iL esconstant qu'à la veille de toutes les élections présidentielles françaises, outre la récurrente thématique de l'immigration , éternelle bouc-émissaire, l'Histoire fait également irruption pour certains candidats qui espèrent engranger les voix d'une partie de l'électorat sensible à la démagogie. Ici, rappel des faits d'Histoire démontrant les méfaits de ce qu'il a été convenu d'appeler «le système colonial».
Force donc est de revenir à un réel débat sur les réalités historiques significatives qui exigent plus que des «excuses» et appelant une juste réparation («excuses» que d'autres pays ont officiellement formulées : Canada, Australie...) ; ainsi : restitution du Trésor d'Alger ayant servi à l'industrialisation de la France et aujourd'hui évalué à plusieurs milliards d'euros, restitution des archives non accessibles aux chercheurs et encore moins au commun des mortels (notamment celles des périodes coloniale et ottomane, indemnisation de centaines de milliers de familles d'Algériens ayant subi le génocide du système colonial de tout un peuple (enfumades, napalm, tortures...) et des Algériens du Sud suite aux essais nucléaires de l'ancienne puissance coloniale...
Ainsi, selon une légende tenace, le «coup de l'éventail» datant de 1827 a été le coup d'envoi du blocus maritime d'Alger par la marine royale française. L'aventure coloniale avait pour objectif de consolider l'influence française dans le bassin occidental de la Méditerranée. Le 5 juillet, les Français occupèrent Alger ; le même jour, le dey Hussein signa l'acte de capitulation. Premières conséquences : l'effondrement du pouvoir ottoman, le pillage des caisses de l'État, l'expulsion des janissaires d'Alger vers l'Asie Mineure et l'accaparement par la France de toutes les terres du Beylik. Le 1er décembre 1830, Louis-Philippe nomma le duc de Rovigo chef du haut-commandement en Algérie pour mettre en œuvre la colonisation dont la violence est notoire. Après avoir battu Abd-El-Kader, le général Desmichels signa avec ce dernier un traité qui reconnut l'autorité de l'émir sur l'Oranie et permit à la France de s'installer dans les villes du littoral. Officiellement, le 22 juillet, la Régence d'Alger devint «Possession française d'Afrique du Nord». Abd-El-Kader battit le général Trézel dans les marais de la Macta, près de Mascara. Il put également encercler la ville d'Oran durant une quarantaine de jours. Arrivé en renfort de métropole, le général Bugeaud infligea une défaite à celui-ci. Courant janvier 1836, le général Clauzel s'empara de Mascara et de Tlemcen. Le traité de la Tafna fut signé le 30 mai 1837 entre le général Bugeaud et l'émir Abd El Kader. Ce dernier établit sa capitale à Mascara. Le comte de Damrémont, devenu gouverneur général de l'Algérie en 1837, se mit en rapport avec le bey de Constantine pour obtenir une Convention similaire se heurtant au rejet de Ahmed Bey. Courant octobre 1837, ledit gouverneur général se mit en marche sur Constantine fort de dix mille hommes. Après sept jours de siège au cours desquels le comte de Damrémont fut tué, la ville fut conquise.
En 1839, l'armée française ayant entrepris d'annexer un territoire situé dans la chaîne des Bibans, (chaîne de montagnes du Nord d'El DjazaÏr), l'Emir Abdel El Kader considéra qu'il s'agissait d'une rupture du traité de Tafna. Il reprit alors sa résistance ; il pénétra dans la Mitidja et y détruisit la plupart des fermes des colons français. Il constitua une armée régulière (dix mille hommes, dit-on) qui reçut leur instruction des Turcs et de déserteurs européens. Il aurait même disposé d'une fabrique d'armes à Miliana et d'une fonderie de canon à Tlemcen. Il reçut également des armes provenant de l'Europe. Nommé gouverneur général de l'Algérie française en février 1841, Bugeaud arriva à Alger avec l'idée de la conquête totale de l'Algérie. Par l'entremise des «bureaux arabes», il recruta des autochtones tout en encourageant l'établissement de colonies.
Il a pu dire alors : «Le but n'est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d'empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, [...] de jouir de leurs champs [...]. Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes [...], ou bien exterminez-les jusqu'au dernier.» Ou encore : «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas !
Fumez-les à outrance comme des renards». De fait, en mai 1841, l'armée française occupa Tagdemt (situé à Tiaret qui fut capitale des Rustumides), puis Mascara pratiquant la razzia et détruisant récoltes et silos à grains. Il semble que l'Emir Abd-El-Kader fit en vain appel au sultan ottoman. C'est ainsi que, courant mai 1843, le duc d'Aumale prit par surprise la «smala» d'Abd-El-Kader faisant trois mille prisonniers (smala : «réunion de tentes abritant les familles et les équipages d'un chef de clan arabe qui l'accompagnent lors de ses déplacements»).
En février 1844, la France mit en place une Direction des Affaires Arabes pour contrôler les bureaux arabes locaux dans les provinces d'Alger, d'Oran et de Constantine avec le dessein de disposer de contacts avec la population autochtone. Fin mai 1844, des troupes marocaines prirent d'assaut les troupes françaises installées dans l'Oranais, mais furent repoussées par le général Lamoricière. Réfugié au Maroc, l'Emir Abd-El-Kader a pu décider le sultan Moulay Abd-El-Rahman d'envoyer une armée à la frontière algéro-marocaine provoquant ainsi des incidents qui, après d'infructueux pourparlers, décida le général Bugeaud de repousser l'armée du sultan marocain qui fut défaite (bataille d'Isly). L'armée marocaine dut se replier en direction de Taza, obligeant le sultan à interdire son territoire à Abd-El-Kader qui finit par se rendre aux spahis (à l'origine, les spahis furent un corps de cavalerie traditionnel du dey d'Alger, d'inspiration ottomane ; lors de la conquête de l'Algérie par la France, ils furent intégrés à l'Armée d'Afrique qui dépendait de l'armée de terre française). L'Emir Abd-El-Kader fut d'abord placé en résidence surveillée durant quatre ans en France (il fut libéré par Napoléon III), puis résida en Syrie jusqu'à la fin de sa vie. C'est ainsi que la Constitution française de 1848 fit de l'Algérie une partie intégrante du territoire français, notamment par l'institution de trois départements français : Alger, Oran et Constantine, les musulmans et les juifs d'Algérie étant considérés des «sujets français» avec le statut d' «indigènes». La résistance continua d'être vive en Kabylie et dans l'oasis des Zaatcha dans l'actuelle wilaya de Biskra. Plus tard, la domination française s'étendit à la Petite Kabylie. Jusqu'en juillet 1857, le la résistance continua dans le Djurdjura avec Lalla Fatma N'Soumer.
Révoltes constantes
A la veille du début de la conquête française, on estimait la population algérienne à trois millions d'habitants. La violente guerre de conquête, notamment entre 1830 et 1872, explique le déclin démographique de près d'un million de personnes. On évoque également les invasions de sauterelles entre 1866 et 1868, les hivers très rigoureux à la même période (ce qui provoqua une grave disette suivie d'épidémies tel le choléra). Pour les Européens d'alors, cette donnée était bénéfique dès lors qu'elle diminuait le déséquilibre démographique entre les «indigènes» et les colons. Ce, outre que le nombre important de constructions détruites avait pour dessein de gommer l'identité d'El Djazaïr. L'objectif était de détruire matériellement et moralement le peuple algérien. Sous Napoléon III, il fut question d'un «royaume arabe» lié à la France avec celui-ci comme souverain. A la même période, on a estimé que quelques deux cent mille colons, français ou européens, possédaient environ sept cent mille hectares. D'un point de vue législatif, il y eut le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 inspiré par le Saint-Simonien Ismaël Urbain, ayant trait au statut personnel et la naturalisation de l'«indigène musulman» et de l'«indigène israélite» (voire à la naturalisation des «étrangers qui justifient de trois années de résidence en Algérie», appelés plus tard «pieds noirs»). Force est de constater qu'en décembre 1866, furent créés des conseils municipaux élus par quatre collèges séparés : français, musulmans, juifs et étrangers européens, les Français disposant des deux tiers des sièges.
La révolte de 1871 est considérée comme la plus importante insurrection contre le pouvoir colonial français. Ainsi, plus de deux cent cinquante tribus se soulevèrent (environ un tiers de la population de l'Algérie d'alors). Elle fut menée depuis la Kabylie (les Bibans ou Tiggura) par le cheikh El Mokrani, son frère Boumezrag et le cheikh Haddad (chef de la confrérie des Rahmanya). Après cette révolte, plus de cinq cent mille hectares furent confisqués et attribués aux «émigrés hexagonaux» suite à la défaite française de 1870 face à l'Allemagne. C'est ainsi que de 245.000, le nombre des colons aboutit à plus de 750.000 en 1914. A la même date, le nombre des Djazaïris («indigènes») passa de deux millions à cinq millions. Après la chute de Napoléon III, les tenants de la Troisième République préconisèrent une politique d'assimilation, notamment par la francisation des noms et la suppression des coutumes locales. Le 24 octobre 1870, en vertu des décrets du Gouvernement provisoire, le gouvernement militaire en Algérie céda la place à une administration civile. La nationalité française fut accordée aux Juifs d'Algérie (décret Crémieux) qui furent néanmoins soumis à l'antisémitisme des colons. En accordant aux juifs algériens le même statut que les Français d'Algérie, ce décret divisa les autochtones qui continuèrent de vivre dans une condition de misère accentuée par de nombreuses années de sécheresse et de fléaux. Les biens des insurgés Algériens de 1871 furent confisqués. Ainsi, une loi du 21 juin 1871 attribua quelque cent mille hectares de terres en Algérie aux «migrants d'Alsace-Lorraine».
Et le 26 juillet 1873, fut promulguée la loi Warnier qui eut pour objectif de franciser les terres algériennes. Le 28 juin 1881, fut adopté le code de l'indigénat qui distingua deux catégories de citoyens : les citoyens français et les sujets français («indigènes»). Ces derniers furent soumis au code de l'indigénat qui les priva de leurs libertés et de leurs droits politiques (seul fut conservé le statut personnel, d'origine religieuse ou coutumière).
Lors de la première guerre mondiale, la France mobilisa les habitants des départements français d'Algérie : Musulmans, Juifs et Européens. C'est ainsi que les tirailleurs et spahis musulmans combattirent avec les zouaves (unités françaises d'infanterie légère) européens et juifs d'Algérie. Il semble que près de 48.000 Algériens furent tués sur les champs de bataille lors de la première Guerre mondiale, ayant été de toutes les grandes batailles de l'armée française (notamment à celle de Verdun). Plus tard, en 1930, la célébration par la France du centenaire de la «prise d'Alger» fut ressentie comme une provocation par la population. Le projet de loi Blum-Viollette (Front populaire) pour l'attribution de droits politiques à certains musulmans sera rejeté à l'unanimité lors du congrès d'Alger du 14 janvier 1937. Au cours de la seconde guerre mondiale, plus de 120.000 Algériens furent recrutés par l'armée française. Avec l'occupation allemande (1940-1944), plusieurs centaines de musulmans («Nord-Africains») installés en France furent engagés pour constituer ce qui a été appelé la «Légion nord-africaine». De trois millions en 1880, la population d'El Djazaïr passa à près de dix millions en 1960 pour environ un million d'Européens.
Il semble qu'à la veille du déclenchement de la guerre d'indépendance, «certaines villes sont à majorité musulmane comme Sétif (85 %), Constantine (72 %) ou Mostaganem (67 %)». L'essentiel de la population musulmane était pauvre, vivant sur les terres les moins fertiles. La production agricole augmenta peu entre 1871 et 1948 par rapport au nombre d'habitants, El Djazaïr devant alors importer des produits alimentaires. En 1955, le chômage était important ; un million et demi de personnes était sans emploi (la commune d'Alger aurait compté 120 bidonvilles avec 70 000 habitants en 1953). Dans ce cadre, l'Algérie était composée de trois départements, le pouvoir étant représenté par un gouverneur général nommé par Paris. Une Assemblée algérienne fut créée ; elle était composée de deux collèges de 60 représentants chacun : le premier élu par les Européens et l'élite algérienne de l'époque et le second par le «reste de la population algérienne».
Le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques en Algérie (MTLD) de Messali Hadj avait alors obtenu une large victoire lors des élections municipales de 1947 ; ce parti devint la cible de la répression des autorités françaises. Il y eut ensuite des fraudes massives lors de l'élection de l'Assemblée algérienne. Il est vrai qu'au début du XXe siècle, les leaders algériens réclamaient alors tantôt le droit à l'égalité, tantôt l'indépendance. C'est ainsi que plusieurs partis furent créés : l'Association des Oulémas musulmans algériens, l'Association de l'Étoile Nord-Africaine, le Parti du Peuple Algérien (PPA), les Amis du Manifeste des Libertés (AML), le Parti communiste algérien (PCA)...
Le 8 mai 1945, prélude à la révolution
Le 8 mai 1945, eurent lieu des manifestations d'Algériens dans plusieurs villes de l'Est du pays (notamment à Sétif, Kherrata et Guelma) ; ce, à la suite de la victoire des Alliés sur le régime nazi. A Sétif, la manifestation tourna à l'émeute. La répression par l'armée française fut des plus brutales provoquant la mort de plusieurs centaines de milliers de morts parmi les Algériens. Cette férocité sans nom eut pour conséquence davantage de radicalisation. Certains historiens ont pu estimer que ces massacres furent le début de la guerre d'Algérie en vue de l'indépendance.
Devant l'inertie des leaders qui continuaient de tergiverser, apparut l'Organisation spéciale (OS) qui eut pour but d'appeler au combat contre le système colonial devenu insupportable. Elle eut pour chefs successifs : Mohamed Belouizdad, Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella. Un Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) fut créé en mars 1954 et le Front de libération nationale (FLN) en octobre 1954. En Algérie, le déclenchement de la guerre de libération nationale est caractérisé comme étant une Révolution (en France, on utilisa le terme de «guerre d'Algérie» après l'avoir désigné comme étant des évènements d'Algérie jusqu'en 1999). L'action armée intervint à l'initiative des «six historiques» : Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Mourad Didouche, Mohamed Boudiaf, Belkacem Krim et Larbi Ben M'hidi lors de la réunion des 22 cadres du CRUA. La Déclaration du 1er novembre 1954 fut émise depuis Tunis par radio.
La guerre d'Algérie débuta le 1er novembre 1954 avec quelques soixante-dix attentats dans différents endroits d'Algérie. La réponse de la France ne se fit pas attendre ; des mesures policières (arrestations de militants du MTLD), militaires (augmentation des effectifs) et politiques (projet de réformes présenté le 5 janvier 1955). François Mitterrand a pu alors déclarer : «L'Algérie, c'est la France». Il déclencha la répression dans les Aurès ; ce qui n'empêcha pas à l'Armée de libération nationale (ALN) de se développer.
De quelques cinq cent hommes, elle augmenta ses effectifs en quelques mois pour atteindre quinze mille et plus tard plus de quatre cent mille à travers toute l'Algérie. Les massacres du Constantinois des 20 et 21 août 1955, notamment à Skikda (alors Philippeville) constituèrent une étape supplémentaire de la guerre. La même année, l'affaire algérienne fut inscrite à l'ordre du jour à l'Assemblée générale de l'ONU, tandis que plusieurs chefs de l'insurrection de l'armée furent soit emprisonnés, soit tués (Mostefa Ben Boulaïd, Zighoud Youcef...). Des intellectuels français aidèrent le FLN, à l'instar du réseau Jeanson, en collectant et en transportant fonds et faux papiers.
Le 22 octobre 1956, eut lieu le détournement de l'avion qui transportait la Délégation des principaux dirigeants du FLN : Mohamed Khider, Mohamed Boudiaf, Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Mostefa Lacheraf.
Ce fut là un acte caractérisé de piraterie aérienne. De même, il y eut l'opération d'intoxication de la bleuite (1957-1958) menée par les services secrets français ; le colonel Amirouche Aït Hamouda mit alors en place des purges internes (Wilaya III) qui firent de très nombreux morts dans différentes wilayas. Plus tard, le France déclencha de grandes opérations (plan Challe 1959-1961), les maquis ayant été sans doute affaiblis par ces purges internes.
Ce plan amoindrit davantage les maquis. Arrivé au pouvoir, Charles de Gaulle engagea une lutte contre les éléments de l'Armée de libération nationale algérienne (ALN). Il semblerait que le plan Challe ait entraîné, en quelques mois, la suppression de la moitié du potentiel militaire des wilayas. Les colonels Amirouche Aït Hamouda et Si El Haouès furent tués lors d'un accrochage avec les éléments de l'Armée française. En 1959, à sa sortie de prison, Messali Hadj fut assigné à résidence.
En France, les Algériens organisèrent des manifestations en faveur du FLN. En 1960, le général de Gaulle annonça la tenue du référendum pour l'indépendance de l'Algérie ; certains généraux français tentèrent en vain un putsch en avril 1961. Il n'est pas anodin de rappeler qu'en février 1960, la France coloniale a procédé à un essai nucléaire de grande ampleur dans la région de Reggane (sud algérien). Avec 17 essais nucléaires opérés par la France entre les années 1960 à 1966, il semble que 42.000 Algériens aient trouvé la mort ; des milliers d'autres ont été irradiés et sujets à des pathologies dont notamment des cancers de la peau.
Le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) fut proclamé avec à sa tête Ferhat Abbas. Le colonel Houari Boumediene était alors le chef d'état-major de l'Armée de libération nationale. En 1960, l'ONU annonça le droit à l'autodétermination du peuple algérien. Des pourparlers avec le GPRA furent organisés pour aboutir aux accords d'Évian (18 mars 1962). Ce qui ne mit pas fin aux hostilités puisqu'il y eut une période de violence accrue, notamment de la part de l'OAS. Près d'un million de Français (Pieds-noirs, Harkis et Juifs) quitta l'Algérie entre avril et juin 1962. Le référendum d'autodétermination (1er juillet 1962) confirma les accords d'Évian avec 99,72 % des suffrages exprimés.
Le bilan de cette guerre, en termes de pertes humaines, continue de soulever des controverses des deux côtés de la Méditerranée. Si El Djazaïr se considère avec fierté comme le pays du million et demi de chahids, en France circulent d'autres chiffres qui oscillent entre 250.000 à 300.000 morts. Outre cette comptabilité macabre, bien d'autres sujets continuent de constituer un contentieux entre les deux pays. Il est vrai aussi que la guerre fratricide entre le FLN et le MNA (mouvement de Messali Hadj) fit quelques centaines de morts tant en France qu'en Algérie (notamment à Melouza), outre le nombre de harkis tués après le cessez-le-feu. Ce, sans oublier les luttes pour le pouvoir : d'un côté, le pouvoir civil avec le GPRA présidé par Ferhat Abbas appuyé par les wilayas III et IV, et de l'autre côté le pouvoir militaire (le «clan d'Oujda») et l'«armée des frontières») avec à sa tête Houari Boumediene.
A l'indépendance, El Djazaïr est sortie exsangue des suites de la guerre, des conflits internes et du départ massif des Européens ayant servi d'encadrement durant la période coloniale. L'armée française évacua ses dernières bases en Algérie (enclaves autorisées par les accords d'Évian) : Reggane et Bechar (1967), Mers el-Kébir (1968), Bousfer (1970) et B2-Namous (1978). Ainsi, nonobstant l'indépendance, la France continua d'avoir des bases en Algérie.
Le GPRA de Ferhat Abbas fut évincé par l'ALN au profit d'Ahmed Ben Bella qui fut ainsi le premier président de l'Algérie indépendante du système colonial français. Le FLN devint parti unique et prôna un socialisme à l'algérienne marqué par le populisme et le culte de la personnalité. Et, depuis le coup d'Etat du 19 juin 1965 à ce jour, El Djazaïr ne cesse de s'interroger sur son destin à travers l'Histoire, y compris jusqu'au Hirak dont on peut encore espérer un antidote au pouvoir politique marqué par l'échec de la gérontocratie.
Qu'émerge enfin une nouvelle élite de jeunes, organisés et conscients des enjeux et des défis à relever par El Djazaïr, au-delà des «excuses» de l'ancienne puissance coloniale ! Les gesticulations électoralistes outre-méditérranée ne sauraient faire oublier la barbarie du «système colonial».
Une messe à la cathédrale précédera la cérémonie officielle marquant la capitulation de l’Allemagne nazie, dimanche matin 8 mai 2022, qui retrouve la place de la Mairie, après deux années en format réduit. Une autre cérémonie organisée par l’association républicaine des anciens combattants (Arac 35) aura lieu l’après-midi, au square de Sétif.
La cérémonie du 8-Mai retrouve la place de l’hôtel de ville de Rennes, après deux années dans un format a minima. | ARCHIVES
Le 77e anniversaire de la victoire du 8 mai 1945 commémore dimanche 8, la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie et la fin officielle de la Seconde Guerre mondiale sur le continent européen avec l’acte de capitulation de l’Allemagne du IIIe Reich. À Rennes, cette journée de mémoire débutera dès 9 h 30, à la cathédrale Saint-Pierre, par la messe organisée avec l’association du Souvenir français.
Une commémoration qui retrouve son lustre
Les autorités civiles et militaires convergeront ensuite place de la Mairie, pour la cérémonie officielle qui sera présidée par Emmanuel Berthier, préfet de la région Bretagne.
Après deux années en format restreint en raison des protocoles sanitaires, cette commémoration retrouvera un peu plus de lustre. Celle-ci débutera à 11 h 15 par le ravivage de la flamme et un dépôt de gerbe au Panthéon rennais, à l’intérieur de l’hôtel de ville, avant une prise d’armes à partir de 11 h 30, place de la Mairie. Cette seconde phase de la cérémonie officielle sera marquée par la lecture de plusieurs messages et une remise de décorations.
Des élèves de 3e du collège Échange assisteront à la cérémonie après avoir participé, mardi 3 mai, à une marche mémorielle dans Rennes organisée par l’établissement du service national et de la jeunesse nord-ouest.
La cérémonie officielle du 8-Mai se terminera en musique avec une aubade de la musique militaire des transmissions.
L’autre 8-Mai en Algérie
À Rennes, une autre cérémonie du 8-Mai est également organisée par l’Arac 35, l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, des combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix. Cette cérémonie a lieu dimanche 8 mai, à 15 h, au square de Sétif (quartier Francisco-Ferrer), en présence généralement de représentants de plusieurs associations qui rendent hommage aux victimes de la répression de manifestations du 8 mai 1945, en Algérie, dans les villes de Sétif (jumelée avec Rennes), Guelma, Kherrata.
Après cette cérémonie, une rencontre-débat est prévue à partir de 16 h, à l’espace international Pierre-Jaffry, à la Maison internationale de Rennes (7, quai Chateaubriand). Au programme, la projection d’un diaporama réalisé par l’Arac 35, sur les principaux évènements liés à la guerre d’Algérie, survenus en Algérie et en France de 1954 à 1962. Suivra à partir de 17 h 30, une rencontre avec Nils Andersson, éditeur et journaliste, président de l’Acca (Agir contre le colonialisme aujourd’hui).
Le Maghreb fût la terre promise de tous les impérialismes méditerranéens : phéniciens, romains, vandales, byzantins, arabes, turcs sans parler des français. Ces invasions multiples et variées ont façonné la mentalité des autochtones dans leurs rapports avec leur corps.
« Le corps a une mémoire ! Le corps hérite d’une histoire, d’une éducation, d’une famille, d’une culture, d’une géographie, de schémas complexes inscrits par des générations. Et le geste du danseur peut soudain faire rejaillir un souvenir ou une émotion enfouie avec plus de force que n’importe quelle parole. C’est le défi et le miracle de la danse !
Coloniser un pays c’est conquérir son territoire par l’épée, posséder son corps par la force, investir son esprit par l’école. La domination des terres s’accompagne de la domination des corps. Il s’agit de s’approprier les corps et les âmes. Posséder le corps de l’autre c’est nourrir son propre narcissisme. Ressembler à l’homme blanc c’est accepter de se mettre sous sa domination. Le colonialisme a atteint ses objectifs. Il nous a détournés de la voie droite.
Il a fait de nous des êtres égarés. On rêve de l’ailleurs. 1830, les français débarquèrent en Algérie pour l’occuper. 2030, les algériens embarquèrent pour la retrouver. L’histoire est pleine de surprises. Hier envahisseurs, aujourd’hui envahis, les pays dits « d’accueil » ont essayé toutes les politiques que ce soit de cohabitation, d’assimilation ou d’intégration, aucune n’a réussi. Alors, ils se retournent vers les Etats post coloniaux pour leur ordonner de constituer une « ceinture de sécurité » de l’Europe menacée par un flux migratoire incontrôlé. Une émigration encouragée par une répression aveugle des autorités et l’absence de perspectives pour une jeunesse désœuvrée.
Le mouvement migratoire des peuples est un phénomène marquant de ce XXIème siècle. C’est une revanche de l’histoire des africains dépouillés injustement de leurs richesses naturelles par l’occident triomphant en perte de vitesse vivant de son passé « peu glorieux », d’un présent tumultueux et pour un avenir incertain. Des populations à la recherche d’une liberté illusoire et d’un bonheur hypothétique fuyant les interdits de la religion, de la politique et de la pauvreté. Ironie de l’histoire, des familles entières envoûtées par l’image, se jettent à corps perdus dans la méditerranée en brûlant au passage leur « nationalité algérienne » pour rejoindre la France que leurs parents ont combattue. Les martyrs n’ont qu’à se retourner dans leurs tombes.
Nous sommes en gare depuis 1962
Nous sommes dans l’attente du prochain train qui ne viendra pas. Il n’y a plus de voies ferrées ni de nouvelles gares. Entre-temps, la locomotive rouille au soleil et les wagons-lits se transforment en basse-cour. « Le poulailler reste un palais doré pour le coq malgré la puanteur des lieux ». Un Etat, qui tire ses ressources budgétaires non pas du travail laborieux de ses habitants mais du sous-sol saharien. L’argent facile nous fascine. Nous achetons des biens que nos dirigeants importants pour nous donner l’illusion d’exister afin de se perpétuer au pouvoir. Les choses que l’on possède finissent par nous posséder : une société en voie de « chosification » dans son ensemble.
Nous avons cessé d’être des humains pour devenir des objets manipulables et par conséquent « jetables » comme les marchandises que nous importons. : « j’ai donc je suis » semble être notre crédo ; « L’avoir » fait office « d’être », « l’être » se cache derrière « le paraître » et le « je » derrière le « nous ». Nous ne nous culpabilisons jamais. La faute incombe toujours à l’autre qui n’est autre que soi-même mais on n’ose pas le reconnaître de peur de rougir en se regardant la glace. Nous nous trouvons simultanément dans la posture du coupable, de la victime, du bourreau.
La colonisation française fût une prise de pouvoir sanglante sur le corps de l’autre. L’autre n’est pas un être humain, c’est un indigène : une proie à abattre pour garnir notre tableau de chasse ou un corps fragile pour assouvir nos bas instincts, hier au nom de la « civilisation de la guillotine » aujourd’hui au nom de la « démocratie et des droits de l’homme » et pour être plus précis, « des droits de l’homme et du citoyen français ». La révolution de 1789 est une révolution française. Le code Napoléon est notre code civil. C’est un héritage de l’Etat colonial français. L’Etat français est le produit de l’histoire du moyen âge et de la religion catholique romaine.
L’esprit colonial hante la législation locale. Les écritures ont été arabisés, l’esprit n’a pas été formaté. Les soubassements idéologiques et religieux sont passé sous silence. Un silence assourdissant. La forme a pris le dessus sur le fonds. La cravate et le turban sur un costume ou sur une djellaba, cela fait folklore. L’une est multicolore, l’autre en noir et blanc, jamais grise. L’indigène n’est pas comparable au français. Il n’a ni ses qualités morales ni son instruction ni sa religion, ni sa civilisation. L’indigène a un comportement différent, il a une autre religion, une autre langue, une autre identité. « Ne rusons pas, ne trichons pas.
A quoi bon farder la vérité ?
La colonisation n’a pas été un acte de civilisation, elle a été un acte de force, un viol collectif au regard des droits de l’homme et du citoyen français reconnaissent certains penseurs européens. En effet, Bugeaud après avoir conquis l’Algérie avec « l’épée », il devait la gouverner par la « charrue » ; ils incitaient les agriculteurs français indépendants à traverser la méditerranée et à s’installer sur le sol algérien pour en faire une colonie de peuplement. Pour ce faire il devait s’assurer de la possession du pays. Cependant un obstacle se dressait sur son chemin la présence des autochtones qui échappaient à son contrôle parce qu’ils dissimilaient leurs femmes au regard des troupes françaises.
Leur religion leur interdisait de se dévoiler en public. De plus, le projet impérialiste n’incluait pas les femmes. L’arrivée des familles françaises allait changer la donne. Les premières femmes à s’habiller à la française furent les « courtisanes » transformées en prostituées devant travailler à la chaîne comme en métropole pour satisfaire les soldats français. La colonisation française fût une prise de pouvoir sur le corps de l’autre. A commencer sur la femme (le viol) pour s’étendre à l’homme (la torture).
Au fil des années, il s’est infiltré dans l’esprit en formatant son authenticité, en anéantissant sa puissance pour le soumettre, l’humilier, l’indigner, le souiller. Le viol des corps et des consciences furent utilisés comme armes de guerre.
Une stratégie de la terreur. L’objectif étant de le déposséder de sa terre et de son bien le plus précieux son corps et son honneur. Il fallait semer la terreur au sein de la population : exposer sur la place publique les corps des fellagas tués, puis pousser leurs compatriotes à les piétiner ensuite violer leurs femmes pour finir par brûler leurs maisons. Pour s’installer définitivement, il fallait déraciner leur culture vivrière (les céréales) et planter des cultures spéculatives (vignoble, agrumes).
C’est ainsi que la France a pu asseoir son hégémonie sur une longue période. Les traumatismes générés sont toujours vivaces en France et en Algérie. La blessure est toujours béante.
Elle est belle la France des droits de l’homme et de la démocratie, elle se permet le luxe de caricaturer le sacré et de profaner l’histoire, sa propre histoire. Cela nous fait penser à ce pervers narcissique qui rabaisse sa victime au rang d’objet en lui faisant subir toutes sortes de violences.
Les questions de sexualité souvent élaguées par les chercheurs sont au cœur des politiques, des religions, et des races. En effet, au cœur de ces systèmes coloniaux et patriarcaux, la liberté sexuelle du maître sur son esclave est incontestablement très étendue. Le modèle patriarcal traditionnel fondé sur la hiérarchie des sexes, la claustration de la femme, le sens développé de la pudeur de la femme et l’honneur de l’homme ont fait le lit de la colonisation en s’appuyant sur le maraboutisme, le clanisme et le tribalisme (diviser pour régner). La torture sur les populations a été systématisée lors de la colonisation française de 1830 à 1962.
Les viols sur les femmes ont eu un caractère massif en Algérie. La France a pénétré l’intimité de la société algérienne en profondeur afin d’en faire un levier puissant de domination et de dépendance. Coloniser un pays c’est conquérir son territoire par les armes, posséder son corps par la force, soumettre son esprit par l’école. La conquête des terres s’accompagne de la domination des corps. Coloniser un pays c’est introduire des différences de race, de religion, de sexe.
Le conquérant se donne tous les droits de vainqueurs, de maître sur ses esclaves, de race supérieure sur race inférieure, de religion des lumières sur religion des ténèbres. Une hiérarchie fondée sur la force et non sur la raison. Le vocabulaire a évolué, on ne parle plus d’esclaves mais d’indigènes, d’indigents et non de pauvres. La France a quitté le territoire mais elle est toujours présente dans l’homme. La cravate a remplacé le turban, le costume la djellaba, la voiture le cheval, l’hidjab le voile.
Les mots changent mais les maux restent. Il s’agit de s’approprier les corps et de manipuler les âmes. L’argent a remplacé le phallus au lit. L’homme a perdu sa masculinité et la femme sa féminité. Les deux ne se voient plus, ils regardent l’écran, chacun dans sa chambre.
Un peuple émotif secrète naturellement un pouvoir narcissique c’est-à-dire un pouvoir égocentriste dépourvu de tout sentiment de culpabilité. Pour combler son vide existentiel, il a besoin de se nourrir des émotions et des peurs de la population. Le pervers peut ainsi blesser, embarrasser sans ressentir la moindre souffrance, le moindre sentiment de culpabilité « Ce n’est pas ma faute, c’est la vôtre, vous répète-t-il à longueur de journée et vous finissez à votre âme dépendant par vous culpabiliser à sa place ! ».
Ne cherchez pas à dialoguer avec lui, il dit une chose et fait son contraire. Vous ne savez plus à quel saint vous vouer. Il vous tient un discours contradictoire. Pacifique à à la lumière, agressif à l’ombre. Il est égocentriste et dépourvu de toute empathie. Il ne changera pas, c’est vous qui devriez changer.
Cessez de vous culpabiliser à sa place. Il n’éprouve aucun sentiment. C’est un pervers narcissique. Il ne vous offre que deux solutions : la fuite ou la folie. La fuite à bord d’embarcations de fortune ou l’enfermement dans un asile d’aliénés. Si vous réagissez et refuser de vous plier, sa face hideuse vous apparait au grand jour. Pour vous libérer de son emprise, il faut sortir de sa dépendance (financière ou affective) et savoir dire « non ». Humilier-le en public, il tient à son image ; ignorez-le, il ne supporte pas la solitude. Il a peur de se retrouver seul avec lui-même, il craint le vide.
Il a besoin maladif d’être entouré, admiré, adulé, il a trop souffert dans son enfance de l’absence d’un père. Si vous parvenez à lui faire tomber le masque, il se sentira pour la première fois tout « con ». Et vous cessez à ses yeux d’être un objet manipulable pour devenir un objet dangereux. Il essayera par tous les moyens de se débarrasser de vous.
Plus vous résistez à son emprise et plus vous vous exposez à sa haine, une haine pathologique. Une haine qui le dévore et qui vous déstabilise. Cela commence par la séduction pour finir par un homicide. « Si ça se consomme, c’est du sexe. Si ça se consume, c’est de l’amour ».
Le pervers narcissique cherche à tout prix à s’assurer de la possession de l’objet dont il est en même temps certain qu’il va finir par lui échapper. La liaison amoureuse se transforme immanquablement en torture pour détenir l’autre dans une emprise qui augmente jusqu’à la folie tant elle échoue à rencontrer la satisfaction. On peut dire que l’amour de l’objet commence quand l’objet menace de s’enfuir, quand il n’est plus à disposition.
Il cesse d’être un objet manipulable pour devenir un objet dangereux. Ce sont les massacres du 08 mai 1945 qui ont déclenché la révolution armée du 1er novembre 1954 ; ce sont les manifestations pacifiques du 22 février 2019 qui vont enclencher la révolution du sourire. Une révolution tétanisée par la pandémie du Covid-19.
La réaction a été sage : Aimons-nous vivants, aimons-nous masqués. « Derrière le masque que je te montre se cache une fille au sourire brisé qui espère qu’un jour peut-être, elle sera heureuse ». Deux ans plus tard, on retrouve ce même sourire figé sur un corps inerte d’une jeune fille belle et ensoleillée, séduite et abandonnée, rejetée par les vagues de la Méditerranée sur les rives maghrébines désertées par les interdits de la politique, de la religion et de la pauvreté.
Les problèmes que l’on ne regarde pas en face refont toujours surface. Les mêmes maux produisent les mêmes effets. C’est un éternel recommencement. L’histoire est cruelle avec les hommes. Elle leur fait traverser le présent les yeux fermés.
Massacres de Sétif, Guelma et Kherrata le 8 mai 1945
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la population française est exsangue. Que dirait-on des populations "indigènes" des colonies françaises, notamment algérienne qui venait de participer à l'effort de guerre par la mobilisation forcée de plus 150 000 tirailleurs algériens, dont 12 000 sont morts en combattant pour la France ? Dans tous ces pays colonisés, notamment l'Algérie et Madagascar, les populations sont accablées de misère, affamées.
Pourtant, le grondement de la révolte trouble déjà sourdement l'atmosphère sociale. L'insurrection anticolonialiste, embusquée derrière le fracas catastrophique de la débandade française, accentuée plus tard par l'effondrement du régime vichyste, fourbit ses armes. L'heure de la lutte armée anticolonialiste sonne l'alarme du réveil des consciences politiques subversives et activités militantes libératrices.
Après le long sommeil d'asservissement, marqué par la vie coloniale cauchemardesque, le tempétueuse de la révolution afin de se jeter dans l'odyssée des indépendances nationales inscrite dans l'histoire de l'émancipation des peuples.
Contre la pusillanimité des structures indigènes collaborationnistes œuvrant pour le maintien de l'Algérie française ou, au mieux, l'indépendance par voie légale et pacifique, conçue dans le cadre de l'Union française et de la préservation des intérêts économiques de la France, de nouvelles organisations révolutionnaires patriotiques se fixent pour programme maximaliste le soulèvement armé contre la puissance française colonialiste. Le baptême du feu est déclenché en Algérie le 8 mai 1945.
En ce jour de la libération de la France du joug nazi, tandis que la population française fête dans l'allégresse sa liberté recouvrée, les Algériens croient bon de s'inviter aux festivités des libérations nationales pour revendiquer également leur indépendance, la restauration de leur souveraineté nationale.
Mais, aux yeux de la France coloniale, l'indépendance de l'Algérie n'est pas prévue dans son menu de la restauration des libertés, du recouvrement de l'indépendance nationale. Les Algériens ne peuvent pas prétendre goûter les délices de la libération, réservée, selon la conception coloniale, aux seuls Français. L'Algérien doit encore manger la vache enragée française. Subir le joug colonial. Nourrir la France coloniale. Trimer pour les pieds-noirs, ces hobereaux aux pieds d'argile. Vivre dans l'indigence sous le code de l'indigénat.
Or, sans avoir reçu de faire-part, le peuple algérien s'invite aux cérémonies libératrices par sa résolution d'entrer dans la séquence historique émancipatrice amorcée le 8 mai 1945, jour de la libération de nombreux pays du joug allemand. Il s'empare de la rue pour réclamer également son indépendance. Dans la liesse, dans plusieurs villes d'Algérie, d'ordinaire marquées par la ségrégation raciale et spatiale et la relégation sociale, des manifestations populaires éclatent. Des Algériens paradent avec un orgueil national triomphant d'espérances libératrices. Par milliers, de paisibles manifestants désarmés scandent des slogans de liberté : " Indépendance ", " Libérez Messali Hadj ", " L'Algérie est à nous ". Pour la première fois de l'histoire de l'Algérie, un invité-surprise, paré de couleurs vert et blanc frappé d'un croissant et étoile rouges, s'est fièrement joint à la pacifique foule pour devenir l'étendard sacré du peuple algérien indépendantiste : le drapeau algérien, hissé triomphalement par Bouzid Saal et Aïssa Cheraga. Les nationalistes algériens brandissent également des banderoles sur lesquelles est inscrit : "A bas le fascisme et le colonialisme". "Nous voulons être vos égaux".
Dans cette nouvelle séquence de l'histoire des libérations des peuples colonisés, les manifestants algériens donnent le la des revendications de l'indépendance nationale. Cependant, la France coloniale ne compte pas laisser ce concert de liberté entonner ses premières vocalises libératrices, permettre aux Algériens d'enchanter la rue par leur revendication d'indépendance de l'Algérie criée à tue-tête.
Comme à l'accoutumée, la France coloniale riposte violemment. Le 11 mai 1945, le chef du gouvernement, Charles de Gaulle, ordonne l'intervention de l'armée. Plus de 2?000 militaires sont envoyés en Algérie, épaulés par la légion étrangère, les goumiers marocains [1] et les tirailleurs sénégalais. Pour rétablir l'ordre colonial et terroriser les Algériens, les troupes armées françaises et les milices composées de civils procèdent à la "pacification" des régions soulevées pour revendiquer l'indépendance de l'Algérie. L'État colonial instaure le couvre-feu à 13 heures. L'état de siège est décrété à 20 heures. La loi martiale proclamée. Des armes sont distribuées aux Européens.
La répression est sanglante. La France réprime dans le sang ces manifestations. Plusieurs semaines durant, la soldatesque française, épaulée par des chars et des avions, se déchaîne contre la population algérienne désarmée. Une milice d'Européens surarmée est constituée. Elle se livre à la chasse de toute personne algérienne, à des exécutions sommaires. Les tribunaux civils et militaires condamnent sévèrement les Algériens arrêtés. Des milliers de soldats sont mobilisés pour réprimer sans distinction la population algérienne : hommes, femmes, enfants. Pire : des navires de guerre tirent depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif, l'aviation bombarde la population jusqu'aux douars les plus reculés. Des villages entiers sont décimés, incendiés, des familles brûlées vives. La répression se généralise. Elle s'étend à tout le pays. Le massacre génocidaire dure plusieurs semaines.
De nombreux corps sont jetés dans les puits, dans les gorges de Kherrata. Des miliciens européens, autrement dit français, utilisent les fours à chaux pour faire disparaître les cadavres. Après avoir rétabli l'ordre colonial au prix du massacre de 45 000 Algériens, de l'arrestation de 4000 personnes, d'une centaine de condamnations à mort, les autorités coloniales procèdent à des cérémonies de reddition, pendant lesquelles les hommes algériens sont réunis sur les places des villages pour être forcés de se prosterner devant le drapeau français et répéter en chœur " Nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien".
Ainsi, pour défendre son empire colonial et préserver son statut de grande puissance mondiale, la France a perpétré un génocide contre le peuple algérien.
Cette politique répressive génocidaire ne fait que se conformer aux mesures dictées par le général de Gaulle, alors chef de gouvernement, par télégramme à l'armée coloniale : " Veuillez prendre toutes mesures nécessaires pour réprimer tous agissements antifrançais d'une minorité d'agitateurs. ".
Dans un de ses textes, l'écrivain algérien Kateb Yacine, témoin oculaire, a immortalisé ces tragiques événements qui l'ont traumatisé : " C'est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J'avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l'impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l'ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme. ". " Je témoigne que la manifestation du 8 mai était pacifique. En organisant une manifestation qui se voulait pacifique, on a été pris par surprise. Les dirigeants n'avaient pas prévu de réactions. Cela s'est terminé par des dizaines de milliers de victimes. À Guelma, ma mère a perdu la mémoire... On voyait des cadavres partout, dans toutes les rues. La répression était aveugle ; c'était un grand massacre. "
Bilan : 45 000 "indigènes" algériens massacrés, exterminés par les autorités coloniales françaises, les pieds-noirs. Sans compter les autres milliers de victimes arrêtées, torturées, embastillées.
Contre le peuple algérien, aux yeux de l'Histoire, la France a commis un crime contre l'humanité.
Massacre colonial français à Madagascar le 29 mars 1947
À Madagascar, en écho au soulèvement du peuple algérien, à partir de 1946, des manifestations violentes se déroulent dans différentes villes de l'île contre l'arbitraire colonial. Ces manifestations se transforment rapidement en émeutes, aux cris de " Vive l'indépendance ! ".
Plus tard, le 29 mars 1947, des centaines d'hommes se soulèvent contre la misère, en particulier contre les exactions des colons, ces Français imbus de leur supériorité, pétris d'arrogance, installés dans leur domination qu'ils croyaient éternelle. Armés seulement de sagaies et de coupe-coupe, ils attaquent des villes côtières et des plantations. Ils s'en prennent aux Européens. Le soulèvement s'amplifie. Rapidement, toute l'île s'embrase. La réaction coloniale est violente et brutale. Elle débute le 4 avril 1947, appuyée par l'instauration de l'état de siège. La France coloniale dépêche immédiatement à Madagascar des troupes coloniales (tirailleurs sénégalais). Au total 18.000 hommes sont mobilisés début 1948 : infanterie, parachutistes et aviations attaquent les civils désarmés. La répression s'abat sur la population malgache révoltée. Ces premières révoltes sont durement réprimées : tortures, exécutions sommaires, regroupements forcés, incendie de villages, etc.
Au cours de cette expédition punitive à Madagascar, l'armée française expérimente une nouvelle technique de guerre psychologique: des suspects sont jetés vivants de l'avion pour terroriser les villageois de leur région.
En l'espace de quelques mois, la " pacification " fait 89.000 morts malgaches. Les forces coloniales perdent 1.900 hommes (essentiellement des supplétifs malgaches). On compte aussi la mort de 550 Européens, dont 350 militaires.
Au reste, il faut plusieurs mois aux forces armées coloniales pour venir à bout de la rébellion. Le 7 décembre 1948, Mr De Chevigné, Haut-commissaire de France à Madagascar, déclare : " Le dernier foyer rebelle a été occupé. " Bilan : l'île est ravagée et on dénombre 89.000 morts reconnus officiellement, sans compter les blessés, les personnes arrêtées, torturées.
Ironie de l'histoire, au cours de ces longs mois de massacres génocidaires, dans la métropole, les organisations malgaches et françaises brillent par leur silence criminel. Aucune formation politique ne dénonce les répressions et exactions, encore moins n'apporte son soutien aux insurgés indépendantistes. De même, les dirigeants du mouvement ouvrier ne manifestent aucune sympathie pour les insurgés. Au contraire, ils les condamnent avec virulence.
Comme lors de l'écrasement du soulèvement du peuple algérien le 8 mai 1945, le Parti communiste français, membre de la coalition gouvernementale de l'État colonial français, observe un silence criminel. En revanche, il manifeste son soutien indéfectible à l'empire colonial français. En effet, en juin 1947, au onzième congrès du PCF à Strasbourg, Maurice Thorez déclare : " A Madagascar, comme dans d'autres parties de l'Union française, certaines puissances étrangères ne se privent pas d'intriguer contre notre pays. " Auparavant, à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, au lendemain de l'insurrection du peuple algérien le 8 avril 1945, l'organe théorique du PCF, les " Cahiers du communisme " d'avril 1945, avait écrit : " A l'heure présente, la séparation des peuples coloniaux avec la France irait à l'encontre des intérêts de ces populations. " L'Humanité, le quotidien du Parti communiste français, dénonce le 19 mai 1945 les " chefs pseudo-nationalistes qui ont sciemment essayé de tromper les masses musulmanes, faisant ainsi le jeu des cent seigneurs dans leur tentative de rupture entre les populations algériennes et le peuple de France ". Il somme le gouvernement à faire preuve de sévérité contre les " insurgés " algériens, allant jusqu'à exiger que " des mesures soient prises contre des dirigeants de cette association pseudo-nationale, dont les membres ont participé aux tragiques incidents ". Plus tard, le journal l'Humanité insinue que les manifestants algériens seraient des sympathisants nazis : des " éléments troubles d'inspiration hitlérienne [qui] se sont livrés à Sétif à une agression armée contre la population qui fêtait " la libération de la France du joug allemand. Il est de la plus haute importance de relever que l'une des plus sanglantes interventions militaires de l'impérialisme français débute sous un gouvernement dominé par les socialistes, au sein duquel siègent également des membres du Parti communiste français (PCF). Ce dernier occupe, entre autres, le ministère de la Défense nationale, dirigé par François Billoux, et le ministère de l'Air et de l'Armement, conduit par Charles Tillon. En mai 1945, le Parti communiste ne manifeste aucune opposition à l'envoi des renforts militaires pour écraser dans le sang le soulèvement du peuple algérien pour revendiquer pacifiquement son indépendance. Décidément, en France, toutes les organisations politiques, de gauche comme de droite, se sont toujours liguées contre le peuple algérien.
Au-delà de ces deux pays colonisés, l'Algérie et Madagascar, pour la France coloniale, cette répression génocidaire perpétrée contre les "indigènes" algériens et malgaches, soulevés pour leur indépendance, constitue un clair avertissement à destination de ses autres colonies tentées par des velléités d'indépendance ou d'insurrection.
Nul doute, ces massacres contre le peuple algérien marquent le prologue des crimes contre l'humanité commis au XXe siècle par la puissance coloniale française en déclin. Il ouvre une phase d'exactions et d'exécutions de masse perpétrées par l'armée coloniale, secondée par des civils " européens ", notamment les pieds-noirs en Algérie. En effet, outre l'Algérie et Madagascar, plusieurs autres pays colonisés subissent la même politique répressive génocidaire: Haiphong (1946) : 6000 morts; répression des manifestations à Sfax en Tunisie (1947) 29 morts ; guerre d'Indochine (1946/1954) 400 000 morts ; guerre de Libération d'Algérie (1954/1962), 1,5 million de morts. Ainsi, durant vingt longues années (1945/1964), la France livre une guerre génocidaire contre plusieurs de ses colonies insurgées pour se délivrer du joug colonial français.
Sous l'Etat impérialiste de France, les entreprises génocidaires poursuivent toujours leurs activités exterminatrices, de siècle en siècle.
Note
[1] Incidemment, on découvre que les Marocains (du moins les supplétifs mobilisés en mai 1945), bien avant la guerre larvée enclenchée depuis 1975 contre l'Algérie, date de l'occupation du Sahara occidental, bien avant la guerre réelle menée contre l'Algérie en 1963, livrèrent la guerre aux Algériens en secondant les troupes coloniales lors du massacre de Sétif, Guelma et Kherrata.
DES SOLDATS AMÉRICAINS URINANT SUR DES INSURGÉS TALIBANS. CAPTURE D'ÉCRAN D'UNE VIDÉO YOUTUBE
Afghanistan : des soldats urinent sur des cadavres "talibans"
Une vidéo de soldats montrant des soldats américains urinant sur des cadavres talibans suscite l'indignation générale. Bêtise crasse ou bien volonté de démoraliser l'ennemi ? Ce ne serait pas la première fois dans l'histoire militaire.
La vidéo ne dure qu’une trentaine de secondes. Mais ces secondes suffisent à susciter le dégoût et l’indignation. On y voit en effet plusieurs soldats américains uriner sur les corps ensanglantés de plusieurs talibans insurgés, en Afghanistan.
Des pratiques totalement condamnées, évidemment, par les Conventions de Genève sur le sort des blessés et prisonniers en temps de guerre, et par le règlement de l’armée américaine.
En effet, l’article 17 de la Convention de Genève de 1949 précise: « les Parties au conflit veilleront à ce que les morts soient enterrés honorablement, si possible selon les rites de la religion à laquelle ils appartenaient, et que leurs tombes soient respectées ».
Les soldats, des tireurs d’élite du corps des Marines, voulaient-ils humilier leurs ennemis au delà de la mort ? Espéraient-ils que cette vidéo parviendraient aux talibans afin de leur montrer le sort qui les attendaient : celui de cadavres sur lesquels on urine en riant ? S’agissait-il in fine d’une entreprise de démoralisation de l’ennemi, plus ou moins consciente ?
Ce ne serait pas la première fois dans l’histoire du XXe siècle que la dépouille de l’ennemi servirait ainsi d’arme de guerre psychologique.
1. Les colliers d’oreilles pendant la guerre du Vietnam
Dans le livre Tiger force : a true story of men and war, les journalistes Michael Sallah et Mitch Weiss racontent les actes de barbarie commis par la « Tiger force », de la 101e division américaine, dans les hauts plateaux vietnamiens du Quang Ngai, en novembre 1976.
Le livre évoque notamment le cas du soldat Sam Ybarra, « cité sept fois parmi les trente allégations de crimes de guerre contre la ‘Force Tigre’, y compris le viol et le meurtre à coups de couteau d’une gamine de 13 ans et l’assassinat d’un garçon de 15. On l’a vu, encore et encore, coupant des oreilles d’ennemis et de villageois morts, et parfois les scalpant avec son couteau de chasse. Treize anciens du commando ont été frappés par une même image : Ybarra portant un collier d’oreilles humaines. » Motif invoqué : « faire peur aux Vietnamiens ».
2. Kosovo : des cadavres piégés avec des bombes
Dans plusieurs guerres, des soldats ont appris à piéger des cadavres avec des explosifs.
La ruse : au bout de quelques jours, l’odeur de décomposition du cadavre devient insupportable pour l’ennemi, qui se décide à le manipuler pour le déplacer… avant d’exploser avec lui.
Cela s’est vu, par exemple, au Kosovo. En 1999, une journaliste du quotidien La Croix raconte les difficultés que la KFOR, la force internationale de la paix pour le Kosovo, pour se débarrasser des mines et pièges disséminés par les Serbes, dans « des magnétoscopes, des téléviseurs ou des cadavres piégés ».
Une dépêche de Associated Press évoque la même technique, utilisée par des insurgés en Irak, en 2005 : les rebelles irakiens reliaient des cadavres à des mines.
3. Des cadavres gelés comme panneaux de signalisation
Dans son roman Kaputt, Curzio Malaparte, correspondant italien sur le front de l’Est, en 1941, auprès de l’armée allemande, raconte un épisode surprenant de la seconde guerre mondiale.
Il évoque des soldats allemands gelés, plantés à la façon de poteaux indicateurs par les soviétiques, leur bras raidi par le froid indiquant la route à suivre.
4. Des cadavres émasculés pendant la guerre d’Indochine et du Vietnam
Pendant la guerre d’Indochine (1946-1954) et la guerre d’Algérie (1954-1962), des soldats du Viêt Minh, l’organisation militaire du parti communiste vietnamien, et du Front de libération nationale (FLN) algérien, avaient coutume d’émasculer les cadavres de leurs ennemis. Une pratique qui sera reprise par certains éléments de l’armée française en représailles.
Les manuels d’instruction de la plupart des armées occidentales insistent aujourd’hui sur le respect de la convention de Genève. Mais au feu, cette obligation est souvent oubliée : quand on demande à des hommes d’accepter de se faire tuer, comment leur interdire de céder à la barbarie ?
On décèle la patte de l’enseignant dans cet ouvrage de l’historien. Didactique, il construit son livre à partir de 15 questions réparties dans trois grands chapitres : « l’Algérie avant 1954 », « les “ennemis complémentaires” de la guerre d’Algérie » et « 1962, et après ? ». À l’appui d’archives, de témoignages, d’une riche historiographie et de son « égo-histoire », Emmanuel Alcaraz réussit à proposer une synthèse de l’histoire de l’Algérie et de ses mémoires, depuis l’Antiquité jusqu’au soulèvement populaire de 2019, le hirak. Son propos est aussi et surtout de montrer comment la colonisation et la guerre ont marqué de leur empreinte les évolutions récentes des deux pays.
Préfacé par Guy Pervillé, l’ouvrage rappelle l’extrême violence de la conquête de l’Algérie et la brutalité d’une colonisation de peuplement spoliant les terres et privant les Algériens des vertus de la République et de toute parole politique. Pour l’auteur, la guerre d’Algérie a commencé avec les massacres du 8 mai 1945. Entretenir jusqu’au bout la fiction selon laquelle l’Algérie était un territoire français a nourri dénis, ressentiments et violences. Celles de l’OAS rendant la coexistence entre Européens et Algériens quasiment impossible. Ainsi, « la blessure narcissique de la perte de l’Algérie française » a contribué à façonner l’esprit de revanche et l’idéologie des extrêmes droites, particulièrement réactivées à l’occasion de la campagne présidentielle.
Notre Lakhdar Brahimi a déclaré, lors d’un entretien accordé au journal français Le Monde, concernant le départ américain d’Afghanistan, après vingt ans de présence – de 2001 à 2021 –, je cite ses propres termes : «Ce n’est pas une défaite militaire. C’est comme pour les Français et l’Algérie.» Alors, nous devons comprendre, d’après les sages paroles de notre grand diplomate, que pour ce qui est de l’Afghanistan, les Yankees sont partis, tout bonnement, après avoir préparé soigneusement le retour des talibans dans leur pays. Quant au départ des Français d’Algérie, en juillet 1962, après 132 années d’occupation, il n’est pas dû, également, à une défaite militaire. Et il le dit d’un ton affirmatif... En conséquence, et au vu de ce départ volontaire des Français, il n’y a pas eu de guerre, pour ce qui nous concerne, ni de souffrances, ni d’oppression, ni de barbarie et, encore moins, de cortèges de martyrs. Franchement, je reste étonné devant la déclaration du diplomate averti, aguerri qu’est Lakhdar Brahimi. D’abord, parce que ses propos sont antinomiques et diamétralement opposés aux aveux de l’Occident quant à la défaite des États-Unis en Afghanistan, après vingt ans de guerre sans merci contre les talibans. Ainsi, il faudrait être frappé de cécité pour ne pas constater que ces derniers – les talibans – ont fini par prendre les rênes du pouvoir, chez eux. Cependant, ce qui me laisse muet de stupéfaction, c’est son propos concernant l’Algérie..., un propos d’un Algérien, un politique chevronné qui a commencé sa carrière politique pendant la lutte armée, conduite par le FLN. Avait-il donc besoin de comparer notre révolution – la sienne, évidemment –, sacrée grande révolution du XXe siècle par tous les historiens de la planète, à une guerre menée par l’armée américaine en Afghanistan pour réprimer le terrorisme, en réponse aux attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ? Explorons un peu le passé, pour mieux situer notre diplomate Lakhdar Brahimi qui, me semble-t-il, a oublié qu’il se trouvait en 1955, à l’âge de 21 ans, dans la délégation du FLN, parmi les participants à la Conférence de Bandung. Il était jeune, tout comme Mohamed–Seddik Benyahia et les autres, les Hocine Aït-Ahmed, M’hamed Yazid et j’en passe. Tous ces jeunes de la JFLN d’alors faisaient leur apprentissage aux côtés de leaders du Tiers-Monde, l’Indonésien Ahmed Soukarno, l’Égyptien Gamal Abdel Nasser, Jawaharlal Nehru, qui avait succédé à Gandhi en Inde, Zhou Enlai, Premier ministre chinois, et le Yougoslave Josip Broz Tito. Je continue sur cette Conférence de Bandung pour vous donner quelques repères afin que vous deviniez pourquoi je l’aboute à la déclaration imparfaite, voire ridicule de Lakhdar Brahimi... En effet, vous devinerez facilement quand vous saurez que cette conférence – la première en son genre dans le Tiers-Monde –, qui s'est tenue en présence de 600 représentants de 29 pays, ce qui constituait pour nous «une participation internationale très importante à l'époque, a été un tournant pour notre diplomatie et, notamment, pour la cause algérienne». Elle a permis en outre, disent nos historiens, «de révéler la lutte du peuple algérien, pour son indépendance, au niveau de l'ONU». Et de poursuivre : «Ce fut une véritable épreuve pour la délégation algérienne qui a su convaincre les organisateurs d'accepter le Front de libération nationale (FLN) comme représentant de l'Algérie.» Mais qu’en était-il des résultats de Bandung ? Deux principaux résultats et pas des moindres, pour conforter notre révolution : le soutien franc et direct à l'Algérie dans sa lutte pour son indépendance et l'engagement à poser le sujet de notre noble cause lors des travaux du Sommet de l'ONU, en 1955, avec, en corolaire, la formulation d’une demande de la part de tous les participants aux autorités françaises pour prendre en considération la cause algérienne. Ainsi, dès l'automne 1955, la question algérienne a été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée générale de l'ONU, faisant suite à la demande de quinze États du groupe arabo-asiatique. N’était-ce pas une reconnaissance de facto, au cours de ces assises internationales, de la lutte d’un peuple et d’un pays – les nôtres – dont fait partie le diplomate Lakhdar Brahimi ? Et c’est là, où vous devinez pourquoi me suis-je quelque peu appesanti sur Bandung. C’était uniquement pour rafraîchir un peu la mémoire de cet ancien militant du FLN et lui rappeler le contexte d’alors, de la guerre de Libération nationale à laquelle il a amplement contribué, afin qu’il n’aille pas demain, au cours d’un autre entretien, jeter à ses lecteurs, dans la négation des valeurs de Novembre, des inepties comme la dernière de ce mois d’août dans le journal français Le Monde. Et c’est alors que pour tout ce qui précède, je dis : est-il possible qu’un Algérien ayant vécu, sur le terrain, les vicissitudes de notre glorieuse Révolution et connu les affres d’une lutte opiniâtre contre un colonisateur hystériquement furieux et son armée aux formes et aux relents de la barbarie puisse déverser, délibérément, soixante ans après, des propos insensés, désobligeants, malveillants et, on ne peut plus, venimeux à l’égard de l’Histoire, mais aussi des citoyens et des militants qui, eux, ont participé avec engagement et conviction au recouvrement de leur souveraineté nationale, depuis le «Djihad» mené par l’Émir Abdelkader jusqu’à la guerre de Libération nationale... ? Effectivement, la question doit être posée ainsi, en toute clarté, et avec franchise. Car, aujourd’hui, les jeunes qui vivent dans le désarroi, voire un certain désespoir de n’avoir pas trouvé leur équilibre au sein d’une société qui vit le marasme et l’égarement, sont également confrontés aux comportements et aux humeurs difficiles de leurs aînés qui leur font perdre la confiance d’aller vers un avenir meilleur, en leur tenant des discours dans le style insipide et écœurant, quand ce n’est pas dans le mépris, comme celui de notre grand diplomate Lakhdar Brahimi. Ainsi, l’on comprend qu’une véritable distance sépare les deux générations, franchement ! Celle où les anciens s’accrochent mordicus aux responsabilités, hélas, ceux-là qui ont vécu et qui vivent, jusqu’à l’heure, d’égocentrismes, de dissensions et d’aspirations démesurées, quand ce n’est pas de mégalomanie et d’impostures, et la nouvelle génération qui est dans un autre monde, le sien, qui n’a rien de commun avec les orientations qui sont consignées en termes de valeurs et d’objectifs dans les tablettes de Novembre. Alors, allons-nous encore éloigner davantage les jeunes qui vivent leur siècle avec d’autres préoccupations, celles de leur âge, en leur imposant notre morgue, nos ambiguïtés, nos précarités, notre nihilisme, nos amertumes et notre dédain ? Comment allons-nous les instruire, les former et les mobiliser dans une ambiance maussade, comme la nôtre, où les valeurs ancestrales se perdent dans un tourbillon de contradictions et de malaise au pluriel ? Ce n’est pas, évidemment, en les détournant de leur Histoire ou en les traitant avec désinvolture, comme c’est le cas de notre diplomate Lakhdar Brahimi qui intervient en une période difficile, pour la rendre encore plus pénible..., oui, en cette période où l’anarchie s’est imposée pour se répercuter tristement dans la vie de tous les jours. De là, comment une déclaration inopportune comme cette dernière — j’y reviens — peut-elle servir ou, à tout le moins, intéresser la jeunesse, au moment où une flopée d’accusations fusent de partout, et où des symboles de la nation, de notre mémoire, de notre Histoire se voient accusés, à tort, de fautes non commises, ou incriminés carrément de traîtrise envers leur pays ? Oui, et c’est en cette période, malheureusement, que les mœurs se sont corrompues et les langues déliées pour jeter gratuitement l’imprécation et l’opprobre sur des héros nationaux qui ont été ciblés par ces accusations. Des exemples, il y en a à profusion, comme cette grave dérive d'un procureur de la République qui qualifie Abane Ramdane de «traître» et ceux, avant lui, qui ont accusé de la même injure les Massinissa, l’Émir Abdelkader, Ben Badis, et j’en passe... Et la saga continue..., il n’y a plus de limite... On ouvre la bouche et on profère des propos malencontreux, plutôt méprisants, en les jetant en vrac, à cette population qui doit les accepter — pour peu qu’elle soit crédule — comme des versets solennels. Mais comme dit le proverbe danois : «Heureux celui qu'on accuse à faux.» C’est alors, qu’il est inutile, à partir de ce constat, d’en rajouter encore, Monsieur Lakhdar Brahimi. Il en sera inutile, effectivement, dans un climat pareil, que nous vivons présentement et qui n’est pas différent de celui d’avant, dans lequel je dénonçais déjà, dans ma contribution du 14 avril 2014, le IVe mandat de Fakhamatouhou, quelques jours seulement avant les élections... Oui, je dénonçais l’inconscience, l’abandon, l’indifférence et la désuétude chez ceux qui avaient la charge de la gestion du pays. Et j’écrivais avec conviction dans mon style : «Inutile d’aller dans le détail, parce que le bilan est lourd ; il se traduit éloquemment, à forte persuasion et certitude, à travers des mines patibulaires, s’annonçant sur des visages timorés, frustrés et pleins de manques. Notre bilan est tellement lourd qu’il nous semble que notre aéroplane ne peut le porter ni même monter si haut, puisque sa fortune est qu’il doit voler au ras des pâquerettes. Ah! quelle est vache notre inconscience. Oui, et j’ajouterai, quelle est odieuse et froide aux mains de «refoulés» qui, n’ayant pu se voir offrir des jouets pendant leur jeune âge, «sont aujourd’hui en train de jouer avec l’Algérie, son peuple et ce qu’il lui reste des principes de Novembre 54». Je m’excuse, si j’ai repris ces passages, parce que rien n’a changé depuis, hélas ! «Dar Loqmane ‘ala haliha» (la maison de Loqmane n'a pas changé d'un iota !), comme dit le proverbe arabe. Enfin, après cette nécessaire digression, et pour terminer avec toi Si Lakhdar, mon aîné de la «Medersa», ce creuset de patriotes, j’ai beaucoup abrégé ma présente contribution, parce que, te concernant, tout est clair dans ton intervention..., une intervention qui n’a pas mis trop de temps pour que s’installe en nous, et à tous les niveaux, la déception envers toi. Et sinon, comment penses-tu être considéré chez les Algériens quand tu leur lances brutalement, dans le media Le Monde : «Il y a eu un départ volontaire des Français» ! En d’autres termes, un départ volontaire et sans remords de ces indus occupants, après avoir vécu en villégiature pendant 132 années et, un beau matin de juillet 1962, ils ont pris la décision de rentrer chez eux. Ils ont fait leurs valises, pris des souvenirs, sans oublier la main de Fatma, comme talisman bien sûr, et nous ont dit : au revoir ! Ainsi, nos hôtes ont passé un bon séjour en terre algérienne car ils étaient bien installés... Quant à nous, pourquoi nous lamenter, pourquoi mentir, et faire du tapage autour d’une guerre qui n’a pas eu lieu, en racontant à tue-tête les enfumades imaginaires, les massacres commandités et dirigés par les Saint-Arnaud, Cavaignac, Pélissier, Bugeaud et consorts, les victimes innocentes du 8 Mai 1945, et ainsi de suite ?... En effet, il n’y a pas eu de guerre, pour ce qui nous concerne, et par ailleurs pas de sacrifices de notre part. Quant à ta célèbre mission de Bandung, et à d’autres que tu as accomplies, en tant qu’envoyé du FLN, cela était pour toi de beaux voyages d’agrément où tu as parfait et consolidé tes connaissances en Histoire universelle... Là, je me rappelle nos professeurs de la «Medersa» qui nous expliquaient le comportement de gens pénétrés de défaitisme, plutôt de négation, par cette simple petite phrase : «Wa ka ennaka ya Aba Zayd, ma ghazit, wala nghazit ! (Et comme si ô Abou Zayd, tu n’as jamais lutté, et tu n’as jamais été agressé...). En conclusion, Si Lakhdar, je souhaiterais que tu sois conscient de ce grave dérapage qui — à Dieu ne plaise — est loin d’être associé à une quelconque détresse psychique ou, carrément, à une altération des fonctions mentales... ! Dans l’affirmative, et j’en serai heureux, il n’y a pas d’autre choix que de t’amender de cette maladresse auprès de la jeunesse, particulièrement, et de la manière dont tu excelles, depuis des lustres, au sein de notre diplomatie qui était fort performante dans le passé. Dans le cas contraire, je dois te dire ce qu’un habitant bien de chez nous – il aime s’appeler ainsi – m’a prié de te transmettre, au nom des jeunes, ce petit message qui sort de leurs entrailles : «S’il ne sait s’amender, les jeunes, eux, sauront l’apprécier à sa juste non-valeur et... à son ineptie historique.»
En 1830, Charles X décidait de prendre Alger aux Turcs. Les débuts de cette conquête marqueront à jamais l’imaginaire collectif algérien. Retour sur l’histoire méconnue de la colonisation du plus grand pays d’Afrique.
Pendant cent trente-deux ans, l’Algérie a fait partie de l’empire colonial français. Or l’histoire de cette période, restée taboue, a été occultée par les livres et films portant sur la seule guerre d’indépendance. « L’Obs » revient sur les enjeux de cette Algérie française avec l’historien Benjamin Stora, spécialiste du Maghreb contemporain et président du Musée de l’Histoire de l’Immigration, qui a écrit, coécrit et dirigé une cinquantaine d’ouvrages, dont « la Guerre d’Algérie vue par les Algériens ».
Pourquoi ce silence sur l’Algérie coloniale, sur ce long siècle d’occupation française ?
L’Algérie française est longtemps restée taboue. Le silence sur la guerre a été levé, tardivement, il y a une quinzaine d’années. Mais c’est comme si la production sur le conflit, devenue abondante, avait fait écran, comme si elle nous avait empêchés d’aller plus en amont, comme si l’histoire de l’Algérie française se limitait à celle de la guerre. Or on ne comprend rien à ce conflit de huit années si on ne se penche pas sur le XIXe siècle. On ne peut pas raconter l’histoire par la fin. L’insurrection de la « Toussaint rouge » de novembre 1954 n’a pas éclaté mystérieusement après des décennies de convivialité, comme veulent le croire une partie des pieds-noirs et certains politiques français.
Vous avez constaté une production littéraire et artistique plus faible sur cette période ?
Il n’y a pas grand-chose. Regardez le cinéma, sans doute la principale représentation de l’imaginaire. Depuis l’indépendance, il y a eu au moins une soixantaine de films sur la guerre. « Avoir 20 ans dans les Aurès », « Elise ou la vraie vie »… Mais les longs-métrages sur la colonisation sont nettement moins nombreux. L’émir Abd el-Kader, l’un des principaux résistants au XIXe siècle, n’a jamais été montré, le maréchal Thomas Bugeaud, l’homme de la conquête, n’existe pas. Combien de films sur cette période ? « Fort Saganne », « les Chevaux du soleil »… Guère plus. Même chose pour la littérature. Alexis Jenni, Laurent Mauvignier, Erik Orsenna, Jérôme Ferrari, tous ont écrit sur la guerre. Alors que les récits sur la période d’avant sont rarissimes.
Le siège de Constantine en 1836 par les troupes du général Clauzel (gravure de 1875). (PHOTO12/AFP)
La conquête a été longue et difficile, dites-vous…
Elle a été terrifiante, meurtrière. Démarrée avec la prise de la régence d’Alger en juillet 1830, elle a duré jusqu’en 1871, avec la répression de la révolte des Mokrani, en Grande Kabylie, et même jusqu’en 1902, dans ses frontières, avec la création des Territoires du Sud. Plus d’un demi-siècle, trois générations. Il faut lire l’ouvrage de François Maspero, « l’Honneur de Saint-Arnaud » (Plon, 1993), la biographie de cet officier qui écrivait des lettres hallucinantes à sa fiancée. « J’ai mal au bras tellement j’ai tué de gens » ; « Je suis entré dans une rue, j’avais du sang jusqu’à la ceinture. » La conquête détruit l’image d’une installation acceptée, d’une cohabitation « pacifique ». C’est aussi pour cela qu’elle est tue. Les historiens considèrent qu’entre les combats, les famines et les épidémies, plusieurs centaines de milliers d’Algérienssont morts. La population musulmane, estimée à 2,3 millions en 1856, est tombée à 2,1 millions en 1872. Les refus, les dissidences ont existé dès le début. On ne mesure pas en France combien les figures de la résistance, l’émir Abd el-Kader ou les frères Mokrani, font partie du panthéon national algérien. Le souvenir de la conquête s’est transmis de génération en génération. Il ne s’est jamais effacé.
Plus de 100 000 soldats envoyés, des millions de francs engagés. Pourquoi la conquête de l’Algérie est-elle un tel enjeu au XIXe siècle ?
Il s’agit de faire échec aux Britanniques en Méditerranée, mais aussi d’étendre l’Empire vers le sud et les Amériques. L’Algérie est un territoire gigantesque, le plus grand d’Afrique en superficie, un lieu « idéal » d’expériences, de développement économique. Des fouriéristes, des saint-simoniens, pétris d’utopie socialiste, vont y créer des communautés. Et puis c’est l’Orient près de chez soi, à moins d’une journée de bateau. Les peintres traversent la Méditerranée : Eugène Fromentin, Eugène Delacroix, Gustave Guillaumet, qui peint la misère à Constantine, Horace Vernet, dont une toile décrit la prise de la smala d’Abd el-Kader. Il y a aussi les écrivains, Théophile Gauthier, Gustave Flaubert, Guy de Maupassant… L’exotisme oriental fascine.
En quoi le colonialisme participe-t-il à la grandeur de la France ?
La pensée procoloniale fabrique le nationalisme français. Qu’est-ce que la France ? C’est aussi, surtout, son empire colonial. Si on critique le colonialisme, on critique le nationalisme. Il s’exprime dès le début avec la constitution de l’Armée d’Afrique en souvenir de l’héritage napoléonien. Beaucoup de généraux de la conquête ont fait les guerres de Napoléon, notamment celle d’Espagne, en 1806, et pour certains d’entre eux, comme Bugeaud, ils vont même s’inspirer de la Révolution française et des colonnes infernales de la guerre de Vendée en 1793… L’empire napoléonien perdure d’une certaine façon. Napoléon III, en 1860, essaiera, en vain, de modifier cette situation en proposant un « royaume arabe » associant les élites musulmanes. Il y aura aussi, plus tard, l’idéal républicain, l’idéal des Lumières. Il s’agira d’installer des écoles, de civiliser, de faire une autre France.
Une école de broderie à Alger, au début du XXe siècle. (ROGER VIOLLET)
Comment cette « autre France » s’est-elle construite ?
Question de proximité et de timing historique. Les autres pays du Maghreb, le Maroc et la Tunisie, seront des protectorats de l’Empire. Le maréchal Hubert Lyautey, premier résident général du protectorat marocain en 1912, conservera la monarchie chérifienne et associera les élites locales. Mais, en Algérie, c’est l’armée qui a pris le pouvoir entre 1830 et 1870. La colonisation n’a pas été pensée, organisée, elle s’est faite dans l’improvisation, en fonction des redditions des « tribus arabes », avec des militaires divisés, certains prônant l’occupation totale, d’autres, partielle. Sous la IIe République, en 1848, Alger, Oran et Constantine deviennent des départements français. Aucune autre colonie de l’Empire n’est ainsi organisée. Avec la IIIe République, le système administratif se renforce. Les villes du littoral ont leur mairie, leur église, leur kiosque à musique, leurs allées de platanes. Les immeubles haussmanniens poussent à Alger. Les chefs d’Etat à partir de Napoléon III vont en visite en Algérie, comme on se rend dans ses provinces. « L’Algérie, c’est la France et la France ne reconnaîtra pas chez elle d’autre autorité que la sienne », dira François Mitterrand, ministre de l’Intérieur, en novembre 1954. Ce qui a été fait en Algérie, et ne se fera jamais plus dans l’Empire, c’est cette volonté folle de vouloir annexer un territoire comme un prolongement naturel de la métropole.
Une fête foraine à Alger, en 1931. Trois enfants algériens observent une fillette francaise sur un manège. (DELIUS/LEEMAGE)
Une fête foraine à Alger, en 1931. Trois enfants algériens observent une fillette francaise sur un manège. (DELIUS/LEEMAGE)
L’Algérie a été aussi la seule colonie de « peuplement » avec la Nouvelle-Calédonie. A l’indépendance, on comptait près de 1 million de pieds-noirs pour 9 millions d’Algériens. Pourquoi a-t-on favorisé l’exil de Français vers l’autre rive ?
Le « peuple » des pieds-noirs est en fait très disparate. Au début de la conquête, il y a les soldats-laboureurs, à qui l’armée confie des terres expropriées. Puis arrivent les exilés politiques (les républicains après le coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte en 1851, les communards en 1870, les Alsaciens et les Lorrains après l’annexion de 1871), mais aussi les immigrés pauvres dont l’installation est favorisée : les ouvriers français qui cherchent du travail, les viticulteurs ruinés par l’épidémie de phylloxera, des Italiens, des Maltais, des Espagnols, énormément d’étrangers, tous naturalisés par un décret de 1889. Sans oublier les juifs, qui étaient là avant la conquête, et deviendront français avec le décret Crémieux de 1870. En 1881, on comptait ainsi 181 000 étrangers, 35 000 juifs et 195 000 « Français de France », un peu moins de la moitié.
Un couple de juifs de Constantine en 1856. (PVDE/RUE DES ARCHIVES)
Pour vous, l’Algérie française est dès le départ un leurre…
On a essayé de recréer la France,mais cela a fonctionné de manière chaotique.Le pays est trop vaste pour être quadrillé de façon homogène. Surtout, les musulmans ne sont pas associés au pouvoir administratif. Ils devront attendre 1944 et 1958 pour obtenir davantage de droits, notamment celui de voter. Le « code de l’indigénat » perdure jusqu’en 1944. Les Algériens, eux-mêmes, continuent de refuser la présence française bien après la « pacification ». Pratiquement jusqu’en 1914-18, peu de familles envoient leurs enfants à l’école, par crainte de perdre la tradition, la langue, la religion. Les « indigènes » du village de Margueritte expropriés de leurs terres se révoltent en 1901, les notables de Tlemcen s’exilent en 1911 pour échapper à la conscription, les Aurès refusent également d’être enrôlés en 1916. Maurice Viollette, nommé gouverneur de l’Algérie en 1925, est l’un des premiers à mesurer les conséquences de cette non-assimilation. Il publie « L’Algérie vivra-t-elle ? » en 1931. Ministre du Front populaire, il essaie de donner davantage de droits à l’élite musulmane en 1936. Mais le projet Blum-Viollette n’est même pas débattu à l’Assemblée nationale.
En 1930, la France célèbre le centenaire de la colonisation avec des fêtes grandioses. Pourquoi tant de faste ?
C’est l’apogée. On a le sentiment que l’Algérie est dans l’Empire pour l’éternité. On met en scène le nationalisme français. Les anticolonialistes, parmi lesquels les surréalistes et les communistes, sont une minorité. Il y a bien eu le fameux texte de Tocqueville en 1847 : « Nous avons dépassé en barbarie les barbares que nous venions civiliser. » Mais il s’agit en fait de corriger les méfaits du colonialisme, pas d’y mettre fin. Seule unepetite fraction de la gauche est indépendantiste : la gauche radicale-socialiste, les anarcho-syndicalistes, les trotskistes… Les fêtes du centenaire durent plus de six mois et sont suivies par l’Exposition coloniale de 1931, dont le pavillon algérien est le plus important. Mais derrière le décor, l’agitation politique en Algérie gronde. L’Etoile nord-africaine, le premier mouvement indépendantiste, naît en 1926.
Que veulent les premiers nationalistes ?
Au début, c’est « l’Egalité », le titre du journal de Ferhat Abbas, l’un des trois pères du nationalisme algérien avec Messali Hadj et Abdelhamid Ben Badis. L’égalité politique, le droit de vote, l’assimilation, mais pas l’indépendance. L’élite est d’abord assimilationniste et veut jouer dans les interstices de la société coloniale, comme en témoigne la trajectoire emblématique de Ferhat Abbas, qui était pour l’égalité et l’autonomie avec le maintien dans l’Empire français dans l’entre-deux-guerres, puis est devenu président du Gouvernement provisoire de la République algérienne en 1958. Il y a eu trop de malentendus, de répressions, de non-reconnaissance des musulmans. Les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, le 8 mai 1945, vont servir de détonateur au mouvement indépendantiste.
La période de la conquête et de l’occupation n’est pas non plus enseignée à l’école ?
On a commencé à enseigner la guerre. Mais ce qui s’est passé avant… Cela reste un point sombre de l’histoire. En revanche, chez les Algériens, la transmission mémorielle de cent trente-deux ans de présence étrangère, de relégation à une sous-citoyenneté, à une sous-humanité est très forte. Ils se sont répété de génération en génération : « Pourquoi cette absence de considération des Français, pour nous, Algériens, pendant près d’un siècle et demi de colonisation ? »
ravure représentant le colonel Schauenburg du 1er régiment de Chasseurs d’Afrique qui participa au massacre de la tribu des El Ouffia en avril 1832. (WIKIMEDIA COMMONS)
En 1832, deux ans après le débarquement des troupes françaises, une tribu d’El Arrach, près d’Alger, surprise dans son sommeil, est décimée par l’armée. Récit en partenariat avec RetroNews, le site de presse la BNF.
Il a suffi d’un simple soupçon pour que le général Savary ordonne le massacre de la tribu des El Ouffia. Nous sommes en avril 1832, à El Harrach (Maison-Carrée, à l’époque coloniale), dans les faubourgs d’Alger. Les fantassins et les marins du roi Charles X ont débarqué à Sidi-Ferruch, sur la côte algérienne, deux ans auparavant, le 14 juin 1830. Les officiers ont quasiment droit de vie et de mort sur chaque bout de territoire qu’ils arrivent à conquérir. La résistance des Algériens, qui s’organise quelques jours seulement après le débarquement, est à chaque fois sauvagement réprimée. Le massacre de la tribu des El Ouffia, premier carnage d’une conquête qui sera longue et sanglante, s’inscrit dans ce contexte.
Le point de départ est un larcin. Des El Ouffia sont soupçonnés d’avoir dépouillé quelques hommes d’un cheikh qui a fait sédition et qui est désormais allié à l’armée française, un certain Ferhat ben Said. La délégation venait de rencontrer le général Savary et repartait les bras chargés de présents quand elle s’est faite agresser. La tribu des El Ouffia est déjà dans le collimateur de l’armée coloniale qui la soupçonne d’enrôler des légionnaires. On décide en quelques heures de la punition : une expédition sera menée par le 1er régiment de Chasseurs d’Afrique et le 3e bataillon de la Légion étrangère dans la nuit du 6 au 7 avril. La tribu est surprise à la pointe du jour, encore ensommeillée, sous les tentes. L’opération commando fait une centaine de victimes, toutes passées au sabre ou tuées par balles.
La presse en Algérie est alors réduite à sa portion congrue. Un premier journal, « l’Estafette d’Alger », éditée par l’armée, a vu le jour au moment du débarquement mais n’a jamais dépassé le second numéro. Un deuxième périodique est lancé, « le Moniteur algérien », en janvier 1832. C’est le journal officiel de la colonie et le seul alors autorisé, il est écrit en français et en arabe. Pour relater les événements, il va se contenter, le 10 avril, de publier le communiqué du général Savary, duc de Rovigo :
«La tribu arabe nommée El Ouffia, campée à une lieue et demie à l’est de la Maison-Carrée, s’appliquait depuis longtemps à l’embauchage des troupes qui occupent ces postes. Une dizaine de malheureux soldats étrangers, séduits par des promesses d’argent et de bien-être, ont été emmenés dans les montagnes voisines de cette tribu, où ils ont trouvé, au lieu des propriétés et des femmes qu’on leur avait promises, que des maîtres qui les gardent avec soin, et les emploient sous le bâton aux plus rudes travaux, jusqu’à ce qu’ils aient trouvé l’occasion de les vendre pour l’intérieur de l’Afrique. Cette même tribu a dépouillé avant-hier les chefs arabes qui revenaient d’Alger. Le général en chef ne pouvait tolérer ces brigandages de la part de gens qui jouissaient de la protection de la France, et dont les cheikhs avaient juré à l’Aga des Arabes de vivre soumis et paisibles. »
« Aujourd’hui, poursuit le communiqué, un corps de troupes du 1er régiment des Chasseurs d’Afrique et du 3e bataillon de la Légion étrangère, commandé par le général Faudoas, ayant sous ses ordres le colonel Schauenburg, les chefs d’escadron Marey et Gadrat, et le chef d’escadron Salomon de Musis, a été envoyé pour punir cette tribu coupable. Elle a été détruite ; les femmes, les enfants et ceux qui se sont rendus sur-le-champ à nos troupes ont seuls été épargnés. Les deux chefs faits prisonniers seront traduits au conseil de guerre. Un sergent-major de la Légion étrangère a reconnu parmi les morts un de ses camarades de la compagnie, qui était froid, et avait encore son pantalon garance, ce qui prouve qu’il avait été tué la veille ; un autre, habillé en bédouin, a été tué dans l’action et reconnu également. Le même châtiment est réservé à toutes les tribus de la régence d’Alger qui oseraient imiter celle d’El Ouffia. »
« Le général en chef témoigne aux troupes qui ont pris part à cette expédition sa satisfaction pour l’ardeur et l’intelligence qu’elles ont montrées, conclut le texte. Il compte sur elles au jour où de plus rudes combats deviendraient nécessaires pour les intérêts ou l’honneur de la France. Le butin pris sur la tribu sera vendu, et le prix en sera partagé entre les troupes qui ont fait celte expédition. »
« Ce sévère exemple a produit son effet »
Le général Anne Jean Marie René Savary, 58 ans, n’est pas un tendre. Fidèle d’entre les fidèles de feu Napoléon, marié à une parente de Joséphine de Beauharnais, il a participé, sous l’Empire, à la campagne de Prusse. En remerciements, il a reçu le titre de duc de Rovigo et a été nommé ministre de la Police en remplacement de Joseph Fouché. Il s’est montré à ce poste particulièrement dévoué. On lui doit notamment la mise en place de la politique de fichage et de censure.
Revenu en grâce sous la Monarchie de Juillet, après avoir connu l’exil, il est nommé en décembre 1831 commandant en chef des troupes françaises en Algérie. Il s’appuie sur des tribus locales pour conquérir le littoral et l’intérieur des terres, baptise un village de la Mitidja de son titre de noblesse, Rovigo, transforme la mosquée Ketchaoua, dans la casbah d’Alger, en église catholique, réquisitionne les habitations des Algériens… Très vite, la population locale le prend en horreur.
Dans le rapport qu’il rédige pour le ministère de la Guerre, et qui est publié le 30 avril par « le Moniteur universel » à Paris, le général Savary assume sa décision, se dit prêt à recommencer et minimise le nombre de victimes et les exactions de l’armée :
« La députation du cheikh Farbat, du Grand-Désert, était partie d’Alger, le 6, pour s’en retourner chez elle, et avait pris sa route par la Maison-Carrée. A deux lieues de là, environ, arrivée sur le territoire de la tribu El Ouffia, elle fut attaquée et totalement dépouillée. On ne lui laissa que la vie, et après beaucoup de prières. Elle put revenir à la Maison-Carrée, où elle était encore lorsque je fus averti de cet évènement. La veille, j’avais reçu du commandant Salomon, de la Légion étrangère, qui occupe la Maison-Carrée, un rapport sur les tentatives d’embauchage de cette tribu envers les soldats de sa légion. La chose avait été au point que les soldats auxquels on proposait de déserter, en leur offrant jusqu’à deux ou trois cents francs, étaient venus en rendre compte à leur commandant. Celui-ci organisa un piège, autorisa les soldats à répondre aux avances des Arabes, et à leur donner un rendez-vous. Les Arabes vinrent avec des chevaux pour emmener leurs nouveaux prosélytes, lorsque l’embuscade s’empara de l’un des embaucheurs. Nous apprîmes par-là qu’il y avait dans le voisinage un cheikh de tribu, allemand de nation, qu’un naufrage jeta sur cette côte il y a environ vingt ans, et qui cherche à attirer à lui des hommes de sa nation, pour augmenter son parti. Nous apprîmes de même qu’il y avait dans cette même tribu deux soldats de la Légion étrangère qui manquaient depuis quelques jours. C’est encore sur le territoire de cette tribu qu’a été assassiné le jeune pharmacien de l’armée qui avait l’imprudence de fréquenter les Arabes […]. »
« J’ai jugé que j’avais usé d’assez de longanimité, reprend le général Savary dans son rapport. En conséquence, j’ai pris des mesures pour que l’aventure des députés de Farhat ne fut point connue à Alger et, dès le jour même, j’ai pris mon parti sans rien communiquer à personne d’autre qu’à mon chef d’état-major. A 9 heures du soir, j’ai fait monter à cheval tout ce que j’ai pu réunir de ma cavalerie, au nombre de 285 chevaux […]. En arrivant à la Maison-Carrée, ils ont pris deux compagnies d’infanterie du bataillon qui s’y trouve et se sont dirigés sur la tribu El Ouffia, qu’ils ont eu le bonheur d’entourer complètement. Les chasseurs algériens, montés à leurs frais, ont commencé l’attaque, soutenus par les deux compagnies d’infanterie ; tout ce qui a résisté a été passé au fil de l’épée ; on n’a épargné que ceux qui se sont rendus, et, en une heure, tout a été fini. Il y a eu à peu près 60 Arabes tués ; 6 à 7, à cheval, se sont échappés. A 9 heures du matin, le général Faudoas était rentré à la Maison-Carrée, emmenant avec lui les deux cheikhs prisonniers, 17 hommes, 24 femmes et des enfants ainsi que les troupeaux de la tribu […]. »
« Ce sévère exemple a produit son effet : voilà déjà trois tribus que m’envoient des messagers pour me demander grâce, conclut le général Savary. Encore deux ou trois exemples semblables, et j’espère, Monsieur le maréchal, que j’aurai raison du projet de rassemblement de l’Est. »
« Impitoyablement massacrée »
Il faudra attendre encore un an pour que la presse commence à s’indigner. De l’autre côté de la Méditerranée, à Marseille, le port d’où partent tous les navires militaires pour l’Algérie, « le Revenant », une revue littéraire, est le premier journal à condamner la violence du massacre. Le récit qu’il en fait le 30 mars 1833 est nettement moins édulcoré que celui du général Savary. Le périodique met le doigt sur les fautes et les mensonges de l’armée.
« Comment la presse a-t-elle gardé le silence sur l’exécution militaire commise dans la nuit du 6 au 7 avril sur la petite tribu des El Ouffia ? Une tribu amie, qui était venue se placer depuis notre arrivée à Alger, sous la protection de la Maison-Carrée, qui alimentait ce poste de menues denrées, qui en recevait journellement les officiers et les soldats, a été surprise, encore endormie sous ses tentes, et fusillée ou sabrée au point du jour du 7 avril, sans réquisition ni sommation préalable, et pour quelle cause ? Pour un vol commis sur son territoire, la veille, par des vagabonds étrangers, sur cinq ou six aventuriers également étrangers […]. Tout le bétail épars sur le territoire qu’elle occupait et qui était en partie la propriété des tiers habitant la montagne ou la ville d’Alger a été ramassé, amené au poste et vendu à l’amiable au consul du Danemark, bien qu’on eût annoncé par un ordre du jour du 8 avril qu’il serait vendu à l’enchère […]. »
« De nombreuses femmes amenées à la Maison-Carrée ont été renvoyées le second ou troisième jour pour donner une sépulture à leurs maris ou à leurs parents, et le sein à leurs enfants. Le nombre des morts a été estimé de 80 à 100, peut-on lire plus loin dans l’article. Après cette exorbitante satisfaction exigée collectivement de la tribu, parmi les 17 ou 18 prisonniers amenés à Alger, un marabout en même temps cheikh de cette tribu et un autre notable ont été décapités le 17 avril, en vertu d’un jugement d’un conseil de guerre qui, dans la matière était incompétent et dont il a été impossible aux prévenus de décliner la compétence. »
En ce mois de mars 1833, le général Savary, atteint d’un cancer, est rapatrié en métropole. Il va mourir dans trois mois. Son action est timidement critiquée. Mais la colonisation de l’Algérie doit continuer à marche forcée. La métropole envoie un nouveau général pour lui succéder. Pas question de perdre sa suprématie par rapport à ses voisins européens. L’Angleterre a mis la main sur Malte et Corfou, deux îles méditerranéennes ; l’Autriche s’est emparée de Venise et d’une partie du littoral de l’Adriatique ; la Russie, de la Valachie et de la Moldavie. L’Algérie doit tomber dans l’escarcelle française. Seuls de très rares anticolonialistes estiment que la conquête va être excessivement coûteuse en hommes et en argent, sans être réellement bénéfique à l’économie française.
Le 29 avril 1834, « le Temps » publie l’intégralité des débats à la Chambre des Députés qui doit voter une nouvelle dépense de 400 000 francs, alors que 30 millions de francs et 30 000 hommes ont déjà été engagés. Le député Xavier de Sade, un membre de la famille du célèbre marquis, élu de l’Aisne depuis 1827 et qui siégera jusqu’à sa mort en 1846, est un opposant farouche à la conquête menée sur l’autre rive de la Méditerranée. Il prend la parole et s’appuie sur le massacre de la tribu des El Ouffia pour justifier son vote négatif à la nouvelle enveloppe financière coloniale :
« De grâce, que l’on veuille bien m’apprendre […] quelles ressources nous en tirerions dans quelque lutte européenne ? En vérité, messieurs, on raisonne toujours comme si un accroissement quelconque de territoire était nécessairement un accroissement de force. Il n’y a pas cependant d’hypothèse plus fausse et plus contredite par l’histoire. […] Une nation ne doit pas avoir les yeux seulement fixés sur son doit et sur son avoir. J’ai déjà parlé de l’espèce de guerre que vous serez condamnés à faire pour expulser les naturels, et du caractère sauvage que nécessairement elle prendra. Malheureusement, nous n’en sommes pas à conjecturer l’avenir ; nous devons regretter le passé. Nous avons dû faire porter et nous avons fait porter nos investigations sur des faits que, bien que ce soit une tâche très pénible, je dois porter à votre connaissance, parce qu’ils n’ont encore reçu presque aucune publicité. (Mouvement d’attention).
La petite tribu des Ouffias s’était rangée la première sous notre protection, et vivait en sécurité dans le voisinage d’Alger. Quelques envoyés qui étaient venus de l’intérieur furent dévalisés sur son territoire, à leur retour. On soupçonna que ce délit avait été commis par quelques-uns de ses membres. Le soupçon ne se vérifia pas : c’étaient principalement des étrangers qui en étaient les auteurs. Sans prendre d’informations, on résolut d’en tirer une vengeance éclatante. Le lendemain même, au point du jour, la tribu fut entourée, assaillie et impitoyablement massacrée. Le butin fut recueilli, vendu, et le produit partagé entre les exécuteurs de cette sanglante tragédie. Le soir même on donna ordre à tous les habitants d’Alger d’illuminer leurs maisons, et de se réjouir ; car, disait le gouverneur, dans une pièce dont je vais citer textuellement les étranges expressions : “Les Arabes, qui avaient assisté à ce jugement, se sont tous écriés que c’était une belle chose que la justice française !” (Sensation.) […]. Ainsi donc, au lieu de porter à ce peuple des leçons de civilisation, craignez d’y aller chercher des leçons de barbarie. »
Xavier de Sade ne réussira pas à convaincre grand monde dans l’hémicycle. Et les nouveaux crédits de l’expédition algérienne seront votés à l’écrasante majorité. Fils d’un savant numismate qui avait été député aux états généraux de 1789, cofondateur de la Société française pour l’Abolition de l’Esclavage aux côtés du poète Alphonse de Lamartine en 1834, il a été l’un des précurseurs du combat anticolonialiste en France.
Héros national pour les Algériens, l’émir Abd el-Kader a longtemps incarné en France le combattant vaincu de l’empire colonial. Le prêtre Christian Delorme, un des initiateurs de la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, est à l’origine de l’exposition au Mucem de Marseille consacrée à ce penseur musulman humaniste.
Portrait de l’émir Abd-El-Kader, Damas, 1852. (- / AFP)
Depuis son compagnonnage avec le pasteur Jean Costil en 1983, lors de la marche pour l’égalité et contre le racisme, le père Christian Delorme n’a rien perdu de ses engagements en faveur du dialogue interreligieux et de la défense des droits des étrangers. Celui qui fût surnommé dans les années 1980 le « curé des Minguettes » (ce qu’il n’a jamais été : sa paroisse jouxtait seulement cette cité de Vénissieux), aujourd’hui prêtre du diocèse de Lyon, s’est improvisé conseiller scientifique de la nouvelle exposition du Mucem, à Marseille, (« Abd el-Kader », du 6 avril au 22 août 2022) consacrée à l’émir Abd el-Kader (1808-1883), père du nationalisme algérien et symbole de la résistance à l’armée coloniale française.
Avec son ami Ahmed Bouyerdene, historien, spécialiste de la vie d’Abd el-Kader, ils ont apporté leurs expertises, parfois leurs collections de documents anciens et leur exaltation pour cet homme de la « médiation » dont sont retracées les mille et une vies, de sa résistance aux Français à son exil à Damas où il a protégé plusieurs milliers de chrétiens menacés par de violentes émeutes, en passant par sa captivité dans le château d’Amboise. Parce que cette figure a été « un combattant de la justice » qui n’a jamais renoncé à « la réconciliation », elle peut représenter un « phare » pour notre société estime l’homme d’Eglise de 72 ans.
Le personnage, mort il y a plus d’un siècle, habite déjà le père Delorme depuis de longues années, quand il soumet l’idée d’une exposition au directeur du Mucem, Jean-François Chougnet, au cours d’une rencontre à Amboise en 2019. Il avait 20 ans lorsqu’il a croisé pour la première fois le visage de son héros, qu’il compare volontiers à Giuseppe Garibaldi ou Simon Bolivar. A cette époque, il lit les brochures et journaux que l’on se passe entre gens impliqués dans le monde de l’immigration algérienne, comme la revue de l’Amical des Algériens d’Europe, issue de la liquidation de la Fédération de France du FLN, créée en 1962, et proche du mouvement ouvrier français. Dans leurs pages, « l’émir » y est régulièrement évoqué et glorifié.
C’est le temps où le prêtre côtoie aussi Bachir Boumaza, un des ministres d’Ahmed Ben Bella, premier président de la République algérienne (1963-1965), et qui racontera, dans « la Gangrène » (Les Editions de minuit, 1959) les tortures à l’électricité et à l’eau subies en 1958, en plein Paris, dans les locaux du ministère de l’Intérieur. Mais aussi l’écrivain philosophe Lanza del Vasto, proche de Gandhi, et le pasteur Jean Lasserre, tous deux apôtres de l’action non-violente.
« Trésor mémoriel »
S’il n’avait qu’une petite dizaine d’années pendant la guerre d’Algérie, Christian reste marqué par ses retombées à Lyon, où il habitait, à la lisière du quartier qu’on appelait « maghrébin ». Il se souvient du racisme, des manifestations, des arrestations et des meurtres. Il apprendra que l’émir Abd el-Kader est passé dans sa ville en 1852 après sa libération du château d’Amboise, avant d’embarquer depuis Marseille pour la Turquie. Un séjour de trente-six heures dont il tirera un livre : « L’Emir Abd el-Kader à Lyon » (Mémoire active, 2008). « Abd el-Kader était très populaire en France. Il était le grand adversaire de la conquête mais reconnu aussi comme un esprit chevaleresque, un homme qui avait respecté les prisonniers de guerre français », explique Christian Delorme. En 2007, au moment de la célébration du deuxième centenaire de la naissance de l’émir, il se met en tête de réunir, avec ses modestes moyens, tout ce qu’il peut trouver sur son histoire auprès des bouquinistes, des marchands de documents et d’objets anciens. Il s’inscrit sur des sites d’enchères en ligne.
« Mon but était de rassembler un trésor mémoriel auprès duquel pourraient venir se ressourcer tous ceux qui ont un lien fort avec l’Algérie. Abd el-Kader est celui qui a connu l’horreur de la conquête mais qui ne renonce pas à l’avenir et à la fraternité car il a une dimension spirituelle. »
Sa collection s’agrandit : une vingtaine de photographies uniques de l’émir, des tirages en formats cartes de visite pour la plupart, quelques lettres dont l’une écrite à Winston Churchill alors consul anglais à Damas, deux armes d’apparats offertes en gage de paix à des officiers français, deux esquisses du peintre du XIXe siècle Jean-Baptiste-Ange Tissier (représentant deux compagnons de captivité à Amboise) qui ont servi au tableau conservé au château de Versailles montrant l’annonce de la libération d’Abd el-Kader par Napoléon III, des dizaines de journaux d’époque, des centaines de gravures, des ouvrages… Avec Michel Brochier, ami et mécène des Beaux-Arts de Lyon, il fait le tour des musées, à Versailles, au Louvre, au château d’Amboise pour trouver un lieu pouvant accueillir son butin de guerre.
Source d’inspiration pour Rimbaud
C’est finalement au Mucem que l’on peut retrouver une partie de cette collection personnelle venue s’ajouter à quelque 250 œuvres et documents issus de collections publiques et privées des deux côtés de la Méditerranée, parfois jamais exposés. Alors que l’on commémore cette année le 60e anniversaire des accords d’Evian, signés le 18 mars 1962 et qui ouvrent la voie à l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet suivant, l’exposition dresse le portrait d’un homme idolâtré en Algérie mais largement méconnu en France, malgré la grande renommée dont il a joui pendant la colonisation et juste après la guerre d’indépendance.
On peut notamment voir le « Traité de Tafna » signé en 1837 par le général Bugeaud, commandant des troupes françaises, et Abd el-Kader. Le texte accordait à l’émir le gouvernement d’une grande partie de l’Algérie où pendant deux ans il a fondé les prémices d’un Etat avec une monnaie, une armée régulière et une administration. Egalement présentée, sa déclaration solennelle du 30 octobre 1852 à Louis Napoléon Bonaparte par laquelle, en échange de sa libération après ses cinq ans de captivité à Amboise, il s’engageait à ne plus exercer de pouvoir politique ou militaire et à ne pas retourner en Algérie.
De nombreux portraits en noir et blanc sont exposés. On a aimé le photographier, il a aimé être photographié et en a joué, comme sur le premier cliché dû au photographe Gustave le Gray à Amboise en 1851. « C’est un des personnages du XIXe siècle qui a été le plus représenté », explique Florence Hudowicz, commissaire de l’exposition – avec Camille Faucourt –, et qui a piloté entre 2010 et 2014 à Montpellier le projet avorté d’un musée d’histoire de France et d’Algérie, en passe d’être ressuscité. « On trouve aussi de très nombreux écrits. Il a inspiré les poètes Victor Hugo et Arthur Rimbaud, dont le père a combattu en Algérie, et qui comparera Abd el-Kader dans un poème en latin écrit à 14 ans en 1869, qui lui fît gagner son premier prix de poésie, au nouveau “Jugurtha”[légendaire roi berbère qui défia l’autorité et l’oppression de la puissance romaine, NDLR]. Cela montre bien l’aura qu’il avait en France. »
Si la commissaire d’exposition a, un moment, caressé le rêve de déplacer la célèbre toile d’Horace Vernet aux dimensions hors du commun (21 mètres de large et 5 mètres de haut) de « la Prise de la smala d’Abd el-Kader », du musée de Versailles, elle a finalement opté pour une transposition du tableau dans un dispositif multimédia. « Cette toile représente la volonté d’installer la légitimité de la conquête de l’Algérie par la France par des victoires. C’est l’apogée des tableaux d’histoire, le plus grand jamais réalisé. La monarchie de Juillet, de Louis Philippe, tenait à magnifier et préciser sa politique en Algérie alors que les débats à l’Assemblée nationale montrent qu’on n’était pas unanimement pour cette conquête », explique Florence Hudowicz. On peut également découvrir le « burnous » blanc (un caftan en réalité) d’Abd el-Kader, conservé au musée de l’Armée, donné par un de ses fils en 1897 à la France, et réclamé par l’Algérie depuis deux ans.
« Un chemin d’apaisement »
« Pour nos concitoyens porteurs d’une mémoire algérienne blessée, Abd el-Kader montre un chemin d’apaisement » estime Christian Delorme. Pour celui qui a côtoyé « le peuple de l’immigration en France » comme il aime à dire, « Abd el-Kader représente la dignité algérienne alors que le regard sur l’Algérie est souvent méprisant. On a quand même entendu un président dire que l’histoire de ce pays était toute récente [Emmanuel Macron, en janvier, NDLR]. C’est à peine s’il n’a pas dit que l’existence d’un Etat algérien ne serait pas advenue sans la présence française ! » Il reconnaît que le locataire de l’Elysée, en confiant à l’historien Benjamin Stora un rapport sur « les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie », a eu le souci de travailler à la réconciliation. Mais il n’est pas dupe non plus. Selon lui, cette réconciliation ne peut pas avoir lieu tant qu’il n’y aura pas de reconnaissance des injustices et des souffrances. « Ce moment n’est pas encore arrivé quand on voit les réticences dans la société française. »
Comme en témoigne la dégradation, à peine inaugurée, d’une sculpture en métal à l’effigie de l’émir Abd el-Kader, au pied du palais royal d’Amboise, le 5 février dernier. Soutenue par l’Elysée, sur préconisation du rapport Stora, l’œuvre (de l’artiste Michel Audiard et inspirée d’une photographie conservée par la Bibliothèque nationale de France) avait été ciblée par l’extrême droite sur les réseaux sociaux. L’ancien député du Gard, Gilbert Collard, soutien d’Eric Zemmour, qualifiant l’émir « d’adversaire historique de la France ». Le saccage n’avait pas été revendiqué.
Le père Delorme avait alors pris sa plume, avec Ahmed Bouyerdene, pour dénoncer dans une tribune publiée dans le « Monde » un « véritable outrage contre l’art, contre l’histoire mais également contre la culture de paix et de la réconciliation ». Pour ce révolté, qui avait imaginé la « marche des beurs » – comme avait été rebaptisée la marche pour l’égalité et contre le racisme – en s’inspirant de la « marche du sel » conduite en 1930 par Gandhi, il y a une continuité entre ses combats d’antan et son rôle dans la réalisation de cette exposition. « Actuellement, les générations issues de l’immigration algérienne ne maîtrisent pas cette histoire. Elle ne leur a pas été enseignée et ils n’ont plus de contact direct avec les témoins. Mais ils sont dans le même mal-être identitaire que la génération que j’ai connue dans les années 1980. Ils voient qu’on ne les considère pas toujours comme des Français au même titre que les autres. Faire vivre les mémoires est important. Pour comprendre, pas pour excuser, car ils sont le fruit d’une histoire douloureuse. J’aime à penser que la mémoire de l’émir Abd el-Kader peut nous permettre de discuter, de regarder l’avenir de manière sereine, sans s’enfermer dans les rancunes. »
Photos d’époque, archives, documents, peintures, extraits vidéo ou encore affiches sont exposés
Une exposition unique "Juifs et musulmans de la France coloniale à nos jours" a été inaugurée cette semaine au musée de l’Immigration dans le 12e arrondissement de Paris; elle retrace à la fois la complexité et la richesse des relations entre ces deux communautés.
"C'est la première fois qu'on tente cette aventure intellectuelle difficile, celle de l'histoire des rapports entre Juifs et musulmans", qui a "une très grande longévité", a déclaré l'historien Benjamin Stora, commissaire général de l’exposition.
Photos d’époque, archives, documents, peintures, extraits vidéos ou de journaux et affiches permettent au visiteur de suivre l'évolution des liens entre les fidèles des deux religions lors de différentes périodes et nous donnent un regard direct sur leurs interactions à travers le temps.
De 1830 à 1914, avec l'arrivée de la France en Algérie, en Tunisie et au Maroc. Puis la période de l'entre-deux-guerres, le régime de Vichy, la guerre d'Algérie et la décolonisation au Maroc et en Tunisie. Et enfin, de 1967 à nos jours.
La photographe Maya Inès Touam, aborde la question du voile et la place de la féminité au Maghreb. Dans son oeuvre "Ma Yasmina- m'laya", elle rend hommage aux femmes juives et musulmanes, pour qui l'étoffe traditionnelle (m'laya, portée dans l'Est algérien) marque leur identité.
En 1870, le décret Crémieux, dont une copie officielle est présentée dans l’exposition, crée la première fracture entre Juifs et musulmans, et suscite un sentiment d’injustice. Il octroie la citoyenneté française aux 35.000 Juifs d’Algérie mais pas aux 3 millions de musulmans qui ont le statut d’"indigènes".
Cela aura des répercussions jusqu'en 1962, avec l'indépendance de l'Algérie: les Juifs arrivés en métropole seront des rapatriés puisque citoyens français, tandis que les musulmans deviennent des immigrés.
La Grande guerre a été une source d’émigration importante vers la France. Entre 1921 et 1939, 400.000 Maghrébins arrivent en France. Par la suite, la grande révolte arabe de 1936 en Palestine mandataire, la progression du sionisme et les éveils nationalistes du monde arabe accentuent les écarts entre Juifs et musulmans.
L'oeuvre de Kamel Yahiaoui "Le Mémoriel Sétif Guelma Kherrata", où des visages anonymes sont alignés, évoque le caractère brutal des répressions lors des manifestations de Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie, appelant à la libération du leader indépendiste Messali Hadj en 1945, et rend hommage aux victimes.
A partir de la guerre des Six jours en 1967, le conflit israélo-palestinien s'installe en France et devient "ce qui cristallise les relations entre Juifs et musulmans", explique l'historien Mathias Dreyfuss. A la fin des années 1960, 600.000 Juifs et 700.000 musulmans vivent en France.
Des photos témoignent des moments clés de l'histoire des Juifs et musulmans à travers les âges, tels que l'inauguration de la mosquée de Paris en 1926, le départ des Juifs d'Algérie en 1962, la manifestation de soutien à Israël à Paris en 1974 ou encore la visite de Yasser Arafat, président de l'OLP, à Paris en 1989.
L'exposition met également en lumière les liens entre Juifs et musulmans dans le domaine culturel, essentiellement dans l'entre-deux-guerres, mais aussi le soutien de familles juives engagées du côté algérien durant la guerre d'indépendance.
Un focus particulier est fait sur le quartier de Belleville à Paris, qui abrite les deux communautés dans les années 1970. Cette cohabitation a notamment inspiré des réalisateurs de cinéma et nous interroge sur le racisme anti-musulman et l'antisémitisme depuis la seconde Intifada.
Enfin, l'exposition donne à réfléchir sur la question de l'islam en France dès les années 1980 et ses nouveaux modes d'affirmation tant sur la scène politique que religieuse.
L'exposition a lieu jusqu'au 17 juillet 2022.
Caroline Haïat est journaliste pour le site français d'i24NEWS
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