Le monarque républicain a pris une décision seul, il se retrouve maintenant seul. En son pouvoir souverain et sans partage, le roi avait joué la France en un coup de poker, il l'a fracassée. Il voulait une majorité absolue, il a pulvérisé son parti. Il voulait la stabilité institutionnelle de son pouvoir, il se retrouve face à un risque de désordre encore pire qu'il ne l'était auparavant.
La France est passée à côté du désastre, le parti fasciste n'a pas la majorité absolue tant espérée par lui. Mais je souhaiterais me prononcer avec un recul et une parole extérieurs à la liesse des partisans et électeurs qui se sont mis en barrage pour contrer la peste noire de l'histoire. La porte a été fermée, au loup mais il n'a pas fui, il est encore plus fort et attend son heure. Pourquoi un tel pessimisme, ou une réserve ? Car la joie qui s'exprime n'est en fait qu'un soulagement que le RN n'ait pas obtenu la majorité absolue. Cette joie n'a pas encore laissé place à la raison qui va lui remettre le regard sur la réalité. Regardons les résultats avec un esprit distancié et analysons le comment et le pourquoi un homme seul a tenté une telle folie. Il s'agira beaucoup plus de lui, dans cet article, car c'est l'homme qui dirigera la France pour encore trois ans.
Le Rassemblement National a perdu ?
Je n'ai peut-être pas compris l'arithmétique. Il avait 89 sièges, il en a maintenant 143. Curieuse défaite. Le camp présidentiel comptait 245 sièges, il se retrouve avec 156 sièges. Le Président a porté un coup fatal à ce qu'il restait encore de viable dans le parti qui l'avait porté au pouvoir. Le RN n'attendait que cela, c'est déjà un obstacle qui n'est plus sur son chemin pour la suite.
Quant au grand gagnant de ces élections, Le Nouveau Front Populaire compte désormais 174 sièges. Le NFP, ce n'est pas celui dont les membres s'écharpent, depuis des mois, avec des noms d'oiseaux et qui se sont mis d'accord en quatre jours avec des tas de bisous? Pourtant les longs gourdins cachés derrière leur dos sont visibles à un kilomètre. Un siècle de bagarre dans la gauche, les fameuses « deux gauches irréconciliables », et quatre jours pour une réconciliation, ce n'est pas un mariage précipité ?
Le dernier mariage que la gauche avait célébré datait du début du règne de Mitterrand en 1981. Il avait fini très rapidement par un divorce violent.
Le Président Macron a joué la France par un coup de poker, elle n'a pas été ruinée, a évité la catastrophe mais hypothéqué ses chances dans un avenir incertain.
Un décompte en sièges plus catastrophique que ce qu'il était avant la dissolution, il me faut beaucoup d'imagination pour qualifier le résultat de victoire.
Une déraison incompréhensible
Il n'avait prévenu personne si ce n'est informer la Présidente de l'Assemblée Nationale et le Président du Sénat comme l'impose la constitution. Ils n'avaient aucun pouvoir de bloquer sa décision. De plus il ne les avait avertis que très tardivement, à la vieille de sa décision. Puis la colère de la classe politique comme celle de la population s'était manifestée dès l'annonce d'une dissolution incomprise et dangereuse. Aucun espoir qu'elle ne cesse désormais, juste après la fête.
Emmanuel Macron avait pris acte des résultats catastrophiques des élections européennes. Il avait alors pensé que la nouvelle force du Rassemblement National allait décupler sa capacité de blocage. Mais comment cela se peut-il puisque l'élection européenne n'avait absolument aucun effet sur le nombre de sièges dans l'Assemblée nationale ?
Jupiter redescend de l'Olympe
L'image du dieu mythologique et son règne absolu est assez classique et nous pouvons la reprendre à bon compte. C'est d'ailleurs le Président Emmanuel Macron lui-même qui souhaitait être un « Président jupitérien » dans un entretien en 2016, accordé au magazine Challenges' au moment de sa conquête du pouvoir.
Ses deux prédécesseurs avaient eux aussi été poursuivis par une qualification qui collera à leur image. Nicolas Sarkozy avait été « l'hyper président », celui qui avait théorisé qu'il fallait « créer chaque jour un événement pour que chaque jour nécessite une intervention de la parole présidentielle ». Il était partout, se mêlant de tout et ne laissant aucun espace d'intervention à son gouvernement. C'est pourtant exactement ce que fera Emmanuel Macron.
Quant à François Hollande, il s'est qualifié lui-même de Président « normal » pour se démarquer de l'exubérance de son prédécesseur. Emmanuel Macron, son ministre de l'Economie, avait vécu une normalité du Président qui avait provoqué la fronde de ses partisans et le harcèlement des journalistes qui ont fini par l'étouffer (en amplifiant le rejet populaire à son égard) jusqu'à son abandon d'une nouvelle candidature. C'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron avait estimé qu'il fallait éviter les deux écueils et redonner à la fonction la dignité de son rang. Il voulait restaurer l'horizontalité jupitérienne du pouvoir et prendre de la hauteur par rapport aux médias avec lesquels il souhaitait avoir « une saine distance ».
Il voulait se démarquer des deux autres Présidents mais il a créé une déclinaison commune en devenant un « hyper président anormal et rejeté ». Tout cela est démoli, Jupiter redescend de son Olympe.
Le syndrome du premier de la classe
La montée fulgurante d'un homme jeune et sa stupéfiante réussite, en si peu de temps, pour devenir Président de la République avait été jugée comme exceptionnelle. L'homme avait été salué dans son exploit et une route lui était désormais tracée.
Selon ses propres mots, il voulait « gouverner autrement », sortir du tunnel de la « vieille politique » et mettre fin aux blocages des partis politiques qu'il avait connus avec François Hollande face à la crise des « frondeurs » de son propre camp. Il voulait intégrer la France dans le mouvement mondial de la « Start-up nation », redonner à la France sa capacité à s'ouvrir au monde, à créer les conditions de sa modernité et sortir du traditionnel combat historique et stérile entre la gauche et la droite. Il voulait des « premiers de cordée », c'est-à-dire placer au sommet de la pyramide ceux qui ont la capacité de créer, d'innover et d'entraîner un « ruissellement vers le bas », c'est-à-dire au profit des autres. Il avait cru que c'était l'excellence qui gouvernait le monde. Il avait oublié que si cette dernière était indispensable par le dynamisme d'une jeunesse diplômée et la compétence de hauts cadres, il fallait un projet politique qui crée les conditions d'adhésion et d'entrainement d'une société. Il avait cru qu'un pays se gouvernait comme une entreprise.
Ni à droite ni à gauche, nulle part
Pour arriver à cet objectif ambitieux, Emmanuel Macron voulait écarter les corps intermédiaires et créer un centre puissant. Dans toutes ses déclarations, une expression qui va lui coller à la peau « en même temps ». Chaque décision se voulait être ni-ni, ni les vieilles lunes de droite ni celles de gauche. Il avait cru alors avoir trouvé ce territoire central si recherché et jamais réellement découvert, celui qui unit une société. Un fantasme de la politique française qui avait fait dire à François Mitterrand aux journalistes : « le centre est au fond du couloir, à droite ». Puis une autre fois, « curieux que ce centre qui vote à droite ».
Son projet de créer ce centre mythique fut alors d'affaiblir les deux partis de gouvernement qui alternaient au pouvoir depuis 1981, avec l'arrivée de François Mitterrand et de les attirer vers lui. Il avait réussi à débaucher un certain nombre de leurs cadres, séduits par ce jeune homme aux visions d'avenir. En fait, ils souhaitaient surtout quitter deux partis en déclin et prendre leur chance avec un nouveau souffle promis. Ainsi il a détruit les traditionnels partis républicains et de gouvernement. À gauche, le Parti Socialiste et à droite, Les Républicains, qui sont devenus des coquilles presque vides. Il devrait s'en mordre les doigts car ils auraient été ses chances actuelles d'une éventuelle coalition en sa faveur.
À s'acharner à détruire l'existant politique, il n'a créé ni le « ni-ni », ni le « gouverner autrement », ni construire un centre solide. Finalement, il est arrivé nulle part.
Le pouvoir et la solitude du Prince
Goethe affirmait que «la solitude est enfant du pouvoir » et Machiavel que « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument» (Le Prince, 1513).
Bien entendu, pour Emmanuel Macron on doit écarter la corruption dans le sens de l'appropriation matérielle illégale mais retenir celle de l'esprit. Pour sa défense, on peut également dire que la lourde responsabilité et les décisions quotidiennes importantes pour gérer les affaires de l'Etat nous rapprochent d'une seconde affirmation de Goethe « toute production importante est l'enfant de la solitude ». On doit aussi écarter l'image du pouvoir isolé dans le Palais de l'Elysée. « La république est dans ses meubles » disait Mitterrand lorsqu'il avait reçu des chefs d'Etat, à Versailles. Tous les édifices prestigieux ont été la propriété de la noblesse de sang et d'argent, construits par le fruit du labeur et du talent du peuple. Installer les hommes du pouvoir républicain et leurs administrations dans ces palais est la marque de la magnificence de l'Etat, donc celle du peuple. Cependant, en sens contraire, on peut reprocher à tous les Présidents de la cinquième république d'avoir été envoutés par la puissance qui les isole davantage. Tous les intimes et compagnons qui ont permis au Prince d'accéder au pouvoir ont vécu avec le temps son éloignement progressif et un enfermement dans sa certitude d'être la source de développement et de la protection du pays.
Et maintenant, que peut la solitude ?
Une remarque préalable, cet article est rédigé avant qu'une décision soit prise par Emmanuel Macron. Qu'importe, d'une part il est peu probable que la décision soit prise demain et par ailleurs, cela permet d'analyser toutes les options possibles dans une telle situation. Une seconde dissolution ? La constitution ne le lui permet pas avant un an. La démission ? Emmanuel Macron a déclaré qu'il ne l'envisage pas. Et puis, ce serait donner les clés de la Présidence de la république à Marine le Pen, en considération du mode de scrutin.
Un gouvernement de techniciens ? Il le pourrait, comme ce fut le cas très souvent en Italie, mais ce n'est pas la culture politique française. Certains prétendent que la seule exception fut le Premier ministre Raymond Barre mais ils ont oublié que celui-ci avait des ancrages politiques et une expérience d'élu, maire de longue date de la ville de Lyon, troisième métropole de France. Si l'image du technicien lui était attribuée c'est parce qu'il fut un grand professeur d'économie (le plus grand disait-on à cette époque).
La recherche d'une coalition majoritaire qui lui serait favorable ? À constater l'effort immense pour la gauche de construire le Nouveau Front Populaire alors que les positions politiques de chacune des composantes sont aussi éloignées que les étoiles entre elles. La coalition ne tiendrait pas plus longtemps que les promesses du menteur. J'ai bien peur que la gauche ne s'enthousiasme trop tôt et s'éloigne du chemin de l'unité. Elle est loin d'être atteinte malgré cette soirée de victoire.
La nomination du leader du parti majoritaire ? L'usage le voudrait mais il n'est pas obligé. Il aurait donc le choix entre Bardella et Mélenchon ? Pour une victoire, j'en ai connu des plus stables et durables.
Nommer un Premier ministre en dehors des partis majoritaires ? Dès la première motion de censure, il serait balayé comme une feuille au vent d'automne. Utiliser tous les autres pouvoirs que lui confère la constitution ? Ils sont puissants mais le Président serait alors obligé de refuser tous les textes gouvernementaux ou du Rassemblement National.
Le blocage permanent est-il dans le rôle de la fonction et de l'intérêt de la France pendant une année, avant la prochaine dissolution ? En conclusion, donner les clés à un jeune premier de la classe qui n'avait aucun parcours politique (dans le sens du militantisme), aucun parti politique enraciné dans les territoires et aucun projet autre que celui du rêve chimérique de détruire l'existant, c'était assurément donner un gros jouet à un enfant gâté. Il l'a fracassé.
«L'occupant sioniste tue un enfant palestinien toutes les dix minutes», a déclaré hier le porte-parole du ministère de la Santé à Ghaza, dans son point de presse de la mi-journée, pour annoncer le bilan macabre des crimes de l'armée israélienne.
«Le nombre de martyrs est de 10.569 depuis le début de l'agression sioniste, dont 4.324 enfants et 2.823 femmes», a annoncé, hier, Ashraf Al-Qudra qui a réclamé une «présence de l'ONU et du CICR dans les hôpitaux pour mettre un terme aux menaces israéliennes, protéger le système de santé à Ghaza et permettre aux praticiens de faire leur travail dans des conditions humaines».
Avant lui, le directeur de l'hôpital Chouhada Al-Aqsa expliquait que «la moitié des hôpitaux de la bande de Ghaza et environ 60 % des établissements de santé sont hors service». «Aujourd'hui, pour le 33e jour, l'occupation israélienne mène une guerre brutale dans la bande de Ghaza». Selon la même source, on dénombre plus de 3.000 disparus et plus 26.000 blessés. Les bombardements sionistes ciblent aussi les rares convois d'aide humanitaire. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a affirmé qu'un de ses convois acheminant de l'aide humanitaire avait été visé mardi par des tirs, se disant «profondément troublé» par cet incident.
«Le convoi de cinq camions et deux véhicules du CICR transportait des fournitures médicales vitales (...) notamment vers l'hôpital al-Quds de la Société du Croissant-Rouge palestinien, lorsqu'il a été touché par des tirs. Deux camions ont été endommagés et un conducteur a été légèrement blessé», a affirmé le CICR dans un communiqué.
«Ce ne sont pas des conditions dans lesquelles le personnel humanitaire peut travailler», a déclaré William Schomburg, chef de la sous-délégation du CICR à Ghaza. «Nous sommes là pour apporter une assistance urgente aux civils dans le besoin. Garantir que l'aide vitale puisse atteindre les établissements médicaux est une obligation légale, en vertu du droit international humanitaire.»
Le G7 insensible à la souffrance des Palestiniens
De Hiroshima, les ministres des Affaires étrangères des pays du G7 (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Italie, Allemagne et Japon) ont offert une couverture sans équivoque aux crimes sionistes, en affirmant «le droit d'Israël à se défendre (...) conformément au droit international». Sans faire état des bombardements qui ont fait des milliers de martyrs dont plus de 4.200 enfants, le communiqué de la réunion du G7 n'a pas manqué de condamner «sans équivoque les attaques terroristes du Hamas», tout en exigeant «la libération immédiate de tous les otages sans conditions préalables». De son côté, la Chine a appelé mardi à la «cessation immédiate des hostilités», dans la bande de Ghaza, et à «rejeter toute violation du droit international».
Selon les propos du Secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, la population de Ghaza est confrontée à d'immenses souffrances, a noté Geng Shuang, représentant permanent adjoint de la Chine auprès des Nations unies.
«Une fois de plus, il doit être clair que toutes les violences et attaques contre les civils doivent être condamnées et que toute violation du droit international doit être rejetée». «Le recours aveugle à la force est inacceptable. Les installations civiles telles que les hôpitaux, les écoles et les camps de réfugiés ne doivent pas et ne peuvent pas être la cible d'opérations militaires. La sécurité du personnel de l'ONU ainsi que celle des travailleurs humanitaires et médicaux doivent être garanties», a-t-il souligné lors d'une session plénière de la quatrième Commission de l'Assemblée générale des Nations unies sur les pratiques de l'occupant sionistes et les activités de colonisation dans les territoires palestiniens occupés.
Pékin demande à l'entité sioniste, de «s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du droit international, de rétablir rapidement l'approvisionnement en produits de première nécessité à Ghaza, de garantir les communications locales, d'assurer l'acheminement sans entrave de l'aide humanitaire et de mettre fin à la punition collective infligée à la population de Ghaza», a affirmé M. Geng. «La Chine rejette fermement le déplacement forcé de la population palestinienne et appelle à la levée immédiate des ordres d'évacuation dans le nord de Ghaza», a-t-il ajouté.
Combats au sol
Par ailleurs, l'entité sioniste a continué pour le 33e jour consécutif ses bombardements d'habitations, d'hôpitaux et d'écoles, ainsi que de mener une politique d'extermination en interdisant l'approvisionnement en électricité, en eau, en produits alimentaires et en médicaments nécessaires.
Cependant, les combats au sol avec les combattants de la résistance palestinienne, lors des incursions terrestres limitées, en raison de la forte résistance, montrent un net décalage avec la «supériorité» dans les airs de l'armée d'occupation.
Ainsi, de l'aveu même de cette dernière, 350 de ses soldats et officiers, 59 policiers et 10 membres de services de renseignement (Shin Bet) ont été tués aux combats depuis le 7 octobre dernier. Hier, les Brigades Al-Qassam', branche militaire du Hamas, ont annoncé avoir détruit «totalement et partiellement» plusieurs chars et véhicules de transports de troupes dans différentes zones où se produisent ces incursions de l'armée sioniste. «Un char et un véhicule de transport de troupes ont été détruits au nord du camp d'Al-Shati par deux obus Al-Yassin 105. Deux autres chars ont été détruits près du rond-point de Tawam, par deux obus Al-Yassin 105», indique un communiqué d'Al-Qassam qui précise que ses combattants ont également ciblé «des soldats israéliens près d'un rassemblement de véhicules lors de l'incursion terrestre au sud de la ville de Ghaza, avec un missile antichar filoguidé Konkours». Par ailleurs, deux autres soldats sionistes ont été blessés aux frontières avec le Liban dans des échanges de tirs avec le Hezbollah.
Depuis le 7 octobre 2023, des escarmouches opposent l’armée israélienne au Hezbollah. Alors que la population libanaise craint une nouvelle guerre similaire à celle de 2006, le secrétaire général du mouvement Hassan Nasrallah est sorti de son silence pour définir la stratégie de son organisation face à la guerre contre Gaza.
Des partisans du Hezbollah brandissent un portrait de Hassan Nasrallah lors de son discours télévisé dans la banlieue sud de Beyrouth, le 3 novembre 2023
Ahmad Al-Rubaye/AFP
Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a brisé le silence le 3 novembre. Celui dont on attendait la réaction depuis l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » conduite par le Hamas le 7 octobre avait jusque-là laissé le cheikh Hachem Safieddine, président du conseil exécutif du Hezbollah et Naïm Qassem, le secrétaire général adjoint, s’exprimer sur la situation à Gaza et dans le sud du Liban. Dans une allocution très attendue, le secrétaire général du Hezbollah a tenu à clarifier son positionnement et sa stratégie. Rejetant les spéculations occidentales sur la participation iranienne, le leader du parti chiite libanais a précisé que l’opération découlait d’une « décision palestinienne à 100 % », dont il n’était lui-même pas au fait.
Sur l’ouverture d’un deuxième front à la frontière libanaise, objet de toutes les attentes, le « Sayyid » est resté assez énigmatique. Il a précisé que la milice était entrée en guerre depuis le 8 octobre pour soutenir son allié gazaoui, attirer vers le nord une partie de l’armée israélienne et ainsi alléger la pression sur Gaza. « Ce qui se passe à la frontière peut paraître modéré pour certains. Mais ce n’est pas le cas », a-t-il affirmé.
LE SOUVENIR DOULOUREUX DE 2006
Pour l’heure, les combats restent très localisés, avec des escarmouches, des infiltrations, des tirs sur des postes d’observation. Le parti de Nasrallah cible majoritairement les fermes de Chebaa, territoire libanais occupé militairement par les forces israéliennes depuis juin 1967. Malgré les morts recensés des deux côtés de la frontière libano-israélienne (56 du côté du Hezbollah et moins d’une dizaine parmi les Israéliens), les deux belligérants se cantonnent à des réponses très limitées, de manière à maintenir un équilibre de la dissuasion. Les villages frontaliers libanais et israéliens ont tout de même été évacués, tandis qu’Amnesty International accuse l’armée de Tel-Aviv d’utiliser délibérément du phosphore blanc sur des zones civiles et agricoles.
Certes, Nasrallah a prévenu : « Une escalade, sur le front [libanais], dépend de deux choses : l’évolution de la situation à Gaza, et le comportement de l’ennemi sioniste vis-à-vis du Liban ». Malgré les discours belliqueux, les dernières rencontres entre le cheikh Saleh Al-Arouri, chef adjoint du bureau politique du Hamas et Ziad Al-Nakhala, secrétaire général du Mouvement du djihad islamique en Palestine (MJIP), ainsi que les avertissements de la diplomatie iranienne, le Hezbollah doit prendre en compte la situation intérieure libanaise dans son positionnement. Des Forces libanaises de Samir Geagea au Parti socialiste progressiste de Taymour Joumblatt en passant par le Courant patriotique libre de Gebran Bassil et le premier ministre sortant Najib Mikati, toute la classe politique libanaise redoute l’embrasement et appelle ainsi la milice chiite à la responsabilité. Nabih Berri, président du Parlement libanais, dirigeant de Amal et allié du Hezbollah, sert d’intermédiaire entre ce dernier et les émissaires étrangers. Le leader du « Parti de Dieu » a d’ailleurs indiqué que les chancelleries arabes avaient pris contact avec lui depuis le début des hostilités à Gaza pour éviter une escalade régionale.
Indépendamment du consensus politique, le souvenir de la guerre de l’été 2006 est vif pour toute la société libanaise. En réponse à une opération spéciale du Hezbollah visant à prendre en otage des soldats israéliens à la frontière, l’armée israélienne avait bombardé tous les points vitaux du pays (les centrales d’électricité, les ponts, l’aéroport, les industries), paralysant son économie. Israël avait tiré plus de 3 000 obus par jour sur l’ensemble du Liban, y compris à Beyrouth. En plus de vouloir neutraliser les capacités militaires du mouvement chiite, le cabinet de sécurité mené par le premier ministre de l’époque Ehud Olmert entendait mettre en porte à faux le gouvernement libanais de Fouad Siniora, lui reprochant sa neutralité à l’égard du parti chiite.
Au-delà des pertes civiles importantes causées par les raids israéliens — environ 1 200 morts dont une majorité de civils et plus de 4 000 blessés —, le pays a connu l’exode de près d’un million de personnes et la reconstruction des bâtiments s’est élevée à plus de 2,8 milliards de dollars (2,62 milliards d’euros). À l’échelle du Proche-Orient, le Hezbollah est sorti auréolé de cette « victoire divine » sur les forces israéliennes, mais ce conflit a toutefois ravivé les fractures internes au sein de l’échiquier politique libanais, en particulier sur la question de l’arsenal militaire du groupe.
Aujourd’hui, et particulièrement depuis 2019, le Liban est dans une situation économique catastrophique et n’a plus de président depuis le départ de Michel Aoun il y a un an. Même si la majorité de la population soutient la cause palestinienne, l’ouverture d’un deuxième front contre Israël reste impopulaire, toutes confessions confondues.
Une intervention du Hezbollah rendrait de surcroît caduc l’accord de délimitation des frontières maritimes avec Israël. Signé le 27 octobre 2022, il permet au pays du Cèdre d’espérer des retombées économiques grâce aux forages du gaz offshore dans le champ de Cana au large de ses côtes.
DES RELATIONS QUI REMONTENT À 1992
Outre l’importance de l’équation libanaise, la relation avec le Hamas permet de comprendre la perception du conflit par le Hezbollah. Bien que faisant partie de « l’axe de la résistance » piloté par Téhéran, les deux partis islamistes ne sont pas pour autant alignés sur le même agenda politique et défendent avant tout des intérêts propres.
Le 10 avril 2023, alors que le chef du bureau politique du mouvement islamiste palestinien Ismaël Haniyeh se trouvait à Beyrouth, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, en grande difficulté sur le plan interne, avait assuré qu’il ne « permettrait pas au Hamas terroriste de s’établir au Liban », et promis de « restaurer la sécurité » dans son pays en agissant « sur tous les fronts ». Hassan Nasrallah avait en effet promu dans un récent discours l’importance d’une « unité de fronts » contre Israël. Objet de tous les fantasmes, cette confédération de milices n’est pas pour autant structurée et ne forme pas de bloc homogène.
Après s’être immiscé activement dans la création du Hezbollah dans les années 1980, Téhéran s’intéresse aux différentes factions palestiniennes. Même si la République islamique ne participe pas à la création du Hamas en 1987, les Gardiens de la révolution vont, dès les années 1990, transmettre des armes et de l’argent au mouvement gazaoui. Une première délégation du mouvement va se rendre à Téhéran, en 1991, et y ouvrira un bureau politique. De surcroît, des combattants gazaouis vont être formés dans des camps en Iran ou au Liban.
Les premiers contacts officiels entre les milices islamistes remontent à 1992 et l’expulsion de centaines de Palestiniens du Hamas et du MJIP, dont Ismaël Haniyeh, vers le camp de Marj El-Zohour au Sud-Liban. Les relations se sont renforcées compte tenu de la fermeture des bureaux du parti islamiste en Jordanie en 1999. Khaled Mechaal, alors chef du Hamas de la bande de Gaza, prend ses quartiers à Damas. En 2000, le mouvement gazaoui ouvre un bureau à Beyrouth. Les différents groupuscules multiplient les contacts et coopèrent sous la houlette de Téhéran.
UNE ALLIANCE EN DENTS DE SCIE
Mais cette relation va se détériorer avec les « printemps arabes » et, notamment, la révolution en Syrie. Si le MJIP s’aligne sur l’agenda politique de Téhéran dès 2012, Khaled Mechaal, devenu le chef du bureau politique du Hamas à l’étranger, quitte Damas pour Doha, soutien important des soulèvements arabes. Il prend officiellement fait et cause pour les insurgés syriens lors d’un discours en Turquie en septembre 2012. S’adressant personnellement au président turc Recep Tayyip Erdoğan, il le remercie pour son soutien au peuple syrien. L’ascension de Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans en Égypte est venue renforcer leurs espoirs de parvenir à insuffler un vent révolutionnaire islamiste sunnite à l’échelle de la région. La même année, le cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani est le premier chef d’État à se rendre à Gaza depuis que le Hamas en a pris le contrôle en 2007, et promet une aide de 400 millions de dollars (374 millions d’euros). À l’aune des changements régionaux de la nouvelle décennie, le Hamas passe davantage sous le giron qatari pour des raisons pragmatiques et idéologiques.
D’après certaines sources proches du Hezbollah et du gouvernement syrien, les brigades Ezzedine Al-Qassam, branche armée du Hamas, auraient participé de manière active à la guerre en Syrie aux côtés des rebelles et des djihadistes1. Plusieurs miliciens auraient notamment supervisé l’entraînement de l’armée Khalid Ibn Al-Walid et de la brigade Al-Farouq avant des combats contre le Hezbollah et l’armée loyaliste syrienne lors de la bataille d’Al-Qusayr à la frontière libanaise en mai 2013. Ils auraient notamment partagé leur expertise en matière de construction de tunnels. La même année, le prêche de l’imam frériste Youssef Al-Qaradawi à la mosquée Al-Doha en présence de Khaled Mechaal provoque l’ire de Téhéran et du parti chiite libanais. Le cheikh égyptien qualifie la milice libanaise de « parti de Satan » et la République islamique d’« alliée du sionisme ». Résultat, l’Iran divise par deux son aide financière au Hamas et les bureaux du mouvement palestinien à Beyrouth sont fermés.
La radicalisation de l’opposition syrienne et la prise par l’organisation de l’État islamique (OEI) du plus grand camp palestinien de Syrie, Yarmouk, en 2015, poussent le Hamas à renouer avec Téhéran et le Hezbollah. La convergence des intérêts, à savoir la lutte contre Israël, prend le dessus sur les divergences passées. De surcroît, compte tenu de l’échec du camp frériste au Proche-Orient, de la Tunisie à l’Égypte en passant par la Turquie, le mouvement islamiste reprend finalement le chemin de Damas en octobre 2022, grâce à la médiation du parti d’Hassan Nasrallah. En somme, le parti chiite agit à la fois comme intermédiaire politique pour ressouder les liens de « l’axe de la résistance » et comme conseiller militaire auprès des autres milices.
Les deux groupes sont constamment en lien par le biais du bureau du Hamas de Beyrouth dirigé par Ali Barakeh, en exil dans la capitale libanaise depuis plusieurs années. Les leaders des factions palestiniennes ont leurs entrées à Beyrouth et coordonnent leurs actions. Néanmoins, le Hamas et le Hezbollah ne constituent pas pour autant les deux faces d’une même pièce : l’un opère selon un agenda palestinien bien précis tandis que l’autre fait partie intégrante de l’échiquier politique libanais.
Le scénario de l’ouverture d’un deuxième front par le Hezbollah dépendrait de plusieurs conditions. Par pragmatisme politique, celui-ci n’utilise pas tous ses leviers de pression contre l’armée israélienne, limite l’escalade de la violence et se cantonne, pour le moment, à un rôle d’appui et de conseiller militaire et stratégique auprès des différents groupes gazaouis. L’organisation d’Hassan Nasrallah tient surtout compte de l’opinion libanaise, farouchement opposée à l’extension du conflit. Mais les éventuelles pressions de Téhéran et l’évolution de la situation à Gaza pourraient changer la donne, donnant lieu à une augmentation des accrochages sur le front nord, à l’issue incertaine.
"Rattachez moi mes jambes", hurle Layan al-Baz, 13 ans, à chaque fois que la douleur la réveille sur son lit d'hôpital, saisie par l'effroi après avoir été amputée.
L'enfant, rencontrée par une équipe de l'AFP à l'hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, refuse de s'imaginer avec des prothèses, si tant est qu'elle puisse s'en faire poser dans un territoire où les moyens de survie les plus élémentaires manquent.
"Je ne veux pas de prothèses, je veux qu'ils me rattachent mes jambes, ils peuvent le faire", proteste Layan sur son lit dans l'aile pédiatrique. A chaque fois qu'elle ouvre les yeux, lorsque l'effet des sédatifs faiblit, elle voit ses moignons recouverts de bandages.
Sa mère, Lamia al-Baz, explique que Layan a été blessée, la semaine dernière, dans un bombardement sur le quartier al-Qarara de Khan Younès.
Israël, déterminé à "anéantir" le Hamas, bombarde sans relâche la bande de Gaza en représailles aux attaques meurtrières menées par le mouvement islamiste palestinien sur son territoire, le 7 octobre, qui ont fait plus de 1.400 morts, en majorité des civils.
Ces bombardements israéliens ont fait plus de 10.000 morts, essentiellement des civils, selon le gouvernement du Hamas.
"Comment je vais retourner à l'école alors que mes copines marchent et moi pas?", se désole Layan, le visage et les bras lardés de blessures.
"Je serai à tes côtés. Tout ira bien, l'avenir est encore devant toi", tente de la rassurer sa mère.
Selon cette femme de 47 ans, le bombardement a tué deux de ses filles, Ikhlas et Khitam, et deux de ses petits-enfants, dont un bébé de quelques jours. Ils se trouvaient tous dans la maison d'Ikhlas, qui venait d'accoucher.
Elle a dû identifier ses filles à la morgue. "Leurs corps étaient déchiquetés. J'ai reconnu Khitam par ses boucles d'oreille et Ikhlas par ses orteils", raconte-t-elle.
- "Je serai forte" -
Dans le département de traitement des brûlés, Lama al-Agha, 14 ans et sa soeur Sara, 15 ans, hospitalisées après une frappe le 12 octobre, occupent deux lits côte à côte. Leur mère, qui peine à retenir ses larmes, est assise au milieu.
Le bombardement a tué la soeur jumelle de Sara, Sama, et leur frère cadet, Yehya, 12 ans, explique la mère.
Des points de suture et des cicatrices de brûlures sont visibles sur le crane en partie rasé et sur le front de Lama.
"Quand ils m'ont transférée ici, j'ai demandé aux infirmiers de m'aider à m'asseoir et j'ai découvert que ma jambe avait été amputée", affirme-t-elle.
"J'ai ressenti beaucoup de peine mais je remercie Dieu d'être encore en vie. Je me ferai poser une prothèse et vais continuer mes études pour réaliser mon rêve de devenir médecin. Je serai forte pour moi et pour ma famille", ajoute Lama al-Agha avec un étonnant courage.
Le docteur Nahed Abou Taaema, directeur de l'hôpital Nasser, explique que face au grand nombre de blessés et faute de moyens, les médecins n'ont souvent d'autre choix que de pratiquer une amputation pour prévenir toute complication.
"Nous devons choisir entre sauver la vie du patient ou la mettre en danger en essayant de sauver sa jambe blessée", explique-t-il.
- "Où est ma jambe?" -
Portant un maillot vert de football et un short assorti, Ahmad Abou Shahmah, 14 ans, entouré de cousins, marche en s'appuyant sur des béquilles dans la cour de sa maison, aujourd'hui en ruines, dans l'est de Khan Younès, où il était habitué à taper dans un ballon.
Il a été amputé de la jambe droite après un bombardement qui a détruit l'immeuble abritant sa famille, tuant selon lui six de ses cousins et une tante.
"Quand je me suis réveillé (après l'opération) j'ai demandé à mon frère +où est ma jambe+. Il m'a menti en me disant qu'elle était bien là et que je ne la sentais pas à cause de l'anesthésie avant que mon cousin me dise la vérité le lendemain", se souvient-il.
"J'ai beaucoup pleuré. La première chose à laquelle j'ai pensé est que je ne pourrai plus marcher ou jouer au football comme je le faisais tous les jours. Je m'étais même inscrit dans une académie une semaine avant la guerre", ajoute le garçon.
Ahmad est supporteur du géant espagnol FC Barcelone alors que ses cousins sont des inconditionnels du Real Madrid.
"Si cela pouvait faire revenir le temps en arrière et redonner à Ahmad sa jambe, je serais prêt à laisser tomber le Real pour devenir fan de Barcelone comme lui", dit l'un d'eux, Farid Abou Shahmah.
Face au blocus médiatique imposé par Israël, comment incarner le carnage ? À travers des témoignages obtenus par téléphone et/ou accessibles sur les réseaux sociaux, Mediapart a rassemblé quelques récits et visages, pour que les victimes de Gaza ne se réduisent pas à une comptabilité macabre.
LesLes chiffres que le ministère de la santé gazaoui, contrôlé par le Hamas, distille chaque jour sont effarants : 10 000 morts, dont plus de 4 000 enfants, en quatre semaines. En période de guerre, on sait à quel point la lutte des images et des récits fait rage, de quelle façon les accusations d’être inégalement sensible aux victimes de tel ou tel camp sont lancées, et comment les chiffres des morts et des blessés constituent des armes de propagande.
Ceux avancés par le ministère de la santé de Gaza peuvent être discutés, comme le fait par exemple avec précision cet article du Monde. Mais ils sont repris par l’Organisation mondiale de la santé et sont plausibles au vu de l’ampleur des destructions et rapportés aux précédentes guerres de Gaza où les estimations du ministère de la santé gazaoui et celles des ONG et des journalistes travaillant sur place, pendant ou après, coïncidaient.
À l’heure actuelle, le travail de terrain et de documentation est empêché par le blocus médiatique imposé par Israël à l’enclave palestinienne. On doit pourtant aux morts de connaître leur histoire. Le journal Haaretz notamment, comme nombre de publications israéliennes ou internationales, s’est attelé à raconter les centaines de vies brisées par le Hamas le 7 octobre dernier, à la fois à travers des portraits individuels et un mémorial collectif. Mediapart, comme la plupart des autres médias internationaux, a relaté certaines de ces histoires (par exemple ici).
Un travail similaire à celui effectué pour les victimes des massacres perpétrés par le Hamas paraît impossible à Gaza, même si quelques récits parviennent jusqu’à nous, qu’il s’agisse de l’histoire de Wael al-Dahdouh, journaliste vedette d’Al Jazeera ayant appris en direct la mort de sa femme et de deux de ses enfants, ou de celle de Rushdi Sarraj, journaliste et fixeur francophone tué dans une frappe israélienne. À Gaza, les journalistes sont empêchés de travailler tandis que les cimetières débordent, et que de nombreux morts demeurent sans sépulture, pulvérisés sous les décombres.
Depuis Gaza, Londres, Washington ou Bruxelles, les deuils et les drames s’expriment pourtant, avant tout dans l’espace numérique : pages personnelles sur Facebook ou Instagram, collecte de vidéos YouTube intitulée « GAZAFACES » ou encore initiative individuelle du Palestine Memorial lancé sur Instagram depuis Washington et qui rassemble photos et témoignages, tout en notant « l’impossibilité de partager toutes les histoires de chaque être que nous avons perdu, parce que beaucoup de familles ont été tuées en intégralité, sans qu’aucun membre survivant ne puisse partager leur histoire ».
C’est de ces fragments de vie que nous sommes partis, en réussissant parfois à recontacter celles et ceux qui se sont exprimés, en traduisant à d’autres moment ce qui était écrit. Afin que le blocus médiatique ne se transforme pas totalement en trou noir.
Bassem Mohammad Al-Kafarneh, 5 ans, de la ville de Beit Hanoun
Joint par téléphone en Égypte, Mohammad Awad, habitant à Gaza et membre de la famille al-Kafarneh, témoigne de la brève vie de son cousin.
« Bassem était mon cousin, le fils de mon oncle. Au total, j’ai perdu 20 personnes de ma famille : mon oncle, mes cousins, des cousins éloignés, le mari de ma sœur... Ma sœur, elle, a été sortie vivante des décombres. Dieu merci pour moi, j’étais sorti de Gaza deux jours avant l’escalade pour aller en Égypte où je me trouve aujourd’hui.
Les victimes des bombardements ne sont pas des numéros. Ce sont des êtres humains. Les victimes avaient une vie, des rêves, elles aimaient la vie. Bassem était un petit garçon qui venait de faire sa rentrée à l’école primaire après avoir quitté l’école maternelle. Bassem aimait le football et le vélo. Il était très attentif à ses cheveux et se coiffait en permanence. Comme tous les enfants, il passait ses journées à l’école.
Aux premiers jours de l’agression israélienne, le 8 ou le 9 octobre, la maison de Bassem, dans le nord de la bande de Gaza, a été frappée. Comme la famille de sa maman vient du sud de Gaza, ils sont partis habiter chez eux – la famille Al-Afaana – avec son père et sa mère. L’occupant israélien avait dit que le sud de la bande de Gaza était sûr. Ils sont donc partis dans le sud, à Khan Younis.
Ils logeaient dans un bâtiment avec 25 autres familles déplacées du nord de Gaza. Le 26 octobre, le bâtiment où se trouvait le papa de Bassem et toute la famille de sa maman, Abir, a été visé. C’était un massacre, et les Israéliens n’avaient pas prévenu du bombardement. Trois missiles de F-16 se sont abattus sur l’immeuble.
Quand on a sorti les victimes des décombres, le corps du papa de Bassem était en lambeaux. Et Bassem a été sorti des ruines sans sa tête. Sa tête se trouve toujours sous les décombres jusqu’à maintenant, parce que la Défense civile n’a pas les moyens de fouiller tous les décombres et sortir ce qu’il reste de Bassem et des cadavres de sa famille. Sa maman est morte d’un éclat dans la tête. Sa sœur, Nour, 9 ans, était sortie de la maison pour aller à l’épicerie. Elle a survécu : c’est la seule. Elle loge avec ma mère à Gaza désormais.
On avait l’habitude de se retrouver le week-end tous ensemble, avec le père de Bassem et son grand-père. Son papa espérait que Bassem achève un jour la construction de la maison familiale à Beit Hanoun. »
Salma Mohammed el-Mkheimar, 33 ans, habitante de Rafah
Khadija Nazir habite à Rafah, au sud de la bande de Gaza, dans la maison voisine de celle de Salma Mohammed el-Mkheimar, détruite par une frappe israélienne alors que cette Palestinienne installée en Jordanie était revenue pour des vacances voir sa famille gazaouie.
« Salma était ma meilleure amie. Elle a fait des études de communication en arabe à l’Université islamique de Gaza. Ensuite, après les études, comme il n’y a pas beaucoup de travail ici à Gaza et beaucoup de chômage, elle a ouvert un salon de coiffure et d’esthétique. Elle avait un don pour la coiffure. On a travaillé ensemble dans son salon pendant 3 ou 4 ans.
Elle s’est mariée avec un Jordanien et est partie habiter en Jordanie il y a deux ans. Elle était heureuse, avait une vie stable, avec un mari médecin. Dieu merci, elle était très heureuse et son mari était bien.
Il y a un mois, elle est venue en visite pour voir sa famille. C’était un secret. J’étais la seule au courant, on l’avait bien préparée dans les détails, pour prendre ses parents par surprise. C’était une très belle surprise pour nous tous.
Avant la guerre, elle sortait tout le temps, voir ses amis, elle était très joyeuse, elle avait ce caractère ouvert aux autres et aimait se retrouver en groupe, elle était très aimante.
Son fils allait avoir un an le 30 octobre. Deux jours avant la guerre, on était encore en train de préparer son anniversaire, en même temps que celui de ma fille. Ma fille s’appelle Salma en son honneur. Quand elle est partie en Jordanie et que ma fille est née, j’ai voulu lui donner le même prénom que celui de mon amie. Elle avait des rêves, elle parlait de tous les gens qu’elle voulait voir avant de partir, elle avait plein de projets.
Malheureusement la guerre est arrivée alors qu’elle se trouvait à Gaza. C’était un immense choc pour elle. Elle était vraiment terrifiée. Nous sommes voisines, mais on avait tellement peur de sortir qu’on ne se voyait plus. On continuait d’échanger via internet. Elle répétait : “J’ai peur, j’ai très peur.” Son mari en Jordanie était très inquiet pour elle, il a tenté de la faire sortir par tous les moyens. Mais malheureusement le poste-frontière est resté fermé.
La nuit du bombardement, il était 3 h 25 du matin exactement. Elle s’était couchée après avoir rassuré son mari au téléphone et dormait. Elle était dans une pièce avec ses sœurs, et son père et sa mère dormaient dans une autre pièce. D’autres proches venus du nord de la bande de Gaza se trouvaient dans cette maison qui n’abritait que des civils, des femmes, dont certaines enceintes, et des enfants.
Subitement, nous avons tous entendu un grand bruit. Nous avons ouvert les fenêtres et avons vu leur maison effondrée.
Elle est décédée, avec son fils, pendant leur sommeil, avec sa sœur, sa mère, son père, son autre sœur, son frère et tous leurs proches. Au total, vingt personnes sont mortes dans la destruction de cette maison. Il a fallu attendre deux jours pour qu’ils sortent les restes des corps. Son fils Ali aurait eu un an le 8 novembre. »
Mahmoud al-Naouq, 25 ans, Deir El-Balah
Ahmed al-Naouq, qui vit à Londres depuis quatre ans, a vu toute sa famille anéantie dans la nuit du 22 octobre. Triste ironie de l’histoire, il était l’un des membres fondateurs de l’organisation We Are Not Numbers (WANN), lancée en 2015 par Pam Bailey, journaliste américain et par Ramy Abdu, membre de l’ONG Euro-Med Human Rights Monitor, après qu’un de ses frères, Ayman, alors âgé de 23 ans, a trouvé la mort dans un bombardement alors qu’il marchait dans une rue de Gaza lors de la guerre de 2014. Joint par téléphone, Ahmed al-Naouq évoque la mort de son autre frère, Mahmoud, englouti avec ses proches dans les décombres de la guerre.
« Initialement, ma famille est originaire de Jaffa, mais en 1948, nous avons été expulsés à Gaza. Notre maison de famille se trouve à Deir El-Balah, au sud du Wadi Gaza, le cours d’eau qui marque la limite entre le nord et le sud de la bande de Gaza. Cette zone est censée être sûre, aux dires même de l’armée israélienne. Pourtant, dans la nuit du 22 octobre, entre 4 heures et 5 heures du matin, sans qu’aucun ordre d’évacuation n’ait été reçu, notre maison a été bombardée et 21 membres de ma famille ont péri.
Mahmoud était le plus jeune de mes frères. Il avait 25 ans. Il n’était pas encore marié. Il avait étudié la littérature anglaise, et était rédacteur et traducteur pour différentes ONG. Il avait commencé comme bénévole pour une organisation dans laquelle je travaille aussi, Euro-Med Human Rights Monitor, puis s’était mis à travailler pour le Pal Think for Strategic Studies, un groupe de réflexion indépendant situé à Gaza. Le mois dernier, il m’a appelé, il était fou de joie. Il venait d’être accepté pour un master de relations internationales en Australie. Il devait s’y rendre au milieu du mois d’octobre. Son but était de devenir diplomate. Mais ces derniers jours, je sentais qu’il avait de plus en plus peur. Quelques jours seulement avant d’être assassiné, son dernier message rédigé sur LinkedIn était conclu par ces mots écrits en majuscule “DO NOT LET ISRAEL MURDER US !!”.
C’est pourtant ce qui s’est produit. Le monde l’a laissé mourir. Aujourd’hui, je suis en deuil et je passe mes journées à poster des photos de ma famille pour ne pas que leurs noms sombrent dans l’oubli. Mais lorsque le temps du choc et du deuil sera passé, je mettrai tout en œuvre pour poursuivre devant les tribunaux tous les criminels qui ont tué ma famille. Tous. Et tous ceux qui ont été complices de ce crime. J’ai déjà pris des contacts avec des avocats ici à Londres. Je crois encore au droit international.
Mahmoud a été tué en même temps que mon père, Nasri al-Naouq, qui avait travaillé toute sa vie dans la construction en Israël. Après la seconde Intifada, il n’avait plus été autorisé à s’y rendre et s’était reconverti en chauffeur de taxi pour subvenir aux besoins de sa famille. Mon père avait 75 ans, il était né en 1948, pendant la première Nakba [« Catastrophe » en arabe – ndlr]. Il a été tué pendant la seconde.
Mahmoud est aussi mort en même temps que mon autre frère Muhammad, 35 ans, qui était fonctionnaire, que sa sœur jumelle Alaa, qui était enseignante, que ma grande sœur Walaa, 36 ans, qui avait fait des études d’ingénieure mais n’avait pas trouvé de travail pendant douze ans avant d’enfin décrocher un travail à la rentrée et que ma sœur Ayaa, 33 ans, qui était comptable. Mes deux frères et mes trois sœurs sont morts avec tous les enfants, mes nièces et mes neveux : Bakr, Basma, Raghad, Islam, Sarah, Abdullah, Islam, Dima, Tala, Nour, Nasma, Tamim et Malak.
Certains d’entre eux ont pu être enterrés, mais je ne sais même pas lesquels. Une de mes autres sœurs qui habite avec son mari dans une autre maison m’a dit qu’il restait encore beaucoup de corps sous les décombres. Elle est allée voir s’il était possible de les retrouver, mais elle m’a dit qu’elle n’avait pas pu rester tellement l’odeur était insupportable. Toute ma famille a été engloutie par une même bombe israélienne. Je suis seul maintenant que ma mère est morte en 2020 de maladie parce qu’elle n’avait pas reçu à temps le permis de sortie qui lui aurait été nécessaire pour aller se faire soigner dans un hôpital de Jérusalem. »
Dans un tweet postérieur, Ahmed al-Naouq a aussi affirmé : « Je suis rempli de haine envers le régime israélien, envers l’armée israélienne qui a tué ma famille. Je hais la colonisation et l’apartheid. Je hais les criminels. Mais je n’ai absolument AUCUNE haine pour le peuple juif. S’il vous plaît, ne confondez pas les juifs avec cette armée criminelle israélienne. »
Wasem al-Naouq, un cousin d’Ahmed al-Naouq vivant à Gaza, a écrit à ce dernier : « J’ai attendu que le soleil se lève et j’ai couru voir la maison. J’ai tout de suite compris qu’il n’y avait pas de survivant. La maison était complètement détruite, c’est comme si elle s’était transformée en rochers et en sable. J’ai commencé à chercher des survivants avec l’aide de quelques voisins. Un jeune homme a crié : “Il y a quelqu’un ici !” J’ai accouru et il y avait juste une main qui sortait du sol. Je savais à qui elle appartenait. Mon oncle est un martyr !
Nous avons réussi à dégager les décombres autour du corps et à le sortir. La moitié de son visage était en sang, mais il avait l’air apaisé. Il est probablement mort pendant son sommeil. Il a été tué en même temps que vingt et un des fils, filles et petits-enfants. Il a quitté ce monde en sachant qu’il avait un fils en sécurité loin de Gaza, qui portera sa mémoire et son nom non seulement en Palestine, mais aussi dans le reste du monde.
Toi, mon cousin, je t’écris cela pour te dire que nous avons été auprès d’eux jusqu’au bout. J’imagine à quel point il doit être difficile d’être loin quand quelque chose comme cela arrive à ta famille. Mais tu dois rester fort pour entretenir la mémoire des êtres aimés que nous avons perdus. »
D’autres voix se sont jointes pour rendre hommage à la mémoire de Mahmoud al-Naouq. Pam Bailey, qui l’avait pris sous son aile pour son premier job, a ainsi loué « sa douceur et son potentiel intellectuel » et dit à quel point son « cœur était brisé qu’il n’ait pu réaliser son rêve de partir vivre en Australie ».
Hadeel Abu al-Roos, 33 ans, habitante de Rafah
Hadeel Abu al-Roos, enseignante de physique, est morte dans un bombardement aux côtés de son mari, Basel al-Khayyat, ingénieur à Gaza, et de leurs quatre enfants, Celine (8 ans), Eline (5 ans), Mahmoud (2 ans) et Ahmed, 45 jours. Son frère, Kareem, qui vit en Belgique, s’est mis à écrire et a posté des photos d’eux sur Facebook.
« 13 octobre
En tant que fils survivant de cette famille, je vais écrire pour que ma famille ne soit pas qu’un chiffre. Je te promets, Hadeel, que tu ne seras pas qu’un chiffre dans les bandeaux d’actualité.
Voici ma sœur Hadeel. Ma grande sœur. C’est elle qui m’a élevé et qui m’a éduqué. C’est elle qui m’emmenait à l’école et me ramenait à la maison. C’est elle qui jouait avec moi quand j’étais petit, qui me protégeait dans les bagarres avec d’autres enfants et qui me défendait devant les colères de ma mère face à mes bêtises. Ma sœur Hadeel m’a appris comment aimer les femmes et les respecter, sanctuariser leur liberté et leurs droits. Ma sœur Hadeel m’a initié aux livres, à la lecture et m’achetait des romans quand je n’avais pas les moyens.
Ma sœur Hadeel était une enseignante géniale, reconnue comme telle par le ministère de l’éducation pour lequel elle travaillait comme professeur de physique, grâce à ses méthodes d’enseignement innovantes.
Voici ma sœur Hadeel que pleurent aujourd’hui ses élèves sur les réseaux sociaux en écrivant leurs souvenirs pendant les cours de physique. Voici ma sœur Hadeel qui a obtenu la première place au concours d’enseignant et pris un poste exigeant, tout en élevant et prenant soin de ses deux filles angéliques, tout en s’occupant de son foyer et de son époux. Ma sœur Hadeel a permis à beaucoup d’élèves qui ne pouvaient pas se payer des cours particuliers d’entrer à l’université. Hadeel m’a aidé à me débarrasser de beaucoup de problèmes dans ma vie, à vivre avec mon exil de Gaza, à accepter mes joies et mes tristesses. C’est ma sœur Hadeel qui a orienté mes goûts, pour tel vêtement ou tel parfum. Hadeel, ô monde, Israël l’a tuée brutalement avec ses enfants. Ils se trouvaient tous dans une même pièce, pensant être en sécurité dans leur maison, craignant la guerre et la mort. Hadeel, contrairement à ce qui se dit parfois des Gazaouis, avait constamment tort.
13 octobre – 10 h 23
Israël a tué il y a quelques instants la plupart de mes êtres chers. Ils ont littéralement assassiné mon cœur. Ma sœur chérie, mon amour, ses filles et ses fils, son mari. Tous. Ils ont commis un massacre parmi mes proches. Je n’entends qu’une chose dans ma tête depuis ce matin : Éline et Céline, les filles de ma sœur, qui me disaient récemment au téléphone : “Emmène-nous chez toi, tonton. Quand est-ce que je peux venir tonton ?”
13 octobre – 23 h 34
Ahmed avait 45 jours.
Ahmed était le dernier fils de ma sœur. Je ne l’ai jamais vu en vrai et je ne le porterai jamais dans mes bras. Ils l’ont tué dans les bras de sa mère. »
Kareem Abu al-Roos a aussi écrit quelques mots sur sa nièce Eline : « Elle était très talentueuse et adorait son petit chat, qui est aussi mort pendant le bombardement. Elle rêvait d’aller à Legoland et d’acheter un jouet là-bas. »
Sara Tamer, une étudiante d’Hadeel Abu al-Roos, a aussi écrit sur son Facebook : « Ma chère professeure et martyre adorée possédait un style unique inégalable dans tout ce qu’elle faisait. Elle était vraiment exceptionnelle. Nous, vos élèves, vous sommes reconnaissants pour tous vos efforts et nous vous aimons. Nous sommes déjà en manque de votre humour, de votre attitude et de votre manière si joyeuse de parler. »
Ahmed al-Taimomy, un ami de Bassel, le mari d’Hadeel, lui a aussi rendu hommage sur Facebook en écrivant que « Bassel était connu pour son sens de l’humour, son enthousiasme et son amour inconditionnel pour le club de football égyptien d’Al-Ahly ».
Youssef Abou Moussa, 7 ans, de Gaza ville
Le père de Youssef, Mohammed Hamid Abou Moussa, est médecin à l’hôpital Al-Shifa, à Gaza. Il témoigne dans un texte publié par le Palestinian Information Center du pire jour de sa vie.
« Le jour du bombardement, nous étions le 15 octobre, je suis parti au travail et j’ai confié Youssef et Nada à leur mère et leurs sœurs. Je suis arrivé au travail, et après deux heures, j’ai entendu le bruit d’une explosion. Notre maison n’est pas loin de l’hôpital. Ce jour-là, j’avais une garde aux urgences pendant 24 heures. Youssef me demandait toujours les horaires de mon travail, et il comptait quand je partais, et quand je rentrais à la maison. Quand je partais au travail, il venait me prendre dans ses bras et m’embrasser. Et c’était toujours le premier à se jeter sur moi quand je passais la porte de la maison après le travail, pour m’embrasser.
Nous savons que les Israéliens frappent partout et tout le monde. Cette fois, j’étais particulièrement inquiet parce que le bruit de l’explosion venait du quartier où j’habite. J’ai commencé à demander où avait eu lieu le bombardement précisément, mais je n’ai pas eu de réponse. J’ai essayé d’appeler ma femme une première fois, mais elle n’a pas répondu. La deuxième fois, son numéro a répondu et j’ai entendu un hurlement. J’ai couru aux urgences, et quand je suis entré dans la salle, j’ai entendu la voix de ma fille, de sa mère et de Hamid – mon deuxième fils – en train de hurler.
J’ai essayé de les calmer, de les rassurer. Et je suis ensuite parti chercher Youssef parmi les blessés. J’ai questionné les gens à propos de Youssef, et tout le monde détournait le regard, comme s’ils fuyaient la réponse. Je suis entré dans la salle de réanimation, j’ai trouvé un médecin que je connaissais et qui connaissait mes enfants. Dès que je suis entré, j’ai compris dans son regard et mon cœur s’est arrêté. J’ai perdu la tête, et j’ai commencé à courir partout pour le retrouver.
Il y avait un photographe qui prenait en photo les bombardements et les blessés. Il a allumé son téléphone et m’a montré des photos des blessés. J’ai reconnu Youssef grâce à ses vêtements. Je lui ai dit : “C’est lui ! Où est-il ?” Il a détourné la tête et n’a pas répondu. Quelqu’un derrière moi a dit : “Cet enfant, c’est moi qui l’ai sorti des décombres et je l’ai emmené à la morgue.”
Je me suis arrêté, je ne pouvais plus marcher. On m’a tiré par le bras et je suis entré dans la morgue. Le corps de mon fils s’y trouvait, avec celui de son cousin, son aîné de deux ans. »
Sur le site du Palestinian Information Center, on trouve aussi une vidéo montée par un site d’information turc dans laquelle l’on voit Mohammed Hamid Abou Moussa apprendre en direct la mort de son fils alors qu’il est en train de travailler à l’hôpital Al-Shif
Habiba Abdelqader, 8 ans, de Gaza ville
Feda’a Murjan a témoigné sur Facebook de la mort sa fille Habiba, 8 ans. Elle l’évoque en en parlant encore au présent.
« Habiba a 8 ans, c’est une belle fille avec de jolis cheveux roux et le plus beau visage du monde.
Habiba est à l’école primaire, elle est tellement intelligente qu’elle peut résoudre une équation mathématique en quelques secondes seulement et n’a pas fait une seule erreur à aucun de ses examens pendant ses trois années d’école. Elle obtenait toujours les meilleures notes de sa classe. Sa maîtresse disait qu’elle était l’une des filles les plus rayonnantes et les plus intelligentes qu’elle ait jamais rencontrées.
Elle est polie, calme et mérite bien son prénom, qui signifie “la bien-aimée”, car personne ne peut la rencontrer sans l’aimer.
Son amour pour sa mère, son père et son frère Omar est sans limites. Elle est la “donneuse de câlins”, elle aime vous serrer constamment dans ses bras pour exprimer son amour. C’est une fille très, très, très gentille.
Je l’ai vue plusieurs fois, lorsqu’un enfant l’agressait ou l’insultait, répondre sans agressivité et sans rancœur : “Ce n’est pas gentil et n’utilise pas de gros mots.”
Elle adore les bébés plus que tout au monde. Elle les berce, les enveloppe dans ses bras et leur chante des berceuses.
Le rêve de Habiba était de devenir médecin et je la préparais pour qu’elle puisse rejoindre le “conseil des enfants palestiniens”.
Dans la situation d’urgence du Covid-19, elle a participé avec moi à de nombreuses réunions Zoom avec des partenaires internationaux du monde entier, elle a beaucoup entendu parler des droits de l’homme, des droits de l’enfant et du droit international. Elle adorait ça et était très intéressée à faire connaître, comme moi, au monde entier les enfants de Gaza.
Son rêve était de parler très bien anglais et d’informer les gens sur l’actualité et la situation à Gaza.
Mais la guerre a commencé. Habiba est une enfant très sensible et son petit corps tremblait tout le temps au bruit des bombardements et des roquettes. Le septième jour, Habiba, contrairement aux jours précédents de la guerre, était calme et a dit qu’elle avait entendu une voix qui lui disait “n’aie pas peur”. Elle m’a demandé si je l’avais aussi entendue. J’ai été surprise, mais je n’ai rien dit.
Puis elle a pris ses couleurs et ses pinceaux et s’est brossé les cheveux avec ses pinceaux à colorier en disant : “Je suis une artiste.” Elle s’est mise ensuite à dessiner ce que montrait la télévision, l’actualité de la guerre, et le drapeau palestinien. Une heure plus tard, Habiba a été tuée dans une attaque brutale contre notre maison. Quelle était sa faute ? Elle ne portait sur elle qu’un pinceau pour colorier et non un pistolet. Habiba portait en elle de nombreux rêves. Les Israéliens ont tué ses rêves et m’ont privée de pouvoir profiter encore de la lumière de ma belle enfant. J’ai travaillé pendant plus de 7 ans au PCHR [Centre palestinien pour les droits de l’homme – ndlr], l’une des organisations de défense des droits de l’homme les plus importantes du pays. J’ai travaillé avec des partenaires internationaux qui nous soutenaient et croyaient aux droits de l’homme, mais aujourd’hui je n’y crois plus. Aucune mère ne devrait subir des souffrances telles que celles que je traverse. »
DrAreej, 25 ans
Sur Instagram, Yara Eid, journaliste palestinienne basée à Londres, a témoigné de la mort de sa cousine Areej.
« Areej était ma cousine. Elle avait 25 ans. Areej était dentiste. Elle était aussi fiancée. Son mariage était censé avoir lieu ce mois-ci. Je l’ai appelée il y a deux semaines, juste avant le début de l’agression israélienne, et lui ai demandé de retarder son mariage pour que je puisse y assister. Son fiancé est égyptien et ils avaient tout préparé pour leur nouvelle maison. Ils avaient même acheté les couverts.
Areej était une amie fidèle. Son ami d’enfance, Balsam, disait d’elle qu’elle était plus qu’une sœur : une partie de lui-même. Areej n’est pas un nombre.
Elle aimait tellement la vie et elle était tellement excitée à l’idée de se marier. Elle s’occupait de toute sa famille, principalement de ses nièces. Elle a littéralement élevé énormément d’enfants chez elle. Elle aimait profondément les enfants et parlait toujours du moment où elle aurait les siens. Areej rêvait d’ouvrir sa propre clinique. Elle aimait tellement son métier de dentiste que deux de ses nièces ont suivi sa voie. Areej rêvait de parcourir le monde et de retrouver son frère qu’elle n’avait pas pu voir depuis des années. Areej était si gentille qu’elle a marqué la vie de ceux qui l’entouraient. Elle rayonnait d’énergie.
Au début de l’agression, Areej a envoyé par SMS à son fiancé une photo d’elle dans sa robe de mariée en disant : “Je ne suis pas sûre de pouvoir la porter.” Son dernier message sur Facebook était ainsi rédigé : “Le paradis est plus proche que le Sinaï.” Elle aimait tellement Gaza. Areej a été tuée mardi 19 octobre dans un bombardement. Elle passait son temps à tenter de réconforter ses nièces terrifiées.
Areej a été tuée avec 15 membres de sa famille proche : ses deux parents, son frère Ahmed et ses deux filles, son frère Haitham, sa femme et ses cinq enfants, son autre belle-sœur et ses deux nièces. Le plus jeune des enfants avait 5 ans. Neuf des 15 tués sont des enfants. Areej n’était pas une militante. Elle était une médecin, une civile. Mais aussi une meilleure amie, une cousine et une épouse. Ceci n’est qu’un aperçu de l’histoire d’Areej. Il faudrait raconter la vie et l’histoire de toutes celles et ceux qui ont été tués. Dans ma famille, ils sont déjà trente. »
Farhana Abu Naja, 82 ans, morte à Rafah
« Farhana Abu Naja est ma tante du côté de mon père. Son prénom signifie “la joyeuse”, la “contente”. Elle avait 82 ans, elle avait déjà subi l’exode de 1948 puisque ma famille a été chassée de ses terres, Bir Sabaa, l’actuelle Beir Sheva, quand elle était encore petite. Ma tante m’avait raconté cet épisode d’exode.
Quand j’étais jeune et que je suis arrivé à Gaza, j’ai demandé pourquoi ils avaient quitté leur terre, ma grand-tante m’avait raconté comment ils vivaient dans un hameau, sans télévision, sans beaucoup de nouvelles, avant que des groupes armés arrivent et les chassent de chez eux pendant la saison des moissons. Elle me disait qu’elle pensait retourner chez elle dans les jours qui suivraient. Quand elle a quitté ses terres, les épis étaient plus hauts que sa tête, et les membres de ma famille n’avaient rien pris avec eux. Et ils ne sont jamais retournés dans leurs terres.
Ils se sont installés d’abord dans les camps de réfugiés, puis une partie de la famille est allée dans le village de Maan, à l’est de Khan Younès, et une autre dans le camp de réfugiés de Rafah, Al-Shabura. Ils sont restés là depuis 1948. Farhana correspondait à son prénom, elle était toujours souriante, c’était une personnalité centrale dans la famille. Elle nous manque. Elle était femme au foyer, elle n’a jamais travaillé à l’extérieur. Elle a passé sa vie à élever ses enfants - quatre filles et un fils - et ses petits-enfants.
Elle a été tuée dans un raid le 17 octobre. Une partie de ses enfants est morte avec elle, ainsi que leurs époux, épouses et nombre de ses petits-enfants, soit au total 24 personnes dans ce raid qui s’est produit à Rafah, à côté du quartier Al-Jnina.
Elle-même habitait à Khan Younès, mais elle avait préféré rejoindre ses enfants qui habitaient initialement à Deir El-Balah mais avaient fui à Rafah après les premiers bombardements. Ma tante avait donc rejoint ses enfants à Rafah en quittant son domicile de Khan Younès. Et ils sont tous morts d’un coup.
J’ai appris cette mort à travers le groupe WhatsApp de cousins et de cousines qu’on s’était donné pour se donner des nouvelles. Dès que les gens sur place ont une connexion, ils nous envoient des nouvelles, mais la communication est très difficile. La dernière fois que j’ai vu Farhana, c’était donc en 2004.
Quelques jours après ce raid, une autre de mes tantes, Mozayan Abu Naja, l’une des plus jeunes sœurs de mon père, a aussi été tuée avec ses deux fils dans un autre bombardement qui a tué au total 19 personnes si je compte sa petite fille, Rinad, qui a succombé à ses blessures trois jours plus tard, le 24 octobre.
Mozayan habitait à Maan, et c’est dans la maison familiale qu’elle a été tuée. C’était ma tante préférée, j’ai encore du mal à accepter l’idée qu’elle est partie. Si j’avais été à Gaza, j’aurais passé mes journées avec elle et je serais morte avec elle. Je l’ai eue au téléphone deux jours avant sa mort, elle m’avait dit qu’elle préférait rester chez elle parce qu’il n’y avait aucun endroit sûr. On n’a pas encore pu récupérer son corps. »
Israël a déjà assassiné au moins 9 770 Palestinien.ne.s– dont 4 008 enfants – depuis le 7 octobre, et blessé 24 808 personnes, et intensifie ses attaques de toutes parts sur une Gaza coupée du monde.
Frappes israéliennes ciblées et intensifiées
Dans la nuit du 5 novembre 2023, la bande de Gaza est soumise, encore une fois, à une coupure totale d’internet et des télécommunications. Le bilan humain des morts atteint maintenant les 9 770 Palestinien.ne.s tuées par Israël depuis le 7 octobre, tandis que les bombardements s’intensifient dans le noir complet.
Alors que les bombes larguées sur la bande de Gaza en 26 jours sont déjà 1.5 fois supérieures à la force explosive des bombes larguées sur Hiroshima durant la 2ème guerre mondiale, le groupe « Investigate and Dismantle Apartheid » indique dans cette note d’information urgente du 6 novembre qu’un ministre israélien propose de larguer une bombe nucléaire sur les Palestinien.ne.s à Gaza.
Aussi, dans la seule journée du 2 novembre 2023, quatre écoles de l’UNRWA – des camps de réfugié.e.s de Jabaliya, Burin et Al-Shate – ont été bombardées par l’armée israélienne. Le 4 novembre dernier, les écoles de l’UNRWA du camp de Jabaliya et de Nuseirat on été ciblées et touchées par des frappes aériennes israéliennes, tuant 15 Palestinien.ne.s et en blessant plus de 70.
L’entrée de l’hôpital Al-Shifa a elle aussi été ciblée et bombardée par Israël, le 3 novembre dernier. La frappe israélienne a pris pour cible un convoi médical au départ de l’hôpital, et se trouvait donc à l’entrée du bâtiment en attendant d’évacuer des blessé.e.s hors de Gaza. La frappe tue au moins 16 personnes et en blesse 60.
« Nous étions à l'entrée de l'hôpital Al-Shifa lorsque l'ambulance a été touchée sous nos yeux. Il y avait des corps couverts de sang partout. Bcp ont été tués sur le coup, d'autres ont été transportés ds la salle d'opération pour des soins en urgence » Dr Obaid médecin MSF.
Massacre à Jabaliya
Alors que Craig Mokhiber, directeur du bureau new-yorkais en charge des droits de l’homme à l’ONU a démissionné de son poste le 28 octobre dernier, atterré par l’inaction et le silence des gouvernements occidentaux et des instances internationales de droits humanitaire sur le nettoyage ethnique en cours à Gaza, Israël a assassiné mardi 31 octobre et mercredi 1er novembre plus de 400 personnes dans des frappes ciblées pulvérisant un quartier entier du camp de réfugié.e.s de Jabalia, une des zones les plus densément peuplées de la bande de Gaza.
Coupée du monde
Dans la nuit de vendredi 27 octobre au samedi 28, Israël a plongé Gaza dans le noir complet en coupant l’accès en électricité et en internet à l’enclave palestinienne, afin de procéder à des bombardements sans relâche et sans précédent de la bande. Depuis, le recours par Israël aux coupures d’électricité et d’accès à internet est récurrent lors de bombardements intensifs assénés sur Gaza, comme depuis hier par exemple.
L’intensification de ces bombardements s’amplifie et atteint un stade ne pouvant provoquer qu’une catastrophe humanitaire terrible et durable pour les années à suivre. En effet, en empêchant à la fois l’entrée de journalistes internationaux.ales à Gaza pour documenter mais aussi témoigner des crimes de guerre qui y sont perpétrés, et en interrompant maintenant tout contact avec les habitant.e.s de l’enclave- que ce soit par internet ou par téléphone -, Israël prépare le terrain pour de nouveaux massacres planifiés et cette fois-ci, pratiquement invisibles, des gazaoui.e.s.
Le simple fait que la catastrophe humanitaire en cours à Gaza ne puisse pas être couverte par les journalistes internationaux.ales est problématique, mais l’interruption totale de contact avec les civil.e.s et journalistes gazaoui.e.s sur place est alarmant au plus haut point. Gaza compte à ce jour, selon de récents rapports, 1,4 million de personnes déplacé.e.s de chez eux.elles et plus de 42% des habitations de la bande détruites.
Il n’y a pas de lieu sûr à Gaza, les hôpitaux et établissements de santé sont eux aussi à bout de souffle et menacés jour après jour de ne plus pouvoir assurer leurs missions.
De fait, depuis le 7 octobre, les hôpitaux de Gaza tirent la sonnette d’alarme en indiquant que sans carburant, sans électricité, sans eau potable et sans anesthésiant, le soin des patient.e.s – déjà précaire dans ces conditions – ne pourra bientôt plus être assuré. Le bilan des blessé.e.s atteint pourtant à ce jour le nombre de 24 808 personnes.
Claire Magone, directrice générale de Médecins Sans Frontières, évoque elle dans une intervention sur BFM TV la sentence de mort vouée aux Palestinien.ne.s par Israël : « Nous sommes condamné.e.s à assister à un sacrifice assumé et organisé de milliers de civil.e.s ».
Aussi, selon une évaluation interne du département d’État américain, 52 000 femmes enceintes et plus de 30 000 bébés de moins de six mois boivent actuellement de l’eau contaminée à Gaza. Les risques de mort par famine, déshydratation ou d’épidémies inquiètent eux aussi le personnel de l’aide humanitaire et médicale, tandis qu‘un hôpital sur trois ne fonctionnent pas à Gaza et que les lieux d’alimentation basiques, tels que les boulangeries, sont visés par les frappes aériennes israéliennes, comme nous l’indiquait récemment notre correspondant local Hossam.
Le 29 octobre dernier, le médecin urgentiste à Gaza, Ghassan Abu Sitta, alertait sur l’utilisation de bombes au phosphore blanc par l’armée israélienne, dont l’utilisation est illégale au regard du droit international.
Les hôpitaux, qui pouvaient encore représenter à un certain degré pour les journalistes souhaitant couvrir la situation en temps réel, un espace relativement sûr où ils.elles pouvaient recharger leur téléphone, caméra et obtenir une connexion plus ou moins stable à Internet, ne peuvent désormais plus assurer cette mission de « refuge », depuis l’interruption totale d’accès à l’électricité et internet par Israël vendredi soir. L’hôpital Al-Quds, abritant 14 000 Palestinien.ne.s sans domicile depuis les bombardements israéliens, est également menacé par des frappes israéliennes depuis hier soir, et est sommé d’évacuer ces milliers de personnes.
Incursion terrestre
Alors que Gaza, après 1 mois de bombardements israéliens, compte près de 9 770 – dont 4 008 enfants – et est assiégée sous un tonnerre de bombes, ses habitant.e.s subissent également depuis le week-end du 27 octobre, ce qu’Israël appelle « la deuxième phase de son offensive »: l’incursion terrestre de l’armée à Gaza.
Chars blindés et escadrons militaires envahissent l’enclave dès vendredi soir, par air, terre et mer, alors que l’ONU adopte le jour-même une résolution – proposée par la Jordanie – établissant une trêve humanitaire « immédiate, durable et prolongée » visant à « protéger les civil.e.s et le respect des obligations juridiques et humanitaires ».
Les appels au cessez-le-feu se multiplient en vain, les rappels à l’ordre des instances humanitaires et de droit internationaux exhortent Israël d’instaurer une trêve humanitaire, l’aide humanitaire au compte-goutte est d’une insuffisance colossale compte tenu de l’ampleur de la catastrophe humanitaire à laquelle Gaza fait face, tandis qu’Israël poursuit ses crimes de guerre, dans une impunité affligeante.
Par micheldandelot1 dans Accueil le 7 Novembre 2023 à 10:16
Ce qui est nouveau et confirme la tendance de la classe intellectuelle française à oublier tous les principes de la rationalité «cartésienne,» et à embrasser les atmosphères de haine du moment, c'est que, paradoxalement, leur chef de file et leur inspirateur est Eric Zemmour, qui ne cache nullement sa haine viscérale pour l'Islam et passe son temps à traîner dans la boue et à insulter, aux heures de grande écoute, «les islamo-gauchistes,» en fait ceux des intellectuels français qui demandent seulement que justice soit faite pour le peuple palestinien, destiné à l'extermination, et que les tenants de la religion musulmane ne soient plus soumis aux insultes journalières, aux harcèlements des féroces forces de l'ordre, et qu'ils jouissent, en toute tranquillité, des privilèges de la citoyenneté dans «la patrie des Droits de l'Homme.»
Il faut rappeler, au passage, cette vérité historique à Eric Zemmour, ce pourfendeur de l'Islam et des musulmans, qu'il a pu être mis au jour et jouir de la vie, parce que ses parents vivaient en
Algérie, entre 1940 et 1945, même s'ils n'étaient plus protégés par le «décret Crémieux, » et que la population musulmane algérienne, malgré l'oppression coloniale et la déchéance sociale et culturelle qui lui étaient imposées, a simplement refusé de collaborer avec l'entreprise génocidaire nazie. Protégé par le carton rouge de «l'antisémitisme» ce juif n'hésite pas à exiger l'utilisation de l'armée pour combattre la population musulmane, et à inciter à la violence contre cette minorité religieuse, et va jusqu'à prôner que lui soit imposé le sort réservé à la population musulmane par la royauté catholique espagnole, sous la pression de la Papauté, c'est-à-dire son expulsion massive du territoire français. Le parti de cet hystérique antimusulmane ne s'appelle-t-il pas «Reconquête,» allusion directe à la politique de «purification religieuse menée par les différents rois catholiques contre leurs compatriotes musulmans... et juifs !
La France se targue de représenter l'Etat «laïc,» rejetant tout rôle des religions dans la vie publique et allant jusqu'à imposer un style de vêtements, imposition que l'on peut qualifier de reflet d'un Etat totalitaire.
Comment ses autorités peuvent-elles faire preuve de tant d'indulgence envers un homme qui fait l'apologie d'une idéologie génocidaire et appelle à suivre l'exemple d'une royauté catholique, qui a aussi expulsé la communauté juive ?
Zemmour, le Faurisson «juif,» Le maitre à penser du «Judéodroitisme» Officiel français
Le principe sacrosaint de «la liberté d'expression», n'explique pas cette tolérance complice envers un homme qui a été jusqu'à pondre une apologie du Pétainisme, et à le qualifier, en contradiction avec la vérité historique, de «protecteur des Juifs.» Les autorités françaises refusent de le faire taire, alors qu'elles répriment de manière sauvage et arbitraire, en violation des lois défendant la liberté d'expression, les manifestations de sympathie envers le peuple palestinien, menacé d'extermination par le régime sioniste génocidaire.
La liberté d'expression de la haine de l'Islam est-elle une politique officielle de l'Etat français ? Et toute manifestation de soutien pour les droits des membres de l'Islam serait-elle un crime dans «la patrie des Droits de l'Homme ?»
Zemmour, «Judéodroitiste» ou «Judéonazi ?»
Eric Zemmour manipule l'histoire de la France et se pose en défenseur de la «pureté raciale, culturelle et religieuse française,» pour justifier le flot de mensonges qu'il déverse chaque jour sur l'Islam et les musulmans, appelant à leur élimination du territoire de la «Métropole.»
On ne peut pas, tout de même, prétendre qu'il soit un «paria» dans la haute société française, si prompte à jeter l'opprobre sur tous ceux qui tentent de présenter une révision de l'histoire de l'occupation nazie favorable au Troisième Reich et à son pantin, le Maréchal Pétain.
Si un prénommé «Mohammed,» ou portant un autre prénom à consonance musulmane, avait écrit, sous le même nom de famille, et né en France et avait pondu un pamphlet glorifiant le Pétainisme, il aurait été placé, illico presto, en centre de détention, déchu de sa nationalité fondée sur le «jus soli,» et aurait été expulsé sans autre forme de procès vers le pays d'origine de ses ancêtres !
Zemmour n'a pas reçu une seule tape sur le doigt en punition de son apologie du génocide perpétré par Pétain au nom de la France. Il continue à sévir sur le marché de l'information médiatique publique comme privée. Il a même le privilège d'être invité par d'anciens chefs d'Etat français, d'être sans doute, reçu dans les plus belles demeures du gotha parisien, sans compter ses multiples apparitions sur les écrans de télévision, déversant son venin haineux. Si on lui pardonne ses multiples écarts de langage et son appui sans réserves au régime pétainiste, c'est qu'on est d'accord avec son islamophobie primaire, qui reprend les mêmes accusations lancées par la Chrétienté contre l'Islam depuis son apparition.
L'Objectif : Désensibiliser l'opinion publique française au drame du peuple palestinien, majoritairement musulman
L'objectif de cette phobie de l'islam est de rendre l'opinion publique de la «patrie des droits de l'homme insensible aux souffrances du peuple palestinien, dont le génocide annoncé et perpétré en direct actuellement, sert des intérêts stratégiques se couvrant de la «préservation du peuple juif menacé dans son existence.» Le génocidaire, prospère et hyper-armé est présenté comme la victime et le peuple opprimé et dont le génocide est en voie d'exécution, est décrit comme l'agresseur présentant un «danger existentiel.» Zemmour active pour la réussite de l'entreprise génocidaire, sous le couvert de la «sauvegarde de la grandeur française,» mais, en réalité n'a d'autre objectif que de justifier et couvrir le génocide perpétré par ses coreligionnaires en Palestine contre une population essentiellement musulmane!
Est-il, à l'instar de son idole, Benyamine Nétanyahou, plutôt qu'un «judéodroitiste,» un «judéonazi,» qui prend école dans la politique d'épuration ethnique du Troisième Reich, politique qu'il voudrait voir appliquée contre les musulmans en France et les Palestiniens sur leur territoire usurpé par les sionistes ?
Un «double standard» patent
Et la France officielle l'approuve malgré ses dérapages pro-nazis. Comment peut-on accorder du crédit à la déclaration de la plus haute autorité de l'Etat qui affirme «qu'il n'y a pas de double standard de la France au Moyen-Orient ? En laissant la haine antimusulmane s'exprimer librement et en reprenant le vocabulaire sioniste pour qualifier les actes de résistance palestinienne légitime, en approuvant les plus récentes manifestation de la barbarie «juive» sans compter la répression des manifestations de soutien à la résistance palestinien, sans compter d'autres actes visiblement hostiles à l'Islam, et pratiquées par un «mtourni» zélé chargé de l'ordre public dans ce pays, les autorités officielles pratiquent «le double standard.»
En conclusion
Eric Zemmour, le chef du parti pro-sioniste «Reconquête,» vient finalement, de jeter le masque ; en allant encourager ses coreligionnaires de la colonie de peuplement d'Israël , dans la phase définitive de liquidation physique du peuple palestinien, et en qualifiant ce génocide de «guerre civilisationnelle, il prouve, s'il le fallait encore, que son islamophobie morbide, qu'il enveloppe dans la défense des «valeurs occidentales,» et de «la pureté raciale, culturelle et linguistique de la France,» dont il se présente comme le sauveur, n'est qu'un projet meurtrier de désensibilisation au sort des victimes musulmanes du massacre en direct actuel dans le «ghetto de Gaza» ; Il prouve que c'est sa vision du monde qui est contraire aux «valeurs occidentales,» fondées sur le respect de la vie humaine et des Droits de l'Homme, car il prend position pour une idéologie raciste, qui s'étale au grand jour dans ce vaste goulag, devenu «camp de la mort,» dans lequel est enfermé le peuple palestinien ;
S'il y a un lieu où les juifs peuvent prouver que leur religion est compatible avec la démocratie, telle qu'entendue par les pays qui la protègent, pour leurs propres intérêts stratégiques, c'est bien Israël. Or, les dirigeants de cette colonie refusent de respecter le «smig» de la démocratie, et rejettent, comme étrangère à leur idéologie, la notion même de Droits de l'Homme, tout comme ils foulent au pied et en permanence, toutes les lois internationales qui pavent la voie vers un monde plus humain, des conventions internationales sur le droit de la guerre, et la protection des civils en zone de conflit, sans oublier le traité sur l'interdiction de la torture et de l'emprisonnement arbitraire, sans omettre, évidemment, la convention sur la lutte contre le génocide, convention tirant pourtant sa justification de l'Holocauste, crime contre l'humanité qui, pourtant, leur sert de camouflage de leurs propres crimes contre l'humanité, crimes qualifiés juridiques sans réserves de leur traitement barbare du peuple palestinien.
Zemmour a été jusqu'à faire l'apologie du Pétainisme, et de nier le traitement que ce «traitre à la patrie française» a fait subir aux juifs français. Pourtant, personne, tant dans la classe politique française, que parmi l'intelligentsia, ne s'est indigné de ce «révisionnisme,» qui va au-delà de la simple provocation, car c'est un crime puni lourdement par la loi française. Le cas du professeur Faurisson est là pour le prouver.
Zemmour jouit-il de l'impunité parce qu'il sous-entend, par ses louanges couvrant le pétainisme, que le traitement appliqué aux Juifs pendant la période pétainiste devrait être reproduit, cette foi-ci, contre la minorité musulmane, dont il demande directement l'expulsion, même avec l'usage de la violence armée ? Assiste-t-on, en direct, à l'effondrement de l'ordre constitutionnel de la «patrie des Droits de l'Homme,» sous les coups de boutoir de l'islamophobie hystérique, maintenant politique d'Etat, comme le prouvent l'interdiction des manifestations en faveur du peuple palestinien et l'exécution en public d'une femme désarmée, qui a exprimé tout haut son refus du massacre des Palestiniens ? L'avenir nous le dira !
L'agression de Ghaza a fait perdre à l'Occident institutionnel la raison mais surtout l'honneur et les valeurs; un fonds de commerce chimérique longtemps usité pour justifier ses escapades meurtrières qui, durant l'histoire contemporaine, n'ont jamais cessé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale; son leitmotiv allégué est, selon les circonstances, instaurer «la démocratie», lutter contre «les dictateurs» et même un certain temps fut libérer les femmes de leur joug, comprendre la burqa, et surtout combattre «le terrorisme»; voilà un terme dont la signification est délibérément maintenue dans l'opacité et dont l'usage tel un couteau suisse est au gré des objectifs du moment, laissé volontiers largement extensible pour pouvoir fourrer dedans et les actions violentes contre de paisibles citoyens partout ailleurs mais dont sont exclues «bien sûr» les victimes de leurs exactions meurtrières en Irak, Afghanistan, Syrie et Palestine; elles sont simplement cyniquement classées sous la rubrique de «dommages collatéraux» autant que les opérations légitimement approuvées par le droit international qui autorise quiconque à lutter et par tous les moyens contre les oppresseurs et colonisateurs, le sens des mots prend alors une connotation versatile selon l'identité de l'agresseur et de l'agressé ! le droit de se défendre devient exclusif dès qu'il s'agit d'Israël pourtant agresseur perpétuel et force occupante et oppressante; tous les excès lui sont permis; destruction massive des infrastructures, des maisons et immeubles avec leurs occupants, privation de nourriture, les boulangeries sont considérées comme cible stratégique, la privation de médicaments, de l'électricité et de l'eau et de toute possibilité de communiquer avec le monde extérieur et s'il y avait possibilité de leur couper l'air respirable, ils n'hésiteraient pas une seconde à le faire; tous les ingrédients qui définissent une nouvelle Shoah ! Une vengeance meurtrière des sionistes haineux à la mémoire courte qui souffrent du syndrome du persécuté pour en faire souffrir les Palestiniens; moins d'un siècle après ils ont oublié que ceux qui sont leurs principaux complices d'aujourd'hui ont été hier leurs bourreaux; ils ont juste depuis changé de patronyme pour porter celui de «monde libre» dont les dirigeants se sont précipités à tour de rôle auprès de Netanyahu qui exhibe ostensiblement une nouvelle fois son tempérament sanguinaire pour lui apporter la caution, la bénédiction et en gage de sincérité une armada de porte-avions, munitions, dollars et un blanc-seing pour les crimes qui se poursuivent sous le sceau de la «légitime défense» qui, dans ce cas, n'est qu'une duperie de plus synonyme d'une campagne criminelle aveugle qui cible sans distinction tout ce qui bouge dans le petit territoire de Ghaza; ville la plus peuplée au monde au kilomètre carré; la certitude de faire le plus grand nombre de victimes parmi les plus faibles, enfants, femmes et vieillards; une guerre d'extermination qui n'a rien à envier à celle menée contre les Amérindiens au cours des 17e et 18e siècles.
Le Hamas qu'on voudrait diaboliser à outrance et réduire à un groupuscule fervent de la terreur est l'émanation de la lutte du peuple palestinien pour sa survie; il n'a jamais pris personne pour cible en dehors de sa terre spoliée, contrairement à ses détracteurs dont les «intérêts» qui se résument à la confiscation et le dépouillement des richesses des plus faibles justifient les guerres et campagnes meurtrières qu'ils mènent souvent au mépris du droit international qu'ils ont eux-mêmes élaboré et qu'ils n'hésitent pas à piétiner chaque fois qu'il s'oppose à leur dessein. A suivre
Les Palestiniens ne pouvaient rester dupes indéfiniment et croire au mirage des accords d'Oslo. Au fil du temps et des évènements, ils ont été confortés dans leur conviction par le sort réservé à la Cisjordanie qui a cru au leurre de la paix à la façon d'Israël pour se retrouver avec un statut de bantoustan avec à sa tête un gouvernement fantoche qui sous-traite pour l'occupant en restant inerte face à la multiplication des colonies et le dépècement continue de la terre; la pax à la manière israélo-américaine s'est révélée être une grande arnaque à laquelle y tiennent toujours des autocrates plus soucieux de liquider la cause palestinienne et le maintien de leur trône qu'à soutenir un peuple qui vit emprisonné depuis plus de quinze ans et sous occupation plus de soixante-dix ans, dans la misère, le dénouement total, l'humiliation et sans lueur d'espoir d'une vie décente, proie aux exécutions sommaires, aux détentions arbitraires dites administratives, sans inculpation ni procès et qui n'épargnent ni femmes ni enfants.
Il assiste impuissant à la spoliation de sa terre pour y voir construire de plus en plus de colonies faites de peuplades débarquant des quatre coins du monde avec comme seule légitimité et acte de propriété une imposture prétendument divine faisant fi des véritables propriétaires de la terre de père en fils et depuis toujours.
«L'attaque perpétrée à l'aube du 07 octobre n'est pas venue de nulle part» ! vient de proclamer le secrétaire général de l'ONU s'attirant par la même occasion les foudres de l'Etat sioniste; une vérité qui dérange et qu'on voudrait dissimuler aux esprits assoiffés de vérité, car c'est une autre façon de lire entre les lignes pour dire qu'elle est la conséquence d'une indifférence générale et complice de la communauté internationale vis-à-vis de la juste cause du peuple palestinien. L'Occident se retrouve face à ses contradictions et son hypocrisie car au même moment où il fait les yeux doux à l'Ukraine en sublimant son droit à la légitime défense, il dénie, occulte et dénigre sciemment celui des Palestiniens; un deux poids, deux mesures flagrant qui aura des conséquences graves sur les relations internationales et l'ironie du sort fait que les dirigeants ukrainiens qui subissent les assauts de la Russie se sont ralliés à la cause de l'agresseur israélien quoi de faire retourner l'opinion publique en particulier arabo-musulmane jusque-là sympathisante dans sa grande majorité; l'opération de Hamas visait essentiellement des colonies illégales et des campements militaires sur une terre occupée par la force; cependant, la seule version commercialisée et qu'on s'obstine à imposer est celle d'Israël et ses alliés, car rien ne filtre sur ce qui s'est réellement passé concernant le nombre de soi-disant «victimes civiles» ni sur le nombre exact des militaires et colons armés tués ou faits prisonniers; et le doute est permis dans ces circonstances où la désinformation prend souvent le dessus sur la réalité comme en témoignent les mensonges distillés sur la responsabilité évidente de Tsahal du bombardement en direct d'un hôpital corroborée par des témoignages incontestables et par le passé criminel de cette armée de mercenaires lors des précédentes attaques perpétrées régulièrement contre les Ghazaouis sous un blocus total dans un silence de morts et une indifférence complice ne pouvant que renforcer la certitude de leur culpabilité; le doute est encore affermi par l'affabulation loin d'être innocente concoctée par la propagande sioniste et ses relais médiatiques selon laquelle des enfants juifs ont été décapités lors de l'assaut des combattants palestiniens; une fourberie vite tournée en dérision et même le comptage macabre des victimes palestiniennes des bombardements n'a pas trouvé crédibilité aux yeux de cette coalition criminelle qui adopte comme moyen de diversion le déni pour brouiller les cartes et fuir sa responsabilité; le ridicule ayant atteint les plus grands de ce monde; une preuve de plus de leur mauvaise foi, leur partialité et surtout du total dédain et indifférence pour la vie d'un Palestinien.
Toutefois, leur CV déjà assez bien garni d'atrocités hier en Algérie, au Vietnam, en Indochine et plus récemment en Afghanistan, en Irak, en Syrie est révélateur pour comprendre leur attitude; chasser le naturel, il revient au galop ! Une vérité solennelle révélée au grand jour avec la guerre d'extermination qu'ils mènent aux Palestiniens sur tous les fronts militaires, économiques et médiatiques, reléguant aux oubliettes ce qui semblait faire d'eux à tort les troubadours de la liberté, la justice, l'humanisme hélas devenus un slogan creux et de vains mots sans signification, ils ont perdu ainsi toute crédibilité par leur soutien indéfectible et assumé de la tyrannie et le meurtre fondements du programme politique du gouvernement d'apartheid d'Israël.
La liberté d'expression a été aussi une autre victime collatérale du complot ourdi comme le prouve leur empressement à étouffer toutes voix qui s'élèvent pour dénoncer la barbarie et pour certains zélés aficionados de l'idéologie sioniste aucune manifestation en soutien aux droits palestiniens n'est tolérée ni dans l'espace public, ni dans la presse ni dans les plateaux télévisés ni même dans leurs propres institutions élues, au point que les députés qui osent «chanter» en dehors de la chorale reconnue sont menacés vertement tantôt par la levée de leur immunité parlementaire, tantôt physiquement ou lynchés médiatiquement ; les réseaux sociaux seul échappatoire à l'expression libre des peuples à moins d'être déjà partie prenante de la razzia punitive, ils ont été muselés et asservis à coups de lois liberticides légiférées promptement pour la circonstance et voilà donc que leur véritable nature d'impérialistes fut démasquée; ils auront dorénavant tout le mal à pouvoir la dissimuler de nouveau, la vengeance biblique n'a pas non plus épargné les journalistes, reporters et leurs familles, plus de vingt-cinq ont été assassinés sans compter les nombreux blessés; les chaînes restées encore éthiques et objectives à l'instar d'Al Djazira sont menacées directement sans ménagement; elles doivent choisir entre le ralliement au scénario prescrit, celui de la coalition et leur valet et base avancée ou bien faire le sourd, l'aveugle et le muet sous peine de subir le même sort que leurs confrères et consœurs; l'exécution sommaire en direct de Chirine Abouakla journaliste américano-palestinienne de la chaîne est restée à ce jour impunie; les assassins, pourtant connus et identifiés, bénéficient à ce jour de la protection de leurs tuteurs «démocrates» au-dessus de tout soupçon !
Quelle que soit l'issue de cette énième guerre injuste et destructrice, elle laissera une tache indélébile à l'histoire abjecte chargée d'arbitraire de ces nations qui ont longtemps prétendu incarner les valeurs de liberté, justice et humanisme jusqu'au jour où ils ont été contraints par le Hamas se dénuder publiquement et jeter leurs habits qui ne font plus le moine et sombrer dans la complicité d'une barbarie dont ils ne peuvent se défaire et qui a déjà marqué longuement leur aventure coloniale durant les siècles passés.
Ils ont définitivement perdu la face et ne pourront plus jamais briguer le rôle de parrains en la matière, ils tenteront vainement de recouvrir cette image tronquée en comptant peut-être sur l'amnésie des peuples, la manipulation et la falsification des faits déjà mise en œuvre mais le mal est si profond que cette entreprise est loin d'être possible.
Les pays arabes ne sont pas du reste, longtemps dépositaires autoproclamés de la cause palestinienne, ils sont bien hors circuit. Ils ne pourront plus en faire une matière à manipuler leur opinion publique ou un programme électoraliste; leur contribution s'est limitée à ce qui pourrait être qualifié à de la figuration ; au mieux, ils ont laissé, contraints, s'exprimer la colère de la rue bouillonnante et génétiquement solidaire pour tout ce qu'endure comme souffrances le peuple palestinien ou à l'envoi de maigres aides restées bloquées à la frontière que le régime égyptien laisse passer au compte-gouttes histoire de calmer les ardeurs, lui, qui n'a jamais été en odeur de sainteté avec le Hamas et qui nourrit depuis longtemps l'espoir qu'Israël en viendrait définitivement à bout de ceux qu'il croit être l'incarnation de ses propres démons; les opposants à son régime réprimés dans le sang et persécutés à ce jour. Les autres pays volontairement scellés par des accords honteux ont choisi leur camp sans vergogne, celui de l'entité sioniste. Leurs avions cargos ont déjà débarqué des tonnes «d'aide» aux nouveaux anciens alliés au détriment des véritables victimes.
Une certitude s'impose est que les dictateurs de tous bords et les tyrans de par le monde ne pouvaient espérer avoir pareille occasion et solide argument pour asseoir leur autoritarisme sur les peuples, ils n'ont désormais plus d'exemple pour s'inspirer ou de remords à se faire; l'injustice, la cruauté et la sauvagerie sont aujourd'hui désormais leur seul modèle. L'humanité vient de faire un grand saut en arrière; les drames vécus ne semblent pas avoir servi hélas de leçons.
« Au cours des cinq derniers siècles, il est arrivé à seize reprises qu'une puissance montante menace de supplanter la grande puissance régnante. Dans douze cas, cette situation s'est soldée par une guerre. Quant aux quatre fois où la guerre a pu être évitée, cela n'a été possible que grâce à des ajustements de taille, de part et d'autre, dans les actes comme dans les attitudes. ... Pour échapper au Piège de Thucydide, nous devons accepter de penser l'impensable et d'imaginer l'inimaginable.
Vu la situation actuelle, il nous faut désormais infléchir le cours même de l'histoire. »[1]
Avec Israël, la conquête du monde par la force s'est poursuivie et, à contre-courant du mouvement de décolonisation, s'est faite occupation. À l'ère des États-nations, un nationalisme particulier[2] a construit le peuple juif à partir de populations judaïsées[3] pour se donner un État, le pouvoir de se protéger. Nous pouvons dire que nous entrons désormais dans une nouvelle ère, celle de la compétition entre de grands ensembles que le volontarisme politique de l'Europe et du sionisme donne en exemples et que l'émergence de pays-continents impose.
La compétition intra-européenne a soumis le monde par la force militaire, l'a contraint à son commerce, à des échanges dans des rapports de sujétion. Ces rapports ont construit des états sociaux, une division internationale du travail, des centres d'accumulation mondiaux.
Avec le XX° siècle, dans certaines régions, les rapports de dépendance se sont transformés en rapports d'interdépendance, de dépendance réciproque, puis de dépendance inversée. Le « maître » est devenu de plus en plus dépendant de « l'esclave », il lui a concédé l'industrie, croyant pouvoir se réserver la conception, la finance, la vente et le monopole de la violence. Depuis les Grecs, les Occidentaux n'aiment pas le travail et préfèrent la contemplation. Ils voulaient maîtriser toute la chaîne de valeur en ne tenant que les deux bouts. Mal leur en pris, sans industrie pas de civilisation disent les Chinois, mais de fait pas de monopole de la violence et sans ce dernier, impossible de tenir toute la chaîne par les deux bouts. Elle se rompt au milieu. Il faudra donc aux Occidentaux se réindustrialiser et pour cela régionaliser la globalisation pour préserver le monopole de la violence et sécuriser leurs approvisionnements.
Dans les autres régions, les rapports d'asymétrie sont contestés, ils continuent d'être entretenus, mais ne peuvent plus être soutenus avec la croissance démographique. Leur contestation violente conduit les puissances dominantes à réemployer la force militaire. Ne pouvant plus entretenir la croissance démographique[4], ni soumettre les populations par l'occupation de leur territoire, ni obtenir les échanges à leur avantage, elles s'efforcent de bloquer le processus de reconfiguration des rapports de dépendance et d'interdépendance, le développement de nouvelles coalitions qui pourrait enclencher le processus d'inversion des relations de dépendance au travers de la transformation de celles-ci en rapports de dépendance mutuelle. Le multi-alignement des États prend son essor. Leur intervention militaire n'a plus pour objectif de soumettre le monde à leurs échanges, mais d'empêcher que le multi-alignement ne les désavantage, ne les affaiblisse. Elles y entretiennent alors le désordre, comptant sur leur monopole de la violence pour le cantonner dans des guerres civiles. Imaginer des coalitions africaines autour de l'Égypte, l'Éthiopie et le Soudan, au nord-est, autour de l'Afrique du Sud et du Nigéria au sud-ouest et autour de l'Algérie et du Maroc au nord-ouest. De ce point de vue la CEDEAO ressemble plus à une coalition pro-occidentale.
Tous les pronostics condamnent l'Afrique aux guerres civiles. Le conseil de sécurité de la communauté internationale ne fait plus la guerre et la paix. La guerre n'a plus lieu entre des États, des armées et dans le respect du droit de la guerre, mais entre des sociétés et des États, entre des sociétés combattantes et des armées d'État. La démographie fait exploser les cadres de la division internationale du travail : le capital ne fixe plus la force de travail, ne peut plus s'approprier les ressources naturelles du monde à souhait. Les États postcoloniaux ne peuvent plus administrer leur société, démocratiquement ou non, dans l'obéissance à l'ordre mondial postcolonial. La Tunisie le crie.
Dans l'interdépendance, des rapports d'asymétrie se forment, se déforment et s'inversent. C'est l'enjeu perpétuel de la compétition. Il suffit que l'accumulation du travail/capital tourne en faveur de l'un des termes. Si entre l'Occident et le reste du monde, une telle inversion ne concerne qu'une partie du monde (l'Asie) et que se multiplient les rapports d'asymétrie au lieu d'être réduits, l'autre partie (l'Amérique latine, l'Afrique et le Moyen-Orient) risque de souffrir d'une compétition exacerbée entre les nouveaux et les anciens centres d'accumulation. Ils se disputeront les ressources naturelles.
Ce que met alors en jeu la compétition dans l'ordre postcolonial, c'est, pour l'Occident, la préservation des rapports d'asymétrie en sa faveur, et pour les nouveaux centres d'accumulation, le retournement de ces rapports à leur avantage. Il suffit pour ces derniers d'accepter l'ordre postcolonial et de substituer leurs offres à celles occidentales, de mieux faire selon les habitudes établies par l'ordre postcolonial. Les rapports d'asymétrie établis par les puissances en temps de guerre et profitants au moins-disant en temps de paix, acceptent de nouveaux partenaires avec l'émergence de nouvelles puissances industrielles et financières. Jusqu'à ce que la substitution des rapports d'asymétrie ne soit plus acceptée par les compétiteurs désavantagés. Les champions de la compétition se transforment alors en défenseurs du protectionnisme, les termes de la compétition doivent être redéfinis pour réindustrialiser et régionaliser la globalisation.
La nouvelle compétition conduit à la contestation de l'ordre postcolonial qui n'avantage plus ni les puissances qui l'ont établi ni les sociétés postcoloniales qui l'ont subi. Les puissances émergentes sont déstabilisées dans leur progression. Les nationalismes sont plus vifs. S'engage un processus de contestation de l'ordre postcolonial et une compétition pour sa reconfiguration. Depuis le 11 septembre 2001, les USA ne peuvent plus faire confiance aux rapports d'interdépendance avec l'Arabie saoudite, comme ils ne peuvent plus faire confiance aux rapports d'interdépendance avec la Chine. Il faut sécuriser, raffermir les rapports d'interdépendance qui ne doivent pas se transformer de rapports de dépendance à l'Occident en rapports de dépendance aux puissances ascendantes. Il faut combattre la sortie de certains pays de l'orbite occidentale. Il faut raviver la contrainte militaire occidentale sur le monde. Israël est la pointe militaire occidentale plantée dans le Moyen-Orient, il travaille pour que celui-ci et l'Afrique (MEA) ne basculent pas dans la compétition hors du camp occidental.
Mais le monde a changé, le multi-alignement, sans être une doctrine comme c'est le cas avec l'Inde, se développe. Beaucoup ont compris que l'opposition frontale à l'Occident et militaire à Israël n'est pas la solution. Elle est dans le décentrement recentrement du monde. Sans accumulation de forces sur lesquelles ils pourraient compter, les pays du MEA seront les victimes de la compétition entre anciennes et nouvelles puissances économiques. Face à la stratégie de domination occidentale, une contre-stratégie doit déployer une stratégie de croissance économique. Une stratégie que l'on dira décoloniale, parce qu'elle ne peut pas se déployer au sein du cadre postcolonial qui soumet l'accumulation des forces aux anciens et nouveaux centres de gravité mondiaux. Le multi-alignement est pour l'heure le moyen des petites et moyennes nations pour ne pas se soumettre à l'ordre postcolonial. Mais sans de nouvelles coalitions, il ne conduira pas à l'autonomie.
Le monde a été conquis et divisé par les puissances coloniales pour lui imposer des échanges, s'approprier ses ressources naturelles et non pour valoriser son travail. C'est dans la division du monde qu'elles ont imposé que sont nés les nationalismes qui les ont combattues. Cette division du monde ne donne pas aux nationalismes postcoloniaux trop étroits les moyens de valoriser leur travail et leurs ressources. À l'image des BRICS, il faut multiplier les ensembles qui permettent de mobiliser et de valoriser leurs ressources humaines et matérielles, d'organiser et de réguler les compétitions qui permettent une telle mobilisation et une telle valorisation de sorte qu'émergent de nouveaux centres d'accumulation qui ne soient pas des satellites des centres mondiaux d'accumulation. Autrement dit, instaurer des compétitions centripètes qui accumulent leurs résultats au lieu de compétitions centrifuges qui les exportent dès qu'ils ont atteint un certain niveau.
Le monde occidental a été déclassé dans ses propres pratiques internationales, où l'Orient se révèle supérieur. Il ne peut plus faire face à la compétition asiatique. Les nouveaux centres d'accumulation ont plus à offrir au reste du monde en échange de ses ressources naturelles. L'ingénieur oriental a pris la suite du travailleur et triomphe de l'ingénieur occidental. L'Occident coûte désormais trop cher au monde, il craint les compétitions et a espéré se réfugier dans la compétition technologique et militaire.
Si au contraire, les rapports de dépendance mutuelle se substituent aux rapports de dépendance asymétriques avec une tendance à se généraliser, la compétition mondiale peut être modérée et ne pas s'exacerber. Ce qui exige la démultiplication des centres d'accumulation, une autre distribution de la production mondiale et de la compétitivité. Si la production mondiale devait rester concentrée autour de pôles et de zones inégalement répartis sur la planète et les rapports asymétriques rester la règle entre ces pôles et le reste du monde, la concurrence entre ces pôles s'exacerberait et les guerres civiles se multiplieraient à la suite de la divergence entre croissance démographique et croissance économique.
L'Afrique qui va accumuler une large partie de la population mondiale va-t-elle pouvoir disposer de ses propres centres d'accumulation ? Ou va-t-elle être poussée à déverser ses populations sur les centres d'accumulation environnants ? Cette dernière option n'est pas soutenable. Et pour que la première se réalise, l'Afrique a besoin d'une certaine fermeture à la compétition extérieure et d'une certaine ouverture pour que puissent se déverser vers elle des capitaux des centres mondiaux d'accumulation. Nous ne sommes plus à l'ère où l'on pouvait penser que l'enrichissement des riches enrichirait les pauvres. La concentration de la richesse mondiale est repartie à la hausse. Le salut du monde que menace l'exacerbation de la compétition mondiale tient donc dans un déversement du capital vers l'Afrique, dans un renversement des flux de capitaux. Les anciens centres d'accumulation sont saturés. Afin que l'Afrique ne submerge pas l'Europe, ou s'enfonce dans les guerres civiles, l'Europe doit aller à l'Afrique et non s'ériger en forteresse. C'est là qu'est attendu l'universalisme de l'Occident, non dans de prétendues valeurs qu'il ne respecte pas. Le monde ne lui appartient plus, il appartient au monde. S'entêter dans son hégémonisme ne peut conduire qu'à une bipolarisation dangereuse du monde. Le monde qui se resserre sur l'humanité (« limites planétaires ») ne peut plus tolérer les inégalités qui se creusent. Face au développement de nouveaux rapports d'interdépendance qui pourraient renverser les anciens rapports d'asymétrie, le monde occidental apparait vulnérable. Pour s'adapter à ce changement, il se resserre, rompt les rapports d'interdépendance avec le monde non-occidental qui peuvent se transformer en sa défaveur. La guerre en Ukraine a rompu le rapport d'interdépendance entre la Russie et l'Allemagne, les USA n'ont pas cru, ou ne veulent tout simplement pas, que le rapport d'interdépendance de l'Allemagne à la Russie se transforme en rapport de dépendance de la Russie à l'Allemagne ou inversement. Ils ne veulent pas que la compétition transforme leurs rapports d'interdépendance ni en rapports de dépendance mutuelle ni de dépendance unilatérale. Ils ne veulent ni le renforcement de l'Allemagne ni celui de la Russie. Ils veulent rester le centre du monde qu'ils croyaient être devenus avec la fin de l'Union soviétique, ils ne veulent pas que l'Allemagne s'engage, au travers de ses rapports d'interdépendance, dans une compétition qui approfondisse ses rapports avec la Russie et la Chine. Ils ne veulent pas que l'Allemagne sorte de sa vassalité.
La compétition mondiale est sans fin, les guerres n'y mettent pas un terme, elles dictent les conditions dans lesquelles elle s'effectuera, mais des conditions qu'elle ne cessera pas de travailler. La guerre en Ukraine remet l'Allemagne dans le cadre qu'a fixé la Seconde Guerre mondiale. L'Europe alors ? La guerre des nations semble de nouveau de retour. En empêchant l'Allemagne de mener l'Europe dans la compétition mondiale, les USA refusent de transformer son rapport de domination en rapport de dépendance mutuelle. Les USA refusent de n'être qu'un puissant pôle du monde, d'être pleinement et positivement ce qu'ils peuvent être. Ils sont obnubilés par leur monopole de la violence qui les perdra eux et le monde.
L'Occident refuse les nouveaux rapports d'interdépendance, non pas au nom de la symétrie des relations, de la réciprocité, mais au nom de la suprématie de ses valeurs. Il préfère engager une guerre des dieux (Max Weber) qu'une compétition équitable. Il veut pouvoir ainsi préserver ses avantages, sa position dominante dans le monde. Il ne veut pas admettre qu'il n'est plus qu'une partie du monde. Il croit pouvoir encore parler au nom du monde, être le seul capable d'administrer ses compétitions et coopérations. Il ne voit pas qu'il est sur la mauvaise pente, en se resserrant, il ne compte plus sur sa force morale et intellectuelle, il ne pourra plus compter que sur sa présente force militaire et technologique qui parce qu'elle désordonne au lieu d'ordonner, se défera. Elle ne quittera pas la Terre, la Terre l'ensevelira.
Le monde s'adaptait au monde occidental, voilà qu'il doit s'adapter au monde. Mais pour s'adapter, il refuse de changer, d'abandonner ses vieilles recettes de relations internationales. Il refuse de se transformer, de devenir une partie du monde parmi d'autres. Il refuse de renoncer à des relations internationales asymétriques qu'il fait subir, mais ne veut pas subir. Il refuse d'équilibrer ses relations avec les autres parties du monde. Il tient à un mode de vie qui n'est plus soutenable. Face au développement de relations internationales asymétriques en faveur de la Chine qui lui emprunte ses politiques (politique d'endettement) et qu'il dénonce maintenant, il refuse de se faire le porte-parole d'un mouvement d'équilibrage des relations internationales qui épargnerait au monde une nouvelle hégémonie mondiale. Il a la vue courte, il défend mal ce qui peut être défendu. La guerre intérieure qu'il avait exportée, frappe à sa porte, s'insinue en lui.
L'Europe devrait se détacher des USA, pour rééquilibrer ses rapports avec l'Afrique et l'Asie. Les USA devraient se recentrer sur l'Amérique et rééquilibrer ses relations. L'Europe devrait investir dans une Afrique décoloniale, de sorte que les investissements en infrastructures de la Chine soient complétés et valorisés par des investissements productifs, de sorte que la Chine ne soit pas contrainte à une politique d'endettement de l'Afrique pour lui disputer les ressources. C'est la compétition qui dicte sa loi. Les conditions qui la fixent ne lui sont pas transcendantes, elles évoluent avec elle. Des rapports complémentaires non asymétriques avec la Chine et le reste du monde, voilà ce qui ferait de la compétition une façon de faire la paix. Car la compétition peut être une façon de faire la guerre ou de faire la paix.
Israël entre Occident et Orient
Aujourd'hui Israël représente la pointe avancée de l'Occident dans une ancienne partie du monde qu'il avait colonisé. L'Occident a placé Israël en terre conquise militairement et le défend. Ce n'est pas une dette de sang qu'il paye, ce sont ses intérêts qu'il continue de défendre par la canonnière. Mais si l'Occident ne peut plus soutenir Israël qui lui devient trop coûteux que deviendra-t-il au sein du monde musulman ? Pour l'heure, l'Occident et Israël pensent que le siècle juif[5] et américain n'est pas terminé. Israël pousse ses derniers pions. Il se précipite encore dans la guerre pour se convaincre que la roue de l'Histoire tourne toujours en sa faveur. Il ne se rend pas compte que l'Occident qui l'a meurtri, qu'il a conquis par son assimilation, est maintenant de plus en plus préoccupé par lui-même. Pourra-t-il compter indéfiniment sur les USA et la France pour assurer sa sécurité ? Pourra-t-il continuer d'être un corps étranger dans son environnement ?
Tout se passe comme si, il ne restait plus de solution pour Israël que de se constituer en bastion inexpugnable avant que l'Occident ne fléchisse trop dans son soutien. Afin que protégé de l'Occident, il en devienne le défenseur pour conserver sa position en son sein. Car tel paraît être l'enjeu : chasser les populations arabes de la Palestine, mettre fin au prétexte des deux États et maintenir des pays arabes dans la sphère occidentale. Transformer le coup d'éclat du Hamas en défaite palestinienne et arabe est l'objectif de l'Occident et d'Israël, même si, comme on le fait croire, cela n'a pas été programmé, cela n'était pas dans la logique des choses. On a monté le Hamas disent les services spéciaux israéliens pour descendre l'OLP, représentant officiel du peuple palestinien aux yeux de la communauté internationale, on le descendra à son tour le moment venu pour en finir avec le peuple palestinien, pouvaient-ils penser. Il faut chasser les populations palestiniennes de Gaza, objectif non déclaré, car non légitime, et non pas détruire l'ennemi, objectif déclaré, car légitime. En vidant Gaza de ses populations, « le bassin de son eau », il n'y aura plus de résistance palestinienne à l'occupation, plus de « poissons dans l'eau ». Il faut triompher de Hamas, du Hezbollah, pour prétendre défendre des pays arabes contre l'Iran. C'est le seul moyen de faire préférer à des pays arabes comme l'Arabie saoudite la protection du camp occidental à la médiation chinoise. Israël n'occupera pas militairement Gaza, il bombardera le territoire, détruira ses infrastructures jusqu'à le vider de sa population. Mais cette logique peut-elle encore triompher ? Le coup d'éclat de Hamas est précisément d'avoir précipité la fin de la fiction des deux États, d'avoir exposé au monde le plan de nettoyage ethnique d'Israël.
Aujourd'hui Israël ne peut plus vider les territoires palestiniens au rythme qu'il souhaite. La Jordanie et l'Égypte ne peuvent pas accueillir toute cette population chassée de son territoire, le monde ne peut accepter que s'effectue un nettoyage ethnique. Le monde, y compris l'Occident qui lui accorde le droit de se défendre, mais non point d'exterminer une population ou d'effectuer un nettoyage ethnique, ne lui permettra pas de créer un tel désordre dans le monde. L'Iran, principal allié du Hamas, n'a pas besoin de s'impliquer. Il laisse Israël assumer les conséquences de sa politique. Le Hamas va être militairement défait, mais il aura infligé une véritable défaite diplomatique à Israël : il a fait violemment s'opposer le droit international à la volonté de purification ethnique et religieuse d'Israël, il a fait subir un échec de plus au projet sioniste, dans la mesure où l'État d'Israël a été fondé pour assurer la sécurité des Juifs après l'Holocauste, il a isolé le monde occidental dans sa défense d'Israël. Israël a le droit de se défendre parce que le monde occidental l'autorise à tuer des Palestiniens. Continuera-t-on à reconnaitre son droit à se défendre et à dénier aux Palestiniens le même droit ? Le roi est nu.
L'art de la guerre
Si donc un tel plan est mis en échec, si cette course contre la montre n'aboutit pas, si la sécurité d'Israël apparait de plus en plus menacée avec un Occident qui ne peut plus soutenir ses plans, pour vivre et survivre, ne devrait-il pas quitter la Palestine ou changer de stratégie, d'alliés ? Si donc l'allié d'hier n'est plus là, qu'en sera-t-il de l'ennemi ? S'il n'est pas transformé en allié, la seule solution sera de nouveau l'exil. L'art de la guerre n'est pas de détruire l'ennemi, et certainement pas lorsque l'ennemi n'est pas une armée, mais une société, mais de transformer un ennemi en allié, non pas par la force, mais par la soumission volontaire.
L'histoire transforme régulièrement des ennemis en amis. N'est-ce pas le cas des juifs et des chrétiens ? N'est-ce pas ce à quoi ce sont attachés et sont parvenus les Juifs en Occident ? Ils se sont confondus avec eux jusqu'à faire partie de l'élite. N'est-ce pas le cas des Allemands et des Japonais ? On ne soumet pas indéfiniment une société, si on ne l'extermine pas, la compétition se poursuit après la guerre. Jusqu'à présent Israéliens et Arabes se sont refusés à la compétition. Ils ont voulu triompher par la guerre. Les Israéliens pour dicter les conditions de la compétition, les Arabes pour les refuser, pour refuser l'occupation des terres. L'enjeu de la guerre étant de définir les conditions de la compétition, chacun s'efforçant de les définir à son avantage. On oublie alors que les conditions de la compétition sont elles-mêmes définies par la compétition. La suprématie militaire qui donne l'avantage dans la guerre est le résultat d'une supériorité dans la compétition générale. Il suffit de remettre en cause cette supériorité pour transformer ses conditions. Ainsi prend sens la pensée stratégique chinoise, pour qui il faut vaincre sans faire la guerre, triompher par la compétition générale pour l'emporter par la guerre si nécessaire. Quand un pays engage la guerre parce que c'est un mauvais perdant de la compétition générale, il a déjà perdu la guerre, mais ne le sait pas encore ou ne veut pas le reconnaitre. En se tournant vers la guerre contre le reste du monde, l'Occident restreint ses compétitions externes, il ne veut pas se tourner vers ses compétitions internes qui portent sa compétitivité. L'Europe ne veut pas se donner de leadership, l'Europe vieillissante ne veut pas de sang neuf pour se renouveler, elle en a peur. Elle a peur de son passé, d'une Allemagne puissante, de l'avenir qui la réduit à une partie du monde, elle ne veut pas rajeunir. Elle ne veut pas accepter la compétition avec ses nouvelles populations, leurs pays d'origine, revoir les conditions de sa compétition interne et externe pour se donner un nouveau souffle.
La guerre n'est pas la destruction de l'ennemi, mais juste la reddition de son armée. Quand la guerre confronte des armées contre des sociétés, la guerre ne se termine pas, quand elle se termine ce n'est plus en faveur de l'armée à moins que ne soit enfreint le droit de la guerre et que l'ennemi ne soit exterminé. Peut-on se résoudre à de telles extrémités ? Les guerres sont les points de rupture de la compétition, les moments où la compétition touche à ses conditions, les uns par la force pour les défendre, les autres pour les changer. L'Allemagne et le Japon ont trop compté sur la guerre, sur la transformation par la force de leurs rivaux en alliés ; ce sont eux qui ont été retournés par la deuxième guerre mondiale par un ancien ennemi en alliés contre un ancien ennemi, l'Union soviétique. Ils se sont ensuite efforcés de devenir les meilleurs élèves de la classe occidentale pour pouvoir regagner une certaine estime d'eux-mêmes, mais pas encore le pouvoir de choisir leurs ennemis et leurs alliés. Ils ne se précipitent plus cependant pour déclasser les vainqueurs de la guerre. L'Occident a été retourné d'ennemi des Juifs en leur allié, mais un allié qui n'a choisi de l'être qu'incidemment. Le chemin de croix des Juifs n'est pas terminé. Il sera terminé lorsqu'ils pourront choisir leur allié et leur ennemi. Ils ont choisi de s'établir comme nation démocratique juive dans un territoire musulman par la force. Peut-être pour y rester, y vivre en paix parmi les leurs, faudra-t-il considérer leurs voisins n'ont pas comme leurs ennemis, mais leurs amis. Les retourner par la guerre n'apparaissant plus possible choisira-t-on de le faire par une compétition équitable ?
Pour l'heure, Israël se soucie de mobiliser l'Occident pour en obtenir le pouvoir de se défendre. Ils ne sont plus en position de faiblesse comme en Occident pour occuper un territoire colonisé, mais en position de force. Ils sont du côté des dominants, non plus dans le camp des dominés. Il ne s'agit plus de coloniser de l'intérieur, mais de l'extérieur. Ils cèdent à la force plutôt qu'à leur intelligence pour conquérir leur environnement. Ils sont comme fatigués de leur ancienne et patiente posture de minorité qui leur a donné le monde. Au fond de leur compétitivité se cache une fatigue de la compétition. C'est elle et l'impatience qui leur font préférer la guerre, les font tomber dans une guerre sans fin. L'Occident lui aurait-il refusé son aide, s'il avait choisi la compétition et la coopération avec le monde musulman ? S'il avait choisi pour se protéger de se protéger de l'Occident plutôt que du monde musulman ? Il avait quelque raison pour cela, mais il fut plus facile de suivre le plus fort. Ils ont choisi de conquérir la Palestine non pas comme ils ont conquis l'Occident, non plus par l'assimilation en tant que minorité, par laquelle ils se sont donnés au monde et le monde s'est donné à eux, mais en dominants, par la force militaire. Ils ont oublié ce qu'est le pouvoir d'une minorité, ils sont devenus le bras armé de l'Occident.
La guerre n'est pas la solution, mais l'assimilation. La transformation d'un ennemi en allié par la force n'est pas la solution. L'ennemi ne disparait pas derrière l'allié, soumis, il attend son heure. L'allié dominé peut se transformer en allié dominant et en ennemi. L'assimilation n'exclut la compétition que du point de vue du dominant qui veut perpétuer sa domination. Il croit pouvoir assimiler sans pouvoir l'être lui-même. Il le peut parfois, mais pas toujours. Car l'assimilé peut être lui aussi capable d'assimilation. Il croit pouvoir rester universel indéfiniment, autrement dit être celui qui définit les règles et seul peut les transgresser. Il peut le rester longtemps, mais pas indéfiniment. La compétition renouvèle les hiérarchies. Il y a celui qui assimilé assimile et cet autre qui disparait. L'assimilé qui assimile hérite de deux sociétés, de celle dont il parvient et de celle qu'il adopte. L'assimilé qui disparait perd l'héritage de ses prédécesseurs et n'hérite pas de celle qu'il a adoptée. La Chine conserve sa médecine traditionnelle et adopte celle occidentale.
Accepter l'assimilation, affirme Léo Strauss, n'est pas une fin en soi : « ... L'assimilation ne peut pas signifier abandonner l'héritage, mais seulement lui donner une autre direction, le transformer. Et l'assimilation ne saurait être une fin en soi ; elle peut seulement être un moyen vers cette fin. L'assimilation est une étape intermédiaire pendant laquelle il s'agit de se distinguer en s'engageant en des activités qui ne sont pas en tant que telles juives, mais comme le dirait Nietzsche, européennes ou, comme nous dirions, occidentales. ... »[6] Léo Strauss s'est occidentalisé, mais n'a pas cessé d'être juif. Peut-être peut-on être plus clair, même s'il avait voulu faire de l'assimilation une fin en soi, s'il voulait oublier qu'il a été juif, dans le processus d'assimilation il en restera la trace, d'autres lui rappelleront son origine juive. Un assimilé peut perdre son ancien héritage, mais l'assimilation n'oubliera pas d'où il vient. L'estime de sa société adoptive dépendra de sa capacité d'assimilation qu'elle imputera à son héritage premier. On peut relever de plusieurs identités sans leur appartenir, sans y compter vraiment. L'assimilation est un processus qui n'efface pas ses termes, mais ne les laisse pas inchangés. «L'assimilation ne saurait être donc une fin en soi» signifie qu'on ne peut que se distinguer, d'une façon ou d'une autre. Et c'est en acceptant de changer que l'on peut rester soi-même, valoriser ce que l'on possède. Soi-même n'étant pas une identité invariable, mais ce qui se perpétue dans ce qui change, ce qui continue de vivre et de différer.
La globalisation est un processus qui contient son contraire. Ne peut se globaliser que ce qui peut s'enraciner, dispose d'un centre de gravité. Ce qui ne le peut pas se disperse. C'est après avoir assimilé le monde occidental et s'être globalisés que les Juifs ont pu éprouver et satisfaire le besoin de s'enraciner. Ils se divisent certes sur la manière, mais pas sur le besoin. C'est dans le monde et une capacité d'agir que l'on éprouve le besoin d'une identité. Et une identité multiple dispose toujours d'une identité centrale qui est d'autant plus vivante qu'elle cultive la multiplicité et alterne les centralités.
C'est dans le sous-ensemble moyen-oriental que l'État d'Israël devenu celui de Palestine démocratique et multiculturel a toute sa place. Le Moyen-Orient trouverait sa cohérence dans une Asie organisée autour de la compétition entre la Chine et l'Inde. Il ne peut y être une part de l'Occident qui s'attacherait à diviser et soumettre l'ensemble auquel il appartient. Pourquoi Israël aurait-il peur d'un État démocratique, multi-ethnique et multiculturel ? Pourquoi a-t-il besoin de se transformer en bras armé de l'Occident pour trouver sa place en Asie et au Moyen-Orient ? Les Juifs ne sont plus les dhimmi d'un empire. Le monde a choisi qu'Israël continuerait de faire la guerre aux Palestiniens, au monde arabe et musulman dans la paix du droit international qu'il peut bafouer. De qui Israël aurait-il besoin de se défendre ? Du monde entier ? Pour l'heure, il a choisi son camp. Est-ce le bon camp ou le camp de l'ère occidentale finissant ?
Le processus d'installation des Juifs en Palestine a eu lieu par la colonisation militaire, sous l'hégémonie occidentale, par un Occident coupable de pogromes et de génocide qui accorda aux juifs le droit de se défendre, d'avoir une terre sur un territoire qu'il avait colonisé et sur lequel les Juifs considéraient avoir des droits historiques. Aussi le droit de se défendre se confondit avec l'option d'une reconquête militaire de ces droits historiques et s'imposa à celle d'une reconquête pacifique. L'achat des terres ne fut que le processus qui amorça la conquête militaire. Pour quoi gagner la Palestine n'a pas eu lieu sans la canonnière ? Les Juifs et leurs capitaux en avaient les moyens. Parce que le temps était encore aux puissances coloniales et que les Juifs sionistes en position dominante avaient la possibilité de ne pas coexister avec les Arabes sous un même État. L'État d'Israël comme celui du Japon qui se réveillait au monde développait la même propension coloniale que celle de l'Occident. L'ONU en divisant la Palestine en deux États n'a fait qu'entériner une poursuite de la guerre dans la paix.
L'idée des deux États des Nations Unies fut une mauvaise idée, mais une autre n'était pas possible, elle était dictée par la puissance militaire et le droit international. Ce n'est pas un choix proprement juif, c'est d'abord un choix occidental et soviétique. Les Arabes déjà inscrits dans le combat anticolonial répondirent eux aussi par la guerre. Les deux États s'inscrivaient dans le processus de colonisation occidental et de décolonisation des peuples colonisés. La guerre se poursuivra en dessous du droit international.
La solution est dans un État arabo-juif démocratique où la minorité n'aurait pas peur de la majorité numérique, une minorité forte de sa globalisation, de ses ramifications mondiales avec pour mission d'unifier le Moyen-Orient plutôt que de le diviser. Où la minorité aurait sa place dans la nation arabo-juive, multiethnique et multiculturelle parce que donnant une autre place à la Palestine dans le monde en général et le monde arabe et musulman en particulier. Son État ne garantirait-il pas alors et plus certainement sa sécurité ? Inconcevable à l'ère de la domination occidentale, Israël ne pouvait s'inscrire que dans la stratégie occidentale de division et de domination du monde non-occidental.
Aujourd'hui, l'Égypte, la Jordanie et le Liban ne veulent pas accepter le nettoyage ethnique qu'opère l'armée israélienne sur le territoire de Gaza. Le but d'Israël est d'éradiquer le Hamas, chose impossible sans vider le territoire de sa population. Ces pays ne voudront pas le supporter, Israël voudra-t-il vider Gaza ? Sa politique de nettoyage ethnique avait besoin de temps de sorte que l'environnement d'Israël puisse le supporter. Mais les USA voudront-ils forcer ces pays, les affaiblir et être prêts à étendre la guerre ? Tout est là, la guerre avec le monde arabo-musulman n'est pas terminée, elle se continue, mais cela doit se faire sous contrôle. Si donc Israël ne vide pas Gaza après ses destructions massives, quel avenir pour les Palestiniens et Gaza ? Une fois encore la guerre embourberait les USA et détruirait la région.
Le sommet pour la « paix » tenu récemment au Caire a clairement opposé l'Ouest et le reste du monde. Il n'y a pas eu de plan de paix dans laquelle se poursuivra la guerre. Il sera encore question de gagner la guerre et non de gagner la paix. Ce qui s'impose par la guerre se défait par la guerre. La guerre sera défaite par la paix. Cela suppose une certaine coopération. Opposer la paix du reste du monde à la guerre occidentale est la bonne démarche. Mais la paix ne signifie pas la reddition, ni le renoncement total à la guerre, mais l'accumulation des forces. Une coopération de l'Inde et de la Chine qui sauraient maîtriser leur compétition pourrait-elle sauver la région de la destruction ? Offrir aux Juifs et aux Arabes une autre insertion dans le monde ? Je ne sais pas, mais je n'entrevois pas d'autre lumière au bout du tunnel. Le salut de la région passe par une Asie tournant autour de ces deux mastodontes, avec une Inde qui donnerait à son multilatéralisme un centre de gravité asiatique. En somme, la Palestine interpelle toute l'Asie pour que celle-ci se donne un ordre qui la protègerait des guerres.
L'Ouest veut arrêter l'ascension du reste du monde avec ses destructions guerrières. Il veut rester le seul à accumuler des forces, à dicter les règles et leur application. C'est ainsi qu'il faut lire les destructions que causent les armées occidentales maintenant dans le monde.
Notes :
[1] Graham Allison. Vers la guerre. La Chine et l'Amérique dans le piège de Thucydide ? Odile Jacob. 2019.
[2] Henry Laurens. La question de Palestine (5 tomes). Voir Israël - Palestine, la paix impossible - Henry Laurens https://www. youtube. com/watch?v=4XSBHjfcvkU
[3] Schlomo Sand. Comment le peuple juif fut inventé. Fayard. 2008.
[4] On ne veut pas reconnaitre que c'est la surproduction économique occidentale qui est à l'origine de la surproduction démographique africaine. On a fabriqué des consommateurs, mais pas des producteurs.
[5] « L'âge moderne est l'âge des juifs, explique-t-il. Et le XXe siècle est le siècle des juifs. La modernité signifie que chacun d'entre nous devient urbain, mobile, éduqué, professionnellement flexible. En d'autres termes, la modernité, c'est le fait que nous sommes devenus tous juifs. » Yuri Slezkine. Le siècle juif. La découverte. 2018.
[6] Léo Strauss. Pourquoi nous restons juifs. Alia. 2017.
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