se Vignaud présente « Nuit d’Octobre », une pièce écrite à quatre mains avec l’autrice et dramaturge Myriam Boudenia. Cette fiction est inspirée d’un fait historique, les évènements du 17 octobre 1961. Cette journée tragique vit une manifestation pacifique à Paris violemment réprimée et des militants du FLN algérien massacrés.
Une chronique de Cécile Barreyre
En tournée :
A La Criée Théâtre de Marseille, en co-accueil avec Les Théâtres Aix-Marseille – du 29 novembre au 3 décembre 2023
Au Théâtre Molière (Scène nationale archipel de Thau à Sète) – le 19 mars 2024 Et au Bateau Feu Dunkerque – le 22 mars 2024
Le lendemain du drame, le ministre de l’Intérieur, Roger Frey prononcera cette phrase terrible : « Il ne s’est rien passé.»
Depuis les années 50 et jusqu’à l’indépendance algérienne, les Algériens sont parqués dans des bidonvilles, à Nanterre et ou dans d’autres banlieues françaises. Ce 17 octobre 1961, le FLN avait appelé à une manifestation pacifique dans le centre de Paris contre le couvre-feu imposé aux ressortissants algériens en raison d’attentats successifs. Entre vingt et trente milliers d’Algériens s’y rendent, hommes, femmes et enfants.
La réponse orchestrée par le préfet de Paris Maurice Papon, celui là même qui organisa les déportation des juifs en Gironde entre 1942 et 1944, est sans pitié. La répression sera d’une violence inouïe : plusieurs centaines de morts -on n’en connait pas exactement le nombre exact. Les casavres sont retrouvés dans la Seine et dans les bois autour de Paris. Près de 12000 arrestations ontlieu, femmes, enfants, traqués, torturés.
Le lendemain le ministre de l’Intérieur, Roger Frey prononcera cette phrase terrible : « Il ne s’est rien passé.» C’est l’histoire d’un « trou noir ». Pendant des années, un insupportable silence recouvrira la réalité d’une date clé de la guerre d’indépendance algérienne.
Comment une telle violence a-t-elle pu se produire en plein cœur de la capitale, alors même que la guerre pour l’indépendance de l’Algérie touche à sa fin ?
Il faudra des années pour que la lumière soit faite sur ces actes, grâce aux travaux d’historiens, de journalistes, d’archivistes, dont Brigitte Lainé, ancienne conservatrice en chef des Archives nationales, décédée en 2018, dont est inspiré un des personnages.
La fiction pour dire le réel
Les autrices ont choisi la fiction, nourrie d’un grand travail documentaire pour raconter cette histoire, mêlant l’intime et l’universel, en s’attachant à des personnages aux itinéraires, aux histoires et enjeux différents voire opposés : militants, ouvriers, harkis, policiers, présents le 17 octobre 1961.
Sur scène, deux fantômes dialoguent et interrogent tout au long du spectacle : Octobre figure universelle et intime du vieil algérien et celle de la jeune adolescente Zohra, retrouvée noyée cette nuit-là. Elle incarne la tragédie, mais aussi le souvenir et l’espoir d’un futur meilleur.
Ce personnage est également est inspiré par une jeune fille réelle, Fatima Bedar, dont la police avait fait passer la mort en suicide.
La scène de prologue dans la pharmacie, où des manifestants blessés viennent se réfugier, est le seul moment du spectacle qui a lieu le soir du 17 octobre 1961.
Onze comédiens donnent voix et vie à une trentaine de personnages et en cela, ce choix donne de la force, de l’humanité, de la vitalité au spectacle.
Le silence, la trace
La scénographie d’Irène Vignaud est sobre et astucieuse constituée de casiers mobiles qui se transforment tout au long de ce drame. Elle nous transporte un instant, de l’office pharmaceutique, au commissariat, aux vestiaires de l’usine, dans la rue, dans une cuisine, au bureau des Archives, où une femme (Magali Bonat), inspirée par Brigitte Lainé, témoigna du massacre malgré les pression hiérarchiques.
Une bâche noire, déployée en fond de plateau où sera écrit :« ICI ON NOIE DES ALGERIENS », une phrase écrite sur les quais de la seine en 1961. La pluie et le sable envahissent le théâtre, symboles de l’effacement de la trace.
Louise Vignaud signe là une mise en scène rigoureuse, fluide, chorale où se mêlent avec clarté et énergie des récits de vie sur fond historique.
Cette pièce est la somme d’un travail très collectif. L’écriture est nourrie du travail du plateau, d’ échanges entre les comédiens et la metteur en scène.
Louise Vignaud place des mots décisifs et des images poétiques sur cette amnésie collective.
Notre entretien avec Louise Vignaud: « L’humain au coeur de l’Histoire »
« Nuit d’Octobre » comme une grande aventure collective, un théâtre épique qui raconte et bouleverse, émeut et perturbe »
« J’ai conçu la première scène comme un inconscient du massacre, explique Louise Vignaud, quelque chose qui se dépose dans l’esprit du spectateur et auquel tout le reste fait référence. J’avais envie de travailler sur la notion de trace, sur ce qu’on voit voit, ce qu’on imagine
« Nuit d’Octobre est une grande aventure collective, un théâtre épique qui raconte et bouleverse, émeut et perturbe. Un spectacle paradoxal, à la fois âpre, brut, et finalement profondément sensible par les hommes et femmes qui l’habitent et le racontent. Un théâtre qui réhabilite l’Humain au cœur de l’Histoire ».
Un théâtre fraternel et collectif face à la brutalité du sujet? Nous avons fait de nombreux aller retours entre l’écriture et les répétitions…C’était pour moi un dialogue précieux entre les images que j’avais en tête, ce que j’avais envie de chercher sur scène et le texte qui allait être le vecteur de cette recherche »(1).
La présence des morts…
« Oui, je trouve fabuleux de pouvoir faire parler les vivants et les morts au théâtre. Très vite, l’idée est venue d’un dialogue entre deux fantômes, Octobre et Zohra. Octobre, mémoire des algériens disparus. Zohra, quant à elle, est un fantôme qui se souvient et qui veut qu’on se souvienne.
Avec ces spectres, il s’agissait de confronter deux rapports contradictoires à la mémoire ».
(1) Cet entretien était rendu public dans le programme du TGP de ST Denis oùla pièce a été jouée en novembre. Les propos ont été recueillis par Olivia Burton.
LA DISTRIBUTION
Simon Alopé Tahar : Arthur ; un collègue de l’archiviste / Lina Alsayed Kheïra : le planton / Magali Bonat : L’archiviste ; Suzanne ; une cliente de la pharmacie / Mohamed Brikat Houari : Saad ; le déménageur / Pauline Coffre : Françoise : l’infirmière ; une collègue de l’archiviste / Ali Esmili Hamid Khaled : le coursier ; un client de la pharmacie / Yasmine Hadj Ali Zohra : Nour / Clément Morinière : Joseph ; Bernard ; le pharmacien ; l’éclusier ; un collègue de l’archiviste / Sven Narbonne : le formateur ; Alain ; un client de la pharmacie ; un collègue de l’archiviste / Lounès Tazaïrt : Octobre / Charlotte Villalonga : Joss ; la femme de Ménag
Photo : Rémi Blasquez
Scénographie Irène Vignaud / Lumière Julie-Lola Lanteri / Son Orane Duclos / Costumes Emily Cauwet-Lafont / Maquillage Et Coiffure Judith Scotto / Assistanat À La Mise En Scène Margot Théry / Régie Générale Nicolas Hénault
Dorothée-Myriam Kellou, à Paris, le 7 septembre 2023. JF PAGA
Pendant longtemps, la journaliste Dorothée-Myriam Kellou (qui collabore régulièrement avec Le Monde) ne connaissait pas grand-chose à l’Algérie, son autre pays qui rime trop souvent avec nostalgie et oubli. Mère française, père algérien, elle est un mélange de deux cultures comme son prénom composé en témoigne. Quand elle se présente, elle dit qu’elle est « française-algérienne ».« Française trait d’union algérienne, précise-t-elle. J’aime l’équilibre qu’apporte ce trait d’union. Il est confortable, mais il sépare. Et si je le remplaçais par un astérisque ? (…) Je suis française*algérienne. » Et pour le reste ?
De Nancy (Meurthe-et-Moselle), la Kabylie paraît si loin. Enfant, à la maison, son père ne parle alors ni arabe ni berbère avec ses deux filles. Sans le savoir, il y a une rupture – silencieuse – avec le pays d’origine. Aucune importance, Dorothée-Myriam Kellou aime, à la différence de sa grande sœur, revendiquer son côté « DZ » (abréviation de Djazaïr, Algérie en arabe), surtout devant ses amis. Mais un jour, au collège, l’un de ses camarades lui fait remarquer qu’elle ne parle même pas arabe. « Pourquoi ? », demandera-t-elle à son père avec reproches. « Tu connais la langue de ta mère, le français, lui répond-il. Tu peux apprendre l’arabe dans les livres. »
Le message est passé : elle va s’« arabiser », plonger dans cette langue où les phrases s’étirent et se dessinent avec grâce sous le trait du stylo. Elle cherche à tout savoir sur le sens des lettres quand elles se lient entre elles ; elle veut une connaissance plus intime avec les verbes et les expressions. « La langue arabe est très riche en mots. Pour dire l’amour, al-houb, il existe soixante déclinaisons qui renvoient à différents degrés de ce sentiment », souligne-t-elle. Elle en égrène quelques-unes : l’attirance (al-hawa), l’amour brûlant (al-najwa), l’amour qui rend fou (al-hoyam)… L’apprentissage de cette langue va l’emmener en Egypte, en Palestine et même aux Etats-Unis. Et l’Algérie alors ?
Monument terrifiant
Dans un livre très personnel, Nancy-Kabylie, Dorothée-Myriam Kellou s’intéresse à l’histoire de ce pays, se penche sur Frantz Fanon, psychiatre martiniquais et figure majeure de la lutte contre le colonialisme, ou encore sur l’intellectuel américano-palestinien Edward Saïd, penseur de l’orientalisme. Et que sait-elle de l’histoire de sa famille en Algérie ? Sur l’enfance de son père ? Pas grand-chose…
Malek Kellou, réalisateur de télévision – devenu français, il y a une trentaine d’années –, semble encore captif d’un passé lointain et douloureux. Ce père, né en 1945 au temps de l’Algérie française, ne l’a jamais raconté à ses enfants. Ce n’est pas par pudeur, déni ou volonté de leur cacher le passé : sa mémoire a fait le vide, cherchant à mettre de côté les horreurs vécues pendant la guerre d’Algérie (1954-1962).s
Un soir de Noël 2010, il offre à ses enfants un projet de film documentaire intitulé Lettre à mes filles. Dorothée-Myriam Kellou a 26 ans et apprend qu’une silhouette a été comme effacée des souvenirs de son père, celle d’un homme en bronze, avec une petite moustache ciselée, au visage menaçant et baïonnette à l’épaule. Il s’agit de la statue du sergent Blandan, mort pendant la conquête coloniale en 1842 à Boufarik, non loin d’Alger. Enfant, ce monument qui trônait sur la route menant à son village « terrifiait » Malek.
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Dans son projet de film, il raconte qu’un matin d’avril 1990, alors qu’il était en train de réaliser une émission pour FR3, il est tombé nez à nez avec cette statue qui venait d’être érigée dans un nouvel emplacement à Nancy. « La mémoire, jusqu’ici plus ou moins maîtrisée, de mon enfance, me percuta de plein fouet », écrit-il dans sa lettre, précisant que cette statue lui rappelait « la guerre, l’odeur du napalm et les regroupements… ».
Apaiser les souvenirs traumatiques
Durant la guerre, l’armée française avait vidé des villages entiers, souvent difficiles d’accès, pour couper tout soutien au Front de libération nationale (FLN). Les populations étaient alors regroupées dans des camps sous surveillance et influence directe de la France. Au total, plus de 2,35 millions d’Algériens avaient été ainsi forcés à s’y installer. Parmi eux, un jeune garçon de 10 ans prénommé Malek.
Malek Kellou est originaire d’un hameau de Mansourah, un village de petite Kabylie ; il a été déplacé dans un camp entouré de barbelés électrifiés où il fallait des autorisations pour cultiver les champs. « Je ne suis jamais retourné dans mon village depuis cette époque. Je n’ai jamais revu ma maison, je n’ai jamais revu mes amis de Mansourah. Aujourd’hui, c’est mon rêve le plus cher d’y retourner », écrit-il. Ce rêve va devenir celui de sa fille. Ensemble, ils vont le réaliser et en feront même un documentaire, A Mansourah, tu nous as séparés.
Nancy-Kabylie raconte le voyage temporel et sentimental d’un père et d’une fille en quête de leurs racines. La journaliste va ainsi apaiser des souvenirs traumatisants chez son père, se réapproprier cette mémoire oubliée et apprivoiser la partie manquante de son histoire familiale. La force de ce récit intime, construit comme un documentaire, est de montrer que les blessures d’un parent peuvent aussi se transmettre malgré les silences. Et devenir une obsession. Dorothée-Myriam Kellou a choisi sa peine, celle de porter les tourments algériens de son père pour mieux s’en affranchir. Les comprendre et se comprendre aussi.
Publié hier à 18h00, modifié à 09h59https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/30/nancy-kabylie-de-dorothee-myriam-kellou-la-memoire-de-mon-pere_6203214_3212.html.
Il aura fallu attendre deux mois pour que l’Élysée donne enfin son accord à la liste des Français qui feront partie de la commission mixte d’experts chargée de plancher sur la colonisation et la guerre d’Algérie. C’est mercredi 25 janvier que les autorités françaises ont validé par téléphone cette liste que l’historien Benjamin Stora avait soumise début décembre 2022 pour approbation. Un communiqué de la présidence française annonçant la composition de cette commission devait ensuite être rendu public, mais l’annonce officielle a tardé.
Outre Benjamin Stora, la liste française comprend Tramor Quemeneur, docteur en histoire, enseignant à l’Université Paris-VIII et à Paris-Cergy-Université, et membre de la Commission Mémoires et Vérité et du Conseil d’orientation du Musée national d’histoire de l’immigration (MNHI). Quemeneur, qui sera le secrétaire général de la partie française de la commission, a cosigné avec Benjamin Stora deux ouvrages sur la guerre d’Algérie.
La commission d’historiens français et algériens s’est réunie la semaine dernière pour la première fois à Constantine en Algérie. Cette commission, créée en août 2022 par les présidents Tebboune et Macron, a pour but de faire la lumière sur le passé commun des deux pays, du début de la colonisation à la fin de la guerre d’indépendance. À l’occasion de cette réunion, les dix historiens ont notamment proposé la restitution à l’Algérie des biens de l’émir Abdelkader, héros de la résistance à la colonisation française. Entretien avec Benjamin Stora, co-président de cette commission. L’historien vient de publier L’Arrivée. De Constantine à Paris, 1962-1972, chez Tallandier.
RFI: La commission s’est donc réunie mercredi 22 novembre, à Constantine. Les débats se sont focalisés sur plusieurs points. Premier objectif qui ressort de vos travaux, l’élaboration d’une chronologie et d’une bibliographie communes. Est-ce que l’idée derrière ça, c’est d’élaborer un récit commun entre la France et l’Algérie?
Benjamin Stora: Je ne pense pas qu’on puisse parvenir à un récit commun. Vous savez les souvenirs, les récits d’histoire ne sont pas les mêmes de part et d’autre de la Méditerranée. Donc, il ne s’agit pas d’écrire un récit commun, ce qui n’a jamais été le propos. Mais simplement de faire des partages, des échanges d’informations, de travailler ensemble sur cette histoire qui a duré près d’un siècle et demi entre la France et l’Algérie avec un objectif qui est celui de comprendre l’origine par l’intermédiaire de la pénétration coloniale, en fait fondamentalement c’est-à-dire le XIXe siècle. Donc, il s’agit non pas d’écrire une histoire commune, mais de mettre à jour un certain nombre de faits, de documents et de dates bien sûr de ce qui s’est passé pendant cette période du XIXe siècle.
Autre grand thème abordé à Constantine, celui des restitutions. L’un des projets est notamment de rendre à l’Algérie l’épée, le burnous et un exemplaire du Coran ayant appartenu à l’émir Abdelkader, émir qui lutta contre la conquête de l’Algérie par la France au milieu du XIXe siècle. Ce serait là un premier geste symbolique?
Moi, j’ai toujours plaidé effectivement pour des gestes à caractère pratique, concret, symbolique. Evidemment, l’émir Abdelkader bien sûr est un personnage essentiel dans cette histoire et c’était une vieille revendication algérienne. Moi, je crois que c’est nécessaire d’accomplir ces gestes. On se heurte à une difficulté, c’est que par exemple, le burnous appartient à une famille privée, il n’appartient pas à l’État français. Donc, il va falloir effectivement voir avec la famille qui a acheté, je crois, cette pièce importante, de voir s’il était possible de reposséder à nouveau ces pièces et documents pour la restitution. C’est compliqué les histoires de restitution. Puis, il y a aussi la loi en France sur la restitution dont une partie a déjà été adoptée, je crois par le Sénat. Cette loi doit continuer d’être discutée sur la restitution des œuvres culturelles, matérielles ou immatérielles. Donc normalement, il devrait y avoir dans le cadre de cette loi la restitution à l’Algérie d’un certain nombre d’objets dont ceux-là, c’est-à-dire ayant appartenu à l’émir Abdelkader.
La prochaine réunion prévue à Paris en janvier doit traiter une des questions les plus épineuses, celle des archives. Vous avez bon espoir de pouvoir accéder aux archives algériennes et que les historiens algériens puissent eux consulter les archives françaises?
Oui ! Vous savez, les archives, on en parle beaucoup depuis de nombreuses années. Mais il y a déjà énormément d’archives qui sont ouvertes. On a beaucoup discuté de cette question lors de la réunion à Constantine. Et il y a déjà beaucoup d’archives qui sont ouvertes en France. En Algérie, il y a aussi beaucoup d’archives que la France a laissées. Donc, il y a par conséquent des archives qui ne demandent dans le fond qu’à être consultées. La question, c’est le nombre de chercheurs, la volonté, les moyens qui sont donnés aux chercheurs et aux historiens en particulier pour pouvoir accéder à ces archives. Je crois qu’il y a une volonté très grande de vouloir dépassionner ce débat. Et par parenthèse, on peut aussi faire une rencontre entre historiens qui ne soient pas obligatoirement à Paris, mais peut-être aussi, comme l’ont proposé les Algériens, dans une ville de province. Par exemple, à Marseille ou à Aix-en-Provence où il y a énormément d’archives de l’Algérie bien entendu. Donc, cette question des archives, on en parle beaucoup, mais en fait il faut y aller et voir ce qu’il y a dedans. Et il y a beaucoup de choses qui sont d’ores et déjà consultables.
Il y a 6 mois, vous aviez dénoncé le manque de moyens dévolus à la partie française de cette commission. Avez-vous le sentiment d’avoir été entendu sur ce point par les autorités françaises?
Cela a été en grande partie satisfait parce qu’il y a une personne qui est maintenant chargée directement de s’occuper du fonctionnement de la commission, ce qui n’était pas le cas. Une personne vient d’être nommée, monsieur Tramor Quemeneur, historien, et qui va être en charge de la coordination. Moi, je ne pouvais pas m’occuper personnellement de tous ces éléments. Donc, il y a un secrétariat qui va commencer à se mettre en place. Il faut effectivement davantage encore de moyens, notamment au niveau des bourses de recherche pour les jeunes chercheurs, pour les jeunes doctorants en particulier qui travaillent sur cette histoire en France. Parce que n’oublions pas qu’à l’échelle internationale, l’histoire coloniale et en particulier celle de l’Algérie coloniale passionne beaucoup. Et la France ne doit pas - et ce serait un paradoxe -, enregistrer de retards sur cette recherche et donc, donner davantage de moyens.
La commission d'historiens français et algériens a proposé une restitution à l'Algérie des biens de l'émir Abdelkader et l'établissement d'une "chronologie des crimes coloniaux" durant le 19e siècle, lors de sa première réunion en Algérie, a indiqué mardi la télévision algérienne.
Les dix membres de cette commission mixte - cinq Algériens et cinq Français -- se sont réunis mercredi et jeudi de la semaine passée à Constantine (est), ville natale de l'historien français Benjamin Stora, membre de cette instance.
Concernant les "biens pillés", il a été convenu de "restituer tous les biens symbolisant la souveraineté de l'Etat (algérien, ndlr) appartenant à l'émir Abdelkader, aux chefs de la résistance et les crânes restants (de résistants à la colonisation, ndlr), et de continuer à identifier les restes remontant au 19e siècle", selon la télévision.
Héros de la résistance à la colonisation française dès 1832 et fondateur des prémices d'un Etat algérien, l'émir Abdelkader (1808-1883) fut un habile combattant. En 2020, la France a restitué à l'Algérie les crânes de 24 résistants tués au début de la colonisation, qui a duré 132 ans entre 1830 et 1962. Mais Alger continue d'exiger le retour d'autres crânes se trouvant dans des musées français.
Concernant les archives, il a été convenu de remettre à l'Algérie "deux millions de documents numérisés relatifs à la période coloniale en plus de 29 rouleaux et 13 archives, qui constituent 5 mètres linéaires d'archives restantes relatives à la période ottomane", du début du 16e siècle jusqu'à la période coloniale, a précisé la télévision.
Dans le domaine académique, les membres de la commission ont décidé de "poursuivre la réalisation d'une bibliographie commune des recherches et des sources imprimées et manuscrites sur le 19e siècle" et de "mettre en oeuvre un programme d'échange et de coopération scientifique comprenant des missions d'étudiants et de chercheurs algériens en France et de missions françaises en Algérie pour consulter les archives".
La création de cette commission avait été annoncée en août 2022 à Alger par les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune, dans le but de "regarder ensemble cette période historique" du début de la colonisation française (1830) jusqu'à la fin de la guerre d'indépendance (1962). La commission mixte a tenu deux autres réunions: la première par visioconférence en avril et la deuxième à Paris en juin.
Rembob'INA revient sur un débat historique des Dossiers de l'écran, « Les pieds-noirs ça va ? » qui avait déchiré les pieds-noirs d'Algérie, vingt-cinq ans après l'indépendance et l'exode, avec, entre autres, Roger Hanin, Enrico Macias, Robert Castel, Marthe Villalonga et Paul Amar. En plateau, deux hommes issus de cette histoire et de cet exil apportent leur éclairage : le cinéaste Alexandre Arcady venu présenter son dernier film « Le petit blond de la Casbah » et l'historien Benjamin Stora avec son nouveau livre « L'arrivée ».
Benjamin Stora est à Constantine depuis mercredi. D. R.
En France, tout le monde en parle. En Algérie, c’est le blackout total. Benjamin Stora et une équipe d’historiens français ont débarqué à Constantine, mercredi dernier, pour y rencontrer leurs homologues algériens chargés de «réécrire» l’histoire commune. Pourquoi ce silence côté algérien ? Les autorités veulent-elles éviter que les travaux de cette commission mémorielle mise en place par Tebboune et Macron soient chahutés ou parasités dans ce contexte marqué par une divergence totale entre Alger et Paris sur la situation au Proche-Orient et sur bon nombre d’autres dossiers ?
«La commission mixte d’historiens algériens et français sur la période coloniale et de la Guerre d’indépendance a tenu mercredi, à Constantine, dans l’est algérien, sa première réunion en présentiel, après une première rencontre par visioconférence en avril dernier», indiquent les journaux français, qui ont été nombreux à répercuter cette information, contrairement aux médias nationaux qui semblent n’y avoir accordé aucune importance. C’est que la volonté affichée par les présidents algérien et français de mettre en place cette instance académique pour réécrire l’histoire et, espèrent-ils, solder symboliquement le lourd contentieux qui divise, à ce jour, l’Algérie et la France, près de soixante ans après l’Indépendance, se heurte à une farouche opposition de part et d’autre de la Méditerranée.
En Algérie, les déclarations d’Emmanuel Macon, qui réitère sans cesse sa position consistant en un refus catégorique de présenter des excuses et de faire acte de repentance à l’égard de l’ancienne colonie, annihile de fait le rapport de Benjamin Stora sur la question. En France, c’est surtout dans les milieux harkis et pieds-noirs que les réactions les plus virulentes ont suivi la diffusion du rapport de près de 150 pages, contenant 25 propositions émises par celui qu’on qualifie d’«historien de la réconciliation». «Après la remise du rapport commandé à Benjamin Stora sur la colonisation et la Guerre d’indépendance de l’Algérie, la Présidence française n’envisagerait que quelques actes symboliques. Ce n’est certes pas une telle déclaration qui va rendre plus sereines les relations économiques, culturelles et de bon voisinage entre les deux pays», écrivait un représentant de cette communauté, connu pour son animosité viscérale envers les Algériens.
Dans son mémoire remis au président français, en janvier 2021, Benjamin Stora préconise l’institution d’un «Traité mémoire et vérité» entre l’Algérie et la France. L’historien natif de Constantine appelle à «regarder et lire toute l’histoire pour refuser la mémoire hémiplégique», en suggérant qu’«un rapprochement entre la France et l’Algérie passe par une connaissance plus grande de ce que fut l’entreprise coloniale».
Benjamin Stora se dit convaincu que «par la multiplication des gestes politiques et symboliques, on pourra s’éloigner d’une mémoire devenue enfermement dans un passé, où se rejouent en permanence les conflits d’autrefois». «A l’heure de la compétition victimaire et de la reconstruction de récits fantasmés, on verra que la liberté d’esprit et le travail historique sont des contrefeux nécessaires aux incendies de mémoires enflammées», préconise-t-il.
«Soixante ans après, observe l’auteur de L’arrivée, l’histoire est encore un champ en désordre, en bataille quelquefois. La séparation des deux pays, au terme d’un conflit cruel de sept ans et demi, a produit de la douleur, un désir de vengeance et beaucoup d’oublis». «C’est un exercice difficile que d’écrire sur la colonisation et la Guerre d’Algérie car, longtemps après avoir été figée dans les eaux glacées de l’oubli, cette guerre est venue s’échouer, s’engluer dans le piège fermé des mémoires individuelles», annote-t-il.
De son côté, Le Monde soulignait, dans un long article consacré à ce sujet polémique, intitulé «France-Algérie : l’espoir prudent d’un apaisement des mémoires», le quotidien de gauche reconnaissait, lui aussi, que «l’affaire est un champ de mines» et que Macron «avance par petits pas et menus gestes» car «il le sait pertinemment». Le journal français rappelait que le successeur de François Hollande «confère au défi mémoriel de la Guerre d’Algérie […] à peu près le même statut que la shoah pour Chirac en 1995, selon ses propres mots, prononcés en janvier au retour d’un voyage à Jérusalem».
«Jusqu’où les deux capitales pourront-elles aller ? Une entente est-elle possible sur toutes [les] plaies mal cicatrisées, source de crispations mémorielles récurrentes ?» s’interrogeait Le Monde.
Une interrogation qui demeure d’actualité, d’autant qu’à ce jour, le coprésident algérien de la commission, Abdelmadjid Chikhi, n’a remis aucun rapport au président Tebboune, estimant que le document élaboré par son homologue français était une «affaire franco-française».
La femme algérienne, le soldat inconnu, un nouvel ouvrage sur le rôle majeur de la femme dans la résistance et la lutte contre le colonisateur français.
Un nouvel ouvrage La femme algérienne, le soldat inconnu, publication récente du Centre national de documentation, de presse, d’images et d’information (CNDPI), met en lumière le rôle majeur de la femme algérienne à travers l’histoire, notamment dans la résistance et la lutte contre le colonisateur français.
A travers des images d’archives et des textes, le livre retrace la lutte de la femme algérienne à travers l’histoire, notamment contre le colonisateur français, mettant en exergue son rôle primordial dans la préservation des traditions et coutumes ainsi que de l’identité nationale musulmane.
L’ouvrage évoque principalement le rôle pionnier des femmes algériennes dans la résistance face au colonialisme français durant la guerre de Libération, devenues symbole de la femme libre et fière. Ces moudjahidate, fidaiyate, moussabilat et militantes qui ont fait entendre leur voix au monde entier s’érigeant en modèle pour toutes les femmes du monde.
Le livre s’intéresse également à la participation de la femme combattante aux côtés de l’homme à la lutte contre le colonisateur, son apport et sa contribution à la guerre de Libération nationale, notamment à travers la collecte de fonds et d’informations, l’assistance des malades et des blessés de guerre, la participation à la lutte armée et sa résistance dans les geôles et prisons coloniales face à toutes formes de torture et aux sévices endurés.
Djamila Boupacha, Hassiba Ben Bouali, Djamila Bouhired, Zohra Drif, Djamila Bouaza, Meriem Bouatoura pour ne citer que celles-ci parmi les héroïnes de notre patrie connues pour leur parcours militant exceptionnel en Algérie comme à l’étranger et leur exploit inégalé qui restera gravé en lettre d’or dans la mémoire collective de la nation.
Le livre, qui renferme des biographies express de ces héroïnes, accompagnées de leurs photos et témoignages, revient sur les sacrifices de combattantes étrangères d’origine européenne qui ont voué leur vie à la cause algérienne, à l’image de Jacqueline Guerroudj et Annie Steiner.
Il s’agit, en fait, d’un document historique vivant sur lequel l’on peut se référer dans l’écriture de l’histoire de l’Algérie, d’autant plus que la majorité des femmes combattantes n’avaient pas eu l’occasion de livrer leurs témoignages. Ce livre se veut un hommage à ces femmes et une reconnaissance à leur juste valeur.
L’ouvrage met en lumière ces Algériennes qui ont consacré leur vie à préserver l’identité nationale et à perpétuer les valeurs et les traditions des Algériens, ces Algériennes qui ont su maintenir vivace le sentiment d’appartenance à la patrie et le transmettre aux autres générations.
La femme algérienne, le soldat inconnu, cette publication de 159 pages, a été réalisée à partir d’une collection de documents et de photos en noir et blanc, extraits des archives du Centre national de documentation, de presse, d’images et d’information, à l’occasion du soixantième anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale.
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