Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers de travailleurs algériens ont manifesté à Paris pour réclamer des droits, notamment l’indépendance de l’Algérie. En réponse, une répression violente s'était abattue sur les manifestants. 40 ans après la première marche pour l’égalité contre le racisme, les acteurs souhaitent se remobiliser pour lutter contre le racisme et les violences policières. Un rassemblement sera organisé mardi 17 octobre à 17h30 sur le pont Battant à Besançon. Des fleurs seront jetées dans le Doubs afin de rendre hommage à la mémoire des victimes.
Pour rappel, Maurice Papon, préfet de police de Paris qui conduisait les opérations, a été condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l’humanité, pour des actes commis entre 1942 et 1944. Grâce à l’action de citoyens, historiens, écrivains et associations, l'histoire n'a pas été oubliée. Selon les associations et les syndicats, "rendre hommage aux victimes de la répression de la manifestation du 17 octobre 1961, c’est refuser toutes les violences d’Etat utilisées pour réprimer lesmanifestations".
La reconnaissance des massacres du 17 octobre 1961 comme crime d’Etat
Car si ce massacre a longuement été étouffé, cet hommage exige aujourd'hui la reconnaissance des massacres du 17 octobre 1961 comme crime d’Etat. "C’est exiger de l’Etat français la reconnaissance officiellement de saresponsabilité dans les massacres liés à la colonisation. C’est réclamer l’ouverture des archives de la guerre d’Algérie et de la colonisation aux chercheurs français et étrangers, sans restrictions, niexclusives. C’est refuser tous les discours xénophobes, racistes et colonialistes".
La Fondation Jean-Jaurès a reçu, pour une Cité des livres publique en partenariat avec Slate, l’historien Benjamin Stora, autour de ses deux derniers ouvrages. Il a débattu avec l’animatrice Ariane Bonzon et le public présent des difficultés à raconter l’histoire de la guerre d’Algérie.
Durant 130 ans, la France va tenter de faire de l'Algérie, une « région française » en assimilant des territoires, en développant le pays ou en accueillant une population d'exilés (qui deviendront les pieds noirs), sans jamais assimiler les populations « indigènes ».
Nombreux seront les rendez-vous manqués et les promesses non-tenues de la République. Pour en débattre, Jean-Pierre Gratien reçoit Benjamin STORA, historien, co-auteur du documentaire et Pascal BLANCHARD, historien, spécialiste du fait colonial LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time.
Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
Marcel Khalifé (1950, Amchit, Mont-Liban) est un compositeur, chanteur et oudiste libanais, particulièrement connu pour ses interprétations de poèmes de Mahmoud Darwish, palestinien et figure incontournable de la poésie arabe contemporaine. Parmi ses interprétations, » Rita et le fusil » (ريتا و البندقية) est sûrement l’une des plus poignantes : le poème revient sur l’histoire d’amour (tragique?) qu’aurait vécu le jeune Darwish, musulman palestinien, avec Rita, une juive israëlienne…
« Entre Rita et mes yeux, un fusil Et celui qui connaît Rita se prosterne Et adresse une prière à la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel Moi, j’ai embrassé Rita quand elle était petite Je me rappelle comment elle se colla contre moi Et de sa plus belle tresse couvrit mon bras Et moi, je me rappelle Rita Ainsi qu’un moineau se rappelle son étang Ah Rita! Entre nous, mille oiseaux, mille images D’innombrables rendez-vous criblés de balles par un fusil Le nom de Rita prenait dans ma bouche un goût de fête Le corps de Rita dans mon sang était célébration de noces Et deux ans durant, je me suis perdue dans Rita Et deux ans durant, Rita a dormi sur mon bras Nous prêtâmes serment autour du plus beau calice, nous brulâmes dans le vin de (nos) lèvres et nous ressuscitâmes. Ah Rita! Qu’est-ce qui aurait pu éloigner mes yeux des tiens, Hormis le sommeil et les nuages couleur de miel, avant ce fusil ? Il était une fois Ô silence du crépuscule Au matin, ma lune a émigré, loin dans ces yeux couleur de miel Et la ville a balayé tous les aèdes…et Rita. Entre Rita et mes yeux, un fusil. »
Romantique avant tout, Darwich n’a jamais eu pour ambition d’être la voix du nationalisme arabe. Lui voulait être un poète de l’amour. La mystérieuse Rita, dont le nom a fait le tour du monde arabe grâce à Marcel Khalifé, est évoquée dès les premiers recueils (La Fin de la nuit, Les oiseaux meurent en Galilée…). En 1995, Darwich raconte enfin l’histoire de cette danseuse juive (nommée Tamar dans la réalité), rencontrée autrefois au bal du Parti communiste israélien, dont il était adhérent. La guerre des Six-Jours (1967) aura eu raison de leur intense idylle… « Entre Rita et mes yeux : un fusil. Et celui qui connaît Rita se prosterne. Adresse une prière. A la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel. » Rita incarne l’amour impossible. A travers elle, Darwich, toujours très métaphorique, pleurait à la fois la femm
A l’Institut du monde arabe (Paris 5e), De pierre et de thym, par la compagnie Du grain à moudre. Lecture du poème de Mahmoud Darwich Ahmad Zaatar.
Photo : Claire Lenormand
L’absente
Opéré trois fois du cœur, Mahmoud Darwich avait pressenti sa mort. De Murale (2003) à Présente Absence (2006), son septième et avant-dernier recueil, il entame un dialogue intime avec elle. L’absente est cette mort qu’il tente d’apprivoiser. C’est aussi l’exilé, le déraciné, l’ami assassiné, l’impossible patrie, dont l’absence, au quotidien, fait présence. S’adressant dans Présente Absence à son moi à différents âges, Darwich fait le bilan poétique d’une vie d’errance et d’espoir : une sorte de testament, publié deux ans avant sa mort. Ecrits dans une prose magnifique (ce qui reste exceptionnel dans son œuvre), ces trente et un poèmes constituent une véritable élégie, entre fragments de mémoire vive et douloureuse mélancolie.
Yasser Arafat, Mahmoud Darwich et Georges Habache en Syrie vers 1980
Mahmoud Darwish - Algerie 1983 محمود درويش في الجزائر
Conçue et exécutée comme une opération militaire, l’attaque menée sous la direction des Brigades Ezzedine Al-Qassam du Hamas autour de la bande de Gaza, le 7 octobre 2023, a été qualifiée d’attentat terroriste, à Paris comme à Tel-Aviv. Un parallèle avec le 11-Septembre et le Bataclan qui actualise une division raciale de la souffrance des corps, de la violence légitime et du droit à la résistance, selon que l’on soit ou non assimilé à l’Occident.
« C’est le 11-Septembre d’Israël. C’est le 11-Septembre d’Israël, et Israël fera tout ce qu’il peut pour ramener nos fils et nos filles à la maison ». Prononcée trois jours après l’offensive lancée par le Hamas et d’autres factions armées palestiniennes contre Israël, la déclaration de l’ambassadeur israélien aux Nations unies Gilad Erdan est une bonne leçon de rhétorique.
D’abord, la formule « claque » : le « 11-Septembre » évoque l’effondrement matériel et psychologique d’une assurance des Occidentaux, le souvenir douloureux de la violence, le scandale de l’intrusion étrangère dans le foyer national. Et puis, pour répondre à cette douleur, le ton à la fois paternaliste et belliqueux d’un État sûr de sa force, capable de protéger ses enfants d’un corps étranger qu’il n’est même plus besoin de nommer — mais l’a-t-il jamais fallu ? A-t-on véritablement besoin d’identifier l’ennemi à abattre ? Depuis 2001, on s’est reposé sur le terme vague et indistinct, tellement galvaudé de « terrorisme » que l’ambassadeur ne le nomme même plus. Un mot qui ne dit rien de l’acteur et renvoie exclusivement au sentiment provoqué chez celui qui l’emploie.
CONDAMNER LA VIOLENCE… POUR LÉGITIMER LA SIENNE
Au-delà de sa formulation, voici la première information clef qui ressort de la déclaration de l’ambassadeur d’Israël à l’ONU : en 2023, il n’est plus besoin de parler de terrorisme pour mobiliser l’appareil sémantique de la « guerre mondiale contre la terreur » qu’entérinait George W. Bush en 2001. Parler du 11-Septembre d’Israël, c’est à la fois condamner la violence de l’autre et légitimer la sienne, c’est justifier qu’on déclare la guerre puisque la terreur a surgi du camp adverse. Après 2001, de nombreux auteurs ont adopté la thèse d’un « choc des civilisations », d’une guerre — contre les Afghans, puis les Irakiens — qui est la conséquence inévitable de la victoire des valeurs occidentales sur l’islam, dans la lutte pour l’hégémonie mondiale.
Relayée par les discours sécuritaires, anti-immigration et islamophobes de nos dirigeants, cette explication ignore les origines communes des traditions chrétienne et musulmane, et les nombreux traits qui les rassemblent plus qu’ils ne les opposent. C’est ce que démontre l’anthropologue spécialiste de l’islam Talal Assad dans son ouvrage Attentats-suicides. Une question anthropologique1 qui analyse le discours sur la terreur en réaction aux récits aporiques du choc des civilisations.
Dans cette dichotomie devenue habituelle entre islamisme et Occident, terreur et guerre, Assad souligne un mécanisme discursif nouveau de l’impérialisme, né en 2001, dans lequel la guerre (puis aujourd’hui la résistance armée avec le cas de l’Ukraine) devient l’apanage des États occidentaux, intransigeants dans la justice qu’ils rendent et légitimes dans leur colère. Cet attirail moral relève de la psychologie selon l’auteur : il s’agit de montrer que l’État occidental a une conscience et que ses décisions relèvent de la raison, alors que le « terrorisme » est un déferlement de provocations destructrices. Quels que soient les motifs politiques du terroriste, il pratique la violence de manière irrationnelle et se voue à la mort, notamment par le suicide.
Presque inconnu en France où il n’est que peu et très récemment traduit, Talal Assad est pourtant considéré comme une référence incontournable de l’anthropologie au XXIe siècle, et le petit ouvrage de 2007 demeure d’une actualité frappante au lendemain de l’offensive du Hamas en Israël. Identifiant l’opération du 7 octobre 2023 à l’attentat-suicide des tours jumelles du World Trade Center, Israël manœuvre avec habileté en s’assimilant à une puissance occidentale et en reléguant son agresseur — qui n’est ici même plus nommé — à une position de parasite terroriste. Israël est surpris de la violence sur son sol, alors qu’il est à l’origine d’une violence systémique et totale de colonisation et d’apartheid qui fonde ses institutions. En faisant appel aux ressorts psychologiques du discours sur la terreur, Tel-Aviv gomme miraculeusement ses antécédents violents et colonisateurs.
Par ailleurs, l’idée d’un 11— Septembre israélien fait abstraction d’un paramètre fondamental de l’attaque du 7 octobre : les combattants du Hamas n’avaient pas pour vocation d’y mourir, et se sont comportés comme les soldats d’un groupe armé, organisé, agissant de manière stratégique et avec des objectifs d’abord militaires. L’opération ne s’arrête pas à la démonstration de force du 7 octobre : elle s’inscrit dans un projet de reconquête territoriale rationnel qui se veut relever également de la justice et de la morale. Peu importe au fond que l’on pense que cette terre est due ou pas aux Palestiniens, le fait est que l’ennemi d’Israël — le Hamas, les différentes autres factions de la résistance palestinienne qui ont participé à l’opération, et plus généralement l’altérité arabe qui hante son territoire — déborde largement de la désignation étriquée, moralisatrice et impérialiste de « terrorisme ».
UNE ÉMOTION AMNÉSIQUE
Dans le discours sur la terreur, l’orateur est finalement coupable de tout ce dont il accuse son ennemi terroriste. Obsédé par sa propre douleur, sa « terreur », il invite les justiciables à se laisser emporter par une émotion amnésique, et à se rassembler en ce qu’Assad appelle une « contresociété » fondée autour de la guerre antiterroriste. Les subjectivités occidentales s’imposent, et on ne retrouve plus rien d’un sujet dans l’adversaire, sorte de monstre sans nom ni visage, sans autre fonction que de provoquer la peur en Occident. Dans cette annihilation des subjectivités alternatives, le discours sur la terreur en produit un autre analogue sur la souffrance, puisque la sensibilité de l’adversaire se retrouve limitée par la propre douleur de la « contresociété ». La guerre provoque certes de la souffrance, mais la réaction antiterroriste légitime l’emploi de la violence par un discours de nécessité humanitaire — en 2001, il faut sauver l’American way of life, tout comme il faut sauver en 2023 le droit des Israéliens à vivre comme ils l’entendent, c’est-à-dire en réalité à s’installer sur des terres qui ne leur appartiennent pas, et à faire la fête à quelques kilomètres de l’étroite prison à ciel ouvert qu’est le territoire de Gaza.
L’herméneutique de la souffrance que produit la contresociété antiterroriste aboutit donc à un discours paradoxal qui appelle à la violence autant qu’il la condamne, avec le voisinage morbide dans les médias d’un discours purement émotionnel et d’un autre génocidaire. Ce deux poids deux mesures s’est d’ailleurs exprimé sur la radio publique (France Inter) : dans la même émission (9 octobre), Élie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France, est traité avec une compassion larmoyante (« vous comprenez ce qu’il se passe ? », demande Léa Salamé à l’historien et diplomate de carrière), alors que Leïla Shahid, ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union européenne, est sommée à trois reprises de « condamner » la violence du côté palestinien. Ainsi, la violence subie par les Israéliens fait l’objet d’une considération presque sentimentale, alors que les Palestiniens sont uniquement évoqués sous l’angle de la violence qu’ils produisent.
Peu importe que Leïla Shahid s’efforce de rappeler le contexte de 56 ans d’occupation militaire et de violations du droit international subis par son peuple, puisque, vu les réactions immédiates à l’attaque contre Israël après des années d’indifférence à la colonisation de la Palestine, seule la souffrance occidentale ou israélienne semble faire exister la violence. Tant et si bien que lorsque l’ancienne responsable palestinienne en appelle à condamner de manière équivalente le meurtre de femmes et d’enfants palestinien·nes, l’ex-diplomate oppose une différence « morale » en qualifiant les civils de Gaza de « victimes collatérales ». Le recours systématique par Israël au discours sur la terreur finit ainsi par disqualifier toute forme de résistance à l’oppression, condamnant aussi bien les combattants armés que les civils. Notons encore, s’il en était besoin, que la rhétorique du terrorisme est sélective : par sa fonction amalgamante, elle s’applique aux populations musulmanes suspectées d’islamisme, tandis que les Ukrainiens, assimilés aux Occidentaux, ont accès à une violence légitime pour résister contre l’envahisseur.
AMALGAMER JUDÉITÉ ET ISRAËL
Après avoir déconstruit la thèse du « choc des civilisations » dans son premier chapitre, puis s’être penché sur les subjectivités « terroristes » et les raisons de commettre un attentat-suicide, Talal Assad consacre un troisième et dernier chapitre à « l’horreur » face au terrorisme. Il définit celle-ci comme une perte de repères qui dépasse l’entendement et le discours. Elle est générée par l’éclatement des limites imposées par la société, par exemple par l’irruption de la mort hors des espaces et des rituels qui l’incorporent. L’horreur est notamment suscitée, souligne l’anthropologue, par la révélation dans le crime d’une opposition entre civilisation et barbarie, qui n’offre à l’auteur du crime aucun espoir de rédemption.
Prenons l’exemple des mass shooters (tueurs de masse) aux États-Unis, qui commettent des massacres dans les écoles. On ne parle pas d’attentat dans leur cas, mais de fusillade car, vu qu’ils sont assimilés à la culture occidentale et à ses valeurs, on leur réserve le droit à une violence rationnelle. Ils ont aussi le droit au repentir et à la réhabilitation sociale, comme dans le cas de cet homme qui, au terme de sa peine de vingt ans d’emprisonnement pour avoir ouvert le feu en 2004 dans une école new-yorkaise, devient du jour au lendemain une célébrité du réseau social TikTok… avec des vidéos de prévention contre la violence armée. Les résistants palestiniens, renvoyés à la violence autodestructrice du terrorisme suicidaire, sont regroupés dans une masse barbare irrationnelle dont on ne peut attendre aucun discours — ce n’est pas par hasard que le ministre de la défense israélien les désigne d’ailleurs comme des animaux », c’est-à-dire des êtres brutaux, irrationnels et privés de langage.
La France n’a pas attendu les prises de parole israéliennes pour convoquer l’imaginaire du terrorisme. Le 11-Septembre devient pour elle un Bataclan israélien dans des discours médiatiques aussi bien que politiques, et Israël, depuis longtemps érigé en modèle sécuritaire, « assure la protection de toute la planète » en terrassant indistinctement combattants et civils palestiniens. Ce sont en tous cas les propos de Muriel Ouaknine-Melki, présidente de l’Organisation juive européenne, dont on se demande à quel point elle-même rend service aux juifs d’Europe en encourageant la politique identitaire suprémaciste et conservatrice qui amalgame la judéité avec le projet colonial de l’État d’Israël, et nourrit de fait l’antisémitisme qu’elle prétend combattre. Au micro de BFMTV (9 octobre), elle propose une fine analyse : « Le Hamas, c’est Daech ». Brillante illustration de la fonction confuse de la mobilisation de l’imaginaire terroriste et de l’actualité vivace de la thèse de Talal Assad.
A partir de 1960, les évènements d'Algérie et son refus de participer à la guerre coloniale (désertion) vont contraindre Jacques Pous à partager son temps entre activités professionnelles, académiques et militantes.
Domaines de recherche :
Histoire de la colonisation (en particulier, Algérie et Palestine).
Jacques Pous, militant anti colonialiste, a été professeur de français bénévole durant 3 mois à Bethléem. Réfractaire de l'armée française durant la guerre d'Algérie, resté fidèle à ses engagements de fraternité et de solidarité avec les peuples opprimés, il livre dans ce récit, le drame quotidien du peuple palestinien.
On a beau dire ce que l'on voit, ce que l'on voit ne loge jamais dans ce que l'on dit." Michel Foucault.
10 décembre 2005 : après trois mois passés à Bethléem je reviens de Palestine. En France, une question fait alors la une des médias ; elle concerne le caractère supposé positif de la colonisation : un de ces débats comme les adorent les Français lorsqu'ils veulent occulter la réalité. Pourtant, si l'on veut apprécier à sa juste valeur ce qu'est et donc ce qu'a été le colonialisme il n'est pas nécessaire de se pencher sur les livres d'histoire, il suffit de regarder ce qui se passe en Palestine occupée ; mais encore faudrait-il n'être ni aveugle, ni sourd, ni autiste.
Le colonialisme sioniste, comme tous ceux qui l'ont précédé, ne peut en effet prospérer qu'en s'enracinant dans le mensonge, la fiction ou le déni. Mensonge des mots que les médias utilisent ; ainsi, là où il y a un mur de 8 à 10 mètres de haut qui balafre et enlaidit le paysage, la quasi totalité de la corporation journalistique ne voit qu'une barrière dite "de sécurité" (définition de barrière dans le Petit Robert : assemblage de pièces de bois, de métal qui ferme un passage, sert de clôture. Voir clôture, haie, palissade !). Pourquoi ne parle-t-on pas plutôt de "haie de sécurité" ? Ce serait quand même plus champêtre et plus agréable à vivre pour les Palestiniens ! Là où il y a des résistants, les mêmes ne voient que des terroristes. Pour désigner les bantoustans où des centaines de milliers de Palestiniens subissent une occupation qui, par sa violence et son inflexibilité, a peu d'équivalent dans l'histoire des colonisations, les médias respectueux ne parlent que de territoires alors qu'il s'agit, bien entendu, de territoires occupés.
Par ailleurs, on nous demande d'admettre comme allant de soi qu'il devrait exister, pour des occupants qui spolient jour après jour les terres et les biens des autres, un quelconque droit à la sécurité ; on nous demande aussi de trouver légitime que des Russes, des Américains, des Français, des Éthiopiens, etc…, quelle que soit leur appartenance religieuse, puissent revendiquer, au nom de mythes vieux de plus de 2000 ans, un droit de propriété exclusif sur une terre peuplée depuis des siècles par d'autres ; on nous somme enfin d'admirer le modèle démocratique d'un pays qui, depuis sa naissance, a élu démocratiquement un quarteron de dirigeants ( Ben Gourion, Begin, Shamir, Sharon ) qui auraient dû, s'il n'existait pas "deux poids, deux mesures", être jugés comme de vulgaires criminels de guerre.
A ceux qui ne savent pas ce qu'est le colonialisme, je conseille de venir vivre quelques mois en Palestine ; ils verront que le colonialisme c'est la destruction de la société autochtone, de ses structures économiques et politiques, le cantonnement, comme en Algérie, des populations colonisées dans les zones les moins fertiles, l'accaparement de l'eau et des terres (comme le fait Israël, depuis 1967, dans la vallée du Jourdain et partout ailleurs). Le colonialisme, c'est aussi le déni de la souffrance de l'Autre (si Israël reconnaissait au moins sa part de responsabilité dans ce que les Palestiniens subissent, beaucoup y verraient sûrement un geste de bonne volonté et la possibilité d'entamer un dialogue); le colonialisme, c'est le déni de la culture et de la religion de l'Autre : c'est, par exemple, à Jérusalem, le musée archéologique de Palestine, rebaptisé musée Rockefeller, dépouillé, depuis 1967, de ses plus belles pièces et laissé à l'abandon ; ce sont les mosquées détruites, ce sont les mosquées profanées comme celle de Césarée, reconvertie en café - restaurant (le Charlie's bar) ou celle de Tibériade transformée, après que la ville ait été vidée de sa population palestinienne, en simple décor touristique. Le colonialisme, ce sont encore les chrétiens de Bethléem qui ne peuvent que très difficilement se rendre à Nazareth (l'obtention d'un éventuel permis d'une journée exige en effet de longues heures de démarches humiliantes), ce sont les musulmans de Bethléem qui ne peuvent aller prier, à quelques kilomètres de chez eux, à Jérusalem, au Haram esh-Sharif (l'esplanade des mosquées), le troisième Lieu Saint de l'Islam. Mais, nous dira-t-on, et c'est ce qu'ont dit les députés français au sujet de la colonisation en Afrique, le colonialisme construit des routes, des barrages, des adductions d'eau, il fait fleurir le désert, il développe l'agriculture, l'industrie et le commerce ; il favorise la libre circulation des biens et des personnes… Il y a, en effet, en Palestine occupée, de magnifiques routes de contournement (by pass roads) qui mènent aux colonies mais sont interdites aux Palestiniens ! Mais pourquoi se plaindre puisqu'on peut, comme cela m'est arrivé, faire un aller-retour Bethléem - Naplouse en seize heures au lieu de deux, emprunter les belles routes palestiniennes qui vous obligent à contourner les colonies, à faire en plus d'une heure ce que l'on pourrait faire en dix minutes, à passer sous des routes interdites où circulent aussi facilement que chez nous des voitures qui ont le privilège, elles, d'avoir les plaques minéralogiques israéliennes. Enfin, dans un système colonial, ce sont surtout les plus faibles qui souffrent, les enfants en particulier ; j'ai pu malheureusement le constater au cours des nombreuses visites que j'ai faites auprès des enfants qu'en collaboration avec Inash al-Usra nous parrainons ; c'est, à Bethléem, Ibrahim dont le père, bloqué à un check-point, est décédé faute de soins ; à El Janiya, c'est Amir, le benjamin de 6 enfants, dont le père souffre de troubles mentaux à la suite des coups reçus de la part des Israéliens ; c'est Ahmad, dans une famille de 10 enfants dont le fils aîné a fait 16 mois de prison, qui végète dans le camp de Al-Aroop ; c'est, dans le camp de Talouza, Ameer, ses parents, ses 5 frères et ses 2 sœurs qui, après plus de 50 ans, rêvent encore du jour où ils pourront retourner dans leur ville de Haïfa ; c'est enfin, à Al Qatanna, Nadia (13 ans) dont le père a été emprisonné à vie quand elle avait deux mois et auquel elle ne peut rendre visite que tous les deux ou trois ans, selon le bon vouloir des autorités d'occupation.
Ainsi en va-t-il du quotidien des Palestiniens, fait de souffrance, de frustration, d'humiliation et de résistance. Aucun discours sur l'antisionisme, l'antisémitisme ou la diabolisation supposée d'Israël ne pourra occulter cette réalité ; les faits sont têtus ; il s'agit seulement de les faire connaître. Quant à notre Occident, il serait temps qu'il en finisse avec ses ingérences. Durant des siècles, nous n'avons eu de cesse d'apporter à l'Autre d'abord la vraie religion, puis la civilisation et la modernité et enfin les Droits humains et la démocratie ; il serait temps que cela cesse. Les Palestiniens ne veulent plus qu'on leur dise pour qui ils auraient ou non le droit de voter ; ils ne veulent plus que l'on accorde le droit du retour à ceux qui ne sont jamais partis et qu'on le refuse à ceux qui ont été chassés de leurs maisons et de leurs terres ; ils ne veulent plus de faits accomplis qui créeraient le Droit ; ils pensent que tout peuple a le droit de vivre libre et c'est pourquoi ils affirment que la lutte contre toute forme de colonialisme a été et sera toujours légitime.
Jacques Pous
Algérie-Palestine : Hier et aujourd’hui le même combat contre le colonialisme 19 juillet 2014
Comme aux Algériens hier, on refuse aux Palestiniens le droit à la liberté, on leur dénie leur existence même en tant que peuple, on emprisonne, on torture, on massacre. OUI ! On massacre des innocents et beaucoup d'enfants. A la date d'aujourd'hui 19 juillet 2014 sur 337 victimes palestiniennes on dénombre plus de 80 % de civils comparés aux 6 victimes israéliennes. Comme hier en France, des forces au sein même de la société israélienne proclament leur refus de cette situation.
Il y a soixante ans commençait la guerre d’Algérie, la guerre d’un peuple pour reconquérir sa liberté. Face à l'une des premières puissances militaires du monde, la cause de la justice et du droit a fini par triompher. Ce succès, le peuple algérien le doit d’abord à son courage. Il le doit aussi au très large mouvement d’opinion en France et dans le monde qui a fini par exprimer son refus de la guerre et de son cortège de tortures et de massacres, de haine et de mort.
Des Français ont dit « non » à cette guerre. Beaucoup ont payé cette attitude d’une longue privation de liberté. Notamment des réfractaires qui ont refusé de faire cette sale guerre. Ces Français ont accepté de vivre la marginalisation au sein de leur propre société pour défendre des principes universels de solidarité entre les peuples, de liberté, de droit des peuples à leur indépendance.
En 1948 était créé l’Etat d’Israël. Cet événement a jeté sur les routes de l’exode des centaines de milliers de Palestiniens. Il s’est accompagné de massacres, de destructions de villages au fil de l’expansion israélienne qui a conduit à l‘établissement de cet Etat sur 78 % de la Palestine historique. Les 22 % restants ont été occupés après la « guerre des six jours », en juin 1967. Les Palestiniens ont pris leur parti de l’existence d’Israël et réclament de pouvoir édifier leur Etat sur ces 22 % de territoire, reconnaissant ainsi la souveraineté israélienne sur le reste de la Palestine pour toujours. C’est ce qu’Israël refuse aujourd’hui.
Par-delà les différences de situation et de contexte, une même logique coloniale est à l’œuvre ! Comme aux Algériens hier, on refuse aux Palestiniens le droit à la liberté, on leur dénie leur existence même en tant que peuple, on emprisonne, on torture, on massacre.
Comme hier en France, des forces au sein même de la société israélienne proclament leur refus de cette situation. Comme leurs « aînés » réfractaires de la guerre d’Algérie, des Israéliens ou des associations juives refusent cette sale guerre que mène leur pays dans les territoires occupés.
Il ne peut y avoir de discussions de paix sérieuses et crédibles dans un tel contexte. Le peuple palestinien ne capitulera pas. Le droit international et l’opinion publique mondiale sont de son côté.
Le rapport de forces sur place est tellement disproportionné que, le peuple palestinien a besoin de l’aide internationale. Comme hier, la solidarité internationale doit s’exprimer.
Il est urgent que partout se lèvent les forces nécessaires pour imposer une paix juste au Proche-Orient. Cela est possible. Cela dépend de nous aussi, en France et partout dans le monde.
VU DE PALESTINE : Gaza l'héroïsme des gens ordinaires 27 Juillet 2014
Un homme se tient devant les ruines d'un bâtiment détruit par l'armée israélienne à Gaza, le 25 juillet 2014 - AFP/Marco Longari
Hommage à 1,7 million d'êtres humains assiégés à Gaza pour qui chaque jour paraît une éternité. Et rien ne sert de disserter sur le silence du monde, écrit cet éditorialiste palestinien.
Quelque 1,7 million d'êtres humains dans la bande de Gaza. Garçons et filles, maris et femmes, pères et mères, enfants, adolescents, vieux, malades, bien portants, riches et pauvres : tous sont exposés à une mort qui frappe à l'aveugle. Personne ne sait quand il va mourir, mais les explosions qui retentissent tantôt au loin tantôt tout près, rendent la mort une hypothèse plus que probable.
Il n'y a pas d'héroïsme dans la guerre, ni dans la mort. Le pire n'est pas la mort ; c'est de l'attendre. Le véritable héroïsme est ce que font 1,7 million d'êtres humains pendant sept jours par semaine, vingt-quatre heures par jour, soixante minutes par heure, soixante secondes par minute, afin de rester en vie, de ne pas devenir fou et de ne pas franchir la frontière ténue qui sépare l'humain de l'animal.
A Gaza, il n'y a pas d'abris où se réfugier, ni de sirènes pour alerter les gens à l'approche d'un avion de chasse, ni de "dôme de fer" [nom du bouclier antimissile israélien], ni de défense antiaérienne, ni de médecins disposant d'équipements médicaux de pointe, ni de toutes sortes d'autres moyens permettant de sauver des vies.
Rien de neuf
Si une maison s'effondre sur ses habitants, le problème est réglé. Mais si les habitants en réchappent, le problème reste entier. Car ils subissent alors de nouvelles affres : dénués, nus, condamnés à chercher un autre endroit pour s'abriter.
1,7 million d'êtres humains sous un ciel de plomb, sur une terre brûlante. Rien ne sert de disserter sur l'impuissance arabe. Cela fait longtemps qu'on l'a constatée. Rien ne sert de dénoncer le silence du monde et l'absence de conscience internationale. Cela fait longtemps qu'on l'a fait. Rien ne sert de parler des crimes de guerre de l'Etat d'Israël à l'encontre de civils. Cela fait longtemps qu'on l'a dit.
Tous ces mots font partie d'un univers familier auquel le journaliste a recours quand il se voit contraint d'écrire sur ce sujet à propos duquel il a déjà développé toutes les analyses, interprétations et commentaires imaginables et inimaginables. Rien de neuf. Pourquoi la guerre actuelle serait-elle différente des précédentes et surtout de celles à venir dans un an ou deux ?
Vivre en enfer
Tout cela n'a aucun intérêt pour 1,7 million d'êtres humains pour qui chaque jour paraît une éternité puisque rien au monde ne peut leur garantir que ce ne sera pas le dernier, mais qui n'attendent pas la nuit pour autant puisque rien ne leur permet d'être sûrs qu'ils se réveilleront le lendemain.
Les gens ne savent la réalité des affres qu'ils traversent qu'une fois qu'ils peuvent souffler à nouveau. C'est seulement à ce moment-là qu'ils peuvent expliquer ce que cela signifie de vivre en enfer. C'est seulement à ce moment-là qu'ils comprennent l'héroïsme de la vie quotidienne avec tout ce qu'elle comporte de banalité, de routine, de choses insignifiantes.
L'héroïsme de se comporter normalement, malgré la mort qui rôde, entre une mère et ses enfants. L'héroïsme des pères qui ne peuvent sauver leurs enfants de la mort tout en cherchant à garder quelque chose du rôle paternel.
En attendant la prochaine guerre
Nous tous, à divers degrés, sommes tombés dans le travers des récits héroïques qui mettent des gens ordinaires au service d'une cause et qui veulent à tout prix en faire des figures exemplaires. Nous ne comprenions pas qu'en ce faisant, nous les privions de leur droit à être reconnus pour leur héroïsme ordinaire.
Il y en aura encore qui mourront, ou qui vivront, au gré des hasards. Puis tout ce fracas finira par cesser. Alors, les commentateurs oublieront ce qui s'est passé et les écrans de télévision seront occupés par d'autres scènes, d'autres morts à d'autres endroits. Les envoyés spéciaux, les photographes et les journalistes des agences de presse partiront pour laisser au chômage technique les porte-parole et autres spécialistes ès déclarations à la presse.
Là-dessus, 1,7 million d'êtres humains sortiront la tête des nuages de fumée, de poussière et de poudre, après avoir réchappé à la mort qui frappe à l'aveugle. En attendant la prochaine guerre.
Pour conclure par une note optimisme : Tous les colonialismes du Monde ont été vaincus, nous en savons quelque chose nous, Français, avec la guerre d’Algérie… Il en sera de même en Palestine.
12 octobre 2023
Les frappes militaires disproportionnées de Tsahal contre des civils ne font que renforcer la volonté des Palestiniens de défendre leurs droits…
Olivia Zemor, fondatrice d'EuroPalestine et militante depuis plus de vingt ans pour la libération du peuple palestinien, revient sur l'occupation de la Palestine, le blocus de Gaza et la résistance palestinienne alors que les forces armées d'Israël bombardent sans relâche la zone et se préparent à l'invasion terrestre. Cette vidéo était originellement destinée à médiatiser un appel à rejoindre la manifestation en soutien au peuple palestinien ce jeudi 12 octobre, mais après son interdiction par la préfecture de police et les risques de dissolution encourus, nous avons décidé conjointement avec EuroPalestine de ne pas intégrer l'appel dans la vidéo.
Manifestation interdite en soutien à la Palestine à Paris hier soir
Cette manifestation interdite a quand même duré 2 h 12 mn 37’’ malgré plusieurs charges VIOLENTES de la Police :
Par micheldandelot1 dans Accueil le 13 Octobre 2023 à 11:38
La guerre russo-ukrainienne a réussi à nous rappeler l'existence d'un autre monde en dehors des grandes puissances et de leurs principaux alliés. Il s'agit du monde principalement composé de pays du Sud, en Afrique, en Asie et en Amérique latine, qui est devenu un acteur majeur dans les relations internationales et est désigné sous le nom de «Sud global».
La scène géopolitique d'aujourd'hui n'est pas seulement déterminée par les tensions entre les États-Unis et leurs grands rivaux, la Chine et la Russie, mais aussi par les manœuvres des puissances intermédiaires et même des plus faibles. Cette réalité appelle une réflexion approfondie sur les forces et les intérêts en conflit dans le monde d'aujourd'hui.
Le Sud global regroupe une grande majorité de la population mondiale, mais ses désirs et ses objectifs ont longtemps été ignorés dans le contexte des relations internationales. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, des coalitions telles que le Mouvement des non-alignés et le Groupe des 77 aux Nations Unies se sont efforcées de promouvoir les intérêts des pays pauvres et anciennement colonisés dans un monde dominé par les anciennes puissances impériales. Leur solidarité était basée sur des idées et des principes communs, mais les résultats n'étaient pas toujours tangibles.
Même avant la fin de la guerre froide, les questions éthiques qui ont incité ces pays à coopérer se sont progressivement affaiblies. Lorsque les accords unipolaires ont mis fin à la guerre froide, le Sud global a été largement ignoré et exclu de la scène internationale, étant considéré comme une force indigne de reconnaissance ou d'écoute. Cependant, nous assistons aujourd'hui à un retour marqué du Sud global. Ce qui est remarquable, c'est qu'il n'y a pas d'organisation complète ou de bloc cohérent dans ce nouveau contexte géopolitique, car ses influences se manifestent à travers de nouveaux et nombreux regroupements, tels que le groupe BRICS, qui cherche à s'étendre au-delà de ses membres d'origine. Son influence se manifeste également à travers les actions individuelles des États et leurs ambitions pour s'impliquer efficacement sur la scène politique.
Ces actions, motivées par leurs intérêts nationaux plutôt que par la solidarité du Sud, peuvent parfois aboutir à des résultats positifs qui servent pleinement l'entité, car elles ont commencé à restreindre le comportement des grandes puissances et à les encourager à répondre au moins à certaines des demandes du Sud global.
Dans le processus de décolonisation qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, de nombreux nouveaux pays ont rejoint les Nations Unies dans les années 1940 à 1970. C'est en 1952 que le terme «le tiers-monde» a été formulé pour désigner ces nouveaux pays.
Sauf qu'à la fin de la Guerre froide et de la chute du monde communiste, ce terme «le tiers-monde» a commencé à paraître dépassé et méprisé à l'égard des pays faibles dans le système international.
Les Nations Unies ont ensuite adopté le terme «pays en développement», et bien qu'il soit encore utilisé aujourd'hui, il montre un déclin progressif dans son utilisation. L'idée de classer les pays comme «en développement» ou «avancés» a été fortement critiquée en raison de son soutien implicite à l'idée d'un développement linéaire -c'est-à-dire la croyance que les sociétés doivent progresser continuellement pour ressembler à celles du Japon, des États-Unis et de l'Europe. Ainsi, le terme «le Sud global» est devenu le choix le plus approprié pour éviter ces critiques. Le «Sud global» s'étend sur une vaste zone, comprenant principalement (mais pas exclusivement) des pays pauvres ou à revenu moyen. Ces pays s'étendent du sud-est de l'Asie et des îles du Pacifique à l'Amérique latine.
Dans les premières décennies de la décolonisation, le concept du Sud global n'était pas clairement défini en tant qu'entité cohérente. Toutes ces nations ont été fortement influencées par l'expérience de la colonisation et leur lutte pour la liberté face à la colonisation européenne. La plupart de ces pays étaient économiquement faibles, et ils se sont unis dans des forums, des institutions, des accords et des traités visant à créer une nouvelle force politique dynamique sur la scène internationale grâce à une plateforme de coordination commune.
Par exemple, la Conférence de Bandung en 1955 pour les pays d'Afrique et d'Asie et la création du Mouvement des non-alignés en 1961 ont promu une vision de solidarité internationale axée sur la lutte contre la colonisation, la lutte contre le racisme, le soutien aux économies en développement, le rejet des armes nucléaires et la confiance envers les Nations Unies pour contribuer à maintenir la paix et à réaliser la justice dans le système international.
Malgré des améliorations significatives, il ne faut pas attendre de voir des progrès tangibles à court terme. Dans un contexte de déclin de la domination de l'unipolarité qui a suivi la fin de la guerre froide, le Sud mondial commence à retrouver de l'importance. Nous assistons à l'émergence d'un nouveau système qui repose davantage sur le réalisme que sur ce que l'on pourrait appeler l'optimisme, avec un accent marqué sur les intérêts nationaux et une augmentation du recours aux manœuvres et à la politique de puissance.
Plus important encore, les pays du Sud ne sont toujours pas entièrement satisfaits de leur niveau de représentation dans les structures de prise de décision mondiales. Cette marginalisation entre de plus en plus en conflit avec l'influence économique réelle détenue par les puissances intermédiaires, une puissance qui n'existait tout simplement pas dans les années 60.
Il est notable qu'il y a une montée en puissance des pays du Sud dans leur détermination à obtenir une indépendance stratégique et une part accrue de la puissance politique dans le système international, en particulier pour les puissances intermédiaires du Sud mondial telles que le Brésil, l'Indonésie et l'Afrique du Sud.
Certaines de ces nations sont considérées comme des sources cruciales de minéraux et de chaînes d'approvisionnement, et parfois d'innovations nécessaires à la croissance mondiale et à la lutte contre le changement climatique, ce qui leur confère un impact bien plus grand qu'elles n'en avaient au XXe siècle.
Il convient de souligner un point important : lorsque nous évoquons actuellement les nations du Sud, nous faisons référence à des pays tels que la Turquie (alliée au sein de l'OTAN) et des pays producteurs de pétrole dans la région du Golfe, tels que l'Arabie saoudite, ainsi que des nations qui étaient autrefois pauvres, comme le Chili et Singapour, qui sont devenues plus prospères.
Le chemin vers le succès n'est pas pavé de roses pour le Sud. Outre la confrontation avec la domination des grandes puissances, des obstacles internes peuvent surgir, compte tenu des vastes disparités au sein des nations du Sud et de la montée en puissance des acteurs intermédiaires. Cela soulève des questions cruciales quant à la durabilité de ce cadre géopolitique. En effet, le Sud mondial pourrait perdre de son importance en tant qu'entité géopolitique si ses membres se livrent à une concurrence directe les uns avec les autres. De plus, les conflits liés au climat pourraient aggraver cette situation, en créant des divisions entre les pays à forte empreinte carbone, comme le Brésil, l'Inde et l'Indonésie, et les pays pauvres ayant une faible empreinte carbone, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur la solidarité du Sud mondial.
Cependant, jusqu'à présent, il n'y a pas de signes évidents de concurrence majeure entre les puissances intermédiaires telles que le Brésil, l'Inde, l'Indonésie et l'Afrique du Sud. La séparation géographique entre eux et l'absence de conflits majeurs affectant leurs intérêts principaux peuvent contribuer au maintien de la coopération entre eux. La représentation et l'influence géopolitiques du Sud mondial perdureront tant qu'il refusera de permettre une influence directe sur le noyau interne des structures de pouvoir internationales.
À moins que ces nations ne se voient accorder leur juste part dans la gestion du système international, le Sud mondial restera une force de changement, exercera des pressions sur les grandes puissances, remettra en question la légitimité de certaines de leurs politiques et limitera leur domaine d'action dans les domaines clés.
Continuer à maintenir le statu quo du système mondial actuel et à résister à la réalisation d'une représentation participative dans sa gestion ne fera qu'accroître le mécontentement face aux réformes sérieuses. Par conséquent, le Sud mondial restera un acteur géopolitique influent tant que ces défis persisteront. En tenant compte de ce contexte et avec cette vision devant les dirigeants du monde , le Président Tebboune a porté la parole des peuples sans voix, appelant à l'avènement d'un nouvel ordre mondial assurant l'égalité et la coopération entre nations. Un monde où règneraient sécurité, prospérité et essor pour les populations de la planète, sous la bannière de l'ONU.
La haine anti-palestinienne, anti-arabe, anti-musulmane se déverse à flots ininterrompus sur la population occidentale, haranguée par des médias et une foule d'hommes politiques qui appellent à l'assaut de Gaza.
Les victimes israéliennes de l'offensive du Hamas sont instrumentalisées. Chacun s'y met. La campagne utilise le facteur émotionnel. Les services israéliens produisent les récits les plus abominables qui soient, qui sont aussitôt diffusés, amplifiés dans les médias occidentaux. On parle de «40 bébés décapités», de «femmes violées, égorgées, de personnes brulées vives dans les kibboutz, d'exécutions en masse» etc. Mais aucune, ou très peu d'images de ces atrocités. Ce à quoi les services israéliens, et les médias qui les suivent, répondent qu'elles sont insoutenables et que c'est la raison pour laquelle on ne les voit pas. Des doutes commencent à naitre, y compris en Occident, sur la véracité de ces informations. Cela n'est pas sans rappeler les techniques de sidération déjà utilisées et qui avaient préludé chaque fois à des interventions militaires majeures: mensonge des bébés koweitiens tués dans leur couveuse avant la guerre contre l'Irak, pseudos massacres de Benghazi avant l'intervention en Lybie, et dernièrement affaire des massacres de Boutcha en Ukraine sur laquelle pèse des doutes sérieux mais qui avait servi à libérer l'entrée en cobelligérance des États- Unis et des pays de l'OTAN.
Sur les medias occidentaux de propagande, on parle avec émotion des victimes israéliennes. On n'a pas de mot assez fort pour décrire sa peine, son indignation. Quant aux victimes palestiniennes, elles n'existent pas comme elles n'ont jamais exister pour le colonialisme occidentalo-sioniste depuis 70 ans de massacres, d'humiliations, de destruction, d'apartheid. Il n'y a de victimes innocentes, de femmes , d'enfants qu'en Israël. Le Palestinien lui, est coupable par définition, coupable d'exister.
La «Zemmourisation»
Le récit occidental sur Hamas rappelle, comme si c'était hier, le récit du colonialisme pendant la guerre d'Algérie quand on diabolisait les résistants. La propagande coloniale les appelait «les fellaghas», «les égorgeurs» de femmes, d'enfants. Il en a toujours été ainsi du récit du dominant, de l'oppresseur: diaboliser la victime, la rendre coupable de ses propres souffrances, criminaliser sa résistance, délégitimer sa défense contre l'oppression. Bernard Henry Levy, attiré comme toujours par le sang, vient sur les plateaux donner les éléments de langage, qui vont être repris partout: «il s'agit d'un pogrom, clame-t-il, contre les juifs en terre d'Israël». Peut-on imaginer phrase plus absurde, plus grande incohérence d'avoir simplement osé construire une pareille comparaison, un pareil raisonnement, plus grand délire
Mais ça marche ! la phrase a du succès. Elle est reprise. Le délire est collectif. En France, dans la droite, chez Marine Le Pen, , dans la gauche, des socialistes aux écologistes, . Seul Jean Luc Mélenchon et la «France Insoumise» sauvent leur âme. Ils osent ne pas se joindre à la meute, et murmurer qu'à la racine il y a la question palestinienne, comme Galilée disait «Et pourtant elle tourne».
Bref, la France se «zemmourise», du nom du représentant le plus extrême du courant islamophobe et xénophobe du champ politique français. Une atmosphère de terreur politique et idéologique règne. Chacun est sommé de prendre position en faveur d'Israël et de son armée aux portes de Gaza. Le ministre de l'intérieur français , Mr Gérard Darmanin, apparait avec des représentants du CRIF et d'autres associations juives sionistes militantes, qui semblent l'entourer et contrôler ses déclarations. Il proclame que» toucher à un juif c'est toucher à la République française», ce qu'évidemment il n'a jamais dit des musulmans. Il visite avec le ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal une école juive. Celui-ci donne l'ordre d'une leçon dans toutes les écoles française sur la shoah. La laïcité n'est plus qu'une feuille de vigne. Les manifestations pro palestiniennes sont interdites et celles pro-israéliennes protégées. L'antisionisme est proclamé antisémitisme et les associations soupçonnées d'antisionisme dissoutes. Le président de la République française lui-même, ainsi que divers ministres, proclament, sans aucune nuance, leur « soutien inconditionnel» à Israël. Une atmosphère de chasse aux sorcières et de remise en cause insidieuse du droit à la liberté d'expression et de pensée s'installent. La crise aiguë autour de Gaza a un effet rétroactif. L'ensemble pratiquement du système médiatico-politique français en profite pour régler de vieux comptes avec la gauche internationaliste et humaniste française sur des questions comme l'émigration, la vie dans les quartiers des populations issues de l'immigration etc.. Bizarrement les réactions semblent bien plus intenses, plus passionnelles que celles occidentales sur le conflit en Ukraine. Pourquoi ? Peut-être que parce qu'avec Israël on touche au cœur des mécanismes de domination occidentale. En tout cas, on observe comment le soutien à Israël de la classe politique française, et plus largement occidentale, tire vers le bas la démocratie occidentale ou ce qu'il en reste.
Une satisfaction étrange
Dans le récit occidentaliste sur les «atrocités de Hamas», on pourrait même déceler une sorte de joie mauvaise, de satisfaction étrange: «voilà, regardez ce que font ces assassins du Hamas», avec comme sous texte «ce que sont les Palestiniens». Le récit veut préparer d'évidence, légitimer d'avance, l'holocauste, le massacre auquel compte se livrer l'armée israélienne à Gaza et probablement ailleurs en Palestine, aux applaudissements des chantres des valeurs et de la civilisation occidentales. Mais pourquoi donc cette satisfaction étrange ? Il y a peut-être cette fois ci, comme un espoir pour l'Occident qu'il tient sa revanche, qu'il a une bataille, «une guerre», précisent les israéliens, à gagner à Gaza..
Gaza qui est là, sans défense, sans missiles, face à la lâcheté d'une aviation qui bombarde sans risque, du ciel, dans un combat sans gloire. Mais il faudra bien mettre pied à terre. Et ce sera alors une autre affaire. L'Occident israélien croit-il avoir trouvé le moment pour libérer, satisfaire tous ses instincts meurtriers sur le peuple de Gaza, victime apparemment offerte en sacrifice à toutes ses angoisses actuelles.
Israël et «l'Occident collectif « crient qu'il faut désormais éradiquer Hamas. Mais tout le monde comprend, que ce qu'on veut éradiquer, ce qu'on voudrait éradiquer, c'est en réalité, le peuple palestinien, et en finir enfin avec lui. Israël réclame aujourd'hui la solution finale, comme le faisait le nazisme pour les juifs. La boucle est bouclée. Le nazisme, enfanté par l'Occident , revient en Occident. Le sionisme retrouve spontanément les accents du nazisme. Le 9 octobre, le ministre de la défense israélien ,Yohav Gallant, le visage déformé par la haine, dit des Palestiniens qu'ils sont «des animaux humains». Il aura ainsi d'un coup, tout révélé, tout résumé, tout dit de l'état d'esprit, de la culture du sionisme et de ses alliés occidentaux. Le 10 Octobre, le président Joe Biden se trouve des accents guerriers pour appeler à l'assaut de Gaza.
Au détour d'une digression à propos d'une déclaration énigmatique du Pape François qui précisait, au retour des JMJ de Lisbonne, au début de ce mois d'août, « J'irai à Marseille, pas en France », une brève conversation a réuni quelques uns des protagonistes habitués du plateau de LCI depuis presque deux années, entièrement voués à la défense de la cause ukrainienne.
C'est ainsi qu'au détour d'une allusion à la nationalité argentine du pape, le premier de l'histoire de l'Eglise étranger à l'Europe, a-t-on tenu à préciser pour expliquer le sens de ses propos, Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur de France en Russie, a eu ce mot très surprenant : selon lui, contrairement aux autres pays d'Amérique, il n'y a pas d'Indiens en Argentine. Il a même bafouillé des mots laissant penser (sans l'affirmer distinctement, formellement) qu'il n'y en aurait jamais eu.
Certes, la population d'origine européenne, bien que très mélangée, est aujourd'hui nettement majoritaire, avec une présence italienne très prononcée. Sur les 46 millions d'Argentins (l'Algérie a presque la même superficie et le même nombre d'habitants), la population d'origine italienne est la première d'Europe (entre 1857 et les années 1940 -cf. Pew Research Center-, trois millions d'Italiens ont émigré et fait souche en Argentine).
Mais déclarer l'Argentine territoire sans maître est un vieil argument qui a servi, depuis la « découverte » et la colonisation du Nouveau Monde, de prétexte à la spoliation et à l'appropriation de toute la planète après la très relative découverte du Génois Christophe Colomb.
Quelques précisions sur des événements connus depuis longtemps, qui mériteraient d'être rappelés et portés à la connaissance de tous en Europe et en Amérique du nord où l'on continue encore de colporter des mythes tenaces.
De la « découverte de l'Amérique »
Pour une multitude de raisons, Christophe Colomb n'a rien découvert.
1.- D'abord parce qu'on ne découvre pas un continent déjà humainement occupé depuis au moins 40 000 ans.
Les fossiles humains les plus anciens remontent à une période comprise entre 12 000 et 13 000 ans avant J.-C., au moment de la fin du paléolithique et du début du néolithique en Mésopotamie. Ils ont été découverts en Amérique du Nord et du Sud notamment au Brésil, aux Etats-Unis, ou encore au Mexique. Mais on retrouve des preuves d'occupation humaine, outils en pierre, en os, ou des traces de foyer, plus anciennes, datées entre 30 000 et 15 000 ans avant J.-C.
Les hommes sont venus d'Asie et de Sibérie via le détroit de Béring alors sous la glace.
2.- Jusqu'à sa mort, C. Colomb était convaincu d'avoir rejoint les rives de l'Inde. Il nourrissait en secret le projet de retrouver, loin des rives européennes, le Paradis dont Eve et Adam avaient été chassés. Le monde était alors infiniment inconnu et donc infiniment fantasmé.
Du « Nouveau Monde » à la « Nouvelle Jérusalem », la colonisation de la planète en a fait grand commerce. C'est ainsi que le nouveau a été paré des noms de l'ancien monde, baptême actant l'appropriation, et les villes d'Europe se sont multipliées en Amérique où on a bâti des Rome, des Paris, des York, des Orléans... parfois précédé d'un « new » de distinction.
L'appropriation des mondes commence par la toponymie. Les Israéliens plus tard s'y emploieront avec application. C'est ainsi que les Pères fondateurs des Etats-Unis, débarqués du Mayflower en 1620 sont partis de Plymouth pour arriver à... Plymouth.
L'ignorance de la taille réelle de la planète Terre a rendu paradoxalement possible le projet de Colomb.
Les notes d'un de ses compagnons (Amerigo Vespucci) et surtout la sagacité d'un cartographe imaginatifs (Martin Waldseemüller) ont levé les doutes sur la réalité de l'Inde sur les plages desquelles ses caravelles ont accostées.
« Un bon indien est un indien mort »1
1492 marque le début de la naissance (nommée « Renaissance » au XIXème siècle) de l'Occident tel qu'il se reconnaît aujourd'hui. Cette date marque aussi le début de ce qu'il est difficile de ne pas nommer « génocide ».
Pour en revenir au Pape François à l'évocation de ses origines et à la non-existence d'« Indiens » dans ce pays, depuis la colonisation espagnole en Argentine, les indigènes (les « Indiens ») sont passés, en moins de trois siècles, de dizaines de millions à quelques centaines de milliers. Cette réduction quantitative ne rend que très partiellement compte de la destruction des sociétés indigènes et de leurs structures politiques, sociales, culturelles et économiques.
Ce n'est qu'en 1994 que la Constitution argentine reconnaît officiellement « la préexistence ethnique et culturelle des peuples indigènes argentins » (art. 75, al. 17).
Ne pas accorder la qualité d'« humains » à ces populations et, si besoin, les exterminer, ne procédait pas d'une conception immorale ou a-morale du monde.
Pour que l'appropriation de ces espaces soit juridiquement et moralement valide, il était nécessaire qu'ils soient déclarés sans maîtres.
Ce qui importait ce n'était pas les « indiens », c'étaient les territoires qu'ils occupaient.
Nier aux « Indiens » la qualité d'humain et donc les tenir pour des animaux avait des avantages : pouvoir les soumettre comme esclaves pour s'emparer de leurs territoires et de leurs biens. D'où leur systématique extermination.
Rappelons que c'est à la suite de la publication du rapport d'un dominicain, Bartolomeo de Las Casas2, « Très brève relation de la destruction des Indes » (1542)3 adressé à Charles Quint que fut ordonnée la tenue d'un tribunal à Valladolid en 1550, destiné à juger de ce que l'on n'appelait pas encore un génocide et du sort qui devait être celui des populations autochtones.4 Selon Las Casas, il y avait 1 100 000 autochtones en 1492 à Hispaniola et il n'en restait plus que 16 000 en 1516.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est à Saint-Dié-des-Vosges5 en 1507 que l'Amérique fut « découverte » par un cartographe et non par Christophe Colomb en 1492 à Haïti (Hispaniola). C'est là que la première carte de géographie porta le nom d'« America ».
Des Indiens de Palestine
Les fables et les légendes sont aux fondements des mythes d'origine. Napoléon s'en était gaussé. R. Debray en a exploré les diverses facettes.6
C'est en Palestine qu'Israël fut découvert à plusieurs reprises dans l'histoire. Et c'est en 1948 que les Israéliens décidèrent d'en faire le foyer de survie d'un peuple « voué à l'extermination ». Clamer que les Croisades furent une entreprise religieuse peut passer dans un cours de catéchisme. Un historien à la hauteur de sa tâche consentira à un sourire compatissant. Comme en Amérique, les « Indiens » de Palestine se posaient en obstacle à un projet qui aboutit aujourd'hui à spolier un peuple pour prétendre en sauver un autre.
Juin 1967 a été une première étape. Le grignotage progressif de l'espace par la colonisation illégale aussitôt légalisée n'a jamais cessé depuis. Les Accords d'Oslo ont été une escroquerie politique à laquelle les Palestiniens se sont prêtés, croyant que cela allait enfin leur donner le destin national dont ils rêvaient depuis 1948. Ils n'avaient pas compris que le renoncement à la Palestine historique, aussi difficile soit-il, n'était pas une fin, mais seulement une étape sur un chemin de croix que l'ancien premier ministre israélien Shimon Peres avait illustré par une formule, célèbre à l'époque chez les épistémologues et les journalistes en quête de slogans accrocheurs, « ambiguïté créatrice ».
A l'évidence, il y avait un peuple de trop en Palestine. Arafat ne semblait pas s'être rendu compte qu'il s'agissait du sien.
Le slogan, au fondement du sionisme : « une terre sans peuple pour un peuple sans terre »7 est une pétition de principe. Pas une réalité.
Les répressions violentes exercées sur les Palestiniens au début de la colonisation ont obligé des centaines de milliers d'entre eux à s'exiler vers les pays voisins (Liban, Syrie, Jordanie... voire plus loin encore). Mais des millions (réels et virtuels) sont restés soit en Israël intra-muros, soit en Cisjordanie et à Ghaza.
Faire des enfants n'est pas seulement une prescription religieuse abrahamique. C'est aussi un acte politique de résistance. En sorte que toute la question qui se posait aux autorités israéliennes (aujourd'hui pénétrées par des illuminés hirsutes) était de savoir comment faire coïncider le mythe et la réalité. Il s'agit là d'une inclination intégriste universelle, aussi dérisoire que dangereuse : réduire l'immanent au transcendant, l'incarnation de l'esprit dans la matière.
La question est plus claire ainsi posée : puisqu'on n'a pas réussi à les inciter tous à quitter la Palestine, comment les faire disparaître ? Les « Amérindiens » ont été soit exterminés, soit assimilés, christianisés ou invisibilisés.
La création d'un Etat Palestinien bien contrôlé par Israël aurait été la meilleure solution pour l'Etat hébreux, juif si l'on veut. E. Barnavi n'a pas tort de vilipender le gouvernement israélien de Netanyahu. « L'attaque du Hamas résulte de la conjonction d'une organisation islamiste fanatique et d'une politique israélienne imbécile » écrit-il dans un papier publié dans Le Monde du dimanche 08 octobre.8
Naturellement, divisée en deux, la géométrie de cet Etat aurait fait problème avec celle d'Israël : la convexité de l'un est incompatible avec la convexité de l'autre.
Les techniques empruntées à l'Afrique du sud de l'apartheid ne sont d'aucun secours.
Vendredi 07 octobre 2023. Le retour du refoulé.
Presque comme une fatalité, l'opération des combattants palestiniens était inévitable.
A l'échelle mondiale, les médias occidentaux unanimement s'indignent et reprennent à leur compte la description qu'en a faite le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant : « J'ai ordonné un siège complet de la bande de Gaza. Pas d'électricité, pas de nourriture, pas de gaz, tout est fermé. Nous combattons les animaux humains et nous agissons en conséquence ».9 Une seule logique, à usage interne, la disparition du « Mal » et de l'abomination non-humaine. Non-humaniser pour occire en accord avec le Décalogue et en bonne conscience avec la morale chrétienne (qui a tant à se faire pardonner) fait pencher la Bible de plus en plus vers l'Ancien Testament. Le ministre de la défense israélien est parfaitement cohérent. Electeurs, sympathisants, politiques et combattants de Ghaza sont dans le même sac. Ils sont collectivement responsables de l'attaque déclenchée samedi contre Israël. Ils en assumeront donc les conséquences.
Ils vont tous subir la colère de l'armée d'un Etat désormais constitutionnellement juif qui ne se cache plus de réaliser un très vieux projet de règlement « définitif » du problème palestinien et, ce faisant, d'occupation et d'appropriation des territoires.
J. Biden en campagne, n'ignore pas le poids du lobby sioniste américain, y est allé de son « mal à l'état pur », « une sauvagerie jamais vue depuis la Shoah ».
L'attaque du 07 octobre a rendu caduque les projets du passé et invite à une réinitialisation complète de la lecture des conflits du Proche-Orient. Les événements de ce samedi 07 octobre et ses prolongements en cours redistribuent les cartes géopolitiques de la région et rendent hypothétique et opaque son avenir à court terme.
Avec l'intrusion de milliers de combattants palestiniens, la première fois en soixante-dix ans, sur le territoire israélien pour faire des centaines de victimes, le gouvernement israélien joue plus que son existence. C'est le courant qui irrigue le projet sioniste qui risque d'y laisser des plumes.
Depuis des décennies, Israël est pacifié. Les colonies s'implantent et se développent à l'abri d'un Mur de plus en plus haut et de plus en plus étanche et sous la protection d'une armée qui proclame tous les jours sa puissance technologique et son invincibilité. Mais avec les événements en cours, qui désormais serait assez imprudent pour oser faire son alyah et « monter » sans péril en Israël ?
C'est ce à quoi s'attelle l'opération militaire impitoyable enclenchée par le gouvernement israélien : rétablir coûte que coûte l'image (irréversiblement écornée) de l'inviolabilité de l'espace d'Israël.
Ce qui est en jeu relève à la foi du sacré, de la vengeance aveugle, de la mercatique (la crédibilité de l'industrie militaire israélienne en a été affectée) et de la géopolitique sioniste. Les Israéliens victimes de l'opération palestinienne comptent de nombreux binationaux venus d'Amérique du nord et d'Europe.
Les Israéliens sont pris dans une contradiction insolvable, ingérable. Ils ne peuvent consentir ni à l'existence des Palestiniens, ni à leur assimilation, ni à leur extermination comme en Amérique où la « Conquête de l'Ouest » a fait disparaître les populations « natives », quoi qu'il en reste.
Si la vengeance peut satisfaire une frange de l'opinion israélienne, elle ruinerait par ses effets contreproductifs la « légitime défense » brandie par ses auteurs. De nombreuses voix s'élèveraient, malgré la violence du « terrorisme » du Hamas, même en Israël pour le condamner et en refuser les excès. Aussi grande soit la puissance, elle ne peut trouver en elle-même sa raison. L'intelligence de sa conception ne peut ignorer l'intelligence de son usage.
Il n'est plus possible, comme jadis dans le Far West, à Madagascar ou dans l'Oubangui-Chari, d'effacer des populations entières à l'abri du regard d'un monde qui change avec des rapports de forces qui évoluent comme on a pu l'observer à propos de la crise ukrainienne.
Aujourd'hui, dans un monde hypermédiatisé où rien ne se passe sans qu'un smartphone n'en capture les images, il n'est plus possible de faire disparaître subrepticement des millions d'êtres humains encombrants.
Demain est toujours d'actualité
On ne peut formuler la moindre solution à cette tragédie sans revenir aux conditions initiales et considérer la causalité de ce problème sans issue apparente.
L'existence d'Israël, telle qu'elle se manifeste aujourd'hui, par-delà les observations lucides d'un Shlomo Sand10, ne relève ni du sacré, ni de la « mémoire » et sans doute peu de l'histoire.
Les historiens et archéologues israéliens me font penser aux chrétiens, tel le jésuite Teilhard de Chardin, acharnés à conforter scientifiquement des manifestations de Dieu. Le Vatican et les Saint Père, entourés d'une Académie Pontificale instruite de ces vaines entreprises, se sont toujours gardés de chercher un quelconque crédit dans la raison pour affermir la foi. Toutes les élucubrations concernant, par exemple, le Saint Suaire, ont confirmé leur réserve sage et avisée.
Dieu n'est pas un objet de savoir positif.
Il est à craindre que les fouilles dans et autour de Jérusalem pour attester et démontrer des a priori transparents, ne débouchent au mieux que sur des truismes ou de la mauvaise... foi.
Trois facteurs principaux associés sont à l'origine d'Israël et de l'intérêt stratégique que revêt son existence aujourd'hui :
1.- Un contexte géopolitique : la naissance de l'Union Soviétique en 1917 et ses conséquences en Europe dès l'après première guerre mondiale : l'avènement du fascisme en Italie au début des année 1920 et du nazisme en 1933, reflètent la peur d'un bolchévisme déferlant sur le continent et sur le monde.
Au Proche Orient avec ses principales composantes (Turquie, Iran, Arabie Saoudite), la naissance d'Israël va représenter l'un des piliers les plus solides d'un containment d'une portée stratégique majeure.
2.- Deux contextes géoéconomiques. Pour ce qui est des réseaux de communication, cette région met en contact trois continents, une multitude de mers, un océan (indien) et des routes maritimes est-ouest. L'ouverture du Canal de Suez en 1869 va en accroître l'importance. A cette géographie on peut ajouter les détroits. Celui du Bosphore joue aujourd'hui le rôle primordial qui est le sien dans la crise ukrainienne et confère à la Turquie une dimension qui n'a pas échappé à son président. Aux réseaux de transport s'ajoute une richesse, une matière première autour de laquelle s'est organisée l'économie mondiale et qui a fait l'actualité politique et diplomatique de cette région depuis plus d'un siècle. Des millions de victimes ont été immolées pour son contrôle.
Hors de ces considérations, il est impossible de penser Israël qui aurait pu d'ailleurs être créé comme certaines conjectures l'avaient laissé imaginer, en Amérique du sud ou en Sibérie.
Le peuple juif n'a-t-il pas mesuré le danger que les Neturei Karta (regroupés au sein de la Edah Haredit), ont dès 1938 identifié à incarner son destin en un Etat, une monnaie, une immanence fugace et périlleuse ?
Notes :
1- Mot d'ordre du major-général Ph. Sheridan chargé de la «tactique de la terre brûlée» détruisant directement les «Amérindiens» en les massacrant et indirectement en les affamant avec l'abattage systématique de millions de bisons.
2- Son procès en canonisation ne fut ouvert qu'en octobre... 2002 soit 436 ans après sa mort.
3- Editions Mille et une nuits. 1999, 143 p.
4- La « Controverse de Valladolid » a été l'occasion d'exposer les termes d'un débat qui ne s'est jamais refermé depuis. Cf. le film éponyme réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe en 1992.
5- Chaque année un festival international de géographie (FIG) y commémore depuis 1990 cette « découverte ».
6- « Critique de la raison politique » Gallimard, 1981, 473 p.
7- 1839 : Lord Shaftesbury achète une pleine page dans le Times et publie un article appelé The State and rebirth of the jews, dans lequel il s'adresse aux monarques protestants d'Europe et y suggère le retour des juifs pour récupérer la Judée et la Galilée ainsi que le mot d'ordre «une terre sans peuple pour un peuple sans terre». Il écrira une lettre en ce sens au Ministre des affaires étrangères britannique Lord Palmerson. Le slogan sera repris 3 ans plus tard par le révérend écossais Alexander Keith après un séjour de quatre ans en «Terre Sainte». (Wikipedia, consulté le 10 octobre 2023).
8- Imbécile et incompétent : « Car enfin, comment l'armée la plus puissante de la région, l'une des premières au monde nous assure-t-on, comment des services secrets aussi performants, capables de localiser un chef terroriste au troisième étage à gauche dans un immeuble qui en compte trente, ont-ils été incapables de voir venir le coup, puis de le prévenir ? » ajoute-t-il.
9- Totalitarisme médiatique. Le reste du monde a, , instantanément disparu. Les catastrophes naturelles au Maroc, en Libye, en Inde... la perte arménienne du Nagorny-Karabakh, le conflit ukrainien... ont cessé d'exister. Péniblement, le président ukrainien tente d'universaliser la nocivité russe et d'établir un lien entre
10- «Comment la terre d'Israël fut inventée. De la Terre sainte à la mère patrie.» Flammarion, Champs, histoire, 2012, 424 p.
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