Le monarque républicain a pris une décision seul, il se retrouve maintenant seul. En son pouvoir souverain et sans partage, le roi avait joué la France en un coup de poker, il l'a fracassée. Il voulait une majorité absolue, il a pulvérisé son parti. Il voulait la stabilité institutionnelle de son pouvoir, il se retrouve face à un risque de désordre encore pire qu'il ne l'était auparavant.
La France est passée à côté du désastre, le parti fasciste n'a pas la majorité absolue tant espérée par lui. Mais je souhaiterais me prononcer avec un recul et une parole extérieurs à la liesse des partisans et électeurs qui se sont mis en barrage pour contrer la peste noire de l'histoire. La porte a été fermée, au loup mais il n'a pas fui, il est encore plus fort et attend son heure. Pourquoi un tel pessimisme, ou une réserve ? Car la joie qui s'exprime n'est en fait qu'un soulagement que le RN n'ait pas obtenu la majorité absolue. Cette joie n'a pas encore laissé place à la raison qui va lui remettre le regard sur la réalité. Regardons les résultats avec un esprit distancié et analysons le comment et le pourquoi un homme seul a tenté une telle folie. Il s'agira beaucoup plus de lui, dans cet article, car c'est l'homme qui dirigera la France pour encore trois ans.
Le Rassemblement National a perdu ?
Je n'ai peut-être pas compris l'arithmétique. Il avait 89 sièges, il en a maintenant 143. Curieuse défaite. Le camp présidentiel comptait 245 sièges, il se retrouve avec 156 sièges. Le Président a porté un coup fatal à ce qu'il restait encore de viable dans le parti qui l'avait porté au pouvoir. Le RN n'attendait que cela, c'est déjà un obstacle qui n'est plus sur son chemin pour la suite.
Quant au grand gagnant de ces élections, Le Nouveau Front Populaire compte désormais 174 sièges. Le NFP, ce n'est pas celui dont les membres s'écharpent, depuis des mois, avec des noms d'oiseaux et qui se sont mis d'accord en quatre jours avec des tas de bisous? Pourtant les longs gourdins cachés derrière leur dos sont visibles à un kilomètre. Un siècle de bagarre dans la gauche, les fameuses « deux gauches irréconciliables », et quatre jours pour une réconciliation, ce n'est pas un mariage précipité ?
Le dernier mariage que la gauche avait célébré datait du début du règne de Mitterrand en 1981. Il avait fini très rapidement par un divorce violent.
Le Président Macron a joué la France par un coup de poker, elle n'a pas été ruinée, a évité la catastrophe mais hypothéqué ses chances dans un avenir incertain.
Un décompte en sièges plus catastrophique que ce qu'il était avant la dissolution, il me faut beaucoup d'imagination pour qualifier le résultat de victoire.
Une déraison incompréhensible
Il n'avait prévenu personne si ce n'est informer la Présidente de l'Assemblée Nationale et le Président du Sénat comme l'impose la constitution. Ils n'avaient aucun pouvoir de bloquer sa décision. De plus il ne les avait avertis que très tardivement, à la vieille de sa décision. Puis la colère de la classe politique comme celle de la population s'était manifestée dès l'annonce d'une dissolution incomprise et dangereuse. Aucun espoir qu'elle ne cesse désormais, juste après la fête.
Emmanuel Macron avait pris acte des résultats catastrophiques des élections européennes. Il avait alors pensé que la nouvelle force du Rassemblement National allait décupler sa capacité de blocage. Mais comment cela se peut-il puisque l'élection européenne n'avait absolument aucun effet sur le nombre de sièges dans l'Assemblée nationale ?
Jupiter redescend de l'Olympe
L'image du dieu mythologique et son règne absolu est assez classique et nous pouvons la reprendre à bon compte. C'est d'ailleurs le Président Emmanuel Macron lui-même qui souhaitait être un « Président jupitérien » dans un entretien en 2016, accordé au magazine Challenges' au moment de sa conquête du pouvoir.
Ses deux prédécesseurs avaient eux aussi été poursuivis par une qualification qui collera à leur image. Nicolas Sarkozy avait été « l'hyper président », celui qui avait théorisé qu'il fallait « créer chaque jour un événement pour que chaque jour nécessite une intervention de la parole présidentielle ». Il était partout, se mêlant de tout et ne laissant aucun espace d'intervention à son gouvernement. C'est pourtant exactement ce que fera Emmanuel Macron.
Quant à François Hollande, il s'est qualifié lui-même de Président « normal » pour se démarquer de l'exubérance de son prédécesseur. Emmanuel Macron, son ministre de l'Economie, avait vécu une normalité du Président qui avait provoqué la fronde de ses partisans et le harcèlement des journalistes qui ont fini par l'étouffer (en amplifiant le rejet populaire à son égard) jusqu'à son abandon d'une nouvelle candidature. C'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron avait estimé qu'il fallait éviter les deux écueils et redonner à la fonction la dignité de son rang. Il voulait restaurer l'horizontalité jupitérienne du pouvoir et prendre de la hauteur par rapport aux médias avec lesquels il souhaitait avoir « une saine distance ».
Il voulait se démarquer des deux autres Présidents mais il a créé une déclinaison commune en devenant un « hyper président anormal et rejeté ». Tout cela est démoli, Jupiter redescend de son Olympe.
Le syndrome du premier de la classe
La montée fulgurante d'un homme jeune et sa stupéfiante réussite, en si peu de temps, pour devenir Président de la République avait été jugée comme exceptionnelle. L'homme avait été salué dans son exploit et une route lui était désormais tracée.
Selon ses propres mots, il voulait « gouverner autrement », sortir du tunnel de la « vieille politique » et mettre fin aux blocages des partis politiques qu'il avait connus avec François Hollande face à la crise des « frondeurs » de son propre camp. Il voulait intégrer la France dans le mouvement mondial de la « Start-up nation », redonner à la France sa capacité à s'ouvrir au monde, à créer les conditions de sa modernité et sortir du traditionnel combat historique et stérile entre la gauche et la droite. Il voulait des « premiers de cordée », c'est-à-dire placer au sommet de la pyramide ceux qui ont la capacité de créer, d'innover et d'entraîner un « ruissellement vers le bas », c'est-à-dire au profit des autres. Il avait cru que c'était l'excellence qui gouvernait le monde. Il avait oublié que si cette dernière était indispensable par le dynamisme d'une jeunesse diplômée et la compétence de hauts cadres, il fallait un projet politique qui crée les conditions d'adhésion et d'entrainement d'une société. Il avait cru qu'un pays se gouvernait comme une entreprise.
Ni à droite ni à gauche, nulle part
Pour arriver à cet objectif ambitieux, Emmanuel Macron voulait écarter les corps intermédiaires et créer un centre puissant. Dans toutes ses déclarations, une expression qui va lui coller à la peau « en même temps ». Chaque décision se voulait être ni-ni, ni les vieilles lunes de droite ni celles de gauche. Il avait cru alors avoir trouvé ce territoire central si recherché et jamais réellement découvert, celui qui unit une société. Un fantasme de la politique française qui avait fait dire à François Mitterrand aux journalistes : « le centre est au fond du couloir, à droite ». Puis une autre fois, « curieux que ce centre qui vote à droite ».
Son projet de créer ce centre mythique fut alors d'affaiblir les deux partis de gouvernement qui alternaient au pouvoir depuis 1981, avec l'arrivée de François Mitterrand et de les attirer vers lui. Il avait réussi à débaucher un certain nombre de leurs cadres, séduits par ce jeune homme aux visions d'avenir. En fait, ils souhaitaient surtout quitter deux partis en déclin et prendre leur chance avec un nouveau souffle promis. Ainsi il a détruit les traditionnels partis républicains et de gouvernement. À gauche, le Parti Socialiste et à droite, Les Républicains, qui sont devenus des coquilles presque vides. Il devrait s'en mordre les doigts car ils auraient été ses chances actuelles d'une éventuelle coalition en sa faveur.
À s'acharner à détruire l'existant politique, il n'a créé ni le « ni-ni », ni le « gouverner autrement », ni construire un centre solide. Finalement, il est arrivé nulle part.
Le pouvoir et la solitude du Prince
Goethe affirmait que «la solitude est enfant du pouvoir » et Machiavel que « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument» (Le Prince, 1513).
Bien entendu, pour Emmanuel Macron on doit écarter la corruption dans le sens de l'appropriation matérielle illégale mais retenir celle de l'esprit. Pour sa défense, on peut également dire que la lourde responsabilité et les décisions quotidiennes importantes pour gérer les affaires de l'Etat nous rapprochent d'une seconde affirmation de Goethe « toute production importante est l'enfant de la solitude ». On doit aussi écarter l'image du pouvoir isolé dans le Palais de l'Elysée. « La république est dans ses meubles » disait Mitterrand lorsqu'il avait reçu des chefs d'Etat, à Versailles. Tous les édifices prestigieux ont été la propriété de la noblesse de sang et d'argent, construits par le fruit du labeur et du talent du peuple. Installer les hommes du pouvoir républicain et leurs administrations dans ces palais est la marque de la magnificence de l'Etat, donc celle du peuple. Cependant, en sens contraire, on peut reprocher à tous les Présidents de la cinquième république d'avoir été envoutés par la puissance qui les isole davantage. Tous les intimes et compagnons qui ont permis au Prince d'accéder au pouvoir ont vécu avec le temps son éloignement progressif et un enfermement dans sa certitude d'être la source de développement et de la protection du pays.
Et maintenant, que peut la solitude ?
Une remarque préalable, cet article est rédigé avant qu'une décision soit prise par Emmanuel Macron. Qu'importe, d'une part il est peu probable que la décision soit prise demain et par ailleurs, cela permet d'analyser toutes les options possibles dans une telle situation. Une seconde dissolution ? La constitution ne le lui permet pas avant un an. La démission ? Emmanuel Macron a déclaré qu'il ne l'envisage pas. Et puis, ce serait donner les clés de la Présidence de la république à Marine le Pen, en considération du mode de scrutin.
Un gouvernement de techniciens ? Il le pourrait, comme ce fut le cas très souvent en Italie, mais ce n'est pas la culture politique française. Certains prétendent que la seule exception fut le Premier ministre Raymond Barre mais ils ont oublié que celui-ci avait des ancrages politiques et une expérience d'élu, maire de longue date de la ville de Lyon, troisième métropole de France. Si l'image du technicien lui était attribuée c'est parce qu'il fut un grand professeur d'économie (le plus grand disait-on à cette époque).
La recherche d'une coalition majoritaire qui lui serait favorable ? À constater l'effort immense pour la gauche de construire le Nouveau Front Populaire alors que les positions politiques de chacune des composantes sont aussi éloignées que les étoiles entre elles. La coalition ne tiendrait pas plus longtemps que les promesses du menteur. J'ai bien peur que la gauche ne s'enthousiasme trop tôt et s'éloigne du chemin de l'unité. Elle est loin d'être atteinte malgré cette soirée de victoire.
La nomination du leader du parti majoritaire ? L'usage le voudrait mais il n'est pas obligé. Il aurait donc le choix entre Bardella et Mélenchon ? Pour une victoire, j'en ai connu des plus stables et durables.
Nommer un Premier ministre en dehors des partis majoritaires ? Dès la première motion de censure, il serait balayé comme une feuille au vent d'automne. Utiliser tous les autres pouvoirs que lui confère la constitution ? Ils sont puissants mais le Président serait alors obligé de refuser tous les textes gouvernementaux ou du Rassemblement National.
Le blocage permanent est-il dans le rôle de la fonction et de l'intérêt de la France pendant une année, avant la prochaine dissolution ? En conclusion, donner les clés à un jeune premier de la classe qui n'avait aucun parcours politique (dans le sens du militantisme), aucun parti politique enraciné dans les territoires et aucun projet autre que celui du rêve chimérique de détruire l'existant, c'était assurément donner un gros jouet à un enfant gâté. Il l'a fracassé.
Que s’est-il passé le 7 octobre ? Ça s’est cassé, ce qui est de notre ressort s’est cassé. On ne cesse depuis de se le repasser. De le ressasser comme si depuis ce n’était pas assez que d’y être passé. Le journal « Le Monde » relayé sur les ondes a essayé d’étayer « l’immonde » en sous-entendant pour tous les malentendants que c’est l’horreur qui a précédé et qui va succéder à l’horreur. Je me dépêche de vous lire in extenso la dépêche avant que la voix de leur maître ne m’en empêche. « On va débuter en 1948 quand l’état d’Israël est créé… donc le territoire de Palestine est divisé sans l’accord des palestiniens qui habitent ici, la plupart sont obligés de fuir ou sont expulsés : des dizaines de milliers vont alors affluer dans cette bande de Gaza.
L'entité sioniste, un facteur perturbateur central du Moyen-Orient, a façonné et a été façonnée par les événements conflictuels de la région pendant plus de 70 ans. Son parcours dramatique et complexe, marqué par des conflits territoriaux et des tensions ayant même mené à des actes qualifiés de génocide, a été sous le feu des projecteurs. Contrairement aux m
assacres perpétrés par les sionistes dans le passé, le génocide de Gaza a suscité un tollé mondial.
Les médias et les organisations de la société civile à travers le monde ont été unanimes dans leur condamnation des actions de l'armée sioniste. Les images de civils innocents tués ou blessés, d'infrastructures détruites et de communautés dévastées ont choqué et ému de nombreux observateurs. Les rapports des organisations des droits de l'homme ont corroboré ces accusations, mettant en lumière des violations flagrantes des normes internationales et des conventions humanitaires. Dans ce contexte, l'Afrique du Sud a pris une position historique en annonçant son intention de juger Israël pour crimes de guerre. Cette démarche, symbolique mais significative, a souligné la gravité des violations des droits de l'homme imputées à Israël et a mis en lumière l'impératif moral de tenir les responsables de ces actes pour responsables de leurs actions.
L'initiative de l'Afrique du Sud a également ravivé le débat sur la responsabilité internationale et la justice dans les conflits armés. Elle a rappelé aux États membres de la communauté internationale leur obligation de protéger les populations civiles en temps de guerre et de traduire en justice ceux qui commettent des violations graves du droit international humanitaire. Cette affaire met en lumière les défis complexes auxquels est confrontée la communauté internationale dans sa quête de justice et de paix au Moyen-Orient. Elle souligne également l'importance cruciale du respect des droits de l'homme et du droit humanitaire international dans la résolution des conflits régionaux. En fin de compte, elle rappelle que la quête de la justice et de la paix nécessite un engagement inébranlable en faveur de la vérité, de la responsabilité et du respect de la dignité humaine, quels que soient le contexte ou les acteurs impliqués. Face à une pression internationale croissante et à la détérioration de son image, Israël a choisi une réponse controversée et agressive en attaquant le consulat iranien en Syrie. Cette action, bien que destinée à détourner l'attention des accusations portées contre Israël et à obtenir le soutien des pays occidentaux, a soulevé d'importantes questions morales et politiques quant à l'éthique et à l'efficacité de la politique étrangère sioniste.
En s'en prenant au consulat iranien, Israël a délibérément exacerbé les tensions régionales déjà tendues. Cette attaque représente une escalade dangereuse dans un conflit complexe et multilatéral, où chaque action peut avoir des conséquences imprévisibles et potentiellement catastrophiques. Elle expose non seulement Israël et l'Iran à un risque accru de confrontation directe, mais elle menace également la stabilité de toute la région du Moyen-Orient.
De plus, l'attaque contre le consulat iranien est perçue comme une manipulation cynique des tensions géopolitiques existantes dans le but de servir les intérêts politiques immédiats d'Israël. En détournant l'attention de ses propres actions controversées à Gaza et en exploitant les rivalités régionales, Israël cherche à consolider son propre pouvoir et à affaiblir ses adversaires potentiels. Cette stratégie risquée met en danger la paix et la sécurité de tout le Moyen-Orient et soulève des questions fondamentales sur la responsabilité et la légitimité des actions étatiques dans le domaine des relations internationales.
Ce qui est tout aussi remarquable que les actions d'Israël est l'immobilité et la passivité de nombreux pays arabes, en particulier au sein de la Ligue arabe. Malgré les fortes critiques et les appels à l'action émanant des médias et de la société civile arabes, les dirigeants politiques de la région ont souvent échoué à prendre des mesures concrètes pour tenir Israël responsable de ses actions. Cette inertie peut être attribuée à une variété de facteurs, notamment la division politique au sein du monde arabe, les alliances géopolitiques complexes et les intérêts économiques. Au sein de la Ligue arabe, cette incapacité à agir de manière décisive face aux actions controversées d'Israël révèle des divisions profondes et des intérêts divergents parmi ses membres. Alors que certains pays arabes sont confrontés à des pressions internes et externes pour prendre des mesures fermes contre Israël, d'autres sont plus préoccupés par la préservation de leurs relations diplomatiques avec les puissances occidentales ou par la protection de leurs propres intérêts économiques et sécuritaires.
De plus, les alliances géopolitiques complexes dans la région jouent un rôle crucial dans la réponse des pays arabes aux actions israéliennes. Certains États arabes entretiennent des relations étroites avec Israël en raison de considérations géopolitiques ou de sécurité, ce qui limite leur volonté ou leur capacité à critiquer ou à sanctionner Israël pour ses actions controversées.
En outre, les intérêts économiques sont souvent prioritaires dans les décisions politiques des pays arabes. Certains pays de la région ont des liens économiques importants avec Israël ou dépendent de l'aide économique occidentale, ce qui peut influencer leur positionnement vis-à-vis d'Israël et limiter leur volonté d'agir.
La réaction attendue de l'Iran à cette provocation ne fera qu'alimenter un cycle de violence déjà dévastateur, mettant en péril la sécurité dans la région. De plus, cette tentative de susciter la solidarité occidentale en exploitant les tensions avec l'Iran souligne davantage l'immoralité de la politique de surenchère d'Israël. En cherchant à attiser les tensions régionales pour consolider son propre pouvoir et obtenir le soutien international, Israël met en danger la paix et la stabilité du Moyen-Orient, tout en soulignant les défis persistants auxquels est confrontée la communauté internationale dans la recherche d'une résolution pacifique des conflits dans la région.
L'utilisation de la provocation délibérée et de la politique de surenchère par Israël pour détourner l'attention des accusations de crimes de guerre et pour rallier le soutien international est non seulement condamnable sur le plan moral, mais également contre-productive sur le plan politique. Cette approche, qui privilégie les gains politiques à court terme au détriment de la résolution pacifique des conflits et du respect des normes internationales, ne fait qu'aggraver les tensions et prolonger les souffrances des populations innocentes prises au piège des conflits régionaux.
L'entité sioniste alimente un cycle de violence perpétuel qui sape les efforts de médiation sur le sort des prisonniers. La surenchère politique d'Israël ne fait qu'exacerber les divisions et les antagonismes dans la région, rendant la résolution des conflits encore plus difficile et lointaine. Au pied du mur, l'entité sioniste provoque l'Iran, ce qui, par conséquent, mettra les pays du Golfe de son côté autant que les Occidentaux, ce qui mettra le génocide de Gaza en second plan.
En définitive, la surenchère politique d'Israël ne mène qu'à davantage de souffrances et de destruction. Seule une approche fondée sur la reconnaissance du droit du peuple palestinien peut ouvrir la voie à une paix véritable, chose que l'entité sioniste rejette, quitte à enflammer toute la région.
L'entreprise génocidaire qui se poursuit depuis six mois contre le peuple gazaoui n'a de parallèle dans l'histoire humaine que les crimes commis contre les juifs par les nazis durant la seconde guerre mondiale.
Comment se fait-il qu'une partie des juifs dont les ancêtres ont été les victimes expiatoires du nazisme allemand auquel l'Europe quasi entière avait prêté main-forte pour exterminer jusque au dernier les membres de cette communauté deviennent eux-mêmes les bourreaux d'un peuple innocent ? Qui aurait pu penser ou imaginer qu'une partie des descendants des juifs naguère persécutés et brûlés vifs dans les fours crématoires de l'Europe démocratique et civilisée s'érigent soudain en fascisme génocidaire ? Les nations, comme la française, l'italienne et bien d'autres, qui apportent à présent un appui actif au nazisme israélien, à ses actes génocidaires avérés, oublient le rôle qu'elles avaient joué dans la livraison par wagons entiers de milliers d'hébreux aux allemands nazis assoiffés de sang juifs. Pierre Laval, ministre du Maréchal Pétain, n'avait-il pas mobilisé des dizaines de trains, pendant toute la durée de la guerre, pour transporter les juifs de France vers Allemagne pour y être massacrés ? Le même Laval n'avait-il pas, le 4 juillet 1942, fait déporter vers l'Allemagne 11 000 enfants juifs de moins de 16 ans et qui furent tous tués par les nazis ?
Dit autrement, la plupart des nations européennes qui avaient contribué à divers degré à la mise en œuvre de la solution finale initiée par les Allemands contre les juifs, se trouvent aujourd'hui associées au génocide planifié par les Israéliens contre le peuple palestinien.
Le beau livre de l'historien américain, Paxton, avait bien montré et de la manière la plus éclatante l'implication d'une grande partie de l'Europe dans le massacre des juifs du continent1. Cette même Europe qui n'en finit pas de s'apitoyer sur le sort lamentable des persécutés d'antan s'associe à l'unisson aujourd'hui aux auteurs des actes génocidaires appliqués par les sionistes au peuple de Palestine.
ISRAËL A-T-IL LE DROIT DE SE DEFENDRE CONTRE LE COLONISE ?
L'ironie de l'histoire veut que le colonisateur ait le droit de massacrer le colonisé qui lui résiste. C'est ce que les Etats-Unis s'efforcent de faire accroire à la planète entière que les agressés ne sont pas les israéliens, mais les colonisés. Les Etats-Unis sont la première nation démocratique au monde, suivis par leurs affidés européens (la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France...) à s'associer au génocide contre le peuple palestinien dont Gaza représente la pointe avancée de la résistance contre la barbarie israélienne. Lorsque les représentants accrédités des Etats-Unis (Antony Blinken, John Kirby et consorts...) répètent à qui mieux- mieux qu'Israël a le droit de se défendre, ils escamotent de manière délibérée le caractère colonialiste de cet Etat fantoche en même temps qu'ils dénient le droit des dominés de s'insurger les armes à la main contre leur dominateurs. Le mouvement de résistance Hamas qui a été démocratiquement élu par des millions de Palestiniens et qui bénéficie de larges soutiens dans tous les territoires palestiniens occupés, est réputé « terroriste » par les Etats-Unis et leurs protégés sionistes. Est terroriste tout ce qui se soulève contre son oppresseur, telle est la démarche politique constante et réitérée par les Etats-Unis qui reprennent à leur compte les discours falsificateurs de leurs protégés israéliens pour qui le peuple qu'ils dominent et persécutent par la grâce de l'Occident depuis 1948 n'a pas le droit de se défendre. La seule alternative qui lui est laissée est de se soumettre aux lois et au bon vouloir de l'occupant.
L'Autorité palestinienne que représente Mahmoud Abbas est la seule acceptable aux yeux des Etats-Unis, d'Israël et de leurs affidés que sont certaines monarchies arabes (Emirats, Arabie Saoudite...). Encore que cette Autorité palestinienne qui avait avalé toute les couleuvres des accords d'Oslo demeure-t-elle suspecte aux yeux des Israéliens en dépit de son inféodation quasi-totale aux autorités d'occupation.
Mais revenons à Israël que l'Occident célèbre comme la première et unique démocratie au Proche-Orient. Qu'en est-il en fait ? Peut-on qualifier de démocratie un occupant qui opprime et massacre sans faire de quartier les membres du peuple dominé ? Il est vrai que comparé aux régimes arabes, aussi bien monarchiques que républicains, Israël est incontestablement une nation démocratique et fait un contraste saisissant avec ses voisins dictatoriaux arabo-islamiques. Cependant, cette démocratie israélienne n'en profite qu'aux seuls juifs d'Israël, et non à leurs colonisés qui subissent depuis soixante seize ans de terribles souffrances.
Les femmes et les hommes justes, citoyens ordinaires et personnalités politiques et artistiques confondus, du monde occidental, ont témoigné et continuent à témoigner encore du caractère antidémocratique, voire fasciste de cette entité politique érigée manu militari sur les décombres de la Palestine historique.
LE CARACTERE INCONTESTABLE DU NAZISME DE L'ETAT ISRAELIEN
Aucune personne impartiale, honnête et juste de par le monde, ne saurait nier le comportement nazi, fasciste, de l'Etat israélien. Les massacres en grand d'enfants, de femmes, de vieillards opérés à Gaza sont là pour en témoigner. Tuer par chapelets des enfants, des femmes et des hommes de tous âges, sexes et conditions, tout en affamant les survivants, voilà qui ressort de l'ordre du génocide. Cet Etat dépourvu d'éthique, de moral et d'humanité utilise la famine comme « arme de guerre. 2» En témoignent les massacres délibérés des humanitaires et des foules se pressant devant les points de distribution alimentaires. Outre ces carnages innommables, s'ajoutent d'autres plus barbares comme la destruction de l'hôpital al-Chifa dont des blocs entiers se sont effondrés sur les patients et le personnel médical. Des centaines de patients qui ont survécu à ces bombardements, ont été tout bonnement évacués et jetés dans les rues environnantes, toutes encombrées des débris de blocs de bétons et de tôles tordus mis à terre par les bombardements sauvages de l'aviation et de l'artillerie de l'armée israélienne qui se qualifie elle-même pourtant de l'armée la plus «morale du monde».
HOPITAUX BOMBARDES ET MALADES TUES ET ENSEVELIS...
Dans un message en arabe diffusé dans des haut-parleurs le 18 novembre 2023, les soldats israéliens ont donné «une heure» aux 2 300 patients, médecins et réfugiés pour évacuer l'hôpital assiégé d'al-Chifa. Mais les 120 blessés qui comptaient bon nombre de bébés prématurés de l'hôpital n'ont pu être évacués3. Durant quatre jours de siège, les bombes pleuvaient sur l'hôpital où s'entassaient des centaines de malades et de blessés graves. Pourquoi s'attaquer aux hôpitaux ? Parce qu'ils serviraient selon la version israélienne de « base militaire au Hamas » !
Le second siège de l'hôpital al-Chifa4 a été le plus meurtrier. En se retirant le premier avril 2024 de ce complexe hospitalier, après plusieurs jours de bombardements intensifs, l'armée sioniste n'a laissé derrière elle que désolation, larmes et cris de détresse avec une vue d'immenses dégâts et de nombreux cadavres en décomposition ; des bâtiments détruits, calcinés ou aplatis, des rues jonchées de blocs de bétons et de monticules de sable, sans compter les centaines d'autres victimes abandonnés sous les décombres5. Des images diffusées par de nombreux médias occidentaux et arabes font voir un paysage de dévastation sur ce site pris d'assaut le 18 mars par l'armée israélienne, qui a accusé les chefs du Hamas de s'y être cachés6. « Des dizaines de corps de martyrs, certains en état de décomposition, ont été retrouvés dans l'enceinte et aux abords de l'hôpital d'al-Chifa », selon le ministère de la Santé du Hamas. Un médecin a déclaré à l'AFP que plus de 20 cadavres ont été récupérés. D'après ce même témoin, certains corps se sont fait rouler dessus par les véhicules militaires en train de se retirer7. Même les cimetières n'ont pu échapper à l'action des bulldozers, au vandalisme de cette armée soit disant « morale ». La « morale » de cette armée remplie de haine et de vengeance n'a de pareille dans les annales modernes que celle des nazis, ces bourreaux allemands du peuple juif. Et ce qui, en l'occurrence, laisse l'esprit humain pantois, c'est le fait que les victimes de l'antisémitisme d'hier, se muent soudain en véritables génocidaires. Heureusement qu'une bonne partie du peuple juif du monde condamne les agissements de cette prétendument « morale ».
De quelle « morale » parle-t-on quand cette armée, en se retirant de l'hôpital al-Chifa, ne laisse derrière elle qu'un « tas de ruines avec des cadavres ensevelis sous les décombres ? 8
Mais al-Chifa n'a pas été le seul établissement sanitaire touché par ces bombardements sauvages. La quasi-totalité des établissements hospitaliers de Gaza ont été durement meurtris. Ainsi, le 31 mars, d'après le directeur de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, « un campement dans l'enceinte de l'hôpital al-Aqsa a été touché par une frappe aérienne israélienne », faisant quatre morts. Au moment de cette frappe se trouvait sur les lieux une équipe de l'OMS dans cet établissement hospitalier situé à Deir el-Balah9.
Tirez sur des malades, sur des enfants, des femmes, des vieillards, et des éclopés ; sur des organisations humanitaires, des secouristes, des ambulanciers ; sur des journalistes, des lieux de culte, et sur des points de distributions alimentaires, etc., voilà qui relève sans conteste des méthodes nazies. Ce nazisme israélien a fait des émules un peu partout dans le monde : les Eric Zemmour, les Bernard-Henri Lévy, les Kamel Daoud, les Michel Houellebecq et j'en passe10. Ces intellectuels de la Télévision comme il les qualifiait Pierre Bourdieu, ont des points communs : l'exaltation du sionisme et la haine de l'Islam global et « globalisant ». Ils pensent, implicitement, que tuer des Arabes et des Palestiniens est licite, légitime. Plus explicitement, cet Américain qui fut le conseiller de Barack Obama, déclare sans avoir froid dans les yeux que faire périr 4000 enfants palestiniens « n'était pas suffisant 11». L'auteur de cette déclaration haineuse se nomme Stuart Seldowitz, lequel avait occupé le poste de directeur par intérim de la Direction du Conseil national de sécurité de l'Asie du Sud sous le président Obama et a été directeur adjoint du Bureau des affaires israéliennes et palestiniennes du département d'État américain de 1999 à 2003.
L'USAGE DE LA FAMINE COMME ACTE GENOCIDAIRE
Qui ose révoquer en doute le témoignage de la Rapporteure spéciale pour les territoires palestiniens, Francesca Albanese ? Dans son rapport intitulé « Anatomie d'un génocide», elle déclare qu'il existe bel et bien « des motifs raisonnables» de croire qu'Israël a commis des »actes de génocide12 .» Alors qu'un grand nombre de pays ont apporté leur soutien à l'experte indépendante de l'ONU, Israël s'est empressé évidemment de rejeter ce rapport, affirmant qu'il faisait partie »d'une campagne visant à saper l'établissement même de l'État juif. » Les Etats-Unis qui ne marchandent jamais leur soutien à Israël ont déclaré n'avoir « aucune raison de croire qu'Israël ait commis des actes de génocide à Gaza ».
Pourtant tous les témoignages des observateurs indépendants (ONG, OMS, Unicef, journalistes...) convergent pour souligner le caractère génocidaire de l'armée israélienne. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) évalue à plus de 13.000 tués dans l'offensive israélienne dans la bande de Gaza. La directrice exécutive de l'Unicef, Catherine Russell, avait déclaré lors de l'émission « Face The Nation » sur CBS que des milliers d'autres enfants « ont été blessés [ et] nous ne pouvons même pas savoir où ils sont. Ils pourraient être coincés sous les décombres (...) Nous n'avons pas vu ce taux de mortalité chez des enfants dans quasiment [aucun] autre conflit dans le monde [...] Je me suis rendue dans des services pédiatriques avec des enfants qui souffrent de grave anémie liée à la malnutrition, tout le service est absolument calme. Parce que les enfants, les bébés (...) n'ont même plus l'énergie de pleurer 13», conclue cette responsable de l'Unicef.
Les parlementaires sud-africains ont-ils tort d'assimiler l'entité sioniste à un « Etat d'apartheid14 » ? Pour cet Etat fasciste est antisémite tous ceux qui dénoncent ses méfaits, ses crimes. La Cour internationale de justice, les Nations Unies, les organisations qui en dépendent, les ligues des droits de l'homme, les ONG ainsi que les Etats des plus neutres qui risquent la moindre protestation contre ses crimes abominables dans les territoires palestiniens occupés, sont réputés anti sémites. Voilà la massue qu'il fait suspendre, telle l'épée de Damoclès, sur quiconque, ose le dénoncer...
*Professeur d'histoire et de sociologie politique, Université Med Boudiaf (Msila)
Notes:
1 CF. Paxton (Robert Owen) - La France de Vichy, 1940-1944. Vichy France Old Guard and new order, 1940-1944. Traduit de l'américain par Claude Bertrand, Paris, Seuil, 1973.
4 « C'était le plus grand hôpital de Gaza et le mieux équipé. L'Hôpital Al-Chifa n'est plus qu'un tas de ruines, «un cimetière» selon le personnel humanitaire sur place. » Mais Israël prétend viser par ce pilonnage non pas les malades mais les hommes du Hamas qui se cacheraient dans les tunnels ! (https://www.youtube.com/watch?v=DvLlyW7Uejc)
5 « Les soldats israéliens se sont retirés lundi du complexe hospitalier d'al-Chifa à Gaza après deux semaines d'opérations, laissant derrière eux d'immenses destructions et des cadavres selon un médecin dans ce plus grand hôpital du territoire palestinien meurtri par près de six mois de guerre. Alors que ce conflit entre le mouvement islamiste palestinien Hamas et Israël continue de faire rage, le ministère de la Santé du Hamas a annoncé la mort d'au moins 60 personnes en majorité des civils dans les bombardements nocturnes israéliens sur la petite bande de terre palestinienne menacée de famine. » in https://www.youtube.com/watch?v=Y5U3q4t2RS4)
10 Dans une interview du magazine Lire de septembre 2001, Michel Houellebecq avait déclaré :« La religion la plus con, c'est quand même l'islam. Quand on lit le Coran, on est effondré... effondré ! La Bible au moins c'est très beau, parce que le juifs ont un sacré talent littéraire... ce qui peut excuser beaucoup de choses. Du coup, j'ai une sympathie résiduelle pour le catholicisme, à cause de son aspect polythéiste [...]
Ce titre pourra paraitre étrange, voire hermétique, mais je n'ai pas trouvé mieux pour indiquer la tentative de ce texte de montrer que le sophisme, en tant que procédé de rhétorique, est à la base du discours politique et médiatique prédominant actuellement en Occident. Si le lecteur a la patience de nous accompagner dans ce raisonnement, peut-être celui-ci va-t-il s'éclaircir au fur et à mesure à ses yeux et que ce texte lui sera alors utile.
Dès que la société s'est complexifiée, il s'est développé en son sein, des groupes aux intérêts contradictoires. Il est alors devenu nécessaire pour le groupe dominant de soumettre les autres groupes, pas seulement par la force mais aussi, bien mieux, pacifiquement, par l'idéologie, par l'adhésion à l'ordre établi. La pensée politique et sociale, s'est donc, parallèlement, elle aussi différenciée. Elle a produit deux camps intellectuels, celui de la Rhétorique et celui de la Philosophie, au sens grecs des termes. Le camp de la Rhétorique partait de l'idée qu'il n'y avait pas de vérité, puisqu'elle était toute relative. Au service du groupe dominant, il n'avait pas le souci du vrai, mais du vraisemblable, de présenter comme vérités les intérêts des dominants, avec comme arme privilégiée le sophisme, en tant qu'art consommé, en tant que technique, pour emporter la conviction de l'opinion, au besoin la manipuler, le soft power comme on dirait aujourd'hui. Le camp de la Philosophie, faisant de la vérité, des méthodes et moyens de l'atteindre, le but et la légitimation de l'activité intellectuelle.
Ce combat se poursuit jusqu'à nos jours. Il trouve son illustration parfaite dans les conflits mondialisés qui secouent actuellement notre planète, Ukraine, Palestine, Iran. La Rhétorique utilise, dans son récit à leur propos, son instrument préféré, le sophisme sous toutes ses formes pour construire une vérité alternative, et donner à un raisonnement erroné ou trompeur les apparences de la vérité: hypothèses et prémisses du raisonnement fausses, généralisations abusives, caricatures de la position adverse, demi vérités, fausses analogies, omission, diversion par rapport au vrai sujet, non démonstration de l'hypothèse de départ, laquelle est simplement affirmée etc.. Ce qui fait le caractère redoutable du sophisme c'est qu'il est difficile à débusquer, aussi bien dans un débat, dans un ouvrage ou dans les confrontations médiatiques. La raison en est bien simple: le but même du sophisme est de se cacher grâce aux techniques qu'il utilise.
On trouve toute la panoplie de ces techniques du sophisme dans la rhétorique occidentaliste, politique et médiatique actuelle. C'est d'elle dont nous parlerons même si, évidemment, l'Occident n'en a pas le monopole et qu'on pourrait faire la chasse aux sophismes dans d'autres régions du monde.
Quelques exemples rapides.
Des sophismes dans toutes leurs splendeurs
8 avril 2024, une vingtaine de soldats allemands arrivent en Lituanie, pour préparer la venue, à cette frontière avec la Russie, d'une brigade de 4800 soldats qui seront déployés en permanence, progressivement jusqu'à 2027. Il s'agit, version officielle, d'affronter «la menace russe». Ici, c'est un sophisme patent d'inversion, de substitution, d'une prémisse, d'une hypothèse de base affirmée sans aucune démonstration. Elle est doublée d'une analogie abusive, technique courante du sophisme, puisqu'il est sous-entendu que la Russie «peut agresser les pays baltes puisqu'elle a déjà agressé l'Ukraine».
Question: qui se déploie à la frontière de l'autre, l'Allemagne ou la Russie ? La Lituanie et la Russie ont une frontière commune. On ne peut changer la géographie. Ce thème de «la Russie aux frontières» est aussi utilisé pour la Finlande, la Norvège, la Géorgie, C'est donc l'existence même de la Russie qui pose problème. On se trouve, au final d'un raisonnement apparemment banal, devant une conclusion monstrueuse, celle de l'effacement souhaité, rêvé de la Russie, une sorte de génocide géopolitique. Le sophisme, on le voit, peut conduire loin, très loin. Il n'est d'ailleurs pas sans intérêt que cela vienne de l'Allemagne qui a déjà tenté cet effacement de la Russie avec Hitler pendant la deuxième guerre mondiale. Y aurait-il des relents de revanche ? L'Allemagne ne regrette-t-elle pas maintenant, d'avoir fait alors de mauvais calculs en combattant l'Occident au lieu de s'allier avec lui contre l'URSS. Simple hypothèse d'école mais... Comment comprendre, en effet, que l'Allemagne se soit tue devant un évènement aussi énorme que la destruction d'un ouvrage aussi colossal que son gazoduc, Nord Stream, en dépit des graves soupçons pesant sur les dirigeants des États-Unis et de l'Ukraine, et du coût quasiment suicidaire pour son économie de l'utilisation d'un gaz liquéfié américain quatre fois plus cher que le gaz russe
Même logique d'inversion concernant la menace, dite « islamiste» du Hamas, à partir de Gaza. Israel se trouve à la frontière de Gaza, en tant que force d'occupation et il est, d'ailleurs, considéré officiellement par l'ONU comme tel. Qui menace qui ? Le sophisme réside, ici, dans l'omission du fait que les territoires palestiniens sont occupés par Israel. L'omission est l'une des techniques du sophisme, Elle permet, dans cet exemple, d'inverser en acte d'agression, un acte de légitime défense du pays occupé.
Le conflit irano-israélien
Même procédé, même omission, même inversion, même sophisme, concernant le récent conflit irano-israélien. Le 1er Avril, Israël a attaqué de façon soudaine et délibérée la section consulaire iranienne, adjacente à l'ambassade d'Iran à Damas. L'attaque est sanglante. Elle fait treize morts, 6 syriens, 8 officiers supérieurs iraniens dont 2 généraux. Le viol du droit international est sans précèdent. Aucune condamnation occidentale.
L'affaire est cousue de fils blancs. L'attaque n'a été qu'une provocation destinée à obliger l'Iran à riposter, pour pouvoir réaliser le vieux projet, israélo-étatsunien de détruire les installations nucléaires iraniennes. Cette attaque ne pouvait avoir été faite sans l'accord des États-Unis, mais ceux-ci appellent ostensiblement l'Iran à ne pas se livrer à une escalade. Lorsque l'Iran riposte, l'axe occidental exprime son appui indéfectible à Israel et son droit «à se défendre». Et c'est l'ambassadeur iranien qui est convoqué, par les principaux pays occidentaux. Le parti pris est trop évident.
Il est aussi clair, qu'un autre but de l'opération, était de permettre à Israel, «une réconciliation» avec les États- Unis, et de poursuivre le massacre des populations civiles à Gaza, sans n'avoir plus, désormais, à supporter les remontrances de son grand allié. D'autres pays occidentaux, l'Angleterre et la France, comme d'habitude, suivent. Ils y trouvent eux aussi une occasion pour se réconcilier avec Israel et reporter sine die leurs timides protestations contre la boucherie de Gaza.
Mais voilà comme toujours, il y a un grain de sable. On ne joue jamais seul et l'Histoire ne s'écrit jamais sous la dictée. Méfiant, flairant le piège de la provocation, l'Iran a limité son attaque tout en montrant sa maitrise de la guerre moderne de drones et de missiles, et il précise, quelques heures à peine après, que son opération est terminée et «le dossier clos». Pas une seule victime israélienne. Inattendu. Et surtout, depuis le temps que l'Iran s'attend à une attaque israélo-étatsunienne contre ses sites nucléaires, peut-être les a-t-ils protégés efficacement, en les enfouissant à des dizaines de mètres sous terre et en les défendant par des batteries de missiles. Le coup semble raté ou très aventureux. Car s'il se fait, il révèlera du coup les intentions réelles du duo étatsunien-israélien. De plus, un pays arabe, comme la Jordanie, a abattu des drones iraniens survolant son sol et s'est gravement compromis vis-à-vis de l'opinion arabe, révélant qu'il était, en fait, un allié direct d'Israel.
Tout cela n'empêche pas le monde médiatico-politique occidental de continuer de tordre les faits et de qualifier «d'attaque de l'Iran» sa riposte du 13 avril à l'attaque d'Israel. C'est hallucinant, pas un mot, pas un seul, n'est dit sur le déclencheur du conflit. Pour le 7 Octobre, il n'y avait rien, ni avant, ni après. Pour le 13 avril, de même, rien avant, rien après. Pour le 24 février 2022 en Ukraine, de même. Ainsi va la rhétorique du récit occidentaliste.
Mossoul et Gaza
Cette question de «qui attaque qui», «qui agresse qui», est d'ailleurs le terrain favori du sophiste occidental. L'attaque est qualifiée de défense. La riposte qualifiée d'attaque. Cette inversion est l'une des techniques du sophiste. Mais la perle, en la matière, revient comme souvent à Mr Bernard Henry Lévy. C'est un intellectuel français, chantre de toutes les interventions occidentales: en Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, y compris celles qui n'ont pas eu (encore) lieu et qu'il appelle de ses vœux comme en Iran. Il est d'évidence un soutien inconditionnel d'Israel. Il s'est autoproclamé philosophe mais il est en fait un rhétoricien dans la pure tradition de ceux qui ont toujours été du côté du manche, du côté des puissants, aussi bien au niveau de la France qu'à l'échelle internationale, à travers son soutien inconditionnel à l'hégémonie occidentale. C'est un expert en sophisme, sous toutes ses formes. Sa principale spécialité est le sophisme par analogie, analogie entre Hitler et tous les dirigeants supposés antioccidentaux de Poutine à Kadhafi, analogie entre les accords de Munich et ceux de Minsk, analogie entre Daesh et Hamas, analogie entre le 7 octobre et les pogroms contre les juifs, analogie entre les massacres perpétrés à Mossoul par la coalition occidentale et ceux de Gaza, pour en conclure qu'il y a un nombre bien moindre de victimes à Gaza. Le sang coulé à Mossoul vient donc justifier celui à Gaza, merveille de sophisme et cynisme du raisonnement.. Et ce n'est pas tout ? Sur le même sujet de Mossoul et Gaza, son dernier sophisme, est un véritable chef d'œuvre en la matière. Le 13 avril, sur une chaine d'information continue, il explique que pour Mossoul, il n'y a pas eu de dénonciations en Occident de la même ampleur que pour Gaza, et que c'est bien la preuve qu'»Israel est toujours le mal aimé, la victime», y compris en Occident. Il faut le faire.
Bref, on pourrait continuer à donner, à l'infini, des exemples de sophismes. L'agression contre la Libye en 2011, justifiée par les puissances occidentales pour «éviter un bain de sang» à Benghazi, ce qui représentait l'avantage de ne pas avoir à être démontrée puisque l'intervention était supposée l'avoir empêchée.
Il y aussi ce thème favori du sophisme qui est celui de la violence. Il permet de rejeter dos à dos agresseur et agressé, chacun ayant recours à la violence, qu'il agresse ou se défende. La violence d'où qu'elle vienne, étant intrinsèquement inhumaine, ses causes et ses effets se mélangent, se nourrissent ce qui permet d'obscurcir les esprits et de faire ainsi silence sur les causes profondes des conflits etc.
Chacun devrait d'ailleurs se livrer à la chasse du sophisme sous toutes ses formes que ce soit dans la pensée dominante occidentale que dans la politique des gouvernements dans le monde. Il ne faudrait pas en effet tout mettre sur le dos de l'Occident.
Quelques lecteurs s'en souviennent peut-être, j'avais dans de nombreux textes précédents, aborder cette question de la déformation de la vérité et de la réalité dans les moyens d'information lourds occidentaux. J'avais donné des exemples, de ce qu'on avait appelé aux États-Unis, de façon tout à fait assumée, «le mensonge utile», le mensonge vrai», «la vérité parallèle», la vérité virtuelle», en tant qu' «armes légitimes» de combat dans la guerre impitoyable de l'information. Parler ici de sophismes, c'est dire au fond la même chose, ou plus exactement, ça n'est qu'une tentative de généraliser théoriquement les méthodes utilisées par l'information, ou la désinformation, de mettre un mot sur elles et de les rattacher à une longue tradition de la bataille intellectuelle dans l'Histoire politique et sociale, depuis la nuit des temps.
Nommé le 2 septembre 2022 en tant que représentant spécial du SG de l'ONU, le Sénégalais, Abdoulaye Bathily, a jeté l'éponge en présentant officiellement sa démission, le mardi 16 avril, soit après une année et demie d'efforts pour tenter de régler la crise libyenne. Au bout, la situation a connu des hauts et des bas, plus de bas que de hauts, qui ont poussé l'émissaire des Nations unies à se retirer, non sans dire tout haut ce qu'il pense de la crise libyenne et des dirigeants libyens. Des dirigeants libyens « égoïstes » qui placent « leurs intérêts personnels au-dessus des besoins du pays», a-t-il accusé. Considérant, dans une déclaration à la presse à l'issue d'une réunion, mardi 16 avril, du Conseil de sécurité sur la Libye, que «dans ces circonstances, il n'y a aucun moyen pour l'ONU, d'agir avec succès ». Faut-il comprendre qu'il conseille au Conseil de sécurité de l'ONU d'abandonner la Libye, déchirée par une guerre civile, depuis 2011 ? Bien sûr que non, mais c'est le cas de le dire si le Conseil de sécurité ne fait pas pression sur ces dirigeants pour les forcer à dialoguer, afin de régler leurs différends. C'est ce qui est ressorti d'un briefing de M. Bathily, mardi, devant le Conseil de sécurité, dans lequel il a mis en garde contre la possibilité d'éventuelles tensions militaires avec la présence de mouvements militaires près de la ville de Syrte et la présence continue de groupes armés et d'armes lourdes dans la capitale, Tripoli, qui menace l'Accord de cessez-le-feu. De profondes divisions éloignent le processus politique d'un heureux dénouement tant attendu par le peuple libyen. Selon le désormais ex-représentant spécial du SG de l'ONU en Libye, les conditions imposées par les parties libyennes, les uns proposant la formation d'un gouvernement unifié, d'autres exigent la participation du Premier ministre du gouvernement parallèle Oussama Hammad, alors que d'autres appellent à reconsidérer les lois électorales, compliquent le processus d'organisation des élections. « L'égoïsme des dirigeants libyens se fait aux dépens des Libyens et doit cesser immédiatement », a soutenu M. Bathily, pour lequel il est clairement question d'abandonner les dirigeants libyens et non le peuple libyen Il dira, dans ce sens, que toutes ses tentatives «se sont heurtées à une résistance obstinée, à des demandes irréalistes, à l'indifférence à l'intérêt du peuple libyen et à un désir (de ces dirigeants) de reporter indéfiniment les élections ». Conséquence directe de divergences persistantes entre les principaux acteurs politiques, la conférence de réconciliation prévue ce mois-ci à Syrte, dans le but de mettre fin aux hostilités, a été reportée à une date inconnue. Malgré les efforts de l'ONU et de la Communauté internationale pour réunir les antagonistes à la même table de négociation afin de résoudre les différends et s'entendre sur une feuille de route qui conduira le pays à la tenue d'élections et à la fin des phases de transition, la situation n'a pas évolué vers le mieux (pour le peuple libyen).
L'ONU va-t-elle encore se mettre à la recherche d'un nouveau représentant spécial pour la Libye ou adoptera-t-elle un nouveau langage envers ces dirigeants qualifiés par celui qui a laissé ce poste vacant d'égoïstes ? Une chose est presque sûre, il sera très difficile dans ce climat défiant d'engager quelqu'un dans ce poste qui est resté vacant durant de longs mois, par le passé, à cause de cette valse des représentants onusiens en Libye.
Au 194e jour de l'agression sioniste contre Ghaza, le nombre de victimes a atteint 33.899 martyrs et 76.664 blessés, a affirmé mercredi le ministère de la Santé de l'enclave. La même source a expliqué que ce bilan comprend les 56 martyrs et 89 blessés des 6 massacres commis par l'armée israélienne durant les précédentes 24 heures. Selon les Nations unies, plus de 10.000 femmes ont été tuées à Ghaza depuis le début l'agression sioniste. Hier, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a affirmé que l'hôpital Kamal Adwan, un des rares établissements hospitaliers encore partiellement fonctionnel, «accueille quotidiennement 50 enfants» gravement atteints de «déshydratation et malnutrition». «Nous avons besoin d'un cessez-le-feu immédiat pour acheminer l'aide à ceux qui en ont besoin à Ghaza», a expliqué le porte-parole de l'OMS. Mercredi, les troupes de l'armée d'occupation sioniste se sont retirées de Beit Hanoun, au nord de Ghaza. Selon des médias palestiniens, les véhicules de l'armée d'occupation israélienne se sont retirés de Beit Hanoun, après une incursion qui a duré plus de 36 heures, au cours de laquelle ils ont assiégé des abris de personnes réfugiées, arrêté un certain nombre d'entre elles et maltraité les habitants.
Plusieurs vidéos diffusées par des Palestiniens de Ghaza montrent de graves scènes de dévastation causées par les forces d'occupation, qui n'ont pas épargné les terres agricoles totalement défigurées au bulldozer, avant de se retirer de la ville de Beit Hanoun.
Hier, les bombardements israéliens ont visé plusieurs régions de Ghaza, du nord au sud de l'enclave.
Un correspondant d'Al Jazeera a rapporté 7 Palestiniens martyrs d'un bombardement israélien qui a visé, dans la nuit de mardi à mercredi, une maison au centre de la ville de Rafah, au sud de la bande de Ghaza. Le journaliste a précisé que 4 enfants étaient parmi les martyrs du bombardement qui a ciblé une maison de la famille Abu al-Hinud dans le camp de Yabna, dans la ville de Rafah. Plusieurs zones de la ville de Ghaza ont été également soumises à d'intenses bombardements. Des sources palestiniennes, citées par Al Jazeera, ont indiqué que des avions israéliens avaient lancé des raids sur la rue Salah al-Din et le quartier Al-Zaytoun, au sud-est de la ville. Les bombardements ont ciblé aussi la mosquée Abou Bakr Al-Siddiq, dans le quartier Al-Sabra. La chaîne de télévision Al-Aqsa a rapporté aussi des bombardements d'artillerie sur le quartier Al Shujaiya, à l'est de la ville de Ghaza, tôt dans la journée d'hier, faisant 2 martyrs et plusieurs blessés. Un correspondant d'Al Jazeera, citant la Protection civile palestinienne, a fait état de 9 personnes portées disparues dans ce bombardement. Le journaliste a ajouté qu'un raid israélien a frappé les environs de la région de Tal al-Hawa, au sud-ouest de la ville de Ghaza.
Les bombardements du camp de Nuseirat, dans le centre de Ghaza, ont également repris hier, rapportent des sources palestiniennes qui font état de tirs d'artillerie israélienne ciblant le nord du camp. Mardi, au moins 9 Palestiniens sont tombés en martyrs dans un bombardement israélien du camp de Nuseirat, parallèlement à l'opération militaire que mène l'armée sioniste, soutenue par l'aviation et l'artillerie, depuis une semaine.
Hier, des bombardements israéliens sur le quartier de Cheikh Radwan, dans le nord de l'enclave de Ghaza, ont fait au moins 6 martyrs et plusieurs blessés, selon un correspondant d'Al Jazeera.
La Journée du Prisonnier
Des milliers de Palestiniens se sont rassemblés à Beyt Lahm, en Cisjordanie occupée, pour la «Journée du Prisonnier», rapporte la journaliste Nida Ibrahim d'Al Jazeera English (AJE).
Les Palestiniens viennent à Bethléem pour marquer cette journée en mémoire des prisonniers dans les prisons israéliennes. Parmi les manifestants «figurent des familles de prisonniers palestiniens et des enfants des écoles palestiniennes», affirme AJE qui rappelle que cette journée «est l'occasion pour les familles de rappeler au monde qu'ils ont des détenus dans les prisons israéliennes dans des conditions très difficiles». «Ils souhaitent que les membres de leur famille détenus soient inclus dans un accord d'échange de prisonniers, en particulier ceux qui purgent de longues peines ou des peines à perpétuité. Leur seul espoir de retrouver leurs proches réside dans ces accords d'échange», a écrit Nida Ibrahim. Plus de 9.500 prisonniers politiques palestiniens sont actuellement détenus dans les geôles sionistes, dont 3.660 en détention administrative, c'est-à-dire sans procès ni charges retenues contre eux, et 561 autres condamnés à perpétuité. Le nombre de détenus mineurs est estimé à 200 et celui des femmes à 80.A ces chiffres, il faut ajouter celui des détenus de Ghaza arrêtés depuis le début de l'invasion terrestre. Selon le bureau des médias du gouvernement à Ghaza, l'occupation israélienne a arrêté plus de 5.000 Palestiniens de l'enclave.
L'Algérie met en bleu son projet de résolution sur l'adhésion de la Palestine
Mardi, l'Algérie a mis en bleu son projet de résolution au Conseil de sécurité (CS) des Nations unies recommandant à l'Assemblée générale l'admission de l'Etat de Palestine comme membre de l'Organisation des Nations unies. Cette étape étant la dernière avant le vote du projet de résolution par les membres du Conseil de sécurité, indique l'APS. La résolution, rédigée par l'Algérie, est «fermement soutenue par le Groupe arabe» au sein du CS.
Une «mise en bleu» signifie que la date du débat et du vote sur ce projet de résolution a déjà été fixée. Il aura lieu aujourd'hui, jeudi 18 avril, lors d'une séance prévue à 15h (heure de New York), soit à 20h (heure d'Alger).
Immédiatement après la décision algérienne, le Groupe arabe à New York a publié un communiqué exprimant son «ferme soutien» à la demande d'adhésion de l'Etat de Palestine à l'Organisation des Nations unies, soulignant qu'il s'agit là d'»une mesure tant attendue depuis longtemps et qui aurait dû être mise en œuvre non seulement depuis 2011, mais depuis 1948".
Le Groupe arabe a également appelé tous les membres du Conseil de sécurité à «voter en faveur» du projet de résolution présenté par l'Algérie et a lancé un appel aux membres du Conseil à s'»abstenir, au moins, d'entraver cette initiative décisive», estimant que tout rejet signifie «une abdication flagrante de la responsabilité du Conseil de faire respecter les principes de la Charte des Nations unies et du Droit international». Pour le Groupe arabe, l'adhésion à l'ONU «est un pas décisif dans la bonne direction vers une solution juste et durable de la question palestinienne, conformément au droit international et aux résolutions pertinentes des Nations unies».
La déclaration avertit que «le déni de la place légitime de la Palestine au sein de la communauté des nations a duré trop longtemps et qu'il était temps de corriger cette injustice historique et de réaliser les droits inaliénables du peuple palestinien à l'autodétermination, à la souveraineté et à la création d'un Etat». Pour rappel, jeudi dernier, la présidence du Conseil de sécurité avait annoncé qu'aucun consensus n'avait été atteint sur l'initiative visant à obtenir le statut de membre à part entière de l'ONU, malgré le soutien des deux tiers des membres du Comité d'admission des nouveaux membres du Conseil de sécurité. Par ailleurs, hier, la présidence de l'Autorité palestinienne (AP) a dénoncé les déclarations de la représentante des États-Unis auprès des Nations unies, qui a menacé d'utiliser le veto, affirmant que son pays «ne croit pas que l'adhésion à part entière de la Palestine aux Nations unies contribuera à atteindre une solution à deux États au conflit palestino-israélien ».
Le porte-parole officiel de la présidence palestinienne, Nabil Abou Rudeineh, a rappelé que l'État de Palestine a obtenu l'adhésion à l'Assemblée générale des Nations unies en tant qu'observateur en 2012 avec une «majorité écrasante». «Nous avons le droit d'obtenir une adhésion à part entière, sans laquelle la légitimité d'Israël elle-même restera discutable», a-t-il souligné.
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.
Mardi 16 avril 2024.
Tout le monde a vu les images de ces milliers de personnes déplacées au sud, qui ont voulu dimanche dernier rentrer chez elles, dans le nord de la bande de Gaza. Elles ont été brutalement refoulées par l’armée israélienne.
La rumeur a commencé à monter le dimanche matin. Comme les autres journalistes, j’ai été un des premiers à avoir l’info. J’ai dit à Sabah, ma femme : « Pour le moment, c’est une rumeur, mais on doit se tenir prêts ». On a préparé deux sacs à dos, les mêmes qu’on avait pris quand on a quitté la ville de Gaza. Dans l’un, on a mis les médicaments de Walid et de quoi le changer, dans l’autre tout le nécessaire pour nous, pour les enfants de Sabah et tous nos papiers. On a commencé à dire au revoir aux amis et à tout l’entourage, parce qu’on pouvait partir à n’importe quel moment. J’attendais confirmation des collègues qui étaient dans la zone de Wadi Gaza, la rivière qui traverse Gaza d’Est en Ouest.
Entre temps, j’ai reçu des dizaines d’appels téléphoniques, vu que je suis toujours considéré comme le « grand journaliste qui connaît tout » et qui est « en contact avec les Israéliens ». Tous mes amis et toute ma belle-famille m’ont appelé. Ils pensaient que je pouvais leur dire s’il fallait partir ou pas. Je leur ai dit que c’était une rumeur, qu’il fallait attendre. J’avais aussi des amis de l’autre côté, notamment le frère de Sabah qui était à côté du rond-point de Naboulsi. Pouvait-il nous dire si des gens étaient passés ? Je voulais absolument rentrer, mais je voulais être sûr que c’était possible avant de prendre le risque. Quatre heures après environ, le porte-parole en arabe de l’armée israélienne a publié un communiqué disant que les infos de retour vers le nord n’étaient que des rumeurs, que cette région était toujours une zone militaire fermée et qu’il était dangereux de tenter d’y accéder.
LE STRICT NÉCESSAIRE
Mais des milliers de gens étaient déjà partis vers le nord. La majorité étaient à pied. Certains étaient sur des charrettes ou en voiture, mais ils ont dû laisser leurs véhicules à Wadi Gaza. Ce n’était pas comme à l’aller, quand l’armée israélienne avait ordonné à tout le monde d’aller au sud. Beaucoup de gens avaient pu alors venir en voiture, sur des charrettes et même dans des bus. Ils apportaient des matelas, des couettes et même des ustensiles de cuisine.
Aujourd’hui, c’est très différent. On ne peut plus franchir le checkpoint qu’à pied. Les Israéliens ont installé des cabines équipées de caméras pour identifier les gens, où ces derniers passent un par un. Les déplacés n’ont le droit de porter que de petits sacs à dos, avec le strict nécessaire.
IL N’Y A PAS DE HASARD DANS L’ARMÉE ISRAÉLIENNE
Les gens ont voulu rentrer alors qu’ils ne savaient même pas si leur maison ou leur appartement était toujours debout, que ce soit à Gaza ville, Beit Lahya, à Beit Hanoun, à Jabaliya, ou dans toutes les zones frontalières sur lesquelles on n’a pas d’information.
Des cousins et des cousines de Sabah ont tenté leur chance. Malheureusement, ils sont arrivés trop tard. Les Israéliens avaient déjà commencé à bombarder et à tirer sur les gens en leur demandant de reculer. L’armée a utilisé tous les moyens dont elle disposait : les chars, les canons à eau, les F-16 qui sont passés pour effrayer les gens. Il y a eu un mort et plusieurs blessés. On ne sait pas ce qui s’est passé exactement : y a-t-il eu des messages de l’armée disant aux gens qu’ils pouvaient rentrer au nord ? Et si oui, qui les a envoyés ? Plusieurs rumeurs circulent. On dit que samedi, des déplacés installés dans une école auraient reçu des appels téléphoniques et des SMS de l’armée israélienne, leur disant que le lendemain, les femmes et les enfants de moins de quatorze ans pourraient rentrer. La deuxième version, c’est que les gens ont cru que les Israéliens s’étaient retirés de la bande de Gaza pour se redéployer ailleurs, afin de se défendre contre les tirs de missiles iraniens.
Bien sûr, pour quelqu’un qui vit en Europe, la première hypothèse peut paraître ridicules. Mais comme je l’ai déjà dit, quand on vit à Gaza et quand on connaît les méthodes des Israéliens, on peut croire aux théories du complot. Il n’y a pas de hasard dans l’armée israélienne.
Il est possible qu’il s’agisse de militaires israéliens mécontents. Quelqu’un de l’armée aurait pu vouloir marquer des points en disant : nous nous sommes retirés de Khan Younès, et voilà ce qui arrive, tout le monde est en train de revenir. Ou alors ce serait un ballon d’essai, pour voir la réaction des gens si on annonçait que les femmes et les enfants pouvaient rentrer, au cas où Israël prendrait une telle décision de manière unilatérale, sans passer par les négociations. De notre côté, on ne sait pas où se trouvait l’armée quand des milliers de personnes sont parties vers le nord. Au début, il n’y avait pas de chars, il n’y avait rien du tout ; c’est pour cela que les gens ont eu le courage de continuer leur chemin.
CETTE TERRE NOUS APPARTIENT
Si les Israéliens voulaient une réponse, ils l’ont eue : les déplacés veulent rentrer chez eux, même s’ils savent qu’il n’y a plus de vie au nord. Lundi matin, quelques personnes ont encore essayé. Les Israéliens ont tiré et ont tué une fillette.
Les gens veulent en finir avec cette vie d’humiliation dans des camps de fortune où nous nous entassons les uns sur les autres. Ils préfèrent planter une tente sur les décombres de leur maison plutôt que de rester à Rafah. Moi, j’ai de la chance. Je sais que mon appartement qui se trouve au neuvième étage d’un immeuble de la ville de Gaza est encore habitable. Les vitres ont explosé, mais c’est bientôt l’été et on peut vivre sans vitres. Les meubles ont été endommagés, il n’y a pas d’électricité, pas de groupe électrogène pour pomper l’eau, mais c’est chez moi. Nous avions quitté Gaza-ville parce qu’il y avait un char qui braquait son canon sur nous. Nous voulons rentrer, c’est notre façon de résister, qui n’a rien à voir avec la résistance militaire. Je sais que dans le nord, il y a aussi de l’humiliation avec les parachutages d’aide alimentaire, même si le nombre de camions qui arrivent a un peu augmenté. Mais cette terre nous appartient. Même s’il n’y a rien, on peut tout reconstruire. On va reconstruire les écoles, on va reconstruire les universités, on va reconstruire les infrastructures. C’est vrai que les Israéliens ont tout détruit, même l’histoire de la bande de Gaza. Ils ont détruit les sites archéologiques, les musées, ils ont même détruit un hammam qui datait de près de mille ans, et dont la gestion s’est transmise de père en fils au sein de la famille Al-Wazir.
Les Israéliens veulent détruire jusqu’au nom de cette terre. Ils veulent effacer notre histoire, mais notre histoire est toujours là. Et nous allons continuer à l’écrire.
Israël se contentera-t-il de nouvelles sanctions occidentales à l’égard de l’Iran en guise de riposte à l’offensive inédite déclenchée le week-end dernier par le régime des mollahs ? Éléments de réponse avec le chercheur canadien Thomas Juneau.
homasThomas Juneau est professeur agrégé à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’université d’Ottawa, au Canada, où il travaille plus particulièrement sur l’Iran, le Yémen et la théorie des relations internationales.
Pour Mediapart, il revient sur le sens et les conséquences de l’offensive iranienne du week-end dernier et sur les perspectives ouvertes par ce geste sans précédent du régime des mollahs, face auquel Israël a annoncé des représailles que les États-Unis cherchent à contenir pour éviter un embrasement régional.
Mediapart : Avez-vous été surpris par l’offensive iranienne du week-end dernier ?
Thomas Juneau : Oui, dans une certaine mesure en tout cas. Il était évident qu’il y aurait des représailles, mais un principe cardinal du régime iranien est d’éviter une confrontation directe et totale avec Israël. Ils peuvent pousser, provoquer, mais ce régime est rationnel et sait qu’une guerre de grande ampleur pourrait mener à sa perte. C’est ainsi qu’il faut comprendre le fait que l’Iran ait donné le temps à Israël et à ses alliés de se préparer à l’attaque.
Mais il y a malgré cela une véritable surprise liée à l’ampleur de la riposte. Avec le recul, il est tentant de juger que tout s’est finalement bien déroulé parce que l’Iran avait télégraphié son geste à l’avance. Mais c’est une illusion rétrospective.
En dépit de la performance de la défense aérienne israélienne, avec le lancement de plus de trois cents drones et missiles, il aurait été tout à fait envisageable que quelques-uns s’abattent sur Israël en faisant des dizaines de morts civils. Ce qui aurait probablement modifié toute l’équation actuelle.
Cette offensive iranienne, à la fois sans précédent et cependant limitée dans ses effets, est-elle une démonstration de force ou un aveu de faiblesse du régime des mollahs ?
Les deux : l’Iran est faible et fort tout à la fois. Il dispose d’une force de frappe réelle, que ce soit depuis son territoire ou par l’intermédiaire des groupes armés non étatiques dont il est proche, que ce soit au Liban, en Syrie, en Irak ou au Yémen. Cela lui donne une capacité d’action et de dissuasion asymétrique mais importante.
Mais l’Iran est par ailleurs dans une problématique économique très difficile, avec une situation domestique explosive et, au niveau militaire conventionnel, une situation de grande faiblesse vis-à-vis de ses adversaires.
Militairement, l’Iran ne pourrait pas tenir tête ?
En cas de scénario de guerre ouverte et totale, la marine iranienne ne tiendrait guère face à la marine américaine. Et c’est pareil pour la maîtrise du ciel. Les chasseurs iraniens seraient bien incapables de résister longtemps aux avions israéliens et américains. L’intérêt de l’Iran est donc de rester dans un conflit hybride et asymétrique plutôt que de se retrouver dans une guerre conventionnelle ouverte.
L’affrontement entre l’Iran et Israël peut-il en rester là ?
La réponse est difficile, car la situation est volatile. En simplifiant, nous sommes face à trois scénarios possibles. Soit Israël ne répond pas, ce qui est peu probable, parce que cela enverrait un message de faiblesse sans doute impossible après le 7 octobre. Soit Israël se lance dans une réponse à grande échelle, qui mènerait à une escalade régionale alors inévitable.
C’est un scénario qu’il est impossible d’exclure, même si le plus probable demeure une réponse qui se situerait entre ces deux extrêmes, sous forme d’assassinats ciblés et de cyberattaques notamment. Ce n’est pas un scénario harmonieux et ce n’est pas non plus le seul possible.
Quelle lecture faites-vous de la stratégie américaine ? N’y a-t-il pas a minima une contradiction entre le fait d’appeler Israël à la retenue, que ce soit à Gaza ou vis-à-vis de l’Iran, tout en lui fournissant des armes pour mener les guerres et en lui garantissant une protection militaire inébranlable ?
Les États-Unis essayent effectivement de trouver un équilibre entre des priorités qui s’avèrent contradictoires, pour ne pas dire exclusives. Au sommet de la hiérarchie des priorités se trouve la volonté d’éviter une guerre totale et de maintenir une stabilité de la région.
Mais en affirmant aussi, par les paroles et par les actes, leur soutien militaire inébranlable à Israël, les États-Unis prennent le risque qu’Israël considère ce soutien indéfectible comme un feu vert pour une intensification des affrontements.
Certes, l’administration Biden a affirmé que les États-Unis ne se tiendraient pas aux côtés d’Israël en cas de représailles majeures. Mais Israël sait aussi qu’en cas de scénario de guerre totale, les États-Unis seront là.
Il existe une véritable tension entre ce soutien indéfectible à Israël et cette volonté d’éviter une guerre plus intense, qu’il est plus facile de gérer dans des contextes moins incendiaires que celui que nous vivons aujourd’hui.
Avez-vous été étonné de la coalition de pays occidentaux, mais aussi arabes, qui se sont engagés dans la défense d’Israël face à l’Iran le week-end dernier ?
La coopération militaire que l’on a vue alors préexistait à l’attaque iranienne. Mais il faut sans doute opérer une distinction entre le soutien des pays occidentaux et la participation de pays arabes. La France, les États-Unis ou la Grande-Bretagne ont toujours soutenu Israël, surtout face à l’Iran, et il n’est pas étonnant que ces pays soient intervenus, en dépit de l’insatisfaction qui pouvait être exprimée, notamment en Grande-Bretagne, vis-à-vis de la façon dont Israël mène la guerre à Gaza.
L’implication de pays arabes auprès d’Israël s’inscrit dans une dynamique plus large. Jusque-là, on pouvait distinguer trois catégories de pays arabes en fonction de leur attitude envers Israël. Ceux qui, comme la Jordanie et l’Égypte, ont signé un traité de paix avec ce pays. Ceux qui ont signé des accords de normalisation, soit les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc. Et ceux qui, sans avoir signé d’accord formel, étaient de facto en train de normaliser leurs relations avec Israël, en premier lieu l’Arabie saoudite.
Cette tendance à la normalisation a peut-être été gelée par la guerre à Gaza, mais il me semble qu’elle reprendra quand la poussière sera retombée, parce que les États-Unis poussent à cela et parce que l’Iran constitue une menace commune. Pour les dirigeants saoudiens, l’Iran permet aux Houthis d’agir en mer Rouge contre leurs intérêts.
Vous montrez cependant, dans un article récemment traduit en français par le site Orient XXI, que l’Iran et les Houthis, tout en étant alliés, ne poursuivent pas exactement les mêmes buts…
L’Iran et les Houthis sont très proches, mais ces derniers ont une tolérance au risque plus élevée que l’Iran. Ils se permettent ainsi de mener une politique très agressive en mer Rouge. On se retrouve dans une situation où un petit groupe armé non étatique est en mesure d’obstruer l’une des principales artères du commerce mondial. L’Iran regarde cette situation avec une forme de nervosité.
Comment comprendre que l’Iran ait attaqué Israël depuis son propre sol et pas par l’intermédiaire des groupes armés non étatiques alignés sur lui ? Cela peut-il être le signe de divergences entre l’Iran et ses « proxies », comme on les appelle ?
On ne peut aujourd’hui que spéculer là-dessus. Une réponse possible est que le régime iranien voulait ainsi envoyer un message plus fort. Une autre est qu’effectivement, dans un contexte où le Hamas n’est plus en mesure d’agir, où les Houthis se font frapper durement par les États-Unis, il était important de préserver le Hezbollah, qui aurait subi d’importantes représailles par Israël s’il s’était chargé de l’attaquer.
Incapable de trouver une sortie de crise à Gaza, le premier ministre israélien ira-t-il jusqu’à exposer le Proche-Orient à une nouvelle guerre plutôt que de laisser à d’autres la tâche d’assurer la sécurité et l’avenir d’Israël par la négociation avec ses voisins ?
BenyaminBenyamin Nétanyahou résistera-t-il à la tentation de réaliser enfin l’un de ses rêves les plus chers : entraîner les États-Unis, leurs alliés européens et quelques monarchies arabes « modérées », c’est-à-dire proches de Washington, dans une intervention militaire destinée à détruire le programme nucléaire iranien ? Ou bien va-t-il se contenter de frappes aériennes de l’aviation iranienne contre des intérêts stratégiques de Téhéran en Iran ou à l’étranger ? Ou encore demander au Mossad de lancer, comme au début des années 2000, des opérations de cybersabotage contre les installations iraniennes d’enrichissement d’uranium ?
Il pourrait estimer que son obsession proclamée de maintenir face à la République islamique une capacité de dissuasion indiscutable a été satisfaite par l’échec spectaculaire de l’offensive aérienne lancée dimanche contre Israël par Téhéran. Selon le décompte des militaires israéliens, 99 % des vecteurs – drones, missiles de croisière, missiles balistiques – en provenance d’Iran ont été interceptés et détruits par la défense antiaérienne israélienne et celles de ses alliés avant d’atteindre leurs cibles.
L’un des seuls qui ait franchi le barrage visait apparemment la base de Nevatim près de Be’er Sheva, au nord du Néguev, d’où décollent les chasseurs-bombardiers furtifs F-35 utilisés par l’armée de l’air israélienne. Les silos des F-35, selon l’état-major, ont échappé au projectile iranien, dont la principale victime est une fillette blessée par des éclats dans un village bédouin voisin de la base. Mais, manifestement grisé par le nouveau statut de son pays, redevenu un État-victime, objet de la solidarité des démocraties après avoir connu un réel isolement diplomatique et frôlé la situation de paria en raison des crimes commis par son armée depuis six mois dans la bande de Gaza, le premier ministre israélien semble résolu à suivre les suggestions de ses ministres les plus extrémistes.
Les nationalistes religieux Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, colons messianiques qui entendent expulser les Palestiniens, sont ainsi partisans d’une « guerre régionale ». Au cours de ses dernières réunions, le cabinet de guerre israélien aurait donné son feu vert au premier ministre, favorable, comme son état-major, à une « réponse militaire » d’Israël à l’attaque iranienne. « L’Iran devra affronter les conséquences de son attaque », a simplement prévenu le général Herzl Halevi, chef d’état-major de l’armée.
Cela malgré les pressions de nombreux alliés, amis et partenaires d’Israël, y compris Washington, Londres, Paris et Amman qui ont participé dimanche à la détection et à l’interception de l’attaque iranienne, et qui plaident pour une désescalade des tensions, entendant éviter l’explosion d’une guerre régionale. Guerre que le régime de Téhéran ne semble pas souhaiter non plus.
En effet, tout en multipliant les rituelles menaces de « douloureuses représailles » en cas de nouvelle agression israélienne – menaces assez peu crédibles, compte tenu du contexte –, les dirigeants iraniens ont répété que pour eux, ce dossier était désormais « clos ». Les prochains jours ou les semaines à venir permettront de vérifier si Nétanyahou a été finalement sensible aux requêtes des alliés d’Israël ou s’il a décidé de céder, une fois encore, à ses alliés extrémistes, de qui dépend la survie de sa coalition. C’est-à-dire son maintien au pouvoir.
Cet affrontement israélo-iranien confirme en tout cas la curieuse conception « amnésique » de l’histoire improvisée par Nétanyahou et ses partisans pour défendre leurs positions ou leurs actes lorsque la chronologie et la réalité des faits les desservent. Dans la guerre de Gaza contre le Hamas, le premier ministre et ses communicants ont pratiquement imposé une vision selon laquelle le conflit entre les habitants de l’enclave et Israël a commencé le 7 octobre 2023 avec l’attaque terroriste du Hamas et de ses alliés contre les villages, fermes et kibboutz des environs. Comme un éclair d’orage dans un ciel bleu. C’est-à-dire comme si la bande de Gaza n’avait pas été, depuis 1967, avec la Cisjordanie et Jérusalem-Est, un territoire militairement occupé et colonisé, évacué en 2005, mais transformé en prison à ciel ouvert par le blocus militaire israélien.
Perte de mémoire
Car depuis près de vingt ans, une barrière terrestre, jalonnée de mitrailleuses automatiques, réputée, jusqu’au 7 octobre 2023, infranchissable, suit la frontière avec Israël. Une autre double la frontière égyptienne. Le rivage, étroitement surveillé par la marine israélienne, est inaccessible. L’aéroport international détruit en 2002 par l’armée israélienne est inutilisable. Sans débouchés, l’activité agricole et industrielle de l’enclave, victime en outre de l’incompétence, de la corruption et de l’incurie du Hamas, est réduite à néant ou presque. Le taux de chômage, selon l’Organisation internationale du travail (OIT), dépasse les trois quarts des actifs. La population est maintenue en survie par l’aide internationale, acheminée et distribuée par les agences de l’ONU.
Jusqu’à la guerre, une « perfusion routière » de 500 camions quotidiens assurait cette mission. Le Programme alimentaire mondial estimait, au début de l’année, que le volume autorisé était descendu à 150 camions quotidiens et qu’il faudrait au moins le doubler pour répondre aux besoins les plus basiques du territoire. Il y a deux semaines, selon l’ONU, près de 2 millions de personnes, sur une population de 2,3 millions, étaient au bord d’une famine dévastatrice. Israël, « puissance occupante », en porterait, selon les conventions de Genève, la responsabilité. Selon l’OMS, près de 600 000 cas d’infections respiratoires aiguës ont été recensés, ainsi que plus de 310 000 cas de diarrhée dus au manque d’eau potable.
Ce sont, semble-t-il, ces informations sur la situation humanitaire qui auraient convaincu Joe Biden de ne pas mettre son veto à la dernière résolution du Conseil de sécurité des Nations unies exigeant un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Et cela, alors que depuis la création d’Israël en 1948, les États-Unis l’avaient utilisé à 46 reprises pour empêcher le vote de textes condamnant la politique de leur allié et protégé. Mais pour Nétanyahou et ses conseillers, le traumatisme du 7 octobre efface à la fois le présent et le passé.
Le présent, c’est cette « guerre totale » où les civils paient le plus lourd tribut, chassés de leurs domiciles détruits et condamnés à fuir au milieu des décombres, terrorisés et affamés. Le passé, ce sont les humiliations, les frustrations et les révoltes nées d’un demi-siècle d’occupation et de vingt-cinq ans d’enfermement. Humiliations, frustrations et révoltes qui, sans excuser la sauvagerie du 7 octobre, peuvent aider à en analyser les causes. À supposer qu’on s’y intéresse. Ce qui n’était pas le cas de Nétanyahou. Et ne semble pas être celui d’une majorité d’Israéliens, convaincus aujourd’hui plus que jamais d’avoir raison contre « les Arabes » puisque « ce sont eux qui ont attaqué ».
« Menace existentielle » sur Israël
Le même « oubli » de la réalité chronologique, pourtant récente, donne l’impression qu’Israël a été victime, dans la nuit du 13 au 14 avril, d’une attaque surprise de l’Iran. Alors qu’il s’agissait d’une frappe de représailles de la République islamique après une attaque initiale lancée le 1er avril par l’aviation israélienne contre une dépendance de l’ambassade d’Iran à Damas, au cours de laquelle sept officiers supérieurs de l’armée iranienne – parmi lesquels Mohammad Reza Zahedi, commandant de la force Al-Qods des Gardiens de la révolution pour la Syrie et le Liban – avaient été tués.
Avec la grandiloquence menaçante qu’on leur connaît, plusieurs dirigeants iraniens avaient prévenu que la frappe aérienne israélienne du 1er avril ne resterait pas impunie. Et que, compte tenu de la nature de l’agression, qui avait visé un site diplomatique, la riposte viendrait probablement du territoire iranien lui-même, et non de l’un de ses alliés régionaux irakien, yéménite ou libanais. Avancer que cette menace avait surpris Nétanyahou serait audacieux. Le premier ministre israélien l’avait visiblement anticipée, sinon espérée, en validant l’ordre d’éliminer les militaires iraniens.
D’abord parce qu’elle lui donnait l’occasion de souligner la « menace existentielle », son leitmotiv, que représente l’Iran pour Israël. Ensuite et surtout parce qu’elle détournait l’attention domestique et internationale du conflit avec le Hamas où sa situation devient chaque jour plus inconfortable. Et son attitude de moins en moins lisible et admissible à l’intérieur comme à l’étranger.
Incapable d’obtenir la libération des otages toujours aux mains des terroristes et de concevoir, après six mois de guerre, le moindre scénario de sortie de crise, accusé par son principal allié et protecteur historique, l’administration américaine, d’accumuler « les erreurs » dans sa conduite du conflit, accusé par la majorité de la communauté internationale de maintenir la population civile de Gaza dans une situation humanitaire catastrophique, il se retrouve aujourd’hui dans une précarité politique inédite, face à une crise sans issue.
Car il est clair aujourd’hui que la fin des combats signera aussi la fin de ce gouvernement. Et probablement aussi la fin de la carrière politique du premier ministre, dont des manifestations de plus en plus fréquentes et importantes réclament la démission immédiate. Son impopularité a atteint un niveau inédit. Comme si, à la colère des foules qui lui reprochaient sa corruption et son autoritarisme, s’ajoutaient la fureur de ceux qui l’accusent aujourd’hui de n’avoir pu éviter cette guerre et, surtout, l’incapacité d’en assumer les objectifs proclamés : éradiquer le Hamas et libérer les otages. « Dans nos relations avec nos voisins, écrivait en 2006, à propos d’une précédente crise de Gaza, l’éditorialiste Akiva Eldar, la force est le problème, pas la solution. »
Dix-huit ans plus tard, le constat reste exact. Mais on peut y ajouter, selon un ancien ministre, que « Nétanyahou aussi est le problème, pas la solution ». Depuis son retour au pouvoir en novembre 2022 – dénoncé chaque week-end par des manifestations massives comme une menace pour la démocratie, en raison de ses projets de réforme de la justice destinés à le sauver de ses propres ennuis judiciaires tout en transformant l’État d’Israël en régime autoritaire illibéral inspiré du modèle hongrois –, Nétanyahou a été tout à la fois politiquement sauvé et condamné par l’attaque terroriste du Hamas.
Intérêt personnel ou intérêt de la nation ?
Sauvé, parce que le carnage auquel se sont livrés les combattants islamistes – 1 200 morts, des centaines d’Israéliens pris en otage – a provoqué au sein de la société un traumatisme d’une ampleur inédite dans l’histoire du pays, suscitant un désir de vengeance qui a littéralement submergé le champ politique, engloutissant tous les débats dans une union sacrée autour d’une armée tout à coup redevenue le bouclier et le glaive du peuple. Situation dont Nétanyahou, politicien roué et démagogue sans scrupule, a su tirer un maximum de profit avec un cynisme à toute épreuve en adoptant la panoplie bon marché et le discours simpliste du chef de guerre.
Mais le coup de force du Hamas l’a aussi condamné, car les Israéliens ont vite appris que le mouvement islamiste devait beaucoup au premier ministre. Parce que Nétanyahou, qui pensait pouvoir gérer le conflit israélo-palestinien plutôt que de le résoudre en acceptant la création d’un État de Palestine – ce qu’il refuse depuis toujours –, a favorisé le développement du Hamas pour affaiblir le Fatah et l’Organisation de libération de la Palestine. Au point de tolérer et d’organiser le financement du mouvement islamiste par le Qatar, via Israël.
Et il y a pire : si le carnage du 7 octobre a eu lieu, c’est aussi parce que certaines des unités chargées de protéger les localités, fermes et kibboutz voisins de Gaza, avaient été transférées en Cisjordanie pour assurer la sécurité des colons. Les informations inquiétantes recueillies peu avant le 7 octobre par les postes de surveillance ou les unités de renseignement basées à la périphérie de Gaza ont été systématiquement minorées, négligées, voire ignorées, selon les militaires, par « l’échelon politique supérieur ». Et ce pour ne pas contredire les options stratégiques du premier ministre qui reposaient sur deux piliers majeurs : l’amélioration de la vie quotidienne à Gaza, qui devrait détourner les habitants de leurs rêves d’indépendance et de leur contentieux avec Israël ; le déséquilibre des forces militaires entre Israël et le Hamas qui constituerait une dissuasion décisive pour le cas où les incitations économiques ne suffiraient pas à apaiser les ardeurs nationalistes des Gazaouis.
On sait depuis le 7 octobre que ces options stratégiques ont débouché sur un désastre que beaucoup d’Israéliens comparent aujourd’hui à l’humiliation de la guerre de Kippour, il y a cinquante ans. Avec une différence de taille : contrairement au conflit de 1973, la guerre de Gaza, comme le note l’ancien commandant de la marine et directeur du Shin Bet (le renseignement intérieur) Ami Ayalon, est devenue « un objectif ». Une nécessité inévitable, sans issue prévisible, dont les buts réels se confondent avec ceux, personnels et politiques, de Nétanyahou : éviter d’avoir à répondre devant le tribunal des accusations de corruption portées contre lui, empêcher la reprise des manifestations massives contre les projets de son gouvernement, faire obstacle à l’organisation d’élections anticipées.
La question qui se pose aujourd’hui est peut-être de savoir si le premier ministre ira jusqu’à exposer le Proche-Orient à une nouvelle guerre et à une déstabilisation majeure plutôt que de quitter le pouvoir et laisser à d’autres la tâche d’assurer la sécurité et l’avenir d’Israël par la négociation avec les voisins et non par la vaine tentation du recours aux armes
Les guerres récentes ont marqué le retour de l’artillerie classique, des mines, des blindés, des bombardements, des tranchées, des tunnels… Elles sont surtout aujourd’hui, sur le plan aérien, le terrain de jeu des drones, engins sans pilote le plus souvent armés : vecteurs essentiels des attaques sur le théâtre russo-ukrainien depuis deux ans, ils ont été le principal instrument de l’attaque iranienne contre le territoire israélien dans la nuit du 13 au 14 avril 2024.
John Johnston. — « Drone Warfare Decoration » (décoration avec guerre de drones), 2015.
https://www.jjprojects.com/
Alors qu’au début des années 2000, une poignée seulement de pays — dont les États-Unis et Israël — étaient capables d’en fabriquer et d’en utiliser, les drones armés sont aujourd’hui en dotation dans quatre-vingt armées dans le monde. Il en existe plusieurs centaines de modèles, des nano-drones de quelques dizaines de grammes à des aéronefs aussi imposants que des chasseurs ou avions de ligne.
Ces machines, dans leur version d’observation ou reconnaissance, présentent les avantages de « l’œil déporté » : un gain de temps, d’énergie, de personnel — puisque sans pilote à bord ; des capacités de visionnage, de captation d’image ; la possibilité de transporter des charges, y compris bien sûr d’armes ou projectiles.
L’usage de ce qui est sous sa forme légère une « arme des pauvres, du faible au fort » a eu tendance à se banaliser. On peut fabriquer son drone en kit, et militariser aisément un engin acheté dans le commerce pour quelques dizaines ou centaines d’euros, qui peut ensuite s’attaquer à des cibles de haute valeur : blindés, chars, systèmes radar, etc. On peut aussi multiplier ces armes, et envisager des attaques en essaim, pour saturer les défenses de l’adversaire, et avoir une chance de les franchir.
Flop militaire, coût majeur
Outre les grandes puissances et le petit Israël — qui avaient une longueur d’avance — des pays comme la Turquie, l’Iran, l’Inde se sont lancés avec efficacité dans l’industrie du drone. Une vingtaine de Bayraktar turcs équipés de missiles à guidage laser — 5 millions de dollars l’unité, tout de même, pour ces vrais avions sans pilote — ont aidé l’armée ukrainienne à contenir les colonnes blindées lancées vers Kiev par Vladimir Poutine en 2022. De leur côté, les forces russes ont recouru plutôt aux Shahed iraniens, plus légers, plus nombreux, mais lents et vulnérables — les mêmes qui ont été lancés par les gardiens de la révolution de Téhéran le 13 avril dernier en direction d’Israël.
Une attaque spectaculaire, qualifiée d’ailleurs « d’historique », mais qui a été un « flop » sur le plan militaire : 99 % des 300 drones kamikazes et missiles balistiques ont pu être interceptés dans les espaces aériens irakien, jordanien ou israélien, selon le porte-parole de l’armée israélienne — avec l’appui discret des dispositifs antimissiles américain, britannique, jordanien et français installés dans la région, et grâce à l’efficacité des moyens de défense israéliens. Il s’agit du système antimissiles Arrow, et du « Dôme de fer », réseau d’intercepteurs de roquettes et drones déployé dès 2010 par les Israéliens, puis étendu et modernisé avec l’appui américain.
Trois missiles balistiques seulement ont pénétré samedi 13 en territoire israélien, l’un d’entre eux touchant la base militaire aérienne de Nevatim, sans provoquer de dégâts importants. Mais non sans un prix élevé pour Israël : selon le général de brigade Reem Aminoach, ancien conseiller financier du chef d’état-major de l’armée israélienne, cité le 15 avril par la chaîne i24NEWS, le coût total de la contre-attaque atteindrait 4 à 5 milliards de shekels (soit 1 à 1,3 milliard de dollars).
Bricolages ukrainiens
Précurseur en matière de production de drones autant que de dispositifs anti-drones, Israël a utilisé différents types d’engins dans sa guerre menée depuis octobre 2023 à Gaza contre le Hamas, à la fois pour une observation permanente des champs de bataille, l’exploration de tunnels, ou la détermination de cibles (1). De leur côté, les militaires ukrainiens n’ont cessé d’innover dans ce domaine, bricolant les drones civils, établissant des réseaux de capteurs sonores, perfectionnant les techniques de brouillage ou de « shooting ». Les Russes, déstabilisés dans un premier temps, semblent s’être remis à niveau ces derniers mois.
Lire aussi Philippe Leymarie, « La guerre en Ukraine, grand accélérateur de l’armement mondial », Le Monde diplomatique, janvier 2024.
Déjà, en 2019, la Turquie avait mené des attaques coordonnées de drones dans le nord de la Syrie. La même année, des raffineries d’Aramco en Arabie saoudite avaient subi l’attaque d’une vingtaine de drones, attribuée à l’Iran. Alliées à Téhéran, les milices houthistes du Yémen recourent aux drones iraniens : depuis le début de la guerre à Gaza, consécutive à l’attaque du Hamas, les houthistes ont ouvert un nouveau front en mer Rouge (2) où ils ciblent les navires de passage, entravant une partie du commerce mondial. En 2020, lors du conflit dans le Haut-Karabakh, l’Azerbaïdjan a fait usage d’essaims de drones bon marché contre l’Arménie (3)… avant l’attaque iranienne de ces derniers jours contre Israël.
Opération rattrapage
Les Européens, partis tard dans la course aux drones militaires, notamment sur le segment des drones MALE (moyenne altitude, longue endurance), se sont le plus souvent équipés « sur étagère » : les Allemands auprès d’Israël ; la France côté américain, en acquérant une douzaine de systèmes Reaper, voués à l’observation sur grande échelle, puis armés. Ces drones de la taille d’un avion (20 mètres d’envergure), très endurants (vingt-quatre heures en l’air), sont équipés entre autres de missiles Hellfire (4). Le ministre français des armées, Sébastien Lecornu, reconnaît un « fâcheux retard français », en matière de drones, mis sur le compte des « mauvaises décisions prises il y a dix ou quinze ans », qui ont donc conduit à dépendre des Américains.
Lire aussi Gilbert Achcar, « Moins de troupes, plus de drones », Le Monde diplomatique, novembre 2021.
Sur la période allant de 2014 à 2030, la France devrait cependant consacrer 5 milliards d’euros à un rattrapage sur les drones pour les trois armes. L’armée de terre est déjà en voie de « dronisation » avancée : elle possède actuellement 2000 engins de tous types, et devrait en utiliser 3000 à partir de l’an prochain. Il s’agit de disposer de capacités d’observation et reconnaissance, d’aide à la désignation de cibles, voire de vecteurs de frappes. La panoplie va du plus petit au plus grand : le « drone du combattant » (comme le Black Hornet 3 de 33 grammes, transportable à la ceinture), le drone « spécialisé » par exemple en renseignement (comme le SMDR de Thalès, 15 kilogrammes, envergure de 4 mètres, autonomie de deux heures et demie), jusqu’au « drone du commandement » (comme le Patroller de Safran, opérationnel l’an prochain — « avec lequel nous pourrons quasiment lire l’ordre de bataille de l’adversaire sur plusieurs dizaines de kilomètres », assure le chef de corps du 61e régiment d’artillerie, expert dans la captation et l’exploitation du renseignement d’origine image). Une partie des drones reçus au titre de la commande spéciale passée par le ministère français des armées le mois dernier à la société Delair, fabricant toulousain de mini-drones, sera transférée aussitôt à l’armée ukrainienne.
Les ambitions de la marine nationale paraissent plus limitées. Trois modèles sont à l’étude depuis des années : un drone-hélicoptère de taille moyenne, un drone aérien de petite taille, et un système de drone sous-marin antimines. Ils ne seront pas en service avant plusieurs années, et devront être complétés — en ce qui concerne les fonds marins — par l’achat d’un système sur étagère. Un équipement plus rapide et plus conséquent aurait permis de ménager les frégates modernes — très performantes, mais coûteuses, massives, et vulnérables — en décentralisant capteurs et effecteurs ; ou encore d’assurer une présence renforcée sur les vastes espaces maritimes outre-mer, notamment autour des territoires du Pacifique, y compris sous la forme de postes non habités, gérés à distance (5).
Quant à l’armée de l’air, rivée aux Mirage et Rafale de Dassault, elle s’est refusée à lâcher les commandes au profit d’appareils sans pilotes, jusqu’à devoir fournir sur le tard les équipages de conduite des Reaper acquis en urgence aux États-Unis, pour contribuer aux opérations en Afrique.
Pire cas de figure
Lire aussi Grégoire Chamayou, « Drone et kamikaze, jeu de miroirs », Le Monde diplomatique, avril 2013.« Il est quasiment impossible de se défendre contre les drones », considère Thierry Berthier, directeur scientifique, en France, de la Fédération des drones de sécurité, pour qui ces engins, de plus en plus accessibles et adaptables, ont une efficacité redoutable : « Pour des attaques “simples” impliquant un nombre limité de drones, il existe, bien sûr, des systèmes de détection d’intrusion d’un drone dans un espace protégé (aéroports, stades, etc.), puis de brouillage de son système de navigation, ou de destruction de l’appareil. Mais, certaines attaques dites « en essaim », qui consistent à envoyer plusieurs dizaines — voire plusieurs centaines — de drones dans de multiples directions, sont quasiment imparables. Au-delà de trente drones, il devient compliqué de se défendre ».
C’est un des pires cas de figure envisagés dans le cadre de la préparation aux Jeux olympiques (JO) qui se dérouleront à Paris à compter du 26 juillet prochain. Les armées ont prévu un dispositif lourd durant un mois, notamment les phases d’ouverture et de conclusion de l’événement : un système de détection et de commandement aéroporté (SDCA, en anglais AWACS), ainsi qu’un appareil ravitailleur, des chasseurs Rafale ou Mirage en vol et au sol, des filets de batteries sol-air en couverture, des hélicoptères en alerte avec tireurs d’élite, le déploiement des commandos de gendarmerie (GIGN (6)) et de police (RAID (7), BRI (8)), et la mobilisation de toutes les techniques anti-drones : tirs à vue, fusils-brouilleurs, système d’identification Bassalt (Aéroports de Paris), Milad (radar à capacité de brouillage), ou Radiant (recherche et neutralisation, utilisé par la Préfecture de Police), ainsi que le dispositif Parade, construit par Thalès, qui n’aurait d’ailleurs pas atteint les « performances nominales » au cours de plusieurs tests à la mi-mars, à Paris et à Marseille, suscitant l’inquiétude de sénateurs (9).
La seule armée de l’air mobilisera deux mille militaires durant un mois. Elle sera chargée, assure son chef d’état-major, le général Stéphane Mille, de la coordination de la lutte anti-drones à l’échelon interministériel, afin de disposer en permanence d’une « situation drone » globale, et de pouvoir, le cas échéant, « déléguer des règles d’engagement pour détecter, identifier, brouiller, intercepter ou détruire des engins malveillants ». De son côté, le général Ghislain Rety, qui commande le GIGN, précurseur dans la lutte anti-drones, s’affirme « optimiste » à l’approche des JO, tout en admettant… « se préparer au pire »
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