"Bourdieu : une enquête algérienne" : une BD documentaire sur les traces du sociologue pendant la guerre d’Algérie
Pascal Génot et Oliver Thomas nous livrent un récit passionnant sur le philosophe qui a révolutionné la sociologie et nous font voyager dans une Algérie méconnue. "Bourdieu : une enquête algérienne" n'est ni une hagiographie, ni un brûlot sur un passé mystérieux de l'auteur de "La Distinction".
Temps de lecture : 2 min
Extrait du roman graphique "Bourdieu : une enquête algérienne" d'Olivier Thomas et Pascal Génot. (Editions Steinkis)
Le roman graphique s'ouvre sur une vue de la capitale algérienne. Des manifestants défilent à Alger pour exiger le changement de régime. "Système dégage", souligne une pancarte. Nous sommes en 2019. L'Algérie bouillonne. C'est le Hirak, la Révolution du sourire. Bourdieu : une enquête algérienne (éditions Steinkis) commence à la manière de Joe Sacco avant de prendre une autre voie. Tout est parti d'une photo. "Une illustration m’a sauté aux yeux. On y voit Feraoun, photographié à Alger en compagnie de Pierre Bourdieu, dans l’école que l’écrivain, instituteur de métier, dirigea de 1957 à 1960. Le cliché donne l’impression de deux hommes qui s’apprécient (…). Pierre Bourdieu a fait ses premiers pas de sociologue durant la guerre d’Algérie. D’abord envoyé comme soldat de contingent pour son service militaire, puis enseignant à l’université d’Alger, il a mené en Algérie des enquêtes qui l’ont inspiré durant toute sa carrière", explique Pascal Génot.
Extrait du roman graphique "Bourdieu : une enquête algérienne" d'Olivier Thomas et Pascal Génot. (Editions Steinkis)
Expérience algérienne
A vingt-cinq ans, le jeune agrégé de philosophie Pierre Bourdieu est mobilisé. Il est envoyé en Algérie, d'abord comme soldat à Orléansville, actuellement Chlef, puis, pistonné par sa famille, il est affecté au Gouvernement général d'Alger. Il travaillait à un poste sensible : rédacteur au Service de l’information des armées, dans la propagande. Libéré de ses obligations militaires, il décide de rester en Algérie malgré la guerre et d'enseigner à l'université d'Alger pendant deux ans. Cet aspect de la vie du sociologue est peu connu. Rares sont les travaux sur cette période. Pierre Bourdieu aurait-il été la figure intellectuelle que l'on connait sans son expériennce algérienne ? Pour les auteurs, la réponse va de soi : cette période est décisive pour sa carrière de sociologue. Pierre Bourdieu a écrit trois livres de sociologie sur l’Algérie et deux d’anthropologie. C'est en 1958 qu'il publie son premier ouvrage, Sociologie de l’Algérie, dans la collection "Que sais-je ?".
Extrait du roman graphique "Bourdieu : une enquête algérienne" d'Olivier Thomas et Pascal Génot. (Editions Steinkis)
La BD documentaire s'inscrit aussi dans l'Algérie contemporaine. Elle ne s'adresse pas seulement aux sociologues ou aux bourdieusiens. Bourdieu : une enquête algérienne, une BD pour comprendre. Et s'instruire.
"Bourdieu : une enquête algérienne", Pascal Génot et Oliver Thomas, éditions Steinkis, 24 euros
Couverture du roman graphique "Bourdieu : une enquête algérienne" d'Olivier Thomas et Pascal Génot. (Editions Steinkis)
La « Radio de l'Algérie libre et combattante » et autres stations. Récit de Lamine Bechichi (Préface de Zahir Ihaddaden). Assala Culture Editions, Alger 2023, 71 pages en français, 80 pages en arabe et album photos de 53 pages
Un livre passé alors inaperçu. Et pourtant, son contenu a une valeur historique indéniable. L'Auteur, Lamine Bechichi, raconte, avec clarté et concision, la grande aventure de la radio algérienne, aventure qui a commencé, dit-on, en 1955, avec Larbi Ben M'hidi : en cherchant une station radio sur son récepteur, alors qu'il était chef de la Zone V (Oranie), il a l'idée d'utiliser les ondes radio pour les mettre au service de la cause algérienne. Il confie alors à son second, Abdelhafid Boussouf, le soin de mettre sur pied le projet le plus rapidement possible.
On a donc une phase itinérante, qui a débuté avec des tests de vieux appareils utilisés durant la Seconde Guerre mondiale. Des émetteurs-récepteurs rafistolés. Puis entre en scène Messaoud Zeggar (Rachid Casa ou Mister Harry) qui permet l'acquisition (auprès des Américains basés à Kenitra) d'un émetteur radio de moyenne puissance. Le jeudi 16 décembre 1956, on a la première émission en arabe, en kabyle et en français d'« Ici la Voix de l'Algérie libre et combattante, la voix du Fln et de l'Aln qui vous parle d'Algérie ». Le reste qui a duré jusqu'au 5 juillet 1962 est une longue et très belle histoire de présence (au Maroc d'abord à Rabat, puis à Tétouan et enfin à Tanger, Tunisie, Libye à Tripoli et à Benghazi, Egypte, Syrie, Irak,... mais aussi et surtout avec une station fixe, « Sawt El Djazaïr », à Nador, tout particulièrement après la proclamation en septembre 1958, du Gpra) d'engagement, de scoops, de sacrifices, de bombardements, de vie pénible... et de créativité avec des noms de légende et aux styles et voix (dont celles de Aissa Messaoudi, Bouzidi Mohamed...) aujourd'hui encore inimitables. On a eu, aussi, avec la continuation du combat libérateur, des actions, des initiatives, des soutiens... et des frictions (avec certaines autorités de certains pays qui servaient de base... et on a même eu un petit « arrêt de travail » de Aissa Messaoudi et de Madani Haouès qui se sentaient abandonnés... une « secousse imprévue ») qui ont obligé, parfois, à changer de lieux et de dénomination. Ainsi, le vocable « Sawt El Djazaïr n'a jamais été utilisé sur les ondes égyptiennes... qui préféraient « La voix du Fln et de l'Aln qui vous parle à partir du Caire »
Une aventure formidable... !
Reste, aujourd'hui encore, le problème des Archives, celles de Nador, de Radio-Tunis, des radios du Caire. « Qu'en reste-t-il » ? Et, surtout où sont-elles exactement et indisponibles jusqu'à quand ? Une interrogation douloureuse de l'auteur, lui-même acteur de premier plan d'une grande aventure médiatique.
L'Auteur : Lamine Bechichi, né à Sedrata le 19 décembre 1927, s'est éteint jeudi 23 juillet 2020 à l'âge de 93 ans.
Lamine Bechichi, un excellent bilingue, avait appris l'arabe et le Coran à quatre ans. Ayant participé, au sein de l'Aln, à la fabuleuse aventure de la communication révolutionnaire durant la guerre, à la fin des années 1960, Lamine Bechichi est conseiller au ministère de l'Education et, en parallèle, il composait des chants éducatifs. Il avait, entre autres, composé les musiques de l'émission télévisée « Al Hadika sahira » (le jardin magique). Le générique de fin était en fait un chant destiné pour fêter l'Au-revoir à l'école en juin et pour rendre hommage aux enseignants.
Il avait ensuite participé à l'organisation du Premier Festival culturel panafricain (PANAF) en 1969, puis dirigé l'Institut national de musique. Lamine Bechichi, violoniste et comédien aussi, était parmi les membres fondateurs de l'Académie musicale arabe en 1971. Il avait composé le générique du feuilleton « Al Hariq » (L'incendie) de Mustapha Badie en 1974 et écrit la partition musicale de la célèbre chanson de la Sud-Africaine Miriam Makéba, « Ana houra fel djazair ».
Après un passage du ministère de la Culture, au début des années 1980, Lamine Bechichi avait été chargé de la direction générale de la Radio algérienne, entre 1991 et 1995, avant d'être nommé ministre de la Communication en 1995.
Sommaire : Préface / Introduction/Chapitre I : Phase itinérante/ Chapitre II : « Sawt El Djazaïr » sur les radios amies/Chapitre III : La station fixe/ Bibliographie/ Témoignages (10) / Annexe (liste des militants ayant collaboré à la « Radio de l'Algérie libre et combattante » (53).
Extraits : « Il est à rappeler que le peuple libyen était tellement lié à la cause algérienne qu'une expression prit naissance grâce à notre révolution. Les Libyens disaient qu'ils voyaient le sourire de la militante Djamila Bouhired à travers la lune. Tout un symbole » (p 41), « Le vocable « Sawt El Djazaïr » n'a jamais été utilisé sur les ondes égyptiennes. On entendra plutôt « La voix du Front de libération et de l'Armée de libération nationale qui vous parle à partir du Caire » (p45), « L'équipe de l'Aln ( note : la toute première de football, comprenant alors des joueurs locaux... comme Krimo de l'Usma, Mohamed Laïfa, de l'As Skikda, Lakhdar Lack et Mostefa Titi de l'Us Tébessa, Saâyoud du Moc...) ne jouera que deux matches en Irak, le premier à Bagdad et le second à Kirkouk» (p49).
Avis : Un (petit mais formidable) recueil d'informations absolument indispensable pour connaître les extraordinaires exploits des combattants de l'Information au service de la Révolution armée.
Citations : « A L'Onu, M'hamed Yazid eut un coup magistral. Il demanda aux jeunes secrétaires de l'Onu de répéter en boucle l'appel suivant : « La délégation algérienne est priée de rejoindre la salle ». Ce fut fait au grand dam de ceux qui ne voulaient nullement la reconnaissance de notre pays » (p51), « Sawt El Djazaïr » émettant sur les ondes des pays frères est certes d'un apport appréciable, surtout pour l'opinion publique, mais rien ne vaut sa propre radio, cette arme inégalée » (p55), « Celui qui ne revendique rien, n' a rien, ni son passé lointain, ni celui récent, qu'il nous faut sauvegarder à tout prix « (p67).
Messaoud Zeghar. L'iconoclaste algérien. La véritable histoire de Rachid Casa. Biographie-essai par Seddik S. Larkeche . Casbah Editions, Alger 2015, 381 pages, 1 500 dinars (Fiche de lecture déjà publiée. Pour rappel. Extraits. Fiche de lecture complète inwww.almanach-dz.com/histoire/bibliotheque dalmanach)
A ses côtés, tous les autres « milliardaires » du pays ne sont que des « petits » malgré tous leurs exploits ou leurs réussites.
Voilà donc un jeune homme né le 8 décembre 1926, à Saint-Arnaud (« Satarno » pour nous les Indigènes de l'époque, aujourd'hui El Eulma) qui va se lancer, dès l'âge de 15 ans, dans les « affaires » en « négociant » d'abord avec les Américains de la base militaire de Sétif. A 20 ans, grâce aux amitiés nouées, tout en militant au sein du Ppa (dont un des responsables n'était autre que Belaïd Abdesselam qu'il retrouvera plus tard sur son chemin), il se lança dans le commerce en tous genres, à partir d'Oran Avec la guerre, il est obligé de se réfugier au Maroc, avec un surnom, Rachid Casa (il a plusieurs surnoms dont « Mister Harry ») et un patron, le Colonel Boussouf.
Il fut chargé de créer au Maroc un atelier d'armement et d'approvisionner la révolution en matériel de tous genres (de transmission, d'armes ). C'était le décollage (56) et l'envol, à la tête d'un véritable empire international (...). Cela dura jusqu'au 8 janvier 83 avec son arrestation (par des agents de la Sécurité militaire), son long emprisonnement (quasi-secret) durant plus de 1000 jours, jusqu'au 16 octobre 1985 en Algérie. « Descente aux enfers » et mort à Madrid en 87 (empoisonné selon A Berrouane) !
L'Auteur : De formation interdisciplinaire (sciences de gestion, sciences politiques, avocat, expert en gestion stratégique des risques, professeur-chercheur ), il a mis quatre années pour rechercher des informations, pour rencontrer des personnes concernées par la vie de son héros. (...)
Avis : Un ouvrage qui devrait être étudié dans les Écoles de Management et d'Affaires du pays La mondialisation-globalisation ainsi que l' « esprit d'entreprise » compris et pratiqués par un Algérien de formation moyenne mais visionnaire, bien avant l'heure. Dommage qu'il ait été « abattu » en plein vol par ses « frères » et « amis » (...)
Extraits : « Zeghar était par excellence un entrepreneur international qui était déjà dans la mondialisation, avec un sens aigu de la recherche d'opportunités diverses et de montages complexes » (p 142)(...)
42 ans avant, la France exécutait le dernier condamné à mort
Le 10 septembre 1977, la France procédait à ce qui allait être la dernière exécution à mort de son histoire. Mais la peine de mort n'a pas été abolie à ce moment-là.
Il s'agit là d'une mesure forte, emblématique du double mandat de l'ex-président de la République française, François Mitterrand. Pourtant, la dernière fois où fut prononcée la peine de mort à l'encontre d'un homme ne fut pas sous sa présidence. H. Djandoubi fut condamné à mort en 1974 pour le meurtre d'une femme. Durant trois ans, il végète en prison, aux Baumettes, à Marseille. La veille, le 9 septembre 1977, ses avocats s'étaient vu refuser la demande de grâce par le Procureur de la République de Marseille. Le 10, il se présente face au bourreau. Décapité au moyen d'une guillotine, il fut le dernier homme au monde à être tué de la sorte. Et en France (comme en Europe de l'Ouest), l'ultime à subir cette peine capitale. Sachez toutefois que d'autres peines de mort furent prononcées à l'égard de plusieurs criminels, mais aucun ne fut à nouveau tué. La plupart virent leurs sentences réduites en cassation, ou bénéficièrent de la grâce présidentielle.
Une promesse de François Mitterrand
Selon l’ancien ministre des Affaires étrangères Roland Dumas, l’exécution du militant communiste Fernand Iveton pendant la guerre d'Algérie, serait, entre autres, à l’origine de l’engagement de François Mitterrand pour l’abolition la peine de mort.
En 1981, quelques semaines après l'élection de François Mitterrandà la présidence de la République française, la peine de mort est officiellement abolie. Il s'agit là, unanimement, d'un progrès humaniste sans précédent dans l'histoire de France. La majorité de gauche à l'Assemblée ainsi que 37 députés de droite ou de centre-droit (dont Jacques Chirac) valident la proposition du président. Cela clôt un vieux débat qui opposait, dès la Révolution, les partisans de la fin de la peine capitale (comme Victor Hugo) et ses détracteurs, nombreux. Aujourd'hui, en Hongrie ou en Turquie, les chefs d'Etats extrémistes semblent souhaiter une réintroduction de la peine de mort. Cependant, la non-pratique de celle-ci constitue un préalable indispensable pour accéder à l'Union Européenne. En France aussi, de récents sondages montraient que le peuple n'était pas hostile à un retour de cette sentence irrévocable. Jacques Chirac a entériné définitivement le débat en inscrivant l'abolition de la peine de mort dans la Constitution française.
Algérie : Fernand Iveton retrouve sa rue après une grande mobilisation
En débaptisant la rue Fernand Iveton, la municipalité d’Oran ne s’attendait pas à une forte mobilisation des réseaux sociaux et des élus de gauche. L’ancien militant indépendantiste du Parti communiste algérien (PCA), guillotiné en 1957, a été réhabilité.
La plaque a retrouvé sa place sur le mur de la ruelle. Il a fallu des pétitions, une mobilisation des internautes et la montée au créneau des élus de gauche. En débaptisant deux rues, la mairie d’Oran ne s’attendait pas à un tollé médiatique. Ce sont les habitants de la rue Fernand Iveton qui avaient donné «l’alerte». Ils ont refusé le changement de nom. «Ils veulent guillotiner la mémoire de notre peuple», s’indigne un représentant du parti Mouvement démocratique et social. L’initiative des autorités locales irrite les médias qui exigent la réhabilitation de Fernand Iveton. «La bêtise se conjugue à la honte, mais ceux qui ont commis le véritable sacrilège qui consiste à enlever à un chahid (martyr, NDLR) le nom de «sa» rue sont-ils conscients de ce que signifie cet acte? Apparemment, non. De plus, ils se sont lourdement trompés en pensant que l’indignité avait gagné tout le monde dans notre pays», ne décolère pas Algérie patriotique.
Ouvrier, communiste et militant de l'Algérie indépendante, Fernand Ivetonfut le seul Européen condamné à mort pour «terrorisme» pendant la guerre d’Algérie. Il a été guillotiné le 11 février 1957, après le refus du président René Coty, du président du Conseil Guy Mollet et de… François Mitterrand, alors Garde des Sceaux, de le grâcier. Selon l’ancien ministre des Affaires étrangères Roland Dumas, l’exécution du militant communiste serait, entre autres, à l’origine de l’engagement de François Mitterrand pour l’abolition la peine de mort.
Au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, les autorités avaient débaptisé certaines rues (comme les deux grandes artères de la capitale, Michelet et d’Isly) en leur donnant des noms de héros nationaux, figures de la guerre (Larbi Ben M’hidi, Didouche Mourad...) et internationaux (Che Guevara, Kennedy...). L’une des plus grandes places d’Alger porte le nom d’un autre militant communiste, Maurice Audin,arrêté le 11 juin 1957 par l’armée française et longtemps porté disparu avant que le général Aussaresses ne reconnaisse avoir donné l’ordre. Sur le plan littéraire, De nos frères blessés, de Joseph Andras (Actes Sud), livre consacré à Fernand Iveton, a reçu cette année le prix Goncourt du premier roman, un prix refusé par l’auteur.
Fernand Iveton est né à Alger le 12 juin 1926, et meurt guillotiné pour la cause algérienne, le 11 février 1957 . Il vécut dans un quartier populaire d’Alger, le Clos Salembier (aujourd’hui El Madania), et suivit l’exemple de son père, en devenant employé de l’usine à gaz d’El-Hamma au Ruisseau. En 1943, il adhère à la section de la redoute des jeunesses communistes et milite aux côtés d’Henri Maillot et Ahmed Akkache.
Il intègre par la suite l’Union de la Jeunesse Démocratique Algérienne qui rassemblera dans ses rangs des jeunes communistes et nationalistes et d’autres patriotes. Iveton militera également au sein des syndicats d’Algérie affiliés à la CGT de France (Confédération Générale du Travail) puis à l’UGSA (Union Générale des Syndicats Algériens) organisation syndicale algérienne qui demeurera affiliée à la CGT. Il sera désigné par les travailleurs de l’usine à gaz d’El Hamma comme délégué syndical.
Iveton considérait la cause algérienne comme la sienne, et en juin 1955 il s’intègre dans les groupes armés des Combattants de la Libération au côté de Abdelkader Guerroudj, Félix Collosi, Mohamed Hachelaf, Yahia Briki, Georges Accampora et d’autres camarades communistes. Après avoir participé à plusieurs actions (sabotages de wagons sur le port, incendie des Bouchonneries Internationales) il sera chargé de placer une bombe à l’usine à gaz d’El Hamma. Elle est déposée le 14 novembre 1956 et tout prouve qu’il a pris toutes ses précautions pour que la bombe ne cause que des dommages matériels. Il sera dit à ce propos, que le militant : « Iveton ne voulait pas d’une explosion-meurtre. Il voulait une explosion témoignage. »
Arrêté le 14 novembre 1956, avant même que la bombe ne soit installée, il fut d’abord torturé pendant trois jours par des policiers : décharges électriques sur le corps, supplice de l’eau… Le 25 novembre 1956, il passe devant le tribunal militaire d’Alger, soit 11 jours seulement après son arrestation, « en application de la procédure expéditive permise par « les pouvoirs spéciaux », accordés par les députés français au gouvernement de Guy Mollet ». Le procès se passe « Dans une atmosphère de pogrom » tel que le précise l’ouvrage écrit sous la direction d’H. Alleg . Il est condamné à mort au cours d’un sombre procès « dans un prétoire où montaient des cris de haine et de mort ».
Robert Badinter à la tribune de l'Assemblée nationale pour l'abolition de la peine de mort
Le projet de loi sur l'abolition de la peine de mort a été adopté par l'Assemblée nationale le 18 septembre 1981, quatre mois après l'élection de François Mitterrand à l'Élysée, puis par les sénateurs le 30 septembre. Le texte a été promulgué le 9 octobre 1981. La France était alors le 35e État du monde à interdire la peine de mort et le dernier parmi la Communauté européenne de l'époque. Les deux dernières exécutions capitales ont eu lieu en 1977, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing.
Robert Badinter : "On arrive à stigmatiser 6 millions de musulmans" c'est insupportable... ça me ramène 75 ans en arrière quand on stigmatisait les Français de religion juive...
Attentats de Paris en 2015 : Une mamie pleine de bon sens…
C’est aussi le mien :
Bravo mamie, ça fait chaleureusement plaisir quand les médias donne la parole à des gens intelligents, plein de bons sens. Plutôt qu'à des imbéciles qui attisent la haine entre les Français.
Voilà le message que nous devons porter ensemble, voilà notre engagement, 30 secondes de paix, d'amour et de fraternité.
Michel Dandelot
Bravo mamie, ça fait chaleureusement plaisir quand les médias donne la parole à des gens intelligents, plein de bons sens. Plutôt qu'à des imbéciles qui attisent la haine entre les Français.
Voilà le message que nous devons porter ensemble, voilà notre engagement, 30 secondes de paix, d'amour et de fraternité.
Michel Dandelot
Par micheldandelot1 dans Accueil le 27 Septembre 2023 à 06:56
De Gaulle ne s'est jamais intéressé aux irradiés de ses essais nucléaires. Vétéran et témoin incontournable du tir Béryl du 1er Mai 1962 qui a tourné à la catastrophe, je ne peux 61 ans après que manifester ma solidarité avec cette population, meurtrie à vie dans sa chair avec ses héritiers par la radioactivité dans ce triangle fatal d'Amguid à Tamanrasset et Djanet.
Oui De Gaulle aussi sinistre que désavoué au pouvoir. En 1958 il a voulu aussitôt sa bombe atomique, une bombe encore plus puissante que celle d'Hiroshima et Nagasaki. Ses deux hourras pagnolesques pour célébrer en avril 1960 le premier tir à l'air libre de sa bombinette à Reggane ont ignoré les conséquences sanitaires de la radioactivité sur le personnel de service et la population locale.
Mais là n'est pas la raison de la mise en cause de la sagacité de cet homme de pouvoir dans sa course à l'armement nucléaire.
Alors que notre pays venait de perdre son statut de grande puissance après deux guerres mondiales, de Gaulle plutôt que de faire l'Union Européenne à armes égales avec l'Allemagne a voulu prendre un avantage sur elle en se dotant de la bombe alors que la voix de la sagesse était de s'en remettre au bouclier nucléaire et à la force de frappe de notre allié les États-Unis autrement plus dissuasifs face aux menaces de l'union des républiques socialistes soviétiques. Mais là ne réside pas seulement notre vindicte à l'égard de De Gaulle.
Ce dernier a prolongé de deux années la guerre d'Algérie afin d'obtenir des négociateurs algériens à Evian dans un accord secret l'autorisation de poursuivre nos essais nucléaires à In Ekker dans le Hoggar jusqu'en 1966 avant de trouver un relais pour 30 ans de plus en Polynésie française.
Cette politique de chantage dans la négociation a coûté la vie à plusieurs milliers d'appelés du contingent qui avaient 20 ans dans les Aurès. De Gaulle n'exprimait aucun remords pour ce sang versé pour prix de sa course à l'armement nucléaire. Le même de Gaulle ne s'est jamais intéressé aux irradiés de ses essais nucléaires.
Vétéran et témoin incontournable du tir Béryl du 1er Mai 1962 à In Ekker et qui a tourné à la catastrophe je ne peux 61 ans après que manifester ma solidarité avec cette population Touareg, nomades ou sédentaires, meurtrie à vie dans sa chair avec ses héritiers par la radioactivité dans ce triangle fatal d'Amguid à Tamanrasset et Djanet.
Ces victimes de nos essais nucléaires n'ont jamais obtenu réparations de l'ancienne puissance coloniale qui reste murée dans son silence coupable.
Afin de mesurer l'ampleur de ce désastre écologique et sanitaire né du nucléaire militaire je recommande aux abonnés et lecteurs de Mediapart de suivre en direct le jeudi 28 septembre à 17 heures la soutenance sur l'histoire des militantismes contre les essais nucléaires de la jeune doctorante Clémence Maillochon qui s'est livrée pendant plusieurs années à des enquêtes sur le terrain pour collecter des témoignages des victimes de nos campagnes d'essais nucléaires sur ces deux continents.
Les paramètres du lien de la connexion vous sont donnés
Le grand reporter Patrick Mesner raconte, trente ans plus tard, dans « L’Horloge du temps » ses voyages pendant la décennie noire en Algérie. Quand l’Histoire se mêle à l’intime pour ce natif d’Alger
Une légère pointe d’accent pied-noir colore la voix de Patrick Mesner. Et pourtant. Il a quitté son Algérie natale très jeune, une première fois en 1962, lors du déracinement général. Il a 9 ans et il est orphelin de mère. Quand son père intègre l’armée à Mers el-Kébir, il revient en Algérie. Il en connaît donc les odeurs, les couleurs, il en a des souvenirs précis, ceux de l’enfance et de l’adolescence qui vous hantent à jamais.
Sur ses années algériennes, celui qui deviendra photographe puis grand reporter pour France 3, a déjà fait paraître deux ouvrages : « La tombe de ma mère » en 2004 et « Le temps suspendu » en 2012. Textes agrémentés de photos. Pour clore une trilogie, sort en ce moment « L’Horloge du temps », texte non illustré et édité par ses soins aux Carnets du sud.
En 1990, il photographie la grande manifestation du Front des forces socialistes.
Patrick Mesner
La tombe de sa mère
Le livre raconte les deux voyages qu’il a entrepris en Algérie en 1990 et 1993, lors de la décennie noire qui a frappé le pays en guerre civile. « En 1990, j’étais reporter à France 3 Marseille et je suis parti pour couvrir les premières élections libres multipartites, raconte le journaliste. C’était la première fois que je revenais en Algérie et nous étions partis un mois avant les autres organes de presse. De ce fait, nous avons eu des interviews du Front islamique du salut (FIS), de Bouteflika… Toutes les autres chaînes ont repris mes images… »
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Royan : Patrick Mesner au cœur de la Nouvelle-Calédonie
Le photographe expose son aventure professionnelle et humaine jusqu’au 29 octobre. L’histoire d’un peuple et d’un territoire qu’il côtoie depuis vingt ans.
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Le conflit au Yémen a tué en sept ans 110 000 personnes, dont près de 13 000 civils selon les données d’Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled). Depuis le déclenchement, en mars 2015, de l’intervention de la coalition arabe emmenée par l’Arabie saoudite contre les rebelles houthistes, Paris n’a cessé de nier l’implication de la France. « Nous n’avons récemment vendu aucune arme qui puisse être utilisée dans le cadre du conflit yéménite », assurait, en janvier 2019, Florence Parly, la ministre des armées, au micro de France Inter. Les matériels livrés ne serviraient qu’à « assurer la protection du territoire saoudien contre des attaques balistiques venant du Yémen » précisait-elle. Quelques mois plus tard, le 15 avril 2019, l’enquête Made in France de Disclose prouvait le contraire, rapport de la Direction du renseignement militaire (DRM) à l’appui. Non seulement des avions, des hélicoptères, des chars et canons français ont participé à des offensives de la Coalition, mais ces armes ont pu servir à viser des zones civiles.
L’ex-ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s’est aussi échiné à maintenir la version officielle. Le 13 février 2019, devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale –- peu réactive —, il martèle que la France [« ne [fournit] rien à l’armée de l’air saoudienne ». Un mensonge qui passe sous silence les livraisons d’outils de désignation laser du groupe Thales, expédiés à l’Arabie saoudite au moins jusqu’en 20171, ainsi que les milliers de missiles « made in France » fournis à sa coalition militaire.
Au cours de la seule année 2019, l’État français a donné son feu vert à 47 contrats d’exportation de munitions, torpilles, roquettes, missiles et autres matériels explosifs, pour un total d’un milliard d’euros vers l’Arabie saoudite et de 3,5 milliards d’euros vers les Émirats arabes unis. L’année suivante, en 2020, ces autorisations ont bondi de 40 % pour l’Arabie saoudite et de 25 % pour les Émirats. Ces chiffres correspondent aux licences d’exportation accordées par la très opaque Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Ils permettent d’évaluer l’appétit des industriels français et de leurs clients en guerre, même si in fine les contrats signés — et secrets — peuvent souvent être inférieurs.
Jusqu’à présent, le gouvernement français refuse de dévoiler le détail des armes réellement livrées dans chaque pays étranger. Ses rapports publics, présentés chaque année au Parlement, indiquent tout de même l’ampleur du commerce avec deux des pays les plus interventionnistes du Proche-Orient, l’Arabie saoudite et les Émirats, respectivement troisième et cinquième meilleur client de l’armement français. On sait donc qu’entre 2015 et 2021, la France a livré des équipements militaires, des munitions et des services de maintenance pour près de 9 milliards d’euros à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, les deux leaders de la coalition arabe formée pour soutenir le gouvernement yéménite contre les rebelles houthistes.
Livraison d’armes françaises à l’Arabie saoudite et aux EAU depuis 2014
Source : Rapports au Parlement sur les exportations d’armes (2014-2021)
Le grand écart de la France entre ses discours et ses actes en matière de respect des droits humains passe de moins en moins bien auprès de l’opinion. À Marseille et au Havre, des dockers ont bloqué des chargements à destination de l’Arabie saoudite. À l’Assemblée, des députés et ONG ont réclamé l’ouverture de commissions d’enquête et la suspension des exportations vers la coalition arabe. Aujourd’hui une majorité de Français est favorable2 à un contrôle renforcé des exportations d’armes. Discrètement, les services français surveillent aussi de plus en plus l’utilisation des armes françaises sur les champs de bataille étrangers, en particulier du Yémen, grâce aux renseignements satellitaires. Sous la pression médiatique, les livraisons d’armes à l’Arabie saoudite ont fini par fléchir en 2020. Elles n’ont pas cessé pour autant. Et l’opacité reste totale. Sans aucun débat démocratique, la guerre continue de se fabriquer près de chez nous.
Trois grandes entreprises françaises et leurs sous-traitants sont impliqués dans le conflit qui a tué plus de 13 000 civils en sept ans : Thales, qui équipe les avions de chasse et livre des munitions, le missilier franco-britannique MBDA, et l’avionneur Dassault, qui entretient les Mirage 2000 et a décroché des contrats records avec les Émirats. Les régions Centre, Nouvelle-Aquitaine et Île-de-France concentrent la plupart de leurs activités. Le 1er juin 2022, quatre ONG ont déposé plainte contre ces trois groupes français pour « complicité de crime de guerre au Yémen ». L’ouverture d’une instruction judiciaire serait une première contre des marchands d’armes de cette envergure. Le seul précédent concerne une PME française, Exxelia, dans le viseur des juges en charge de la lutte contre les crimes contre l’humanité depuis près de quatre ans, et dont les composants de missiles ont été retrouvés dans un bombardement meurtrier à Gaza, en 2014.
« Les entreprises ont beau avoir une licence d’exportation délivrée par l’État français, le choix d’exporter ou non leur revient, et elles ont l’obligation légale de s’assurer que leurs exportations ne vont pas contribuer à des violations des droits humains si celles-ci sont connues et documentées », explique Cannelle Lavite, du Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains (ECCHR). Le Parlement européen et le groupe d’experts internationaux sur le Yémen ont réclamé à plusieurs reprises l’arrêt des livraisons d’armes à la Coalition, en raison de leur utilisation contre les civils. Contacté par Orient XXI, le groupe Thales rejette la responsabilité sur l’État français, principal actionnaire du groupe. « Thales se conforme strictement au cadre légal et renforce en permanence ses procédures internes de contrôle des exportations », assure à Orient XXI son service communication. En 2020, la direction de Thales s’est engagée, aux côtés de chefs d’entreprise du monde entier, « à s’associer avec les Nations unies pour respecter les droits humains ». Dassault et MBDA n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
25 000 RAIDS AÉRIENS
La guerre au Yémen se joue d’abord dans les airs. Jamais un conflit de l’histoire récente n’avait nécessité autant de missiles, de bombes guidées, d’obus d’artillerie, de drones et de systèmes de défense aérienne, note Lotjse Boswinkel du Arab Gulf States Institute de Washington. Depuis le 26 mars 2015, date du début de l’intervention de la coalition arabe, l’organisme de référence Yemen Data Project a comptabilisé 25 000 raids aériens. Dès les premières semaines de leur intervention, les avions de la Coalition parviennent à détruire l’essentiel des cibles militaires3. Pour traquer les houthistes qui se mêlent à la population, ils attaquent les fermes, des marchés, des centres de santé ou encore des sites d’approvisionnement en eau. Les deux tiers des victimes civiles recensées par Acled jusqu’en 2019 ont été tuées par des bombardements de la Coalition.
Le cessez-le-feu annoncé le 30 mars 2022 par l’Arabie saoudite n’a mis fin ni aux raids de son opération baptisée « Restauration de l’espoir » ni aux attaques des houthistes. En l’espace de cinq mois, près de 400 Yéménites ont été tués et la coalition de Riyad a mené près de 200 frappes aériennes, toujours selon Acled.
Pendant ce temps-là, la France aide les Émirats à refaire ses stocks de missiles. Le 3 décembre 2021, le missilier MBDA décroche un contrat de 2 milliards d’euros pour équiper les 80 avions Rafale commandés à Dassault par les Émirats arabes unis. Même si les Rafale ne seront pas prêts avant plusieurs années, les missiles de MBDA seront utilisables dès leur livraison, sur les avions Mirage employés au Yémen. Pour la présidence française, ce contrat « historique » est « un aboutissement majeur du partenariat stratégique entre les deux pays ».
Le groupe MBDA, codétenu par Airbus, le Britannique BAE Systems et l’Italien Leonardo est le principal fournisseur européen de la Coalition. L’armée de l’air4 émirienne est équipée en missiles de croisière Black Shaheen (une variante du système de croisière autonome à longue portée dit « Scalp » ou Storm Shadow) dotés d’une « grande précision de ciblage grâce à un système de navigation avancé » selon les arguments de vente du fabricant. Également en service dans l’armée saoudienne, ces missiles assemblés dans le centre de la France, sont des atouts majeurs de la Coalition. Chargés de 400 kilos d’explosifs capables de dynamiter un bâtiment en une seule frappe, ils sont opérables sur tous les avions de combat de la Coalition, les Typhoon, Tornado et autres Mirage 2000.
AU COEUR DU SYSTÈME, BOURGES ET SA RÉGION
Comme le missile Storm Shadow/SCALP est un programme franco-britannique, la production des composants est répartie entre les sites industriels d’outre-Manche et ceux de Bourges5, où MBDA emploie 1 700 personnes. C’est dans la préfecture du Cher que l’on produit les systèmes électroniques et informatiques de ces missiles. On y teste aussi les munitions — une fois assemblées — dans des laboratoires qui simulent différentes conditions de vol (en soumettant le missile à des températures extrêmes par exemple). C’est aussi à Bourges que la PMEASB Aérospatiale Batteries fabrique les piles thermiques indispensables à la propulsion de ces missiles à plus de 400 km de leur cible.
L’arsenal saoudien répertorié par l’International Institute for Strategic Studies (IISS, Londres) compte aussi une des bombes phare du catalogue MBDA : la Brimstone (« soufre » en anglais), déployable sur des avions comme sur des tanks, et fabriquée à Lostock dans la banlieue de Manchester. Les salariés de Bourges ont aussi été mis à contribution pour fabriquer les premiers bancs de tests des Brimstone, expédiés clé en main en Angleterre6.
Bourges et sa commune voisine de la chapelle Saint-Ursin hébergent deux usines Nexter produisant une large variété de munitions d’artillerie. En pleine guerre civile au Yémen, les Saoudiens leur ont commandé des obus de 120 millimètres pour armer leurs chars Leclerc. En 2016, Nexter prévoyait de vendre aux Émirats 53 000 obus et 50 000 composants explosifs — des « fusées d’artillerie » en vocabulaire militaire —, selon une note du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) datée du 1er juin 2016 et révélée par Disclose. À la Ferté Saint Aubin, au sud d’Orléans, une PME détenue à 49 % par Thales, Junghans, devait pour sa part fournir 41 500 « fusées » de munitions d’artillerie de 155 millimètres7 à la Garde nationale saoudienne, équipée de canons César du même diamètre. Montant total des contrats : 350 millions d’euros. Malgré les réticences de certains diplomates à l’époque, l’État français avait donné son feu vert.
Cette année 2016, le carnet de commandes était tellement plein que Nexter n’avait pas les capacités de production suffisantes. Pour satisfaire le client émirien au plus vite, des obus ont dû être prélevés dans les stocks de la cavalerie française.
MBDA, Nexter et leurs sous-traitants emploient 5 000 personnes dans la métropole de Bourges, soit 10 % de l’emploi de l’agglomération. Le missilier MBDA participe au jury du concours local des start-up de la Défense, Def’ Start, et a même été le parrain de sa deuxième édition. « Après une période de restructuration à la fin des années 1990, les recrutements de la filière Défense ont augmenté fortement depuis cinq ans, explique la présidente de l’agglomération Bourges Plus, Irène Félix, grâce à des commandes de l’armée française et d’autres pays ». Les accusations de complicité de crimes de guerre portées contre le champion régional n’inquiètent pas l’élue divers gauche. « Les industries de défense savent parfaitement dans quel cadre elles peuvent travailler, répond-elle à Orient XXI. La collectivité territoriale soutient le tissu industriel, mais n’intervient pas dans les questions de diplomatie qui sont gérées par l’État ».
À 200 kilomètres de Bourges, dans le département de la Loire, l’entreprise Nexter, détenue à 50 % par l’État français, est un poids lourd de l’industrie locale. À Roanne, où il emploie près de 1 400 salariés, son usine livre les canons César dont l’Arabie saoudite est un des grands clients. Entre 2018 et 2021, le royaume saoudien en a réceptionné 42.
Sous la présidence de François Hollande, le droit international et les vies yéménites ne pesaient pas lourd face aux intérêts économiques français, au sein de la Commission interministérielle sur les exportations d’armements (CIEEMG). À l’été 2016, un an et demi après le début de l’opération saoudo-émiratie, le ministère des armées balaye les craintes des diplomates du Quai d’Orsay qui s’inquiètent du « risque de non-conformité avec nos engagements internationaux ». Impossible de remettre en question les contrats avec des pays représentant « près du tiers de nos volumes d’exportations ». Le cabinet de François Hollande approuve et ordonne même de « ne plus revenir sur la décision de principe de soutenir nos partenaires stratégiques par nos exportations ».
MOTEURS DE MISSILES À TOULOUSE
Après l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, la doctrine Hollande est maintenue à quelques exceptions près. Pendant le premier mandat (2017-2022), la Commission interministérielle (CIEEMG) délivre au moins 77 licences d’exportation de munitions8 vers l’Arabie saoudite et 87 vers son allié émirati. Seuls quelques contrats passent à la trappe. À la Ferté-Saint-Aubin, une usine Thales de munitions a ainsi dû stopper ses livraisons vers l’Arabie saoudite à partir de l’été 2020. « Les services de l’État ont prévenu Thales que la licence d’exportation valable jusqu’en juin 2020 ne serait pas renouvelée ; donc les employés de la Ferté se sont dépêchés d’expédier les commandes en cours pour l’Arabie », raconte un salarié de la branche défense du groupe Thales, détenue à 26 % par l’État français. Ce contrat de quelques millions d’euros n’était pas crucial pour l’usine du Loiret, dépendante à 70 % des commandes du ministère des armées français. Avant les nouvelles directives, cet ancien site de TDA Armements intégré à Thales fournissait des munitions d’artillerie de 120 millimètres aux Saoudiens. Des mortiers photographiés sur les champs de bataille au Yémen, par un photographe de l’agence Associated Press, en avril 2015.
Des soldats saoudiens tirent de l’artillerie en direction de la frontière avec le Yémen à Najran, en Arabie saoudite, mardi 21 avril 2015
Hasan Jamali/AP
Il n’y a pas que la région Centre-Val de Loire qui est mise à contribution dans l’effort de guerre de la coalition saoudo-émiratie. À Toulouse, l’usine de Safran Power Units assemble les pièces du puissant moteur TR60, conçu spécialement pour propulser les missiles Storm Shadow/Scalp. « Sa fiabilité et ses performances opérationnelles ont été démontrées sur le terrain lors de nombreux conflits », se félicite le leader européen des turboréacteurs sur son site internet. Combien de fermes et habitations yéménites Safran a-t-il aidé à détruire ? L’entreprise n’a pas répondu à Orient XXI. « Ça ne nous regarde pas » botte en touche Jean-Paul Lopez, président de l’Association des amis du patrimoine historique de Microturbo, l’entreprise familiale inventrice du moteur propulseur de missile rachetée par Safran.
Pourtant, plusieurs années après la livraison, les fabricants gardent des liens étroits avec leurs clients. Comme le détaille le fabricant MBDA dans une offre d’emploi, « lorsqu’un client achète un système d’arme, il est nécessaire de le former à l’utilisation et à la maintenance de son système. MBDA doit également intervenir chez le client pour effectuer les niveaux de maintenance qui ne sont pas de sa responsabilité ou tout simplement pour réparer ou changer les équipements en panne ». Des visites de contrôle et mise à jour sont à prévoir au moins tous les deux ans. À l’heure actuelle, selon nos informations, MBDA continuerait d’assurer la maintenance des stocks de missiles Black Shaheen. Installé sur la corniche d’Abu Dhabi, MBDA y envoie régulièrement des équipes françaises et britanniques en mission. Des employés de Thales font aussi la navette pour réparer les systèmes de radar et missiles sol-air Crotale montés sur châssis pour les Saoudiens et les Émiriens. Les deux pays en ont plus de deux cents à disposition. Quand les changements sont trop complexes, les pièces sont rapatriées dans la petite bourgade de Fleury-Les-Aubrais, dans le Loiret, où Thales a installé le service client de ces munitions.
DASSAULT, SES MIRAGES ET SON SERVICE APRÈS-VENTE
Autre fleuron de la défense française présent en permanence aux Émirats : Dassault. Et pour cause, le petit État du Golfe a été le premier client étranger des avions de combat Mirage, en 1986, deux ans après leur mise en service au sein de l’armée française. Les Émirats en possèdent aujourd’hui 56, dont les derniers modèles « 2000-9 », acquis à la fin des années 2000, sont équipés de radars et technologies de pointe. Encore plus que les missiles, ces appareils bourrés d’électronique doivent être contrôlés et mis à jour constamment par les ingénieurs du groupe Dassault. Y compris en pleine guerre au Yémen, ces avions de chasse étant des maillons essentiels de la flotte émirienne. Partenaire sans faille des Émirats depuis quarante ans, l’avionneur français forme non seulement les équipes locales à Abou Dhabi, mais accueille aussi des stagiaires sur son site d’Argonay en Haute-Savoie, pour leur apprendre à réparer les Mirage 20009.
Le service après-vente assure de confortables revenus aux industriels. Le contrat de modernisation d’une trentaine de Mirage émiriens, signé en 2019 avec l’accord de l’État, a rapporté 418 millions d’euros à Dassault. Son PDG, Éric Trappier, promettait de « répondre aux besoins opérationnels des Émirats ». En clair, les ingénieurs français améliorent les systèmes radar et de détection de cibles pour permettre au cheikh Mohamed Ben Zayed, président des Émirats arabes unis, de poursuivre ses interventions militaires, entre autres au Yémen et en Libye. La même année, les Émirats envoyaient leur armée de l’air soutenir l’autocrate de l’est libyen, Khalifa Haftar. Parmi les victimes : 44 migrants tués dans le bombardement de leur centre de détention par un Mirage 2000. L’attaque avait suscité l’indignation internationale et été dénoncée dans le rapport des experts de l’ONU au Conseil de sécurité.
En 2015, l’année où la Coalition arabe décidait d’aller pilonner les villages yéménites, une trentaine de militaires émiriens sont venus se former dans le plus grand campus français de la filière aéronautique et spatiale, à Latresne, près de Bordeaux. Une nouvelle promo est attendue en 2023. Cette fois, l’école va accueillir plusieurs centaines de stagiaires venus des Émirats, qui se succéderont pendant plusieurs années, pour se familiariser à l’entretien des futurs escadrons de Rafale commandés fin 2021. Les apprentis pourront même aller vérifier l’état d’avancement de leurs futurs avions, assemblés de l’autre côté de la Garonne, à Mérignac. Former une armée accusée de crimes de guerre, est-ce compatible avec les valeurs de l’école financée en partie par des fonds publics ? « Nous ne formons pas de stratèges militaires ni des pilotes, mais des maintenanciers d’avion, se défend la directrice d’Aérocampus Anne-Catherine Guitard. Quand Dassault vend des Rafale, il s’arrange aussi pour vendre une partie formation « made in France » à Latresne. Sur l’« aérocampus », créé par la région Nouvelle-Aquitaine et des industriels du secteur — Dassault et Airbus en tête —, les formations proposées aux clients étrangers émiriens, qataris ou indiens servent à financer les diplômes de 350 étudiants français en aéronautique. Difficile dans ces conditions de bouder les généreux clients du Golfe. « Je me verrais mal refuser des demandes qui ont été validées par le ministère [des armées] et la présidence de la République », explique la directrice.
Les Saoudiens préfèrent quant à eux le climat lorrain. L’État français les a convaincus de venir se former au maniement de leurs tourelles canons à Commercy, ancienne base militaire dépeuplée depuis le départ d’un régiment français. Le centre spécialement construit pour les Saoudiens, grâce à des fonds publics, devait booster l’emploi local. À peine une vingtaine de postes ont été créés sur les cent promis, selon l’enquête d’Amnesty International et de La Revue dessinée10.
LA CGT POUR UN MORATOIRE SUR LES VENTES D’ARMES
Pour justifier la poursuite de leurs contrats avec l’Arabie Saoudite et les Émirats, les industriels n’hésitent pas à invoquer la sauvegarde des emplois en France. Or, l’argument est loin d’être validé par les syndicats. Au sein de Thales, la CGT mène la fronde depuis plusieurs années pour obtenir un moratoire sur les ventes de matériels de guerre à l’Arabie saoudite et aux Émirats utilisés dans la guerre au Yémen. Car en plus des bombes fabriquées dans le centre de la France, le groupe Thales est aussi le fournisseur officiel d’outils de ciblage, ou « pod Damocles », pour les forces aériennes saoudiennes et émiraties. Ces systèmes d’optique de pointe servent à guider avec précision les tirs des avions de chasse et à éviter les dommages collatéraux. Sauf quand les civils font partie des cibles désignées. Comme le bus transportant des écoliers, déchiqueté par une frappe de la Coalition, en août 2018. L’Arabie saoudite a acheté une soixantaine de pods français, dont les derniers ont été livrés en 2017, pour équiper ses avions Typhoon et Tornado (selon le Sipri). Idem pour les Mirage de la flotte émirienne. Et depuis 2017, Thales continue d’assurer leur maintenance.
Toutes ces nacelles — dont les Émirats ont déjà commandé la nouvelle version « Talios » — ont été produites à Élancourt, à quarante kilomètres de Paris. Dans cette commune des Yvelines de 25 000 habitants, les laboratoires secret-défense de Thales s’étalent sur près de 40 000 mètres carrés. Cet énorme site, qui réunit plus d’un millier d’ingénieurs et techniciens de haut niveau, est aussi le berceau des drones Spyranger commandés il y a quelques mois par la Garde nationale saoudienne11. Ces contrats s’élèveraient à plusieurs centaines de millions d’euros. Pas vraiment une source de fierté pour Grégory Lewandowsky, coordinateur CGT du groupe Thales. « Ce n’est pas parce que l’État français autorise ces ventes que nous devons les accepter. Il y a un risque juridique pour Thales de fournir des armes qui sont utilisées dans un massacre, estime le syndicaliste, le renoncement à ces contrats militaires pourrait être compensé par des investissements dans le civil comme les technologies et équipements médicaux ». Mais cette proposition de diversification n’aurait pas les faveurs de Patrick Caine, le PDG de Thales, qui rechigne à s’aventurer sur des marchés incertains et privilégie « la rentabilité à court terme », selon la CGT.
La rhétorique des industriels a d’autant plus de mal à passer que leurs bénéfices records échappent aux salariés. En 2021, Dassault Aviation a totalisé près de 700 millions d’euros de bénéfices, soit deux fois plus qu’en 202012 et ses actionnaires ont reçu 208 millions d’euros de dividendes. Mais l’avionneur n’avait rien prévu pour ses employés. Il a fallu qu’ils se mettent en grève pendant près de trois mois pour que l’industriel se décide à augmenter les salaires d’une centaine d’euros. Ce mouvement social inédit s’est aussi propagé dans les usines de production d’armements de Thales et MBDA. Elancourt est devenu l’épicentre de la colère, avec la plus longue grève de l’histoire de Thales pendant près de deux mois et demi. « L’attitude de Thales qui voulait faire des économies sur la politique salariale a été totalement incomprise par les salariés au moment où les chiffres du groupe sont excellents et où l’argent versé au capital avoisine les 1,3 milliards d’euros », témoigne Grégory Lewandowsky de la CGT Thales.
L’alliance qui commence à se dessiner entre des syndicats et ONG promet de secouer une industrie pour l’instant surprotégée par l’État français, lui-même actionnaire de plusieurs fleurons de la filière. D’autant qu’en interne, la pression de l’opinion publique commence à inquiéter les directions des ressources humaines. Certaines entreprises critiquées pour leurs armes utilisées au Yémen auraient de plus en plus de mal à recruter de jeunes diplômés.
Ce film revient sur les mois qui ont suivi la proclamation de l’indépendance en Algérie, le 5 juillet 1962. Quarante ans après, une dizaine d’acteurs de la révolution algérienne -leaders historiques de la rébellion, chefs des maquis de l’intérieur, cadres de l’Armée des frontières, responsables de la fédération de France du FLN -, interrogés par l’historien Benjamin Stora, évoquent, devant la caméra de Jean-Michel Meurice, cet été pendant lequel les nationalistes qui venaient d’en finir avec la guerre contre le colonisateur se sont affrontés dans une terrible bataille pour le pouvoir, jusqu’à la victoire de Ben Bella en septembre 1962.
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