiques menées par les majorités successives et la « mise en ordre » médiatique du sens commun sur l’islam ont permis, nourri et intensifié cette extension du domaine de la neutralité religieuse. L’interdiction de toute expression religieuse ostensible en divers espaces conduit, non pas à un reflux du « religieux », mais à sa politisation permanente. « La République est testée », déclare ainsi Gabriel Attal le lundi 28 août 2023 à propos du port d’abayas à l’école. Il ne s’agit donc pas d’une entorse au principe de laïcité, mais de la promotion d’une vision autoritaire de celui-ci, qui veut que l’État encadre strictement les religions.
Nous avons tendance à oublier que la loi du 9 décembre 1905 sur la laïcité hérite de toute la tradition concordataire mise en place par Napoléon Bonaparte, notamment l’institution, le financement et le contrôle des cultes sous la forme d’instances verticales et représentatives. Si elle interdit formellement le financement des cultes, cette loi reprend néanmoins dans son titre V les dispositions sur la « police des cultes » (articles 25 à 36).
Entre le principe de séparation et de stricte neutralité de l’État, celui de liberté religieuse, ou enfin celui de surveillance et de contrôle des cultes par les pouvoirs publics, une bataille à la fois politique et intellectuelle a lieu sur la manière de comprendre et d’articuler ces visions concurrentes. L’œuvre pionnière de Talal Asad sur le sécularisme6, montre que la laïcité ne se définit pas seulement par le principe de séparation du politique et du religieux, mais comme un processus de redéfinition de ce qu’est censée être la religion.
Dans ce processus, le « laïque » est défini par opposition à son envers, le « religieux ». Cette production permanente de la séparation est au cœur du procès de sécularisation. D’autant que l’islam est considéré comme le lieu même de la confusion entre politique et religieux, ce qui explique par exemple que des tenues décrites comme islamiques soient assimilées à des actes de prosélytisme, comme l’a exprimé Pap Ndiaye.
SORTIR DU TROU NOIR
Invisible et extrêmement compact, le trou noir est un phénomène astrophysique atypique, dont le champ gravitationnel est si intense que rien ne peut en sortir. Pas même la lumière. C’est ce qui fit dire à Edgar Morin en 1989 au moment de la première « affaire du foulard », qu’on ne savait plus exactement ce que signifiait la laïcité, et qu’un « trou noir » s’était creusé sous ce terme7. Comment retrouver un sens de la notion qui puisse permettre de renouer avec ses objectifs initiaux de neutralité et de liberté de croyance ?
La première chose à faire est de sortir de l’impasse que constitue l’argument de la diversion. Dans son analyse de l’antisémitisme, Hannah Arendt avertit d’emblée son lectorat contre la tentation de faire de l’idéologie raciste nazie un simple « moyen de gagner les masses » ou un « artifice démagogique »8 Dans le sillage d’Arendt, nous devons, mutatis mutandis, comprendre que le racisme systémique ne s’est pas cristallisé de manière accidentelle sur les personnes musulmanes, et prendre au sérieux ce que les racistes eux-mêmes proclament. Sans cela, le risque est grand de laisser un boulevard à la réaction, qui ne se prive pas depuis des décennies de profiter des atermoiements des forces de gauche sur le sujet.
Il convient ensuite d’abandonner la polarisation du débat autour de la qualification de tenue « religieuse ». Le philosophe Jean-Fabien Spitz fait remarquer, dans la lignée des arguments développés en son temps par Aristide Briand, que « l’idée même d’un vêtement "religieux " est une absurdité. Dans une république laïque, aucun vêtement n’est musulman, ni juif, ni chrétien »9. La loi de 2004 prohibe « les signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ». C’est bien ce texte et son interprétation stricte par le Conseil d’État qui constitue le nœud du problème, en demandant au personnel éducatif de déchiffrer en permanence l’appartenance religieuse des élèves.
Donner un cadre d’expression au personnel éducatif qui refuse le rôle policier qu’on lui assigne est tout aussi important. Les élèves musulmanes viennent à l’école pour apprendre, non pour discuter de la longueur ou de l’amplitude de leurs robes. La prise en compte de l’érosion de l’autorité du corps professoral et de ses conditions de travail et de rémunération est essentielle pour saisir les raisons pour lesquelles une partie de ce personnel rallie « à sa façon l’idéologie sécuritaire, où se combinent le sentiment d’impuissance, l’appel à l’autorité étatique et la peur des transformations du monde contemporain ».10
Il convient enfin de contester les usages de la laïcité dans un sens toujours plus attentatoire aux libertés d’expression et de conviction. Que la notion soit « passée à droite » — et souvent à l’extrême droite — est un phénomène déroutant, mais pas exceptionnel : songeons à l’instrumentalisation tout aussi intéressée du féminisme ou de la cause LGBT à des fins racistes. Signifiant flottant par excellence, au même titre que la démocratie, la laïcité est l’enjeu de conflits et d’âpres débats. Ne pas laisser l’idée laïque à celles et ceux qui veulent en faire une arme de ségrégation massive est une question de première importance.
Une religion quelconque ne se brode pas sur une machine à coudre ni se limite à une couverture qui abrite un corps. Si l'habit ne fait pas le moine, pourquoi le même habit ferait-il forcément un (e) imam (a) ?
Cette laïcité, à défendre avec toute la légitimité nécessaire et qui est certes le fondement de la république, reste, pour le devoir d'y adhérer, à se faire vêtir d'abord dans une tête. Ensuite, elle est censée aller se nourrir dans l'action et le verbe que ce soit dans l'école ou dans la rue ou partout ailleurs. La laïcité, cette séparation noble et adéquate entre une foi personnelle et une institution publique se construit comme un contrat social. Elle est générale, abstraite et impérative, comme une règle de droit. Car si dieu ou l'un de ses prophètes peut circuler dans les boulevards, s'attabler aux cafés, valider son navigo pourquoi est-il expulsable que de l'école ?
Apres tant de trucs, voilà une trouvaille pré-électorale à dénicher dans la garde-robe politique, pour décintrer et retirer un effet vestimentaire polémique. L'abbaya. C'est quoi au juste ? Il faudrait recourir à l'expertise d'un tisserand, d'un imminent couturier pour faire rejaillir une définition exacte de ce vêtement, son histoire, son utilité et éventuellement son empreinte théologique, le cas échéant.
La religion n'a pas besoin d'exhiber ses théorèmes par la confection et le tissage des effets de mode ou de la perpétuation d'autres. La plus redoutable de sa transmission reste la conviction. S'il fallait prendre la laïcité comme « religion » à pratiquer dans un vivre ensemble, ce n'est pas l'interdiction, sans pédagogie d'une tenue hybride, non exclusive, affectée d'une mauvaise identification qu'elle serait sauvée ou sauvegardée.
Allez-vous empêcher l'accès au lycée à une jeune fille qui se présente en robe longue colorée faite de denim, de toile ou en tissu wax ou jeans effilé ? Est-ce votre maudite abbaya est uniquement noire, soyeuse et satinée comme celles que l'on porte dans les monarchies du Golfe, tant pour la frime que pour un rajout de sensualité féminine? L'autre abbaya, celle des démunies, des femmes d'en bas de ces régions rurales ou autres n'est historiquement, qu'un habit traditionnel propre à leurs us et coutumes de climat et de relief, à priori sans nul symbole religieux et que c'est l'Occident frileux à la mouvance extrémiste qui s'apprête à le répertorier ainsi. C'est tout récemment qu'elle est devenue une pièce d'identité religieuse aux dépends de la barbe oubliée, voire banalisée des « barbus » honnis.
Une tenue ne se différencie d'une autre que par une géographie, une aisance de port, un métier, une obligation, un besoin, etc. Elle n'a jamais créé une religion, elles se portaient pourtant bien, ces tenues avant même l'apparition de toutes les croyances y compris le satané wahabisme.
L'abbaya n'est pas génétiquement islamique. Elle est d'essence moyen-orientale, comme la gandoura, la djebba, la mlaya, la melhfa , le haïk qui tirent leur origine du Maghreb ou la robe africaine, le boubou, le sari indien et tutu quanti.
Je crois que la France est dans le devoir, en sa totale souveraineté de récupérer sa sève matricielle de liberté et d'égalité et d'agir dans la maîtrise de cette transhumance humaine qui la dérange et semble lui causer énormément de problèmes d'insertion. L'abbaya n'en n'est intrinsèquement pas la cause. Voir ailleurs, peut-être une tenue scolaire unique réglementaire.
68 ans bientôt, dont 20 ans en Algérie et 48 en France. C'est à peu près le temps qu'il faut à l'historien pour commencer à compulser les archives, arrivées à maturation. C'est aussi le délai de recul propice aux sociologues et hommes politiques pour tenter d'intégrer le passé dans la compréhension du présent et la construction du futur. Mais c'est tout naturellement, pour chaque être humain, la distance temporelle pour une vision plus apaisée de la mémoire qui se ravive chez lui et qui peut être racontée avec sérénité.
Que le passé ait été chargé de bonheur ou perturbé par des passions et drames. Ce recueil de nouvelles, très courtes, en risquant le pléonasme, est la compilation d'écrits épisodiques des dernières années, justement lorsque l'âge ne peut plus contenir la résurgence du passé. Mais surtout lorsqu'on n'a plus crainte de le faire ressortir et qu'il fasse mal.
C'est en fait l'Algérie de la génération « Zakia, ton mari est moudjahid ». Celle des francophones majoritaires, de l'insouciance et du bonheur d'être nés dans un pays gorgé de soleil, sans se poser la question de l'identité, de la conscience religieuse et, pour ce qui était de notre âge, de la sensibilité politique. Un enfant, puis un adolescent, ont une gigantesque capacité d'absorption de ce qui les entoure. C'est tout à fait étonnant, car c'est un âge où le détachement et l'inconscience semblent dominer pour ne laisser place qu'à un égoïsme de jouissance immédiate.
Pourtant, ils absorbent, analysent et stockent tout dans un coin caché de leur mémoire, ce qui est mon cas comme celui des autres. C'est cette éponge du vécu et de l'observation qui est racontée dans les nouvelles qui sont présentées dans les textes qui vont suivre. Et, bien entendu, à cet âge, le vécu ne pouvait être que dans sa ville d'enfance. Il sera donc question d'Oran, pour la majorité des histoires. La ville sera un personnage constant et en arrière-plan, indispensable car sa présence discrète est la condition essentielle pour aider la mémoire à restituer ce qu'elle avait enregistré.
Nous n'avions pas vu la naissance des orages qui s'annonçaient dans toute vie d'adulte, car nous avions encore la résistance de l'optimisme, cette carapace protectrice si nécessaire à l'être humain encore fragile. Voici relatée une partie de cette mémoire dans une chronique que je soumets au lecteur. Elle le sera sous forme d'histoires courtes, rédigées sur le ton du second degré et de l'humour. Car pour atteindre le passé de l'enfance et de l'adolescence, il n'y a qu'eux pour le faire, avec recul et tendresse.
Le baiser de Luis Rubiales imposé à l’attaquante Jenni Hermoso a provoqué un vaste débat sur la culture machiste au sein du foot espagnol, mais aussi sur les violences sexuelles dans le monde du travail. Sur fond de négociations périlleuses, à Madrid, en vue de la formation d’un nouvel exécutif.
MdridMadrid (Espagne).– L’histoire est bien connue des féministes espagnoles. En mars 2001, une conseillère municipale de Ponferrada convoque une conférence de presse pour dénoncer le harcèlement sexuel dont elle dit faire l’objet de la part de son supérieur, le maire de cette petite ville de Castille-et-León, affilié au même parti qu’elle.
Mais sa démarche se retourne contre elle : Nevenka Fernández, 26 ans à l’époque, devient la cible d’insultes publiques et finit par démissionner. Même si le maire en question, Ismael Álvarez, 49 ans, a bien été jugé coupable par un tribunal. Un documentaire, Nevenka, mis en ligne sur Netflix en 2021, a fait connaître l’épisode aux plus jeunes générations. Une pièce de théâtre est aussi revenue, en début d’année, sur ce qui est souvent présenté comme le point de départ du #MeToo espagnol.
Vingt-deux ans plus tard, l’affaire Luis Rubiales éclate en plein mois d’août. C’est une autre histoire de violence exercée par un supérieur hiérarchique dans le monde du travail. Mais son issue s’avère très différente. Rappel des faits : après la victoire de la sélection féminine espagnole au Mondial de football à Sydney le 20 août, le président de la Fédération de football espagnol a pris entre ses mains la tête de l’une des joueuses, Jenni Hermoso, et l’a embrassée de force, en pleine séance officielle de remise des médailles, devant les caméras du monde entier.
Dans un live Instagram diffusé quelques minutes après dans les vestiaires de l’équipe féminine victorieuse, on entend la joueuse dire à l’une de ses collègues : « Ça ne m’a pas plu, hein. » S’il n’a toujours pas démissionné, Luis Rubiales, qui parle d’un « bisou [...] spontané, mutuel, euphorique et consenti », a été suspendu à titre provisoire, pour 90 jours, par la Fédération internationale de football (FIFA). Son attitude et sa stratégie de défense, comme celle de la fédération, nourrissent un malaise grandissant dans le royaume.
Après le refus répété de Rubiales de céder sa place, l’une des championnes du monde, Alexia Putellas, formulait son indignation sur un réseau social, concluant par un « Se acabó » (« C’est terminé ») devenu viral. Dans un communiqué conjoint avec leur syndicat, les 23 championnes du monde ont aussi annoncé qu’elles quittaient la sélection, conditionnant leur retour à de « véritables changements structurels » au sein de la fédération.
De 2001 à Ponferrada à 2023 à Sydney, tout a basculé. « Le récit a changé parce que l’Espagne a changé : le féminisme est passé par là », écrit Ana Requena Aguilar, la journaliste chargée des questions de genre au sein du journal El Diario. « Dès la remise des médailles du dimanche, la réponse de la société a été claire et déterminée : ne surtout pas normaliser ce qu’il s’est passé, placer la question du consentement au centre », avance Arantxa López, l’une des porte-parole de la Commission 8M du mouvement féministe de Madrid, qui organise chaque année les mobilisations du 8 mars pour les droits des femmes.
Dans un entretien à Mediapart, la secrétaire d’État à l’égalité Ángela Rodríguez (Podemos) parle d’une « nouvelle vague du féminisme espagnol, avec un message un peu différent de ceux d’autres processus des dernières années, comme #MeToo à l’international, ou “Yo sí te creo” [Moi, je te crois – ndlr] en Espagne [à partir de 2016 – ndlr] ».Elle explique : « Il ne s’agit pas seulement de dire que les violences sexuelles sont mauvaises, et de témoigner du fait que nous en avons souffert. Il y a une forme d’espoir qui émerge désormais, parce que “c’est terminé”, parce que les choses ne peuvent plus se poursuivre à l’identique. »
De la « Meute » au « baiser forcé »
Avant l’affaire Rubiales, il y eut celle de « la Manada » (la Meute), du nom que s’étaient donné cinq Sévillans reconnus coupables d’avoir violé une femme de 18 ans lors des fêtes de San Fermín, à Pampelune (Navarre). Deux tribunaux avaient d’abord considéré qu’il y avait eu simplement « abus sexuel », déclenchant d’intenses mobilisations féministes dans tout le pays. Le Tribunal suprême avait fini par reconnaître en 2019 qu’il y avait bien eu « viol ». Le gouvernement de Pedro Sánchez avait par la suite fait adopter la loi du« seul un oui est un oui » («solo sí es sí »), censée améliorer la définition juridique du consentement.
La question du consentement est bien sûr centrale dans le cas du baiser forcé en Australie. « Les féministes, les journalistes, les influenceuses, les ministres du gouvernement, nous avons toutes œuvré pour faire vivre cette conversation sur le consentement. Et l’on voit aujourd’hui que la société est d’accord, que l’impunité va prendre fin », veut croire Ángela Rodríguez, surnommée « Pam » en raison de son avatar sur les réseaux sociaux.
Depuis le 20 août, de nombreux témoignages de violences sexuelles dans le monde du travail ont été publiés sur les réseaux sociaux. « À tous les mecs qui hallucinent de la réaction contre Rubiales : c’est parce que cela nous est arrivé, à toutes. Avec notre chef, avec notre client, avec notre professeur, avec notre ami, avec un inconnu, avec toi... », écrit le 25 août sur X (anciennement Twitter) la journaliste Irantzu Varela.
La secrétaire d’État Ángela Rodríguez observe : « Ce n’est pas seulement un abus de pouvoir de la part d’un chef. Ce n’est pas seulement la seconde durant laquelle a duré ce baiser. C’est le fait que l’on retire le droit à une femme au sommet de sa carrière professionnelle de décider par elle-même de la manière dont elle va célébrer ce moment. On restreint la liberté d’une femme qui réussit. »
Au fil des jours, le débat s’est complexifié. Des réactions intervenues après l’épisode du baiser ont révélé une culture machiste plus vaste, au-delà du seul cas de Rubiales, et dépassant le seul enjeu du consentement. Il y eut par exemple le choix de la Fédération de football d’inventer des déclarations de Jenni Hermoso, selon lesquelles il s’agissait d’un « geste mutuel », pour tenter d’éteindre la polémique dès le 20 août – déclarations que la joueuse a démenties.
Des médias conservateurs ont aussi minimisé l’importance de ce baiser forcé en le rapprochant d’un autre baiser surprise et capturé par des caméras de télévision, mais qui n’a rien à voir, entre le gardien Iker Casillas et sa petite amie Sara Carbonero, à l’issue de la victoire des Espagnols au Mondial de football de 2010... Se sont ajoutés les applaudissements nourris lorsque Luis Rubiales s’est présenté le 25 août devant ses collègues de la Fédération de football comme la victime d’un « assassinat social » et a expliqué qu’il ne démissionnerait pas, entre deux salves sur le « faux féminisme »...
C’est toute la structure machiste du football espagnol qui est en train de se dévoiler.
Arantxa López, Commission féministe de Madrid
Rubiales s’est aussi fait remarquer le dimanche à Sydney au moment de la victoire, en adressant un message de félicitation obscène depuis la tribune, à destination du sélectionneur de l’équipe sur le terrain, Jorge Vilda : « Olé tus huevos », lui a-t-il lancé, hilare, aux côtés de la reine Letizia et de l’une de ses filles. L’expression est difficile à traduire mais elle laisse entendre que Vilda aurait décroché cette victoire à la force de ses « couilles ».
L’échange à distance prend un sens particulier quand on sait que le même Vilda avait déjà été mis en cause, l’an dernier, pour ses méthodes. Pas moins de 15 joueuses avaient annoncé qu’elles quittaient la sélection nationale, faisant état d’impréparation en amont des matches, mais aussi de harcèlement. À l’époque, Rubiales avait soutenu Vilda sans ciller. Et seules trois des quinze joueuses montées au créneau en 2022 ont été sélectionnées pour le Mondial.
Ce qui a inspiré ce commentaire à Pablo Iglesias, cofondateur de Podemos, dans une chronique au journal Contexto : « Toute mon admiration pour les joueuses qui ont décroché cette victoire sportive [...] Mais permettez-moi d’admirer encore plus celles qui ont renoncé à la sélection et se sont affrontées avec leur entraîneur et la fédération, avec toute la presse contre elle à l’époque. » Avant Jorge Vilda, ce fut l’ère d’Ignacio Quereda, qui entraîna pendant 27 ans l’équipe féminine, et qui se proposait notamment d’« éradiquer l’homosexualité », avant d’être contraint à la démission en 2015.
« C’est toute la structure machiste du football, et du sport espagnol, qui est en train de se dévoiler, cela s’insère dans cette culture du viol qui dépasse la seule question du consentement », avance à Mediapart Arantxa López, l’une des organisatrices du rassemblement de Madrid en soutien à Jenni Hermoso lundi.
Nous avons assisté au pire du machisme structurel comme au meilleur de la sororité.
Yolanda Díaz, numéro trois du gouvernement
Après le discours de Rubiales prononcé devant une audience exclusivement masculine, vendredi dernier au siège de la Fédération de football, la journaliste d’El País Sara Giménez s’interroge : « Où sont les femmes ? Quels postes occupent les femmes dans les instances sportives ? Pourquoi n’y a-t-il pas une seule présidente à la tête des fédérations locales de football ? »
« Nous avons assisté ces derniers jours au pire du machisme structurel prégnant dans le sport de notre pays, comme au meilleur de la sororité », résumait lundi Yolanda Díaz, la numéro trois du gouvernement et ministre du travail. À ce stade, force est de constater que les réactions des sportifs masculins sont rares. Quelques vedettes – dont les footballeurs Borja Iglesias et Iker Casillas, ou encore le basketteur Pau Gasol (ces deux derniers étant retirés des terrains) – sont montées au créneau en soutien à Jenni Hermoso. « La majorité des joueurs ne s’est pas prononcée à ce stade. Et cela va finir par devenir un silence complice », regrette Arantxa López.
« Le slogan “Se acabó” lancé par les joueuses n’est pas dirigé contre les hommes, mais contre ceux qui commettent des agressions sexuelles. C’est une distinction importante si l’on veut en finir avec ce “gentleman’s agreement” encore très prégnant dans le monde du sport. Cela n’a rien à voir avec la “guerre des sexes” dont parle M. Rubiales », insiste encore Ángela Rodríguez.
En pleines négociations en vue d’un gouvernement
L’affaire Rubiales intervient par ailleurs à un moment très particulier de la politique espagnole, alors que les législatives de juillet n’ont pas donné de majorité évidente pour former un gouvernement. La campagne s’est notamment jouée sur le bilan du gouvernement du socialiste Pedro Sánchez en matière d’égalité hommes-femmes, alors que l’extrême droite de Vox souhaite en finir avec le ministère de l’égalité, couper dans le budget des associations et mène la bataille culturelle face aux « féminazies ».
Sánchez s’est dépêché de qualifier d’« inacceptable » le comportement de Rubiales et a exigé sa démission. Sur sa gauche, Yolanda Díaz, la candidate de Sumar, a participé à la manifestation de lundi en soutien à Jenni Hermoso, tout comme la ministre Irene Montero (Podemos).
Même si Luis Rubiales a donné l’impression, lors de son discours vendredi, de « chercher du travail chez Vox », selon l’expression du journaliste Antonio Maestre, le parti d’extrême droite, qui traverse une crise interne depuis ses résultats décevants le 23 juillet, s’est tenu à distance. Santiago Abascal s’est prononcé pour la démission du chef de la fédération, évoquant des « grossièretés inadmissibles » et exhortant au passage Pedro Sánchez à ne pas s’accrocher, lui non plus, au pouvoir.
Il n’y a qu’Isabel Díaz Ayuso, la présidente « trumpiste » de la région de Madrid, réélue dans un fauteuil en juillet et qui espère bien diriger la campagne du Parti populaire (PP) en cas de répétition des élections, à avoir pris la défense de Rubiales. Mais elle l’a fait de manière alambiquée, dénonçant la « manipulation totale » qui consiste à ses yeux à ce que les médias s’intéressent davantage au baiser forcé de Rubiales qu’au boycott de la Vuelta, la course cycliste, par des groupes indépendantistes catalans...
Dans ce feuilleton qui tient l’Espagne en haleine, Rubiales peut aussi compter sur le soutien semble-t-il infaillible de sa mère, Ángeles Béjar. Cette coiffeuse retraitée, septuagénaire, s’était enfermée lundi matin dans l’église de la Divina Pastora de Motril, la ville natale de Rubiales dans le Sud andalou, non loin de Grenade. Elle dit avoir commencé une grève de la faim, qu’elle compte poursuivre jusqu’à ce que cesse la « chasse » visant son fils, « jusqu’à ce que Jenni [Hermoso] dise la vérité ». Mais elle a été transportée mercredi soir à l’hôpital, dans un « état de stress ».
Luis Rubiales s’accrochait donc toujours mercredi à son poste. Lundi soir, les responsables de la Fédération de football (dont certains l’avaient applaudi avec ferveur le vendredi précédent...) ont réclamé sa démission. En attendant, le salaire versé par la fédération à Rubiales a été suspendu, tandis qu’il lui a été demandé de rendre sa voiture de fonction, son téléphone et son ordinateur professionnels.
Le parquet espagnol a ouvert une enquête pour « agression sexuelle » présumée. En attendant d’autres rebondissements judiciaires, il reste aussi à voir si Jenni Hermoso décide de porter plainte à titre personnel dans cette affaire.
La France ne reconnaît plus les normes morales et où la violence est force de loi. D. R.
Rien ne va plus au pays des droits de l’Homme (blanc néocolonial), transformé en autocratie par la volonté discrétionnaire de son président réactionnaire. Rien ne va plus au pays des Lumières, métamorphosé en obscure nation plongée désormais dans la médiocrité, l’insécurité, l’instabilité et la précarité.
Depuis l’élection de Macron, «président du chaos, du désordre et de la violence», la France sombre dans la décadence et l’indécence. Frappée fréquemment par des émeutes, la France, assiégée par des meutes de forces de l’ordre qui font régner la terreur sur tout le territoire quadrillé par la tyrannie des restrictions politiques et alimentaires induites le durcissement autoritaire et la récession économique, ne survit que par la terreur. La terreur étatique, sociale, économique, urbaine, policière.
Une France en proie aux inclinations émeutières et pulsions meurtrières
Et la terreur militaire, selon les vœux de certains de ses généraux séditieux proches de l’extrême-droite, auteurs d’une tribune appelant à l’insurrection contre les hordes banlieusardes (c’est l’expression polie usitée en lieu et place de «hordes arabes et musulmanes», pour ne pas tomber sous le coup de la loi), accusées d’entretenir un climat de violences.
On se souvient que, dans cette tribune choc de militaires, publiée le 21 avril 2021 par Valeurs Actuelles, parue quelques jours après l’appel à l’insurrection de Philippe de Villiers, intitulée «Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants», les signataires galonnés menaçaient d’intervenir pour enrayer le «chao croissant», procéder à une opération de «pacification du pays», probablement selon les méthodes éprouvées durant la «guerre d’Algérie» par les autorités coloniales françaises qui avaient mobilisé 1 500 000 tueurs assermentés, autrement dit soldats, pour livrer la guerre aux Algériens innocents et désarmés en lutte pour l’obtention de l’indépendance de leur pays.
Dans cette tribune des militaires séditieux gâteux, le premier sujet cité (au vrai, la principale population ciblée) est «l’islamisme et les hordes de banlieue» qui «entraînent le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des dogmes contraires à notre Constitution», selon les termes de ces signataires galonnés (et sûrement pas galants nés, car ils sont dépourvus de noblesse, d’honneur et de loyauté).
Il est utile de souligner que, dans l’impuissante France en pleine débandade économique et déréliction politique, l’anti-islamisme est le cache-sexe du racisme anti-arabe et antimusulman. La fragile et frigide classe politique française dévirilisée, confrontée à des troubles d’érection électorale, illustrés par l’abstinence des électeurs affligés d’insensibilité idéologique militante, pour stimuler ses ébats politiques assaisonnés d’une indécente et lubrique rhétorique populiste et raciste, usent et abusent de cet aphrodisiaque xénophobe : la population immigrée d’origine arabe et musulmane, devenue le Viagra de la France politiquement émasculée.
La population immigrée est accusée régulièrement de tous les maux. Pourtant, aujourd’hui, cette population d’origine immigrée est devenue la seule dynamique composante de la France sénile à porter à bout de ventre la démographie française, donc la survie de la France ménopausée.
La tribune, publiée soixante ans jour pour jour après le putsch d’Alger de 1961, signée par une vingtaine de généraux, une centaine de hauts gradés et plus d’un millier d’autres militaires, dénonçait le «délitement» qui frappe, selon eux, «la patrie». Ces putschistes en herbe proclamaient être «disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation». La tribune s’en prenait au «délitement» qui s’attaque à la France. Les auteurs de la tribune, animés d’un esprit émeutier, avaient usé d’une rhétorique comminatoire. «Par contre, si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse», annonçaient-ils.
Leur constat se voulait alarmant : «La guerre civile mettra un terme à ce chaos croissant, et les morts, dont vous porterez la responsabilité, se compteront par milliers.» Les militaires étaient clairs. Ils seraient «disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation». Cette rhétorique fasciste est devenue l’apanage d’une grande partie des élites françaises. Notamment Michel Houellebecq qui avait déclaré dans une longue conversation avec le philosophe Michel Onfray, dans laquelle il présente les musulmans comme une menace pour la sécurité des Français non musulmans : «Quand des territoires entiers seront sous contrôle islamique, je pense que des actes de résistance auront lieu. Il y aura des attentats et des fusillades dans des mosquées, dans des cafés fréquentés par les musulmans, bref des Bataclan à l’envers.» L’écrivain raciste et puéril avait ajouté : «Le souhait de la population française de souche, comme on dit, ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, mais qu’ils cessent de les voler et de les agresser. Ou bien, autre solution, qu’ils s’en aillent.»
L’ensauvagement de la République française équarrisseuse
Incontestablement, la France est gangrenée par la violence. Le racisme. La xénophobie. L’islamophobie. La pulsion pogromiste. Toutes les strates de la société sont rongées par l’agressivité, l’intolérance, la haine. On assiste à l’ensauvagement de la société française, depuis le sommet de l’Etat responsable d’une violente politique antisociale et d’une répression policière sanguinaire jusqu’à la base de la société déchirée par de furieuses tensions et frappée par la flambée de la criminalité, en passant par les entreprises dont les salariés sont en butte à la détresse psychologique et au délabrement physique.
Ironie de l’histoire, les militaires, signataires de la tribune, censés donner l’exemple en matière de discipline, de respect de l’ordre et de la loi, ont adopté les mêmes mœurs de voyous que ceux qu’ils dénoncent dans leur tribune : par leurs menaces de mutinerie sociale, de sédition politique, de subversion armée.
En effet, par leur infraction des règlements, transgression du droit de réserve, violation de la civilité, désobéissance politique, ils se sont comportés comme les «hordes de banlieue» qu’ils fustigent, comme la police raciste et émeutière qu’ils encensent, comme le gouvernement scélérat qu’ils condamnent.
A cet égard, il est important de relever que les dernières sorties médiatiques de Darmanin apportant son soutien aux policiers insurgés pour contester l’incarcération d’un agent de BRI de Marseille, s’inscrivent dans cette atmosphère anomique très répandue actuellement en France. Autrement dit, une France en proie au dérèglement social, à l’absence de normes morales et à l’anéantissement des règles de conduite. Il n’est donc pas surprenant que le gouvernement français abrite une horde de voyous en costume et cravate, que les institutions étatiques concentrent en leur sein des factieux en uniforme policier et militaire.
Dégringolade du PIB de la France et débandade de ses armées africaines
Décidément, la France en déclin, en plein déclassement économique, est réduite à la production en série de voyous de la République, tout juste capables de s’adonner à la fabrication en masse de discours haineux, xénophobe, raciste, islamophobe, pogromiste ; à l’exécution de comportements agressifs, violents, belliqueux, meurtriers. Une France en proie à l’anémie intellectuelle, l’anomie sociale, la pandémie raciste.
Au reste, non seulement la France s’enfonce dans la médiocrité, la vulgarité et la bestialité, mais également dans la pauvreté. Dorénavant, au déclassement industriel s’ajoute son décrochage économique. Selon la dernière étude relative à la richesse du pays publiée par l’ONU, en termes de PIB par habitant, la France ne fait même pas partie du Top 20 mondial. Pour rappel, le PIB par habitant est un baromètre du niveau de vie qui prend en compte le pouvoir d’achat des gens. Le pouvoir d’achat des Français subit également un massacre à la tronçonneuse antisociale commis par les psychopathes politiques du gouvernement Macron, ces équarisseurs du prolétariat.
Le FMI classe la France à la 25e place. Selon ce rapport, la position de la France dans le classement mondial du PIB par habitant a reculé au cours des quatre dernières décennies. Placée à la 13e place en 1980, la France chute à la 19e place en 2005, pour finalement dégringoler à la 25e position en 2022.
A la faillite économique, déliquescence institutionnelle, décadence culturelle vient de s’ajouter la débâcle géopolitique, matérialisée par l’expulsion de la France de plusieurs pays africains.
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