Un tribunal algérien a confirmé mardi en appel la condamnation à 18 ans de prison ferme de Rafik Khalifa, l'ex-"golden boy" impliqué,
dans l'un des plus gros scandales financiers en Algérie, a rapporté l'agence officielle APS.
M. Khalifa, 55 ans, avait été condamné à la même peine en première instance en novembre 2020. Le tribunal criminel de la Cour de Blida, au sud-ouest d'Alger, l'a également condamné mardi à une amende d'un million de dinars (environ 6.500 euros) avec confiscation de tous les biens saisis pour "association de malfaiteurs", "falsification de documents officiels", "usage de faux", "vol en réunion", "escroquerie", "abus de confiance", "falsification de documents bancaires" et "banqueroute frauduleuse", selon la même source. L'ex-homme d'affaires, qui a été auditionné par visio-conférence à partir de l'établissement pénitentiaire de Chlef (ouest), a en revanche été acquitté du chef d'accusation de "trafic d'influence".
Sur quinze accusés jugés dans le cadre de la même affaire, le tribunal a acquitté huit personnes, dont l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, Abdelwahab Keramane, son frère Abdenour et sa fille Yasmine. Les autres co-accusés ont été condamnés à des peines allant de deux à huit ans de prison ferme. Lors d'un premier procès en 2007, cet ex-membre de la jet set courtisé à Alger et Paris, avait été condamné par contumace à la perpétuité. Après avoir été extradé par Londres fin 2013, il a été condamné en 2015 à 18 ans de prison ferme.
Suite à un pourvoi en cassation un nouveau procès avait eu lieu en 2020 à l'issue duquel il avait été condamné en première instance à 18 ans de prison, peine confirmée mardi en appel. Après la faillite de son groupe en 2003 et celle de Khalifa Bank, qui aurait causé un préjudice de près de cinq milliards de dollars à l'Etat et aux épargnants, M. Khalifa s'était réfugié à Londres. En 2014, il avait été condamné par défaut en France à cinq ans de prison pour détournement de millions d'euros. Le groupe Khalifa était constitué autour d'une banque.
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Le nouveau procès de la faillite frauduleuse Khalifa Bank s’est ouvert aujourd’hui à la Cour criminelle de Blida après la réponse favorable de la Cour suprême au pourvoi en cassation du verdict prononcé en novembre 2020, rapporte l’APS.
L’ex-patron de la banque qui a fait faillite, Abdelmoumene Khalifa, est l’accusé principal dans ce gros scandale de corruption en plus de 11 autres personnes. Ils font face à plusieurs chefs d’accusations à l’image de « constitution d’association de malfaiteurs », « escroquerie », « trafic d’influence », « falsification des documents financiers » et « corruption ».
Affaire Keramane
Un autre dossier a été jumelé avec l’affaire Khalifa Bank. Il s’agit de l’ex-gouverneur de la banque d’Algérie, Kiramane Abdelouhab, son frère et sa fille. Il est reproché à l’ex-gouverneur de la banque centrale algérienne d’avoir facilité la banque du « Golden Boy ».
Condamné à vingt ans de réclusion criminelle par contumace, cette fois, Abdelwahab Keramane comparaitra devant la Cour de Blida puisqu’il y a deux mois, il a décidé de rentrer en Algérie pour vider son mandat d’arrêt international à la Cour de Blida.
Pour rappel, l’empire Khalifa s’est effondré en laissant derrière lui un préjudice de 5 milliards de dollars à la charge de l’État et des épargnants.
Said Bouteflika et son co-accusé Ali Haddad étaient accusés de trafic d’influence », « abus de fonction », « blanchiment d’argent » et « non déclaration des biens ».
Said Bouteflika est le frère cadet de l'ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika. AFP/Farouk Batiche
Par Le Parisien avec AFP
Le 6 juin 2022 à 14h02
Said Bouteflika, frère cadet du défunt ex-président algérien Abdelaziz Bouteflika, a été condamné ce lundi à huit ans de prison ferme pour des faits de corruption, selon les médias. Il purgeait déjà une peine dans une autre affaire.
Son coaccusé, l’ancien patron des patrons Ali Haddad, également condamné dans plusieurs affaires, a été sanctionné de quatre ans de prison ferme. Les deux accusés ont été également condamnés à verser des amendes au Trésor public.
Le parquet avec requis dix ans ferme contre Said Bouteflika, 64 ans, et Ali Haddad 57 ans, qui ont comparu devant le tribunal de Sidi M’hamed à Alger pour « trafic d’influence », « abus de fonction », « blanchiment d’argent » et « non déclaration des biens ». En octobre, Said Bouteflika et Ali Haddad avaient été condamnés chacun à deux ans de prison ferme pour « entrave à la justice ».
Ali Haddad a été condamné dans d’autres affaires de corruption avec une sanction de quatre ans de prison en janvier 2021. En novembre 2020, il a été condamné en appel à douze ans de prison ferme et fin mars 2020 il a été condamné dans un autre procès en appel à quatre ans de prison ferme.
Possession illégale de documents
Ex-dirigeant de la principale organisation patronale algérienne, le Forum des chefs d’entreprise (FCE), de 2014 à mars 2019, Ali Haddad avait été arrêté à un poste-frontière avec la Tunisie en possession de deux passeports. Il avait été condamné en juin 2019 à six mois de prison pour détention illégale des deux documents de voyage.
La chambre pénale de la Cour de Boumerdès a prononcé, mercredi, « la nullité des procédures de poursuite judiciaire » contre l’ancien directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel et son fils Chafik dans l’affaire de détournement de foncier agricole et trafic d’influence.
Les anciens walis de Tipaza Kadi Abdelkader et Moussa Ghelaï ont vu leur peine réduite à trois ans de prison ferme pour chacun d’eux. L’ancien wali de la même wilaya, Mustapha Layadi, a bénéficié des procédures d’extinction de l’action publique pour prescription.
Les autres coaccusés dans cette affaire ayant bénéficié de la nullité des procédures de poursuite sont: l’ancien chef de Sûreté de Tipaza, Salim Djai Djai, l’ancien ministre des Fiances Hadji Baba Ali, l’ancien directeur des domaines de Tipaza, Ali Bouamrirane, l’ancien directeur de l’industrie et des mines de Tipaza, Hadou Abderrezak, l’ancien conservateur foncier de Koléa, Mohamed Bouamama, l’investisseur privé Zerad Abdelhakim et l’ancien directeur général du Domaine national, Djamel Kheznadji.
Le Procureur général près la Cour de Boumerdès avait requis le durcissement de la peine pour tous les accusés poursuivis dans cette affaire.
Il a requis à l’endroit de l’accusé Djamel Kheznadji, acquitté en première instance, une peine de cinq ans de prison ferme.
Les accusés dans cette affaire sont poursuivis pour plusieurs chefs d’accusation, notamment « détournement de foncier agricole », « dilapidation de deniers publics », « abus de fonction », « trafic d’influence », et « bénéfice du pouvoir et de l’influence des agents de l’Etat à l’effet d’augmenter les prix et modifier la qualité des matériaux, des services et des délais de livraison ».
Le tribunal de première instance de Boumerdes avait rendu le 4 juin 2020 son verdict dans cette affaire, en condamnant l’ancien DGSN, Abdelghani Hamel et l’ancien wali de Tipasa Moussa Ghelaï à douze ans de prison ferme.
Il a également confirmé la peine de 10 ans de prison ferme contre chacun des ex-walis de Tipasa, Kadi Abdelkader et Layadi Mustapha, ainsi que la peine de trois (3) ans de prison ferme contre Chafik Hamel (fils de l’ancien DGSN) et Salim Djai Djai, ex-chef de la sûreté de wilaya de Tipasa.
La même juridiction a condamné, dans la même affaire, à 4 ans de prison avec sursis l’ancien ministre des Finances, Hadji Baba Ammi, et à 5 ans de prison ferme l’ancien directeur des domaines de Tipasa, Ali Bouamrane.
Une peine de deux ans de prison ferme a été prononcée contre l’ancien directeur de l’Industrie et des mines de Tipasa, Haddou Abderrezak, et l’ancien Conservateur foncier de Koléa, Mohamed Bouamama.
Le même tribunal a condamné l’investisseur privé Zerad Abdelhakim à une année de prison ferme et prononcé l’acquittement de l’ancien directeur général du Domaine national, Kheznadji Djamel.
En l’occurrence Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal
Deux anciens premiers ministres algériens sous le régime de l’ex-président, Abdelaziz Bouteflika, en l’occurrence Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ont été condamnés, ce mercredi, à de nouvelles peines de prison.
Le pôle pénal économique et financier du tribunal de Sidi M’hamed d’Alger a prononcé une peine de 5 ans de prison ferme contre le premier et 4 ans de réclusion à l’encontre du second. Cette nouvelle condamnation intervient dans le cadre du traitement, en première instance, de l’affaire du groupe agroalimentaire Benamor, appartenant à l’homme d’affaires Mohamed Laid Benamor et sa famille.
Les deux ex-premiers responsables du gouvernement algériens, poursuivis pour « dilapidation de deniers publics et abus de fonction aux fins d’octroi d'indus avantages», doivent aussi s’acquitter d’une amende d’un (1) million de DA (6966 Dollars) chacun et à verser 100 000 DA (800 dollars) de compensation au Trésor public.
Poursuivi dans la même affaire, l’ancien ministre de l’Agriculture, Rachid Benaissa, a quant à lui, été condamné à deux ans de prison ferme, assortis d’une amende d’un (1) million de DA (6966 dollars).
Le juge près le même tribunal a condamné également les propriétaires du groupe Benamor, Mohamed Laid à 8 ans de prison ferme assortis d’une amende de huit (8) millions de DA (55 733 dollars), et Mohamed El Hadi à 7 ans de prison ferme assortis, pour lui aussi de huit (8) millions de DA (55 733) dollars. L'autre propriétaire Ali Sami a écopé de 5 ans de prison ferme assortis de la même amende.
Les frères Benamor étaient poursuivis pour plusieurs chefs d’accusation dont « blanchiment d'argent et abus de fonction ». Les frères Benamor et les personnes morales ont été également condamnés à verser plus de 3 milliards de DA (environ 2 millions de dollars) au Trésor public, avec saisie des biens immobiliers, des avoirs et des comptes bancaires de tous les accusés.
Les déboires d’Ahmed Ouyahia et d’Abdelmalek Sellal avec la justice algérienne ont commencé dès l’été 2019, quelques mois seulement après la chute du Président, Abdelaziz Bouteflika, poussé à la démission par le mouvement populaire, Hirak. Leurs noms ont figuré, par la suite, dans, pratiquement, tous les dossiers dits de corruption.
Ils sont condamnés, à plusieurs reprises, à des peines de prison, dont les plus lourdes étaient de 15 ans pour Ahmed Ouyahia et de 12 ans pour Abdelmalek Sellal. Mais la loi algérienne ne permet pas un cumul de peine, ce qui fait que les concernés purgeront seulement la peine la plus lourde.
Asphyxie économique et pressions politiques auraient eu raison du quotidien francophone, créé dans les années 1990, où sont notamment publiés des textes de l’écrivain Kamel Daoud et des dessins du caricaturiste Dilem.
Au sein de la rédaction du quotidien, les journalistes estiment qu’Issad Rebrab, le propriétaire du journal, a cédé « à la pression des autorités » (AFP/Ryad Kramdi)
Après trente ans de parution, le quotidien francophone Libertédisparaîtra définitivement du paysage médiatique algérien le 6 avril.
Cette décision a été annoncée le 2 avril, lors d’une réunion avec le collectif de rédaction et doit être validée par le conseil d’administration en début de semaine.
Le propriétaire du journal, l’homme d’affaires Issad Rebrab, célèbre capitaine d’industrie – il est à la tête de Cevital, premier groupe privé algérien (agroalimentaire, automobile, matériaux de construction et électroménager) –, serait motivé par des considérations « personnelles ».
Derrière les procès pour corruption, les impasses du capitalisme algérien
« Il est âgé, fatigué, et veut se retirer définitivement de la vie publique. Il a décidé de mettre de l’ordre dans ses affaires », a expliqué à Middle East Eye un proche de la famille Rebrab, qui a ajouté que cette décision avait été prise de « longue date ».
Au sein de la rédaction du quotidien, cette explication ne convainc pas. Les journalistes estiment que l’homme le plus riche d’Algérie (il est aussi, selon Forbes, la septième fortune africaine) a cédé « à la pression des autorités ».
« Le journal subit les contrecoups des pressions qu’exercent les autorités sur Issad Rebrab », indique un journaliste à MEE. « Et ces pressions se font de plus en plus sentir ces derniers mois. »
En février, la publication d’un entretien avec Toufik Hakkar, le PDG de la compagnie publique des hydrocarbures Sonatrach, affirmant que l’Algérie était prête à augmenter ses exportations de gaz vers l’Europe, a provoqué des réactions violentes : la major a porté plainte contre Liberté, accusant le journal d’avoir « détourné » ses propos, et le journaliste auteur de l’interview a été placé sous contrôle judiciaire.
Une ligne éditoriale critique
Quelques semaines auparavant, le ministre de la Communication, Mohamed Bouslimani, critiquait violemment le journal pour ne pas avoir « félicité » le gouvernement qui venait de supprimer certaines taxes et impôts initialement prévus dans la loi de finances.
En janvier, le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, s’était attaqué à Liberté pour avoir publié en couverture une photo montrant des étalages vides pendant que le pays était confronté à la pénurie de certains produits de large consommation.
MEE a tenté de joindre Issad Rebrab pour un commentaire mais il n’a pas souhaité s’expri
Fondé en 1992 par trois journalistes (Hacène Ouandjeli, Ali Ouafek et Ahmed Fattani, aujourd’hui directeur de la publication de L’Expression, un autre quotidien francophone) et l’homme d’affaires, le journal Liberté s’est imposé comme l’un des titres emblématiques du paysage médiatique algérien où sont aujourd’hui publiés des textes de l’écrivain Kamel Daoud et les dessins du caricaturiste Dilem.
Pendant la décennie noire (guerre contre les islamistes armés), quatre employés du journal ont été assassinés.
Proche des milieux laïcs, Liberté s’est distingué par une ligne éditoriale critique vis-à-vis du pouvoir, ce qui lui a valu des sanctions et des fermetures périodiques.
Il est également privé, depuis de longues années, de la publicité étatique, source de financement importante pour la plupart des médias algériens, ce qui ne l’a toutefois pas empêché de paraître grâce au soutien financier de son propriétaire.
Depuis septembre 2021, un des journalistes du quotidien, Mohamed Mouloudj, arrêté pour « adhésion à un groupe terroriste », en l’occurrence le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), est toujours en prison.
Algérie : un journaliste écroué après un article sur le mécontentement touarègue
Au-delà de Liberté, c’est de la scène publique qu’Issad Rebrab aurait émis le souhait de se retirer définitivement. Après des années de polémiques avec les gouvernements successifs d’Abdelaziz Bouteflika, l’homme d’affaires de 78 ans, qui détient également des investissements en France (Oxxo, Brandt), a été emprisonné en avril 2019 dans le cadre de l’opération anticorruption engagée par les autorités de transition.
Il a été notamment accusé de « fuite de capitaux » et d’acquisition de « machines usagées ».
Condamné en janvier 2020 à dix-huit mois de prison dont six mois fermes pour infractions fiscales, bancaires et douanières, le patron a quitté la prison après neuf mois de détention provisoire.
Cette période a été un « tournant » dans sa vie, puisque selon des témoignages de proches à MEE, le passage par la case prison a « transformé » le vieil homme, qui se plaint souvent des blocages dont font l’objet ses projets en Algérie.
Il va probablement céder les rênes du groupe Cevital, un mastodonte qui réalise plus de quatre milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, à l’un de ses enfants dans les prochaines semaines, selon un proche de la famille. La forme de cette annonce n’a pas encore été précisée.
Des temps difficiles pour la presse privée
Mais la fermeture de Liberté ne serait qu’un des symptômes de la grave crise que traverse la presse algérienne depuis de nombreuses années.
En février, El Watan, l’autre grand quotidien francophone dont certains observateurs de la scène médiatique prédisent une disparition prochaine, a dû augmenter le prix de vente du journal.
« Cette réévaluation du prix de vente s’est avérée indispensable à l’entreprise pour remettre ses équilibres financiers dans le bon sens et surtout éviter une asphyxie latente qui menace sérieusement l’avenir à court terme du quotidien », a justifié la direction du journal dans un communiqué.
« Elle est directement liée à deux facteurs prépondérants : d’une part, la détérioration logique et inéluctable de sa situation économique et financière du fait de la pression politique permanente exercée sur sa ligne éditoriale sous forme d’un interdit d’accès à la publicité publique. D’autre part, l’impact de la flambée vertigineuse du coût du papier sur le marché mondial qui a obligé les imprimeries à revoir à la hausse le prix de leurs prestations. »
En février, El Watan, l’autre grand quotidien francophone, a dû augmenter le prix de vente du journal pour « résister » (AFP/Ryad Kramdi)
« Il est évident que le temps de ‘’l’aventure intellectuelle’’, celle des années 1990 est bel et bien finie », constate l’universitaire et ancien journaliste Ahcene Djaballah Belkacem dans El Watan de ce dimanche. Sous Bouteflika, la scène médiatique a été « littéralement envahie par les affaires », puis « l’émergence et l’invasion d’internet n’a fait qu’accélérer la descente aux enfers » [de la presse].
« La fermeture de Liberté intervient après trois opérations successives de dégraissement de la masse salariale, d’abord une mise à la retraite anticipée d’une vingtaine d’employés et, ensuite, deux vagues de compression en contrepartie d’indemnités », relève le site d’information Twala.
Selon les autorités, pourtant, la « liberté de la presse est respectée ». Le président Abdelmadjid Tebboune a rappelé récemment encore que la Constitution respectait « la liberté de la presse » et que les critiques étaient « admises ».
D’autres responsables, à l’instar de l’ancien ministre de la Communication, Ammar Belhimer, limogé en juillet 2021, justifient les difficultés de certains médias comme un signe de « la fin de la presse papier ». Ce que les associations de défense des droits de l’homme et des partis politiques ont souvent démenti, évoquant « une fermeture » du champ médiatique.
« Sa disparition serait une immense perte pour le pluralisme médiatique, un coup dur pour les acquis démocratiques arrachés de haute lutte et de sacrifices. Une grande perte pour le pays », prévient une pétition signée par plusieurs intellectuels, universitaires, chercheurs et artistes.
D'une valeur globale de 1.000 milliards de centimes non déclarés aux instances judiciaires, l'incroyable trésor caché appartenant à l'ex-homme d'affaires en prison, Mahieddine Tahkout, n'a pas surpris le commun des Algériens, tant le pays a été longtemps mis à sac par une camarilla de mains baladeuses, aujourd'hui pratiquement toutes coupées. Sans s'attarder sur le montant réel de l'argent siphonné des caisses de l'Etat, l'urgence aujourd'hui est de récupérer ce fabuleux pactole détourné vers l'étranger avec la bénédiction de certains Etats pour certains cas.
L'Algérie, via ses représentations diplomatiques, doit traquer tous les voleurs en fuite dans d'autres pays, notamment dans ceux liés par des conventions d'extradition avec l'Etat algérien. Une trentaine de mandats d'arrêt internationaux ont déjà été publiés et généralisés sur la base d'avis de recherche internationaux lancés par Interpol. Des demandes d'extradition ont également été formulées auprès des pays où se trouvent les individus concernés. Les chefs de postes diplomatiques algériens doivent, au plus tôt, intensifier les contacts avec les autorités étrangères compétentes pour suivre l'issue des différentes délégations judiciaires et demandes d'entraide judiciaire émises par l'Algérie.
Depuis l'arrivée de Tebboune au pouvoir, les autorités judiciaires algériennes ont émis plus de 150 délégations rogatoires internationales pour traquer les personnes impliquées dans ces affaires de corruption et récupérer l'argent détourné et transféré illégalement à l'étranger. Mais si des pays ont répondu aux demandes algériennes, l'on ne sait pas encore le temps qu'il faudra pour continuer la surveillance et l'identification des biens détournés. Parce que l'autre vraie bataille reste l'identification des biens et des fonds transférés sur des comptes inconnus ou dits « offshore », une opération d'une grande complexité.
par El-Houari Dilmi
Jeudi 17 mars 2022 http://www.lequotidien-oran.com/?news=5310764
Selon une enquête menée par un consortium de médias, l’ancien président algérien détenait un compte au Crédit Suisse. Tout comme Khaled Nezzar, ex-patron de l’armée, et plusieurs dignitaires arabes.
Une petite fortune cachée en Suisse et un parjure officiel maintes fois répété. L’ancien président Abdelaziz Bouteflika, décédé en septembre 2021, possédait un compte à la banque Crédit Suisse à Genève crédité au 31 octobre 2005 d’un montant de 1 483 528 francs suisses, soit l’équivalent de 1 million d’euros de l’époque.
Selon les révélations de « Suisse Secrets », une enquête d’un consortium de médias internationaux qui ont épluché 18 000 comptes bancaires administrés par la banque helvétique Crédit Suisse, l’ancien chef de l’État algérien avait ouvert son compte un mois avant son accession au pouvoir en avril 1999.
Ce compte, dont étaient bénéficiaires ses deux frères, Saïd (aujourd’hui en prison) et Nacer, ainsi que sa sœur Zhor, a été clôturé en octobre 2011. Soit deux ans et dix mois après sa réélection pour un troisième mandat, en avril 2009. À sa clôture, ce compte était crédité de 430 francs suisses.
Abdelaziz Bouteflika, qui a vécu par intermittence en Suisse dans les années 1980 et 1990, n’a jamais fait état de l’existence de ce compte au cours des vingt années de son règne. Or la législation algérienne est claire sur le chapitre des comptes détenus à l’étranger.
Parjure
L’article 126 de l’ordonnance relative à la monnaie et au crédit de 2003 dispose que « les résidents en Algérie sont autorisés à transférer des capitaux à l’étranger pour assurer le financement d’activités à l’étranger complémentaires à leurs activités de production de biens et de services en Algérie. Le Conseil détermine les conditions d’application du présent article et accorde les autorisations conformément à ces conditions ».
L’ARGENT VERSÉ PAR LE CHEIKH ZAYED À BOUTEFLIKA N’A JAMAIS FAIT L’OBJET D’UN RAPATRIEMENT EN SUISSE
Manifestement, l’ancien président ne considérait pas que l’obligation s’appliquait à sa personne. Il s’est même sciemment rendu coupable de parjure dans la mesure où il n’a jamais fait mention de l’existence de ce compte suisse dans ses multiples déclarations de patrimoine publiées au journal officiel.
Aussi bien pour l’élection présidentielle de 2004 que pour celle de 2009, Abdelaziz Bouteflika avait déclaré posséder deux maisons individuelles achetées respectivement en novembre 1987 et décembre 1991, un appartement acquis en mai 1988, ainsi que deux véhicules particuliers achetés en 1990 et 1991. La déclaration d’Abdelaziz Bouteflika, parue au journal officiel, était parue avec la mention « Déclaration certifiée exacte et sincère ».
D’où pouvaient donc provenir ces fonds qu’il avait déposés au Crédit Suisse ? À l’époque de sa traversée du désert, Bouteflika avait officié comme conseiller diplomatique pour le compte de Zayed Ben Sultan Al Nahyane, ancien émir d’Abou Dhabi et président des Émirats arabes unis. Mais l’argent versé par le cheikh Zayed entre 1984 et 1987, une moyenne de 100 000 dollars par mois, n’a jamais fait l’objet d’un rapatriement en Suisse.
S’agit-il d’argent déposé en espèces et provenant d’Algérie ? Possible. Son frère Saïd Bouteflika voyageait souvent en compagnie d’un régisseur de la présidence de la République, lequel ne quittait jamais sa valise remplie de billets.
Le mystère risque de durer, le principal détenteur n’étant plus de ce monde et son frère, qui attend son jugement à la prison d’El Harrach, n’a de cesse de clamer via ses avocats ne posséder ou n’avoir possédé aucun bien immobilier ou autre à l’étranger.
Selon l’enquête du consortium, Nezzar était titulaire entre 2004 et 2005 de deux comptes au Crédit Suisse, crédités de l’équivalent de 1,4 million d’euros.
Mais aussi Moubarak, Khaddam, Abdallah…
L’ancien ministre de la Défense était associé avec son fils à l’entreprise Smart Link, premier fournisseur d’accès à internet en Algérie, qu’ils avaient créée en 2001.
LES DEUX FILS DE L’ANCIEN PRÉSIDENT ÉGYPTIEN HOSNI MOUBARAK, GAMAL ET ALAA, POSSÉDAIENT AUX MOINS SIX COMPTES AU CRÉDIT SUISSE
Contactés par Le Monde, les avocats de Nezzar affirment que les fonds de leur client « proviennent exclusivement d’activités légitimes et légales et donc, par définition, non liées à une quelconque suspicion de crime, que notre client nie fermement avoir commis ».
L’Algérie n’est pas le seul pays du Maghreb et du monde arabe dont les dirigeants affectionnent les services des banques helvétiques. Dans ce scandale de « Suisse Secrets », plusieurs noms de dignitaires arabes apparaissent.
Les deux fils de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak, Gamal et Alaa, possédaient aux moins six comptes au Crédit Suisse, dont l’un était crédité de 277 millions de francs suisses, soit environ 180 millions d’euros. Abdel Halim Khaddam, ancien vice-président syrien qui avait tourné le dos au régime Assad et décédé en 2020 à Paris, disposait de 90 millions de francs suisses (58 millions d’euros) sur un compte ouvert en 1994.
Le roi Abdallah de Jordanie, au pouvoir depuis la mort de son père en 1999, détient plus de 200 millions d’euros chez Crédit Suisse, alors que son épouse Rania y possédait un compte, clôturé en 2013, crédité de 39 millions de francs suisses (32 millions d’euros).
La justice accélère la cadence. En un mois, ce sont près de 4 milliards d’euros de biens appartenant à d’ex-responsables de l’ère Bouteflika qui ont été saisis.
L’horizon s’assombrit un peu plus pour d’anciens hauts responsables et hommes d’affaires du régime de Bouteflika, déjà condamnés à de lourdes peines de prison dans le cadre des affaires de corruption. La justice a en effet délivré une série d’ordonnances de saisies de biens, exécutées progressivement depuis le 15 février.
Parmi les biens à récupérer sur le territoire national, une source judiciaire cite des usines, des villas, des bateaux de plaisance, des appartements, des lots de terrains, des immeubles, des voitures, des bijoux et des avoirs bancaires.
La valeur des propriétés confisquées s’élève à 600 milliards de dinars (3,8 milliards d’euros), qui seront versés dans un fonds spécial créé en vertu de l’article 43 de la loi de finances complémentaire 2021.
Ce fonds réunit les sommes récupérées à l’étranger, ainsi que le produit de la vente des biens saisis après décision judiciaire définitive.
Ce compte sera également affecté au règlement des frais liés à l’exécution des procédures de confiscation, de récupération et de vente, ainsi qu’à l’apurement des dettes grevant les biens saisis.
L’exécution des perquisitions, mises sous scellés et saisies ordonnées par la justice ont déjà concerné quinze personnalités ces trois dernières semaines.
Énorme préjudice pour le Trésor public
La tentative de vente de deux luxueux appartements à Paris d’une valeur supérieure à 450 millions de dinars (2,8 millions d’euros) appartenant à l’ancien ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb, condamné par contumace par quatre décisions de justice à 80 ans de prison, a, semble-t-il, été l’élément déclencheur de l’accélération des procédures.
Pourtant, tous ses avoirs bancaires et ses biens, en Algérie et à l’étranger, font l’objet de décisions de saisie rendues par les tribunaux algériens dans les affaires de corruption.
Le 21 février, la justice a ainsi décidé de récupérer dix propriétés immobilières et industrielles, deux voitures de luxe de marque allemande, ainsi que divers objets de valeur lui appartenant. Seule sa villa de Chéraga, inscrite au nom de sa mère, a échappé aux filets de la police judiciaire.
Versée au dossier judiciaire, la liste des biens de Ali Haddad, patron du groupe ETRHB, détenu à la prison de Tazoult, dépasse, elle, les dix feuillets : plusieurs logements à Alger, 57 lots de terrains et 452 crédits auprès des banques publiques qui ont coûté au Trésor public 110 milliards de dinars (706 millions d’euros), ajoutés aux 275 projets octroyés de manière irrégulière au groupe ETRHB, causant à la même institution une perte de 1 000 milliards de dinars (6,5 milliards d’euros).
Toutefois, seules ses villas d’El-Biar et de Delly Brahim, à Alger, ont été placées sous scellés. Ali Haddad a été condamné définitivement en mai 2021 pour « trafic d’influence, blanchiment d’argent, perception d’indus avantages et financement occulte de la campagne électorale » pour un cinquième mandat de l’ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika.
LES BIENS IMMOBILIERS QUE LES PERSONNALITÉS VISÉES POSSÈDENT SUR LE TERRITOIRE NATIONAL SE TROUVENT ESSENTIELLEMENT DANS LA CAPITALE
Les policiers, sous la supervision du juge et du procureur, ont procédé également en février à la saisie, à Bouzaréah, sur les hauteurs d’Alger, de la maison de l’homme d’affaires Noah Kouninef, à la confiscation de la maison de Rouiba du patron du groupe Cima Motors, Mahieddine Tahkout, condamné pour « trafic d’influence et perception d’indus avantages », ainsi que les biens immobiliers à Oran du minotier Hocine Metidjii, PDG du groupe éponyme.
Les biens immobiliers algérois des deux ex-Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, des anciens ministres des Travaux publics Amar Ghoul et Abdelkader Kadi, du chef de cabinet de Sellal, Mustapha Rahiel, ainsi que ceux de Mokhtar Reguieg, ancien chef du protocole à la présidence de la République, ont été, en outre, mis sous scellés.
Comme les maisons qui sont aux noms des enfants du général-major Abdelghani Hamel, au titre de sa condamnation à dix ans de prison ferme et à la saisie de ses biens dans le cadre de l’affaire de la fille présumée de l’ancien président Bouteflika.
Les biens immobiliers que possèdent les personnalités visées sur le territoire national se trouvent essentiellement dans la capitale. Les usines et certains lots de terrains sont en revanche disséminés dans le pays.
Giron de l’État
Les opérations devraient s’étendre au tissu industriel appartenant aux hommes d’affaires détenus. Début janvier, le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné, lors d’un conseil des ministres, d’achever l’opération de transfert des biens confisqués au secteur public marchand avant la fin du premier trimestre 2022.
À charge désormais pour le gouvernement d’achever le recensement des usines dont le statut juridique a été régularisé en vue de leur transfert dans le giron de l’État. L’une des entreprises concernées, implantée dans la wilaya de Jijel, produit de l’huile de table.
L’usine appartient aux frères Kouninef, propriétaires du groupe KouGC et condamnés en mai 2021 par la cour d’Alger à de la prison ferme, à de fortes amendes et à la saisie de leurs biens. Ils étaient poursuivis pour « trafic d’influence, blanchiment d’argent, financement occulte de la campagne électorale du président Bouteflika et perception d’indus avantages ».
Parmi les nombreux biens de l’homme d’affaires Mahieddine Tahkout, l’entreprise de transport des étudiants Mahieddine Tahkout Transport sera la première à être transférée à l’État, au ministère des Transports. La procédure touchera aussi les entreprises du groupe Mazouz composé de plusieurs filiales et la société de travaux publics ETRHB de l’homme d’affaires Ali Haddad. Les emplois, ainsi que les patrimoines de ces entités seront préservés.
En fuite à l’étranger, l’ex-ministre de l’Énergie a été condamné le 14 février à vingt ans de prison ferme.
Le verdict est tombé à l’issue d’un procès-éclair : ouvert le 31 janvier après plusieurs reports, le procès de Chakib Khelil, ex-ministre de l’Énergie et proche de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, s’est conclu par la condamnation de l’intéressé à 20 ans de prison ferme in absentia par le tribunal de Sidi M’Hamed.
Ministre de 1999 à 2010, il était poursuivi pour dilapidation de deniers publics, abus de fonction et conclusion de marchés publics contraires à la réglementation. En cause, notamment, la conclusion du marché pour la réalisation du complexe gazier d’Arzew, en 2008, pour lequel la société italienne Saipem aurait été indûment privilégiée.
Cet ami d’enfance d’Abdelaziz Bouteflika avait déjà fait l’objet de poursuites en 2013, lancées par le procureur général près la cour d’Alger Belkacem Zeghmati. Averti qu’il était sur le point d’être arrêté, Chakib Khelil quitte le pays pour les États-Unis, où sa femme et ses deux enfants, Sina et Khaldoun, disposent du statut de résident, et où lui-même possède des biens.
Le 12 août 2013, Belkacem Zeghmati annonce qu’un mandat d’arrêt international a été lancé contre Khelil dans le cadre de l’affaire dite Sonatrach 2. Khelil est alors poursuivi pour « corruption, blanchiment d’argent, conclusion de contrats contraires à la réglementation, abus de pouvoir et constitution de bandes criminelles organisées ». Depuis son lit d’hôpital, aux Invalides, à Paris, le président déchu en 2019 donne des consignes pour faire annuler les poursuites, comme l’a reconnu Saïd Bouteflika lors de son procès en octobre 2021.
Le Hirak rebat les cartes
« Quelques jours après avoir déclaré, en conférence de presse, que des mandats d’arrêt avaient été lancés contre Chakib Khelil et des membres de sa famille, Zeghmati, qui était sous mon autorité depuis deux ans, est venu avouer son erreur et a demandé de procéder, avec la chambre d’accusation, à l’annulation desdits mandats », a de son côté admis Tayeb Louh, l’ancien ministre de la Justice sous Bouteflika, lors du même procès en octobre.
EN AVRIL 2020, UN DOCUMENT DE LA JUSTICE AMÉRICAINE MET INDIRECTEMENT EN CAUSE L’EX-MINISTRE
Le Hirak va rebattre les cartes. Le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah, homme fort du pays après la chute du président Bouteflika, part en croisade contre les cadres de l’ex-administration. La sécurité intérieure reçoit l’ordre de mettre l’ancien ministre aux arrêts.
Vraisemblablement prévenu, Chakib Khelil s’envole à nouveau pour les États-Unis. Belkacem Zeghmati, devenu en août 2019 ministre de la Justice, rouvre le dossier et émet un nouveau mandat d’arrêt international contre Chakib Khelil dans le cadre de plusieurs affaires de corruption présumée, portant sur des marchés octroyés par Sonatrach à des compagnies pétrolières étrangères.
Extradition ?
Après l’émission du premier mandat d’arrêt, en 2013, le FBI avait travaillé avec les autorités algériennes pour identifier les biens de l’ex-ministre sur le territoire américain.
Une collaboration qui a cessé sur ordre du frère de l’ex-président, Saïd Bouteflika. En avril 2020, un document de la justice américaine met indirectement en cause l’ex-ministre, accusé d’avoir imposé Farid Bedjaoui comme intermédiaire rémunéré dans la conclusion de contrats entre la société italienne Saipam et le géant algérien des hydrocarbures Sonatrach.
« L’intermédiaire a redirigé au moins une partie de cet argent par le biais de sociétés écrans vers des fonctionnaires algériens ou leurs délégués, y compris le ministre de l’Énergie de l’époque », indique le mémorandum de la SEC (Securities and Exchange Commission, le gendarme de la Bourse américaine).
Mais l’ex-ministre a de la ressource et a prouvé par le passé qu’il était assez habile pour se jouer des condamnations. Rien n’indique, pour l’heure, que les États-Unis procéderont à son extradition vers l’Algérie.
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