GRÂCE À L’ISLAM
La première chose que je vois, c’est la grâce de Dieu. C’est elle que je prie chaque jour qui se lève avant de me lever de mon lit, en disant :
Ya illahi… je n’ai confiance qu’en toi et je n’ai d’alliance qu’avec toi.
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La première chose que je vois, c’est la grâce de Dieu. C’est elle que je prie chaque jour qui se lève avant de me lever de mon lit, en disant :
Ya illahi… je n’ai confiance qu’en toi et je n’ai d’alliance qu’avec toi.
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Rédigé le 15/07/2024 à 16:06 dans Islam, Lejournal Depersonne, Racisme, Religion | Lien permanent | Commentaires (0)
Si tu lis le Coran de la première à la dernière lettre, tu t’apercevras, peut être, qu’il contient un passage secret qui n’est adressé qu’à toi, rien qu’à toi.
C’est le plus sacré des messages, une sorte d’hommage rendu par l’universel au particulier : un aparté entre toi en lettres minuscules et LUI en lettres majuscules.
Si tu le retrouves tu te prouves que tu as vraiment la Foi. Et au cœur de ton cœur, tu éprouveras de la joie.
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Rédigé le 13/07/2024 à 18:17 dans Islam, Lejournal Depersonne | Lien permanent | Commentaires (0)
Les musulmans célèbrent l’Aïd el-Adha ou« fête du sacrifice », que l’on désigne aussi parfois en France, de manière inappropriée, par l’expression « fête du mouton ». Appelée aussi Tabaski en Afrique subsaharienne, il s’agit de la plus importante fête musulmane et elle commémore l’acte de soumission du prophète Ibrahim (Abraham) envers Dieu. Selon le récit coranique et les dits du Prophète (hadith), c’est sur ordre divin qu’Ibrahim a accepté de sacrifier son fils Ismaïl (Ismaël), mais le Créateur a envoyé Jibril, l’archange Gabriel, pour remplacer l’enfant par un bélier. Contrairement à une idée reçue, le sacrifice du mouton ou d’un autre animal (chèvre, bovin ou chameau) ne fait pas partie des cinq piliers de l’islam et n’est pas non plus une obligation formelle, même si la grande majorité des musulmans considèrent que c’est le cas.
De fait, cet acte à la fois religieux mais aussi culturel relève plutôt de la sunna, c’est-à-dire l’ensemble des normes et traditions reconnues, approuvées ou initiées par le Prophète et qui constituent la deuxième source écrite du droit musulman après le Coran. Plusieurs versets du livre saint font tout de même référence à ce sacrifice, dont ceux de la sourate Al-Hajj (le Pèlerinage) ainsi que le deuxième de la sourate Al-Kawthar (l’Abondance) qui dit : « Prie ton Seigneur et sacrifie. »
L’Aïd el-Adha, que l’on appelle aussi Aïd el-Kebir (« la grande fête ») par opposition à l’Aïd esseghir ou Aïd el-Fitr, « la petite fête » qui marque la fin du jeûne du mois de ramadan, intervient le dixième jour du mois de dhoul hijja, le douzième du calendrier lunaire musulman. Il est célébré alors que s’achève le pèlerinage à La Mecque.
La veille de l’Aïd est aussi un jour important, car il commémore le jour où le dernier verset du Coran a été révélé, jour aussi du sermon d’adieu du Prophète. La tradition encourage le croyant à jeûner ce jour-là. Puis, la journée commence par une prière collective matinale qui peut avoir lieu dans une mosquée ou dans des esplanades plus vastes. Ce n’est qu’après qu’intervient le sacrifice de l’animal qui s’accomplit en suivant le rite musulman. Selon la tradition, une partie de la viande de l’animal doit être offerte aux pauvres et aux nécessiteux. Cette fête est aussi un jour de pardon et de réconciliation, ainsi qu’une occasion de gâter les enfants et de confectionner des gâteaux et des plats spéciaux, en utilisant notamment les abats de la bête sacrifiée.
Fête à caractère universel au sein de l’oumma, l’Aïd el-Adha fait l’objet de deux préoccupations majeures et récurrentes. La première est d’ordre économique. Dans les pays musulmans, les autorités sont obligées de prendre les mesures nécessaires pour éviter la pénurie de moutons. Dans certains d’entre eux, notamment ceux du Golfe,on procède même à des importations massives de troupeaux en provenance d’Europe, d’Amérique latine ou de Nouvelle-Zélande. De temps à autre, des polémiques éclatent quant au caractère licite (halal) de telles importations ou bien alors sur l’état sanitaire des bêtes importées dont certaines ont voyagé plusieurs semaines dans des navires.
En juin 2022, 15 000 moutons destinés à l’Arabie saoudite ont péri dans le naufrage du bateau qui les transportait. La catastrophe qui a eu lieu dans le port soudanais de Suakin illustre les terribles conditions dans lesquelles les animaux sont acheminés vers les pays du Golfe. Selon les premières indications, la capacité maximale du navire était de 9 000 têtes de bétail.
Par ailleurs, l’achat d’un mouton constitue une grosse dépense pour de nombreux ménages. À l’approche de l’Aïd, les prix des animaux augmentent et les États doivent veiller au grain pour limiter la spéculation. Le fait de ne pouvoir accomplir le sacrifice est le révélateur d’un pouvoir d’achat limité et cela peut accentuer les tensions sociales.
De manière régulière, des voix se font entendre pour que le sacrifice d’un animal soit remplacé par un don d’argent ou de viande aux plus nécessiteux, et cela afin d’épargner les cheptels, surtout quand ces derniers ont été affectés par la sécheresse ou des catastrophes naturelles. Mais ces appels se heurtent au poids de la tradition et le sacrifice reste considéré comme une obligation religieuse, du moins pour celui qui en a les moyens. À la fin des années 1980, feu le roi Hassan II avait proposé aux Marocains un sacrifice symbolique qui serait assuré par le Palais pour l’ensemble de la population. Dans toutes les couches de la population, les réactions négatives furent nombreuses et le souverain dut renoncer à renouveler cette proposition.
L’autre préoccupation concerne les pays où vivent d’importantes minorités musulmanes. La question du lieu d’abattage et des conditions sanitaires dans lequel il s’effectue est souvent source de polémiques et de tentatives de récupérations politiciennes islamophobes. En France, la préfecture du Nord a émis un communiqué de presse rappelant que l’Aïd el-Adha « doit se dérouler dans le respect des réglementations sanitaires, environnementales, commerciales en vigueur ainsi que dans le respect des réglementations relatives à la protection animale ». En clair, l’abattage des moutons ne pourra avoir lieu en dehors des abattoirs autorisés, tandis que le transport des bêtes par les particuliers a lui aussi été interdit.
Après vingt-neuf ou trente jours d’ascèse, les musulmans célèbrent l’Aïd el-Fitr ou fête de la rupture du jeûne du mois de ramadan. Ce jour, qui est aussi le premier du mois lunaire de chawwal, est l’occasion de retrouvailles familiales, de célébrations et de festivités diverses selon les pays. Mais partout, pour le pratiquant, cela passe d’abord par une prière collective matinale qui peut avoir lieu dans une mosquée ou dans des esplanades plus vastes. Le rite musulman interdit strictement de jeûner ce jour-là et la coutume est de prendre un léger petit déjeuner avant de se rendre à la prière (dans de nombreux pays, cette collation consiste en une poignée de dattes et du lait). Après la fin des festivités de l’Aïd, les croyants sont encouragés — mais ce n’est pas une obligation — à jeûner six jours durant le mois de chawwal (à la suite ou séparément). Ainsi, et selon plusieurs hadiths, ce jeûne ajouté à celui du mois de ramadan équivaut au jeûne d’une année entière.
S’il ne l’a pas fait à compter de la veille du vingt-septième jour du ramadan, le croyant doit s’acquitter, pour lui et sa famille, de la zakat el-fitr, autrement dit l’aumône de fin de jeûne et cela avant la prière de l’Aïd. En France, selon la Mosquée de Paris, ce don, qui peut être fait aux nécessiteux ou aux mosquées, était de 7 euros en 2022 (5 euros en 2016). En attendant le début de cette prière qui, contrairement aux cinq quotidiennes, n’est pas appelée par le muezzin, les fidèles pratiquent le takbir, qui consiste à psalmodier ou à chanter la glorification, les louanges et l’unicité de Dieu. En s’adressant à l’assemblée, l’imam rappelle l’importance du jeûne dû à Dieu et, sous toutes les latitudes, son prêche fera référence à un hadith du Prophète pour qui « le jeûneur connaît deux joies : une joie lorsqu’il rompt son jeûne [du mois de ramadan] et une joie quand il rencontrera son Seigneur ».
Avec l’Aïd el-Adha (jour du sacrifice du mouton), l’Aïd el-Fitr est l’une des deux plus importantes fêtes musulmanes, car sa dimension humaine, sociale et communautaire est très importante. Après la prière collective, il est ainsi de tradition de visiter (ou d’appeler au téléphone) ses proches et ses parents et de leur souhaiter un « Aïd moubarak ». La coutume veut aussi qu’il s’agisse d’un jour de pardon et de réconciliation. Dans plusieurs pays arabes, notamment au Maghreb, mais aussi en Indonésie ou en Malaisie, cette notion du pardon voire d’une « remise des compteurs à zéro » dans ses relations avec les autres est très importante. Mais cette fête est aussi, et surtout, celle des enfants. Ils portent des habits neufs achetés durant les derniers jours de ramadan et on leur offre des jouets, des confiseries et de l’argent de poche. Au Machrek, les commerçants qui ouvrent ce jour-là se doivent d’être généreux et attentionnés avec leurs clients, particulièrement les plus jeunes. Un peu partout, comme lors de la veille du mawlid ennabaoui (célébration de la naissance du Prophète), les enfants ont le droit de faire éclater des pétards. L’Aïd el-Fitr est aussi l’occasion pour confectionner des gâteaux et des plats spéciaux. La tradition veut que ces friandises soient en partie offertes et que de la nourriture soit donnée aux plus pauvres.
Comme l’Aïd el-Adha, l’Aïd el-Fitr revêt un caractère universel au sein de l’oumma. Même dans le très austère royaume wahhabite d’Arabie saoudite, c’est un jour où l’idée de fête, de joie et de partage prévaut. Les maisons ont été nettoyées et, une fois la prière matinale accomplie, l’idée qui prime est celle de la communion avec les autres. Les morts ne sont pas oubliés et les visites au cimetière sont fréquentes, y compris le lendemain de l’Aïd qui est aussi un jour férié. Dans certains pays, comme ceux du Golfe, les gouvernements vont même jusqu’à attribuer une semaine de congé aux fonctionnaires et le secteur privé est plus ou moins encouragé à en faire de même. Enfin, l’Aïd el-Fitr est appelé de différentes manières selon le pays où l’on se trouve. Au Maghreb, il est souvent désigné par l’expression « aïd esseghir », le petit aïd par opposition à l’ « aïd el-kebir » le grand aïd, celui du sacrifice du mouton. En Afrique subsaharienne, on l’appelle Korité, tandis que les Turcs le nomment Ramazan bayrani. Toutefois, quelle que soit l’appellation, les principes sont les mêmes : prière matinale puis moments de joie et de partage avec les autres, y compris les non-jeûneurs. Pour ces derniers, l’aïd signifie un retour à la normale et la fermeture d’une parenthèse d’un mois où le fait de ne pas jeûner pouvait les placer dans des situations des plus inconfortables.
AKRAM BELKAID
Journaliste et écrivain algérien. Journaliste au Monde diplomatique et membre du Comité de rédaction d’Orient XXI…
https://orientxxi.info/mots-d-islam-22/aid-el-adha,1397
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Rédigé le 16/06/2024 à 10:43 dans Islam | Lien permanent | Commentaires (0)
Historien de la période moderne, M’hamed Oualdi aborde dans ce livre la délicate question de l’esclavage dans les mondes musulmans. L’ouvrage est intéressant à plus d’un titre : il montre à la fois comment les sociétés musulmanes ont dominé et utilisé les esclaves, comment ces sociétés ont été et demeurent travaillées par les hiérarchies produites par l’esclavage, mais aussi combien nous sommes encore tributaires des clichés de l’Européen libérateur et du musulman esclavagiste.
Articulé autour de quatre axes, le livre traite des origines des esclaves et des routes empruntées. Il porte aussi sur le rôle des esclaves dans les mondes musulmans (leur fonction domestique, leur charge dans les armées et dans les gouvernements, leur place dans l’économie rurale). Dans un troisième temps, l’auteur s’intéresse aux abolitions et aux luttes contre l’esclavage au cours du XIXe siècle. Enfin le dernier chapitre est relatif à ce que M’Hamed Oualdi désigne par « ce qui hante et survit encore aujourd’hui dans nos sociétés et rend douloureux ce long passé d’esclavage » dans ces mondes musulmans.
La question de l’esclavage est-elle taboue pour les musulmans ? L’auteur commence son propos en réinterrogeant la question du silence sur le sujet, tout en précisant que ce silence n’est pas total, puisqu’il existe une quantité importante de romans qui portent sur cette thématique, essentiellement en arabe. Il explique que derrière cette « gêne », traduite par une censure de la part de ceux qui écrivent sur l’esclavage, se cache des séquelles et de nombreux « traumas » que les sociétés de cette zone peinent à affronter. Pour certains, la difficulté réside dans la reconnaissance des pratiques d’esclavage dans les demeures de leurs ancêtres, tandis que pour d’autres il est difficile d’admettre que leurs ancêtres ont été esclaves.
Mais la difficulté tient surtout à voir, à travers l’esclavage, la question du racisme anti-noir dirigé contre des citoyens noirs du monde arabe, ou contre les migrants qui viennent d’autres régions du continent africain et transitent par la Méditerranée pour aller en Europe.
M’hamed Oualdi écrit qu’il y a pourtant un « lien fort, évident et crucial entre l’histoire longue de l’esclavage et la profondeur historique du racisme anti-noir ». En effet, les termes racistes utilisés pour humilier et marginaliser des hommes et des femmes noirs sont directement issus du vocabulaire de l’esclavage. Par racisme, il entend
une idéologie, une structure et un processus par lesquels des inégalités inhérentes à des structures sociales plus larges sont expliquées de manière déterministe, par des facteurs biologiques et culturels attribués à ceux qui sont perçus d’une « race » ou d’une « ethnie » différente.
Mais alors, comment penser les phénomènes de racialisation dans les mondes musulmans qui furent eux aussi à l’origine de processus de domination d’esclaves, de violences contre des femmes et des hommes soumis, mais selon d’autres formes d’exploitation et d’autres discours de légitimation de cette domination ?
Trois types d’esclavage sont considérés : l’esclavage domestique, le militaire et administratif, et le rural. L’esclavage militaire et administratif est composé d’hommes et de femmes venus des steppes asiatiques du Caucase et de la rive nord de la Méditerranée. Ils sont convertis à l’islam, éduqués, et parfois promus aux plus hautes charges au sein du gouvernement et des armées, ce qui peut les conduire à commander des populations d’hommes et de femmes libres, comme le sultanat mamelouk en Égypte par exemple.
L’esclavage rural, lui, est décrit comme très différent de l’esclavage de plantation, même s’il a pu se transformer en esclavage de plantation au XIXe siècle.
Tous ces esclaves qui coexistaient étaient racialisés. Leurs maîtres aussi, comme d’autres membres de ces sociétés établissant des distinctions importantes en fonction des origines géographiques, entre les Habashis (Abyssins), les Qurjis (Géorgiens), les Jinwis (Génois) etc. La distinction se faisait aussi en fonction des couleurs de peau, plus ou moins foncées.
Toutefois, malgré ces traits communs dans ces mondes musulmans — une aire d’un seul tenant, et un cadre juridique et normatif commun s’agissant de l’esclavage — l’auteur précise qu’il serait erroné de parler de « traites orientales » ou « islamiques , » dans la mesure où les pratiques sont très différentes selon les régions considérées. Il précise que le cadre juridique qui régit les trafics d’humains et l’exploitation des esclaves n’est pas né d’une seule matrice (Coran et Sunna). Il faut aussi prendre en compte d’autres sources méditerranéennes antiques (grecques, romaines, hébraïques), et considérer également des coutumes préislamiques comme dans la péninsule arabique, par exemple.
Enfin, en Méditerranée, et surtout à partir du XVIe siècle, les puissances musulmanes (sultanat du Maroc, différentes provinces ottomanes, puissances chrétiennes de la péninsule ibérique) se sont affrontées sur mer par le biais des corsaires. Ils capturaient et faisaient des prisonniers de guerre, comme le célèbre écrivain espagnol Miguel de Cervantès, qui fut captif à Alger de 1575 à 1580. Ces captifs, qu’ils aient été chrétiens ou musulmans, pouvaient passer le restant de leurs jours sous le statut d’esclave s’ils ne disposaient d’aucun moyen financier pour obtenir leur libération, et si leur pays d’origine n’avait pas signé de traité diplomatique avec le pays qui les avait faits captifs.
M’Hamed Oualdi montre que si de nombreuses sources ont pu nourrir une littérature importante sur la dure condition de vie des esclaves chrétiens en terre d’islam, l’inverse n’est pas vrai. En effet, le sort des esclaves originaires de l’Afrique du Nord et de l’Empire ottoman en Europe (juifs ou musulmans) a fait l’objet de peu d’études. Les lettres que ces captifs ont rédigées ou fait rédiger sont bien moins disponibles, ce qui explique la rareté des récits. Se pose donc la question des sources que peuvent mobiliser les chercheurs pour appréhender la question de l’esclavage dans cette région.
L’autre difficulté pour l’historien porte sur la fiabilité des sources disponibles. En effet, les consuls européens, auteurs des rapports diplomatiques, ont exagéré le nombre d’esclaves ayant fait l’objet d’un trafic dans le Sahara. Ils trouvaient ainsi, dans la question de l’esclavage et son abolition, le moyen d’étendre leur influence dans la région.
L’auteur invite à la vigilance quant aux méthodes d’évaluation utilisées dans de nombreux récits ayant disculpé l’esclavagisme « européen » et chargé « l’esclavagisme musulman ». L’auteur montre comment historiens et chercheurs ont pu instrumentaliser la question des traites pour accuser les sociétés musulmanes et réduire la gravité historique de la traite atlantique, et plus largement encore des politiques de domination et d’extermination pensées et développées en Europe .
Il donne différents exemples, dont le livre de Robert C. David1, qui fut promu en France dans la presse conservatrice et les milieux d’extrême droite, et aux États-Unis par les suprématistes blancs. Cet ouvrage a notamment été cité dans une vidéo sensationnaliste et mensongère postée sur YouTube, visionnée plus d’un demi-million de fois l’année de sa publication en 20212.
Il cite aussi le livre de Tidiane N’Diaye, Le Génocide voilé, publié chez Gallimard en 2008, dans lequel l’économiste reproche à ce qu’il appelle « les Arabes » d’avoir fait le « malheur de l’Afrique » en conduisant « le continent noir vers le patriarcat » et en y généralisant la « polygamie ». N’Diaye les accuse également d’avoir perpétré un « génocide », sans citer la moindre source précise pour étayer son propos. Pour M’Hamed Oualdi, le fait que les éditions Gallimard aient publié un livre dénué de toute méthode scientifique « en dit long sur un racisme savant et diffus qui peut prendre place dans les maisons d’édition françaises pourtant perçues comme des institutions culturelles de référence ».
L’auteur s’indigne du fait que les livres de David et N’Diaye soient devenus des références dans certains milieux académiques, et notamment pour les panafricanistes, soutiens de la cause noire, en ce qui concerne l’ouvrage du second. Il précise que ces deux ouvrages ont été précédés par d’autres livres accusatoires à l’encontre des sociétés musulmanes, et en particulier celui de Bernard Lewis, Race and Slavery in the Middle East, An Historical Enquiry, publié en 19903. Dans ce dernier, Lewis considère que l’avènement de l’islam correspondait à une séquence de diffusion d’idées racistes à mesure que l’empire politique des musulmans s’étendait dans le monde.
Pour Oualdi, ces « dérives interprétatives » s’expliquent par une volonté de comparer traite « islamique » et traite « atlantique », sans nuances aucune. D’ailleurs, précise-t-il,
la notion de « traite islamique » apparaît au XIXe siècle, au temps de l’expansion coloniale européenne, et alors qu’un orientalisme savant essentialisait les mondes musulmans, les transformant en « l’Autre », en un ennemi du monde occidental.
L’idée selon laquelle les abolitions ont été d’abord suscitées par les Européens est très répandue. De même que celle de la difficulté de mettre fin à l’esclavage en islam. L’auteur conteste cette appréciation, car dit-il,
cela revient à « enfermer l’islam et les musulmans dans une pensée esclavagiste, incapables de se détacher des traites et de l’esclavage, incapables d’entrer dans la »modernité", tant qu’ils ne se seront pas détournés de leurs textes sacrés et des dogmes qu’ils instaurent.
Il explique qu’à partir du XIXe siècle, les pensées abolitionnistes se répandent, gagnant les sociétés musulmanes où l’on voit naître des ambitions de libération et d’affranchissement collectif des esclaves, puis la mise en place de toute une réflexion sur la manière de mettre un terme à l’esclavage. Mais, dans un paradoxe apparent, la seconde moitié du XIXe siècle a également été un moment de fort regain des trafics d’esclaves, aussi bien dans le Sahara que dans l’est de l’Afrique. Cette recrudescence du nombre d’esclaves, enlevés et vendus, montre que les déclarations d’abolition, comme les débats autour de cette question, n’ont pas suffi à mettre un terme à cette longue histoire de traites d’asservissement.
Plus tard, l’expansion coloniale européenne sur l’ensemble du continent africain constituera la raison majeure du déclin du commerce transsaharien, et par ricochet de celui des traites d’esclaves. Un déclin à mettre en relation avec les transformations profondes que connaissent les économies locales durant la colonisation européenne, avec la mise en place de structures d’exploitation capitaliste. Mais qui s’explique aussi par le discours de nombreux leaders nationalistes qui évoquent l’esclavage comme un vestige du passé qui dénote par rapport à la société moderne à l’occidentale qu’ils entendent bâtir.
M’Hamed Oualdi explique que l’expression « post-esclavage » est utilisée par les historiens pour désigner les présences et les survivances de différentes formes d’asservissement et de servitude qui s’inscrivent dans une longue histoire de l’esclavage. Dans le dernier chapitre du livre, il revient sur ce qu’il appelle « l’esclavage moderne » qui survit dans les sociétés contemporaines, comme survit un racisme anti-noir. Ce « post-esclavage » témoigne des traces culturelles de l’esclavage millénaire d’hommes et de femmes d’Afrique subsaharienne dans la région.
Il révèle aussi la marginalisation sociale dont sont victimes les descendants des femmes et des hommes issus d’Afrique subsaharienne et des migrants dans de nombreux pays musulmans. En se demandant ce que signifie s’identifier ou être identifié comme « blanc » ou « noir », dans les sociétés contemporaines du Maghreb et du Proche-Orient, lorsque les catégories dominantes d’identification sont celles de « musulman », d’« Arabe », de « Turc », ou de « Persan » ?
Politologue, enseignante (université de Paris 1) et chercheuse associée au laboratoire Sirice (Identités, relations internationales et…
https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/esclavage-et-racisme-arabo-musulmans-entre-histoire-et-prejuges,7349
Historien de la période moderne, M’hamed Oualdi aborde dans
Rédigé le 23/05/2024 à 21:45 dans Islam | Lien permanent | Commentaires (0)
La judéophobie représente une menace pour tous les juifs qu’ils soient sionistes ou non.
L’islamophobie représente une menace pour tous les musulmans qu’ils soient islamistes ou non.
Pour l’exprimer plus simplement, on va dire que ce sont les extrémistes des deux camps qui suscitent cette peur en deux temps : Aucun des deux n’a peur… les deux font peur.
Mais plus maintenant, heureusement ou malheureusement pour tous les innocents.
Il y a eu un sacré renversement au cœur de l‘Occident depuis le 7 octobre.
Un regain d’amour pour les juifs et des relents de haine pour les musulmans…
Le contexte a fourni le prétexte pour bénir le sionisme et maudire l’islamisme.
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Rédigé le 18/05/2024 à 17:26 dans Gaza, Islam, Islamophobie, Israël, Lejournal Depersonne, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
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Rédigé le 06/05/2024 à 16:57 dans Islam, Lejournal Depersonne | Lien permanent | Commentaires (0)
AFP / le 25 février 2024 à 17h27
La mosquée Djamaâ El Djazaïr à Alger. Photo d'archives AFP
Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a inauguré officiellement dimanche la Grande mosquée d'Alger, la troisième plus vaste au monde et la plus monumentale d'Afrique, selon des images de la télévision algérienne.
Inaugurée en octobre 2020 en l'absence du président Tebboune alors atteint du Covid-19, « Djamaâ El Djazaïr » ( »La mosquée d'Alger ») peut recevoir jusqu'à 120.000 fidèles.
A l'architecture géométrique et étendue sur 27,75 hectares, « El Djazaïr » ne le cède en gigantisme qu'à la mosquée Al-Haram à La Mecque et à celle du Prophète à Médine, les deux principaux lieux saints de l'islam, en Arabie saoudite. Son minaret, qui surplombe la célèbre baie d'Alger, est le plus haut au monde : il culmine à 267 mètres, soit 43 étages desservis par des ascenseurs panoramiques.
Méga-projet emblématique de l'ancien président Abdelaziz Bouteflika, chassé du pouvoir par les manifestations du mouvement pro-démocratie Hirak, en avril 2019, sa construction avait suscité une vive polémique en particulier en raison de son coût. Achevé en avril 2019, son chantier a duré plus de sept ans et a nécessité des investissements supérieurs à 750 millions d'euros.
Le mandat de M. Tebboune, élu en décembre 2019, à la présidence de l'Algérie, arrive à échéance en fin d'année et il n'a pas encore fait connaître ses intentions sur son éventuelle candidature à un deuxième mandat.
AFP / le 25 février 2024 à 17h27
https://www.lorientlejour.com/article/1369317/inauguration-officielle-de-la-grande-mosquee-dalger.html
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Rédigé le 25/02/2024 à 15:58 dans Islam | Lien permanent | Commentaires (0)
En cette mi-janvier, la vigilance aux entrées de l’établissement privé musulman Averroès à Lille, qui compte un collège avec 352 élèves et un lycée avec 473 autres jeunes, a redoublé. Depuis plus de trois mois, l’établissement est sous les feux des projecteurs. La suppression le 7 décembre 2023 de son contrat avec l’État, à la demande du préfet alors en place, Georges-François Leclerc, a largement été médiatisée. « On est devenus une cible pour certains », glisse Éric Dufour, le proviseur depuis 2022. Des menaces de descente de militants d’extrême-droite sont prises très au sérieux. Avec une certaine lassitude, Dufour explique : « On nous accuse d’être de dangereux islamistes qui endoctrineraient des élèves. Ça ne tient pas debout ».
Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, en est pourtant convaincu. « Il nous reproche un financement du Qatar versé en 2014 qu’il feint de découvrir dans le livre Qatar Papers de Christian Chesnot et Georges Malbrunot paru en 2019 », contextualise Éric Dufour. Il en faut peu pour que ce don de 900 000 euros alimente « certains fantasmes ». Alloué à l’achat des locaux, il prend très vite des proportions qui sidèrent Dufour. « Le livre évoque des chiffres farfelus de plusieurs millions d’euros et forcément, en contrepartie il y aurait de l’endoctrinement, poursuit le directeur. Beaucoup ne comprennent pas le principe de la zakat car c’est bien dans ce contexte que nous avons reçu le financement de la fondation Qatar Charity1 ».
Xavier Bertrand décide alors de ne plus verser les 300 000 euros annuels du forfait d’externat. « Un de ses vice-présidents siégeait au conseil d’administration de l’association Averroès qui gère l’établissement, comment pouvait-il alors l’ignorer ? », s’étrangle Éric Dufour. Et depuis trois ans, la Région est systématiquement condamnée par la justice à verser ce forfait.
Le directeur de l’établissement pressentait que le bras de fer n’allait pas se cantonner à la Région et au financement du Qatar. En 2023, la Chambre régionale des comptes (CRC) publie un rapport sur l’établissement. « C’est la première fois que la CRC s’intéresse à un établissement privé, sourit presque Dufour. Un certain nombre de points avaient été soulevés et nous nous sommes efforcés de suivre les recommandations. Même si le rapport de la chambre ne nous est pas particulièrement défavorable, le président de la Région s’en est immédiatement saisi contre nous ». Dans un courrier adressé au président de la CRC que nous avons pu consulter, Xavier Bertrand insiste : « Au regard des remarques et constats que vous formulez dans votre rapport, je m’interroge sur le maintien par le ministère de l’éducation nationale du contrat d’association avec le lycée Averroès qui contrevient aux valeurs de la République et je souhaite une action forte de la part de l’État qui ne peut laisser de telles pratiques perdurer et se doit de protéger les élèves ainsi que les familles qui ont fait confiance à cet établissement ».
Les services de la préfecture s’emballent et Éric Dufour apprend le 18 octobre par voie de presse que le préfet envisage de résilier le contrat. S’ensuit une première rencontre puis une commission se tient fin novembre en présence des représentants du rectorat de Lille, de l’éducation nationale, des conseils départemental et régional et des chefs d’établissements privés catholiques. Et de Xavier Bertrand lui-même. « Lors de cette commission, nous avons été mis en accusation permanente sans la possibilité réelle de nous défendre », s’insurge Dufour.
Le vote est sans appel : 16 sont pour la résiliation et 9 s’abstiennent sur un total de 25. « Nous n’avons pas été écoutés », se remémore Vincent Brengarth, l’un des avocats de l’association Averroès.
Au cours de cette commission, un rapport d’une douzaine de pages est réalisé. Mais comme le révèle Mediapart , le 14 décembre2, sa version finale a entre-temps subi un lifting et compte désormais six pages. Car parmi les faits reprochés, certains concernent le collège, qui lui n’est pas sous contrat avec l’État. Autre fait curieux, un rapport élogieux réalisé par des inspecteurs de l’éducation nationale est passé sous silence. Il pointe notamment la qualité des enseignements et le respect des valeurs de la République. Pourtant, à aucun moment il n’est évoqué dans le rapport final. Pas plus que les bons résultats au bac obtenus par le lycée (en 2022, le taux de réussite au bac est de 98 % avec un taux de mention de 73 %).
Parmi les griefs, le plus virulent est celui du cours d’éthique musulmane qui, selon le rapport de la commission préfectorale, serait en « contradiction profonde avec les valeurs de la République ». Là encore, le directeur de l’établissement s’insurge. « Il s’agit avant tout d’un cours facultatif qui propose une connaissance de l’islam. C’est l’équivalent d’une pastorale ou d’une catéchèse en établissement catholique. La mission de ce cours est de déconstruire un discours erroné séparatiste ». Mais pour les autorités, ce cours serait sous l’influence tantôt des Frères musulmans, tantôt des salafistes...
En réalité, il y a peu voire pas d’éléments concrets qui nous ont été communiqués quant à des enseignements qui seraient contraires aux valeurs de la République, remarque l’avocat Vincent Brengarth. De plus, les inspecteurs de l’éducation nationale ont assisté à ce cours et n’en parlent pas comme d’un problème. Cela nourrit l’idée que des choses auraient été découvertes, ce qui n’est pas le cas.
La résiliation du contrat d’association n’est pas anodine pour l’établissement. Déjà en proie à des soucis financiers, il serait alors plongé dans la précarité, plus de 50 % de ses élèves étant boursiers. La Région ne devrait plus verser de forfait d’externat et les élèves ne pourraient plus passer leurs examens en contrôle continu, sans oublier les enseignants qui ne seraient plus rémunérés par l’État. « Xavier Bertrand lui-même s’est demandé comment nous contrôler si l’on nous retirait le contrat. Ce à quoi le préfet a répondu que l’objectif n’est pas de fermer l’établissement mais de ne pas nous verser de financement public. Si l’on est dangereux et qu’on prône une doctrine contraire à la République, pourquoi ne pas nous fermer définitivement ? », s’interroge Éric Dufour.
La situation que traverse le lycée Averroès se heurte à celle que connaît un autre établissement privé. Depuis début janvier, le lycée catholique parisien Stanislas défraie la chronique pour d’autres raisons. Pour Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille et soutien de la première heure du lycée lillois :
Il me semblait jusqu’alors qu’on traitait le lycée Averroès de manière inéquitable et disproportionnée. Ce qui se passe avec Stanislas conforte mon sentiment. Des reproches qui reposent sur des pièces sont acceptables et il y a toujours des améliorations possibles. Mais des reproches basés sur une atmosphère, c’est terrible.
Difficile en effet pour les partisans du lycée lillois de ne pas comparer la différence de traitement. « Si l’on fait une symétrie, dans le cas d’Averroès, le rapport de l’inspection générale n’a jamais été rendu public, il est très positif et ne fait pas état de recommandations particulières. D’ailleurs, à aucun moment le préfet n’utilise cette pièce, cela interroge. Pour Stanislas en revanche, le rapport de l’inspection générale a été communiqué à la direction de l’établissement. Dans ce dernier, il y a des recommandations, et des problèmes sont identifiés. Et là, la ministre de l’éducation indique que son cabinet va mettre en place une commission pour vérifier la mise en conformité. Rien de tout cela n’a été proposé à Averroès », constate Pierre Mathiot.
Aux commandes de la réforme du bac sous Blanquer, Pierre Mathiot connaît bien les arcanes du pouvoir. Il connaît également Gérald Darmanin, un de ses anciens élèves à Sciences Po Lille. Il raconte l’avoir contacté en octobre 2023, ainsi que le cabinet de Gabriel Attal, alors ministre de l’éducation, pour les alerter sur la situation à Averroès. « Je leur ai signalé que ce qui se jouait là était problématique et qu’il fallait faire attention aux effets de bord ». Autrement dit, attention à ne pas enclencher « quelque chose qui mettrait en péril l’enseignement privé en général. Le cabinet d’Attal m’a dit que le dossier lillois relevait du ministère de l’intérieur et qu’il ne ferait rien, alors que pour Stanislas c’est exactement le contraire ».
Pour ce républicain convaincu, l’image de l’État est ternie. « J’ai alerté plusieurs fois le cabinet d’Élisabeth Borne, alors premier ministre, quant au risque de neutralité. L’État se doit d’incarner l’équité et la proportionnalité. Cette décision de rupture du contrat d’association éloigne les musulmans de la République », regrette-t-il.
Difficile pour Imane, en terminale au lycée Averroès de ne pas le prendre de la sorte. « En fait, on nous reprochera toujours d’être musulmans. Le vrai problème est là ». C’est justement sur le risque d’un sentiment de rejet chez une partie de la population française que Pierre Mathiot alerte. « Ce qui se joue ici, c’est la banalisation de l’islam comme étant une religion française. On dit aux musulmans qu’ils ne veulent pas jouer le jeu de la République. Or, quand ils demandent à être associés à l’État, on les rejette. Cette manière de faire est très problématique vis-à-vis des citoyens d’aujourd’hui et de demain », s’inquiète-t-il.
Les avocats de l’établissement lillois ont déposé une requête de plus de 80 pages. En plus de la demande de suspension, un recours en annulation a également été déposé.
La nomination de Bertrand Gaume en tant que nouveau préfet des Hauts-de-France le 17 janvier dernier est pour certains une source d’espoir. Espoir qu’il mette fin à cette procédure de résiliation au risque de désavouer son prédécesseur. D’aucuns rappellent qu’il a travaillé aux cabinets de Najat Vallaud-Belkacem et de Benoît Hamon. Signe d’une ouverture possible ? À suivre...
journaliste
https://orientxxi.info/magazine/a-lille-le-lycee-musulman-averroes-menace-par-une-campagne-islamophobe,7052
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Rédigé le 08/02/2024 à 22:07 dans Islam, Islamophobie | Lien permanent | Commentaires (0)
On a du mal à le croire, mais dans l’histoire des lettres françaises, nombre d’écrivains ont fait preuve à l’égard de l’islam d’une volonté de compréhension, d’une tolérance et d’une ouverture qui ont disparu aujourd’hui chez nombre d’intellectuels. Alphonse de Lamartine en est un exemple.
Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l’immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Mahomet ? […] Philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d’idées, restaurateur de dogmes, d’un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d’un empire spirituel, voilà Mahomet ! À toutes les échelles où l’on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand ?
L’auteur de ces lignes est un écrivain célèbre, ancien ministre français des affaires étrangères et candidat malheureux à l’élection présidentielle il y a… 175 ans. Il s’appelle Alphonse de Lamartine. Quel Occidental sait aujourd’hui que le poète du « Lac » avait érigé Mohammed en modèle ?
C’était au temps où l’islamophilie ne valait pas à un homme public d’être cloué au pilori. Et pourtant. Gentilhomme bourguignon royaliste et profondément catholique, notre poète n’avait a priori guère d’atouts pour séduire l’anarchiste Georges Brassens, qui le chantera, ou les réseaux sociaux musulmans, qui le louent aujourd’hui. Partisan du dépeçage de l’empire ottoman et de la conquête de l’Algérie dans ses jeunes années, il avait alors choisi la croix contre le croissant, comme son ami Victor Hugo. Mais bouleversé par l’accueil que lui réservèrent les Orientaux en 1832-1833 et horrifié par les massacres de la colonisation algérienne, Lamartine se fit l’avocat des Ottomans et, au-delà, des musulmans, au point de publier une biographie du Prophète tombée dans l’oubli1. Il avait dirigé entretemps l’exécutif issu de la révolution de 1848, et promu ses idéaux universalistes :
Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute !
Sans aimer, sans haïr les drapeaux différents,
Partout où l’homme souffre, il me voit dans ses rangs.
Plus une race humaine est vaincue et flétrie,
Plus elle m’est sacrée et devient ma patrie2.
« Créé religieux, comme l’air a été créé transparent », comme il s’est défini lui-même, Lamartine a toujours affirmé sa fidélité au christianisme face à ses détracteurs catholiques, quoique sa religiosité hétérodoxe ait rejoint celle de l’islam en bien des points. Attiré par l’Orient depuis sa jeunesse, il y trouve une spiritualité qui l’enchante : « Cette terre arabe est la terre des prodiges. […] Dieu est plus visible là-bas qu’ici : c’est pourquoi je désire y vieillir et y mourir », affirme-t-il sur ses vieux jours. Il exhorte ses compatriotes à s’inspirer de la tolérance religieuse ottomane :
Le mahométisme3 peut entrer, sans effort et sans peine, dans un système de liberté religieuse et civile ; […] il a l’habitude de vivre en paix et en harmonie avec les cultes chrétiens. […] On peut, dans la civilisation européenne, […] lui laisser sa place à la mosquée, et sa place à l’ombre ou au soleil4.
En un hommage qui vaut testament spirituel, il avoue dans ses Mémoires politiques tirer ces convictions de ses voyages en Orient, qui ont transformé le poète en partisan du Dieu universel et le moraliste en humaniste sans frontières :
On était parti homme, on revient philosophe. On n’est plus que du parti de Dieu. L’opinion devient une philosophie, la politique une religion. Voilà l’effet des longs voyages et des profondes pensées à travers l’Orient.
Son humanisme ne résulte pas de quelque exotisme romantique, mais d’une réflexion historique sur son pays :
La France est géographiquement comme moralement un pays de fusion et de contraste dans l’unité. […] Elle-même n’est plus qu’une grande mêlée de races, de sang, de langues, de mœurs, de législations, de cultes, qui fond tout ce qu’elle a de divers dans une lente et laborieuse unité. […] La diversité est donc le caractère essentiel et fondamental de la France nationale. […] C’est la pauvreté des autres races nationales de l’Europe, de n’avoir qu’un caractère national ; c’est le génie, c’est l’aptitude, c’est la grandeur, c’est la gloire de la France, d’en avoir plusieurs5.
Les critiques de l’orientalisme politique6 ont mal compris Lamartine, qu’ils ont jugé via une lecture unilatérale et tronquée de son Voyage en Orient, alors que s’y borner reviendrait à omettre l’évolution ultérieure de l’auteur. On peut repérer dans l’œuvre de Lamartine un cheminement intellectuel parallèle à sa découverte personnelle de l’Orient, qui le mène d’une sensibilité poétique proche de la spiritualité du Coran à un humanisme ouvert aux musulmans. Sa perméabilité à la sacralité islamique s’est accompagnée d’une empathie à leur égard, qui l’a poussé à approfondir la biographie de leur modèle spirituel et temporel, pour l’expliquer à ses lecteurs. Il a donc voulu explorer l’ensemble de la sphère du sacré musulman, de la révélation coranique à sa traduction dans le quotidien du Prophète, comme s’il avait cherché un équilibre entre les deux.
Sa capacité d’évolution, liée à son ouverture d’esprit, s’avère remarquable : voici un aristocrate royaliste devenu député de gauche, un thuriféraire de l’impérialisme européen passé à l’anticolonialisme, un catholique intégriste mué en laudateur de Mohammed ! Ces mûrissements intellectuels sont allés de pair et se sont révélés complémentaires. Ils déclinent sur les plans des politiques intérieure et extérieure et de la religion, respectivement, des dispositions humanistes que son milieu et son éducation avaient bridées. Ils répondent à une logique d’ensemble, le respect des opprimés dans sa société d’origine allant de pair avec celui des musulmans méprisés en Europe. Ainsi, l’existence de ce rationaliste dans l’âme offre une cohérence que ses contemporains ne lui pardonneront pas et dont sa postérité pourrait utilement s’inspirer.
Si la spiritualité de l’islam l’enthousiasme, cet humaniste est surtout impressionné par la tolérance musulmane :
Cette prétendue intolérance brutale dont les ignorants accusent les Turcs7ne se manifeste que par de la tolérance et du respect pour ce que d’autres hommes vénèrent et adorent. Partout où le musulman voit l’idée de Dieu dans la pensée de ses frères, il s’incline et il respecte. Il pense que l’idée sanctifie la forme. C’est le seul peuple tolérant. Que les chrétiens s’interrogent et se demandent de bonne foi ce qu’ils auraient fait si les destinées de la guerre leur avaient livré La Mecque et la Kaaba !
La guerre de Crimée, qui oppose une coalition composée de la France, du Royaume-Uni, de la Sardaigne et de l’empire ottoman à la Russie de 1853 à 1856, fait prendre la mesure du danger des ambitions hégémoniques de ce dernier pays aux Européens de l’Ouest. Elle dissipe pour un temps l’ennemi imaginaire musulman, mais la fortune du dynamomètre « tête de Turc » dans les foires d’alors atteste de son ancrage populaire. Cette attraction permettait de mesurer sa force musculaire en frappant d’un maillet sur une tête enturbannée, étant entendu que « Turc » désignait alors les ressortissants de l’empire ottoman, Arabes compris.
Les liens entre orientalisme et colonialisme au XIXe siècle sont bien connus et l’époque n’était donc guère plus favorable à l’islam que la nôtre, mais les Français n’avaient pas encore forgé un danger arabo-musulman servant de bouc émissaire à leurs peurs identitaires, et ne stigmatisaient donc pas les expressions de sympathie envers cette religion. Le débat public laissait encore une place à l’islamophilie, qu’occupèrent des écrivains parmi les plus éminents.
Vu sa notoriété, Lamartine peut être considéré comme le principal « passeur d’islam » de la France contemporaine. D’autres auteurs du XIXe siècle ont partagé à sa suite son respect envers cette religion, que la plupart de leurs lecteurs ont ignorée. Lamartine, qui a vu le jour en 1790, est l’aîné d’une génération à laquelle appartiennent ses amis Victor Hugo et Alexandre Dumas, tous deux nés en 1802. Victor Hugo se fait le chantre de Mohammed dans La Légende des siècles et Alexandre Dumas écrit dans son Journal d’un voyage en Arabie :
Fondre toutes ces croyances en une seule, réunir tous les Arabes sous une loi commune, et donner à ce peuple un nouvel élan, telle fut la tâche immense qu’entreprit le génie de Mahomet. Comment donc refuser un tribut d’éloges au créateur de tout ce que l’histoire musulmane offre de grand, de noble, de glorieux ?
Ce trio est précédé de Napoléon Bonaparte, qui affirmait peu avant sa mort en 1821 : « L’islam est la vraie religion. […] J’espère que le moment ne tardera pas où l’islam prédominera dans le monde ». Lamartine est suivi d’Auguste Comte (1798-1857), qui loue « l’incomparable Mahomet », d’Edgard Quinet (1803-1875), pour qui « l’islamisme a le premier commencé à réaliser le principe d’égalité », et d’Édouard de Laboulaye (1811-1883), auteur en 1859 du conte philosophique Abdallah ou le Trèfle à quatre feuilles, dont la couverture porte en exergue la fameuse formule « Allahou akbar » (« Dieu est éminent »). Jules Verne (1828-1905) publie en 1847 le poème « Le Koran » : « Il n’est de dieu si ce n’est Dieu, Allah ! ». « Toute une partie de la vie de Stéphane Mallarmé (1842-1898) et de ses préoccupations culturelles est imprégnée par son attachement à la culture arabo-islamique », estime l’un de ses critiques, Mohammed Bennis. Arthur Rimbaud (1854-1891) s’est converti à l’islam après s’être établi à Aden en 1880. Enfin, Pierre Loti (1850-1923) écrit en 1908 : « Chez nous autres, Européens, on considère comme vérité acquise que l’Islam n’est qu’une religion d’obscurantisme. […] Cela dénote d’abord l’ignorance absolue de l’enseignement du Prophète ».
On pourrait ajouter d’autres écrivains moins connus et nombre d’artistes à cette liste rapide, mais impressionnante. Tous témoignent d’un islam inspirateur des meilleurs auteurs et donc partie de la culture française la mieux ancrée, loin de l’élément allogène que d’aucuns dénoncent aujourd’hui. L’image d’un XIXe siècle foncièrement islamophobe car impérialiste est réductrice et oublieuse d’auteurs aussi prestigieux. Ils vivaient au temps où les Français pouvaient exprimer leur respect pour l’islam sans éveiller le soupçon…
La Vie de Mahomet de Lamartine a été traduite en arabe, et la plupart de ses lecteurs sont peut-être désormais musulmans, comme le laisse croire une recherche sur Internet. Aucun dirigeant français n’a pourtant songé à user de cette part du patrimoine littéraire de son pays pour y favoriser l’intégration de l’islam ou pour combattre sa réputation islamophobe croissante chez nombre de musulmans. Il nous faut redécouvrir Lamartine.
LOUIS BLIN
Diplomate, docteur en histoire contemporaine, spécialiste du monde arabe.
https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/lamartine-au-temps-oublie-de-l-islamophilie-francaise,6588
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Rédigé le 27/01/2024 à 03:57 dans France, Histoire, Islam, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
Cette salle a vécu bien d’autres soirées mémorables – Piaf, Bécaud, les Beatles… –, mais elle vibre cette fois d’une façon inédite. De mémoire d’employé de l’Olympia, on n’a jamais vu pareil public. Chaque tirade de la chanteuse fait chavirer l’assistance. « Tout ce bruit ne nous dérangeait pas, insiste Saed, le violoniste. Au contraire, c’était la preuve de leur satisfaction. » Il y a dans cette ferveur bien plus qu’une passion artistique. « Pour tous les Arabes blessés par la défaite face à Israël, c’était la voix de l’Egypte triomphante », assure Mohamed Salmawy.
Un jeune apprenti comédien, débarqué de Châteauroux et totalement inconnu, partage ces sensations : un certain… Gérard Depardieu ! Dans son dernier livre (Innocent, Cherche Midi, 2015), l’acteur affirme s’être un temps converti à l’islam après ce concert exceptionnel. Sollicité par l’intermédiaire de son entourage, il fait savoir qu’il avait en fait rencontré Oum Kalsoum un an plus tôt, dans un contexte privé, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), mais que c’est bien ce spectacle, à l’Olympia, qui l’a conduit vers l’islam. « Je me suis retrouvé dans une sorte de communion artistique avec elle, précisait-il dès 2004 dans un autre ouvrage (Vivant !, Plon). Le public était ému aux larmes. (…) J’avais dû éprouver ce que les Arabes appellent le tarab, le paroxysme de l’émotion et de l’amour. »
Arrivés à 21 h 25, « la Dame du Caire » et son orchestre tiennent le public en haleine jusqu’à 2 h 35. LENA ANNETTE/GAMMA
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https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/07/29/oum-kalsoum-une-reine-d-egypte-a-paris_4976320_4497186.html
« La Dame » chante pendant une cinquantaine de minutes puis s’accorde une pause. Le rideau à peine baissé, Bruno Coquatrix se précipite sur scène, il veut la voir d’urgence. « Elle était encore assise sur sa chaise Louis XVI, à parler avec les musiciens, raconte Mohamed Salmawy, de nouveau chargé de jouer les traducteurs. Monsieur Coquatrix estimait que le présentateur égyptien du concert avait tenu des propos patriotiques un peu trop politiques à son goût. “Madame Oum, lui a-t-il dit, c’est une soirée artistique, pas une fête nationale.” Elle lui a fait comprendre que c’était très bien ainsi et qu’elle ne ferait aucun reproche au présentateur. Il n’a pas insisté. »
Pendant que ses musiciens dégustent des pâtisseries orientales au bar, elle part prendre un thé à la menthe dans sa loge. Dans la salle encore toute tremblante d’euphorie, les spectateurs se restaurent comme à la mi-temps d’un match de foot. On fume, on mange, on bavarde. Jean-Michel Boris s’amuse de voir certains hommes boire des rasades d’alcool de figue (la boukha) dans de petites fioles et grignoter des graines de courge. A 23 h 35, elle revient sur scène pour offrir sa deuxième chanson, Les Ruines, un hymne déchirant où elle lance « Donne moi ma liberté/Dénoue mes mains ». Le public se laisse de nouveau aller, prêt à la suivre ainsi jusqu’au bout de la nuit. « C’était prodigieux, poursuit Marie Laforêt. Elle était statique mais sa voix, à elle seule, faisait la danse du ventre. Elle avait une mystique, une profondeur, une sensualité qui rendaient Dieu aimable. »
Après un autre entracte et un troisième morceau, le spectacle s’achève donc à 2 h 35. L’artiste salue ses fans, le rideau tombe, les portes s’ouvrent sur le boulevard désert, libérant une foule ivre de bonheur. « Nous avons quitté l’Olympia en ayant l’impression très nette d’avoir assisté à un événement », confirmera un chroniqueur de L’Humanité. Dans Le Monde du lendemain, Eric Rouleau prédit que les spectateurs auront « le plaisir d’en évoquer les délices pendant les années à venir ».
Dans la journée du mardi 14 novembre, Oum Kalsoum s’accorde un peu de détente. Entre deux balades dans la capitale, elle donne juste une conférence de presse en présence de Bruno Coquatrix. Tous deux savent que la partie est gagnée et que le spectacle de mercredi sera tout aussi triomphal. Ce soir-là, l’Olympia est de nouveau bondé, sans une place de libre. Marie Laforêt, fidèle et passionnée, a tenu à revenir. La célèbre actrice égyptienne Faten Hamama, l’épouse d’Omar Sharif, est également présente. Le public est si débordant d’amour pour sa Dame qu’un incident manque de gâcher la fête : un spectateur monte sur scène pour se jeter à ses pieds. Déséquilibrée, elle s’affaisse sur son siège mais se redresse aussitôt, sans cesser de chanter.
Cette femme a l’art de troubler les hommes. Même les plus grands. D’après la journaliste Ysabel Saïah-Baudis, la presse égyptienne de l’époque assure ainsi que, le 16 novembre au matin, quelques heures avant de repartir pour le Caire, elle reçoit au George-V un message de Charles de Gaulle : « J’ai ressenti dans votre voix les vibrations de mon cœur et du cœur de tous les Français. » Ce télégramme n’est pas mentionné, lui non plus, dans les archives diplomatiques. Peut-être a-t-il existé ? Peut-être pas. Cela n’a guère d’importance, après tout. Les spectateurs, eux, n’ont pas rêvé : la dernière reine d’Egypte a bien régné sur Paris à l’automne 1967.
Philippe Broussard
https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/07/29/oum-kalsoum-une-reine-d-egypte-a-paris_4976320_4497186.html
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Rédigé le 06/01/2024 à 20:04 dans Chansons, Islam | Lien permanent | Commentaires (0)
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