Ils s’appellent Mourad El Ghoul ou Mourad El Rhoul, Mohammed Bellahrach, Larbi ouaara, Younes Idrissi et Salem Mrani. Leur photo a été revélé en 2014 par le hacker français Chris Coleman. Elle avait pour commentaire : « Photos des cadres de la DGED ».
Mohammed Bellahrach est l’homme tant recherché par les services de sécurité de la France et la Belgique. C’est lui qui a monté le coup des fiches « S » à l’aéroport de Paris Orly.
En Belgique, il est soupçonné d’avoir recruté le réseau italien d’Antonio Panzeri qui se trouve actuellement en prison.
C’est ce qu’on appelle la diplomatie du caviar. C’est la technique avec laquelle, depuis au moins 20 ans, l’Azerbaïdjan attire et attire à ses côtés des journalistes, des fonctionnaires européens, des députés, etc., de divers forums internationaux. Ainsi obtient-il silence sur le caractère autocratique du régime, silence sur l’absence de liberté de la presse et d’opinion ; au contraire, il recueille des éloges exubérants pour les choix éclairés et généreux du président Ilham Aliyev et de son épouse vice-présidente, souvent et volontiers en salopette camouflée. A quoi sert ce gaspillage d’œufs d’esturgeon ? Transformer l’agression planifiée contre la république indépendante du Haut-Karabakh, peuplé d’Arméniens, dans une marche triomphale dans l’inertie totale de l’opinion publique et des institutions occidentales. Il en fut exactement ainsi, lorsqu’en septembre 2020, pendant 44 jours, puis à nouveau en septembre dernier, pendant moins d’une semaine, l’armée azérie, aidée par des mercenaires turcs et syriens, envahit et massacra facilement des Arméniens dans la certitude de ne pas être sanctionné par n’importe quel État du monde.
Le cocktail fascinant de caviar et de gaz pêché dans la mer Caspienne a stupéfié les sensibilités humanitaires de la planète jusqu’à il y a un instant. La découverte d’une corruption flagrante menée par le Qatar fait exploser les couvercles des bocaux Beluga fabriqués à Bakou. Les Suédois ont commencé. Pour être précis, le site de contre-information et d’enquêtes Blankspot.se. Il a pointé du doigt l’étrange changement de vision du monde de deux éminents eurodéputés, dirigeants d’une commission décisive pour financer les « villages intelligents » qui font la fierté écologique des Azerbaïdjanais. Rasmussen Canback et Sasha Duerkop avaient observé les mouvements, en particulier ceux de ceux qui ont soudainement renversé leur jugement sur l’Azerbaïdjan. Par exemple. L’eurodéputé allemand Engin Eroglu (groupe Renew, les Macroniens) s’était fait un nom en déposant systématiquement des résolutions critiquant la dictature.
BAISER AU PANTOUFLE Le 14 septembre, à l’ouverture du Parlement européen, Erogluil s’était vivement opposé à Ursula von der Leyen pour son voyage à Bakou où elle avait embrassé la pantoufle du dictateur Ilham Aliyev. Un peu de temps passe et il jure qu’il n’a prononcé « aucun mot critique contre l’Azerbaïdjan ». Deux semaines plus tard, le voici en Azerbaïdjan avec une importante délégation. A ses côtés, il y avait le parlementaire slovène Franc Bogovic du groupe chrétien-démocrate. De nombreux collaborateurs avec des vols payants, des séjours inconnus, des cadeaux non déclarés. Entrevues avec les médias locaux, visites triomphales de villes et de villages. Le but principal du voyage de la délégation était de visiter les villages intelligents susmentionnés, dans la région de Zangilan : hé, juste dans les zones que le régime d’Aliyev a repris de force aux Arméniens du Haut-Karabakh en 2020. Soyons honnêtes : le territoire appartient formellement à l’Azerbaïdjan. Alors terre azerbaïdjanaise à part entière ? Il ya un problème. C’est ce qu’on appelle l’autodétermination des peuples. Les Arméniens qui y vivaient depuis des siècles à la chute de l’URSS ont pris le contrôle de la région (1992).
Après 30 ans et beaucoup de diplomatie caviar, l’Azerbaïdjan a abandonné les pourparlers de paix de l’OSCE parrainés par les Nations Unies. Il a envahi le Haut-Karabakh. Une action que Freedom House a définie « une inspiration pour l’invasion de l’Ukraine par la Russie ». L’Azerbaïdjan a abandonné les négociations de paix de l’OSCE voulues par les Nations Unies. Il a envahi le Haut-Karabakh. Une action que Freedom House a définie « une inspiration pour l’invasion de l’Ukraine par la Russie ». L’Azerbaïdjan a abandonné les négociations de paix de l’OSCE voulues par les Nations Unies. Il a envahi le Haut-Karabakh. Une action que Freedom House a définie « une inspiration pour l’invasion de l’Ukraine par la Russie ».
Revenons aux deux eurodéputés. Quelle magnifique reconversion. Il devait y avoir de la magie. En février, ils avaient voté pour condamner la destruction massive des vestiges chrétiens depuis septembre 2020. Désormais, ils réclament une vigoureuse amitié européenne avec les vandales. Auparavant, les Suédois avaient démontré le pouvoir des fausses nouvelles gérées par le palais présidentiel de Bakou pour dissimuler les horreurs azéries et les rejeter sur les Arméniens avec d’énormes essaims de tweets.
LE GAS NODO Bravo les Scandinaves. Ce n’est pas un problème pour eux : ils n’ont pas besoin du gaz sur lequel flotte l’Azerbaïdjan. L’Italie, en revanche, le fait. Toucher le dictateur Ilham Aliyev même avec une houppette risquerait de gâcher les approvisionnements en méthane dont nous avons besoin si nous voulons éviter l’arrêt du chauffage des maisons et la fermeture des usines. Pourtant même la Grèce, qui comme nous bénéficie du Tap, a passé des mots non pas pour blâmer Bakou, mais pour permettre un geste humanitaire. C’est du moins ce qu’on attend du Quirinal et du Gouvernement, imitant les paroles du Pape qui n’a même pas mentionné les États et les ethnies, mais seulement le lieu où quelque chose d’atroce se passe. « Caucase du Sud, couloir de Lachin ». Il y a 120 000 Arméniens du Haut-Karabakh(en Artsakh arménien), dont 30 000 enfants, emmurés sans vivres, carburant, médicaments dans un petit territoire dont la seule voie de communication avec l’Arménie et le reste du monde est barrée. C’est le couloir de Lachin, bloqué pendant 12 jours par les militants d’un incroyable mouvement écologiste azerbaïdjanais, inventé par l’imagination du régime, sous prétexte d’empêcher le vol d’or et de cuivre de la terre sacrée azérie (en réalité ce sont les lieux ancestraux de la civilisation arménienne). Avez-vous lu à ce sujet quelque part? Allez Géorgie. Comme l’a écrit Soljenitsyne : « Un mot doux brise les os », libère les petits garçons.
Antonio Rinaldi dans Controcorrente ne mâche pas ses mots : le Mes ne peut pas être ratifié. L’eurodéputé de la Ligue a été très clair et devant les caméras, il a dit comment les choses se passent réellement : « Le Mes ne peut pas être ratifié car il a une vulnérabilité ».
L’Italie est le seul pays qui n’a pas encore ratifié le fonds de sauvetageprévue par l’Union européenne. Le Premier ministre Giorgia Meloni a prêté serment solennel à Porta a Porta, devant Bruno Vespa : « L’Italie n’accèdera jamais au Mes, je peux signer avec le sang ». Mais le Premier ministre a ouvert la possibilité d’une ratification pour mettre le pays au pas avec ses partenaires européens. Cependant, Rinaldi explique très clairement sa position à la télévision : « Le Mes a une vraie vulnérabilité pour laquelle il ne sera pas possible de ratifier – a déclaré l’eurodéputé de la Ligue Antonio Rinaldi – Le problème est que le Save States Fund a été conçu avant Covid et la guerre en Ukraine, c’est pourquoi il a été conçu à un moment où les conditions générales étaient très différentes de celles d’aujourd’hui, bref les conditions du pacte de stabilité ont radicalement changé. Et alors que devons-nous faire ? Accepter quelque chose qui est déjà devenu obsolète ? ».
Et l’Union européenne elle-même a fait savoir que l’Italie est très libre de ne pas utiliser le Mes, à condition toutefois que la ratification ait lieu . Une question dont le Parlement devra bientôt se saisir.
Paix conclue entre Selvaggia Lucarelli et Salvo Sottile . Le juré de Danse avec les stars , après la finale pleine de polémique, a tenu à remercier le journaliste. C’est lui, parmi les rares, qui a pris la défense du chroniqueur, protagoniste incontesté de l’édition 2022 de l’émission Rai 1. Dans Selvaggia Lucarelli, chacun devrait pouvoir parler sans se faire huer ni interpeller dès l’ouverture de son bouches », écrit Sottile sur Twitter où il poursuit : « Je trouve l’isolement et le ridicule de ses collègues du jury encore plus tristes qu’au lieu de s’associer les provoqués en permanence et traités comme un corps étranger ».
Puis la référence à leurs désaccords passés : « Et quelqu’un le dit qui il y a de nombreuses années quand il a fait Dancing Wild a massacré Lucarelli. Mais quand ça suffit, ça suffit « . Cependant, les querelles ne se sont pas limitées à Dancing . Avant cela, en 2012, les deux se sont affrontés sur Twitter. La raison? Le flop d’audience de Quinta Colonna , dans l’épisode où il y avait l’interview exclusive de Francesco Schettino sur le naufrage du Costa Concordia.
La principale cause, selon l’animateur de l’émission diffusée sur Canale 5, était à rechercher dans le grand « boycott » qui a eu lieu à travers le hashtag #iononguardoSchettino . D’où la question et la réponse passionnées avec Lucarelli. Mais maintenant, c’est de l’eau sous les ponts.
Selon Olivero Toscani , tous les sportifs sont des « crétins émérites ». La phrase qui fait polémique est liée à l’histoire de Cherif Traorè qui aurait reçu une banane en cadeau de ses coéquipiers, une affaire de racisme qui a choqué le monde du sport. Et Toscani, commentant ce qui s’est passé, a déclaré: « Ceux qui ont donné la banane des crétins émérites, comme tous les sportifs ».
Eh bien, la toute dernière partie de cette phrase prononcée par Toscani a rendu furieux le président du Comité olympique italien, Giovanni Malagò . En fait, le président de Coni a répondu en nature à la phrase de Toscani en défendant tous les sportifs qui ne sont pas « idiots »: « Je crois que les phrases qu’il a prononcées le qualifient plutôt que de discréditer un secteur qui a toujours été une source de fierté pour le pays L’épisode malheureux impliquant Cherif Traoré est le fils d’une barbarie culturelle inacceptable, à contrer en faisant justement appel aux valeurs du sport et en isolant ceux qui mènent des actions et des attitudes éloignées de la logique sur laquelle elles se fondent.
Il est inacceptable que la condamnation d’une circonstance déplorable soit devenue la raison d’une attaque aveugle contre notre monde. Nous ne pouvons pas permettre à ce monsieur d’outrager un mouvement qui pendant des années a photographié dans de nombreuses expressions avec des considérations vulgaires ». Bref, le choc est ouvert, mais certainement les paroles de Toscani ont déclenché un véritable tremblement de terre dans le monde du sport.
Il s’intitule « Plan d’action pour le Parlement européen » et constitue une communication « confidentielle » de la mission du Royaume du Maroc auprès de l’UE. L’ambassadeur Menouar Alem propose au ministère des Affaires étrangères à Rabat une opération détaillée qui vise à « promouvoir les intérêts du Maroc » au sein du Parlement européen. Un plan détaillé qui prévoit la collecte « d’activités d’information, de promotion et de lobbying ». Le document est daté du 4 janvier 2013, près de dix ans avant l’enquête du parquet belge sur certains hommes politiques, accusés d’avoir été soudoyés par les services secrets de Rabat, pour influencer les décisions du Parlement européen. Un groupe qui pour les enquêteurs est dirigé par Pier Antonio Panzeri, député européen du Parti démocrate (puis de l’Art.1) jusqu’en 2019. Les enquêtes commencent cette année-là, mais toute une série de documents classifiés pourraient antidater le début de cette histoire d’au moins une décennie. Le nom de l’homme politique italien, en effet, est mentionné à plusieurs reprises dans certains câbles mis en ligne depuis 2015 : il s’agit des Maroc-leaks, qui révèlent les manœuvres de lobbying menées dans le monde entier par Rabat. Et cela pourrait expliquer pourquoi en 2019, après avoir terminé son mandat d’eurodéputé, Panzeri reste à Bruxelles où il a créé l’ONG Fight Impunity, qui s’est retrouvée au centre de l’enquête des magistrats belges.
Le Snowden du Maghreb – Pour mettre en ligne les fuites Maroc, c’est un anonyme jamais identifié, connu sous le nom de « Chris Coleman »: il pourrait s’agir d’un fonctionnaire infidèle de Rabat, d’un Edward Snowden du Maghreb ou du résultat d’une manœuvre des services algériens (comme le prétendent les marocains). L’authenticité des câbles, cependant, n’est pas en cause, après de nombreuses enquêtes journalistiques. Aussi parce qu’il n’a jamais été contesté par le gouvernement marocain. Qui, comme il ressort et est confirmé par les documents, est l’auteur d’un plan de lobbying visant à influencer les choix des plus hautes institutions communautaires sur le dossier du Sahara occidental, pomme de discorde entre le royaume chérifien, qui a pris possession par la force en 1976 de l’ancienne colonie espagnole, et l’Algérie, qui soutient le mouvement indépendantiste sahraoui à distance de sécurité, le Front Polisario. Mais l’activité des Marocains est également très vigilante sur le front des accords commerciaux avec l’UE, qui en 2020 valaient plus de 35 milliards d’euros par an.
« Panzeri nous a assuré de notre soutien » – Les négociations qui mèneront à l’accord de libre-échange débuteront en 2013, la même période au cours de laquelle les Marocains étudient leur plan d’action top secret. C’est un résumé des outils « d’information, de promotion et de lobbying », lis-on, que le Royaume d’Afrique du Nord mettra en place pour « la promotion des intérêts du Maroc au Parlement européen en 2013 ». Les missions sont indiquées par points, le nom de Panzeri vient au premier paragraphe, où il propose de « soutenir les prochaines échéances maroco-européennes » en intensifiant les réunions, séminaires et transferts. Le responsable de l’ambassade de Bruxelles précise que Panzeri, chef de la délégation du Parlement européen pour le Maghreb, « a salué ces initiatives et nous a assuré de son soutien dans la mise en œuvre ». Le plan s’articulera autour du groupe d’amitié UE-Maroc et de la commission parlementaire mixte UE-Maroc.
Un plan marocain sur le Parlement européen date de 2013 – Le plan explique également qu’avant le rapport sur les droits de l’homme au Sahara occidental, l’eurodéputé britannique Charles Tannock « appelle à la vigilance ». « La Mission a déjà lancé une action de mobilisation et de pression sur le rapporteur susmentionné. Une autre approche a été menée par l’intermédiaire du député européen Jean Roata (France, PPE, membre du groupe d’amitié), récemment nommé vice-président de la sous-commission des droits de l’homme du PE. Dans ces derniers points, les instruments de la diplomatie parlementaire et traditionnelle se recoupent : « Nos ambassades sont invitées à entretenir des liens réguliers avec les députés européens des pays membres de l’UE ainsi qu’avec les partis dont elles sont membres afin de les sensibiliser régulièrement au partenariat Maroc-UE et anticiper les actions de nos opposants ». Une « coalition » parlementaire maroco-européenne est alors prévue qui « peut fonctionner comme un réseau de pression composé de députés européens, de députés européens, de députés et de conseillers marocains, afin de défendre les intérêts suprêmes du Royaume ». Enfin, noir sur blanc, il est question de la création d’une agence de lobbying interne : « Elle contribuera à renforcer l’influence du Maroc au sein des institutions de l’UE, en particulier du PE. Une telle agence pourrait agir à l’appui de l’action diplomatique et parlementaire ».
« L’ambiguïté constructive de Panzeri » et le voyage « couverture » à Tindouf – le voyage « bluffant » de Panzeri. Parmi les câbles, il y a aussi la « préparation » d’un voyage de Panzeri, conçu pour être une sorte de voyage de couverture. C’est en octobre 2011, l’ambassadeur Alem annonce que l’Italien se rendra à Tindouf en Algérie, où il y a des camps pour les réfugiés sahraouis. Selon la note, avant de partir, un « conseiller » de Panzeri a rencontré un diplomate marocain en marge d’une plénière à Strasbourg. Le premier a un message pour le second. Les analystes de Rabat notent : « La visite est essentielle pour renforcer la crédibilité de Panzeri vis-à-vis de l’Algérie et du Polisario, étant donné qu’il est accusé d’être pro-Maroc. Il n’est pas dans l’intérêt du Maroc que Panzeri soit perçu de cette façon. » Le conseiller de Panzeri garantit également que l’eurodéputé « n’évoquera pas l’autonomie avec le Polisario, et qu’il ne fera pas de déclaration en ce sens. Il n’écoutera que les interlocuteurs ». Selon l’ambassadeur du Maroc, Panzeri « est très conscient de la sensibilité de sa visite et fait un effort important pour se justifier ». Il promet « de tenir la mission informée de l’évolution de son programme ». Mais surtout, peut-on lire dans le document, les développements récents doivent être inclus dans la poursuite d’un travail méthodique entamé par Panzeri dès les premiers mois qui ont suivi son élection à la tête de la délégation maghrébine. La note souligne « l’ambiguïté constructive » utilisée par Panzeri envers les différents partis, une attitude qui « démontre un agenda politique à long terme ». Et, surtout, il est souligné que l’eurodéputé peut être à la fois « un allié de poids » et un « adversaire coriace ». De ce point de vue, poursuivent les diplomates mrocchini, « les développements récents démontrent, dans la ligne politique de Panzeri, une continuité rarement observée chez d’autres députés européens ». Dans tous les cas, concluent-ils, le député doit être « préparé » et doit avoir au moins un entretien avec certains gestionnaires pour être « informé de manière appropriée ».
« L’ambiguïté constructive de Panzeri » et le voyage « couverture » à Tindouf – le voyage « bluffant » de Panzeri. Parmi les câbles, il y a aussi la « préparation » d’un voyage de Panzeri, conçu pour être une sorte de voyage de couverture. C’est en octobre 2011, l’ambassadeur Alem annonce que l’Italien se rendra à Tindouf en Algérie, où il y a des camps pour les réfugiés sahraouis. Selon la note, avant de partir, un « conseiller » de Panzeri a rencontré un diplomate marocain en marge d’une plénière à Strasbourg. Le premier a un message pour le second. Les analystes de Rabat notent : « La visite est essentielle pour renforcer la crédibilité de Panzeri vis-à-vis de l’Algérie et du Polisario, étant donné qu’il est accusé d’être pro-Maroc. Il n’est pas dans l’intérêt du Maroc que Panzeri soit perçu de cette façon. » Le conseiller de Panzeri garantit également que l’eurodéputé « n’évoquera pas l’autonomie avec le Polisario, et qu’il ne fera pas de déclaration en ce sens. Il n’écoutera que les interlocuteurs ». Selon l’ambassadeur du Maroc, Panzeri « est très conscient de la sensibilité de sa visite et fait un effort important pour se justifier ». Il promet « de tenir la mission informée de l’évolution de son programme ». Mais surtout, peut-on lire dans le document, les développements récents doivent être inclus dans la poursuite d’un travail méthodique entamé par Panzeri dès les premiers mois qui ont suivi son élection à la tête de la délégation maghrébine. La note souligne « l’ambiguïté constructive » utilisée par Panzeri envers les différents partis, une attitude qui « démontre un agenda politique à long terme ». Et, surtout, il est souligné que l’eurodéputé peut être à la fois « un allié de poids » et un « adversaire coriace ». De ce point de vue, poursuivent les diplomates mrocchini, « les développements récents démontrent, dans la ligne politique de Panzeri, une continuité rarement observée chez d’autres députés européens ». Dans tous les cas, concluent-ils, le député doit être « préparé » et doit avoir au moins un entretien avec certains gestionnaires pour être « informé de manière appropriée ».
Le vote sur la pêche et le père de Michel entre amis – Comment le ministère marocain des Affaires étrangères suit et tente d’influencer les décisions du Parlement européen est bien décrit dans une communication « cryptée » du 5 décembre 2013. Il est toujours envoyé par l’ambassadeur en poste à Bruxelles, Alem. Le document porte sur le vote pour l’approbation du protocole entre le Maroc et l’Union européenne sur la pêche qui se tiendra en plénière à Strasbourg cinq jours plus tard et qui est proche de Rabat parce que, entre autres, il fournit un financement de l’UE au Maroc à hauteur de 30 millions d’euros par an. L’ambassadeur dit avoir envoyé une lettre à certains interlocuteurs jugés « pertinents », comme les membres du groupe ALDE, qui « semblent divisés » sur le sujet. « Compte tenu des positions contradictoires », écrit-il, « le groupe pourrait décider d’un « vote libre ». La mission diplomatique s’appuie fortement sur le rôle prépondérant de nos deux amis au sein de l’ADLE, Annemie Neyts et Louis Michel. Ce dernier est l’ancien vice-Premier ministre de Belgique, député européen et père de l’actuel président du Conseil européen Charles Michel. Le câble arrive presque immédiatement dans le chapitre « contacts pour les positions des députés italiens ». L’ambassade s’inquiète des « positions ambiguës et imprévisibles » de certains d’entre eux. La rapporteure du protocole est l’Espagnole Carmen Fraga Estévez, qui cette semaine – rapporte le diplomate – a rencontré Raffaele Baldassarre, ancien eurodéputé de Forza Italia (décédé en 2018), et Giovanni La Via, qui venait alors de passer de Forza Italia à la NCD. « M. Baldassarre – lisons-nous – a promis de sensibiliser les députés Rivellini et Antinoro (Enzo Rivellini, ex-Fi aujourd’hui Fdi, et Antonello Antinoro, ancien UDC aujourd’hui à Noi con l’Italia, ndlr), qui se sont abstenus lors du vote en commission de la pêche ». Le câble fait également référence à l’habituel Panzeri, avec lequel l’ambassadeur dit avoir eu des contacts, « l’invitant à sensibiliser les Italiens pour un vote positif sur le protocole ». L’activité de sensibilisation ne se déroule pas toujours comme le souhaitent les Marocains : si Panzeri et La Via votent en faveur de l’accord sur la pêche, Baldassarre s’abstient, Rivellini n’est pas présent, tandis qu’Antinoro vote même contre. Quoi qu’il en soit, le protocole a été approuvé par 310 voix pour, 204 contre et 49 abstentions.
Amis et ennemis : c’est ainsi que Rabat a classé les « méchants » – D’après les câbles, il s’avère que les Marocains ont également classé les méchants, c’est-à-dire les politiciens qui étaient les ennemis de leurs intérêts. En avril 2014, l’ambassadeur adjoint à Bruxelles Mounir Belayachi affirmait avoir déjoué la tentative de certains opposants d’ouvrir une enquête par le Parlement européen, après le rejet d’une délégation d’élus à Casablanca. A identifier (avec fiche détaillée et photo) est le représentant des valeurs de l’Italie Niccolo Rinaldi : sa faute est d’avoir demandé, lors d’une réunion de l’ADLE, de soulever la question lors de la conférence des présidents qui a le pouvoir d’intervenir sur les agendas de la plénière. Les hommes de Rabat ont toutefois alerté à temps que les institutions européennes « n’ouvrent pas d’enquête » officielle, mais qu’elles se limitent à envoyer une lettre aux autorités marocaines. Ils se disent également prêts à proposer une visite parlementaire officielle, mais « la composition et la date de cette mission » devront être « coordonnées avec les autorités marocaines ». Bref, pour démanteler l’intervention de Rinaldi, tout le corps diplomatique bouge et travaille pour un résultat complètement opposé. Et c’est ici que, l’ambassade, rapporte l’intervention d’une série d’« interlocuteurs amicaux » qui « ont contribué substantiellement à compromettre les objectifs de cette initiative hostile ». Et non seulement Panzeri est mentionné, mais aussi le Français Joseph Daul (PPE) et l’Allemand Elmar Brock (S&D). « Ils ont joué un rôle décisif » puis l’Espagnol Ignacio Salafranca (PPE), les Belges Annemie Neyts et Frédérique Ries (toutes deux ADLE), définis comme « amis et proches de cette mission diplomatique ». La note se termine par la promesse d’«informer » de la décision finale de la Conférence des présidents des groupes politiques. Bref, la liste des amis du Maroc ne s’arrête pas aux Italiens. Depuis au moins une décennie.
Une figure de l’ombre dans le scandale de la corruption au Qatar est un espion marocain, qui aurait été connu des autorités françaises et espagnoles.
Un agent des services secrets marocains, identifié comme Mohamed Belahrech, est apparu comme l’un des principaux acteurs du scandale de corruption au Qatar qui a ébranlé les fondations du Parlement européen. Son nom de code est M118, et il fait le tour des agences d’espionnage européennes depuis des années.
Belahrech semble au centre d’un réseau complexe qui s’étend du Qatar et du Maroc à l’Italie, la Pologne et la Belgique. Il est soupçonné d’avoir participé à d’intenses efforts de lobbying et à des allégations de corruption visant des députés européens ces dernières années. Et il s’avère qu’il est connu des services de renseignement européens depuis un certain temps.
Rabat est de plus en plus sous les projecteurs, alors que l’attention s’élargit au-delà du rôle du Qatar dans les allégations de corruption des députés européens , qui ont vu la police belge saisir du matériel et plus de 1,5 million d’euros en espèces lors de perquisitions dans au moins 20 maisons et bureaux.
Le ministre belge de la Justice, Vincent Van Quickenborne, a fourni la semaine dernière une indication à peine voilée que le Maroc était impliqué dans l’enquête. S’adressant aux législateurs belges, il a fait référence à « un pays qui, ces dernières années, a déjà été mentionné… en matière d’ingérence ». Il est entendu qu’il s’agit du Maroc, puisque le service de sécurité de Rabat a été accusé d’espionnage en Belgique, où il existe une importante diaspora de Marocains.
Selon le quotidien italien La Repubblica et le belge Le Soir , Belahrech est l’un des maillons reliant l’ancien eurodéputé Pier Antonio Panzeri aux services secrets marocains, la DGED. L’homme politique italien Panzeri est actuellement en prison, faisant face à des accusations préliminaires de corruption dans l’enquête visant à déterminer si le Maroc et le Qatar ont acheté de l’influence au Parlement européen.
Dans une cache de câbles diplomatiques marocains divulgués par un hacker en 2014 et 2015 (et vus par POLITICO), Panzeri est décrit comme » un ami proche » du Maroc , « un allié influent » qui est « capable de lutter contre l’activisme croissant de nos ennemis au Parlement européen.
Les enquêteurs examinent maintenant à quel point un ami Panzeri était proche du Maroc. La demande belge d’extradition de l’épouse et de la fille de Panzeri, qui seraient également impliquées dans le scandale de corruption, mentionne des « cadeaux » d’Abderrahim Atmoun, l’ambassadeur du Maroc à Varsovie.
Pendant plusieurs années, Panzeri a partagé la présidence de la commission parlementaire mixte UE-Maroc avec Atmoun, un diplomate chevronné soucieux de promouvoir les intérêts du Maroc dans la bulle bruxelloise.
Mais on soupçonne maintenant qu’Atmoun recevait des ordres de Belahrech, qui est « un homme dangereux », a déclaré au Soir un responsable au courant de l’enquête . C’est sous la direction de Belahrech que Panzeri aurait scellé son association avec la DGED marocaine après avoir échoué à se faire réélire au Parlement en 2019.
Belharech pourrait également être la clé pour percer l’un des mystères persistants du scandale du Qatar : la piste de l’argent. Une demande d’extradition belge vue par POLITICO fait référence à un personnage énigmatique lié à une carte de crédit donnée aux proches de Panzeri – qui est connu comme » le géant « . La spéculation tourbillonne quant à savoir si Belahrech pourrait être ce géant.
Les nombreuses vies d’un espion marocain
Belahrech n’est pas un débutant dans les cercles d’espionnage européens – les médias font remonter sa présence à plusieurs affaires d’espionnage au cours de la dernière décennie.
L’homme de Rabat a d’abord attiré l’attention des autorités à propos de prétendues infiltrations de mosquées espagnoles, qui ont abouti en 2013 à l’expulsion du directeur marocain d’une organisation islamique en Catalogne, selon le quotidien espagnol El Confidencial .
Belahrech aurait été chargé de diriger des agents dans les mosquées à la demande de la DGED, tandis que sa femme était soupçonnée de blanchiment d’argent via une agence de voyages basée en Espagne. Le réseau a été démantelé en 2015, selon El Mundo .
Peu de temps après, Belahrech est réapparu en France, où il a joué un rôle de premier plan dans une affaire de corruption à l’aéroport d’Orly à Paris.
Un agent marocain, identifié à l’époque sous le nom de Mohamed B., aurait obtenu jusqu’à 200 dossiers confidentiels sur des suspects de terrorisme en France auprès d’un agent des frontières français, selon une enquête publiée dans Libération .
L’officier, qui a été détenu et soumis à une enquête officielle en 2017, aurait fourni des informations confidentielles concernant des personnes figurant sur des listes de surveillance terroristes – et d’éventuelles personnes d’intérêt transitant par l’aéroport – à l’agent marocain en échange de vacances quatre étoiles au Maroc.
Les autorités françaises n’auraient pas porté plainte contre Belahrech, qui a disparu lorsque son réseau a été démantelé. Selon un responsable français au courant de l’enquête, Belahrech coopérait avec la France à l’époque en fournissant des renseignements sur les questions de contre-terrorisme, et a été relâché pour cette raison.
Les agents des services secrets marocains peuvent agir en tant que fournisseurs de renseignements pour les agences européennes tout en coordonnant simultanément les opérations d’influence dans ces mêmes pays, ont déclaré à POLITICO deux personnes familières avec la coordination des services de renseignement. Pour cette raison, les pays européens ferment parfois les yeux sur des pratiques qui pourraient être qualifiées d’ingérence, ont-ils ajouté, tant que cela reste discret.
Contactés, les services de renseignement de France, d’Espagne et du Maroc n’ont pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.
Quant à Belahrech : Cinq ans après son incursion en France, le mystérieux M118 est de retour sous les projecteurs, ce qui soulève des questions sur sa relation continue avec les réseaux de renseignement européens.
Le logiciel d’espionnage également utilisé par Rabat. Il s’agissait d’intervenir, mais sans donner l’impression de travailler pour l’ennemi.
Il y a une histoire, au sein de Qatargate, qui est plus importante que les autres. Il en est ainsi parce que, selon les termes d’un haut responsable de nos services de renseignement, « il s’agit de l’un des cas d’espionnage les plus criants, je dirais même le plus criant, qui se soit jamais produit dans l’Union européenne ». Une affaire dans laquelle l’Italie, ou plutôt « les Italiens », jouent un rôle tellement important qu’en ces heures, l’Italie vérifie qui et quels rôles elle a joués dans la pièce. Parce que notre sécurité nationale est aussi en jeu, bien sûr.
L’histoire est celle du programme Pegasus, un logiciel israélien qui aurait été utilisé par des dizaines de gouvernements pour espionner des hommes politiques, des journalistes et des militants dans le monde entier. Y compris en Europe. Le parquet belge, comme le montrent les documents que Repubblica a pu consulter, affirme que l’une des principales raisons pour lesquelles le Maroc a décidé d’intervenir et de soudoyer le groupe Panzeri était de contrôler le dossier Pégasus : trop d’intérêts en jeu pour rester en dehors du jeu.
Tout a commencé en mars 2022 lorsque le Parlement européen – par 635 voix pour, 36 contre et 20 abstentions – a décidé d’instituer une loi sur l’utilisation de Pegasus et d’autres logiciels espions de surveillance. Elle l’a fait après la publication de plusieurs enquêtes journalistiques documentant la façon dont certains pays étrangers, dont le Maroc, ont utilisé le logiciel pour espionner en Europe : ce sont précisément les services secrets de Rabat qui sont accusés dans l’enquête d’avoir utilisé le logiciel pour espionner le téléphone du président de la France, Emmanuel Macron.
L’ouverture d’une enquête spécifique par le Parlement a inquiété les Marocains pour deux raisons : à cause de l’endroit où elle pourrait mener et, surtout, à cause des conséquences. Ils devaient savoir en temps réel ce qui se passait afin de pouvoir éventuellement prendre des contre-mesures. Pour cela, du moins la façon dont l’accusation reconstitue l’affaire, ils font un geste. Ou plutôt trois, « Ils poussent à l’accession du député Andrea Cozzolino à la commission parlementaire spéciale », « étant donné l’implication publique du Maroc dans ce dossier ».
Il s’agissait d’intervenir, mais sans donner l’impression de travailler pour l’ennemi.
Et, non contents, ils placent également deux autres personnes du groupe : « la vice-présidente Eva Kaili et l’eurodéputée belge Marie Arena ». La tâche qui leur est confiée est, selon la reconstruction des Belges, précise. Intervenir, mais sans jamais donner l’impression de travailler pour l’ennemi. L’équipe travaille au service de la DGED, le service marocain, et de son numéro un, Yassine Mansouri, qui a rencontré directement Cozzolino à au moins une occasion. Et en deux Panzeri : « Dans ce contexte, note la police belge, l’équipe italienne opère avec une discrétion qui va au-delà de la simple prudence. Éviter d’apparaître trop ouvertement pro-marocain au sein du Parlement. Utilisation du langage codé ». Parmi les documents saisis chez Francesco Giorgi, qui était l’assistant de Cozzolino, figurent des notes avant les réunions envoyées à Panzeri réunion après réunion. Que voulaient savoir exactement les Marocains ? Et encore / peuvent-ils être sûrs que Pegasus n’a pas été détourné par le groupe, sur des cibles italiennes, pour d’autres intérêts ? Précisément dans notre pays, il existe un précédent embarrassant. « En Italie », écrit la Commission parlementaire dans le rapport publié ces derniers jours, après l’éclatement du scandale, et acquis par la police belge, « il existe un cas d’utilisation de Pegasus : l’ancien Premier ministre et président de la Commission européenne Romano Prodi aurait été ciblé avec Pegasus. Prodi était l’envoyé spécial de l’ONU au Sahel, concernant la libération du Sahara occidental, un territoire entre le Maroc et la République arabe. Selon les informations, ce sont les services secrets marocains qui ont surveillé le téléphone de Prodi ». Des amis « des Italiens », en somme.
Deux ans après l’établissement de relations diplomatiques avec Israël, le Maroc peine à faire accepter à sa population le rapprochement avec cet État. Pour tenter de surmonter l’obstacle, le royaume fait appel à l’histoire commune entre les deux peuples.
C’est l’une des rares photos des Lions de l’Atlas que les autorités marocaines n’auront pas mise en valeur. Après la victoire contre l’Espagne en huitième de finale de la Coupe du monde de football au Qatar, l’équipe nationale marocaine pose fièrement sur le terrain du City Stadium. Entre les mains du défenseur Jawad El Yamiq, un drapeau de la Palestine, brandi fièrement. Depuis le début du tournoi disputé pour la première fois sur une terre arabe, les références à la Palestine sont nombreuses, notamment chez les supporteurs. Mais la symbolique est encore plus forte lorsque la cause est brandie par les joueurs du premier pays arabe à atteindre les quarts de finale de la plus grande compétition de football et dont le gouvernement est l’un des principaux moteurs de la normalisation avec Israël.
Le royaume du Maroc est en effet l’un des six pays arabo-musulmans à avoir officiellement noué des relations diplomatiques avec Israël (avec la Jordanie, le Bahreïn, l’Égypte, le Soudan et les Émirats arabes unis) au terme d’un accord tripartite signé avec les États-Unis, qui ont de leur côté reconnu la marocanité du Sahara occidental. À la suite de cet accord, de nombreuses promesses de coopération sont signées dans des domaines divers et variés.
COOPÉRATION MILITAIRE ET JUDICIAIRE
Sur le plan militaire, les dispositions de l’accord de défense qui lie Rabat à Tel Aviv prévoient entre autres le transfert et la vente d’armes entre les deux alliés. À la mi-juillet 2022, les deux pays ont consolidé leur alliance stratégique et militaire à l’occasion du déplacement au Maroc du chef d’état-major de l’armée israélienne, Aviv Kochavi. Depuis quelques mois, la presse israélienne a relayé plusieurs informations sur la signature de contrats de transfert d’armement israélien au profit de l’armée marocaine, portant notamment sur le système de défense aérienne et antimissile Barak MX ou le système de défense anti-drone Skylock Dome.
Si aucune de ces ventes n’a été confirmée par des sources officielles, le constructeur israélien Bluebird AeroSystems Ltd, filiale du groupe Israel Aerospace Industries, a annoncé en septembre avoir livré 150 drones WanderB et ThunderB à l’armée marocaine, pour des missions dites « Istar » — intelligence, surveillance, target acquisition, reconnaissance — de surveillance des frontières et de soutien de l’artillerie. Point d’orgue de ce travail d’équipe, une partie de ces drones sera construite sur le sol marocain, selon le site d’information marocain Le Desk (le 20 septembre). « On est dans une course à l’armement, explique le professeur Aboubakr Jamai de l’Institut américain universitaire d’Aix-en-Provence (France) ; d’une part le Maroc est officiellement en guerre depuis la rupture du cessez-le-feu avec le Polisario en décembre 2020, d’autre part l’Algérie a une capacité d’armement supérieure au Maroc et ce dernier veut se mettre à niveau ».
D’un point de vue judiciaire, la coopération a été scellée par la signature d’un protocole d’accord entre le ministre de la justice israélien Gideon Saar et son homologue marocain, Abdellatif Ouahbi. Elle vise un « partage d’expertise » et « une modernisation des systèmes judiciaires grâce à la numérisation », selon un communiqué conjoint. Les deux parties prévoient aussi de lutter de concert contre le crime organisé, le terrorisme et la traite humaine. « Ces liens juridiques ont toujours existé, commente Jamal Amiar, l’auteur de Le Maroc, Israël et les juifs marocains, (Bibliomonde, novembre 2022). Les affaires civiles des juifs marocains sont jugées par la loi juive, les tribunaux marocains sont basés sur la charia et le code Napoléon, alors pour se marier, divorcer, hériter… les juifs passent par la Torah. C’est quelque chose qui est intégré depuis des centaines d’années ».
Enfin, le pouvoir entend développer la filière touristique entre les deux pays. Depuis la normalisation, quatre vols hebdomadaires font l’aller-retour entre Israël et Marrakech. Selon le porte-parole du Conseil touristique régional de Marrakech, cité par Média24 (18 novembre 2022), ce marché constitue une « manne extraordinaire » pouvant atteindre « le million de visiteurs dans les cinq ans à venir ». De quoi relancer, espèrent certains, une économie largement basée sur le tourisme, en berne depuis la crise du Covid et les confinements successifs Au-delà de la normalisation, « il y a un approfondissement des relations entre les deux pays », analyse Aboubakr Jamai.
La présence persistante de la Palestine
Pour autant, malgré ces accords et pour tenir compte de la sensibilité populaire, le palais marocain prétend toujours porter la cause palestinienne, chère au cœur de sa population. Le 29 novembre 2022, à l’occasion de la journée internationale de la solidarité avec le peuple palestinien, le souverain Mohamed VI adressait un message de « soutien constant et clair à la juste cause palestinienne et aux droits légitimes du peuple palestinien ». Dans son texte adressé à Cheikh Niang, président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, le souverain rappelle son attachement au « droit à l’établissement de son État indépendant ayant Jérusalem-Est pour capitale, et vivant côte à côte avec l’État d’Israël, dans la paix et la sécurité ».
Mais ces quelques déclarations ne suffisent pas à combler la différence de points de vue entre le pouvoir et la population. Seuls 31 % des Marocains interrogés par l’institut de sondage Arab Barometer se disent favorables au rapprochement avec Israël. « Accords d’Abraham ou pas, il y a une solidarité arabe sur la Palestine, analyse la chercheuse Khadija Mohsen-Finan, et un fossé entre les actions des classes dirigeantes et la réaction du public ».
Ce fossé, les autorités marocaines en sont parfaitement conscientes. Lors de la visite d’une grande délégation israélienne en juillet, le ministre israélien de la coopération régionale Issawi Frej rencontrait le ministre marocain de la jeunesse et de la culture Mehdi Bensaïd pour élaborer un programme d’échanges culturels entre jeunes Marocains et Israéliens. « Avec le ministre Bensaïd, nous allons œuvrer pour rapprocher les citoyens et les deux sociétés », déclarait-il. Quelques mois plus tard, du 5 au 7 décembre, le think tank américain Atlantic Council organisait à Rabat la N7 Initiative, un forum regroupant les pays arabes ayant normalisé leurs relations avec Israël ces dernières années. L’objectif ? Parler éducation et coexistence. Selon William Wechsler, directeur de la branche Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’Atlantic Council, il s’agit de « trouver des idées ensemble pour convaincre les populations des bienfaits des relations avec Israël ».
Au Maroc, le défi n’est pas mince. Pour convaincre, le royaume doit montrer la spécificité de sa relation avec Israël et le rapport historique entre les juifs et le Maroc. Contrairement aux autres pays arabes, les juifs venus du Maroc n’ont pas coupé les liens avec la terre de leurs ancêtres. Il existe 800 000 juifs d’origine marocaine très attachés à leur culture d’origine.
Si cette frange de l’histoire n’a jamais été oubliée au Maroc, elle est de plus en plus mise en valeur depuis la signature des accords en décembre 2020. Les 30 novembre et 1er décembre 2022, la compagnie Habima du Théâtre national d’Israël a joué pour la première fois dans un pays arabe, au théâtre Mohamed V à Rabat. Deux semaines plus tard à Marrakech, l’association des Disciples d’Escoffier (une association de chefs cuisiniers qui promeut la gastronomie à travers le monde) organisait un repas de chabbat avec des chefs marocains, israéliens et français, en hommage à la gastronomie judéo-marocaine. « Il y a beaucoup de choses qui nous séparent, mais autour d’une table on se rend compte de tout ce qui nous rassemble », confie Lahcen Hafid, chef des cuisines de l’hôtel Ritz à Paris, et président des disciples d’Escoffier Maroc. La gastronomie judéo-marocaine incarne les liens culturels et familiaux qui nous unissent ».
Ces liens familiaux sont utilisés par les autorités marocaines. Toujours à Marrakech, le festival de l’Automnale a choisi de mettre en lumière le temps d’une soirée le parcours des émigrés marocains partis en Israël peu après sa création. Pour cela, les organisateurs ont projeté le documentaire Tinghir-Jérusalem de Kamel Akchar dans le théâtre de la très chic M Avenue. « Le film parle d’exil, d’arrachement à la terre, mais surtout d’une époque où juifs et musulmans jouaient aux cartes ensemble sans que personne ne se pose la moindre question », explique le réalisateur. Vues par 4 millions de Marocains lors d’une diffusion télévisuelle en 2013, les histoires racontées par Kamel Akchar lui ont valu des moments difficiles au Maroc. « Une frange islamiste et panarabiste de la société m’a accusé de faire le jeu d’Israël, se défend-t-il, alors que je suis pour la solution à deux États, mais surtout que je n’ai fait que parler des miens. Ce qu’il fallait que les gens comprennent, c’est que notre culture commune nous unit au-delà des questions politiques. Je veux qu’on normalise avec notre histoire et une part des nôtres ».
Autre manière de mettre en valeur les liens forts entre les deux États, le concert lors de ce même festival de l’Automnale de Marrakech de la chanteuse israélienne Neta El Khayem. Cette artiste issue de la vague d’émigration marocaine en Israël du milieu du XXe siècle a renoué avec ses racines via sa musique et chante en darija. « Le dialecte marocain m’est très cher : c’était la langue de mes grands-parents ; aujourd’hui en Israël quand on entend l’arabe on a peur, et moi je ne veux pas avoir peur de mes origines », explique-t-elle. « Le pouvoir cherche à montrer que la normalisation s’inscrit dans une continuité historique, explique Khadija Mohsen-Finan. Et qu’elle ne signifie pas que le Maroc est du côté de l’ennemi historique. »
Mais cette mise en avant des liens culturels pourrait entraîner des conséquences inattendues. Dans cette partie du monde, avoir de bonnes relations avec Israël permet d’acquérir une crédibilité aux yeux des Occidentaux, et notamment des États-Unis. « On achète une tranquillité en quelque sorte », souligne Aboubakr Jamaï. Mais faire porter à la dimension hébraïque, qui est réelle, la responsabilité du rapprochement avec Israël, c’est faire porter au judaïsme les crimes du sionisme ». Le danger serait de voir la population marocaine confondre judaïsme et sionisme et donc de glisser de l’antisionisme à l’antisémitisme.
C’est aussi la question du timing qui interroge. Alors que la culture judéo-marocaine est millénaire, la mettre en avant à un moment où la droite radicale est de retour au pouvoir à Tel Aviv risque de mettre en porte à faux les autorités marocaines. « La culture commune est utilisée comme paravent pour justifier les manœuvres diplomatiques, je pense que c’est très dangereux » conclut-il.
Après la demi-finale France-Maroc, penchons-nous sur l’histoire qui lie nos deux pays à travers les épisodes de sa colonisation jusqu’à son indépendance. C’est par le dernier acte de la monarchie du roi Charles X (1757-1836), entraînant la conquête de l’Algérie, en juillet 1830, que le destin de la France va rencontrer celui du Maroc, une rencontre qui commença par un conflit.
En effet, le sultan du Maroc, Abderrahmane (1778-1859), se laissa entraîner, en 1844, dans une lutte contre la France conduite par l’émir Abdelkader El-Djezairi (1808-1883), désireux de contrer la présence européenne sur le sol subsaharien. Ce conflit, connu comme la guerre franco-marocaine, s’acheva par le bombardement de la ville de Tanger ainsi que la victoire, à la bataille d’Isly, des troupes françaises menées par le général Bugeaud (1784-1869), alors gouverneur de l’Algérie.
Défait, le sultan du Maroc demanda la paix qui fut signée lors du traité de Tanger, le 10 septembre 1844, par lequel les vaincus reconnaissaient la présence française en Algérie et cessaient tout soutien officiel à Abdelkader. Mais ce traité permit aux autres puissances européennes, dans leur politique de colonisation de l’Afrique, de pouvoir s’installer sur le territoire marocain. En effet, ils pouvaient désormais y établir de nombreux comptoirs commerciaux et grignoter peu à peu les terres des sultans qui succédèrent à Abderrahmane. Le phénomène fut même accepté et légalisé par le sultan Hassan Ier (1836-1894) lors de la conférence de Madrid en 1880 permettant aux pays européens de posséder des terres marocaines, concédées avec l’accord du souverain marocain, et mettant fin à l’indépendance de ce royaume placé, de façon informelle, sous le contrôle de l’Europe.
Grâce à cet accord, le pays maghrébin s’ouvrit plus facilement au reste du monde. Ainsi le français Charles de Foucauld (1858-1916) réussit, avec l’aide du rabbin Mardochée Aby Serour (1826-1886), à cartographier, pour la première fois, certaines régions d’un pays mal connu et autrefois inaccessible aux étrangers et encore plus aux chrétiens. Ce travail valut au futur saint la médaille d'or de la Société de géographie de Paris, le 9 janvier 1885, ainsi que les Palmes académiques à la Sorbonne.
Mais la présence, de plus en plus importante, des Européens, notamment français et espagnols, sur le sol marocain fit monter un courant d’hostilité et entraîna l’assassinat de plusieurs personnes suspectées d’être des espions. Le meurtre du docteur Émile Mauchamp (1870-1907) poussa la France à faire occuper, en représailles, la ville d’Oujda par le général Lyautey (1854-1934).
La situation fut telle que le sultan Abdelaziz (1881-1943), jugé trop indulgent envers les Européens, est renversé par son frère Abdalhafid (1876-1937). Pourtant, ce dernier dut demander, à contrecœur, l’aide de son adversaire français, en 1911, en raison du soulèvement des différentes tribus qui composent le Maroc et qui assiègent le souverain, à Fès. Libéré par l’armée française, Abdalhafid accepta de signer, le 30 mars 1912, le traité de Fès, faisant du Maroc, non pas une colonie, mais un protectorat. C’est-à-dire un régime dans lequel un État protecteur contrôle un État protégé qui garde son autonomie politique intérieure.
Le pays fut alors placé sous l’administration du général Lyautey, nommé commissaire-résident général de la France au Maroc et qui s’efforça de moderniser le protectorat en le dotant d’infrastructures dignes de rivaliser avec certaines nations européennes ainsi que de nouvelles zones agricoles et voies de communication comme ce qu’avait pu faire la France en Algérie. Cette situation d’apparence paisible malgré quelques soulèvements dura jusqu’au début des années 1950. En effet, la Seconde Guerre mondiale ayant affaibli l’Europe, l’émergence du concept du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes permit la naissance, au sein du Maroc, d’un esprit d’indépendance et de liberté auquel le sultan Mohammed V (1909-1961) apporta son soutien, au risque d’être déchu, en 1953, de son trône par les autorités françaises. Ces dernières finirent par le rappeler au pouvoir en 1955 afin de procéder à la déclaration de l’indépendance du Maroc, le 2 mars 1956, et clôturant ainsi un chapitre de l’histoire franco-marocaine.
C’est par l’union de ce passé commun, jugé bon ou mauvais, que la France et le Maroc entretiennent aujourd’hui des relations apaisées.
Illustration : le général Lyautey remettant la Légion d'honneur au caïd El Glaoui et à son frère (Marrakech, octobre 1912).
Le football et, de façon plus générale, le jeu sont chez Nabil Ayouch, comme ici dans cette scène des Chevaux de Dieu, des vecteurs d’affirmation de soi dans une société de la marge où seuls la violence et les larcins semblent être la solution pour ne pas se faire marcher dessus (Stone Angels)
Le football est très populaire au Maroc ainsi que dans la plupart des pays du Maghreb, d’Afrique et du monde arabe. Les origines sociales souvent modestes des joueurs professionnels participent de la popularité de ce sport et des rêves que cela engendre.
Les premiers films marocains post-indépendance le montrent bien, tant ils regorgent de scènes où des personnages du « petit peuple » s’adonnent à ce sport dans la rue ou visionnent un match à la télévision ou dans un stade.
Le Stade d’Honneur ou stade Marcel Cerdan (aujourd’hui stade Mohammed V) de Casablanca, érigé par Achille Dangleterre en 1953, apparaît dans le court métrage expérimental Six et douze (Mohammed Abderrahman Tazi, Majid Rechich et Ahmed Bouanani, 1968).
Le symbole de modernité que constitue ce stade est souligné par de très beaux plans sur les lignes et courbes des gradins et de la tribune en béton, de style brutaliste.
Dans Le Facteur (Hakim Noury, 1980), les inégalités de classes sont au centre du récit et les décors participent de cette intention.
Ainsi, toujours au Stade d’Honneur, le héros Ali assiste à un match de foot (dont les images sont celles, réelles, d’un match de la Coupe du Trône 1978-79). Mais ce plaisir, trop rare dans sa morne vie, lui est gâché par les molestations d’un supporter mécontent.
Le même Stade d’Honneur est au centre d’un court métrage de commande réalisé en 1984 par Ahmed Bouanani, Complexe sportif Mohammed V de Casablanca, malheureusement introuvable.
Lorsqu’il n’apparaît pas dans leurs films, le football est évoqué dans les photographies de certains cinéastes-photographes marocains, tels Daoud Alouad-Syad ou Ilias El Faris, souvent par l’intermédiaire de prises de vue d’enfants ou de jeunes adultes s’exerçant à ce sport dans des espaces publics, urbains comme ruraux.
La nostalgie, chez Aoulad-Syad, et la fougue d’une certaine jeunesse contemporaine, chez El Faris, teintent ces photographies aussi superbes que touchantes.
Les jeunes joueurs marginaux de Nabil Ayouch
Les personnages d’enfants des films de Nabil Ayouch sont très souvent, d’une manière ou d’une autre, des marginaux et s’adonnent régulièrement à diverses activités ludiques qui leur permettent, notamment, une reconfiguration du monde réel dont ils se tiennent à l’écart mais qu’ils ne cessent jamais d’observer de loin.
À ce titre, au début d’Ali Zaoua, prince de la rue (2000), la caméra saisit des enfants en situation de rue en train de jouer au foot, avec un ballon crevé, sur un terrain vague situé dans la périphérie de Casablanca. Entre la grande ville et eux se dresse un grillage qui évoque les barreaux d’une prison.
Il n’est pas anodin que le football, plus que tout autre sport, soit largement représenté dans le cinéma d’Ayouch, et ce, des tout premiers plans de son court métrage LesPierres bleues du désert (1992) jusqu’aux Chevaux de Dieu (2012), en passant notamment par Ali Zaoua.
Les jeunes personnages de ces films semblent préférer les sports collectifs aux sports individuels.
Intégrer une équipe de football, pour eux, semble ne pas revenir à se liquéfier dans une masse, mais au contraire à consolider une existence qui ne peut s’affirmer qu’à travers les connexions entre cette existence et les autres (comme cela est également le cas avec les réseaux sociaux ou les téléphones portables).
À ce titre, la séquence d’ouverture des Chevaux de Dieu, où l’on voit une bande d’enfants jouer au football sur un terrain vague jouxtant Sidi Moumen, montre ensuite l’un de ces enfants menacer les autres de les frapper avec une chaîne s’ils ne cessent de malmener son petit frère.
Le football et, de façon plus générale, le jeu deviennent ainsi, chez Ayouch, des vecteurs d’affirmation de soi dans une société de la marge où seuls la violence et les larcins semblent être la solution pour ne pas se faire marcher dessus.
Il convient néanmoins de revenir sur le jeune héros des Pierres bleues du désert qui, se désintéressant totalement des autres enfants de son village ainsi que de leurs matchs de foot auxquels il ne participe pas, parvient à imposer son désir propre et à s’extraire de ce groupe pour, enfin, acquérir une liberté et une émancipation qui lui permettent d’exaucer son rêve.
Les outsiders de Faouzi Bensaïdi
Le film collectif Short Plays (2014) a été conçu dans le cadre de la Coupe du monde 2014 et réunit 32 courts métrages venant du monde entier. Faouzi Bensaïdi réalise l’un de ces courts métrages, intitulé Outsiders.
Bensaïdi avait envie de retrouver ses trois acteurs de Mort à vendre mais aussi ses trois personnages. Ce qui l’intéressait également était de proposer un petit fragment de leur vie d’avant les événements du film. Outsiders se déroule donc avant Mort à vendre.
Chaque cinéaste participant avait pour consigne de s’emparer de l’une des règles du football – le corner, le tir au but, le coup franc... – et d’imaginer une petite histoire autour de cette règle.
Quand Bensaïdi a été contacté, certains cinéastes déjà engagés sur le projet avaient choisi quelques-unes de ces règles. Parmi les restantes, il a retenu celle du hors-jeu.
Ses personnages, au lieu de jouer au foot, volent des ballons et en font un petit commerce. Ils sont dans la marge du foot tout autant que de la société, comme dans Mort à vendre : quand ils veulent entrer dans le « grand jeu » du banditisme, ils finissent par rester dans le hors-jeu.
Bensaïdi reprend ainsi cette idée dans le cadre du football, ce qui lui permet de faire davantage d’humour. D’une façon plus générale, ses films mettent souvent en scène des personnages de marginaux, hors du système, jamais dedans et toujours dehors.
Les losers et les gamins espiègles de Hicham Lasri
Lors de la rencontre Maroc-Portugal à la Coupe du monde de football du 11 juin 1986, le policier Daoud est envoyé surveiller un pont sous lequel le roi Hassan II pourrait passer dans la journée.
L’histoire de HEAdbANG LULLABY (2017) tient beaucoup à cœur à Hicham Lasri car elle raconte aussi une partie de son enfance. En 1986, il y avait en effet cette Coupe du monde où le Maroc était parvenu à aller jusqu’en huitième de finale, ce qui constituait un événement très positif dans le pays, d’autant que pour une fois il n’y avait rien de politique ; c’était seulement du sport.
Cela a fait rêver les Marocains dans un espace où il n’y a généralement pas beaucoup de place pour le rêve.
Dans ce climat d’euphorie, Lasri essaie ainsi de tisser une espèce de huis clos tragicomique à ciel ouvert, avec ce flic, bêtement posé sur son pont, qui va croiser des gens qui vont lui apprendre deux ou trois choses sur la vie.
Les enfants de Lasri se montrent frondeurs vis-à-vis des adultes violents. Ainsi, le petit garçon de Jahilya (2018) fait tourner en bourrique son père qui le malmène en le punissant par des procédés aussi drolatiques que perfides : il urine dans ses bottes, lui brûle la plante des pieds durant sa sieste ou l’incite à frapper dans un ballon avec lequel il a dissimulé un piquet, enfoncé dans la terre, qui tord le pied de l’adulte.
Cette scène venge symboliquement le gamin de HEAdbANG LULLABY : joué par le même jeune comédien que dans Jahilya, l’enfant se faisait injustement crever son ballon de foot par Daoud. Par l’intermédiaire du foot, ces enfants rebelles et espiègles semblent ainsi incarner l’espoir de lendemains plus sereins.
Réalités et fictions
Depuis les années 2000 et surtout 2010, de nombreux films documentaires pour la télévision sont produits autour de personnalités et d’équipes de football marocaines, masculines comme féminines.
Certaines fictions pour le grand écran proposent également d’évoquer différents pans de l’histoire du football au Maroc.
Ainsi, en 2011, Driss Mrini consacre un biopic à la « Perle noire » Larbi Ben Barek, considéré comme l’un des meilleurs footballeurs du Maroc et du monde.
Intitulé Larbi ou le Destin d’un grand footballeur, ce biopic au titre programmatique cède malheureusement à toutes les facilités de scénario et de mise en scène.
Académique, il tombe dans l’hagiographie et prouve une fois de plus que les grands sujets n’aboutissent pas toujours à de grands films.
Retenons davantage l’audacieuse proposition de Narjiss Nejjar avec son deuxième long métrage, Wake Up Morocco (2006) ; justement dédicacé à Larbi Ben Barek.
L’histoire est celle d’un vieux footballeur qui, isolé sur son îlot, vit avec sa petite-fille et rêve de cette finale qu’il aurait pu gagner s’il n’avait pas passé la nuit avec une femme.
Devenue vieille et habitant le même îlot, cette dernière rêve toujours de lui.
L’idée de Wake Up Morocco vient à Narjiss Nejjar au moment de l’annonce par le président de la FIFA, en 2004, de l’Afrique du Sud en tant que pays organisateur de la Coupe du monde 2010. La réalisatrice rêve d’une victoire du Maroc en finale de cette édition et nous entraîne dans ses fantasmes.
Plusieurs plans de matchs de foot, avec de véritables joueurs de l’équipe nationale (dont Walid Regragui, aujourd’hui sélectionneur) se situent au stade Mohammed V qui, en dehors du film institutionnel d’Ahmed Bouanani, n’a jamais été autant mis à l’honneur que dans ce long métrage.
Le scénario, la mise en scène et le montage sont pensés de telle sorte à faire progressivement et subtilement passer de l’évocation d’un rêve à son exaucement, spectaculaire et épique : le Maroc en finale ! Un vrai film de cinéma, art du rêve et de la foi par lequel tout s’avère possible, non sans poésie ni émotion.
Wake Up Morocco relève officiellement de l’uchronie. Au regard de ce qui s’est joué pour le Maroc à la Coupe du monde 2022, il semblerait cependant que la réalité ait – presque – fini par prendre le pas sur la fiction…
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Roland Carrée est docteur en Études cinématographiques de l’université Rennes 2 et enseignant-chercheur en cinéma à l’École supérieure des arts visuels de Marrakech (ESAV). Il est également intervenant pédagogique et conférencier en cinéma pour l’Institut français du Maroc, et directeur artistique de la Fête du cinéma de Marrakech. Il intervient régulièrement au Maroc et en France autour du cinéma (conférences, formations et festivals) et publie des études de films et des entretiens, notamment pour les revues Éclipses et Répliques. Ses travaux portent essentiellement sur le cinéma marocain, le cinéma d’animation et l’enfance à l’écran. Il rédige actuellement, avec Rabéa Ridaoui, son deuxième livre, consacré à la ville de Casablanca vue par le 7e art.
Le parcours de l’équipe nationale du Maroc dans cette Coupe du monde de football est pour le moins exaltant. Emmenés par l’entraîneur d’origine marocaine Walid Regragui, né en région parisienne et qui a pris ses fonctions il y a seulement trois mois, les Lions de l’Atlas ont dépassé toutes les attentes en battant trois anciennes puissances coloniales européennes, et affrontent la France pour les demi-finales.
Des séances de prière de masse en Indonésie aux célébrations dans les rues de la Somalie et du Nigeria, l’équipe marocaine a conquis le cœur de millions de personnes, Africains, Arabes, musulmans et migrants qui tous s’identifient d’une manière ou d’une autre à cette équipe. Les images perdureront : les jeux de jambes du meneur de jeu Hakim Ziyech, le milieu de terrain Sofian Amrabet — surnommé « ministre de la défense » — et ses accélérations, et l’étreinte d’après-match du capitaine de l’équipe Achraf Hakimi envers sa mère, laquelle travaillait comme domestique à Madrid tout en élevant ses enfants. Mais pour les Marocains, c’est aussi la prise de contrôle des stades qataris qui a captivé le monde : les tambours pulsés, les castagnettes et les chansons élaborées. Un chant fait sauter des dizaines de milliers de personnes, « Bougez ! Bougez ! Li ma bougash, mashi Maghribi » (Bouge, bouge ! Si tu ne bouges pas, tu n’es pas marocain). Les mèmes les plus largement diffusés au Maroc ont été des clips de joueurs et de l’entraîneur s’exprimant en darija (arabe vernaculaire marocain) lors des conférences de presse, et toute la perplexité et l’hilarité que cela a provoqué chez les observateurs occidentaux et arabes. En important la culture des stades marocains à Doha, cette Coupe du monde a également amené le darija sur le devant de la scène mondiale et des débats hyperlocaux sur la langue marocaine et l’identité nationale.
Les commentateurs arabes de foot constituent généralement une ligue à eux seuls, et lors de cette Coupe du monde, ceux de la chaîne qatarie de beIN Sports basée à Doha n’ont pas déçu. Le Tunisien Issam Chaouali est incroyablement éloquent, poétique, voire un peu trop parfois, avec ses multiples références littéraires et historiques. Il a été au top de sa forme pour couvrir ce qu’il appelle « la Coupe du monde des équipes africaines et asiatiques ». Un moment, il fait référence à Charlemagne et aux conquérants musulmans d’Espagne, puis il cite William Shakespeare — enfin, en quelque sorte : « Ya kun ? Na’am, ya kun ! » (Être ? — ouais, être !) Ensuite, il qualifie Lionel Messi de « maniaque » et de « goule », puis il se met à fredonner la chanson italienne antifasciste « Bella Ciao ». Il crie également aux joueurs et au monde de prêter attention aux changements géopolitiques évidents. Lorsque le Cameroun a marqué contre le Brésil, il s’est écrié « Ya Braziwww, ya Braziww ! » Il imite aussi des accents — « Mama Africa est en train de se lever ». Lorsque l’Allemagne, l’Espagne et le Brésil ont été éliminés, il a fait remarquer : « Les lunes peuvent disparaître, mais les étoiles ne manquent pas ». Lors de la dernière victoire contre le Portugal, ce même commentateur a fini en disant : « Mabrouk aux Arabes, aux Amazighs, aux musulmans, aux Africains », ce qui confirme à quel point la victoire marocaine a fait « accepter » le concept d’amazighité/berbérité.
L’équipe marocaine s’est attiré des éloges bien sûr : son ascension serait le signe « de l’ambition arabe » et de la « fierté arabe ». Ses atouts prouvent qu’« impossible » ne figure pas dans le dictionnaire arabe. Les commentaires arabes autour des Lions de l’Atlas sont enivrants. Dans le contexte d’un système d’État en ruine au Proche-Orient, sur fond de guerres civiles et d’une féroce campagne contre-révolutionnaire en cours, la soudaine possibilité, le temps de 90 minutes de jeu, d’une identité, d’une langue et d’une communauté partagées se fait grandissante, touchant les téléspectateurs à travers le monde arabophone.
QUELLE LANGUE, QUELS TRADUCTEURS ?
Sitôt que les interviews d’après-match débutent, des fissures apparaissent dans le miroir. Des traducteurs sont convoqués, des sous-titres arabes sont rapidement ajoutés à l’écran, et ce afin de traduire ce que disent les Marocains lorsqu’ils parlent en darija. L’une des dimensions les plus fascinantes de cette Coupe du monde est de voir la méfiance occidentale à l’égard de la langue et de la culture arabes se conjuguer à l’ambivalence proche-orientale à propos de la langue et de l’identité marocaines. Lors des conférences de presse, de nombreux joueurs marocains et Walid Regragui lui-même ne comprennent pas les questions posées par les journalistes arabophones et ont besoin de traducteurs. Un clip viral montre l’attaquant Hakim Ziyech écoutant patiemment une longue question posée en arabe, puis répondant : « English, please ». Ziyech, comme Amrabet, a grandi en parlant le tarifit, une langue berbère du nord du Maroc. Le défenseur Abdelhamid Sabiri parle le tachelhit, une langue berbère du sud, en plus de l’allemand, de l’anglais et du darija.
Sur les réseaux sociaux, des listes de joueurs amazighs/berbères ont été diffusées, avec des appels répétés aux commentateurs arabes du beIN pour qu’ils cessent de qualifier le Maroc d’équipe « arabe ». Des débats similaires ont eu lieu dans les médias sociaux en Occident : le Maroc est-il africain ou arabe ? Après s’être qualifié pour la demi-finale, le New York Times a tweeté que le Maroc était la première « équipe arabe » à se qualifier pour les demi-finales. Le lendemain, le journal a publié une correction indiquant qu’il s’agissait de la première « équipe africaine ».
Cette Coupe du monde a curieusement amené deux débats spécifiques au Maroc sur la scène internationale : d’une part, peut-on considérer que la langue vernaculaire marocaine est de l’arabe (réponse courte : oui, bien qu’il soit socialement plus facile de dire simplement « d’inspiration arabe ») et d’autre part, le Maroc est-il africain ou arabe ? (réponse courte : les deux.)
Les chercheurs qui étudient la hiérarchie sociolinguistique arabe1 relèvent que la langue vernaculaire marocaine est le « mouton noir » de la famille des langues arabes2, systématiquement perçue comme inférieure aux dialectes syrien et égyptien, — même si les Marocains peuvent être considérés comme polyglottes et plus modernes. Le darija serait peu sophistiqué, incompréhensible, voire « non arabe ». Quelques informations de base : les langues vernaculaires arabes sont influencées par des langues préexistantes, le soi-disant substrat ; de sorte que les dialectes levantins sont influencés par l’araméen, l’égyptien ammiya par le copte, et le darija marocain et algérien par diverses langues berbères/amazighes. Les langues berbères, considérées comme faisant partie du groupe afro-asiatique, sont parlées par environ 30 millions de personnes à travers l’Afrique du Nord, du Maroc à l’est de l’Égypte et de la Tunisie au Niger.
La presse occidentale a beaucoup parlé de la façon dont les responsables qataris autorisent les drapeaux palestiniens dans les stades, mais interdisent les drapeaux LGBT. Moins commentée a été la présence du drapeau tricolore amazigh — le drapeau panberbère bleu, vert et jaune, visible dans les tribunes à chaque match marocain (et belge) de cette Coupe du monde. Le drapeau amazigh a été autorisé dans les stades, sauf lorsque les autorités ont confondu ses couleurs avec un drapeau LGBT.
LE RETOUR DU DARIJA
Le darija, la langue vernaculaire marocaine, se caractérise ainsi par un fort substrat amazigh, ainsi que par un raccourcissement des voyelles, une phonologie particulière et la présence de mots empruntés au français et à l’espagnol. Des mots comme « tamazight », « daba » (maintenant) et « tamara » (difficulté), tous deux présents dans la musique populaire et les chants de football, rendent également le darija difficile à comprendre pour les proche-orientaux. Et puis il y a des mots arabes qui ont acquis des significations différentes au cours des siècles, car les dialectes lointains ont évolué séparément. Au Levant, « taboon » désigne le four en argile utilisé pour la cuisson du pain ; en Tunisie, le « taboona » est un pain traditionnel délicieusement moelleux. Au Maroc, « taboun » désigne les organes génitaux féminins. Ainsi, lorsqu’en décembre 2019, l’Algérie, grand adversaire du Maroc, a élu un président nommé Abdelmadjid Tebboune, et que des manifestants sont descendus dans la rue pour remettre en cause les résultats des élections et scander [« Allahu Akbar, tebboune mzowar » (Dieu est grand, ce tebboune est un faux !), il a inspiré des mèmes marocains sur Tebboune.
Mis à part les mèmes et les blagues, le darija nord-africain est depuis longtemps un point sensible pour les panarabistes. Comment une société qui a élevé l’arabe et l’islam aux palais de Grenade peut-elle massacrer aujourd’hui l’arabe standard moderne ? Comment solidifier les liens transfrontaliers quand les Maghrébins parlent un « patois » incompréhensible ? Le président égyptien Gamal Abdel Nasser envoyait des professeurs d’arabe en Algérie indépendante pour enseigner aux habitants l’arabe « approprié » au lieu du français ou du dialecte local. Pour les Arabes du Proche-Orient, le darija et les noms de famille marocains sont les indicateurs les plus forts de l’altérité marocaine. Et c’est historiquement dans les rivalités de football et plus récemment, dans le cadre des shows télévisés montrant les talents de la musique arabe que des tensions surgissent autour de ces différences.
Lors des tournois de football — le plus souvent la Coupe d’Afrique — les commentateurs du Proche-Orient ont du mal à prononcer les noms de famille marocains, observant que si les prénoms des joueurs marocains sont arabes, leurs noms de famille sont, bien sûr, différents. Même lors de cette Coupe du monde, cela a été pour le moins amusant d’entendre les commentateurs du Proche-Orient essayer de prononcer les noms de famille marocains Aguerd, Regragui, Ounahi, Tagnaouti). Et dans les émissions de musique arabophone comme « This Is the Voice » et « Arab Idol », les participants marocains se voient obligés de subir ce rite de passage où leur langue est régulièrement tournée en ridicule et où parfois on leur dit brusquement d’aller apprendre l’arabe. Il est donc un peu irréel de voir les commentateurs arabes se répandre soudain en louanges lorsque l’entraîneur marocain Walid Regragui donne une conférence de presse en darija, et de les voir répéter en souriant certains mots en darija : drari (les garçons) et bezaf (beaucoup). « Maintenant, tout d’un coup, vous considérez tous les Marocains comme des Arabes ? », a tweeté Safia, une jeune créatrice.
Lors de cette Coupe du monde, les téléspectateurs arabes ont été interloqués par le darija, l’identité amazighe, mais aussi par certains acteurs du nationalisme africain. On a beaucoup parlé du panafricanisme de l’entraîneur marocain Walid Regragui. Il a d’abord haussé les sourcils lorsqu’il a déclaré lors d’une conférence de presse que leur objectif était de jouer avec une qualité de jeu du niveau européen, mais avec des valeurs africaines. Lorsqu’on lui a demandé quelques jours plus tard si le Maroc représentait l’Afrique ou le monde arabe, il a répondu « Nous, au départ, sans faire de politique, on va déjà parler football et on défend le Maroc et les Marocains. C’est la première des choses. Ensuite, forcément, on est aussi africains et c’est la priorité […] On espère montrer que le football africain est entré dans une nouvelle phase… » Et d’ajouter : « après, forcément, de par notre religion et de par nos origines, pour une première Coupe du monde dans le Moyen-Orient et dans le monde arabe, il y a des gens qui vont s’identifier à nous. Forcément on est des exemples et on espère les rendre heureux. S’ils peuvent nous voir un peu comme un porte-drapeau, on sera contents de les rendre heureux si on peut passer »3.
Après le match contre le Portugal, Azzedine Ounahi, le milieu de terrain et l’une des vedettes du tournoi, a également dédié la victoire en premier à l’Afrique : « Nous sommes entrés dans l’histoire pour l’Afrique et même pour les Arabes… Nous remercions l’Afrique qui nous a toujours suivis et encouragés, et pareil pour les Arabes ».
Quelles que soient les origines de ce discours panafricain, qu’il s’agisse de l’agitation amazighe récente, des tendances panafricaines plus anciennes des années 1960, lorsque le magazine panafricain Souffles prospérait et que Nelson Mandela et Amilcar Cabral avaient trouvé refuge au Maroc, ou encore les impressions partagées au sein des banlieues françaises où Regragui a grandi, il a été intensifié par les soulèvements de 2011 et leurs conséquences et par le retour du Maroc dans l’Union africaine (UA) en 2016.
DES KURDES AUX BERBÈRES, LA DIVERSITÉ
Au cours des vingt dernières années, des mouvements sociaux ont lentement émergé au Maroc exigeant que le tamazight soit reconnu comme langue officielle dans la Constitution, et que le darija soit célébré comme langue nationale plutôt que d’être considéré comme une source d’embarras. Certains veulent que le darija soit déclaré comme une langue distincte, un peu à la façon dont le créole haïtien a déclaré son indépendance de la langue française. Avec l’essor de la télévision par satellite et des médias sociaux, les gens ont commencé à se demander pourquoi les émissions doublées en dialectes égyptien et syrien sont diffusées dans le monde arabe, alors qu’aucune émission n’est doublée en darija ? Sur Facebook, des listes noires ont été créées pour interpeller les artistes marocains qui participaient aux concours de talents arabes, mais préféraient s’exprimer ou chanter en syrien, en égyptien ou en libanais.
Ces mouvements identitaires ont pris de l’ampleur avec les soulèvements de 2011, ce que les universitaires américains ont niaisement surnommé le « printemps arabe », un néologisme qui a eu pour effet d’effacer encore plus les communautés minoritaires (non arabes) longtemps marginalisées : les Nubiens, les Kurdes et les Berbères, lesquelles se sont précisément mobilisées en 2011 pour faire défendre une identité non arabe.
Le néologisme du « printemps arabe » implique également que les soulèvements n’étaient pas motivés par des facteurs économiques ou sociaux, mais par le nationalisme arabe ; et c’est pourquoi ils ne se sont pas étendus au-delà du monde arabophone. Or, les révoltes maghrébines se sont en réalité étendues à plus d’une douzaine de pays d’Afrique subsaharienne (dont le Sénégal, la Guinée-Bissau, le Togo, le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Malawi, le Zimbabwe)4. Comme l’affirment Zachary Mampilly et Adam Branch dans leur livre Africa Uprising, les soulèvements nord-africains peuvent en fait être considérés comme le pic d’une vague de protestations à l’échelle du continent qui a commencé au milieu des années 2000, se mobilisant en dehors des canaux politiques traditionnels.
Les soulèvements maghrébins donneront lieu à une nouvelle solidarité panarabe, mais aussi à de nouveaux nationalismes ethniques, qui aboutiront à la reconnaissance du tamazight comme langue officielle en 2011 au Maroc (et en Algérie en 2016). Les soulèvements ont également affiché un retour de bâton contre l’arabisme, d’autant plus que les États du Golfe et l’Égypte ont commencé à soutenir une contre-révolution régionale pour étouffer tout activisme démocratique et, après 2018, pour saper les transitions démocratiques tunisienne et soudanaise. L’une des réponses à l’interventionnisme politique des États du Golfe a été de se retourner contre le panarabisme, considéré comme une façade rhétorique de l’autoritarisme transnational et de l’appropriation des ressources culturelles, matérielles et foncières. Par conséquent, certains dirigeants soudanais appellent à se retirer de la Ligue arabe, et certains leaders amazighs à se distancer des causes politiques arabes (plus précisément la question palestinienne) et à faire pression pour la normalisation avec Israël. Le panarabisme est depuis sa création un curieux mélange d’émancipation, d’anti-impérialisme et d’autoritarisme transnational ; les régimes arabes les plus puissants se réservent depuis les années 1950 le droit d’intervenir dans n’importe quel État arabe et de faire taire toute personne définie comme arabe.
« JE REMERCIE TOUT LE CONTINENT AFRICAIN »
Avec l’effondrement récent des républiques radicales (Syrie, Irak) et des partis politiques baasistes, le panarabisme organisé s’est effondré, tout comme sa rhétorique anti-impériale. Aujourd’hui, nous avons la montée des États du Golfe, dont l’approche est une combinaison de capitalisme effréné, d’islam et d’autoritarisme transfrontalier. L’enlèvement du premier ministre libanais Saad Hariri en novembre 2017 par le prince saoudien Mohamed Ben Salman a révélé que même les chefs d’État n’étaient pas en sécurité dans cette sphère politique arabe intensément répressive. D’où les stratégies de sortie. La nature autocratique et dominatrice des États du Golfe et la nature suprémaciste arabe de divers mouvements nationalistes islamistes et arabes, avec leurs incursions au Maghreb, détourneraient de nombreux jeunes nord-africains du nationalisme arabe.
Pour diverses raisons telles que l’effondrement de la Libye, le déclin de l’Union européenne, la montée de la Chine, les insurrections à travers le Sahel, le Maroc est revenu à l’UA en 2016. Et pour les responsables de l’État, la langue et l’identité amazighes ont constitué une sorte de carte de visite en Afrique, tandis que les langues amazighes, le darija et les pratiques soufies locales sont considérées comme un bouclier contre certains des courants idéologiques les plus nocifs émanant du Proche-Orient. Festivals, expositions, conférences et documentaires télévisés célébrant les liens du royaume avec « Ifriqiya » abondent désormais. Et depuis l’adoption de la Constitution de 2011 (qui parle d’« unité africaine ») et le retour à l’UA, c’est devenu la norme de qualifier le Maroc d’« arabe » et d’« africain » (peu importe dans quel ordre).
Dans la perspective de la demi-finale contre la France, une bande-annonce de buts diffusée en boucle à la télévision publique marocaine, montrant des scènes de célébrations et des joueurs s’embrassant les uns les autres, comme une incarnation de la nation : après cette campagne, une voix solennelle dit : « asbaha arabian ifriqiyan », « il est devenu arabe africain ». C’est peut-être pour cela que quelques jours après le match Maroc-Espagne, l’ailier Soufiane Boufal a présenté ses excuses au monde du football africain, après avoir dédié la victoire contre l’Espagne au monde arabe. « Je m’excuse de ne pas avoir mentionné tout le continent africain lors de l’entretien d’après-match d’hier », a-t-il déclaré, « je remercie tout le continent africain d’être là pour nous et je dédie cette victoire à chaque pays africain », et d’ajouter « les hommes de l’équipe nationale du Maroc sont si fiers de représenter tous nos frères du continent africain »5.
Face à la faiblesse des partis politiques, les mouvements et courants contestataires maghrébins post-2011 ont trouvé leur expression dans les stades de football, un espace que les autorités marocaines et algériennes peinent à contrôler. Ces dernières années, le derby de football marocain, entre les clubs du Raja et du Wydad basés à Casablanca, est devenu un spectacle culturel avec de gigantesques « tifos » et des hymnes politiques sur la corruption, la pauvreté et l’oppression. Dans les stades marocains, ces dernières années, l’hymne national est souvent hué. « Ces jours-ci, l’hymne national ressemble à un moyen de nous imposer le patriotisme, donc notre réaction a été de huer », dit un fan6.
Les drapeaux flottant dans les gradins sont le drapeau tricolore amazigh et le drapeau palestinien. Le drapeau marocain est tout simplement trop étroitement associé au régime. Le drapeau amazigh est quant à lui un rappel à l’Orient arabe que le Maroc est ethniquement et linguistiquement différent — et fier ; le drapeau palestinien est un rappel (voire un doigt d’honneur ?) aux régimes qui ont normalisé leurs relations avec Israël (en important les technologies de surveillance israéliennes utilisées sur les Palestiniens pour qu’elles soient désormais utilisées sur leurs citoyens), et un geste de solidarité envers les Palestiniens, rappelant que leur libération est un aspect du panarabisme à retenir.
« NOUS NE T’ABANDONNERONS PAS, GAZA, MÊME SI TU ES LOIN... »
Ce brassage culturel marocain est désormais parvenu au Qatar. Deux chants caractéristiques des stades de football marocain se sont répandus dans la région. Le premier est « Fi bladi Dalmouni » (Dans mon pays, je souffre d’injustice), qui s’est lentement propagé vers l’ouest à travers l’Afrique du Nord, et est maintenant chanté à Gaza. Ce chant a maintenant été repris par plusieurs groupes de musique. « Dans ce pays, nous vivons dans un nuage sombre. Nous ne demandons que la paix sociale », dit la chanson. « Les talents ont été détruits, détruits par les drogues que vous leur fournissez. Comment voulez-vous qu’ils brillent ? Vous volez les richesses de notre pays et les dilapidez avec des étrangers. »
L’autre chant est Rajawi Falastini, chantée par les ultras du Raja : « Nous ne t’abandonnerons pas Gaza, même si tu es loin… les Rajawi est la voix des opprimés ». Ce chant est maintenant devenu un incontournable de la Coupe du monde qatarie, chanté autant dans les stades que dans les rues de Doha.
Les liens historiques que le Maroc entretient avec l’Orient arabe sont forts, soutenus par une langue, une foi, ainsi que par une souffrance commune. La politique du régime et l’autoritarisme transnational ont néanmoins provoqué un contrecoup. Et « l’Afrique », avec laquelle le Maroc entretient également des liens longtemps négligés, est récemment apparue — également en raison de la politique de l’État — comme une alternative politique, une échappatoire à la domination et à l’effacement arabes. Il n’est pas surprenant que des tensions autour de ces alternatives se jouent dans les stades qatariens. Dès le coup d’envoi du tournoi, les militants marocains criaient à l’appropriation culturelle, demandant pourquoi la cérémonie d’ouverture comportait une réplique du palais marocain, Bab El-Makhzen à Fès. D’autres ont été particulièrement irrités par la vue d’autocrates bedonnants sur le balcon du VVIP agitant des drapeaux marocains, mais aussi par tous ces chefs d’État arabes qui s’approprient le succès des Lions comme une victoire arabe.
Accaparement des terres, sape des mouvements démocratiques, oppression ethnique, arrogance linguistique et maintenant appropriation de notre succès footballistique ? C’est ainsi que se décline l’argumentaire. Il est tout à fait possible que l’on se souvienne de cette Coupe du monde 2022 comme de la Coupe du monde des rois, rappelant celle de 1978 en Argentine, qui avait autant permis à la junte militaire de Buenos Aires de consolider son pouvoir qu’elle avait attiré l’opprobre mondial et l’attention sur le côté répressif du régime. Qatar 2022 braque également les projecteurs sur tous les damnés de la terre : les travailleurs, les minorités et les militants des droits humains en difficulté.
Depuis que le Maroc a joué contre la Croatie, les journalistes et les influenceurs YouTube implorent les diffuseurs du beIN de reconnaître la diversité ethnique des joueurs. Le 6 décembre dernier, alors qu’Achraf Hakimi intervenait pour tirer son penalty lors du match contre l’Espagne, le commentateur du beIN Jaouad Badda priait, haletant, la voix tremblante. Lorsque Hakimi a tiré un audacieux penalty à la Panenka et s’est retourné pour faire sa danse du pingouin, Badda s’est effondré de joie. « L’histoire est écrite… L’impossible n’est pas marocain… Lève la tête, tu es marocain ! Lève la tête, tu es arabe ! Lève la tête, tu es amazigh ! Tu es un Arabe, un Amazigh, un Marocain, un Africain ! » Et d’ajouter, en tamazight : « Tanmirt ! Tanmirt ! Tanmirt ! » (merci !).
En France, les binationaux marocains, algériens et tunisiens sont grisés par la belle épopée des Lions de l’Atlas, première équipe africaine et arabe à arriver en demi-finale de la Coupe du monde.
Drapeau marocain brandi sur l’avenue des Champs-Élysées à Paris le 10 décembre 2022 après la victoire du Maroc lors de son match de quart de finale de la Coupe du monde de football contre le Portugal au Qatar (AFP/Martin Bureau)
Mohamed est doublement heureux. Le Maroc a gagné. La France aussi. Dans l’appartement familial où s’est incrusté Middle East Eye ce samedi 10 décembre, un tourbillon d’émotions s’est emparé de l’assemblée. Cousins, voisins et amis savourent la consécration en quart de finale de la Coupe du monde de leurs deux équipes favorites. « Le Maroc, c’est le sang qui coule dans nos veines. La France est dans nos cœurs », exulte Oumaima, l’épouse de Mohamed.
Le couple franco-marocain habite aux Bergeries-Saint-Hubert, un quartier populaire de Draveil, dans la banlieue sud de Paris. Au coup de sifflet final du match Maroc-Portugal, la cité, où vit une forte communauté marocaine, a vibré comme secouée par un tremblement de terre. Des youyous ont fusé aux fenêtres alors que le bruit des klaxons a retenti, strident, dans les rues désertées à cause du froid.
Mohamed est également sorti défiler avant de revenir, un peu plus tard, s’asseoir dans son fauteuil pour regarder le match France-Angleterre.
« Cette équipe de France, c’est un peu nous, les jeunes des banlieues. Mbappé, Dembélé, Koundé, ils viennent de notre monde. Nous avons pratiqué, petits, les mêmes stades de foot, connu les mêmes difficultés, les mêmes misères. Leur réussite est une revanche que nous prenons sur le sort », explique le fan des Bleus.
« Encore plus fiers de nos origines »
En 2018, lorsque la France a remporté la Coupe du monde à Moscou, Mohamed avait emmené sa famille jusqu’à Paris pour défiler sur l’avenue des Champs-Élysées. Cette fois, deux probabilités de festoyer s’offrent à lui. « Si le Maroc gagne la finale, j’irai faire la fête à Casablanca », lance-t-il, impressionné par le parcours stupéfiant des Lions de l’Atlas au Qatar.
« Le Maroc, c’est le sang qui coule dans nos veines. La France est dans nos cœurs »
- Oumaima, Franco-Marocaine
Son ami Rachid, avec qui il a regardé le match, le prend au mot et décide de l’accompagner en cas de victoire. « Les joueurs nous ont rendus encore plus fiers de nos origines. Je suis ému à chaque fois que je vois les drapeaux du Maroc flotter dans les tribunes », confie le supporter, qui avoue avoir été également touché par l’histoire personnelle des joueurs.
« Quand je vois Achraf Hakimi [défenseur du onze marocain] se précipiter vers sa mère après chaque match pour l’embrasser, je me rappelle la mienne. Elle était aussi femme de ménage et a travaillé dur et seule pour élever ses enfants », confie-t-il avec émotion.
Bien qu’il soit né en France et qu’il y ait grandi, Rachid soutient exclusivement l’équipe du Maroc.
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En plus de son attachement à la terre d’origine de ses parents, il éprouve du bonheur à voir une équipe d’Afrique arriver si loin, une première après les tentatives ratées du Cameroun (1990), du Sénégal (2002) et du Ghana (2010).
Parti spécialement au Qatar pour assister aux matchs des Bleus et des Lions de l’Atlas, l’ancien député franco-marocain M’jid El Guerrab a également fait son choix.
« Si je devais choisir vraiment vers où mon cœur balance, bien évidemment, ce serait le Maroc parce que son épopée dans cette coupe du monde relève plus que du parcours d’une équipe normale… Sa victoire de la coupe du monde, ce serait la victoire de l’Afrique, du Continent. De David contre Goliath », a-t-il écrit sur son compte Facebook.
Maghrébins et Africains unis
À la fin du match Maroc-Portugal, des milliers de supporters des Lions de l’Atlas ont envahi les rues un peu partout en France. Leila, une étudiante algérienne qui vit dans le Val-de-Marne, en région parisienne, n’a pas hésité à rejoindre la foule massée sur l’avenue des Champs-Élysées. Elle a défilé en déployant le drapeau de son pays au milieu des aficionados marocains.
« La victoire du Maroc est aussi celle de l’Algérie et du Maghreb. Les régimes des deux pays peuvent se détester. Mais pas nous. Nous sommes des frères et des sœurs », déclare-t-elle à MEE.
« La victoire du Maroc est aussi celle de l’Algérie et du Maghreb. Les régimes des deux pays peuvent se détester. Mais pas nous. Nous sommes des frères et des sœurs »
- Leila, étudiante algérienne
La jeune femme a par exemple été émue d’apprendre que l’équipe nationale de football marocaine avait été exclue par la Fédération internationale de football pendant un an, en 1958, pour avoir joué un match contre l’équipe du Front de libération nationale (FLN), non reconnue par la FIFA à l’époque car l’Algérie n’était pas encore indépendante. « C’est la preuve d’un véritable attachement », soutient-elle.
Son fiancé, Moncif, d’origine tunisienne, insiste également sur l’affection que partagent les populations du Maghreb. Il se rappelle d’ailleurs avoir manifesté avec le même enthousiasme à Paris lorsque les Fennecs algériens ont remporté la Coupe d’Afrique des nations en 2019 et décrit des scènes de liesse formidables.
« L’ambiance d’hier soir était identique », dit-il en faisant défiler sur son smartphone les photos de la procession joyeuse et bigarrée à laquelle il a pris part aux Champs-Élysées avec Leila.
Sur les images, des drapeaux amazighs, de l’Algérie, de la Palestine, d’Égypte cohabitent allégrement avec les emblèmes marocains. « J’ai également croisé des Sénégalais, des Camerounais et des Ivoiriens, tous contents de célébrer la victoire du Maroc », raconte Moncif.
« C’est comme si mon père jouait contre ma mère »
Aux Bergeries-Saint-Hubert, Boubakari, voisin de Mohamed, supporte aussi Achraf Hakimi et ses coéquipiers. Mais en même temps, le Franco-Malien n’a pas renoncé à sa loyauté envers les Bleus. « Je suis ravi que les deux équipes passent en demi-finale. Mais je n’ai pas trop envie de les voir jouer l’une contre l’autre », avoue-t-il avec embarras.
Oumaima, qui comprend la position de Boubakari, est tiraillée par un plus grand dilemme. « France-Maroc : c’est comme si mon père jouait contre ma mère », illustre-t-elle, mitigée.
« Je suis ravi que les deux équipes passent en demi-finale. Mais je n’ai pas trop envie de les voir jouer l’une contre l’autre »
- Boubakari, Franco-Malien
En attendant le match prévu ce mercredi, la mère de famille savoure sa joie et la partage. Après les victoires du Maroc et de la France, elle a distribué des confiseries à tous ses voisins.
Mohamed, lui, s’est précipité sur son téléphone pour chambrer Arnaud, un de ses anciens camarades de lycée avec lequel il est resté très lié et qui est un admirateur invétéré des Bleus. « Je lui ai dit que je serais gagnant peu importe l’équipe qui remporterait le match mais pas lui », s’amuse le Draveillois.
Apres la qualification de leur équipe, les supporters du onze tricolore ont rejoint ceux du Maroc sur les Champs-Élysées. Les deux groupes ont communié dans la joie et la bonne humeur, malgré quelques affrontements entre « groupes hostiles » et forces de l’ordre en fin de soirée.
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Sur Twitter, le chef de l’État français, qui se rendra à Doha pour la demi-finale, s’est également montré fair-play en saluant la victoire du Maroc contre le Portugal.
Sa sortie très footballistique intervient dans un contexte de décrispation des relations avec le Maroc. Au lendemain du match qui opposera les Bleus aux Lions de l’Atlas, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, se rendra à Rabat.
Son séjour vise à évoquer l’épineux dossier des visas, à la suite de la décision de Paris de durcir les conditions de leur octroi, et préparer la visite d’État du président Macron, qui devrait avoir lieu début 2023. À moins que le score de la demi-finale ne ravive les tensions…
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