La justice accélère la cadence. En un mois, ce sont près de 4 milliards d’euros de biens appartenant à d’ex-responsables de l’ère Bouteflika qui ont été saisis.
L’horizon s’assombrit un peu plus pour d’anciens hauts responsables et hommes d’affaires du régime de Bouteflika, déjà condamnés à de lourdes peines de prison dans le cadre des affaires de corruption. La justice a en effet délivré une série d’ordonnances de saisies de biens, exécutées progressivement depuis le 15 février.
Parmi les biens à récupérer sur le territoire national, une source judiciaire cite des usines, des villas, des bateaux de plaisance, des appartements, des lots de terrains, des immeubles, des voitures, des bijoux et des avoirs bancaires.
La valeur des propriétés confisquées s’élève à 600 milliards de dinars (3,8 milliards d’euros), qui seront versés dans un fonds spécial créé en vertu de l’article 43 de la loi de finances complémentaire 2021.
Ce fonds réunit les sommes récupérées à l’étranger, ainsi que le produit de la vente des biens saisis après décision judiciaire définitive.
Ce compte sera également affecté au règlement des frais liés à l’exécution des procédures de confiscation, de récupération et de vente, ainsi qu’à l’apurement des dettes grevant les biens saisis.
L’exécution des perquisitions, mises sous scellés et saisies ordonnées par la justice ont déjà concerné quinze personnalités ces trois dernières semaines.
Énorme préjudice pour le Trésor public
La tentative de vente de deux luxueux appartements à Paris d’une valeur supérieure à 450 millions de dinars (2,8 millions d’euros) appartenant à l’ancien ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb, condamné par contumace par quatre décisions de justice à 80 ans de prison, a, semble-t-il, été l’élément déclencheur de l’accélération des procédures.
Pourtant, tous ses avoirs bancaires et ses biens, en Algérie et à l’étranger, font l’objet de décisions de saisie rendues par les tribunaux algériens dans les affaires de corruption.
Le 21 février, la justice a ainsi décidé de récupérer dix propriétés immobilières et industrielles, deux voitures de luxe de marque allemande, ainsi que divers objets de valeur lui appartenant. Seule sa villa de Chéraga, inscrite au nom de sa mère, a échappé aux filets de la police judiciaire.
Versée au dossier judiciaire, la liste des biens de Ali Haddad, patron du groupe ETRHB, détenu à la prison de Tazoult, dépasse, elle, les dix feuillets : plusieurs logements à Alger, 57 lots de terrains et 452 crédits auprès des banques publiques qui ont coûté au Trésor public 110 milliards de dinars (706 millions d’euros), ajoutés aux 275 projets octroyés de manière irrégulière au groupe ETRHB, causant à la même institution une perte de 1 000 milliards de dinars (6,5 milliards d’euros).
Toutefois, seules ses villas d’El-Biar et de Delly Brahim, à Alger, ont été placées sous scellés. Ali Haddad a été condamné définitivement en mai 2021 pour « trafic d’influence, blanchiment d’argent, perception d’indus avantages et financement occulte de la campagne électorale » pour un cinquième mandat de l’ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika.
LES BIENS IMMOBILIERS QUE LES PERSONNALITÉS VISÉES POSSÈDENT SUR LE TERRITOIRE NATIONAL SE TROUVENT ESSENTIELLEMENT DANS LA CAPITALE
Les policiers, sous la supervision du juge et du procureur, ont procédé également en février à la saisie, à Bouzaréah, sur les hauteurs d’Alger, de la maison de l’homme d’affaires Noah Kouninef, à la confiscation de la maison de Rouiba du patron du groupe Cima Motors, Mahieddine Tahkout, condamné pour « trafic d’influence et perception d’indus avantages », ainsi que les biens immobiliers à Oran du minotier Hocine Metidjii, PDG du groupe éponyme.
Les biens immobiliers algérois des deux ex-Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, des anciens ministres des Travaux publics Amar Ghoul et Abdelkader Kadi, du chef de cabinet de Sellal, Mustapha Rahiel, ainsi que ceux de Mokhtar Reguieg, ancien chef du protocole à la présidence de la République, ont été, en outre, mis sous scellés.
Comme les maisons qui sont aux noms des enfants du général-major Abdelghani Hamel, au titre de sa condamnation à dix ans de prison ferme et à la saisie de ses biens dans le cadre de l’affaire de la fille présumée de l’ancien président Bouteflika.
Les biens immobiliers que possèdent les personnalités visées sur le territoire national se trouvent essentiellement dans la capitale. Les usines et certains lots de terrains sont en revanche disséminés dans le pays.
Giron de l’État
Les opérations devraient s’étendre au tissu industriel appartenant aux hommes d’affaires détenus. Début janvier, le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné, lors d’un conseil des ministres, d’achever l’opération de transfert des biens confisqués au secteur public marchand avant la fin du premier trimestre 2022.
À charge désormais pour le gouvernement d’achever le recensement des usines dont le statut juridique a été régularisé en vue de leur transfert dans le giron de l’État. L’une des entreprises concernées, implantée dans la wilaya de Jijel, produit de l’huile de table.
L’usine appartient aux frères Kouninef, propriétaires du groupe KouGC et condamnés en mai 2021 par la cour d’Alger à de la prison ferme, à de fortes amendes et à la saisie de leurs biens. Ils étaient poursuivis pour « trafic d’influence, blanchiment d’argent, financement occulte de la campagne électorale du président Bouteflika et perception d’indus avantages ».
Parmi les nombreux biens de l’homme d’affaires Mahieddine Tahkout, l’entreprise de transport des étudiants Mahieddine Tahkout Transport sera la première à être transférée à l’État, au ministère des Transports. La procédure touchera aussi les entreprises du groupe Mazouz composé de plusieurs filiales et la société de travaux publics ETRHB de l’homme d’affaires Ali Haddad. Les emplois, ainsi que les patrimoines de ces entités seront préservés.
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