Le monarque républicain a pris une décision seul, il se retrouve maintenant seul. En son pouvoir souverain et sans partage, le roi avait joué la France en un coup de poker, il l'a fracassée. Il voulait une majorité absolue, il a pulvérisé son parti. Il voulait la stabilité institutionnelle de son pouvoir, il se retrouve face à un risque de désordre encore pire qu'il ne l'était auparavant.
La France est passée à côté du désastre, le parti fasciste n'a pas la majorité absolue tant espérée par lui. Mais je souhaiterais me prononcer avec un recul et une parole extérieurs à la liesse des partisans et électeurs qui se sont mis en barrage pour contrer la peste noire de l'histoire. La porte a été fermée, au loup mais il n'a pas fui, il est encore plus fort et attend son heure. Pourquoi un tel pessimisme, ou une réserve ? Car la joie qui s'exprime n'est en fait qu'un soulagement que le RN n'ait pas obtenu la majorité absolue. Cette joie n'a pas encore laissé place à la raison qui va lui remettre le regard sur la réalité. Regardons les résultats avec un esprit distancié et analysons le comment et le pourquoi un homme seul a tenté une telle folie. Il s'agira beaucoup plus de lui, dans cet article, car c'est l'homme qui dirigera la France pour encore trois ans.
Le Rassemblement National a perdu ?
Je n'ai peut-être pas compris l'arithmétique. Il avait 89 sièges, il en a maintenant 143. Curieuse défaite. Le camp présidentiel comptait 245 sièges, il se retrouve avec 156 sièges. Le Président a porté un coup fatal à ce qu'il restait encore de viable dans le parti qui l'avait porté au pouvoir. Le RN n'attendait que cela, c'est déjà un obstacle qui n'est plus sur son chemin pour la suite.
Quant au grand gagnant de ces élections, Le Nouveau Front Populaire compte désormais 174 sièges. Le NFP, ce n'est pas celui dont les membres s'écharpent, depuis des mois, avec des noms d'oiseaux et qui se sont mis d'accord en quatre jours avec des tas de bisous? Pourtant les longs gourdins cachés derrière leur dos sont visibles à un kilomètre. Un siècle de bagarre dans la gauche, les fameuses « deux gauches irréconciliables », et quatre jours pour une réconciliation, ce n'est pas un mariage précipité ?
Le dernier mariage que la gauche avait célébré datait du début du règne de Mitterrand en 1981. Il avait fini très rapidement par un divorce violent.
Le Président Macron a joué la France par un coup de poker, elle n'a pas été ruinée, a évité la catastrophe mais hypothéqué ses chances dans un avenir incertain.
Un décompte en sièges plus catastrophique que ce qu'il était avant la dissolution, il me faut beaucoup d'imagination pour qualifier le résultat de victoire.
Une déraison incompréhensible
Il n'avait prévenu personne si ce n'est informer la Présidente de l'Assemblée Nationale et le Président du Sénat comme l'impose la constitution. Ils n'avaient aucun pouvoir de bloquer sa décision. De plus il ne les avait avertis que très tardivement, à la vieille de sa décision. Puis la colère de la classe politique comme celle de la population s'était manifestée dès l'annonce d'une dissolution incomprise et dangereuse. Aucun espoir qu'elle ne cesse désormais, juste après la fête.
Emmanuel Macron avait pris acte des résultats catastrophiques des élections européennes. Il avait alors pensé que la nouvelle force du Rassemblement National allait décupler sa capacité de blocage. Mais comment cela se peut-il puisque l'élection européenne n'avait absolument aucun effet sur le nombre de sièges dans l'Assemblée nationale ?
Jupiter redescend de l'Olympe
L'image du dieu mythologique et son règne absolu est assez classique et nous pouvons la reprendre à bon compte. C'est d'ailleurs le Président Emmanuel Macron lui-même qui souhaitait être un « Président jupitérien » dans un entretien en 2016, accordé au magazine Challenges' au moment de sa conquête du pouvoir.
Ses deux prédécesseurs avaient eux aussi été poursuivis par une qualification qui collera à leur image. Nicolas Sarkozy avait été « l'hyper président », celui qui avait théorisé qu'il fallait « créer chaque jour un événement pour que chaque jour nécessite une intervention de la parole présidentielle ». Il était partout, se mêlant de tout et ne laissant aucun espace d'intervention à son gouvernement. C'est pourtant exactement ce que fera Emmanuel Macron.
Quant à François Hollande, il s'est qualifié lui-même de Président « normal » pour se démarquer de l'exubérance de son prédécesseur. Emmanuel Macron, son ministre de l'Economie, avait vécu une normalité du Président qui avait provoqué la fronde de ses partisans et le harcèlement des journalistes qui ont fini par l'étouffer (en amplifiant le rejet populaire à son égard) jusqu'à son abandon d'une nouvelle candidature. C'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron avait estimé qu'il fallait éviter les deux écueils et redonner à la fonction la dignité de son rang. Il voulait restaurer l'horizontalité jupitérienne du pouvoir et prendre de la hauteur par rapport aux médias avec lesquels il souhaitait avoir « une saine distance ».
Il voulait se démarquer des deux autres Présidents mais il a créé une déclinaison commune en devenant un « hyper président anormal et rejeté ». Tout cela est démoli, Jupiter redescend de son Olympe.
Le syndrome du premier de la classe
La montée fulgurante d'un homme jeune et sa stupéfiante réussite, en si peu de temps, pour devenir Président de la République avait été jugée comme exceptionnelle. L'homme avait été salué dans son exploit et une route lui était désormais tracée.
Selon ses propres mots, il voulait « gouverner autrement », sortir du tunnel de la « vieille politique » et mettre fin aux blocages des partis politiques qu'il avait connus avec François Hollande face à la crise des « frondeurs » de son propre camp. Il voulait intégrer la France dans le mouvement mondial de la « Start-up nation », redonner à la France sa capacité à s'ouvrir au monde, à créer les conditions de sa modernité et sortir du traditionnel combat historique et stérile entre la gauche et la droite. Il voulait des « premiers de cordée », c'est-à-dire placer au sommet de la pyramide ceux qui ont la capacité de créer, d'innover et d'entraîner un « ruissellement vers le bas », c'est-à-dire au profit des autres. Il avait cru que c'était l'excellence qui gouvernait le monde. Il avait oublié que si cette dernière était indispensable par le dynamisme d'une jeunesse diplômée et la compétence de hauts cadres, il fallait un projet politique qui crée les conditions d'adhésion et d'entrainement d'une société. Il avait cru qu'un pays se gouvernait comme une entreprise.
Ni à droite ni à gauche, nulle part
Pour arriver à cet objectif ambitieux, Emmanuel Macron voulait écarter les corps intermédiaires et créer un centre puissant. Dans toutes ses déclarations, une expression qui va lui coller à la peau « en même temps ». Chaque décision se voulait être ni-ni, ni les vieilles lunes de droite ni celles de gauche. Il avait cru alors avoir trouvé ce territoire central si recherché et jamais réellement découvert, celui qui unit une société. Un fantasme de la politique française qui avait fait dire à François Mitterrand aux journalistes : « le centre est au fond du couloir, à droite ». Puis une autre fois, « curieux que ce centre qui vote à droite ».
Son projet de créer ce centre mythique fut alors d'affaiblir les deux partis de gouvernement qui alternaient au pouvoir depuis 1981, avec l'arrivée de François Mitterrand et de les attirer vers lui. Il avait réussi à débaucher un certain nombre de leurs cadres, séduits par ce jeune homme aux visions d'avenir. En fait, ils souhaitaient surtout quitter deux partis en déclin et prendre leur chance avec un nouveau souffle promis. Ainsi il a détruit les traditionnels partis républicains et de gouvernement. À gauche, le Parti Socialiste et à droite, Les Républicains, qui sont devenus des coquilles presque vides. Il devrait s'en mordre les doigts car ils auraient été ses chances actuelles d'une éventuelle coalition en sa faveur.
À s'acharner à détruire l'existant politique, il n'a créé ni le « ni-ni », ni le « gouverner autrement », ni construire un centre solide. Finalement, il est arrivé nulle part.
Le pouvoir et la solitude du Prince
Goethe affirmait que «la solitude est enfant du pouvoir » et Machiavel que « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument» (Le Prince, 1513).
Bien entendu, pour Emmanuel Macron on doit écarter la corruption dans le sens de l'appropriation matérielle illégale mais retenir celle de l'esprit. Pour sa défense, on peut également dire que la lourde responsabilité et les décisions quotidiennes importantes pour gérer les affaires de l'Etat nous rapprochent d'une seconde affirmation de Goethe « toute production importante est l'enfant de la solitude ». On doit aussi écarter l'image du pouvoir isolé dans le Palais de l'Elysée. « La république est dans ses meubles » disait Mitterrand lorsqu'il avait reçu des chefs d'Etat, à Versailles. Tous les édifices prestigieux ont été la propriété de la noblesse de sang et d'argent, construits par le fruit du labeur et du talent du peuple. Installer les hommes du pouvoir républicain et leurs administrations dans ces palais est la marque de la magnificence de l'Etat, donc celle du peuple. Cependant, en sens contraire, on peut reprocher à tous les Présidents de la cinquième république d'avoir été envoutés par la puissance qui les isole davantage. Tous les intimes et compagnons qui ont permis au Prince d'accéder au pouvoir ont vécu avec le temps son éloignement progressif et un enfermement dans sa certitude d'être la source de développement et de la protection du pays.
Et maintenant, que peut la solitude ?
Une remarque préalable, cet article est rédigé avant qu'une décision soit prise par Emmanuel Macron. Qu'importe, d'une part il est peu probable que la décision soit prise demain et par ailleurs, cela permet d'analyser toutes les options possibles dans une telle situation. Une seconde dissolution ? La constitution ne le lui permet pas avant un an. La démission ? Emmanuel Macron a déclaré qu'il ne l'envisage pas. Et puis, ce serait donner les clés de la Présidence de la république à Marine le Pen, en considération du mode de scrutin.
Un gouvernement de techniciens ? Il le pourrait, comme ce fut le cas très souvent en Italie, mais ce n'est pas la culture politique française. Certains prétendent que la seule exception fut le Premier ministre Raymond Barre mais ils ont oublié que celui-ci avait des ancrages politiques et une expérience d'élu, maire de longue date de la ville de Lyon, troisième métropole de France. Si l'image du technicien lui était attribuée c'est parce qu'il fut un grand professeur d'économie (le plus grand disait-on à cette époque).
La recherche d'une coalition majoritaire qui lui serait favorable ? À constater l'effort immense pour la gauche de construire le Nouveau Front Populaire alors que les positions politiques de chacune des composantes sont aussi éloignées que les étoiles entre elles. La coalition ne tiendrait pas plus longtemps que les promesses du menteur. J'ai bien peur que la gauche ne s'enthousiasme trop tôt et s'éloigne du chemin de l'unité. Elle est loin d'être atteinte malgré cette soirée de victoire.
La nomination du leader du parti majoritaire ? L'usage le voudrait mais il n'est pas obligé. Il aurait donc le choix entre Bardella et Mélenchon ? Pour une victoire, j'en ai connu des plus stables et durables.
Nommer un Premier ministre en dehors des partis majoritaires ? Dès la première motion de censure, il serait balayé comme une feuille au vent d'automne. Utiliser tous les autres pouvoirs que lui confère la constitution ? Ils sont puissants mais le Président serait alors obligé de refuser tous les textes gouvernementaux ou du Rassemblement National.
Le blocage permanent est-il dans le rôle de la fonction et de l'intérêt de la France pendant une année, avant la prochaine dissolution ? En conclusion, donner les clés à un jeune premier de la classe qui n'avait aucun parcours politique (dans le sens du militantisme), aucun parti politique enraciné dans les territoires et aucun projet autre que celui du rêve chimérique de détruire l'existant, c'était assurément donner un gros jouet à un enfant gâté. Il l'a fracassé.
En salles, le 8 novembre, « Yallah Gaza » (En avant Gaza !), de Roland Nurier, témoigne de l’enfer de vivre sous blocus et de la détermination des Palestiniens à lutter pour leurs droits. Réalisé juste avant la guerre dévastatrice que mène Israël contre le Hamas et la population civile, il devient un précieux document d’alerte et de mobilisation.
Lorsqu’après son éclatant documentaire Le char et l’olivier, une autre histoire de la Palestine (2019), Roland Nurier veut rendre compte de la vie sous blocus à Gaza, il n’imagine pas que Yallah Gaza sortira durant la guerre la plus meurtrière qu’ait connu le territoire palestinien. « Renvoyer Gaza à l’âge de pierre » est pourtant une obsession israélienne. Dès que colons et militaires s’en retirent, sous la conduite du premier ministre Ariel Sharon, en 2005, ils ouvrent la voie à la victoire électorale du Hamas, en 2006, à laquelle les gouvernements israéliens successifs vont répondre sans relâche par des sièges — terrestres, maritimes et aériens — effroyables. Aux encerclements viennent s’ajouter les guerres : 2008-2009, 2012, 2014, 2021, 2022… une autre manière de continuer l’occupation de Gaza en l’encerclant et en l’asphyxiant.
Malgré quelques déprogrammations dans le contexte inflammable ayant suivi l’attaque du Hamas en Israël du 7 octobre, Yallah Gaza sort en salle le 8 novembre. Le documentaire (1h41) s’ouvre par une contextualisation historique qui se révèle absolument nécessaire tant les Palestiniens de Gaza n’ont pas de nom, pas de visage, pas d’histoire pour le grand public. Avant de devenir « une prison à ciel ouvert » et aujourd’hui un pays-cimetière, cette bande de terre de 40 km sur 12 km où vivent quelque 2,2 millions de personnes « entassées entre le sable du désert et l’eau de la Méditerranée » fut « un carrefour de peuples et de culture ». La ville de Gaza (qui a donné́ son nom à l’ensemble du territoire) a été fondée vers 1500 av. J.C. La Bible y fait de nombreuses références, notamment dans la célèbre histoire de passion et de trahison de Samson et Dalila. Cet ancrage dans la terre et l’histoire, le rappel des événements géopolitiques majeurs qui ont bouleversé le Proche-Orient avec la création de l’État d’Israël en 1948 et l’occupation de la bande de Gaza en 1967 éclairent la spécificité de la résistance palestinienne dans cette enclave.
Le film aborde également les questions de droit international, à travers notamment la figure d’Amina, qui fut la première Gazaouie à déposer plainte pour « crime de guerre » auprès de la Cour pénale internationale (CPI) après l’assassinat de son père, de son frère et de sa sœur lors des bombardements israéliens de 2014 (une plainte qui n’a toujours pas été traitée…). Quelques images des pique-niques israéliens à la frontière de Gaza lors de ces bombardements ou lors des « marches du retour » montrent le point culminant de l’assentiment des Israéliens à cette répression à grande échelle. Populaires et non violentes, ces marches, initiées en mars 2018, ont fait près de 30 000 blessés. L’armée israélienne y a répondu par des tirs à balles réelles et explosives qui mutilent à vie leurs cibles de manière délibérée (1).
Les problématiques humanitaires spécifiques qui s’appliquent à l’enclave palestinienne, via les institutions de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNWRA), sont aussi interrogées car elles transforment insidieusement la lutte pour les droits politiques d’un État souverain en lutte pour l’obtention d’aides humanitaires. Des secours qui ne pourront jamais combler les besoins élémentaires de la population. Avant le début de la guerre du 7 octobre, 50 % des Gazaouis étaient au chômage tandis que 80 % d’entre eux vivaient sous le seuil de pauvreté, dépendants des aides internationales. Par ailleurs, les travailleurs de Gaza restent un réservoir de main d’œuvre sous-payée pour les Israéliens qui en orchestrent les entrées et sorties du territoire. Gaza manque de tout. De nourriture, de médicaments et d’eau. Du fait de la pollution, 95 % de l’eau de Gaza n’est pas potable et 97 % de l’eau de mer est impropre à la baignade.
Comme la plupart des réalisateurs, Roland Nurier n’a pas obtenu l’autorisation de rentrer à Gaza. Il a donc réalisé son film en collaboration avec le chef opérateur gazaoui francophone Iyad Alasttal (documentariste et créateur de la série Gaza stories). Les images et les témoignages nous proviennent aussi bien de l’intérieur de Gaza que de la présence de Palestiniens en exil, de journalistes, chercheurs, militants, juifs antisionistes, Israéliens engagés contre la colonisation. Roland Nurier assume, avec ses interlocuteurs, d’en finir avec la fausse symétrie du conflit et revendique la légitimité de la résistance palestinienne sous toutes ses formes. Cela donne à l’écran, la mise en exergue d’un large échantillon de femmes et d’hommes de tous horizons, qui ont chacun une parole claire et puissante, que l’on ne peut malheureusement pas tous citer : Abeer Hamad, artiste franco-palestinienne, Jean-Pierre Filiu, historien, Sylvain Cypel, journaliste, Gassan Wishah, historien de Gaza, Eleonore Bronstein, co-fondatrice de l’association De-Colonizer, Ronnie Barkan, dissident israélien antisioniste, Yonatan Shapira, ancien pilote de l’armée de l’air israélienne, Bassem Naim, membre du Hamas, Gilles Devers, avocat mandaté par la Palestine auprès de la CPI, Ahmed Abu Rutaima, initiateur des « marches du retour », Maryam Abu Daqqa, responsable pour Gaza du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), actuellement en France pour une tournée de conférences et dont le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a demandé l’expulsion…
Des témoignages et des analyses qui permettent de saisir la complexité des enjeux et de déjouer les tentatives de l’État israélien de faire de Gaza une zone « de non droit international » et qui disent d’une seule voix : « Les droits ne sont pas donnés. Ils s’acquièrent par la lutte ».
On est frappé par la rage de vivre des Palestiniens de Gaza qui font société au milieu des décombres. De jeunes danseurs et danseuses de Dabké s’exercent et communiquent la puissance ce cette danse traditionnelle qui se transmet comme la langue, cheveux au vent, au milieu des ruines. Aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de se demander si les protagonistes de Yallah Gaza sont toujours vivants.
Manifs dans les couloirs, invectives sur les réseaux sociaux, malaise chez les étudiants : depuis le 7 octobre, la guerre entre Israël et le Hamas fracture l’institut de la rue Saint-Guillaume.
Une chaîne humaine silencieuse du groupe Students for Justice in Palestine le 27 octobre, dans le cloître de Sciences-Po Paris. (CAPTURE D’ÉCRAN DU COMPTE INSTAGRAM
C’est une manif comme Sciences-Po Paris n’en avait jamais vu : plusieurs dizaines d’étudiants, les bouches barrées de Scotch noir et affiches à la main, défilant dans le cloître le 27 octobre pour réclamer la fin des « massacres à Gaza ». Sur la boucle WhatsApp créée par le groupe à l’origine de cette action, Students for Justice in Palestine, les mots d’ordre se déclinent plus crûment encore. Les attaques du Hamas sont qualifiées de « résistance justifiée », en aucun cas de terroristes. Certains messages comportent même des relents antisémites. A une élève qui s’indignait qu’une vie juive semble valoir si peu aux yeux de certains, un camarade a rétorqué : « Demande à Rothschild ! »
Tout se passe comme si une frontière invisible s’était dressée depuis le 7 octobre rue Saint-Guillaume. D’un côté, des étudiants juifs qui se sentent ostracisés et niés dans leur peine. Et de l’autre, des élèves pro-palestiniens qui pointent la responsabilité de l’Etat hébreu, voire de tous les juifs, dans l’escalade guerrière. Sciences-Po accueille 76 ressortissants des deux pays ennemis, tentés de rejouer le conflit. Dans cette fabrique de l’élite française où l’on se plaît à débattre, la logique de camp semble désormais prévaloir. Ici comme dans d’autres universités, ils s’affrontent sur Instagram, WhatsApp, à coups d’affiches – « Palestine vivra » ou « Bring Them Home Now » – et de rassemblements en mémoire des victimes.
« C’est hypertendu, explosif, inflammable », constate Samuel Lejoyeux, président de l’Union des Etudiants juifs de France (UEJF). La direction a même signalé au procureur de la République deux étudiants dont les messages sur les réseaux sociaux peuvent s’apparenter à de l’apologie du terrorisme et de la discrimination.
Un stress attisé par des commentaires de camarades
Le climat s’est dégradé juste après les attaques. Le 10 octobre, sur le campus de Paris, des étudiants de l’UEJF – « les sionistes » comme les surnomment leurs contempteurs – ont collé sur les murs de l’institut des photos d’Omri Ram, un jeune Israélien passé ici en 2022 dans le cadre d’un échange universitaire et tué par le Hamas lors du festival techno de Réïm. Au même moment, dans les couloirs, des militants pro-Palestine ont tracté pour appeler à participer à une manifestation interdite en solidarité avec Gaza. Rachel (le prénom a été modifié), étudiante de 20 ans, témoin de la scène, se souvient :
« Ils ont failli en venir aux mains. On se sent très seuls, toujours obligés de justifier les actes d’Israël, comme si cet Etat n’avait pas le droit d’exister. Beaucoup affirment que ce qui s’est passé là-bas n’est pas vrai. »
Politiquement plutôt à gauche, les élèves de Sciences-Po pencheraient davantage du côté de ceux qui souffrent, soit, à leurs yeux, les Gazaouis. « Si tu condamnes le Hamas, tu es sioniste, donc raciste et islamophobe », résume Maxime, responsable du Printemps républicain à Sciences-Po Paris. Les « vous êtes des colonisateurs » et autres « le Hamas, c’est la libération » balancés dans les couloirs ont eu raison de la santé mentale de Rachel. Arrêtée, elle est sous anxiolytiques.
Robert Hirsch : « La gauche de la gauche a minoré l’antisémitisme »
Il n’y a pas que le campus de Paris qui s’embrase. C’est le cas aussi à Menton, une annexe spécialisée sur le Proche-Orient, où la majorité des étudiants viennent de l’étranger : Egypte, Maghreb, Etats-Unis. Ici, la guerre s’importe dans les amphis et les téléphones. Le 7 octobre, alors que le Hamas abat des centaines de jeunes fêtards, un étudiant envoie un message sur le groupe WhatsApp de sa promotion : il honore la mémoire de ces vies fauchées. En réponse, des émojis drapeau palestinien et poing levé fusent. Un post évoque « la guerre décoloniale » qui serait à l’œuvre.
Selon les étudiants de confession juive, l’air devient presque irrespirable. « Pour les pro-Palestiniens, embrasser la cause de Gaza est un moyen de renouer avec une identité arabe. A leurs yeux, le sionisme incarne une injustice à combattre, analyse Louise (le prénom a été modifié), venue de la région parisienne pour étudier à Menton.Ici, les juifs ne sont pas les bienvenus : le climat est antisémite et le dialogue impossible. »
Depuis un mois, elle ne dort plus. « Je ne participe plus à rien, je me tais. » Cette jeune fille, 18 ans, a même cessé d’aller en cours. Trop de stress nourri par des proches disparus ou engagés dans l’armée israélienne, et attisé par des commentaires de camarades acquis à la cause palestinienne.
En France, le retour du péril antisémite
Dans le viseur des élèves juifs de Menton, un groupe créé par une dizaine d’étudiants, Palestine : Understanding The Struggle (UTS), et l’association Sciences Palestine. Le 8 octobre, cette dernière publie sur Instagram une série de posts censée expliquer « les violences en Palestine et en Israël ». L’une des diapositives évoque les « résistants palestiniens de Gaza ». Une autre, la « lutte entre l’oppresseur et l’opprimé, le colonisateur et le colonisé ». Depuis, le compte a été supprimé, mais certaines des publications ont été transférées sur un autre profil géré par UTS.
Souci d’apaisement
Ces posts n’ont pas échappé à l’extrême droite. Alexandra Masson, députée RN des Alpes-Maritimes, a écrit au directeur de Sciences-Po Méditerranée pour réclamer des sanctions et saisi le procureur de la République pour apologie du terrorisme. Dans la foulée, les réseaux sociaux attisés par l’identitaire Damien Rieu, ex-candidat Reconquête ! aux législatives à Nice, se sont échauffés. Des militants pro-palestiniens ont été menacés de mort. Soraya (le prénom a été modifié), membre de l’association et étudiante à Menton, confie :
« C’est de l’intimidation, on n’est pas un repère d’islamistes ! On recevait des appels à nous tuer, des messages de haine. On s’est sentis en danger. »
Pour sensibiliser au sort des Gazaouis, UTS a organisé mi-octobre une semaine de port du keffieh dans l’enceinte de l’école. Une action mal vécue… Ces étudiants se font désormais plus discrets à la demande de l’administration, par souci d’apaisement.
Harvard, Columbia, Stanford… Les grandes universités américaines prises dans la guerre entre Israël et le Hamas
Au premier étage de la rue Saint-Guillaume à Paris, la direction tente de jouer les juges de paix. Au lendemain de l’offensive du Hamas, Mathias Vicherat, directeur de Sciences-Po, a écrit à tous les étudiants pour condamner « les attaques terroristes », apporter « sa solidarité aux différentes communautés » et annoncer un moment de recueillement à la mémoire d’Omri Ram. En riposte, des élèves estimant le mail « déséquilibré » ont lancé une pétition pour réclamer à l’avenir un traitement moins partisan. Elle a récolté 729 signatures. Mathias Vicherat tempère :
« Il n’y a pas plus d’actes antisémites ni de tensions à Sciences-Po que dans d’autres universités. Nous avons un principe : pas d’importation du conflit. Et quand des lignes rouges sont franchies, nous sommes intraitables. »
Plusieurs propos litigieux sont en train d’être examinés par la cellule de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. En un mois, trois conférences ont été organisées pour donner des clés historiques. Une prochaine aura lieu, avec le Mémorial de la Shoah, sur l’antisémitisme. Et une psychologue parlant hébreu vient d’être recrutée pour entendre le mal-être des étudiants français ou étrangers qui n’osent plus parler.
Jocelyne Saab, 14 décembre 2005 à Dubaï, au Festival du film du Golfe
Rabih Moghrabi/AFP
Des ruines, encore et encore. Immeubles béants, murs troués, portes ouvertes sur le vide, façades écroulées, vitres brisées, blocs de béton, verre cassé, ferraille. Monticules de gravats d’où surgissent des objets épars singulièrement, miraculeusement rescapés — jouets d’enfants, meubles, matelas, papiers, bidons d’eau… C’est à Gaza en 2023, sous les bombes israéliennes. Du moins l’imagine-t-on ainsi, car nous devons reconvoquer dans nos mémoires les images perdues d’autres guerres, tant celles qui nous parviennent sont aujourd’hui le plus souvent fabriquées par des drones1. Les caméras survolent en plan-séquence, lentement, Gaza City détruite, dans un no man’s land de cendres grises ; elles filment froidement une sorte de fait accompli, comme une catastrophe naturelle, ou pire : comme un jeu de guerre en ligne — victoire d’un joueur, défaite de l’autre ou de l’intelligence artificielle. Et après ? What’s going on ?, pour reprendre le titre de l’une des rares fictions de Jocelyne Saab (sortie en 2010).
Les ruines, ce fut aussi, ces vingt dernières années, Homs et Alep, Fallujah et Mossoul. Mais à Beyrouth en 1976, il n’y avait pas de drones et sous la caméra de Jocelyne Saab, les images se libéraient du simple constat amer de la désolation pour être inscrites dans l’histoire sous forme de signes, de traces témoignant d’un monde en voie de disparition, mais d’où la vie pouvait encore ressurgir, et l’espoir, pour peu qu’on les relie entre elles en reconstruisant un ordre, une architecture, une logique, un sens disparus. La magie de Jocelyne Saab, c’est d’avoir su marier la violence des images à leur allégorie même, celle du cycle permanent de la mort et de la vie, et ce faisant, de les avoir placées au plus haut, dans ce qu’elles ont à nous transmettre.
Ainsi la cinéaste franco-libanaise née à Beyrouth en 1948 a-t-elle, pendant plus de quarante ans, « traversé les ruines et les révoltes, caméra au poing ». Et filmé « avec rigueur et obstination, avec humanité surtout, les grandes déroutes du XXe siècle : au Liban et en Égypte principalement, mais aussi en Syrie, au Golan, en Iran, en Irak ou au Kurdistan… »2.
Elle nous a quitté·es en 2019, nous laissant plus de quarante films dont la plupart sont des documentaires, exception faite de quatre fictions.
LA SUBJECTIVITÉ SANS LA VIOLENCE
Après une courte carrière de pigiste à la radio et à la télévision libanaises, elle est engagée en 1973 à la télévision française qui l’envoie sur le terrain en Libye, dans le Golan syrien, en Irak, couvrir la guerre d’Octobre, la guerre du Kurdistan, la lutte des Palestiniens au Liban et en Syrie. Son reportage sur les femmes combattantes dans les rangs de la résistance palestinienne (Les Femmes palestiniennes) est rejeté par Antenne 2. Un mal pour un bien, puisqu’elle réalisera désormais tous ses films en indépendante.
Le 13 avril 1975, dans un quartier chrétien de Beyrouth, les occupants palestiniens d’un bus sont massacrés par les milices phalangistes. Elle décide de couvrir la guerre qui s’annonce et rentre au Liban, au début d’un conflit fratricide qui durera quinze ans. Sur le vif, Jocelyne Saab s’attache à proposer un contrepoint à ce que les médias dominants exposent :
Les gens en ont marre de la violence. J’avais montré la violence et cette guerre n’est que de la violence, mais je refuse de la montrer au premier niveau, tu la vois par une image détruite. J’ai refusé des images à sensation. J’ai pris le parti contraire 3.
Le parti contraire est d’abord celui de la subjectivité. Elle fait entrer son histoire personnelle dans l’histoire de Beyrouth, apparaît à l’écran, comme en ouverture de Beyrouth, ma ville (1982), le micro à la main devant les ruines de sa maison ancestrale détruite par les bombardements durant le siège de la ville par l’armée israélienne.
Le regard est empathique, « qui dénonce la souffrance infligée aux peuples, les injustices impardonnables des conflits intercommunautaires et la violence de l’armée israélienne contre les peuples arabes »4.
Cette subjectivité assumée la conduit dès 1976, avec Beyrouth, jamais plus à chercher un style beaucoup plus onirique et poétique. Ainsi choisit-elle Etel Adnan, peintre et poétesse elle aussi d’origine libanaise, pour en écrire le commentaire, image après image.
RÉALITÉ ET FICTION
Lorsqu’elle s’éloigne de Beyrouth, c’est pour couvrir les luttes d’autres peuples — les pauvres Égyptiens qui viennent de se soulever contre la hausse du prix du pain par Sadate en 1977 (Égypte, cité des morts, 1977), les Sahraouis du Front Polisario qui se battent pour l’indépendance de leur territoire (Le Sahara n’est pas à vendre, 1977) ou les Iraniens deux ans après leur révolution (Iran, l’utopie en marche, 1981).
Quand la forme « documentaire » ne peut plus que répéter ad nauseum la douleur et l’absurdité d’une terrible guerre fratricide, elle se tourne vers la fiction avec Une vie suspendue (1985)5, une histoire d’amour tournée au cœur de Beyrouth en guerre, comme une sorte de défi à la violence et à la mort.
Réalité et fiction, réalité et allégorie : avec elle, les images froides des guerres ont un devenir qui ne peut être pire que le présent. Elles finissent par faire renaître l’espoir, dans les traces de vie, l’émotion, les affects, la solidarité, la vie des rescapés au milieu des ruines. Et dans la mémoire.
MÉMOIRE DE LA FIN D’UN MONDE
Après la guerre, il lui semble urgent que l’on se souvienne de Beyrouth autrement que par cet amas de ruines. Elle rassemble sous le projet « 1001 images » plus de quatre cents films réalisés sur Beyrouth par des cinéastes libanais ou étrangers, et en fait restaurer trente. Elle réalise elle-même Il était une fois Beyrouth, histoire d’une star (1994) en combinant des images d’une trentaine de ces films, ressuscitant le Beyrouth vivant « d’avant ».
Elle s’est par la suite tournée vers l’art vidéo et la photographie, s’est engagée dans la création d’un festival de cinéma au Liban (Cultural Resistance International Film Festival of Lebanon, 2013–2015) et la réalisation d’un livre de photographies, Zones de guerre (éditions de l’œil, 2018), pour dire autrement ce qui lui semblait devoir être transmis.
« Elle a vu la fin d’un monde, la fin de l’idéologie arabe. Elle est de la génération de ceux qui ont cru et qui ne peuvent pas accepter qu’on ne peut plus croire à rien. Il s’agit maintenant de regarder les images de plus près », raconte Mathilde Rouxel, curatrice de la rétrospective dédiée par le Macam (Modern and Contemporary Art Museum) au travail de Jocelyne Saab, à Byblos, et programmatrice de l’édition 2023 du Festival du film franco-arabe de Noisy-Le-Sec.
De celle qui est devenue un modèle pour des générations de jeunes cinéastes et artistes libanais·es, son amie de toujours Etel Adnan disait :
Sa liberté de penser, et d’agir lui a coûté très cher. Par moments ce fut une question de vie et de mort. Peu de gens, hommes ou femmes, ont autant souffert pour demeurer dignes d’eux-mêmes, pour survivre d’une façon qui ait un sens, dans un monde si hostile ou si indifférent que celui qui est le nôtre6.
Pour rendre compte de la destruction de Gaza et de la souffrance de ses habitants à laquelle nous assistons impuissant·es et la mort dans l’âme, Jocelyne Saab nous manque. Définitivement.
L’objectivité journalistique des médias français a fortement été mise à mal depuis le début de la guerre contre Gaza après les attaques du Hamas contre Israël samedi 7 octobre.
Les musulmans de France sont particulièrement ciblés par les défenseurs d’Israël parmi les médias et la classe politique.
De la lutte contre l’islam radical, puis de l’islamisme, la guerre contre Gaza a fait franchir à certains un autre pas. Désormais, ils parlent carrément de musulmans et non d’islamistes. Un glissement dangereux de la part de la nouvelle alliance entre les pro-israéliens et l’extrême droite.
La France officielle a très vite donné la couleur de son engagement. Emmanuel Macron et son gouvernement offrent un soutien inconditionnel à Israël, peu importe les conséquences sur les civils palestiniens dont le nombre de morts ne cesse d’augmenter.
La majorité des médias français a pris le parti de soutenir cette version en adoptant un traitement médiatique à deux vitesses de ce conflit. L’accent est davantage mis sur les victimes israéliennes présentées comme visées et traquées.
Alors que les blessés et les morts palestiniens résultent de dommages collatéraux ou d’erreurs de frappe. Même dans la mort, ces médias et les influenceurs israéliens qui peuplent leurs plateaux font la différence. Pour eux, les victimes israéliennes sont toujours au-dessus des autres.
À l’inverse, les médias qui accordent une place aux victimes palestiniennes dans leur ligne éditoriale sont vite pointés du doigts par les figures politiques. Par exemple, la Une du journal Ouest France consacrée aux victimes à Gaza a été condamnée par le secrétaire général du parti présidentiel Renaissance. Seulement parce qu’elle abordait un autre angle de vue.
L’Association des journalistes antiracistes et racisé·e·s (AJAR) dénonce d’ailleurs ce double traitement. L’AJAR reconnaît que les médias français ont su faire "à juste titre, des portraits humanisants des victimes israéliennes et étrangères".
Alors « les Palestinien·nes, de leur côté, ne bénéficient pas d’un tel traitement médiatique et sont souvent réduit·es à des additions désincarnées : 1000, 6000, 7000, 10 000 morts ».
L’association a d’ailleurs conçu un zapping de l’approche que les médias français ont adopté depuis le 7 octobre. Cette succession d’interventions médiatiques donne le ton général :
Pourquoi les médias français assument-ils si franchement cette différence de traitement ?
Un mélange de soutien à Israël et de lutte contre le cauchemar musulman de la France
Raconter ce conflit de manière égale est très compliqué pour les médias français. La France est l’un des pays qui compte l’une des plus grandes communautés juive et musulmane en Europe. Le pays, dans son histoire, a majoritairement pris position en faveur de la création d’un État d’Israël. L’escalade de violence au Proche-Orient la touche dans son histoire.
Mais ce conflit lointain réveille surtout les querelles internes que vit le pays. Puisqu’au-delà de son lien à Israël, une partie de la France persiste à voir le monde à travers une métaphore de "croisade".
Sa lutte contre l’islamisme mène le pays à lier chaque fait de ce conflit à sa propre politique. Or, cette politique est de plus en plus islamophobe.
La marche contre l’antisémitisme qui a eu lieu le 12 novembre a marqué un nouveau tournant. Au lendemain de cet événement, des médias français dont certains sont très proches de l’extrême droite ont surtout focalisé sur l’absence supposée de manifestants musulmans. Comme s’il s’agissait d’un événement censé les blanchir d’une accusation imaginaire.
Comme on peut le voir dans ce zapping média publié par le média Quotidien :
Comme à chaque attaque terroriste, les musulmans de France sont pris pour cible dans un débat qui ne les concernent pas. Il fallait être "Charlie", il fallait s’excuser de chaque attentat, comme si chaque Français pratiquant l’islam était complice d’actes radicaux et terroristes.
La normalisation de ce discours anti-musulmans en France est si présente que même le recteur de la Lecteur vidéo :Grande Mosquée de Paris a pris le parti de dénoncer l’attitude des médias.
Mais cet acharnement médiatique, politique et le fait de citer constamment les musulmans comme des personnes en faute qui refusent de se mobiliser pourra générer des situations dramatiques dans le futur.
La députée La France Insoumise, Nathalie Oziol, l’a souligné lors d’une intervention à l’Assemblée nationale :
Cette manifestation qui était censée être apolitique et sous le signe de la tolérance et de la paix est devenue le procès des musulmans. Un procès largement médiatisé qui laisse penser que l’islam est le cœur du problème et que les musulmans sont la source de l’antisémitisme en France. Quitte à frôler la diffamation et un racisme franchement assumé sur les Lecteur vidéo :plateaux de télévision.
Une critique des musulmans de France légitimée et renforcée
"Tu vas à la boulangerie pour t’acheter du pain et on te demande si tu es contre le Hamas, pour Gaza ou Israël. C’est pesant« , explique Asma, 37 ans, une Française d’origine maghrébine. »L’air est irrespirable, on doit forcément donner son avis, même si on n’en a pas", raconte Farid, 56 ans, un Franco-Maghrébin.
Ce traitement médiatique n’est pas sans conséquence. Il implique coûte que coûte les Français dans ce conflit qui a pris une dimension militante.
Comme ces deux témoins, de nombreux Français musulmans ou d’origine arabe se sentent à nouveau surveillés. On attend d’eux une forme de désolidarisation du Hamas, par extension de tous les Palestiniens et donc un soutien affirmé d’Israël. Sous peine parfois d’être accusé de frôler l’antisémitisme s’ils se risquent, à l’inverse, à évoquer leur solidarité pour les victimes palestiniennes.
Karim Benzema en a déjà fait les frais dès le début du conflit en raison d’un simple tweet solidaire avec les victimes de Gaza. Plusieurs personnalités politiques ont appelé à le destituer de sa nationalité française, à lui retirer son ballon d’or ou encore l’ont accusé à faire partie des Frères musulmans.
Cette exigence de solidarité envers Israël ne demande pas seulement aux musulmans de France de s’excuser – ce qui est déjà hors propos – mais surtout d’arrêter d’exister.
Il n’y a pas de place pour la nuance. Les discours dénonçant les discriminations à l’égard des musulmans de France dans les médias sont tout simplement inexistants.
Ceux qui parviennent à prendre la parole sont tout de suite moqués ou mis de côté. Très peu de journalistes, chroniqueurs ou personnalités sont autorisés à nuancer le traitement médiatique du conflit israélo-palestinien ou de manière plus générale de la communauté musulmane.
Lorsqu’ils le font, c’est une bataille. On a pu le voir pour Karim Zeribi dans la vidéo au-dessus qui tente d’expliquer l’attitude raciste de son interlocuteur sur le plateau de Laurence Ferrari. Ou encore Lecteur vidéo :Gilles Verdez, qui doit rappeler les larmes aux yeux que les musulmans sont à bout et ne demandent qu’à vivre sereinement au sein de la société française.
La presse française est en proie à un musellement de plus en plus forcé. Le conflit israélo-palestinien n’est que la partie émergée de l’iceberg. Depuis le début du second mandat d’Emmanuel Macron, plusieurs médias dénoncent l’impossibilité de faire leur travail de manière impartiale sous peine de mesures judiciaires, de pertes financières ou de pressions variées.
Le 30 novembre, 80 médias et organisations de journalistes se réuniront pour "libérer l’information des pouvoirs politiques, des médias de la haine et des milliardaires".
Karim Zéribi : « Non, le conflit
israélo-palestinien n’est pas religieux
entre le judaïsme et l’islam ! »
Karim Zéribi, consultant dans les médias et ancien député européen, revient dans cet entretien sur la position de la France sur la guerre en Palestine, explique que le conflit israélo-palestinien n’est pas religieux, répond à ceux qui veulent une confrontation entre les juifs et les musulmans…
TSA. Est-ce que ce qui se passe en Palestine est une guerre des religions comme le soutiennent Israël et ses partisans notamment en France ?
Karim Zéribi. Non, ce conflit n’est pas un conflit religieux mais bel et bien un conflit politique et plus précisément un conflit territorial.
La question israélo-palestinienne doit être analysée avec un spectre géopolitique plus large car le Proche-Orient est un sujet d’instrumentalisation politique incluant des puissances extérieures au conflit.
Ainsi, les États-Unis, l’Arabie saoudite, l’Iran et la Russie utilisent ce conflit depuis des décennies pour positionner leurs intérêts et mettre en place des rapports de force qui dépassent le seul destin des peuples palestinien et israélien.
Pour répondre précisément à votre question, je dirai que l’extrême-droite israélienne et française ont intérêt à transformer ce conflit en guerre de civilisations, reprenant ainsi la théorie de l’auteur américain Samuel P. Huntington qui a développé cette thèse dans son ouvrage intitulé « Le choc des civilisations » (The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order) publié en 1996.
La volonté des extrémistes consiste à faire croire qu’il s’agit d’une guerre entre la civilisation occidentale judéo-chrétienne représentant le camp du bien contre la civilisation islamique représentée par les pays arabo-musulmans, qu’ils veulent réduire au terrorisme, et qui incarnerait ainsi le camp du mal.
Cette approche est grotesque, caricaturale et dangereuse car elle est synonyme de guerre à l’échelle mondiale.
TSA. Pourquoi ?
Karim Zéribi : Il est aisé de démontrer que cette théorie est fallacieuse et infondée car de très nombreux pays dans le monde, qui n’ont rien à voir avec l’Islam, se mobilisent et sont scandalisés par l’offensive militaire disproportionnée de l’armée israélienne qui massacre des civils palestiniens par milliers à Gaza où la moitié des victimes sont des femmes et des enfants selon MSF (Médecins sans frontières) et d’autres ONG qui ne sont pas dans la propagande.
L’attaque odieuse du 7 octobre sur des civils israéliens ne permet pas tout. On ne combat pas la barbarie par le massacre, c’est le message de millions de voix dans le monde aujourd’hui avec des manifestations géantes à Londres, en Belgique, en Espagne mais également en Bolivie, Colombie, aux États-Unis, au Canada, en Turquie, en Afrique ou en Asie.
« Non ce n’est pas un conflit religieux, c’est un conflit politique, territorial »
Les opinions publiques s’insurgent et s’indignent à l’échelle planétaire car ils constatent un bafouement total du droit international corrélé d’une politique meurtrière envers des civils, femmes et enfants pour la plupart, à laquelle il faut ajouter le projet de déplacement de centaines de milliers de Palestiniens vers des camps en Égypte où en Jordanie.
Cette stratégie est qualifiée par des responsables onusiens d’épuration ethnique de gaza. Non, ce n’est pas un conflit religieux, c’est un conflit politique, territorial, qui mobilise de par le monde des millions de femmes et d’hommes de toutes nationalités, de toutes origines et de toutes les croyances. Ce conflit est à visée universelle car il porte d’abord et avant tout sur l’idée que l’on se fait de l’humanité envers un peuple opprimé.
TSA. Il n’y a pas que les pays musulmans qui dénoncent les bombardements israéliens contre Gaza. De nombreuses voix dans le monde, en Europe, en Amérique et en Asie ont condamné l’agression israélienne. Comment l’expliquez-vous?
Karim Zéribi. Le monde entier est horrifié par ce massacre à l’encontre des populations civiles perpétré par un État qui tue des innocents par milliers au prétexte de mener une guerre au terrorisme.
Tous les êtres humains qui aspirent à la justice, au respect du droit international, aux droits humains les plus élémentaires sont bouleversés par le sort réservé aux Palestiniens, et ce, sans distinction d’origine, de nationalité, de couleur de peau ou de religion.
Partout dans le monde des voix s’élèvent pour dire stop ! Combattre un mouvement terroriste n’autorise pas à éradiquer un peuple qui subit l’oppression, la colonisation de ses terres, l’expropriation de ses foyers, un blocus depuis 15 ans faisant de gaza une prison à ciel ouvert…
Où va le monde si l’on accepte de faire payer les actes ignobles du Hamas sur des civils israéliens à tout un peuple Palestinien victime et innocent ?
Les parlementaires irlandais disent non, les ministres espagnols disent non, les syndicats belges disent non, les dirigeants politiques d’Amérique du Sud disent non!
Aucune de ces voix n’est musulmane donc cessons d’instrumentaliser ce conflit en guerre de religions ! Plus de 120 pays de toutes obédiences religieuses ont appelé à un cessez-le-feu immédiat au sein de l’assemblée de l’ONU. Ce conflit dépasse largement la communauté musulmane à l’échelle de la planète.
« Cessons d’instrumentaliser ce conflit
en guerre de religions ! »
J’ajoute qu’une tribune vient d’être co-signée par 85 personnalités de confessions juives en France pour dire leur indignation à la riposte totalement disproportionnée de l’armée israélienne.
Non il faut le dire et le répéter : ce conflit n’est pas un conflit religieux entre le judaïsme et l’islam, il n’incarne aucunement la guerre de civilisations que certains appellent de leurs vœux.
Il s’agit surtout et avant tout de notre conception de l’humanité basée sur la justice, sur la protection des populations civiles innocentes et sur le droit à l’autodétermination des peuples contre l’occupation.
Il faut revenir à l’application immédiate de la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la base des frontières de 1967 avec deux États vivant en sécurité.
C’est le meilleur moyen d’éradiquer le terrorisme qui prend racine dans la souffrance, la désespérance, l’humiliation de générations qui n’ont connu que l’oppression et l’occupation.
TSA. Pourquoi les pro-Israéliens et l’extrême droite veulent opposer les juifs aux musulmans ? Est-ce qu’il n’y a pas un risque sur la cohésion nationale en France, un pays qui compte de fortes communautés juive et musulmane ?
Karim Zéribi : Ce risque de fracturation de la société française existe et certains attisent la haine. C’est un piège à éviter si l’on veut garantir la cohésion nationale en France.
Ce conflit est déjà importé sur le sol français du point de vue des sensibilités des uns et des autres par-delà les communautés juives et musulmanes mais il doit rester sur le terrain de la confrontation politique, sur le terrain des idées, des arguments et ne jamais dériver vers la violence physique ou verbale.
Les premiers pyromanes sont ceux qui essentialisent leurs analyses en laissant entendre que l’antisémitisme proviendrait d’une présence trop importante en France de Français de confession musulmane.
C’est gravissime de porter une telle accusation car l’immense majorité des Français de confession musulmane vit paisiblement, sans poser aucun problème et en respect total des valeurs républicaines et des principes de laïcité en France.
D’ailleurs beaucoup de Français de confessions juive et musulmane vivent ensemble, commercent ensemble, se fréquentent, sont amis d’enfance.
Il y a certainement des minorités négatives porteuses de paroles ou de comportements condamnables mais ceux-là ne représentent aucunement les Français de confession musulmane qui en ont assez d’être montrés du doigt en permanence dans une société française qui cherche sans cesse des boucs émissaires à son incapacité à traiter des problématiques politiques de fond qui n’ont rien à voir avec les musulmans de France en réalité.
« Les tirailleurs musulmans ont aidé à libérer la France de l’occupation nazie »
Je rappelle au passage que durant la terrible période de la Seconde guerre mondiale 1939-1945, ce ne sont pas les musulmans qui ont collaboré avec les nazis.
Les tirailleurs musulmans ont aidé à libérer la France de l’occupation nazie, il est bon de rafraîchir la mémoire de certains. J’ajoute que durant cette période sombre de l’histoire, la Grande Mosquée de Paris, qui est de sensibilité algérienne, a caché des juifs durant les rafles honteuses autorisées et encadrées par les Pétainistes que monsieur Eric Zemmour veut honorer aujourd’hui donc cessons d’instrumentaliser les consciences.
Manifester pour la cause palestinienne, critiquer le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou ne font pas de vous un antisémite.
En revanche, s’il y a des actes contre les juifs de France, je le dis sans détour, il faut être ferme et faire tomber des sanctions lourdes car cela est inacceptable tout comme l’islamophobie envers les musulmans et le racisme anti-français qui peut découler de comportements indignes sur notre sol.
Je ne le répéterai jamais assez, toutes violences physiques ou verbales envers quiconque nuisent à la cause palestinienne et à la paix car il va bien falloir revenir au plus vite à un processus de discussion pour obtenir un État palestinien qui est la seule garantie d’une sécurité durable pour Israël.
TSA. Comment trouvez-vous l’évolution de la position française après près de 10 000 morts à Gaza ?
Karim Zéribi. Je suis déçu de la position française depuis le 7 octobre dernier jusqu’à ce jour car elle n’est pas à la hauteur des enjeux.
Nous avons tous été pris d’émotion et de stupeur suite à l’attaque d’une violence inouïe de la part du Hamas sur des populations civiles israéliennes.
J’ai dit moi-même qu’une attaque de ce type relevait du terrorisme et non d’une stratégie de résistance du peuple palestinien à laquelle je crois si elle épargne les populations civiles israéliennes et si elle vise les cibles militaires de l’occupant.
J’assume mon propos car la résistance palestinienne est une cause trop noble à mes yeux pour verser dans la barbarie à l’encontre de populations civiles désarmées, femmes et enfants de surcroît.
« Je suis déçu par la position de la France »
La France a partagé l’émotion générale le 7 octobre et c’est bien normal. En revanche, un grand pays se distingue par sa capacité à voir au-delà de l’instant présent et à anticiper sur les événements à venir.
La France a apporté un soutien inconditionnel au gouvernement israélien, or ce fut une erreur car le soutien à la population israélienne oui, le soutien à la riposte disproportionnée du gouvernement de Netanyahou non !
Le Général de Gaulle portait une voix forte, indépendante et juste de la France dans le monde. Il avait impulsé une politique arabe de la France qui consistait à se démarquer des États-Unis et à faire preuve de justice et de justesse dans la vision française.
J’aurais apprécié que des voix politiques françaises s’élèvent pour condamner fermement le 7 octobre mais pour affirmer immédiatement derrière qu’il ne peut être toléré que le peuple palestinien soit victime d’une riposte synonyme d’un massacre soutenu par la France et la communauté internationale.
J’aurais aimé que la voix de la France soit une voix d’équilibre, de nuance, de discernement, de justice, capable de proposer une lutte ciblée contre le terrorisme tout en relançant un processus de discussion vers la paix et la création d’un État palestinien.
Malheureusement, la France recule dans le monde arabe, elle recule en Afrique et sa voix n’est pas aussi puissante que nous le voudrions à l’échelle européenne également.
J’en suis triste mais je veux garder une once d’optimisme malgré tout car lorsque j’entends un homme comme Dominique De Villepin (ancien Premier ministre de Jacques Chirac), je veux croire que la posture gaullienne de la France n’a pas complètement disparu.
Il faut que la France retrouve le chemin de l’audace, du courage et défende avec conviction ses valeurs universalistes.
Pédiatre à la retraite, Adel a été évacué de Gaza début novembre et est rentré il y a dix jours à Paris. Auprès de Mediapart, il témoigne des bombardements israéliens incessants, de la mort qui est partout, de son ressentiment à l’égard de la France « qui ne condamne pas les crimes commis ».
« Les« Les bombes tombaient autour de nous, les cris. À chaque fois, je me disais, la prochaine fois, ce sera notre maison qui sera touchée. » Adel*, 74 ans, est rentré dimanche 5 novembre à Paris, après avoir été évacué de la bande de Gaza vers l’Égypte. Il a retrouvé ses enfants, Lina et Shadi*, que nous avions rencontrés le 28 octobre à Paris. Ce soir-là, ils tentaient de joindre leur père alors que l’offensive militaire d’Israël s’était intensifiée. Les communications coupées, ils avaient essayé d’avoir des nouvelles auprès du ministère des affaires étrangères. En vain.
Parti en septembre pour fêter le mariage de l’un de ses neveux, Adel avait décidé de profiter de sa retraite « pour retourner à Gaza » où vivent ses sœurs et ses cousins. « La dernière fois que j’y suis allé, c’était il y a dix ans. Mais le passage des frontières entre Gaza et l’Égypte est très compliqué. À l’époque, j’étais resté bloqué plus d’un mois », explique-t-il.
Cinq jours après son retour, nous le retrouvons à son domicile en banlieue parisienne avec sa fille Lina. Nous avons quelques heures devant nous avant qu’Adel ne retourne à Roissy auprès des familles franco-palestiniennes qui, pour certaines sans attache en France, sont en attente de logement du ministère des affaires étrangères. Il doit leur apporter notamment des médicaments et les aider « parce qu’elles manquent de tout ».
Arrivé en France en 1983, Adel y a poursuivi ses études de médecine, se spécialisant « en pédiatrie, à l’hôpital Necker à Paris ». Aujourd’hui, n’étant plus en activité, « [il] n’avai[t] pas la préoccupation de rentrer pour [s]es patients », explique-t-il.
Lorsque les bombardements ont commencé, il était dans la maison familiale, située dans un quartier résidentiel de la ville de Gaza. « Un des voisins a été prévenu par les services secrets israéliens que sa maison allait être bombardée. C’est ainsi qu’ils procèdent parfois. Ils téléphonent et s’adressent à la personne en l’appelant par son prénom. » Le voisin a alors averti les habitants du quartier. « Je suis parti en pensant revenir. Je n’ai pris que mon passeport. Il était aux alentours de 16 heures », poursuit Adel, fixant ses mains à l’évocation de ce moment. Quelques heures plus tard, il apprenait que sa maison, elle aussi, avait été bombardée.
À ses côtés, Lina, sa fille, tête baissée et regard rivé sur le sol, écoute attentivement le récit de son père. Il est toujours resté « évasif pour [les] protéger », commente-t-elle, rappelant que même lorsqu’il manquait « d’eau et de nourriture, il [leur] disait que ça allait ». Attendri, par ces mots, Adel lance un sourire à sa fille.
« J’étais en danger de mort, mais j’étais très inquiet pour ma famille, leur angoisse, leur attente. Je voyais la mort autour de moi et je savais que si c’était mon tour, je ne pourrais pas les serrer contre moi. » Malgré tout, à chacun de leurs échanges téléphoniques, Adel tente de ne rien laisser transparaître. Pas de « mots d’adieu, de déclarations comme si c’étaient les dernières ». « Je devais leur assurer que j’allais les retrouver », explique-t-il avec pudeur. « C’est la force de mon père qu’il nous a transmise, ajoute Lina, ne pas faiblir ou faire part de nos émotions. »
De tempérament « calme », Adel explique : « J’ai l’habitude de prendre sur moi-même si je suis inquiet, je le garde pour moi. Je soigne des enfants et je n’ai pas le droit de leur transmettre mes craintes, mais je dois au contraire les rassurer. » Précepte qu’il a d’ailleurs appliqué dans « la maison à Rafah où [ils ont] pu trouver refuge en quittant la ville de Gaza » : « On entendait les bombes tomber parfois près de nous mais je rassurais les enfants autant que je pouvais. »
Le manque d’eau, de nourriture et de sommeil crée des conditions de vie difficilement descriptibles.
Adel
Le 13 octobre, il a en effet rejoint le sud de la bande de Gaza et trouvé refuge dans la maison d’un ami. « J’ai appelé le consulat de France à Jérusalem qui m’a dit d’aller à la frontière avec l’Égypte qui serait ouverte à 9 heures du matin. J’y ai passé la journée avec d’autres binationaux. Mais à la nuit tombée, nous avons dû retourner dans les abris. »
Dans le logement « prévu pour une famille, [ils étaient] trente personnes, cinq familles », précise Adel. «On pouvait trouver du pain [au début] dans les boulangeries mais au fil des jours, les queues sont devenues de plus en plus longues. Parfois on attendait une heure, et quand on arrivait, il ne restait rien. Alors nous l’avons fait nous-mêmes. » Adel montre alors des photos d’hommes et de femmes autour d’un four construit avec « les dalles d’une terrasse ».
Aux bombardements incessants « se rajoutaient les nouvelles quotidiennes de décès de proches. Le manque d’eau, de nourriture et de sommeil crée des conditions de vie difficilement descriptibles. Certains sont pris de panique, de vomissements, de diarrhées ». « Et nous n’avions pas la possibilité de nous laver, pas le strict nécessaire d’hygiène », ajoute-t-il. À cette évocation, sa fille Lina tressaille.
« Imaginez-vous, du moins essayez, vous êtes les uns sur les autres. Vous essayez d’avoir des nouvelles de vos proches lorsque, à côté de vous, vous entendez qu’une femme vient de perdre son frère et ses neveux » ; à ces mots, Adel reprend son souffle. Quelques jours avant d’être évacué, il a perdu son cousin.
« Il s’appelait Ahmed. Il est mort avec sa femme Hana, et leurs deux enfants, Nadia, qui avait 15 ans, et Siham, 8 ans. Leur ferme a été bombardée. Quelques semaines avant, on fêtait nos retrouvailles chez eux, autour d’un thé et de gâteaux avec les enfants. »
Au chagrin se mêle la colère. Adel ne parvient pas à comprendre comment « les pays européens, les États-Unis, les pays arabes laissent des civils se faire tuer, mourir, coupés de tout comme des bestiaux qu’on laisse crever ? C’est un crime et un crime qui est organisé. Comment peut-on accepter que des enfants soient tués ? Comment peut-on accepter de couper à deux millions de personnes l’eau, la nourriture et de les bombarder ? ».
Pour prêter assistance, Adel s’est rendu dans l’hôpital de Rafah. « En France, quand un enfant meurt à l’hôpital, malgré tous nos efforts, on a un sentiment d’échec. À Gaza, j’ai vu des enfants mourir sans pouvoir rien faire pour eux. Un enfant qui a une hémorragie et qui est condamné parce qu’on ne peut pas le prendre en charge, on assiste impuissant à sa mort. Il est là encore vivant, il pleure et dans un quart d’heure, il sera parmi les morts. C’est horrible. »
À cet instant, Adel hausse le ton, se redresse et nous interpelle. « Dans l’hôpital où je suis allé, il y avait des problèmes d’électricité. Dites-vous que pour certains patients, c’est la mort. Faute de produit d’anesthésie suffisant, des choix sont faits. Pour les points de suture, on fait sans et on réserve l’anesthésie pour les actes très importants. Mais là encore, parfois le patient reçoit la moitié d’une dose. C’est mieux que rien. Il souffre mais pas trop. Voilà à quoi nous sommes réduits. Je ne sais pas si on peut encore parler d’humanité. »
« Les images me hantent. Depuis que je suis rentré, je suis toujours là-bas. Je ne dors pas. Je vis en décalé. Chaque soir, je les revois. Chaque soir, je revois les corps alignés, je revois des enfants mourants. Qu’ont-ils fait ces enfants pour être tués ? L’humanité est-elle à ce point sauvage ? Je n’arrive pas à comprendre. Qu’ont fait ces familles qui souhaitaient seulement vivre ? Qu’ont-elles fait ? Mais pour moi, ce ne sont pas des “dommages collatéraux” comme on le dit. Il s’agit d’un acte génocidaire », dit Adel, accablé.
Ayant subi une opération du cœur, Adel avait eu « la précaution de partir avec plus de médicaments que nécessaire » : « Et le consulat a pu également m’en faire parvenir. C’est une chance. Parce que sans cela, mon cœur n’aurait pas tenu. » Le soir du 28 octobre, lorsque Israël a massivement bombardé Gaza, « [ils se sont] retrouvés coupés du monde, de toute communication ». « J’ai pensé au pire. Dans les moments de long silence, nous avions peur d’une attaque chimique ou terrestre. Finalement, le bruit des bombes était parfois plus rassurant. »
« Mon heure n’est pas venue mais elle était proche », soupire-t-il. Quelques jours plus tard, à la nouvelle des premières évacuations des ressortissants étrangers et binationaux, Adel appelle le consulat. Mais le 1er novembre, lorsqu’il prend connaissance de la liste des personnes évacuées, « tout s’est effondré » : « Vu mon état de santé, je pensais être parmi les premiers. Mais il s’agissait, pour les Français, du personnel des ONG, et j’ai pensé qu’ils les sauvaient et ensuite qu’ils nous laisseraient enfermés et mourir. »
Ces moments d’attente ont été « très durs » : « Avec, en plus, la culpabilité de partir et de laisser mes proches. C’est pour cela que je témoigne sous couvert d’anonymat, parce que je veux pouvoir les retrouver un jour et pour cela je ne veux pas être blacklisté par l’Égypte pour y retourner. »
Les images tournent dans ma tête. Je n’ai pas retrouvé la vie normale.
Adel
Puis vint le soulagement. Le 3 novembre, le consulat l’appelle. « Soyez demain à 8 heures à la frontière, m’ont-ils dit. » Et d’ajouter qu’une fois passé côté égyptien : « Je sais à ce moment-là que je suis vivant et que je vais le rester. » Vers 16 heures, les autorités égyptiennes tamponnent son passeport. « C’était un deuxième soulagement parce que l’Égypte peut mettre parfois deux mois à vous autoriser à partir. »
Les familles figurant sur la liste arrivent au fur et à mesure dans le bus affrété par le consulat de France. « À 20 heures, le bus est parti. Il y avait des barrages de l’armée égyptienne tout le long du trajet qui a duré toute la nuit. Pour faire 500 kilomètres, on a passé plus de 20 heures en car. On est arrivés à 8 heures à l’hôtel, le samedi 4 novembre. »
Arrivé à l’hôtel, Adel chute dans la salle de bains. « J’ai trois points de suture sous l’œil, sourit-il, le corps lâche avec les nerfs. » Lina, qui est agronome, avait « pour projet de partir vivre à Gaza ».La famille avait émis un temps le souhait de s’y installer. « Mais il ne faut plus y penser », clôt son père.
Adel regarde les photos sur son téléphone. « Là, ce sont des photos de mes enfants lorsqu’ils étaient venus à Gaza, en 1995, je pense. Lina avait 5 ans. Ils se baignent. Ces photos étaient dans la maison qui a été bombardée. » Lina se tourne alors vers son père, émue : « C’est bien que tu aies pris ces photos. Elles resteront, elles, avec nous. »
Aujourd’hui, Adel scrute chaque image de la télévision afin de vérifier s’il n’y reconnaît pas certains de ses proches dont il est sans nouvelles. « Je ne suis pas vraiment là. Je suis toujours là-bas. Les images tournent dans ma tête. Je n’ai pas retrouvé la vie normale », répète-t-il.
En France, on est montré du doigt comme des terroristes.
Adel
« C’est l’histoire de ma vie,soupire Adel qui porte le même prénom que son père, mort sous les bombardements de l’armée israélienne dans les années 1950. C’est à lui que je pensais lorsque j’entendais les bombes tomber. » Depuis son retour, il se sent « trahi par la France qui ne condamne pas fermement ces crimes commis » : « On est montré du doigt comme des terroristes. »
À ces mots, sa fille Lina lui explique qu’elle a été agressée avec sa mère dans un commerce par une femme. « Parce que nous expliquions la situation à Gaza et que nous critiquions Nétanyahou. C’était lorsque tu étais à Gaza, papa. Et lorsqu’on a porté plainte au commissariat, ils ont dit qu’il ne fallait pas s’étonner, en sous-entendant que nous étions des terroristes. »
Adel, qui ignorait tout de cette agression, prend alors sa fille dans ses bras. « On a peur de parler désormais et on nous demande sans cesse de nous justifier pour dire que nous ne sommes pas des terroristes. » Dépitée, Lina ajoute qu’à son travail, il lui a été demandé si elle avait « des amis juifs » : « C’est fou qu’on me demande cela. Mais j’en arrive à penser que désormais certains mouvements juifs pour la paix sont plus audibles que nous pour nous défendre. On nous a tout enlevé, jusqu’à faire taire nos voix. »
Au lendemain de notre rencontre, le samedi 11 novembre, Adel a appris le décès d’un autre cousin, Bachir. « Il traversait à pied un barrage de l’armée israélienne, un rond-point qui sépare le nord et le sud de la ville. L’armée s’est mise à tirer, et son fils et son épouse ont pu fuir mais pas lui. Il avait la soixantaine mais était malade et marchait avec une canne. C’était un cousin très proche que j’avais vu quelques jours avant le début des bombardements. »
Quelques jours plus tard, sur les réseaux sociaux, Adel et ses enfants ont découvert des photos qui auraient été diffusées, selon les proches du défunt, par l’armée israélienne montrant des soldats aider Bachir à traverser. « C’est la petite-fille de Bachir qui a trouvé ces photos sur les réseaux sociaux. C’est de la propagande insupportable. Une autre photo dont on ne connaît pas l’origine a circulé ensuite le montrant mort au sol avec du sang dans le dos qui laisse penser à des impacts de balles,explique le fils d’Adel, Shadi. Nous n’avons plus de nouvelles de son épouse et de son fils depuis. »
L’armée israélienne poursuivait jeudi ses opérations dans le principal hôpital de Gaza. La résidence du chef du bureau politique du Hamas, Ismaël Haniyeh, dans le camp de réfugiés d’Al-Shati, a été attaquée.
LeLe directeur de l’hôpital Al-Shifa à Gaza, cible d’une opération de l’armée israélienne depuis la veille, a fait une déclaration à la presse jeudi 16 novembre, décrivant les conditions de l’hôpital, selon des propos rapportés par la BBC. Muhammad Abu Salmiya a affirmé que l’établissement est désormais à court d’oxygène et d’eau : « Les conditions sont tragiques et les personnes présentes dans l’hôpital crient de soif. »
Toujours selon la BBC, le directeur a expliqué que des chars encerclent l’hôpital, des drones le survolent et des soldats israéliens se déplacent à l’intérieur, en particulier dans le service des urgences. Selon lui, les troupes israéliennes ont fait sauter la principale conduite d’eau d’Al-Shifa.
« Les opérations de sniping se poursuivent, personne ne peut se déplacer d’un bâtiment à l’autre, et nous avons perdu la communication avec nos collègues », a encore indiqué Muhammad Abu Salmiya, précisant que les forces israéliennes ont retiré certains corps de l’hôpital, où quatre patients sous dialyse sont actuellement dans un état critique.
Dans la matinée, un témoin oculaire à Al-Shifa avait déclaré, toujours à la BBC, que les forces armées israéliennes exerçaient un « contrôle total » de l’hôpital et qu’il n’y avait pas de tirs à l’intérieur de l’enceinte.
De son côté, le ministère de la santé de l’administration du Hamas dans la bande de Gaza a affirmé jeudi matin, dans un bref communiqué en arabe, que l’armée israélienne avait déployé des bulldozers à l’hôpital Al-Shifa : « Des bulldozers israéliens ont détruit certaines parties de l’entrée sud » de l’hôpital.
« Ce soir, nous menons une opération ciblée dans l’hôpital Al-Shifa. Nous continuons d’aller de l’avant », avait annoncé mercredi soir le major-général Yaron Finkelman, chargé des opérations israéliennes dans la bande de Gaza, sur la chaîne Telegram de l’armée israélienne.
La résidence d’un chef du Hamas visée
L’armée israélienne a attaqué, dans la nuit de mercredi à jeudi, la maison du chef du bureau politique du Hamas, Ismaël Haniyeh, dans le camp de réfugié·es d’Al-Shati, au nord de Gaza. Selon le communiqué de l’armée, diffusé sur X, la maison, qui était inhabitée, servait de base terroriste et de lieu de réunion pour les hauts responsables du Hamas.
L’armée a également rapporté que les soldats israéliens opérant dans le camp de réfugié·es ont localisé et détruit un stock d’armes appartenant à la force navale du Hamas. Les forces armées ont également attaqué le personnel du Hamas et trouvé d’autres armes, notamment des ceintures explosives et des missiles RPG.
Une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU
Sortant du silence pour la première fois depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé mercredi à des « pauses et des couloirs humanitaires » dans la bande de Gaza.
La résolution, rédigée par Malte, adoptée par douze voix « pour » et trois abstentions (États-Unis, Royaume-Uni, Russie), « appelle à des pauses et à des couloirs humanitaires étendus et urgents pendant un nombre de jours suffisant » pour permettre d’apporter une aide humanitaire aux civils de Gaza.
Cette formulation soulève la question du nombre de jours qui serait considéré comme « suffisant ». Une précédente version du texte vue par l’Agence France-Presse (AFP) réclamait une pause initiale de cinq jours consécutifs dans les 24 heures suivant l’adoption de la résolution.
« Il faut que ce soit suffisamment long pour nous permettre de mobiliser les ressources une fois que nous aurons suffisamment de carburant, pour apporter à la population ce dont elle a besoin », a commenté mercredi Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, refusant de donner plus de détails. En général, les résolutions du Conseil de sécurité sont contraignantes, ce qui n’empêche pas certains pays de les ignorer.
La présente résolution, qui insiste à presque tous les paragraphes sur la situation des enfants, « exige que toutes les parties respectent leurs obligations en vertu du droit international, surtout concernant la protection des civils, en particulier des enfants ».
Elle « appelle » également à la « libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages détenus par le Hamas et d’autres groupes, en particulier les enfants », sans condamner l’attaque sanglante du mouvement palestinien contre Israël le 7 octobre, qui a fait environ 1 200 morts selon les autorités israéliennes.
Le Conseil de sécurité avait tenté en vain de réagir d’une seule voix, après l’attaque du Hamas et le pilonnage de Gaza en représailles par Israël, des bombardements qui ont désormais fait au moins 11 500 morts, dont 4 710 enfants, selon le ministère de la santé du Hamas.
« Je sais que nous sommes tous déçus de l’inaction du Conseil ces quarante derniers jours », a commenté mercredi avant le vote l’ambassadeur chinois Zhang Jun.
Exposant au grand jour ses divisions de longue date sur le dossier israélo-palestinien, le Conseil avait rejeté coup sur coup en octobre quatre projets de résolution, rejets marqués notamment par des veto russe et chinois d’un côté, américain de l’autre, sur des textes concurrents.
Un bilan des morts dans l’armée israélienne
L’armée israélienne a annoncé jeudi la mort de trois nouveaux soldats dans les combats dans la bande de Gaza, portant à 51 le total de ses militaires tués depuis le début de la guerre avec le Hamas.
L’armée israélienne avait annoncé en début de matinée jeudi que le cap de 50 soldats tués avait été atteint, avant d’en ajouter un 51e, mort mercredi dans le nord de la bande de Gaza. Le capitaine Shlomo Ben Nun était âgé de 22 ans.
Quatre blessés dans une attaque à Jérusalem
La police israélienne a annoncé jeudi avoir « neutralisé » trois assaillants après une « fusillade » près d’un barrage de sécurité reliant Jérusalem à la Cisjordanie occupée, les secours israéliens faisant état de « quatre blessés par balles », dont « un homme d’environ 20 ans dans un état critique ». Deux autres personnes ont été légèrement blessées. Tous les blessés étaient membres des services de sécurité. Un journaliste de l’AFP sur place a entendu des rafales nourries de tirs à l’arme automatique au niveau de ce check-point.
De son côté, la police israélienne assure que « trois terroristes arrivés en voiture depuis la Cisjordanie ont tiré sur les forces de sécurité » avant d’être « neutralisés ».
En Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967 par Israël, plus de 190 Palestiniens ont été tués par des colons et des soldats israéliens depuis le 7 octobre, selon le ministère palestinien de la santé.
L’armée israélienne y multiplie les raids et les incursions, assurant répondre à une « augmentation significative des attaques terroristes » en Cisjordanie, avec « plus de 550 tentatives d’attentat depuis le début de la guerre ».
Biden « relativement optimiste » pour les otages
Le président américain Joe Biden s’est dit mercredi « relativement optimiste » quant à une prochaine libération d’otages détenu·es par le Hamas et a assuré avoir demandé à Israël d’être « extrêmement prudent » dans la conduite de ses opérations dans le principal hôpital de Gaza.
« Je ne veux pas m’avancer car je ne sais pas ce qui s’est passé au cours des quatre dernières heures, mais nous avons bénéficié d’une grande coopération de la part des Qataris », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à l’issue d’une rencontre en Californie avec le président chinois Xi Jinping.
Évoquant la « pause que les Israéliens ont acceptée », il s’est ensuite interrompu et a dit : « Je vais m’arrêter [...] Mais je suis relativement optimiste. » Le Qatar est un médiateur clé dans les négociations sur la libération des otages aux mains du Hamas. Environ 240 personnes ont été enlevées le jour de l’attaque du Hamas, le 7 octobre, selon les autorités israéliennes.
Interrogé par ailleurs sur les opérations menées par l’armée israélienne dans le principal hôpital de Gaza, Joe Biden a répondu : « Nous avons discuté de la nécessité pour eux d’être extrêmement prudents. »« L’idée qu’ils [Israël – ndlr] vont simplement s’arrêter et ne rien faire n’est pas réaliste. Il ne s’agit pas d’un tapis de bombes. C’est différent. Ils vont dans les tunnels, ils vont à l’hôpital », a encore affirmé Joe Biden. « Ils apportent également des couveuses. Ils apportent d’autres moyens d’aider les gens à l’hôpital », a-t-il ajouté.
Plus tôt mercredi, la Maison-Blanche avait dit n’avoir pas « donné de feu vert aux opérations autour de l’hôpital Al-Shifa ». « Nous avons toujours été très clairs avec nos partenaires israéliens sur l’importance de minimiser les pertes civiles », a dit le porte-parole John Kirby.
Washington, qui fournit une importante aide militaire à Israël, apporte un soutien sans faille à son allié depuis l’attaque du 7 octobre, disant qu’il a le devoir et l’obligation de se défendre contre le Hamas, tout en s’inquiétant du nombre élevé de Palestinien·nes tué·es.
les manifestations du 11 novembre demandant un cessez-le-feu immédiat à Gaza et du lendemain protestant contre l’antisémitisme ont distingué deux combats qui, du point de vue de la défense des droits de tous, doivent au contraire être associés. Le rassemblement marquant le 85ème anniversaire du pogrom nazi de la « Nuit de cristal » a montré qu’au contraire ces combats ne sont pas contradictoires.
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