À partir d'avril 1962, le commandement de la Force locale fut confié à Omar Mokdad, ancien préfet de Saïda, par un décret signé par Charles de Gaulle.
Le 8 janvier 1961 était organisé le premier référendum qui invitait les Français et les Algériens à se prononcer sur les réorientations de la politique algérienne de la France, amorcée par le général de Gaulle dans son discours du 16 septembre 1959. L'idée d'une Algérie algérienne commençait à prendre forme et dans son sillage les initiatives pour l'accompagner et la mettre en place. C'est dans ce climat, que le Comité des affaires algériennes (CAA), présidé par Louis Joxe, a développé l'idée d'une Force algérienne, pour assurer l'ordre et la sécurité en Algérie non encore indépendante mais plus totalement sous l'autorité française. Cette Force devait accompagner le projet de société esquissé par les accords d'Évian, en sécurisant les biens et le territoire d'une Algérie multiethnique. Elle était pensée également, comme le montre une note signée par le général Charles Ailleret, le haut responsable militaire en Algérie, pour constituer la future base de l'armée algérienne, et ce conformément aux orientations des accords d'Évian. Voyons comment cette armée a été mise sur pied par le gouvernement français et de quelle façon s'est-elle déployée dès le 19 mars 1962, date de la proclamation du cessez-le-feu.
Des harkis dans la Force locale
Le référendum sur l'autodétermination de l'Algérie a ouvert donc la voie à une indépendance de l'Algérie. C'est ainsi, dès le 20 janvier 1961, qu'un groupe interministériel réuni à Paris, a prévu la constitution d'une armée d'un effectif qui oscillerait entre 30000 et 35000 hommes. Ensuite, à l'issue de la consultation et les propositions faites par les autorités militaires en Algérie, le Comité des affaires algériennes (CAA), a donné un corps à cette Force, lors de la réunion du 24 octobre 1961, en la dotant de 4500 gendarmes auxiliaires, 11000 hommes des Groupes mobiles de sécurité et 18000 Moghaznis. Cette configuration n'a pas été validée par les négociateurs du gouvernement provisoire de la révolution algérienne (Gpra), comme le souligne Redha Malek dans son livre Algérie à Évian, histoire des négociations secrètes, qui rejetèrent la présence des supplétifs (les harkis) dans les effectifs et proposèrent, à la grande surprise, d'intégrer dans cette Force locale, les appelés du contingent, des appelés aussi bien de souche européenne que nord-africaine. Ce fut un point d'achoppement entre les deux parties qui déboucha sur un accord et une instruction écrite envoyée le 26 février 1962 par Pierre Messmer, le ministre des Armées, au général Charles Ailleret, le haut responsable militaire en Algérie. Le cessez-le-feu survint le 19 mars appuyé par le décret 62-306 et fut suivi par l'arrêté interministériel du 30 mars 1962 précisant les contours de la Force locale. 40000 hommes répartis en 114 Groupes mobiles de sécurité «GMS», 110 pelotons de Garde territoriale,(PGT) et enfin 114 compagnies d'appelés ayant plus de 8 mois de service. Comme le prévoient les accords d'Évian, cette Force est mise à la disposition du l'Exécutif provisoire. Signalons que de nombreux appelés français de souche, ont accepté à reculons leur affectation aux unités de la Force locale.
À partir d'avril 1962, le commandement de la Force locale fut confié à Omar Mokdad, ancien préfet de Saida, par un décret signé par Charles de Gaulle. Cependant, en raison de sa dépendance logistique et du financement français, l'autorité effective relevait davantage du représentant français en Algérie, Christian Fouchet, le haut-commissaire de la République, que de l'Exécutif provisoire, comme le résume si bien Robert Buron, dans Carnets politiques de la guerre d'Algérie par un signataire des accords d'Évian. Ce commandement bicéphale, a conduit à quelques divergences sur les missions de la Force locale. Si les missions de cette Force, conformément à l'arrêté du 30 mars 1962, étaient d'assurer la surveillance générale, la protection des personnes et des biens, et le maintien de l'ordre, Abdelkader Hassar, délégué à l'ordre public au sein de l'Exécutif provisoire, a demandé à ce que la Force locale soit impliquée dans la lutte contre l'organisation armée secrète (OAS). Christian Fouchet n'approuva pas cette demande.
Les Algériens exilés en Tunisie et au Maroc
Abderrahmane Farès, le président de l'Exécutif provisoire souhaitait élargir les missions de la Force locale à la lutte contre ceux qui remettaient en question les accords d'Évian. Voilà un souhait qui présageait le futur affrontement entre les défenseurs des accords d'Évian et l'aile opposée lors du congrès à Tripoli du Conseil national de la révolution algérienne (Cnra), qui, les uns et les autres, portaient un projet de société fondamentalement différent. Ceci dit, au mois de mai 1962, devant l'intensité des actions de l'OAS, les soldats de la Force locale furent déployés dans les grandes villes, au grand dam des appelés de souche européenne, qui craignaient les affrontements avec les Français d'Algérie. Toujours est-il que la Force locale a joué un rôle très important dans cette Algérie où l'exercice du pouvoir était confus, en sécurisant des endroits stratégiques, comme les barrages de rétention d'eau, et gérant l'ouverture des frontières pour permettre aux Algériens exilés en Tunisie et Maroc, de rentrer au pays. Elle a protégé le départ les Européens, avec quelques manquements, notamment à Oran. Cette Force a joué un rôle essentiel dans l'organisation et la préparation du référendum d'autodétermination du 1er juillet 1962, sous l'autorité d'Omar Mokdad. Depuis sa mise en place à sa dissolution progressive à partir de juillet 1962, et l'intégration des soldats de souche algérienne aux wilayas, cette Force a été souvent entre le marteau et l'enclume. D'un côté, l'hostilité de l'OAS qui voyait en elle une armée avec des effectifs français et une logistique française, au service du Front de Libération nationale (le FLN). Et de l'autre, la véhémence de l'état-major de l'Armée de Libération nationale (l'ALN), du colonel Houari Boumediene. Amar Mohand Amer parle d'une opposition affirmée des wilayas à l'armée des frontières, en cet été 1962.
À la mi-novembre 2022, à Alger, les historiens Malika Rahal et Fabrice Riceputi découvrent de façon inattendue un lieu où des Algériens, en 1957, furent détenus secrètement, torturés et parfois tués par l’armée française. Ils livrent à Mediapart le récit de leur découverte.
NousNous travaillons à Alger depuis 15 jours à des recherches dans le cadre du projet Mille autres — Des Maurice Audin par millierssur la disparition forcée à Alger en 1957. L’un des buts de la recherche est de poursuivre l’identification des lieux de détention, de torture et de disparition mentionnés par les témoins.
Le 16 novembre 2022, nous découvrons un lieu, indiqué par plusieurs sources, dans lequel des Algériens furent détenus secrètement, torturés et parfois tués par l’armée française: la ferme Perrin.
La localisation des centres de torture à Alger et dans sa région, plus de 60 ans après les faits, est complexe et aléatoire. Quelques-uns de ces locaux sont bien connus et conservés, telles la villa Sésini ou différentes casernes de l’armée française, devenues casernes de l’armée algérienne. Mais beaucoup ont été réoccupés, voire habités. Ils ont parfois changé plusieurs fois d’affectation, et même de nom, depuis 1962. D’autres sont localisés de façon incertaine.
Certains peuvent avoir été détruits, comme La Grande Terrasse, un restaurant de Saint-Eugène (aujourd’hui Bologhine), réquisitionné par les parachutistes du général Massu et dont les caves ont été utilisées comme un lieu de torture. Cette information a récemment été confirmée par plusieurs témoins visuels, notamment par Roland Bellan, le fils du propriétaire des lieux. Il a été localisé pour nous par Mohamed Rebah, à la fois témoin de cette histoire et historien, qui fait partie des contributeurs de notre projet, et dont l’aide se révèle essentielle.
Nous nous y sommes repris à plusieurs fois pour localiser la villa Mireille, sise à l’époque au 51, boulevard Bru (aujourd’hui boulevard des Martyrs). Les détenus torturés y étaient parfois « retapés » avant d’être présentés à un juge. Il s’agissait principalement de détenus européens, visés par la violence coloniale pour leur soutien à l’indépendance algérienne. Un voisin, Rachid Guesmia, autre contributeur précieux, nous indique qu’au moment de l’indépendance, il faisait partie des enfants du quartier qui la tenaient pour hantée.
Il a été plus simple en revanche de retrouver l’école Sarrouy, en bordure de la Casbah, dans le quartier de Soustara. À l’été 1957, elle fut transformée en centre de torture par le 2e RPC [régiment de parachutistes coloniaux – ndlr]. Notre cartographie de la disparition forcée (ci-dessus) progresse.
Sur la piste de la ferme Lambard
Plusieurs anciennes fermes coloniales figurent également dans notre liste de centres de torture. À la périphérie d’Alger, elles furent durant la guerre prêtées à l’armée par leurs propriétaires ou réquisitionnées. C’est par exemple dans l’une d’elles que, selon le général Aussaresses, Larbi Ben M’Hidi fut assassiné.
Le 16 novembre 2022, nous suivons la piste d’une autre de ces fermes, signalée par notre collègue archiviste Mohamed Bounaama, qui nous y accompagne. À proximité de son lieu de travail, installé dans le domaine de l’ancienne ferme Laquière, à Tixeraïne (une localité de Birkhadem, aujourd’hui dans la banlieue d’Alger), on dit parfois que l’armée enferma et tortura. Notre ami nous y a conviés car un mécanicien du quartier lui a parlé d’un autre lieu présumé de torture : la ferme Lambard (ou Lombard, Haouch Lombar), peu éloignée.
Une simple recherche sur Internet nous révèle qu’elle apparaît depuis peu sur GoogleMaps, à quelques kilomètres seulement. Et qu’on la nomme aussi « ferme Perrin ».
Ce nom interpelle. Il renvoie au cas de l’avocat Ali Boumendjel, enlevé le 9 février 1957, torturé et « suicidé » le 23 mars 1957, dont Malika Rahal a écrit l’histoire. Plusieurs sources confirment en effet son passage à la ferme Perrin, à une date indéterminée durant cette période. Me Maurice Garçon, membre de la Commission de sauvegarde, avait simplement indiqué dans son rapport que Boumendjel y avait séjourné.
La présence de l’avocat Boumendjel est confirmée
Par ailleurs, Benali Boukort donnait à ce sujet un témoignage d’importance dans ses mémoires. Cet ancien militant de l’Union démocratique du manifeste algérien puis du Parti du peuple algérien avait été arrêté le samedi 2 mars 1957, puis détenu à Haouch Perrin, dont il donnait une description précise. Il s’agissait selon lui d’une grande ferme de colon destinée à la production de vin, sise au milieu des vignes, et dont les installations étaient détournées de leur usage habituel.
Lorsque les personnes enlevées y étaient transportées en plein jour, elles arrivaient dans une remorque bâchée et étaient parquées dans « un espace entouré de barbelés et gardé par plusieurs parachutistes », avant d’être transférées dans des cuves à vin au bout de deux ou trois jours. De telles pratiques ont existé ailleurs en Algérie : plusieurs « affaires » avaient révélé en 1957, en métropole, la mort par asphyxie dans de telles cuves de plusieurs dizaines de détenus algériens.
Or Benali Boukort confirme la présence de Boumendjel dans ces lieux. Selon lui, ce dernier avait été détenu seul dans une cuve. Ici, son témoignage corrobore celui du beau-frère de Boumendjel, Abdelmalik Amrani, également détenu à la ferme Perrin. Après la guerre, celui-ci a raconté à sa sœur, Malika Boumendjel Amrani, ainsi qu’à son propre fil Aïssa, qu’étant détenu dans la cuve voisine de celle de Boumendjel, il avait pu communiquer avec lui. Pour la biographie d’Ali Boumendjel, dans les années 2000, il n’avait pas été possible de retrouver la ferme, dont la localisation précise était mystérieuse. Nous partons donc à sa recherche.
Dans cette zone aujourd’hui densément urbanisée et absorbée par l’agglomération algéroise, les habitants reconnaissent le nom de la ferme (Perrin plutôt que Lambard) comme un nom de quartier. Une jeune femme indique à Mohamed Bounaama de continuer jusqu’au bout d’une rue, tout entière nommée couramment « Perrin ».
Nous entrons par un large portail sur une placette plantée de vieux arbres. L’ancien vaste domaine agricole n’existe plus. Des ruelles partent de la placette, bordées de petites maisons basses construites à l’évidence après 1962. Mais, face à nous, une villa à toit de tuiles à double pente tranche avec les bâtiments environnants plus récents. À droite, le portail d’une autre bâtisse à toit tuilé, manifestement un ancien bâtiment agricole ou un corps de ferme, est entrouvert. Nous toquons.
Nous sommes historiens et cherchons des cuves à vin où l’on détenait les moudjahidines durant la guerre, expliquons-nous à l’homme qui nous accueille. Il acquiesce (elles existent toujours) et nous entraîne cordialement dans ce qui s’avère être son logement.
Nous pénétrons d’abord avec lui dans une pièce de 3 ou 4 mètres carrés, entièrement carrelée de faïence gris-vert, qui lui sert de remise. « C’est là », indique-t-il simplement sans que nous comprenions d’abord ce qu’il convient de regarder.
En levant la tête, c’est le choc : le plafond, lui aussi carrelé, est percé d’une ouverture circulaire d’environ 60 ou 80 cm de diamètre, fermée par un gros bouchon de ciment.
Nous réalisons alors que nous sommes dans la cuve à vin et que c’est par cette ouverture qu’on faisait entrer et sortir les personnes enlevées.
Peut-être s’agit-il de la cuve où fut enfermé Ali Boumendjel, ou Abdelmalik Amrani, ou d’autres. Les occupants des lieux ont simplement percé des portes pour en faire des pièces, des ouvertures pour passer d’une cuve à l’autre et des fenêtres pour laisser entrer la lumière. Ainsi, ils s’en servent comme d’une sorte de logement modulaire, à l’intérieur du corps de ferme.
La découverte imprévue est bouleversante. Avoir lu les sources qui mentionnent ces cuves et la mort par asphyxie des prisonniers est une chose. Se découvrir presque fortuitement au fond de l’une d’elles en est une autre. Nous sommes confrontés à une archéologie de la terreur et nous ne cessons, en esprit, de croiser ce que nous voyons avec nos sources historiques.
Être sur les lieux permet, avec des années de recul, de mieux saisir la description que donnait Benali Boukort dans son livre : il évoquait des cuves semblables à « de petites bâtisses de briques, ayant peine 2 à 3 mètres carrés à la base ». Sans doute n’imaginait-il pas alors que ces bâtisses pourraient effectivement servir de logement, dans une ville d’Alger qui aurait grignoté l’espace rural autour d’elle.
Il écrit que l’on accédait à la cuve « par un trou de 60 à 70 cm », que nous contemplons aujourd’hui en regardant le plafond : « Certains détenus corpulents ne pouvaient y passer. Les paras soulevaient alors la dalle formant couvercle et les descendaient au bout d’une corde passée sous leurs aisselles. Chaque cuve contenait six ou sept personnes. L’exiguïté extrême ne permettait pas aux détenus de s’allonger ; ils devaient rester constamment accroupis, souvent 15 jours durant. Ils ne quittaient cette position inconfortable et douloureuse que pour se rendre aux interrogatoires. »
Nous contemplons les espaces, désormais plus aérés par le percement des portes, pour essayer d’imaginer sept personnes sur la petite surface dessinée par une cuve, entourées par les murs épais avec un plafond bas et arrondi qui donne l’impression d’être dans un bocal.
Nous passons d’une cuve à l’autre. Le bâtiment en compte douze, qui forment aujourd’hui deux logements distincts.
Le carrelage gris-vert que nous avons d’abord cru ajouté récemment pour améliorer le confort des pièces est en fait une caractéristique d’origine, indispensable à l’étanchéité et à la protection du vin. Cette étanchéité rigoureuse rendait les cuves d’autant plus meurtrières. Selon Benali Boukort, « parfois, selon l’humeur d’un gardien, ou lorsque les paras étaient mécontents d’un détenu, l’ouverture était obstruée par un sac. Plusieurs morts furent ainsi provoquées par asphyxie ».
Leurs habitants, qui s’y sont installés dans les années 1970, sont parfaitement au courant de ce qui s’est passé dans ces lieux. Ensemble, nous discutons des horreurs de la guerre qui se sont déroulées ici, sans grande émotion apparente puisque, après tout, c’est leur vie quotidienne. Ils souhaiteraient pouvoir s’installer ailleurs. Le père de notre interlocuteur aurait pu nous raconter bien des choses, mais il est sourd et ne saisit pas le but de notre visite : à plusieurs reprises, il demande à Malika Rahal si elle est venue de la part du gouvernement pour les aider à être relogés.
Son autre fils habite le second logement : chez lui aussi, plusieurs cuves ont été ouvertes pour faire de grandes pièces. Son salon coquet est en fait composé de trois cuves ouvrant l’une sur l’autre.
Une cuve, à l’arrière de la cuisine surélevée, est à peine accessible et reste inutilisée. Il veut pourtant nous la montrer, car un détail y est encore visible, supprimé dans d’autres cuves. Il faut pour cela grimper sur le comptoir de la cuisine et passer par une ouverture réduite. Au sol, en écartant ce qui est remisé dans cette espace, il fait apparaître quatre anneaux métalliques fixés dans le sol. Selon lui, ils servaient à attacher des prisonniers. Ils semblent bien en effet avoir été ajoutés après la construction des cuves, dont ils auraient sans doute abîmé l’étanchéité, et ils auraient rouillé avec le vin.
En sortant de la maison, sur la placette, un groupe de voisins se forme. Nous apprenons que Lambard (ou Lombard) et Perrin sont les noms des deux derniers propriétaires successifs du domaine. Lambard avait acheté le terrain à un certain Bouchahma, et Perrin à Lambard.
Tout le monde semble savoir ce qui s’est passé ici durant la guerre d’indépendance. Sur la droite, dans le corps de ferme, les cuves où l’on gardait les prisonniers ; et à la gauche de la maison, l’endroit où étaient installés les gardes mobiles et où l’on pratiquait la torture. On y entendait alors les cris des personnes torturées, nous dit-on. Puis, au moment de l’indépendance (en 1962 ou en 1963), le domaine est devenu, comme beaucoup d’autres fermes coloniales, une ferme autogérée.
M. Lounès, qui s’est joint à nous, dit avoir fait partie du comité d’autogestion. Il raconte comment, en 1962, on a trouvé dans le bâtiment des sacs, du désordre et des traces de sang. Selon lui, le corps de ferme a retrouvé alors son usage agricole et n’y dormaient que les travailleurs qui venaient de loin. Il ne dit pas si les cuves elles-mêmes ont alors servi de nouveau à fabriquer du vin.
Ceux qui participent à la discussion nous montrent enfin un discret monument qui nous avait échappé. Un obélisque dont une partie a été repeinte en blanc pour effacer un verset coranique comportant une erreur, mais dont le reste du texte indique un « centre de torture des moudjahidines » et donne les deux noms, Lombard et Perrin. Il semble avoir été érigé à l’initiative de la municipalité, au sortir de la décennie noire des années 1990.
Il est temps pour nous de repartir.
Mais nous n’en avons pas fini avec la ferme Perrin. Quelqu’un toque en effet à la fenêtre de la voiture. C’est un autre voisin qu’on avait cru absent et qui nous invite à entrer dans la maison de maître, la maison au toit à double pente, où vivaient vraisemblablement Lambard, puis Perrin. Sa famille y loge depuis 1963, dira-t-il. Dans sa cour, il nous montre d’abord un bâtiment de plain-pied, qui abrita « les bureaux » des gardes mobiles. Puis il ouvre une large porte de bois, « d’époque », précise-t-il.
Une dizaine de marches descendent dans une vaste et profonde cave éclairée par de petites ouvertures pratiquées à environ 4 mètres de hauteur. Au sol, l’homme nous montre plusieurs empreintes circulaires et une autre rectangulaire : l’emplacement encore bien visible de trous de 1,5 mètre de profondeur, selon lui, rebouchés depuis par son père.
Né après l’indépendance, il dit avoir vu au fond de l’un d’eux une longue chaîne, avant que son père ne les rebouche. Ces trous auraient servi à détenir des prisonniers, accroupis ou, dans le trou rectangulaire, plus profond mais très étroit, nécessairement debout. Il ajoute qu’ils étaient remplis d’eau pour augmenter la souffrance des détenus. Le trou rectangulaire, plus étroit, était aussi plus profond : il n’aurait pas permis à une personne de rester accroupie mais l’aurait obligée à demeurer debout. On voudrait pouvoir reconstituer précisément comment s’est forgé ce récit, s’il y avait à son origine des témoins oculaires ou s’il s’agit de suppositions faites par les familles arrivées sur les lieux à l’indépendance à partir de ce qu’elles ont alors vu et observé.
Benali Boukort n’évoque pas ces trous dans le sol dans son témoignage. Selon lui, les détenus de la ferme Perrin subissaient régulièrement des séances de torture à l’électricité et à l’eau, comme cela s’est produit dans plusieurs centres de torture. Mais il existait aussi une spécialité qui consistait à infliger des blessures à l’aide d’un rabot avant de les couvrir de sel.
Ces séances de torture, baptisées ici comme ailleurs « interrogatoires », étaient parfois menées « en présence de gendarmes, d’agents de la DST ou du 2e bureau », écrit Benali Boukort. Est-ce dans cette salle qu’avait lieu la pratique du rabot ? Tous les objets présents nous posent des questions, notamment le crochet planté dans le haut plafond d’où pend une chaîne. On ne peut s’empêcher d’imaginer que des hommes ont pu y être torturés par suspension, comme ce fut le cas ailleurs. Mais comment savoir ?
Outre Ali Boumendjel, tué plus tard à El Biar, et Benali Boukort, qui a survécu, il y a un homme dont nous savons qu’il a été détenu et tué ici : selon Benali Boukort, Mohand Selhi, également enlevé en 1957, occupa lui aussi une cuve, en compagnie de cinq autres personnes. « Dix-huit jours durant, Selhi subissait jusqu’à trois séances de torture par jour. Un soir, il fut exécuté comme les autres. Âgé de 35 ans, il était ingénieur de la société Shell. » Mohand Selhi fait partie des enlevés de la « bataille d’Alger » sur lesquels nous travaillons dans le cadre du projet Mille autres.
Notre travail sur la disparition forcée nous a appris qu’une chose importe par-dessus tout aux familles de disparus : connaître la vérité sur les circonstances de la mort, savoir surtout où se trouve le corps et pouvoir enfin se recueillir en un lieu précis.
Dès notre départ de la ferme Perrin, nous avons multiplié les conjectures : c’est peut-être à proximité de la maison et du corps de ferme, quelque part sur l’ancienne exploitation, que les corps de ceux qui sont morts ici ont été dissimulés. Dans les centres de détention et de torture situés dans les villes, les militaires devaient transporter les corps au loin pour en disposer plus discrètement. Ici, ils pouvaient le faire en toute discrétion, dans les anciennes vignes et les champs alentour, désormais entièrement construits de petites maisons.
Cette visite impromptue de la ferme Perrin et toute notre mission de recherche à Alger l’ont confirmé : chez les Algérois, la mémoire de la terrible année 1957 est encore vive, sous la forme de témoignages directs ou de récits transmis. Même si l’on sent qu’au fil des années l’événement s’éloigne, ces témoignages et récits, que l’historiographie a trop longtemps négligés, foisonnent encore. Ils nous livrent des informations précieuses que les archives coloniales, par définition, ignorent. Ils doivent être collectés avant qu’ils ne soient oubliés et disparaissent. Dans quelques années, il ne sera plus possible de distinguer, comme on peut encore le faire, les témoignages directs des conjectures des nouveaux habitants des lieux.
Mais, quoi qu’il en soit, il y a fort à parier que ceux qui vivront encore au voisinage immédiat des anciens centres de détention et de torture continueront, comme plusieurs d’entre eux nous l’ont confié, à ressentir des présences. Et même à voir parfois passer un fantôme.
À la fin de l’année 1957, et après un bref passage à l’hôpital de la Manouba, Frantz Fanon prend ses quartiers dans les services psychiatriques de l’hôpital Charles Nicolle dans le centre de Tunis. Le pays d’Habib Bourguiba était devenu, depuis son indépendance en mars 1956, la base arrière du Front de libération nationale (FLN) algérien. La proximité de Fanon avec cette organisation et notamment avec sa branche armée, l’Armée de libération nationale (ALN), l’amène à en soigner les soldats. Les traumatismes dont témoignent combattants et réfugiés algériens en Tunisie ne sont pas sans faire écho à l’actualité de la guerre génocidaire menée par Israël à Gaza. Orient XXI publie les bonnes feuilles de la nouvelle biographie du médecin martiniquais Frantz Fanon. Une vie en révolutions, signée Adam Shatz, en librairie le 21 mars.
Le rôle de Frantz Fanon au sein du Front de libération nationale (FLN) algérien ressemblait à celui du médecin britannique W. H. R. Rivers, qui pendant la première guerre mondiale soigna les soldats souffrant d’obusite, le stress post-traumatique typique des hommes des tranchées, comme le poète Siegfried Sassoon. Il est possible qu’après la mort d’Abane Ramdane, le psychiatre martiniquais ait pu y trouver une certaine forme de consolation. Il avait toujours considéré la médecine comme une pratique politique, et il pouvait désormais utiliser son expertise pour rétablir la santé des combattants et servir ainsi la lutte pour l’indépendance. Son travail avec les soldats de l’ALN l’amenait de plus en plus dans l’orbite de l’armée des frontières, qui n’était plus une bande de guérilleros mais une organisation très professionnelle, composée d’anciens maquisards passés en Tunisie et au Maroc et, de plus en plus, de déserteurs musulmans de l’armée française1.
Fanon finit par développer un attachement non dénué de romantisme pour ces combattants, qu’il vénérait comme des « paysans- guerriers-philosophes »2. Lors d’une visite effectuée en 1959 à la base Ben M’hidi (baptisée du nom du dirigeant assassiné Larbi Ben M’hidi), à Oujda, au Maroc, il fit la connaissance de l’énigmatique commandant de l’ALN, le colonel Houari Boumediène, l’un des plus proches alliés de Boussouf. Né Mohammed Ben Brahim Boukherouba, Boumediène (son nom de guerre) était le fils d’un pauvre cultivateur de blé à Clauzel, un village des environs de Guelma, dans l’est du pays. Il aurait étudié à Al-Azhar, l’université islamique du Caire ; il ne s’exprimait qu’en arabe, mais comprenait le français. Grand et maigre mais doté d’une présence redoutable, avec ses cheveux brun-roux et ses yeux verts, il semblait modeste, n’élevait jamais la voix et ne souriait presque jamais (« Pourquoi devrais-je sourire parce qu’un photographe prend la peine de me photographier ? » disait-il.) Il appréciait le travail de Fanon et s’était pris d’affection pour lui.
Sur la base de ces visites à l’armée des frontières, Fanon en vint à nouer une alliance avec l’état-major, à savoir la même direction extérieure du FLN qui avait éliminé Abane et mis fin à la primauté du politique sur le militaire dans le mouvement. Mais il reçut quelque chose de précieux en retour : un accès privilégié aux combattants de l’ALN qui lui ouvrait une fenêtre exceptionnelle sur l’expérience vécue et les troubles psychologiques des insurgés anticoloniaux. Les hommes qu’il avait pour charge de soigner étaient jeunes, parfois encore adolescents, et pour la plupart issus de milieux ruraux. Ils lui parlaient souvent de membres de leur famille qui avaient été tués, torturés ou violés par des soldats français. Certains exprimaient parfois des sentiments de culpabilité et de honte à propos des violences qu’ils avaient eux-mêmes commises contre des civils européens. Ils souffraient de divers symptômes psychologiques et physiques : impuissance, fatigue, dépression mélancolique, anxiété aiguë, agitation et hallucinations. Pour Fanon, on l’a vu, leurs troubles étaient dus à « l’atmosphère sanglante, impitoyable, la généralisation de pratiques inhumaines, l’impression tenace qu’ont les gens d’assister à une véritable apocalypse. »3
Il comptait aussi parmi ses patients des réfugiés algériens vivant dans des camps en Tunisie et au Maroc, à proximité de la frontière algérienne (ils étaient environ 300 000 dans ces deux pays, subsistant dans une extrême pauvreté). Les réfugiés, observait Fanon, vivent dans « une atmosphère d’insécurité permanente », craignant « les fréquentes invasions des troupes françaises appliquant “le droit de suite et de poursuite” ». Incontinence, insomnie et tendances sadiques étaient fréquentes chez les enfants. Quant aux femmes, elles étaient souvent sujettes à des psychoses puerpérales (troubles mentaux consécutifs à l’accouchement) pouvant aller de « grosses dépressions immobiles avec tentatives multiples de suicide » à « une agressivité délirante contre les Français qui veulent tuer l’enfant à naître ou nouvellement né ». Le traitement de ces maux s’avérait extrêmement difficile : « La situation des malades guéries entretient et nourrit ces nœuds pathologiques. »
Ce travail avec les combattants et les réfugiés ramenait Fanon aux écrits du psychanalyste hongrois Sándor Ferenczi sur les traumatismes de guerre. « Il n’est pas besoin d’être blessé par balle pour souffrir dans son corps comme dans son cerveau de l’existence de la guerre », observait-il. Certains des traumatismes psychologiques les plus graves qu’il diagnostiquait concernaient des combattants qui n’avaient jamais été blessés. L’un de ses patients était un membre du FLN souffrant d’impuissance et de dépression parce que sa femme avait été violée par des soldats qui étaient venus perquisitionner chez lui. D’abord furieux de ce qu’il percevait avant tout comme une atteinte à son honneur, il avait fini par comprendre que son épouse avait été ainsi outragée pour avoir refusé de révéler où lui-même se trouvait et fut saisi par la honte de ne pas l’avoir protégée. Bien qu’il ait décidé de la reprendre après la guerre, il n’en ressentait pas moins un profond malaise, « comme si tout ce qui venait de ma femme était pourri ».
Un autre soldat algérien âgé de 19 ans et dont la mère venait de mourir racontait à Fanon que ses rêves étaient hantés par une femme « obsédante, persécutrice même », une épouse de colon qu’il connaissait « très bien » parce qu’il l’avait tuée de ses propres mains. Il avait tenté de se suicider à deux reprises, entendait des voix et parlait « de son sang répandu, de ses artères qui se vident ». Fanon crut d’abord qu’il s’agissait d’un « complexe de culpabilité inconscient après la mort de la mère », à l’instar de ce que raconte Freud dans son essai de 1917 sur le deuil, Deuil et Mélancolie. Mais la culpabilité du soldat était réelle. Quelques mois après avoir rejoint le FLN, il avait appris qu’un soldat français avait abattu sa mère et que deux de ses sœurs avaient été emmenées à la caserne, où elles seraient sans doute torturées, peut-être même violées. Peu de temps après, il participait à un raid dans une grande ferme dont le gérant, « actif colonialiste », avait assassiné deux civils algériens. L’homme était absent. « Je sais que vous venez pour mon mari », lui avait dit sa femme en suppliant les Algériens de ne pas la tuer. Mais pendant qu’elle parlait, le soldat ne cessait de penser à sa propre mère et, avant même de réaliser ce qu’il faisait, il l’avait poignardée à mort. « Ensuite, cette femme est venue chaque soir me réclamer mon sang, poursuivait l’homme. Et le sang de ma mère où est-il ? » Dans ses notes, Fanon écrit que chaque fois que l’homme « pense à sa mère, en double ahurissant surgit cette femme éventrée. Aussi peu scientifique que cela puisse sembler, nous pensons que seul le temps pourra apporter quelque amélioration dans la personnalité disloquée du jeune homme ».
Ces études de cas seront rapportées dans l’un des écrits les plus puissants de Fanon, « Guerre coloniale et troubles mentaux », qui constitue le dernier chapitre des Damnés de la terre. Par leur sensibilité aux détails concrets et à l’ambiguïté psychologique, par leurs portraits d’hommes et de femmes dans des temps obscurs, ils nous laissent entrevoir quel excellent auteur de fiction il aurait pu devenir. Ce sont les récits d’un médecin de campagne à la Tchekhov, mais avec aussi quelque chose de la brutale incertitude des récits de guerre d’Isaac Babel dans Cavalerie rouge. Nous ne savons pas si ces malades seront jamais guéris un jour, et encore moins libérés, lorsque la liberté de l’Algérie sera instaurée, mais nous avons de bonnes raisons d’en douter.
Après la guerre, la mémoire sauvage des violences, des viols et des tortures – de la barbarie subie et infligée – fournira aux romanciers algériens leur matière première, alors même que les dirigeants algériens tenteront d’oublier cette histoire honteuse en la purgeant de la mythologie officielle de la révolution : ne devait rester que la légende d’un peuple vertueux uni contre l’occupant. Fanon fut l’un des premiers à briser les tabous et à mettre en lumière ce qu’il appelait l’« héritage humain de la France en Algérie ». Malgré toutes ses proclamations utopiques sur l’avenir d’une nation algérienne décolonisée – ou ses affirmations sur les effets désintoxiquants de la violence anticoloniale –, il n’escomptait guère que les dommages psychologiques de la guerre soient faciles à réparer. « Nos actes ne cessent jamais de nous poursuivre, écrivait-il. Leur arrangement, leur mise en ordre, leur motivation peuvent parfaitement a posteriori se trouver profondément modifiés. Ce n’est pas l’un des moindres pièges que nous tend l’Histoire et ses multiples déterminations. Mais pouvons-nous échapper au vertige ? Qui oserait prétendre que le vertige ne hante pas toute existence ? »
En tant que porte-parole du FLN, Fanon se faisait un devoir de présenter une image héroïque de la révolution algérienne. Mais, en tant que médecin, il pansait les blessures psychiques des soldats algériens, témoignant de l’horreur que les légendes nationalistes veulent nous faire oublier. Faire les deux choses à la fois était un véritable numéro de funambule.
ADAM SHATZ
Adam Shatz est éditeur pour les États-Unis de la London Review of Books. Sa biographie de Frantz Fanon, Frantz Fanon, une vie…
Alger, 1957 : la routine sanglante du « lieutenant Marco »
Chaque nuit ou presque, deux mois durant, Jean-Marie Le Pen se rend au domicile d’un « suspect », accompagné d’une escouade de parachutistes. Ses victimes, quand elles ont survécu, ou leurs proches, ont témoigné au fil des années des tortures subies. Rappel.
LesLes récits dont on va lire une synthèse sont ceux de victimes et/ou de témoins oculaires. Ils sont tirés du périodique Résistance algérienne (1957), cité par Hafid Keramane dans La Pacification (1960) et Vérité-Liberté (1962), du Canard enchaîné (1984), de Libération (1985), du film de René Vautier À propos de… l’autre détail (1985), du livre de Hamid Bousselham Torturés par Le Pen (2000), du journal Le Monde (2002), du livre de Florence Beaugé Algérie, une guerre sans gloire (2005) et enfin du film de José Bourgarel, La Question : Le Pen et la torture (2007).
Presque tous leurs auteurs ont témoigné plusieurs fois, sans varier, et sont venus le faire en France sous serment lors de multiples procès intentés par Jean-Marie Le Pen dans les années 1980, 1990 et 2000.
Le quotidien de l’officier opérant comme Le Pen au niveau d’une section durant la « bataille d’Alger » nous est connu. Chaque nuit ou presque, sur la base d’un renseignement obtenu d’un interrogatoire réalisé par lui ou par d’autres, ou encore d’une fiche des Renseignements généraux, il se rend au domicile d’un « suspect », accompagné d’une escouade de parachutistes.
Puis il se livre, souvent accompagné d’un mouchard cagoulé (un bou shkara, disent les Algériens), à une « arrestation » qui a tout d’un enlèvement et dont bien des familles algériennes ont conservé le souvenir : entrée au domicile avec une violence ostentatoire, brutalités et insultes à l’égard des proches, fréquents saccages des lieux souvent accompagnés de vols, absence d’explications sur le motif de l’arrestation comme sur le lieu de détention du « suspect ».
La famille n’a généralement plus aucune nouvelle, pendant quelques mois ou des années, parfois pour toujours.
Telle fut la routine du lieutenant Le Pen. C’est ce que disent de façon circonstanciée et parfaitement crédible plusieurs témoins directs, principalement des victimes de ses « interrogatoires ». Ils dessinent la chronologie et la géographie, nécessairement partielles mais parfaitement cohérentes avec ce que nous savons par ailleurs, des agissements de Le Pen à Alger.
Lorsqu’il a tenté de les réfuter, Le Pen a prétendu qu’il n’avait pu intervenir dans tous les lieux où ils affirment l’avoir vu opérer, car beaucoup étaient hors de « son secteur ». C’est faux. Des secteurs d’occupation d’Alger sont en effet répartis entre les différents régiments de la 10e division parachutiste. Mais la plus grande souplesse dans l’action leur est recommandée, au nom de l’efficacité. La recherche de « suspects » les conduit nécessairement à faire preuve d’une grande mobilité et à mener des raids dans toute la ville.
Des dizaines de victimes en deux mois
Deux vastes et belles villas algéroises réquisitionnées, dotées de grands jardins, servent de centres de « tri » principaux au 1er REP de Le Pen, c’est-à-dire qu’on y enferme des « suspects » pour les interroger : la villa Sésini, PC du régiment, et la villa Les Roses à El Biar, où cantonne l’unité de Le Pen. La caserne de Fort-L’Empereur, également située sur les hauteurs de la ville, est aussi utilisée à cette fin. Mais les unités engagées se partagent au gré des besoins des dizaines d’autres centres de torture disséminés dans la ville et sa périphérie, où ils s’échangent fréquemment les « suspects ».
Selon Le Pen, les accusations de torture à domicile portées contre lui par certains témoins seraient invraisemblables. Il n’en est rien. Les parachutistes subissent alors de la part de leur commandement une forte pression pour faire à tout prix du chiffre. Et l’interrogatoire doit être réalisé au plus vite, si possible sur-le-champ, pour empêcher d’éventuels complices dénoncés d’avoir le temps de s’enfuir.
En janvier 1957, l’armée quadrille les quartiers algériens et y multiplie les démonstrations de sa puissance, tout entière mobilisée sur un objectif : empêcher le succès de la grève générale de huit jours annoncée par le Front de libération nationale (FLN), en dissuadant la population d’y participer. Déclenchée le 28 janvier, violemment réprimée, la grève est pourtant massivement suivie, mais elle fournit aux militaires parmi les grévistes de nouveaux « suspects » à interroger.
Si plusieurs témoins ont eu affaire à Le Pen durant les mois de février et mars 1957, il faut noter qu’aucun ne dit l’avoir croisé en janvier. En effet, le député est alors rentré « en permission » à Paris durant une quinzaine de jours, afin d’y faire campagne lors d’une législative partielle.
Février 1957
Nous retrouvons donc Le Pen pour la première fois dans la nuit du 2 au 3 février, veille du dernier jour de la grève, dans trois récits recueillis en avril 2002 par la journaliste du Monde Florence Beaugé.
Daniel Vérin, jeune instituteur français d’Algérie, prend fait et cause en 1954 pour la Révolution algérienne et s‘engage dans le Front de Libération Nationale (FLN), puis dans l’Armée de Libération Nationale (ALN). Daniel, devenu Ali, est, à la fin de la guerre, en 1962, citoyen algérien.
Ce documentaire a été réalisé à des fins pédagogiques peut contenir des propos qui peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes. Si vous êtes une personne sensible, le visionnage de ce documentaire vous est déconseillé.
Très attendu par le public après des années de censure, le film consacré à ce héros de la révolution assassiné en 1957 ne pourra pas être projeté dans toutes les salles du pays, faute de matériel de projection moderne.
Le dépit et la frustration ont été à la mesure de l’attente et de l’enthousiasme. Jeudi 25 avril, ils étaient des centaines de personnes, majoritairement des femmes et des enfants, à ne pas pouvoir accéder à la salle de théâtre où le film Larbi Ben M’Hidi était projeté dans le cadre du Festival du film méditerranéen à Annaba. Une telle foule que la police a été mobilisée pour assurer la sécurité autour du bâtiment.
« Il y avait dix fois plus de monde à l’extérieur qu’à l’intérieur », raconte Bachir Derrais, réalisateur de ce biopic sur le héros de la révolution algérienne assassiné en mars 1957 lors de la bataille d’Alger. Présent à cette projection, un critique et spécialiste du cinéma confie au metteur en scène n’avoir jamais assisté à un tel engouement du public pour un film algérien depuis Chronique des années de braise, de Mohamed Lakhdar Hamina, Palme d’Or à Cannes en 1975.
Après un bras de fer avec le ministère de la Culture et celui des Moudjahidine (anciens combattants) qui aura duré près de six ans, le réalisateur a réussi à faire lever la censure et les blocages qui ont frappé ce long métrage sur le « Jean Moulin algérien ». Ces blocages que Bachir Derrais a largement porté sur la place publique, dans les médias et sur les réseaux sociaux, ont suscité un vif intérêt de ses compatriotes pour son œuvre.
L’avant-première organisée à l’Opéra d’Alger le 4 mars dernier a encore décuplé l’intérêt pour cette œuvre qui n’épouse pas le récit officiel sur la lutte pour l’indépendance. Il est l’un des rares films sur la révolution de 1954 dont le scénario a échappé au contrôle et au diktat de ce que l’on appelle « la famille révolutionnaire » et de ses relais dans les institutions de l’État. D’où les blocages et la censure qu’il a subis.
Autant d’attente et d’enthousiasme donne des maux de tête au réalisateur et son équipe qui préparent la sortie officielle pour l’automne 2024. C’est d’autant plus vrai que, depuis l’avant-première de l’Opéra d’Alger et la soirée à Annaba, une vingtaine de walis ont contacté Bachir Derrais pour réclamer que son film soit projeté dans leurs départements. Comment répondre à toutes ces sollicitations alors qu’une autre difficulté émerge, celle du manque de moyens techniques ?
Moins de quinze salles équipées pour diffuser le film
Larbi Ben M’Hidi nécessite en effet un projecteur DCP (Digital Cinema Package) pour une diffusion en numérique. Or la grande majorité de salles de cinéma ne possède pas ce type de projecteur. Elles continuent à utiliser les bobines de film 35 mm, voire des lecteurs DVD. Même les mythiques salles Algeria et Afrique, pourtant rénovées avec de substantiels budgets sous le régime de Bouteflika, ne sont pas équipées en DCP. Pour la diffusion du film de Bachir Derrais au festival d’Annaba, les organisateurs ont dû louer un DCP auprès d’un fournisseur privé à Alger avant de le transporter sur place.
On compte aujourd’hui en Algérie moins de quinze salles équipées d’un DCP, dont cinq à Alger, les autres se trouvant à Tizi Ouzou, Bejaïa, Oran, Mascara, Khenchela, Mostaganem, Sidi Bellabes, Constantine et Oum El Bouaghi. Pour une location, il n’existe que deux DCP à travers tout le pays : l’un auprès d’un organisme étatique et le second chez un privé.
Techniquement, Larbi Ben M’hidi ne peut donc être diffusé que dans ces salles équipées. Pour le reste du territoire, le distributeur est dans l’obligation de louer et de faire transporter un DCP sur les lieux de la projection. « Le prix de location de ce matériel est d’environ 300 000 dinars (soit un peu plus de 2 000 euros) par jour, observe Bachir Derrais. Avec les frais de transport et d’hébergement des techniciens, la facture peut vite monter à 500 000 dinars (3 480 euros) par jour. Aucun distributeur au monde n’accepterait un tel risque financier. Pour qu’une journée de projection de mon film soit rentable, il faudrait ainsi vendre le billet d’entrée à 2 000 dinars (14 euros) pour une salle de 500 places. Autant dire que c’est mission impossible. »
Pour contourner cet écueil, il faudrait recourir à des sponsors qui voudraient bien prendre en charge ces frais de location du DCP. Jamais une telle opération n’a été entreprise pour la sortie en salle d’un film. Même dans le cas où des sponsors privés ou publics se montreraient disposés à sortir le chéquier, l’opération prendrait des mois avant sa finalisation.
Une chute du nombre de salles de cinéma
Reste l’autre possibilité : que les collectivités locales ou les directions de la Culture des wilayas acceptent de prendre en charge les frais de location d’un DCP, son transport ainsi que toutes les charges inhérentes à son utilisation. « Certaines wilayas ont déjà accepté de prendre en charge les frais de location du matériel », confie Bachir Derrais. Bonne nouvelle. Mais là encore, il n’existe que deux DCP en location. Il faudrait donc faire preuve de beaucoup de patience avant de voir Larbi Ben M’hidi dans une salle à Sétif, Msila, El Oued, Ain Defla ou Jijel.
Cette situation inédite révèle l’état de l’industrie du cinéma et du spectacle en Algérie. Il ne suffit plus de faire des films, et même de bons films, encore faudrait-il disposer de moyens modernes pour qu’ils soient diffusés dans les grandes, comme dans les petites, villes.
En six décennies, le nombre de salles de cinéma a connu une chute vertigineuse. Alors que le pays en comptait 450 à l’indépendance de juillet 1962, on n’en recense aujourd’hui plus qu’une trentaine. L’arrivée massive de la parabole, à la fin des années 1980, a éloigné le public des salles. Le terrorisme, les violences et l’insécurité de la décennie noire a fait le reste. L’avènement des films piratés ainsi que l’accès des Algériens à toutes les chaînes grâce à des décodeurs clandestins ont fini de décourager les cinéphiles. Enfin, les rares salles encore en service projettent des films de très mauvaise qualité en DVD, et n’offrent pas de conditions de confort et de sécurité pour attirer ou fidéliser le public.
Au cours des vingt dernières années, divers plans ont été lancés par le ministère de la Culture pour rénover et moderniser ces salles à coups de dizaines de millions de dollars. Toutefois, ces projets se sont avérés des gouffres financiers autant que des désastres culturels dans la mesure où même les salles rénovées sont aujourd’hui fermées.
Devant ce désert cinématographique, quelques rares entrepreneurs privés ont décidé d’investir dans ce créneau. C’est ainsi qu’en août 2023, un complexe de 990 m2 comprenant quatre salles a ouvert ses portes à Cheraga, en banlieue d’Alger, au sein d’un centre commercial, à l’initiative de Raid Aït Aoudia directeur de l’agence Media Algeria, spécialisée dans l’achat d’espaces publicitaires. Mais ce type de lieu reste, à ce jour, une exception.
Trois anciens responsables de la Direction de la surveillance du territoire révèlent, dans un livre, les coulisses et les secrets des affaires sensibles traitées par l’ex-contre-espionnage français en Algérie et en Europe.
Quand trois responsables de la DST (Direction de la surveillance du territoire) se mettent à table pour raconter les coulisses de cette institution du renseignement, cela donne une plongée dans les dossiers sensibles et explosifs de la Ve République française au cours des sept dernières décennies.
La guerre que mènent les services de renseignements contre le terrorisme sous toutes ses formes est par définition secrète, confidentielle. Une guerre de l’ombre. Mais il arrive que la DST – qui a été dissoute en 2008 pour être remplacée par la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) – autorise ses anciens agents à lever un coin du voile qui entoure les vieilles affaires. Dont certaines ont pour champ de bataille la France, bien sûr, mais également l’Algérie, la Libye, le Maroc, le Soudan ou encore d’autres pays du Moyen-Orient.
Jean-François Clair, Michel Guérin et Louis Caprioli ont été inspecteurs généraux honoraires à la police nationale et anciens responsables de la lutte contre le terrorisme à l’ex-DST. Dans le livre La DST sur le front de la guerre contre le terrorisme, qui vient de paraître chez Mareuil Éditions, ils racontent l’histoire de cette agence, et notamment ses actions liées à l’Algérie, du début de l’insurrection armée de 1954 jusqu’à la décennie noire qui a fait près de 100 000 victimes.
Le premier épisode évoqué ramène le lecteur en octobre 1956. L’avion qui transporte, du Maroc vers la Tunisie, cinq dirigeants du Front de libération nationale (FLN), Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf et Mustapha Lacheraf, est détourné par l’armée française à Alger. Les cinq hommes, qui voyagent avec des passeports égyptiens, sont alors conduits dans les locaux de la DST à Bouzareah, sur les hauteurs d’Alger, pour y être interrogés par les agents des services de renseignement.
Tandis que ces célèbres prisonniers sont auditionnés séparément par deux enquêteurs, d’autres policiers sont chargés d’éplucher les 12 kilos de documents retrouvés à bord de l’avion arraisonné. L’examen de ces documents permet à la DST de recueillir des preuves de « collusions financières » entre Ben Bella et Fathi El Dib, chef des services spéciaux égyptiens. Maître espion et homme des basses besognes de Nasser, El Dib aura d’ailleurs une influence remarquable sur Ben Bella jusqu’à sa destitution, lors du coup d’État fomenté contre lui le 19 juin 1965 par le colonel Houari Boumediene.
Ben M’Hidi aux mains de Bigeard et d’Aussaresses
La deuxième anecdote remonte à janvier 1957, en plein cœur de la Bataille d’Alger. Les parachutistes du colonel Bigeard, sous le commandement du général Massu, bouclent la Casbah tandis que les agents de la DST traquent Larbi Ben M’Hidi, un des neuf chefs historiques du FLN et chef de la zone autonome d’Alger. Par les aveux d’un agent de liaison, les limiers de la DST parviennent à localiser la cache de Ben M’Hidi, dans un appartement de l’avenue Claude-Debussy à Alger, où il sera arrêté le 23 février par des paras.
« Les archives découvertes à cette occasion permirent, entre autres, de trouver une liste complète de fonctionnaires métropolitains de la Surveillance du territoire en Algérie », écrivent les auteurs. Le responsable de cette fuite, un employé musulman de la préfecture d’Alger, sera arrêté peu après. Interrogé pendant plusieurs jours par le colonel Bigeard, Ben M’Hidi est livré, dans la nuit du 3 au 4 mars, aux hommes du commandant Paul Aussaresses. Conduit dans une ferme de la Mitidja, il sera pendu. Ses bourreaux s’y prennent à deux reprises car la première corde se casse.
Mars 1962, ensuite. La membres de la délégation du FLN conduite par Krim Belkacem entament la phase finale des négociations avec leurs homologues français, qui aboutiront aux accords d’Évian et au cessez-le-feu du 19 mars. La DST conduit alors l’une de ses dernières missions en Algérie. Celle-ci vise les réseaux de soutien en charge de transporter des fonds qui servent au FLN pour financer la guerre en Algérie et en Métropole. Une grande partie de la collecte de cet argent est assurée par la Fédération de France du FLN. Les recettes mensuelles, évaluées à l’époque par la DST, sont de 500 millions de francs. Les différentes opérations menées en France et en Algérie ont permis de mettre à jour les filières d’acheminement qui transitent par les pays voisins en direction de l’Algérie. Plus d’un milliard de francs ont été saisis.
Auparavant, la DST a démantelé des réseaux importants au service du FLN, les fameux « porteurs de valises ». Il s’agit notamment des réseaux Jeanson, Curiel et Dabezies. Durant la guerre d’Algérie, la DST disposait de brigades à Alger, Constantine, Oran et Béchar, chacune disposant d’un centre d’interception radio. Si les services de police et de renseignements généraux dépendaient d’Alger, la DST recevait ordres et instructions de la maison-mère, à Paris. Laquelle avait créé un service de documentation totalement dédié au affaires algériennes. La DST quitte l’Algérie le 1er mars 1962.
La traque du groupe du « colonel Hawari »
En février 1979, c’est la question palestinienne qui se retrouve au cœur des préoccupations. Le leader palestinien Yasser Arafat met en place un groupe d’opérations spéciales, dont il confie la direction au colonel Abdallah Abd al-Hamid Labib, alias « colonel Hawari », dont il est proche depuis le début des années 1970. Entre 1985 et 1986, ce groupe frappe des intérêts syriens et libyens dans plusieurs villes en Europe. Pour la DST, il n’est pas possible de laisser le groupe du colonel Hawari opérer en France ou de laisser un réseau clandestin du mouvement Fatah s’y installer.
Début 1987, un service étranger informe les Français que deux libanais liés au groupe Hawari se sont bien implantés en France. La DST les surveille et les met sur écoute. Le mercredi 4 mars 1987, la DST investit un luxueux appartement du 16e arrondissement de Paris, dans lequel on découvre des armes et des explosifs. Un des occupants, Ziad Hachache, est arrêté et condamné à cinq ans de prison. Le colonel Hawari écope de dix ans de détention par contumace. Entre temps, celui-ci s’est installé à Alger, où il a trouvé refuge.
Grâce aux bonnes relations entre les services français et algériens, deux émissaires de la DST se rendent en Algérie pour faire passer un message : Paris ne tolère pas que le groupe Hawari opère en France. Le colonel, lui, semble surtout intéressé par le fait de récupérer l’un de ses comptes en Suisse, que la justice française a fait bloquer dans le cadre de la procédure judiciaire. Il décède en 1991 dans un accident de voiture survenu à la frontière entre l’Irak et la Jordanie.
Ali Touchent, insaisissable cerveau des attentats de 1995
Le dernier épisode, par ordre chronologique, se déroule en novembre 1993, en pleine décennie noire. Sur la base de renseignements fournis par la DST et les Renseignements généraux, la police française déclenche l’opération « Chrysanthème » contre une soixantaine d’individus soupçonnés d’avoir des liens directs avec les groupes islamiques armés en Algérie. Parmi les personnes visées par ce coup de filet et qui ont réussi à s’échapper figure un certain Ali Touchent.
Réfugié en Belgique, il est désigné, quelques mois plus tard, émir du GIA en Europe. Ses premières missions consistent à recruter des jeunes pour monter des cellules opérationnelles et commettre des attentats en France. En dépit de la traque dont il faisait l’objet de la part de la DST et des autres services, Touchent échappe à tous les radars. À l’hiver 1995, son nom réapparaît en Belgique, lorsque les services secrets algériens informent la DST de l’existence dans ce pays d’un point de chute que fréquentent des membres du GIA.
Le 1er mars, une opération est donc menée par la police belge contre un réseau logistique du GIA animé par l’Algérien Ahmed Zaoui, qui hébergeait Ali Touchent. Encore une fois, celui-ci échappe au coup de filet. Quelques mois plus tard, il sera considéré comme le cerveau des attentats qui frappent la France en 1995. Déjouant tous les systèmes de surveillance, Ali Touchent rentre en 1997 à Alger pour s’y réfugier. Le 23 mai, il est repéré dans un petit hôtel de la rue Tanger, rue populaire et populeuse d’Alger. Il est abattu par les services de sécurité. Il faudra huit mois pour procéder à son identification.
Agent triple ?
Pendant longtemps, certains journalistes et spécialistes de l’islamisme algérien ont soupçonné Ali Touchent d’être un agent triple, au service à la fois du GIA, de la DST et des services algériens. La question revient sur le devant de la scène en 2002, lors du procès, à Paris, des attentats de 1995, où l’ombre de Touchent a plané sur les débats.
Jean-François Clair, alors numéro 2 de la DST, est appelé à la barre pour témoigner. « Cela ne tient pas debout », répond-t-il à la question de savoir si Ali Touchent était une taupe. « À supposer qu’Ali Touchent ait été notre informateur, vous imaginez qu’on aurait laissé faire des attentats après Saint-Michel contre nos intérêts ? On a une déontologie dans ce métier, explique l’agent. On protège nos sources, mais pas à ce point. Ali Touchent n’a pas été notre informateur. Nous avons une certaine déontologie, nous sommes là pour lutter contre le terrorisme. »
chassez le naturel, il revient au galop. Le Rassemblement national (RN), en tête des sondages pour les prochaines législatives françaises (30 juin et 7 juillet), tente de rassurer et de se présenter dans la peau d’un parti « dédiabolisé », mais il est trahi par les lapsus et contradictions de ses dirigeants, et parfois par l’identité de certains de ses candidats.
Dans les Pyrénées Atlantiques, le parti de Marine Le Pen a présenté une candidate notoirement connue comme une nostalgique de « l’Algérie française» qui n’a jamais caché sa sympathie et son admiration pour l’OAS.
L’organisation de l’armée secrète (OAS) est une organisation terroriste qui a sévi dans les derniers mois de la guerre d’Algérie, entre 1961 et 1962.
Fondée par les ultras pieds-noirs opposés à l’indépendance de l’Algérie, l’OAS a à son actif plusieurs milliers de morts (au moins 2700 morts selon les chiffres officiels), français et algériens. Elle a même tenté d’assassiner le général De Gaulle en août 1962.
L’ancêtre du RN, le Front national (FN) a été fondé dix ans après l’indépendance de l’Algérie par Jean-Marie Le Pen autour des résidus de cette organisation et des nostalgiques de l’Algérie française.
Le RN investit une candidate nostalgique de l’Algérie française et ouvertement fan de l’OAS
Il n’est donc pas étonnant que le parti compte parmi ses candidats aux prochaines législatives des personnages toujours hantés par la « perte de l’Algérie ».
C’est du moins le cas dans la deuxième circonscription des Pyrénées-Atlantiques, où le RN a investi comme candidate Monique Becker, une « nostalgique de l’Algérie française et de l’OAS », comme la décrit vendredi 21 juin le média en ligne Streetpress.com.
Enseignante à la retraite, Monique Becker a adhéré au Front national il y a près de 40 ans, en 1985. Elle l’a brièvement quitté à la fin des années 1990 pour rejoindre Bruno Maigret et son Mouvement national républicain (MNR) puis est revenue dans le giron du parti extrémiste et « n’en est pas repartie depuis », raconte la même source.
Le média décrit la candidate comme « une nostalgique de l’Algérie française, soutien indéfectible de l’OAS ». Ce que ne démentent pas ses publications sur les réseaux sociaux.
Streetpress a remonté son profil pour retrouver des prises de positions sans équivoque exprimées « quasi-quotidiennement » à travers des citations philosophiques, opinions politiques, photos et vidéos sur le départ des pieds-noirs d’Algérie en 1962.
La même source souligne que, parfois, Monique Becker "dérape« et partage de »longs textes à la gloire de l’OAS".
Il lui est par exemple arrivé d’écrire que « l’OAS a été créée par les plus glorieux officiers de l’armée française » et de justifier les crimes de l’organisation, estimant que si elle a « abattu des innocents », c’était pour « répondre aux enlèvements et aux assassinats ».
Elle a aussi partagé un post élogieux sur le dictateur espagnol Franco et son action « au secours des pieds-noirs oranais ». Le post était de Jean-Eudes Gannat, leader « violent » de l’Alvarium, un groupuscule
national-catholique qui a fini par être dissous par les autorités françaises.
Une Algérienne française qui partage sa quête d’héritage et d’identité ancestrale. Son coeur bat entre deux pays, deux cultures qu’elles aiment et avec qui elle est attachée. Issu de la troisième génération d’immigrations, voici le résultat de notre époque moderne où nous nous mélangeons, nous voyageons et nous nous déconnectons de ce que nous sommes réellement. Pourtant, nos racines nous rattrapent toujours, même à l’autre bout du monde.
Philosophiquement, on appelle menteur, celui qui dit le contraire de ce qui est, avec l’intention de tromper. Or, je ne sais pas ce qui s’est passé mais c’est parmi les nouveaux maîtres à penser qu’il y a le plus grand nombre de menteurs ! Permettez-moi d’épingler à mon tableau de chasse les plus brillants d’entre eux, des professeurs qui induisent leur monde en erreur. Je me contenterai pour les confondre de quelques contre vérités qui garnissent et pourrissent tous nos écrans : Alain Finkielkraut qui déclare haut et fort qu’il ne voterait jamais pour le Front Populaire à cause de son antisémitisme avéré.
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