Le monarque républicain a pris une décision seul, il se retrouve maintenant seul. En son pouvoir souverain et sans partage, le roi avait joué la France en un coup de poker, il l'a fracassée. Il voulait une majorité absolue, il a pulvérisé son parti. Il voulait la stabilité institutionnelle de son pouvoir, il se retrouve face à un risque de désordre encore pire qu'il ne l'était auparavant.
La France est passée à côté du désastre, le parti fasciste n'a pas la majorité absolue tant espérée par lui. Mais je souhaiterais me prononcer avec un recul et une parole extérieurs à la liesse des partisans et électeurs qui se sont mis en barrage pour contrer la peste noire de l'histoire. La porte a été fermée, au loup mais il n'a pas fui, il est encore plus fort et attend son heure. Pourquoi un tel pessimisme, ou une réserve ? Car la joie qui s'exprime n'est en fait qu'un soulagement que le RN n'ait pas obtenu la majorité absolue. Cette joie n'a pas encore laissé place à la raison qui va lui remettre le regard sur la réalité. Regardons les résultats avec un esprit distancié et analysons le comment et le pourquoi un homme seul a tenté une telle folie. Il s'agira beaucoup plus de lui, dans cet article, car c'est l'homme qui dirigera la France pour encore trois ans.
Le Rassemblement National a perdu ?
Je n'ai peut-être pas compris l'arithmétique. Il avait 89 sièges, il en a maintenant 143. Curieuse défaite. Le camp présidentiel comptait 245 sièges, il se retrouve avec 156 sièges. Le Président a porté un coup fatal à ce qu'il restait encore de viable dans le parti qui l'avait porté au pouvoir. Le RN n'attendait que cela, c'est déjà un obstacle qui n'est plus sur son chemin pour la suite.
Quant au grand gagnant de ces élections, Le Nouveau Front Populaire compte désormais 174 sièges. Le NFP, ce n'est pas celui dont les membres s'écharpent, depuis des mois, avec des noms d'oiseaux et qui se sont mis d'accord en quatre jours avec des tas de bisous? Pourtant les longs gourdins cachés derrière leur dos sont visibles à un kilomètre. Un siècle de bagarre dans la gauche, les fameuses « deux gauches irréconciliables », et quatre jours pour une réconciliation, ce n'est pas un mariage précipité ?
Le dernier mariage que la gauche avait célébré datait du début du règne de Mitterrand en 1981. Il avait fini très rapidement par un divorce violent.
Le Président Macron a joué la France par un coup de poker, elle n'a pas été ruinée, a évité la catastrophe mais hypothéqué ses chances dans un avenir incertain.
Un décompte en sièges plus catastrophique que ce qu'il était avant la dissolution, il me faut beaucoup d'imagination pour qualifier le résultat de victoire.
Une déraison incompréhensible
Il n'avait prévenu personne si ce n'est informer la Présidente de l'Assemblée Nationale et le Président du Sénat comme l'impose la constitution. Ils n'avaient aucun pouvoir de bloquer sa décision. De plus il ne les avait avertis que très tardivement, à la vieille de sa décision. Puis la colère de la classe politique comme celle de la population s'était manifestée dès l'annonce d'une dissolution incomprise et dangereuse. Aucun espoir qu'elle ne cesse désormais, juste après la fête.
Emmanuel Macron avait pris acte des résultats catastrophiques des élections européennes. Il avait alors pensé que la nouvelle force du Rassemblement National allait décupler sa capacité de blocage. Mais comment cela se peut-il puisque l'élection européenne n'avait absolument aucun effet sur le nombre de sièges dans l'Assemblée nationale ?
Jupiter redescend de l'Olympe
L'image du dieu mythologique et son règne absolu est assez classique et nous pouvons la reprendre à bon compte. C'est d'ailleurs le Président Emmanuel Macron lui-même qui souhaitait être un « Président jupitérien » dans un entretien en 2016, accordé au magazine Challenges' au moment de sa conquête du pouvoir.
Ses deux prédécesseurs avaient eux aussi été poursuivis par une qualification qui collera à leur image. Nicolas Sarkozy avait été « l'hyper président », celui qui avait théorisé qu'il fallait « créer chaque jour un événement pour que chaque jour nécessite une intervention de la parole présidentielle ». Il était partout, se mêlant de tout et ne laissant aucun espace d'intervention à son gouvernement. C'est pourtant exactement ce que fera Emmanuel Macron.
Quant à François Hollande, il s'est qualifié lui-même de Président « normal » pour se démarquer de l'exubérance de son prédécesseur. Emmanuel Macron, son ministre de l'Economie, avait vécu une normalité du Président qui avait provoqué la fronde de ses partisans et le harcèlement des journalistes qui ont fini par l'étouffer (en amplifiant le rejet populaire à son égard) jusqu'à son abandon d'une nouvelle candidature. C'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron avait estimé qu'il fallait éviter les deux écueils et redonner à la fonction la dignité de son rang. Il voulait restaurer l'horizontalité jupitérienne du pouvoir et prendre de la hauteur par rapport aux médias avec lesquels il souhaitait avoir « une saine distance ».
Il voulait se démarquer des deux autres Présidents mais il a créé une déclinaison commune en devenant un « hyper président anormal et rejeté ». Tout cela est démoli, Jupiter redescend de son Olympe.
Le syndrome du premier de la classe
La montée fulgurante d'un homme jeune et sa stupéfiante réussite, en si peu de temps, pour devenir Président de la République avait été jugée comme exceptionnelle. L'homme avait été salué dans son exploit et une route lui était désormais tracée.
Selon ses propres mots, il voulait « gouverner autrement », sortir du tunnel de la « vieille politique » et mettre fin aux blocages des partis politiques qu'il avait connus avec François Hollande face à la crise des « frondeurs » de son propre camp. Il voulait intégrer la France dans le mouvement mondial de la « Start-up nation », redonner à la France sa capacité à s'ouvrir au monde, à créer les conditions de sa modernité et sortir du traditionnel combat historique et stérile entre la gauche et la droite. Il voulait des « premiers de cordée », c'est-à-dire placer au sommet de la pyramide ceux qui ont la capacité de créer, d'innover et d'entraîner un « ruissellement vers le bas », c'est-à-dire au profit des autres. Il avait cru que c'était l'excellence qui gouvernait le monde. Il avait oublié que si cette dernière était indispensable par le dynamisme d'une jeunesse diplômée et la compétence de hauts cadres, il fallait un projet politique qui crée les conditions d'adhésion et d'entrainement d'une société. Il avait cru qu'un pays se gouvernait comme une entreprise.
Ni à droite ni à gauche, nulle part
Pour arriver à cet objectif ambitieux, Emmanuel Macron voulait écarter les corps intermédiaires et créer un centre puissant. Dans toutes ses déclarations, une expression qui va lui coller à la peau « en même temps ». Chaque décision se voulait être ni-ni, ni les vieilles lunes de droite ni celles de gauche. Il avait cru alors avoir trouvé ce territoire central si recherché et jamais réellement découvert, celui qui unit une société. Un fantasme de la politique française qui avait fait dire à François Mitterrand aux journalistes : « le centre est au fond du couloir, à droite ». Puis une autre fois, « curieux que ce centre qui vote à droite ».
Son projet de créer ce centre mythique fut alors d'affaiblir les deux partis de gouvernement qui alternaient au pouvoir depuis 1981, avec l'arrivée de François Mitterrand et de les attirer vers lui. Il avait réussi à débaucher un certain nombre de leurs cadres, séduits par ce jeune homme aux visions d'avenir. En fait, ils souhaitaient surtout quitter deux partis en déclin et prendre leur chance avec un nouveau souffle promis. Ainsi il a détruit les traditionnels partis républicains et de gouvernement. À gauche, le Parti Socialiste et à droite, Les Républicains, qui sont devenus des coquilles presque vides. Il devrait s'en mordre les doigts car ils auraient été ses chances actuelles d'une éventuelle coalition en sa faveur.
À s'acharner à détruire l'existant politique, il n'a créé ni le « ni-ni », ni le « gouverner autrement », ni construire un centre solide. Finalement, il est arrivé nulle part.
Le pouvoir et la solitude du Prince
Goethe affirmait que «la solitude est enfant du pouvoir » et Machiavel que « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument» (Le Prince, 1513).
Bien entendu, pour Emmanuel Macron on doit écarter la corruption dans le sens de l'appropriation matérielle illégale mais retenir celle de l'esprit. Pour sa défense, on peut également dire que la lourde responsabilité et les décisions quotidiennes importantes pour gérer les affaires de l'Etat nous rapprochent d'une seconde affirmation de Goethe « toute production importante est l'enfant de la solitude ». On doit aussi écarter l'image du pouvoir isolé dans le Palais de l'Elysée. « La république est dans ses meubles » disait Mitterrand lorsqu'il avait reçu des chefs d'Etat, à Versailles. Tous les édifices prestigieux ont été la propriété de la noblesse de sang et d'argent, construits par le fruit du labeur et du talent du peuple. Installer les hommes du pouvoir républicain et leurs administrations dans ces palais est la marque de la magnificence de l'Etat, donc celle du peuple. Cependant, en sens contraire, on peut reprocher à tous les Présidents de la cinquième république d'avoir été envoutés par la puissance qui les isole davantage. Tous les intimes et compagnons qui ont permis au Prince d'accéder au pouvoir ont vécu avec le temps son éloignement progressif et un enfermement dans sa certitude d'être la source de développement et de la protection du pays.
Et maintenant, que peut la solitude ?
Une remarque préalable, cet article est rédigé avant qu'une décision soit prise par Emmanuel Macron. Qu'importe, d'une part il est peu probable que la décision soit prise demain et par ailleurs, cela permet d'analyser toutes les options possibles dans une telle situation. Une seconde dissolution ? La constitution ne le lui permet pas avant un an. La démission ? Emmanuel Macron a déclaré qu'il ne l'envisage pas. Et puis, ce serait donner les clés de la Présidence de la république à Marine le Pen, en considération du mode de scrutin.
Un gouvernement de techniciens ? Il le pourrait, comme ce fut le cas très souvent en Italie, mais ce n'est pas la culture politique française. Certains prétendent que la seule exception fut le Premier ministre Raymond Barre mais ils ont oublié que celui-ci avait des ancrages politiques et une expérience d'élu, maire de longue date de la ville de Lyon, troisième métropole de France. Si l'image du technicien lui était attribuée c'est parce qu'il fut un grand professeur d'économie (le plus grand disait-on à cette époque).
La recherche d'une coalition majoritaire qui lui serait favorable ? À constater l'effort immense pour la gauche de construire le Nouveau Front Populaire alors que les positions politiques de chacune des composantes sont aussi éloignées que les étoiles entre elles. La coalition ne tiendrait pas plus longtemps que les promesses du menteur. J'ai bien peur que la gauche ne s'enthousiasme trop tôt et s'éloigne du chemin de l'unité. Elle est loin d'être atteinte malgré cette soirée de victoire.
La nomination du leader du parti majoritaire ? L'usage le voudrait mais il n'est pas obligé. Il aurait donc le choix entre Bardella et Mélenchon ? Pour une victoire, j'en ai connu des plus stables et durables.
Nommer un Premier ministre en dehors des partis majoritaires ? Dès la première motion de censure, il serait balayé comme une feuille au vent d'automne. Utiliser tous les autres pouvoirs que lui confère la constitution ? Ils sont puissants mais le Président serait alors obligé de refuser tous les textes gouvernementaux ou du Rassemblement National.
Le blocage permanent est-il dans le rôle de la fonction et de l'intérêt de la France pendant une année, avant la prochaine dissolution ? En conclusion, donner les clés à un jeune premier de la classe qui n'avait aucun parcours politique (dans le sens du militantisme), aucun parti politique enraciné dans les territoires et aucun projet autre que celui du rêve chimérique de détruire l'existant, c'était assurément donner un gros jouet à un enfant gâté. Il l'a fracassé.
Un manifestant porte une image du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et du président américain Joe Biden peinte en rouge pour imiter le sang, lors d’une marche de soutien à la population de la bande de Gaza, à Naplouse, en Cisjordanie occupée, le 26 octobre 2023
Zain Jaafar/AF
Sous les yeux d'une opinion mondiale impuissante, à la veille de 2024 et ses élans collectifs de souhaits de bonne année, le peuple palestinien subit les pires atrocités de la guerre. On ne parle pas seulement du massacre par l'armée israélienne, sans distinction d'âge, de milliers de victimes civiles, du rasage par les missiles de centaines d'habitations, de dizaines de milliers de personnes déplacées fuyant l'enfer, sans trouver nulle part où se mettre à l'abri. Mais où fuir ? D'un enfer à un autre ?
Aujourd'hui, à la veille de la nouvelle année, le peuple palestinien est menacé par la famine. Ce n'est pas facile à prononcer, mais c'est la très dure réalité d'un peuple que plus personne ne semble avoir les capacités d'aider, du moins dans sa subsistance. Quatre ménages sur cinq dans le nord de Ghaza et la moitié des ménages déplacés dans le sud passent des jours et des nuits sans manger, a alerté, samedi dernier, le chef de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Des convois d'aides humanitaires ont bien été envoyés par plusieurs pays pour les populations palestiniennes, mais l'entité sioniste ne laisse passer que quelques chargements qui ne peuvent pas satisfaire aux nombreux besoins des populations qui en sont arrivées à vendre leurs biens contre de la nourriture, selon les déclarations de M. Tedros Adhanom Ghebreyesus. Est-ce que les Palestiniens vont finir l'année et entamer celle qui vient, le ventre creux?
C'est l'amère et douloureuse question qu'on se pose, à l'ombre d'un Conseil de sécurité qui est arrivé difficilement à voter, vendredi 22 décembre, une résolution appelant à des mesures d'urgence afin de permettre un acheminement direct et « à grande échelle » vers Ghaza. La résolution appelle à « prendre des mesures urgentes pour permettre un acheminement immédiat, élargi, sûr et sans entrave de l'aide humanitaire, et pour créer les conditions nécessaires à une cessation durable des hostilités », mais cet appel est pour qui, pour quelle partie ? Sans la nommer, donc, c'est Israël qui est visé par cet appel du Conseil de sécurité. Pour la première fois depuis l'éclatement de la guerre, les Etats-Unis, qui se sont abstenus lors du vote de la résolution en question (adoptée par 13 voix pour et 2 abstentions), n'ont pas usé de leur Veto, consentant à demi-mot à ce que l'aide humanitaire parvienne aux populations « en urgence et à grande échelle ».
Reste à savoir si les Américains, et cette résolution du Conseil de sécurité, parviendront à convaincre leur allié sioniste de laisser passer les convois humanitaires bloqués au passage de Rafah ? Pour précision, le Conseil de sécurité n'est pas arrivé à voter une résolution pour l'arrêt des attaques israéliennes. Bonne année Ghaza !
Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a été chahuté lundi lors d’un discours au Parlement par des familles d’otages, retenus dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre contre le Hamas il y a 80 jours.
« Maintenant, maintenant ! », ont scandé des parents d’otages à plusieurs moments du discours alors que le premier ministre déclarait que les forces israéliennes avaient besoin de « plus de temps » pour obtenir leur libération en poursuivant leurs opérations dans le territoire palestinien, où 156 soldats israéliens ont été tués depuis le début de la phase terrestre de la guerre fin octobre.
Une trêve d’une semaine ayant pris fin le 1er décembre avait permis la libération de 105 otages, dont 80 en échange de 240 Palestiniens détenus dans des prisons israéliennes, mais 129 restent captifs à Gaza.
« Et si c’était ton fils ? », « 80 jours, chaque minute, c’est l’enfer », pouvait-on lire sur des banderoles brandies par les familles au Parlement, qui a tenu une session spéciale consacrée à la question des otages.
Assurant n’« épargner aucun effort » pour faire libérer les otages, M. Nétanyahou a affirmé que cela n’était possible qu’en maintenant « la pression militaire ».
« Nous ne devons pas arrêter la guerre tant que nous n’avons pas achevé la victoire sur ceux qui en veulent à nos vies, a-t-il déclaré. Nous n’arrêterons pas avant la victoire. »
Lundi 25 décembre, le premier ministre israélien a aussi annoncé s’être rendu à Gaza, et promis « une intensification » des combats en cours dans le territoire palestinien contre le Hamas.
« Je reviens maintenant de Gaza. Nous n’arrêtons pas, nous continuons de nous battre et nous intensifierons les combats dans les jours à venir, et ça sera une longue guerre qui n’est pas près de finir », a déclaré M. Nétanyahou devant les élus de son parti, le Likoud, selon un communiqué de ce dernier.
L’armée israélienne avait également annoncé dimanche intensifier ses opérations dans le sud de la bande de Gaza, où les frappes israéliennes se poursuivent et les civils sont toujours au bord de la famine. L’enclave palestinienne n’a connu aucun répit pour les fêtes de Noël.
Quelque 250 personnes ont été prises en otage lors de l’attaque sanglante du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre, qui a fait environ 1 140 morts, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP à partir des derniers chiffres officiels.
Au moins 20 057 personnes – majoritairement des femmes, des enfants et des adolescents – on été tuées à Gaza depuis le début de l’offensive israélienne en représailles à l’attaque, selon les autorités du Hamas au pouvoir.
Le premier ministre israélien a annoncé s’être rendu dans l’enclave palestinienne. Le ministère de la santé du Hamas a rapporté des bombardements pendant la nuit et lundi matin dans le centre et le sud de la bande de Gaza. Du côté israélien, plus d’une quinzaine de militaires sont morts au cours des trois derniers jours, selon l’armée.
Des soldats israéliens pendant des combats de rue à Khan Younès, le 24 décembre 2023. IDF / VIA REUTER
Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a annoncé s’être rendu à Gaza lundi 25 décembre, et promis « une intensification » des combats en cours dans le territoire palestinien contre le Hamas.
« Je reviens maintenant de Gaza. Nous n’arrêtons pas, nous continuons de nous battre et nous intensifierons les combats dans les jours à venir et ça sera une longue guerre qui n’est pas près de finir », a déclaré M. Nétanyahou devant les élus de son parti, le Likoud, selon un communiqué de ce dernier.
Tôt lundi, un bombardement a fait douze morts près du petit village d’Al-Zawaida (Centre), selon le ministère de la santé de la bande de Gaza, administrée par le Hamas. Pendant la nuit, un bombardement à Khan Younès (Sud) a fait au moins dix-huit morts, a-t-il ajouté dans un communiqué. Le centre du territoire a, par ailleurs, subi une cinquantaine de frappes.
Le week-end a été particulièrement meurtrier dans cette langue de terre surpeuplée et contrôlée depuis 2007 par le Hamas, organisation considérée comme terroriste par Israël, les Etats-Unis et l’Union européenne. Au moins soixante-dix personnes ont été tuées lors d’une frappe dimanche sur le camp de réfugiés d’Al-Maghazi, selon le gouvernement du Hamas. Un bilan qui n’a pas pu être confirmé de manière indépendante par l’Agence France-Presse (AFP). Sollicitée par l’AFP, l’armée israélienne a dit « enquêter » sur cet « incident » et respecter le droit international.
Il faut « tourner la page », dit le patriarche latin de Jérusalem
Du côté israélien, plus d’une quinzaine de militaires sont morts lors des trois derniers jours. Lundi matin, l’armée a annoncé la mort de deux nouveaux soldats, portant à 156 le nombre de ses pertes depuis que ses troupes opèrent au sol dans Gaza. « Nous payons un très lourd tribut à la guerre, mais nous n’avons pas d’autre choix que de continuer à combattre », a martelé dimanche le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. « Nous sommes confrontés à des monstres », a-t-il insisté dans son message de Noël, adressé aux chrétiens du monde entier.
Le conflit a fait 20 674 morts dans la bande de Gaza, selon le dernier bilan du ministère de la santé du Hamas. Il a aussi forcé 1,9 million d’habitants à fuir leur domicile, soit 85 % de la population selon l’Organisation des nations unies (ONU). Israël a juré de détruire le Hamas, à la suite de l’attaque d’une ampleur et d’une violence sans précédent menée par le mouvement islamiste le 7 octobre, qui a fait environ 1 140 morts, en majorité des civils, selon les derniers chiffres officiels israéliens.
Ce jour-là, les commandos palestiniens ont aussi enlevé environ 250 personnes, dont 129 restent détenues à Gaza, selon Israël. « Nous devons arrêter ces hostilités et tourner la page », a plaidé dimanche le patriarche latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa, venu célébrer Noël à Bethléem, en Cisjordanie occupée, arborant un keffieh noir et blanc autour du cou. Dans cette ville qui a vu naître Jésus, selon la tradition chrétienne, les célébrations de Noël ont été largement annulées par la municipalité palestinienne, et la tristesse domine.
Situation humanitaire désastreuse
Dans la bande de Gaza, la situation humanitaire reste désastreuse : la plupart des hôpitaux sont hors service et dans les six prochaines semaines, l’ensemble de la population risque de subir un niveau élevé d’insécurité alimentaire, pouvant aller jusqu’à la famine, selon l’ONU. « La décimation du système de santé de Gaza est une tragédie », a déploré dimanche le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Malgré le vote vendredi par le Conseil de sécurité de l’ONU d’une résolution réclamant l’acheminement « immédiat » et « à grande échelle » de l’aide humanitaire, celle-ci n’avait pas encore connu d’augmentation significative.
« La conduite de l’ONU depuis le 7 octobre est une honte pour l’organisation et la communauté internationale », a écrit sur X le ministre des affaires étrangères israélien, Eli Cohen, s’insurgeant contre les positions du secrétaire général de l’organisation, Antonio Guterres, son personnel et ses institutions.
Insécurité alimentaire
Samedi, une nouvelle mission dirigée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est rendue dans des hôpitaux de la ville de Gaza, permettant notamment la livraison de plus de 19 000 litres de fioul à l’hôpital Al-Shifa, le plus grand du territoire palestinien, qui avait été assiégé par l’armée israélienne en novembre, a annoncé dimanche soir son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Ce que les membres de la mission du 23 décembre ont constaté, « c’est un désespoir croissant dû à la faim », a déclaré M. Tedros, qui a plaidé pour « une augmentation immédiate de [l’acheminement de] la nourriture et de l’eau pour garantir la santé et la stabilité de la population ». Selon le patron de l’OMS, « les combats incessants et un nombre massif de blessés ont mis les capacités [de l’hôpital Al-Shifa] à genoux ». L’établissement ne peut fournir en l’état « que des premiers soins les plus basiques ».
Le chef de l’OMS a d’ailleurs rapporté que des habitants désespérés s’étaient emparés d’aide alimentaire à bord d’un camion qui faisait route vers l’hôpital. « Dans ce contexte de graves pénuries alimentaires, la quête de nourriture (…) pousse certains – désespérés – à prendre de la nourriture des camions de livraison », écrit M. Tedros.
L’armée jordanienne a annoncé dimanche soir que ses forces aériennes avaient largué de l’aide à environ 800 personnes réfugiées dans l’église Saint-Porphyre, dans le nord de Gaza.
De leurs côtés, les médiateurs égyptiens et qataris tentent toujours de négocier une nouvelle trêve, après une pause dans les combats de sept jours à la fin de novembre, qui a permis la libération de 105 otages et de 240 prisonniers palestiniens ainsi que l’entrée à Gaza d’importants convois d’aide humanitaire. Selon une source au sein du Jihad islamique, le chef de ce mouvement armé palestinien allié du Hamas est arrivé à la tête d’une délégation au Caire.
Pour alléger la pression militaire israélienne sur le mouvement palestinien, Téhéran mise sur une coordination des attaques de ses auxiliaires et alliés sur différents fronts, tout en s’efforçant d’éviter un embrasement régional. Le régime iranien estime qu’Israël a d’ores et déjà été vaincu.
C’est une mission difficile que s’est donnée la République islamique d’Iran : sauver le Hamas en adoptant une stratégie d’attaques graduées contre Israël, mais sans s’engager pour autant dans une guerre directe ni provoquer un embrasement général de la région dans lequel elle aurait beaucoup à perdre.
À ce jour, le régime iranien n’a ainsi procédé à aucun tir de missile balistique ni menacé des navires dans le Golfe persique, une tactique à laquelle il avait auparavant largement recours. À la place, une multiplicité de fronts, ouverts par « l’axe de la résistance », principalement le Hezbollah libanais, les houthis du Yémen, les milices chiites irakiennes et celles engagées sur le plateau du Golan. Soit autant de cartes iraniennes dans le conflit, chaque organisation bénéficiant d’une large autonomie, sous le contrôle d’une « chambre des opérations conjointes » basée à Beyrouth.
Cette mystérieuse « chambre », le régime iranien en a reconnu pour la première fois l’existence le 10 septembre, soit un mois avant l’attaque du Hamas. Le général Abbas Nilforoushan, adjoint au commandant des opérations des Pasdarans (Gardiens de la révolution) avait alors évoqué, sur un site lié au régime, l’existence d’« un commandement intégré et d’un réseau de contrôle au sein du front de la résistance ».
Avant lui, le Guide suprême Ali Khamenei en personne, lors d’une réunion en juin 2023 avec de hauts représentants du Hamas, avait déjà fait savoir qu’une nouvelle stratégie était à l’œuvre. Il avait ainsi appelé à « une plus grande unité et une plus grande coordination entre les groupes de résistance » et souligné la centralité de Gaza dans « l’axe de la résistance ».
Aujourd’hui, la mission essentielle de cette structure est, sinon de défaire Israël, au moins de sauver à tout prix le Hamas, avec lequel l’Iran s’est réconcilié après la brouille historique née de la guerre civile syrienne pendant laquelle le mouvement sunnite palestinien s’était opposé à Bachar al-Assad, soutenu politiquement et militairement par Téhéran.
Si le régime iranien est redevenu pour le Hamas un grand pourvoyeur d’aide militaire et financière – de l’ordre de 100 millions de dollars par an, selon les services de renseignement israéliens –, il ne semble pas avoir été pour autant le donneur d’ordre de l’attaque sanglante du 7 octobre. À ce jour, ni les services de renseignement américains ni le Mossad israélien n’ont pu trouver de preuves significatives incriminant l’Iran. Washington évoque « une large complicité », mais pas d’implication directe.
L’unification des fronts
Dès le 8 octobre, le régime avait démenti toute implication dans l’attaque, Ali Shamkhani, conseiller politique d’Ali Khamenei et ancien secrétaire général du Conseil supérieur de sécurité nationale, décrivant alors la « résistance palestinienne » comme un « mouvement indépendant ».
« Au vu des éléments disponibles, souligne l’historien Jonathan Piron, spécialiste de la région et professeur de relations internationales à l’école HELMo de Liège (Belgique), l’attaque du 7 octobre semble avoir été décidée par certains cadres de l’organisation installés à Gaza, sans que les responsables politiques vivant au Qatar n’aient été informés, et menée sans coordination avec le Hezbollah ou la force Al-Qods [les unités d’élite des Gardiens de la révolution chargées des opérations extérieures – ndlr]. »
« Les dirigeants du Hamas à Gazapeuvent avoir mené cette attaque pour plusieurs raisons, notamment des problèmes internes à Gaza et au sein du Hamas, la volonté d’affaiblir l’Autorité palestinienne en place en Cisjordanie et celle de torpiller les efforts soutenus par les États-Unis pour forger une normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite,ajoute le chercheur. Il existe dès lorsun sentiment de mécontentement iranien à l’égard des dirigeants militaires du Hamas basés à Gaza, en particulier de Mohammed Deif [commandant suprême des Brigades Ezzedine al-Qassam, branche militaire du Hamas – ndlr], pour avoir engagé une bataille sans coordination préalable. »
Mais quand bien même Téhéran serait mécontent de son allié, tout ce qui affaiblit et déstabilise Israël est une bénédiction pour l’Iran, en particulier la pause dans le rapprochement de l’État hébreu avec divers États du Golfe. D’où l’annonce au lendemain de l’attaque de son soutien total et inconditionnel à l’opération « Déluge d’al-Aqsa » en des termes des plus solennels. « Nous embrassons le front et les bras des audacieux et ingénieux planificateurs et le courage de la jeunesse palestinienne », déclarait ainsi le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, le 10 octobre.
« La chambre des opérations conjointes permet à l’Iran de coordonner des actions indépendantes entre ses alliés régionaux contre Israël, poursuit Jonathan Piron. Chacun des acteurs conserve son autonomie tout en agissant en accord avec une autorité centrale. Les risques sont ainsi minimisés et ces groupes peuvent naviguer plus activement et plus efficacement dans le paysage régional. » C’est ce que Téhéran appelle « l’unification des fronts ».
Beyrouth comme principal quartier général
La structure a été créée après l’assassinat du général Qassem Soleimani, chef légendaire de la force Al-Qods, tué par une frappe américaine, le 3 janvier 2020, à Bagdad.
« Quand Soleimani était vivant, il exerçait un contrôle global sur l’axe de la résistance à travers une configuration hiérarchique évidente, explique Hamidreza Azizi, un chercheur iranien associé au German Institute for International and Security Affairs. Sa mort a conduit à une décentralisation au sein de cet axe. Pour assurer la continuation de cette coordination, la force Al-Qods, en collaboration avec le Hezbollah, a alors établi de façon graduelle une chambre des opérations communes. »
« D’autres événementsont mis en lumière le renforcement de la fonction du Hezbollah dans le recrutement, l’entraînement et le commandement des milices chiites pro-iraniennes opérant en Syrie, poursuit ce chercheur. De même que le rôle de premier plan joué par Hassan Nasrallah [secrétaire général du parti de Dieu – ndlr] dans la médiation entre différentes factions chiites en Irak. Son influence pourrait à présent dépasser celle du général Ismaël Qaani, commandant de la force Al-Qods. »
Toujours selon le chercheur, Hassan Nasrallah et IsmaëlQaani codirigent la structure de commandement. « Je pense qu’il n’y a pas d’endroit fixe pour les rencontres, indique Hamidreza Azizi. Cependant, la plupart des réunions ont lieu à Beyrouth, à l’exception de certaines à Damas. On peut donc raisonnablement penser que Beyrouth est le principal quartier général de cet axe. »
Avant même le 7 octobre, la chambre des opérations conjointes avait défini quatre fronts permettant d’encercler Israël : le front de Gaza, celui de Cisjordanie à proximité des villes israéliennes, celui du Sud-Liban, et celui du Golan, tous deux gérés par le Hezbollah. Avec la guerre, s’est rajouté celui, plus inattendu, de la mer Rouge, à l’initiative des houthis.
Un Israël affaibli et ne parvenant pas à prendre le dessus sur le Hamas est un objectif que les Iraniens peuvent considérer comme plus utile qu’un engagement direct.
Jonathan Piron, professeur de relations internationales à l’école HELMo de Liège
« La chambre des opérations communes respecte des principes tels que la dissuasion, via des engagements limités, l’ambiguïté dans les représailles, des opérations collectives pendant les périodes critiques et la répartition des tâches en fonction des menaces, explique Hamidreza Azizi. Cette position stratégique permet, potentiellement, d’ouvrir de nouveaux fronts contre Israël, renforçant ainsi la capacité de dissuasion du réseau. »
Les factions palestiniennes, le Hamas et le Jihad islamique, sont évidemment en première ligne. Une faiblesse, cependant, dans la stratégie iranienne : la Cisjordanie occupée, qui fait partie des fronts, mais où Téhéran n’exerce qu’une influence limitée.
« L’Iran aurait tout à perdre d’un conflit généralisé, renchérit Jonathan Piron. Une intervention américaine deviendrait certaine, avec un risque important de frappes sur le sol iranien. Le régime a bien plus intérêt à laisser monter la pression internationale sur Israël et voir les Israéliens s’enliser à Gaza. Un Israël affaibli et ne parvenant pas à prendre le dessus sur le Hamas est un objectif que les Iraniens peuvent considérer comme plus utile qu’un engagement direct, qu’ils savent qu’ils n’ont pas les moyens de tenir. »
D’ores et déjà, les responsables iraniens ne sont pas loin de crier victoire. Sur son compte X, le ministre iranien des affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, s’est félicité il y a quelques jours de ce qu’Israël, après plus de 70 jours de combat, n’avait atteint aucun de ses objectifs : le Hamas n’est toujours pas défait, l’« axe de la résistance » n’est pas brisé et les otages ne sont pas libérés. Le chef des Pasdarans, le général Hossein Salami, a renchéri en assurant qu’Israël et les États-Unis seraient vaincus. Au-delà de la propagande, on devine que le régime iranien est convaincu d’une victoire possible.
C’est ce que souligne Raz Zimmt, un spécialiste israélien de l’Iran à l’Institute for National Security Studies (INSS) de Tel-Aviv : « Même dans les médias liés aux cercles les plus modérés de la République islamique, il n’y a aucune voix pour demander le réexamen de la politique iranienne, envisager une possible défaite du Hamas ou un changement dans l’équilibre régional du pouvoir. »
Gaza est de loin l’endroit le plus dangereux au monde pour un enfant et les décès d’enfants dus à la maladie dépasseront probablement ceux causés par les bombardements en l’absence d’un cessez-le-feu, a averti mardi le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
Le manque de nourriture, d’eau, d’abris et d’installations sanitaires continue de mettre en danger la vie des enfants qui souffrent des frappes aériennes incessantes et n’ont aucun endroit sûr où aller, a déclaré le porte-parole de l’UNICEF, James Elder, qui est récemment rentré de l’enclave.
Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir pour se prononcer sur une résolution qui devrait appeler à une pause dans les combats pour faciliter l’accès de l’aide, M. Elder a déclaré aux journalistes à Genève que « chaque enfant subit ces dix semaines d’enfer et aucun d’entre eux ne peut s’échapper ».
« Comme me l’a dit un parent d’un enfant gravement malade, ‘notre situation est une pure misère... Je ne sais pas si nous allons nous en sortir’ », a-t-il raconté.
Selon les autorités sanitaires de Gaza, plus de 19.400 Palestiniens ont été tués dans l’enclave depuis le début des représailles israéliennes contre les attaques terroristes meurtrières du Hamas le 7 octobre dernier, dont environ 70 % sont des femmes et des enfants.
Plus de 52.000 Palestiniens ont été blessés et leur accès aux soins vitaux est extrêmement limité. L’agence des Nations Unies pour la santé, l’OMS, a déclaré mardi que seuls huit des 36 hôpitaux de la bande de Gaza fonctionnaient au moins partiellement.
Les hôpitaux sont débordés par les enfants et leurs parents, qui portent tous « les horribles blessures de la guerre », a déclaré M. Elder. Il a souligné que lors de son séjour dans la bande de Gaza, il avait rencontré de nombreux jeunes amputés. Environ 1.000 enfants de Gaza ont perdu une jambe ou les deux, a-t-il précisé.
De son côté la porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Margaret Harris, a ajouté que le personnel de l’OMS à Gaza a déclaré qu’il ne pouvait même pas marcher dans les salles d’urgence « de peur de marcher sur des personnes » allongées sur le sol « en proie à de graves douleurs » et demandant de la nourriture et de l’eau.
Elle a qualifié la situation d’« inadmissible » et a déclaré qu’il était « inconcevable que le monde permette que cela continue ».
Hôpital bombardé
Au cours des dernières 48 heures, le plus grand hôpital de Gaza, l’hôpital Al Nasser de Khan Younis, dans le sud, a été bombardé à deux reprises, a indiqué M. Elder.
Cet hôpital « abrite non seulement un grand nombre d’enfants qui ont déjà été gravement blessés lors des attaques contre leurs maisons, mais aussi des centaines de femmes et d’enfants en quête de sécurité », a souligné le porte-parole de l’UNICEF, faisant référence à ceux qui ont dû fuir en raison des hostilités et des ordres d’évacuation.
On estime à 1,9 million le nombre de personnes déplacées à Gaza, soit la grande majorité de la population de l’enclave.
Les enfants blessés qui doivent faire face à la perte d’un être cher ont été contraints de déménager encore et encore, a déclaré M. Elder.
« Où vont les enfants et leurs familles ? Ils ne sont pas en sécurité dans les hôpitaux. Ils ne sont pas en sécurité dans les refuges. Et ils ne sont certainement pas en sécurité dans les zones dites ’sûres’ », a-t-il insisté.
« Aucun endroit n’est sûr »
Le porte-parole de l’UNICEF a expliqué que lesdites « zones de sécurité » étaient « tout sauf sûres » parce qu’elles avaient été désignées unilatéralement par Israël seul et qu’elles ne disposaient pas des « ressources suffisantes pour survivre » : nourriture, eau, médicaments, protection.
Elder a décrit ces zones comme « de minuscules parcelles de terre aride, ou des coins de rue, ou des bâtiments à moitié construits, sans eau, sans installations, sans abri contre le froid et la pluie et sans assainissement ».
« Dans les conditions de siège actuelles, il est impossible d’approvisionner ces zones de manière adéquate », a-t-il déclaré, ajoutant que lors de son récent séjour à Gaza, il avait fait l’expérience directe de cette réalité.
Diarrhée et malnutrition
Le porte-parole de l’UNICEF a mis l’accent sur le manque criant d’installations sanitaires adéquates, soulignant qu’à Gaza, il n’y a en moyenne qu’une toilette pour 700 personnes. Les cas de diarrhée chez les enfants sont supérieurs à 100.000 et, combinés à une malnutrition galopante, ils peuvent s’avérer de plus en plus mortels.
Aussi, plus de 130.000 enfants de moins de deux ans ne bénéficient pas d’un « allaitement maternel vital et d’une alimentation complémentaire adaptée à leur âge ».
Le cessez-le-feu est la seule solution
L’acheminement de l’aide est « une question de vie ou de mort » pour les enfants de Gaza, a déclaré M. Elder, et les conditions pour fournir cette aide « ne sont pas remplies ».
Le nombre de camions d’aide autorisés à entrer dans la bande de Gaza reste « bien inférieur à la moyenne quotidienne de 500 camions » qui entraient chaque jour ouvrable avant le 7 octobre, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).
Dimanche, OCHA a indiqué que 102 camions transportant des fournitures humanitaires et quatre camions-citernes de carburant étaient entrés à Gaza par le point de passage de Rafah, en provenance d’Égypte, et que 79 camions étaient entrés par le point de passage de Kerem Shalom, en provenance d’Israël, pour la première fois depuis le début de l’escalade.
Le Dr Harris, de l’OMS, a souligné qu’au-delà de l’acheminement des fournitures via la frontière de l’enclave, il était difficile d’acheminer l’aide là où elle était nécessaire, en raison des hostilités en cours, mais aussi des dégâts considérables causés aux routes.
« Un cessez-le-feu humanitaire immédiat et durable est le seul moyen de mettre fin aux meurtres et aux blessures d’enfants, ainsi qu’aux décès d’enfants dus à la maladie, et de permettre l’acheminement urgent d’une aide vitale dont on a désespérément besoin », a déclaré M. Elder.
La faim, l’autre ennemi des enfants de Ghaza
r micheldandelot1 dans Accueil le 24 Décembre 2023 à 14:44
Elias Sanbar, traducteur du poète de Palestine Mahmoud Darwich, revient, textes à l’appui, sur le secours et la force de mobilisation d’un verbe arabe à nul autre pareil : espoir au creux de la désolation, amour au cœur des combats, terre natale et grand large…
22 décembre 2023 à 15h54
AucuneAucune trêve des confiseurs à Gaza, aucune « paix des braves » à l’horizon dans une guerre qui, depuis les massacres du 7 octobre, a vu Israël passer du droit de se défendre à la prérogative de se venger. L’objectif de détruire le Hamas semble être devenu, sous nos yeux, celui de réduire le peuple palestinien.
Face à une telle situation, qui réjouit les cyniques et désespère les autres, Mediapart a voulu, avant les « fêtes » ou prétendues telles, se hisser jusqu’à des sommets de lutte et de beauté : la poésie de Mahmoud Darwich (1941-2008). Né en Palestine alors mandataire, au nord-ouest de la baie de Haïfa, dans un village de la plaine d’Acre nommé Al-Birwa, Darwich n’aura cessé d’écrire sur les ravages de la dépossession – qui ne sauraient pour autant avoir le dernier mot : « Jamais nos exils ne furent vains, jamais en vain nous n’y fûmes envoyés. »
Nous avons eu le désir d’entendre son traducteur, Elias Sanbar, que Darwich appelait le « poète parallèle » tant fut féconde leur amitié littéraire et politique. Cet entretien donne idée de l’archipel spirituel et combatif que constitue l’œuvre d’un rhapsode palestinien cultivant des chants à même de restaurer le « moi » collectif d’un peuple outragé, d’un peuple brisé, d’un peuple martyrisé, mais d’un peuple un jour libéré : « Nous aussi, nous aimons la vie quand nous en avons les moyens. »
Conçue tel un viatique en des temps effroyables, notre conversation avec Elias Sanbar, sur l’art et la manière de Mahmoud Darwich, se voudrait torchère dans les ténèbres : « Toi l’éclair, éclaircis pour nous la nuit, éclaircis donc un peu. »
En Cisjordanie occupée, les attaques de colons contre des Palestiniens se multiplient ainsi que les raids israéliens contre des localités arabes. Selon une récente enquête, le soutien au mouvement islamiste a considérablement augmenté.
JénineJénine (Cisjordanie occupée).– De la boue, des morceaux de bitume arrachés, des fils électriques qui pendent… Dans le nord de la Cisjordanie occupée, les abords du camp de Jénine ressemblent à un champ de bataille.
Partout, des impacts de balles. Impossible de savoir de quand ils datent. Cela fait plus de vingt ans que les murs sont les témoins de violents combats. Depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, les raids israéliens meurtriers se multiplient dans ce camp de réfugiés où s’entassent 18 000 personnes.
Le dernier, mi-décembre, a duré trois jours. Douze Palestiniens ont été tués et plusieurs dizaines d’autres arrêtés. Dans un communiqué, l’armée israélienne assure que cette incursion a permis la saisie d’armes et d’explosifs. Cette fois encore, les bulldozers israéliens ont détruit plusieurs rues. À chaque incursion, ces engins gigantesques écrasent les voitures sur leur passage et détruisent également les tuyaux de distribution d’eau et le système d’évacuation des eaux usées. « À croire qu’ils font également la guerre aux égouts ! », ironise un habitant.
Dans ce dédale de ruelles, un jeune combattant hâte le pas. Casquette noire vissée sur la tête, il parle peu. « Falloujah », c’est le surnom donné par les habitants à ce quartier, fief des groupes armés, en référence à la ville irakienne, théâtre d’affrontements particulièrement violents ces dernières années.
Les combattants du Hamas, du Djihad islamique palestinien et d’autres brigades locales vivent ici. Pour y pénétrer, il faut impérativement être accompagné. Plus que jamais, l’étranger est vu comme une potentielle menace. L’armée israélienne mène des raids meurtriers presque tous les jours dans ce labyrinthe.
Au fur et à mesure des années et des guerres, il est devenu le symbole de la lutte contre l’occupation. Dans certaines ruelles, de gigantesques bâches ont été tendues entre les maisons. Un ciel de toile noire qui permet aux groupes armés de se déplacer en échappant à la surveillance des drones israéliens.
« Il ne faut pas rester là, l’un des nôtres se cache ici », ordonne le combattant qui nous sert de guide. En quelques secondes, tout le monde remonte dans la voiture. Assis à l’arrière, le jeune Palestinien finit par lâcher quelques phrases. Arrêté par l’armée israélienne à 17 ans, il a été libéré l’été dernier après deux années en prison.
Sans emploi, privé d’éducation, il erre dans ce camp insalubre dont il n’a pas le droit de sortir. Jénine est devenu sa nouvelle cellule. Il a choisi de prendre les armes.
Sur son portable, il nous montre des images de lui tirant en l’air avec un fusil M4. Sur son écran cassé, les vidéos de propagande des groupes armés palestiniens défilent. «Tout le monde les regarde, ici », se réjouit le combattant. Sur les murs de « Falloujah », les portraits des « martyrs » sont partout. Tous sont morts lors d’affrontements avec des soldats israéliens. Tous sont jeunes, très jeunes parfois. Tous sont devenus des héros pour le quartier.
Au détour d’une rue apparaissent les décombres de plusieurs maisons. Fin novembre, elles ont été en partie détruites au cours d’un raid israélien qui a duré plus de seize heures. Aujourd’hui, il ne reste quasiment plus rien. Seulement deux canapés, recouvert de poussière, dont on devine encore leurs couleurs. Vert pour l’un, marron pour l’autre.
« C’est là que Mohamed Zubeidi a été tué », lâche notre jeune guide. Sur un mur qui tient à peine debout, une grande photo de celui qui est désormais « martyr » a été accrochée. À ses côtés, Hussam Hanoun, un membre du Hamas, lui aussi tué ce jour-là. Mohamed Zubeidi avait 27 ans, il était combattant pour le Djihad islamique palestinien.
Dans la maison familiale des Zubeidi défilent chaque jour des proches, des voisins venus présenter leurs condoléances. Un portrait du défunt est posé sur une table.
« Voilà Mohamed. Il a été tué le 29 novembre. Ce logo sur le côté, c’est celui de la compagnie d’électricité pour laquelle il travaillait », explique fièrement Jamal, le père. Assis sur un tabouret en plastique, le vieil homme enchaîne les cigarettes et les cafés.
Dans la pièce où il reçoit ont été accrochés une dizaine d’autres portraits d’hommes de la famille tués par l’armée israélienne. Une seule femme. « Elle a été abattue alors qu’elle traversait un checkpoint, lors de la première Intifada », raconte-t-il.
Neuf « martyrs » d’une même famille en trois décennies. « Pour la Palestine, rien n’est jamais trop, répète Jamal. C’est pour notre liberté. On fera tout pour arriver à libérer notre terre. Nous, on voudrait vivre comme tous les peuples du monde. Mais nous sommes obligés de prendre les armes. On ne nous a pas laissé le choix. » Plus de deux semaines après la mort de Mohamed, l’armée israélienne n’a toujours pas rendu le corps à son père, Jamal.
Un jeune garçon entre dans la pièce. Sur un téléphone, il joue à un jeu de course de voiture. Il a 12 ans. «Lui aussi il va devenir combattant et mourir en martyr,affirme son grand-père, Jamal. Nous lui avons donné le prénom de l’un de ses oncles, tué au combat. » Un autre enfant de 5 ans s’approche. Il porte un survêtement Nike bleu et pour lui aussi son aïeul promet un avenir fait de violences et d’armes.
Scène de liesse
Fin novembre, en Cisjordanie occupée, dans le cadre de l’accord conclu entre Israël et le Hamas, 240 détenus palestiniens ont pu sortir de prison, en majorité des femmes et des hommes âgés de moins de 19 ans, en échange d’otages kidnappés le 7 octobre. Des libérations accompagnées d’immenses scènes de liesse à Ramallah, Naplouse, Beitunia …
Dans la foule, des cris, des pleurs et partout des drapeaux des mouvements palestiniens. Verts pour le Hamas, noirs pour le Djihad islamique. Le 25 novembre 2023, sur les épaules d’un ami, Wael Bilal Mashy agite la bannière du Hamas. Ce jour-là, à Al-Bireh, près de Ramallah, des centaines de personnes sont venues pour acclamer cet ancien détenu, devenu lui aussi un héros. Le jeune homme crie « On dit oui à la résistance : que Dieu la protège ! C’est ainsi que nous voulons que les hommes soient ! Longue vie à la résistance, longue vie à ceux qui l’ont soutenue ! Longue vie aux brigades Ezzedine Al-Qassam. » Ce sont ces brigades, aile militaire du Hamas, qui étaient à la tête de l’attaque du 7 octobre sur Israël.
Selon une enquête d’opinion publiée le 13 décembre, le soutien au Hamas en Cisjordanie occupée a considérablement augmenté. 72 % des Palestiniens interrogés par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, principal institut de sondage palestinien, estiment que la décision du mouvement islamiste de lancer une attaque terrestre sur le sud d’Israël était appropriée.
85 % des personnes interrogées soutiennent l’action du Hamas depuis le début de la guerre contre Israël. Elles sont 10 % seulement à apporter le même soutien à l’Autorité palestinienne, et seulement 7 % à être encore derrière Mahmoud Abbas, au pouvoir depuis dix-huit ans.
Agé de 87 ans, l’actuel président de la Cisjordanie occupée semble donc avoir perdu le peu de légitimité qu’il lui restait. Le 19 octobre dernier, des centaines de Palestiniens sont descendus dans les rues de Ramallah en soutien à la bande de Gaza, mais aussi pour réclamer son départ.
Ce jour-là, quelques jeunes arborent déjà des bandeaux aux couleurs du Hamas. Parmi eux, Yazan, 19 ans. Pendant plusieurs heures, il va défier les soldats israéliens posté au checkpoint de Qalandia. « Nous n’avons peur de personne. Nous avons Dieu et le Hamas. Je les remercie de nous soutenir »,se vante le jeune palestinien avant de faire tourner agilement au dessus de sa tête son lance-pierre.
« L’ampleur des crimes israéliens et les discours de leurs responsables amènent ces jeunes à percevoir la lutte armée comme la seule voie possible », explique Johann Soufi, avocat spécialisé en droit international. « Le sentiment d’abandon de la “communauté internationale”, qui n’a pas la volonté ou la capacité d’imposer un cessez-le-feu, les conforte. C’est terrifiant, car nous allons assister dans les prochaines années à l’émergence d’une nouvelle génération, probablement bien plus violente et radicalisée que la précédente. Le Hamas ne sera pas vaincu par les armes, prévient le juriste. Pour chaque combattant tué à Gaza, deux ou trois rejoindront leurs rangs en Cisjordanie, à Gaza et dans les camps de réfugiés des pays limitrophes. C’est un cercle vicieux. »
Une violence sans fin
Depuis le 7 octobre, 310 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie occupée, selon le ministère de la santé palestinien. Plus que jamais, Ramallah, Naplouse, Jénine, Hébron vivent sous la pression de l’armée israélienne qui multiplie les arrestations. Près de 4 000, selon l’Autorité palestinienne et plusieurs ONG qui dénoncent également « des perquisitions et harcèlements massifs, des passages à tabac [...] en plus des sabotages et des destructions généralisés des maisons et de la confiscation de véhicules ». Pression également des colons les plus radicaux qui attaquent les fermiers dans leurs champs d’oliviers, les bédouins aux portes du désert.
Dans le salon de sa maison près de Bethléem, Ahmed − son prénom a été changé − offre le thé à ses invités. « J’ai mis de la sauge. Elle vient de mon jardin. Buvez, c’est délicieux. » L’homme aime parler de la Palestine. Cette terre à laquelle il est si attaché. Sa petite-fille ne le lâche pas, elle a recouvert ses cheveux d’un keffieh noir et blanc, symbole de la résistance palestinienne.
Dans la cuisine, le son de la télévision est poussé à fond. Abou Obeida fait ce jour-là un discours. Le porte-parole militaire du Hamas. « Il n’a pas parlé depuis longtemps, souligne Ahmed. Cette résistance par les armes est le résultat de ce qu’ils ont créé. Si je viens, que je prends votre maison, que je frappe votre femme, vous allez réagir comment ? On a le droit de vivre comme vous. Je vous assure, on a perdu espoir. Il n’y a jamais de justice pour nous. Regardez ce qui se passe à Gaza ! Même votre président Macron cède à la pression d’Israël et des États-Unis. »
Issa, le fils d’Ahmed, entre dans la pièce. Un petit garçon qui marche à peine s’accroche à l’un de ses doigts pour ne pas tomber. « J’espère que mon petit-fils connaîtra un meilleur avenir, sans occupation », soupire le grand-père. Certaines voix palestiniennes s’élèvent encore aujourd’hui pour prôner la paix. Elles sont rares et peu audibles mais elles existent. Ibrahim Enbawi, 55 ans, fait partie de ces pacifistes. Il y a plusieurs années, son frère et son oncle ont été tués par l’armée israélienne. Aujourd’hui, il vit dans le camp de réfugiés de Chouafat, près de Jérusalem.
C’est là qu’il nous donne rendez-vous. Passer les checkpoints pour aller jusqu’à Jérusalem-Est, partie occupée, lui prendrait trop de temps. « En 1985, je suis sorti de prison un an après mon arrestation par les autorités israéliennes. J’ai réalisé à ce moment-là que la violence n’était pas une solution pour régler tout cela. Le plus important pour moi, ce n’est pas de convaincre les gens, c’est surtout de les pousser à réfléchir. Je leur pose des éléments sur la table, ensuite c’est à eux de choisir. »
Avant l’attaque du 7 octobre, le Palestinien enchaînait les conférences avec des Israéliens, pacifistes comme lui, tous membres d’une même association qui milite pour le dialogue. Les prochains rendez-vous dans les universités et les écoles ont été annulés après l’attaque du Hamas.
« On a encore un long chemin à parcourir. On partage l’eau, l’oxygène, la lumière, le vent et la terre. Ce n’est pas facile mais sans la paix, il va y avoir d’autres guerres et d’autres morts. Le problème, c’est que la culture de la paix n’intéresse personne ici. Regardez, il faut qu’il y ait beaucoup de sang comme le 7 octobre pour que les médias du monde entier s'intéressent un peu à ce que vivent les Palestiniens de Cisjordanie. » Au fur et à mesure de notre entretien, Ibrahim Enbawi le concède : « Tant que l’occupation israélienne se poursuit, cette spirale de violence ne s’arrêtera jamais. »
C’est cette même occupation qui a interdit à la famille Al-Maghrabi de célébrer la libération de Hamza, leur fils de 17 ans. Les consignes de la police israélienne étaient strictes : pas de scènes de liesse ni de musique dans le secteur de Jérusalem-Est.
À l’abri des regards, derrière les volets clos, proches et voisins se succèdent dans leur maison, sur les hauteurs de Sur Baher. Ils sont venus saluer le jeune homme, libéré dans le cadre de l’accord conclu entre Israël et le Hamas.
Il était emprisonné depuis le mois de février, accusé d’avoir lancé un cocktail Molotov sur un poste de police israélien. Condamné à trente-deux mois de détention, il aurait dû être libéré en 2026.
Rawad, son père, serre la main de chaque invité, l’un après l’autre. Charismatique, physique imposant, son regard tranche avec son sourire franc. « J’essaye, en tant que père de famille, de le protéger un maximum, confie le Palestinien. Je l’empêche de sortir pour éviter qu’il se retrouve face à des policiers israéliens, ou contrôlé par l’armée à un checkpoint, parce que s’ils regardent sa carte d'identité, ils sauront qu’il a été libéré en échange d’otages et ils vont peut-être l’humilier ou même l’arrêter à nouveau. »
Depuis sa libération, Hamza reste chez lui. Il n’a pas pu retourner à l’école. L’accès à son lycée lui a été interdit. Une nouvelle prison physique et mentale. « Grâce à Dieu j’ai retrouvé ma famille. Je suis content, bien sûr. Mais j’aimerais pouvoir poursuivre mes études »,raconte l’adolescent au visage fin.
Entre Rita et mes yeux, un fusil Et celui qui connaît Rita se prosterne Et adresse une prière à la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel Moi, j’ai embrassé Rita quand elle était petite Je me rappelle comment elle se colla contre moi Et de sa plus belle tresse couvrit mon bras Et moi, je me rappelle Rita Ainsi qu’un moineau se rappelle son étang Ah Rita! Entre nous, mille oiseaux, mille images D’innombrables rendez-vous criblés de balles par un fusil Le nom de Rita prenait dans ma bouche un goût de fête Le corps de Rita dans mon sang était célébration de noces Et deux ans durant, je me suis perdue dans Rita Et deux ans durant, Rita a dormi sur mon bras Nous prêtâmes serment autour du plus beau calice, nous brulâmes dans le vin de (nos) lèvres et nous ressuscitâmes. Ah Rita! Qu’est-ce qui aurait pu éloigner mes yeux des tiens, Hormis le sommeil et les nuages couleur de miel, avant ce fusil ? Il était une fois Ô silence du crépuscule Au matin, ma lune a émigré, loin dans ces yeux couleur de miel Et la ville a balayé tous les aèdes…et Rita. Entre Rita et mes yeux, un fusil.
Les États coloniaux ont une durée de vie limitée. Israël ne fait pas exception. Israël apparaîtra triomphant après avoir terminé sa campagne génocidaire à Gaza et en Cisjordanie. Soutenu par les États-Unis, il atteindra son objectif dément. Ses déchaînements meurtriers et sa violence génocidaire extermineront les Palestiniens ou les nettoieront sur le plan ethnique. Son rêve d’un État exclusivement juif, où tous les Palestiniens qui resteront seront privés de leurs droits fondamentaux, se réalisera. Il se délectera de sa victoire sanglante. Il célébrera ses criminels de guerre. Son génocide sera effacé de la conscience publique et jeté dans l’immense trou noir de l’amnésie historique d’Israël. Ceux qui ont une conscience en Israël seront réduits au silence et persécutés.
Mais le temps qu’Israël parvienne à décimer Gaza – Israël parle de plusieurs mois de guerre – il aura signé sa propre condamnation à mort. Sa façade de civilité, son prétendu respect de l’État de droit et de la démocratie, son histoire mythique du courage de l’armée israélienne et de la naissance miraculeuse de la nation juive seront réduits en cendres. Le capital social d’Israël sera épuisé. Il sera révélé comme un régime d’apartheid laid, répressif et rempli de haine, ce qui aliénera les jeunes générations de juifs américains. Son protecteur, les États-Unis, au fur et à mesure que de nouvelles générations arriveront au pouvoir, se distanceront d’Israël comme ils se distancient actuellement de l’Ukraine. Son soutien populaire, déjà érodé aux États-Unis, viendra des fascistes christianisés américains qui voient dans la domination d’Israël sur d’anciennes terres bibliques un signe avant-coureur du second avènement et qui voient dans l’assujettissement des Arabes une forme de racisme et de suprématie de la race blanche.
Le sang et la souffrance des Palestiniens – dix fois plus d’enfants ont été tués à Gaza qu’en deux ans de guerre en Ukraine – ouvriront la voie à l’oubli d’Israël. Les dizaines, voire les centaines de milliers de fantômes auront leur revanche. Israël deviendra synonyme de ses victimes comme les Turcs le sont des Arméniens, les Allemands des Namibiens et plus tard des Juifs, et les Serbes des Bosniaques. La vie culturelle, artistique, journalistique et intellectuelle d’Israël sera exterminée. Israël sera une nation stagnante où les fanatiques religieux, les bigots et les extrémistes juifs qui ont pris le pouvoir domineront le discours public. Il trouvera ses alliés parmi d’autres régimes despotiques. La répugnante suprématie raciale et religieuse d’Israël sera son attribut déterminant, ce qui explique pourquoi les suprématistes blancs les plus rétrogrades des États-Unis et d’Europe, y compris des philosémites tels que John Hagee, Paul Gosar et Marjorie Taylor Greene, soutiennent Israël avec ferveur. La prétendue lutte contre l’antisémitisme est une célébration à peine déguisée du pouvoir blanc.
Les despotismes peuvent exister longtemps après leur date de péremption. Mais ils sont en phase terminale. Il n’est pas nécessaire d’être un érudit biblique pour voir que la soif de sang d’Israël est contraire aux valeurs fondamentales du judaïsme. L’instrumentalisation cynique de l’Holocauste, notamment en faisant passer les Palestiniens pour des nazis, n’a que peu d’efficacité lorsqu’il s’agit de perpétrer un génocide en direct contre 2,3 millions de personnes enfermées dans un camp de concentration.
Les nations ont besoin de plus que de la force pour survivre. Elles ont besoin d’une mystique. Cette mystique donne un but, une civilité et même une noblesse qui incitent les citoyens à se sacrifier pour la nation. La mystique offre un espoir pour l’avenir. Elle donne un sens. Elle est source d’identité nationale.
Lorsque les mystiques implosent, lorsqu’elles sont révélées comme des mensonges, un fondement central du pouvoir de l’État s’effondre. J’ai rapporté la mort des mystiques communistes en 1989 lors des révolutions en Allemagne de l’Est, en Tchécoslovaquie et en Roumanie. La police et l’armée ont décidé qu’il n’y avait plus rien à défendre. La décadence d’Israël engendrera la même lassitude et la même apathie. Il ne sera pas en mesure de recruter des collaborateurs indigènes, tels que Mahmoud Abbas et l’Autorité palestinienne – honnie par la plupart des Palestiniens – pour faire le travail des colonisateurs. L’historien Ronald Robinson cite l’incapacité de l’Empire britannique à recruter des alliés indigènes comme le moment où la collaboration s’est transformée en non-coopération, un moment déterminant pour le début de la décolonisation. Une fois que la non-coopération des élites autochtones se transforme en opposition active, explique Robinson, le “retrait rapide” de l’Empire est assuré.
Il ne reste plus à Israël que l’escalade de la violence, y compris la torture, qui accélère le déclin. Cette violence généralisée fonctionne à court terme, comme ce fut le cas lors de la guerre menée par les Français en Algérie, de la “ sale guerre ” menée par la dictature militaire argentine et du conflit britannique en Irlande du Nord. Mais à long terme, elle est suicidaire.
“ On pourrait dire que la bataille d’Alger a été gagnée grâce à l’utilisation de la torture ”, a observé l’historien britannique Alistair Horne, “ mais que la guerre, la guerre d’Algérie, a été perdue ”.
Le génocide de Gaza a fait des combattants du Hamas des héros dans le monde musulman et dans le Sud. Israël peut anéantir les dirigeants du Hamas. Mais les assassinats passés – et actuels – d’un grand nombre de dirigeants palestiniens n’ont guère contribué à émousser la résistance. Le siège et le génocide à Gaza ont produit une nouvelle génération de jeunes hommes et femmes profondément traumatisés et enragés, dont les familles ont été tuées et les communautés anéanties. Ils sont prêts à prendre la place des dirigeants martyrs. Israël a fait grimper les actions de son adversaire dans la stratosphère.
Israël était en guerre contre lui-même avant le 7 octobre. Les Israéliens manifestaient pour empêcher le Premier ministre Benjamin Netanyahou d’abolir l’indépendance de la justice. Ses bigots et fanatiques religieux, actuellement au pouvoir, avaient monté une attaque déterminée contre la laïcité israélienne. L’unité d’Israël depuis les attentats est précaire. C’est une unité négative. Elle est maintenue par la haine. Et même cette haine ne suffit pas à empêcher les manifestants de dénoncer l’abandon par le gouvernement des otages israéliens à Gaza.
La haine est une denrée politique dangereuse. Une fois qu’ils en ont fini avec un ennemi, ceux qui attisent la haine en cherchent un autre. Les “animaux humains” palestiniens, une fois éradiqués ou soumis, seront remplacés par des apostats et des traîtres juifs. Le groupe diabolisé ne peut jamais être racheté ou guéri. Une politique de haine crée une instabilité permanente qui est exploitée par ceux qui cherchent à détruire la société civile.
Le 7 octobre, Israël s’est engagé dans cette voie en promulguant une série de lois discriminatoires à l’encontre des non-Juifs qui ressemblent aux lois racistes de Nuremberg qui privaient les Juifs de leurs droits dans l’Allemagne nazie. La loi sur l’acceptation des communautés permet aux colonies exclusivement juives d’exclure les candidats à la résidence sur la base de “l’adéquation avec la vision fondamentale de la communauté”.
Un grand nombre des jeunes Israéliens les mieux éduqués ont quitté le pays pour des pays comme le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni, et jusqu’à un million d’entre eux sont partis aux États-Unis. Même l’Allemagne a vu affluer quelque 20 000 Israéliens au cours des deux premières décennies de ce siècle. Environ 470 000 Israéliens ont quitté le pays depuis le 7 octobre. En Israël, les défenseurs des droits de l’homme, les intellectuels et les journalistes – israéliens et palestiniens – sont traités de traîtres dans le cadre de campagnes de diffamation parrainées par le gouvernement, placés sous la surveillance de l’État et soumis à des arrestations arbitraires. Le système éducatif israélien est une machine d’endoctrinement pour l’armée.
L’universitaire israélien Yeshayahu Leibowitz a prévenu que si Israël ne séparait pas l’Église et l’État et ne mettait pas fin à son occupation des Palestiniens, il donnerait naissance à un rabbinat corrompu qui transformerait le judaïsme en un culte fasciste. “Israël ne mériterait pas d’exister et il ne vaudrait pas la peine de le préserver.
La mystique mondiale des États-Unis, après deux décennies de guerres désastreuses au Moyen-Orient et l’assaut du Capitole le 6 janvier, est aussi contaminée que son allié israélien. L’administration Biden, dans sa ferveur à soutenir inconditionnellement Israël et à apaiser le puissant lobby israélien, a contourné le processus d’examen par le Congrès avec le Département d’État pour approuver le transfert de 14 000 cartouches de munitions de chars à Israël. Le secrétaire d’État Antony Blinken a fait valoir qu’”il existe une situation d’urgence qui exige la vente immédiate”. Dans le même temps, il a cyniquement appelé Israël à minimiser les pertes civiles.
Israël n’a aucunement l’intention de minimiser les pertes civiles. Il a déjà tué 18 800 Palestiniens, soit 0,82 % de la population de Gaza – l’équivalent d’environ 2,7 millions d’Étasuniens. 51 000 autres ont été blessés. La moitié de la population de Gaza est affamée, selon les Nations unies. Toutes les institutions et tous les services palestiniens nécessaires à la vie – hôpitaux (seuls 11 des 36 hôpitaux de Gaza fonctionnent encore “partiellement”), stations d’épuration, réseaux électriques, systèmes d’égouts, logements, écoles, bâtiments gouvernementaux, centres culturels, systèmes de télécommunications, mosquées, églises, points de distribution de nourriture des Nations Unies ont été détruits. Israël a assassiné au moins 80 journalistes palestiniens ainsi que des dizaines de membres de leurs familles et plus de 130 travailleurs humanitaires de l’ONU ainsi que des membres de leur famille. Les victimes civiles sont au cœur du problème. Il ne s’agit pas d’une guerre contre le Hamas. C’est une guerre contre les Palestiniens. L’objectif est de tuer ou d’expulser 2,3 millions de Palestiniens de Gaza.
La mort par balle de trois otages israéliens qui avaient apparemment échappé à leurs ravisseurs et se sont approchés des forces israéliennes, torse nu, en brandissant un drapeau blanc et en appelant à l’aide en hébreu, n’est pas seulement tragique, elle donne un aperçu des règles d’engagement d’Israël dans la bande de Gaza. Ces règles sont les suivantes : tuer tout ce qui bouge.
Comme l’a écrit le général de division israélien à la retraite Giora Eiland, qui a dirigé le Conseil national de sécurité israélien, dans Yedioth Ahronoth, “[L]’État d’Israël n’a pas d’autre choix que de transformer Gaza en un endroit où il est temporairement ou définitivement impossible de vivre… Créer une grave crise humanitaire à Gaza est un moyen nécessaire pour atteindre l’objectif”. “Gaza deviendra un endroit où aucun être humain ne peut exister”, a-t-il écrit. Le général de division Ghassan Alian a déclaré qu’à Gaza, “il n’y aura ni électricité ni eau, il n’y aura que de la destruction. Vous vouliez l’enfer, vous l’aurez”.
Les États coloniaux qui perdurent, dont les États-Unis, exterminent par les maladies et la violence la quasi-totalité de leurs populations indigènes. Les fléaux de l’Ancien Monde apportés par les colonisateurs aux Amériques, comme la variole, ont tué environ 56 millions d’indigènes en une centaine d’années en Amérique du Sud, en Amérique centrale et en Amérique du Nord. En 1600, il ne restait plus qu’un dixième de la population d’origine. Israël ne peut pas tuer à cette échelle, avec près de 5,5 millions de Palestiniens vivant sous occupation et 9 millions d’autres dans la diaspora.
La présidence Biden, qui, ironiquement, a peut-être signé son propre acte de décès politique, est liée au génocide israélien. Elle tentera de prendre ses distances sur le plan rhétorique, mais en même temps, elle acheminera les milliards de dollars d’armes demandés par Israël – y compris 14,3 milliards de dollars d’aide militaire supplémentaire pour compléter les 3,8 milliards de dollars d’aide annuelle – pour “ finir le travail ”. Elle est un partenaire à part entière du projet de génocide israélien.
Israël est un État paria. Cela s’est manifesté publiquement le 12 décembre lorsque 153 États membres de l’Assemblée générale des Nations unies ont voté en faveur d’un cessez-le-feu, seuls 10 États – dont les États-Unis et Israël – s’y étant opposés et 23 s’étant abstenus. La campagne de terre brûlée menée par Israël à Gaza signifie qu’il n’y aura pas de paix. Il n’y aura pas de solution à deux États. L’apartheid et le génocide définiront Israël. Cela présage un long, très long conflit, que l’État juif ne pourra pas gagner en fin de compte.
Les vidéos filmées et diffusées par des soldats israéliens montrant des personnes arrêtées par l’armée israélienne dans le nord de la bande de Gaza suscitent l’indignation quant au traitement réservé aux prisonniers palestiniens. Des témoignages d’hommes libérés renforcent l’inquiétude.
UnUn soldat ne devrait pas filmer ça. Et encore moins le diffuser. Les téléphones portables alliés aux réseaux sociaux font plus de mal à une armée qu’un rapport d’une organisation de défense des droits humains. Parce qu’elles sont vues, postées et repostées.
Depuis le 7 décembre, des photos et des vidéos circulent sur la toile. On y voit des prisonniers palestiniens dans des postures humiliantes. Des files d’hommes menottés et aveuglés. Sur l’une d’elle, le premier, en tête de colonne, est affublé d’un drapeau israélien, une musique moqueuse accompagnant les images.
Dans une autre, des hommes marchent, vêtus uniquement de sous-vêtements, les mains entravées, des soldats autour et derrière eux, des ruines d’immeubles en arrière-plan. Un de ceux qui filment fredonne en hébreu quelques paroles d’un chant de la Pâque juive, célébrant la libération des esclaves juifs par Pharaon et leur départ d’Égypte. Un autre, plus prosaïque, lance en arabe « allez, allez », avant un « fils de pute » en hébreu.
Le droit international humanitaire, tel qu’écrit par les juristes du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), proscrit l’exposition à la curiosité publique et les traitements dégradants de ceux qui ne se battent pas et de ceux qui ont déposé les armes. Ces interdictions s’imposent aussi dans le cas de conflits non internationaux, comme celui de la bande de Gaza actuellement.
D’autres vidéos et photos ont été publiées par des journaux et télévisions israéliennes. Elles n’ont pas été fournies directement par l’armée israélienne. Mais la censure militaire s’imposant aux médias, il est difficile d’imaginer que les publications n’aient pas été approuvées par l’armée.
Elles montrent encore des prisonniers à genoux, têtes baissées, dans ce qui semble être une carrière de sable, alignés devant un fossé. Ou bien entassés à l’arrière d’un camion. Ou encore alignés en rang, assis par terre. La constante est l’absence de vêtements, hormis les slips, les mains attachées, les yeux bandés.
Sollicitée, l’armée israélienne répond qu’il est « souvent nécessaire que les personnes soupçonnées de terrorisme remettent leurs vêtements pour qu’ils puissent être fouillés et pour s’assurer qu’ils ne cachent pas de gilets explosifs ou d’autres armes ».
La méthode n’est pas nouvelle. Contraindre les hommes à se dévêtir est devenu habituel lors de la deuxième Intifada (2000-2005), non seulement pendant les arrestations, mais aux barrages militaires, par crainte d’attentats suicide. Les menottes, le bandeau sur les yeux, sont également dans la norme. Il est inédit, cependant, de voir la diffusion, à cette échelle, de tels clichés.
L’humiliation est une constante du sort des prisonniers palestiniens
« J’ai été arrêté cinq fois pendant la première Intifada [1987-1993 – ndlr], se souvient Raji Sourani, avocat, directeur du Centre palestinien pour les droits de l’homme (PCHR) basé dans la bande de Gaza. À chaque fois j’ai été aveuglé par un bandeau, menotté, battu, humilié. En tant qu’avocat, je défends le droit des prisonniers depuis des décennies. Mais cette fois, même moi, avec mon expérience, je suis effaré. Jamais je n’aurais pensé que ça puisse prendre une telle ampleur. »
Plusieurs médias israéliens avancent que ces hommes sont des membres du Hamas qui se sont rendus dans des zones que l’armée israélienne décrit comme des places fortes du mouvement islamique, comme Jabalia ou Khan Younès.
Premières vérifications des activistes et des organisations de défense des droits humains, et premiers démentis : le travail de géolocalisation démontre que les vidéos dont il est question prouvent qu’elles ont été prises dans un autre quartier du nord de la bande de Gaza. « Dès que nous avons vu les vidéos, nous avons fait deux choses. Nous avons vérifié qu’elles montraient des événements qui s’étaient réellement produits et nous avons géolocalisé les lieux, près d’une école à Beit Lahia », raconte Budour Hassan, chercheuse à l’ONG Amnesty International.
Il s’agit d’un de ces établissements scolaires gérés par l’UNRWA, l’agence onusienne d’assistance aux réfugiés palestiniens, où des milliers de familles sont allées chercher un refuge précaire. Certains hommes ont été contraints, sous la menace, d’en sortir et ont été arrêtés.
Le droit des détenus à n’être pas torturés ou traités de manière inhumaine ou dégradante est absolu et s’applique à toutes les personnes, qu’elles participent ou non aux hostilités.
Amnesty International
Démentie aussi, l’allégation les présentant comme des membres du mouvement islamique. « Nous avons pu identifier certaines personnes et nous avons été également contactés par des gens nous disant : “Cette personne est un civil, cette personne est un journaliste, nous connaissons cette personne du quartier : et non seulement il n’est pas du Hamas, mais il critique le Hamas” », affirme Budour Hassan. « On ne peut pas vraiment identifier tous ceux qui sont sur les photos car l’image n’est pas très claire. Nous avons cependant identifié des personnes âgées et des enfants de moins de 16 ans », ajoute la chercheuse.
Très rapidement après l’apparition des images, un journal basé à Londres, Al-Araby Al-Jedid, reconnaît le chef de son bureau à Gaza, Dia al-Kahlout, et le fait savoir. Le PCHR de Raji Sourani identifie, lui, un de ses collaborateurs, avocat et chercheur.
Ce dernier a témoigné, une fois libéré, des circonstances de son arrestation : « L’armée israélienne a exigé par haut-parleur que les habitants sortent des immeubles et des écoles, femmes d’un côté et hommes de l’autre, relate Raji Sourani, qui a recueilli ses propos. Les femmes ont dû enlever leur voile, les hommes se déshabiller entièrement, à l’exception de leur sous-vêtement. Les soldats étaient très nerveux, ils les ont battus, leur ont craché dessus, puis les ont emmenés à un endroit où étaient déjà rassemblés des centaines de prisonniers. »
Dans un communiqué publié mercredi 20 décembre, Amnesty International rappelle ces faits et cingle : « Ces hommes ont été dépouillés de leur dignité et déshumanisés en violation du droit international. Rien ne peut justifier que l’on se moque des détenus ou qu’on les humilie délibérément. Le droit des détenus à n’être pas torturés ou traités de manière inhumaine ou dégradante est absolu et s’applique à toutes les personnes, qu’elles participent ou non aux hostilités. La torture, les traitements inhumains, les disparitions forcées et les atteintes à la dignité de la personne commis dans des situations de conflit armé et d’occupation sont des crimes de guerre ; lorsqu’ils sont commis dans le cadre d’une attaque systématique ou généralisée contre des civils, ils constituent des crimes contre l’humanité. »
La méthode est donc de ratisser large, pour avoir la chance d’attraper quelques poissons. Le porte-parole de l’armée, Daniel Hagari, l’assume en commentant les images apparues le 7 décembre : « Jabalia et Shejaia sont des centres de gravité, ce sont aussi des camps de réfugiés pour terroristes, et nous les combattons […] Quiconque reste dans ces zones, sort ou rentre de tunnels ou de maisons, nous enquêtons et vérifions qui, parmi eux, est connecté au Hamas, et qui ne l’est pas, en arrêtant tout le monde et en les interrogeant. »
L’armée ne communique pas sur les lieux de détention, ni sur les méthodes d’interrogatoire. Par e-mail, elle se contente de répondre : « Dans le cadre de l’activité des FDI [Forces de défense d’Israël – ndlr] dans la zone de combat, des individus soupçonnés d’être impliqués dans des activités terroristes sont détenus et interrogés. Les personnes dont il s’avère qu’elles ne participent pas à des activités terroristes sont libérées. Les personnes détenues sont traitées conformément au droit international. »
Des récits de torture sur des civils
Douter du storytelling de l’armée israélienne est légitime. Des témoignages des hommes libérés ainsi que des enquêtes publiées le 18 décembre par l’organisation basée à Genève Euro-Med Human Rights Monitor et le quotidien israélien Haaretz font état de mauvais traitements et tortures. Plusieurs sont morts en détention mais « les circonstances du décès ne sont pas claires », écrit Haaretz.
« Nous n’avons aucune idée du nombre de personnes arrêtées, ni de leur sort, hormis pour celles qui ont été libérées, reprend Raji Sourani. Notre avocat correspondant en Israël a contacté le service des prisons. Il lui a répondu qu’il n’avait rien à voir avec les prisonniers de Gaza. Ça signifie que ces prisonniers sont hors du circuit légal. » De fait, une loi permet de sortir les suspects considérés comme « combattants illégaux » du statut de prisonniers de guerre. Votée en 2002 et peu invoquée depuis, elle est susceptible de s’appliquer aux combattants de la bande de Gaza et du Liban.
Depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, qui a tué environ 1 200 personnes, principalement des civils, d’autres mesures d’exception ont été adoptées, qui étendent la durée de détention sans présentation à un juge jusqu’à 45 jours, et sans pouvoir faire appel à un avocat jusqu’à 80 jours.
Tous les hommes relâchés par l’armée israélienne, et donc convaincus de n’avoir aucun lien avec le Hamas ou un autre groupe armé, font état de faim et de soif, de mauvais traitements et de tortures pendant des jours entiers. Les menottes très serrées portées pendant des jours leur ont laissé de profondes coupures au niveau des poignets.
« Ils [les soldats israéliens – ndlr] m’ont cassé des morceaux de verre sur la tête », dit l’un d’eux, interrogé par la télévision Al-Ghad dans la bande de Gaza. Le petit groupe dont il fait partie est visiblement éprouvé. « J’ai subi l’électricité », ajoute un deuxième. « Ils nous traitaient de terroristes, de Hamas », complète-t-il.
Des exécutions sommaires ?
Un groupe d’hommes et d’adolescents relâchés a été rencontré par l’agence de presse Sawa, qui dépend de Press House Palestine, organisation de défense de l’indépendance de la presse. Ossama Odeh, un habitant du quartier de Zeitoun dans la ville de Gaza, raconte qu’après avoir rassemblé les hommes, l’armée israélienne a emmené un petit groupe d’une vingtaine de jeunes gens : « L’armée a commencé de jeter les jeunes hommes dans les basses terres et le bulldozer a commencé de leur jeter du sable jusqu’à ce qu’ils soient enterrés vivants. »
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