La question de la récupération des fonds et des biens issus de la corruption d’hommes d’affaires, de militaires et des politiciens véreux ainsi que des parties influentes incarcérés pour corruption était une promesse de campagne du président mal élu Abdelmadjid Tebboune.
Aujourd’hui le bonhomme s’en remet à ses bons souvenirs et relance ce va-t-en guerre à la recherche de Dinars perdus dilapidés dans le cadre de la récupération des fonds dissimulés frauduleusement à l’étranger ou même en Algérie à travers des biens éparpillés çà et là. C’est d’ailleurs de l’un de ceux-là d’où est repartie cette affaire. Dimanche dernier, effectivement, le chef d’état lors du Conseil des ministres tenu sous sa présidence, avait sommé ses troupes d’accélérer la remise en production de l’usine des huiles végétales de Jijel, qui appartenait aux frères Kouninef, actuellement en détention pour corruption, lançant ainsi la première étape d’un début du processus de récupération.
C’est que l’histoire va chercher loin elle couterait au bas mot estiment les experts, plus de 7,5 milliards d’euros et 600 milliards de DA, un joli pactole pour des caisses assoiffées. Si pour ce qui est de récupérer l’argent volé et dissimulé à l’étranger, autant en faire son deuil tant les procédures complexes prendraient du temps pour le rapatrier, les démarches à entamer, se déroulant sous la houlette diplomatique. Au Bled c’est un autre son de cloche et cela semble plus envisageable. Mais dans cette histoire du voleur volé, et entre nous, le vrai pactole est en devises fortes et donc entre de bonnes mains chez les autres. Ce qui reste au pays va avec les pertes et profits. Et l’Exécutif algérien en ces temps durs est tout aise de rencontrer le fameux « limaçon » de la fable.
Sauf que là, la problématique de la récupération des biens et fortune des richissimes oligarques et hauts responsables du régime Bouteflika ne pourrait se faire, qu’après que toutes les voies de recours eussent été épuisées. D’ailleurs, seule la cour d’Alger « une voix de son maître sans équivoque », où se déroulent les procès en appel des accusés concernées par la confiscation de biens mal acquis, est apte ou non de confirmer les demandes de la partie civile, qui est le Trésor public en ordonnant donc la confiscation de biens précisément identifiés et localisés. Ce qui toutefois peut prendre parfois plusieurs mois, voire des années mais bien moins que pour l’autre opération de rapatriement.
Ces grands dossiers qui s’élèvent à 7,5 milliards d’euros, ont pour hommes d’affaires des sommités comme, Ali Haddad, Mahieddine Tahkout , Mourad Eulmi, Abdelghani Hamel, les frères Kouninef ainsi que des accusés de parts et d’autres, notamment ceux dont les biens ont fait l’objet d’un ordre de saisie dans l’affaire du montage automobile. La majorité de ces biens à confisquer se trouve dans la capitale Alger et ses environs, il s’agit de terrains, usines, sièges de sociétés ou bureaux… L’opération est, sauf retournement de situation comme c’est souvent le cas en Algérie, certes, des plus plausibles sur le plan juridique car la justice est toute acquise à l’exécutif qui n’est autre que l’uniforme en Algérie, mais elle restera dans le temps complexe à appliquer. Mais qu’on se le dise ! dans l’état actuel des choses ce n’est qu’une passation de mains ou de pouvoir. Les nouveaux « ayant droit » se bousculent déjà aux portillons de la bonne fortune que partage volontiers le parrain. C’est comme ça en Algérie depuis plus de six décennies. Les bonnes habitudes ne se perdent pas.
Traversons la Méditerranée pour gagner l'Algérie. Stéphane Aubouard reçoit Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie de 2008 à 2012 puis de 2017 à 2020. Une phrase du diplomate qui a connu la période Bouteflika et les débuts de Tebboune résume bien toute la complexité du sujet : « Quand on est ambassadeur de France en Algérie on fait autant de la politique extérieure qu’intérieure… ». "Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres", disait Antonio Gramsci. Dans notre monde globalisé, au sortir de la guerre froide, ces monstres oubliés ont un nom : Le retour des empires. Un podcast du magazine Marianne, présenté par Stéphane Aubouard.
Par micheldandelot1 dans Accueil le 1 Octobre 2023 à 09:14
Vous connaissez Kahina ? Considérée comme l’une des premières féministes de l’Histoire (par Gisèle Halimi par exemple), cette guerrière berbère du 7e siècle unifia la résistance contre les armées de l’empire omeyyade avant de mourir au combat.
En 686, Kahina prend la tête de la résistance berbère à la conquête musulmane de l’Afrique du Nord. Alors que les armées omeyyades abordent l'Afrique du Nord, la Kahina organise la résistance berbère, unifie de nombreuses tribus d’Afrique du Nord et inflige aux envahisseurs arabes deux cuisantes défaites.
Sa première bataille a lieu à Meskiana. Appelée « bataille des chameaux », c’est aussi sa première victoire militaire. De nuit, l’armée de Kahina se dissimule dans la montagne et prend en embuscade les troupes ennemies.
Après sa seconde victoire en 695, Kahina règne sur l’Ifriqiya, un royaume d’Afrique du Nord, des montagnes de l’Aurès aux oasis de Gadamès (comprenant la Tunisie, l’est de l’Algérie, l’ouest de la Libye) pendant plus 5 ans. Elle ne mène aucune représailles contre les musulmans.
Consciente que l'ennemi est très puissant, et va revenir, Kahina pratique la politique de la terre brûlée en vue de dissuader l’envahisseur de s’approprier les terres. Cette politique a pour effet de perdre le soutien d’une partie de son peuple, les sédentaires et les habitants des oasis, sans pour autant décourager les armées arabes.
En 703, Hassan Ibn Numan revient à l’assaut avec des renforts du calife Abd Al-Malik qui lui accorde plusieurs milliers de guerriers avec pour but de reconquérir l'Ifriqiya. Elle meurt au combat.
Cheffe militaire, héroïne berbère, figure de la résistance, Kahina nourrit les légendes et les archives sont rares.
Symbole de la lutte pour l’indépendance à l’identité plurielle, Gisèle Halimi la considère comme l’une des premières féministes de l’Histoire et lui consacre un livre en 2006. Une statue à Baghaï, en Algérie, lui rend femmage.
Aix-en-Provence, Alger, Meudon-la-Forêt… L’architecte a essaimé après-guerre son art de la pierre. Un livre-fleuve tente de réhabiliter l’œuvre de ce bâtisseur controversé.
Croquis de l’ensemble de la Tourette, conçu par Fernand Pouillon, sur le Vieux-Port à Marseille. BERNARD GACHET
C’est l’histoire d’un rendez-vous raté. L’architecte et urbaniste Fernand Pouillon (1912-1986) n’a jamais accédé à la notoriété d’un Le Corbusier, loin de là. Il a pourtant réalisé à l’heure de la reconstruction après la seconde guerre mondiale, des chantiers marquants, comme les immeubles du Vieux-Port à Marseille, les 200 logements à Aix-en-Provence, le quartier des Sablettes à Toulon ou la résidence du Parc à Meudon-la-Forêt, mais également signé des constructions en Algérie et en Iran.
Un livre-fleuve publié chez Actes Sud, principalement écrit par Pierre Frey, historien de l’art et professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, soutient la thèse qu’il n’est pas de meilleur moment pour redécouvrir le talent de ce créateur visionnaire. Si Fernand Pouillon jugeait souvent décevante la photo d’architecture, son travail est ici mis en valeur par les très beaux croquis de l’architecte Bernard Gachet accompagnés de plans et d’images d’archives des bâtiments évoqués.
Pierre Frey invite à redécouvrir l’intérêt visionnaire de Fernand Pouillon pour l’architecture vernaculaire, son recours aux techniques durables (climatisation, isolation…) et l’utilisation de matériaux naturels ou locaux à l’aune du réchauffement climatique et des préoccupations environnementales actuelles.
Adepte de la pierre de taille, à l’inverse du tout-béton prôné par Le Corbusier, Fernand Pouillon a toujours eu deux préoccupations majeures pour ses projets : « une prise en compte sensible du site avec lequel son projet entre en dialogue et une identification profonde, au fond amoureuse, aux besoins et aux sentiments de celles et de ceux dont il avait la charge de loger », témoigne Pierre Frey.
5 000 logements sur les hauteurs d’Alger
Alors que la question de la durabilité des constructions est devenue centrale en architecture, l’utilisation ingénieuse de la pierre par Fernand Pouillon est redécouverte. Il se fait connaître en 1955, avec le projet immobilier aixois des 200 logements, réalisé aux prix les plus bas du marché dans les délais les plus courts. En sus, les habitants (essentiellement de classe moyenne) ont pu accéder à la propriété grâce à une formule de location-vente sur vingt-cinq ans sans apport préalable.
Les auteurs de l’ouvrage évoquent aussi l’œuvre de Fernand Pouillon en Algérie. C’est le maire d’Alger, Jacques Chevallier, qui sollicite l’architecte pour la construction de logements sociaux à partir de 1953. Il sera à l’origine du chantier pharaonique de 5 000 logements sur les hauteurs d’Alger, sa cité la plus célèbre. Le livre revient sur cette empreinte forte laissée par Fernand Pouillon dans la Ville blanche et Mohamed Larbi Merhoum, architecte à Alger, la décrit comme une « architecture de vérité » en terre coloniale, tel un « emboîtement des mémoires sans permettre à l’une d’effacer l’autre ».
Mais qui était réellement Fernand Pouillon ? Les auteurs se sont plongés dans les archives mais leur enquête ne parvient pas à tout éclairer. Il est difficile de percer tous les mystères d’un homme qui s’est pourtant lui-même raconté à travers deux livres : Les Pierres Sauvages (1964) et Mémoires d’un architecte (1968). Deux ouvrages écrits en prison où Fernand Pouillon purgeait une peine pour faux bilan, détournement de fonds et abus de biens sociaux.
Après cette affaire, son image sera à jamais ternie. Amnistié en 1971 par le président Pompidou, il est réintégré à l’ordre des architectes français en 1978. Peut-être lui est-il reproché d’avoir été si multiple, d’avoir voulu tout maîtriser… Architecte, urbaniste, bâtisseur, maître d’œuvre, maître d’ouvrage, écrivain et éditeur, il fut tout cela à la fois.
Les Algériens la surnomment « l’Autoghoute Est-Ouest », en référence à Amar Ghoul, l’ancien ministre des Travaux publics, qui en a supervisé la réalisation, avant de finir en prison. Le dernier tronçon du « projet du siècle » vient seulement d’être livré, alors qu’il devait l’être en 2009. Récit d’un scandale d’État.
Les anciens présidents Chadli Bendjedid et Liamine Zeroual en ont rêvé, Bouteflika l’a fait. Le projet de doter l’Algérie d’une autoroute qui relierait la frontière marocaine à la frontière tunisienne remonte à 1983. Mais la crise économique qui a frappé le pays au milieu des années 1980 en avait décidé autrement. Il sera relancé dans les années 1990 avec la réalisation de plusieurs tronçons grâce à des financements européens, arabes et africains, à hauteur d’environ 470 millions de dollars. Mais là encore, la guerre civile dans laquelle l’Algérie est plongée durant cette « décennie noire » retardera ou bloquera aussi bien les travaux que les financements.
À partir de 2004, toutefois, la manne pétrolière qui commence à se déverser sur l’Algérie après le premier mandat de Bouteflika ouvre la voie aux grands projets structurants (routes, barrages, logements, chemins de fer…). C’est ainsi que le projet de construction de cette autoroute refait surface. Plutôt que de recourir à des financements étrangers, en sollicitant notamment la Banque mondiale, comme ce fut le cas précédemment, l’ancien chef de l’État opte alors pour un financement à 100 % algérien.
Pourquoi avoir choisi cette option ? Les organismes financiers internationaux étant très stricts en matière de transparence, d’éthique et de règles anti-corruption, la possibilité pour les responsables et les intermédiaires algériens et étrangers de détourner des fonds, de percevoir des commissions et des rétrocommissions serait ainsi devenue quasi-nulle. Or la tentation d’enrichissement illicite sera d’autant plus grande que les verrous et les digues anti-corruption ont précisément commencé à sauter à partir du début du deuxième mandat de Bouteflika, avec l’explosion des investissements publics et les factures des importations.
C’est ainsi qu’entre 2005 et 2009, les autorités algériennes alloueront une enveloppe globale de 140 milliards de dollars pour financer ces grands projets. Ces commandes publiques aiguisent l’appétit des hommes d’affaires – qu’on qualifiera plus tard d’oligarques –, des partenaires étrangers et d’une faune de responsables rôdant dans les ministères, les grandes administrations publiques, ainsi que dans l’establishment sécuritaire et militaire.
Prévarication et détournements
Ce sera alors le début d’un gigantesque processus de dilapidation, de prévarication et de détournements qui nourrira, à partir de 2019, les grands procès pour corruption impliquant oligarques, Premiers ministres, ministres et hauts gradés de l’armée. C’est ainsi que l’affaire de l’autoroute Est-Ouest deviendra l’un des scandales les plus retentissants de l’ère Bouteflika.
Le 12 août 2023, le dernier tronçon – 80 km reliant la ville d’Annaba à la frontière tunisienne – a été livré et inauguré par le Premier ministre, Aymen Benabderrahmane. Selon le calendrier initial, il devait être achevé en… 2009. Entre-temps, l’autoroute est devenue, pour beaucoup d’Algériens, l’« Autoghoute Est-Ouest », en référence à Amar Ghoul, l’ancien ministre des Travaux publics, qui en a supervisé la réalisation, avant de finir derrière les barreaux, où il purge depuis 2019 une peine de cinq ans de prison pour abus de fonction et corruption. Et le « projet du siècle » – surnommé ainsi en raison de la longueur record, 1 216 km, de l’autoroute – s’est transformé en scandale d’État, représentant un gouffre financier de plus de 17 milliards
Blouse blanche — Zone grise — Décennie noire de Abdallah Aggoune est le témoignage d’un docteur en médecine à l’époque de la décennie noire en Algérie, préfacé par la psychanalyste Karima Lazali.
Le docteur Aggoune raconte la montée en puissance du Front Islamique du Salut (FIS), la barbarie du Groupe Islamique Armé (GIA), la loi des émirs qu’il a soignés quand ils étaient encore des enfants innocents et les « dépassements » des forces de sécurité censées protéger les civils. Alors que la loi sur la Concorde civile impose l’amnésie et le silence aux victimes, peut-on tourner cette page tragique avant de l’avoir lue ? Au moment où les Algériens, unis dans la diversité de leurs convictions, sont mobilisés pour leurs droits, la réconciliation nationale passe par la vérité et la justice sur la « décennie noire » pour exorciser les démons de la récidive. A paraître le 24 septembre aux éditions Koukou.
Le tremblement de terre, de magnitude 7, au Maroc a fait au moins 2 500 morts selon le dernier bilan publié lundi 11 septembre. Le royaume chérifien et l’Algérie voisine, situés sur le point de contact entre les plaques africaine et eurasienne, ont connu d’autres catastrophes par le passé
Le bilan ne cesse de grimper. Les autorités ont annoncé lundi 11 septembre que le bilan du séisme de magnitude 7 qui a fait trembler la terre vendredi 8 septembre au Maroc a fait plus de 2 500 morts. Une catastrophe historique par son ampleur dans une région qui a connu de nombreux précédents.
Le Maghreb est situé sur des failles entre les plaques tectoniques africaine et eurasienne qui se déplacent continuellement du sud vers le nord. La plaque africaine s’enfonce sous la plaque eurasienne et rapproche ainsi l’Afrique de l’Europe de 6 millimètres par an. Cette friction continuelle entre les couches profondes de la croûte terrestre produit de l’énergie, qui est libérée de manière brutale à la surface sous la forme de tremblement de terre.
Ainsi, au Maghreb, la terre tremble quasiment tous les jours avec une fréquence moyenne de 50 séismes par mois. Ces séismes sont pour la plupart inoffensifs et même imperceptibles, tant leur magnitude, sur l’échelle de Richter, est faible. Ainsi, 90 % sont d’une magnitude inférieure à 3. Ils ne sont révélés que par les sismographes.
Pour autant, certaines secousses sont beaucoup plus dévastatrices. Le Maroc et l’Algérie ont connu des catastrophes majeures. La Tunisie, à l’écart des failles sismiques, a été plus épargnée.
Les secousses marocaines
Les témoignages historiques rapportent que la terre au Maroc a tremblé de manière plus ou moins régulière depuis 1079. À Melilla, dans le nord, à plusieurs reprises, en 1579 et plus violemment en 1660 avec d’importants dégâts, puis en 1792 et 1848. Dans la région d’Agadir et de Marrakech en 1719 et 1731.
Au vingtième siècle, les premiers sismographes sont installés (en 1910 en Algérie et 1937 au Maroc) et plusieurs séismes meurtriers sont enregistrés.
Le 27 décembre 1941, au Maroc, la ville côtière de Jadida, au sud-ouest de Casablanca, et ses 15 000 habitants sont frappés par un séisme de magnitude 6,6. C’était le plus puissant dans le pays avant le séisme de vendredi dernier. Le 29 février 1960, un séisme d’une magnitude de 5,7 a pour épicentre Agadir. La ville est détruite et un tiers de sa population périt.
Plus récemment, le 23 février 2004, un tremblement de terre d’une magnitude de 6,3 frappe Al Hoceima, une ville du nord du pays située sur la ligne de faille.
Trois séismes récents majeurs en Algérie
L’histoire sismique de la région est jalonnée d’événements semblables. En Algérie, le plus ancien séisme rapporté remonte à 1365. Ce tremblement de terre avait complètement détruit la ville d’Alger. À nouveau, en mai 1716, Alger est ravagée par un tremblement de terre qui fait 200 000 morts. Le 2 mars 1825, à Blida, 50 km au sud d’Alger, un séisme d’intensité cause la mort de 7 000 personnes.
L’histoire sismique récente a été marquée par trois principales secousses. Deux d’entre elles sont survenus à Chlef, sur la faille entre les plaques eurasienne et africaine. Le 9 septembre 1954, un séisme de magnitude 6,8 fait plus de 1 300 morts et 3 000 blessés. C’est à nouveau près de Chlef que se produit en octobre 1980 la plus violente secousse jamais enregistrée au Maghreb, avec une magnitude de 7,3. Le bilan dépasse 5 000 morts et 9 000 blessés, 80 % de la ville est détruite.
Les deux fortes secousses ressenties au même endroit à vingt-six ans d’intervalle sont perçues localement comme une malédiction. Aussi, la ville alors baptisée Al-Asnam (les idoles en arabe), un nom renvoyant à des réalités préislamiques, est renommée pour conjurer le mauvais sort. Elle est désormais connue sous le nom de Chlef, en référence au cours d’eau qui traverse la vallée.
La production de pétrole stagne en Algérie, boudée par des compagnies étrangères après leurs déboires avec la bureaucratie. Le gouvernement déploie les grands moyens pour faire revenir ExxonMobil, Shell, BP, Engie, TotalÉnergies et beaucoup d’autres. La partie n’est pas gagnée, car la demande intérieure explose et les réserves s’épuisent rapidement.
Dimanche 13 août 2023, dans une capitale écrasée par une vague de chaleur sans précédent et désertée par nombre de ses élites, un nouveau directeur est installé à la tête d’un modeste maillon par sa dimension (à peine 200 employés) de la pléthorique bureaucratie algérienne, mais essentiel à son pouvoir. L’Agence nationale pour la valorisation des hydrocarbures (Alnaft, acronyme signifiant littéralement « le pétrole ») a pour mission d’accorder des contrats aux compagnies étrangères disposées à investir dans le pays, de contrôler les plans de développement des gisements, de ratifier la vente des droits miniers qu’elles détiennent. En un mot, l’agence est le notaire et le greffier de l’industrie pétrolière nationale.
Pour marquer l’importance du moment, le ministre de l’énergie et des mines Mohamed Arkab — qui supervise le secteur — s’est déplacé en personne. En poste depuis plus de quatre ans, avec une éclipse inexpliquée, il parcourt depuis le monde et les grands centres pétroliers, de Houston (Texas) à Singapour, à la recherche d’investisseurs. Sans grand succès jusqu’ici. Son message est clair et pressant :
Nous voulons intensifier la production en coordination avec Alnaft et [la] Sonatrach ainsi qu’avec nos partenaires des compagnies mondiales implantées en Algérie et celles qui viendront s’y établir à l’avenir1.
FAIRE RENTRER DE L’ARGENT FRAIS
Ce n’est pas son premier appel du genre, mais jamais sans doute la collaboration extérieure n’a été aussi espérée par l’industrie algérienne des hydrocarbures, pourtant stimulée en 2022 par les cours élevés du brut et momentanément du gaz naturel à la suite de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. L’année 2023 s’annonce moins faste. Les cours du brut ont reculé d’environ 20 %, ceux du gaz se sont effondrés, et les réductions de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ne sont pas négligeables (— 11 % sur un an). D’où la nécessité de trouver de l’argent frais pour développer le secteur. La compagnie nationale n’en a plus. L’État l’oblige à financer la production d’eau potable ou les salaires des joueurs professionnels de football du pays.
Le nouveau directeur général de l’Agence, Mourad Beldjehem, un ingénieur venu de la Sonatrach où il gérait les relations (difficiles) de la compagnie nationale avec ses homologues étrangères « associées » sur des projets communs en Algérie, a été tout aussi accommodant que son chef. Il connait leurs rapports laborieux avec les Algériens, les maux qui les affectent traditionnellement, la bureaucratisation excessive, des contrôles et contestations sur leurs comptes jusqu’à la quasi-confiscation de la rente par l’État.
Mourad Beldjehem entend repositionner l’Agence « pour que nous puissions passer de la réaction à l’anticipation des événements et [qu’elle] devienne un refuge pour les clients ».2 Le partenariat entre la Sonatrach et ses « associés », qui fournissent bon an mal an près d’un tiers de la production nationale, sera à l’avenir bâti sur « la confiance, le respect, la transparence et les intérêts communs, dans le cadre d’une approche gagnant-gagnant ».3.
LES DÉÇUS DE L’ELDORADO ALGÉRIEN
Autant de promesses qui ne suffiront sans doute pas à effacer les doutes qui assaillent les rares candidats étrangers disposés à explorer le sous-sol algérien. Au fil des ans, nombre d’associés parmi les grands noms du gotha pétrolier international se sont retirés sur la pointe des pieds ou à l’issue de conflits éprouvants, sanctionnés le plus souvent par un jugement défavorable à l’Algérie des tribunaux internationaux d’arbitrage. Sur les 77 « associés » que comptait la Sonatrach à l’apogée de sa réussite, il en reste moins d’une dizaine. La liste est longue des déçus de l’Eldorado algérien. ExxonMobil, Shell, BP, Engie, TotalÉnergies, Anadarko ou Anaconda et beaucoup d’autres ont jeté l’éponge ou ont vendu tout ou partie de leurs actifs. Et la relève se fait cruellement attendre. Le dernier appel d’offres lancé par l’Alnaft en 2020 a dû être annulé faute de candidats. L’italien ENI, devenu le principal client du gaz algérien, a signé seul un contrat sous l’emprise de la nouvelle loi sur les hydrocarbures de 2019. C’est le premier et il est modeste.
Résultat, faute d’investissements extérieurs substantiels comme durant la période bénie 1986-2006, la production stagne depuis près de vingt ans sous la barre des 200 millions de tonnes d’équivalent pétrole (Mtep), ce qui fait de l’Algérie une puissance pétrolière secondaire à côté des géants comme l’Arabie saoudite, la Russie ou l’Irak qui produisent dix à quinze fois plus. L’inventaire périodique des ressources nationales d’hydrocarbures liquides et gazeux, une publication officielle parue pour la dernière fois en 2015, dresse un tableau inquiétant des réserves en terre. En gros, il reste à peine un tiers de pétrole récupérable, le reste ayant déjà été consommé. Pour le gaz naturel, la situation est moins désastreuse, à peine la moitié serait encore prélevable.
UN MARCHÉ LOCAL DE PLUS EN PLUS GOURMAND
À cette paralysie de l’offre, s’ajoute une demande domestique en folie de carburants et de gaz. Près de la moitié de la production commercialisée est aujourd’hui consommée sur place, non dans les rares usines, mais par les ménages algériens, leurs automobiles, leurs climatiseurs ou leur chauffage électrique. Sa part augmente année après année et grignote — au rythme débridé de + 9 à 10 % chaque année —, la production exportable. Certains experts prédisent qu’en 2030, c’est-à-dire demain, la Sonatrach n’aura plus rien à vendre à l’extérieur, l’autoconsommation atteignant alors 100 % de la production ! La consommation intérieure représente 70 % des volumes exportés et à peine 5 % du chiffre d’affaires de la compagnie nationale, qui court le marathon économique mondiale sur une seule jambe face à des concurrents qui en ont deux.
Cet écart entre les cours internationaux et les prix subventionnés à l’intérieur du pays est ruineux pour l’économie nationale privée de devises et pour les Algériens eux-mêmes condamnés à une détérioration permanente de leur niveau de vie depuis dix ans. Il a pour origine une politique tarifaire incohérente. Les autorités vendent les carburants, le gaz et l’électricité produite à partir du gaz, moins cher que leurs coûts de production pour de multiples raisons, bonnes ou surtout mauvaises4. Au plan politique, il est normal de faire profiter le peuple algérien de la principale richesse du pays. Mais pas dans ces proportions totalement insoutenables à long terme. « Il manquera 40 milliards de m3 de gaz naturel avant 2030 », a prévenu en juin 2021, devant le Club de l’Énergie à Alger, l’ex-numéro 2 de la Sonatrach Ali Hached5. Un ancien ministre de l’énergie, géologue de formation, Abdelmajid Attar, écrit dans une synthèse sur l’Algérie pétrolière :
Une attention particulière devrait être accordée au maintien d’une bonne adéquation entre les ressources disponibles et la répartition qui doit en être faite pour la satisfaction des besoins énergétiques du pays à long terme, la satisfaction de ses nécessaires besoins financiers immédiats ou lointains et les quantités pouvant être mises à la disposition des tiers clients6.
Visiblement, les pouvoirs publics semblent oublier que les hydrocarbures fournissent plus de 95 % des devises indispensables au fonctionnement de l’économie. Plutôt que d’augmenter les prix des carburants et de l’électricité pour accroître la part exportable des hydrocarbures, ses responsables lancent de la poudre aux yeux des Algériens, des solutions illusoires comme l’encouragement frénétique des « exportations hors hydrocarbures » composées, en fin de compte, de plus de 70 % de produits fabriqués avec du gaz naturel ultra-subventionné dont on augmente encore la consommation intérieure7.
Une autre piste est le rationnement des importations : près d’un millier d’articles dont les automobiles neuves, des médicaments ou les bananes sont officiellement interdits à l’import. Il s’en suit d’importantes pénuries aggravées par la spéculation et la domination de l’économie informelle. Très impopulaires, elles amènent le président de la République, Abdelmajid Tebboune, à multiplier les interventions au ministère du commerce censé gérer la rareté. Il a longtemps confié le poste à l’un de ses fidèles, Kamel Rezig, avant de le sacrifier devant les colères de l’opinion. Quelques jours après sa disgrâce Rezig a été nommé conseiller technique à la présidence avant de travailler à la dernière trouvaille de Abdelmajid Tebboune, un Conseil supérieur de régulation des importations où tous les ministères sont représentés. La coordination y sera-t-elle de meilleure qualité qu’au gouvernement où tous siègent déjà ? On peut en douter.
LA CHIMÈRE DES BRICS
Autre leurre fort en vogue depuis la visite officielle du président algérien en Chine, en juillet dernier, une éventuelle adhésion de l’Algérie au club des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), ce quintette disparate qui se pose comme le leader du Global South (« Sud global »). Finalement, ni le président ni son premier ministre n’ont fait le voyage à Johannesburg pour assister au quinzième sommet des BRICS. Seul le ministre des finances, un obscur fonctionnaire qui parle anglais, s’est déplacé pour apprendre que l’Algérie, candidate avec une vingtaine d’autres pays, n’avait pas été retenue par une organisation dont on voit mal ce qu’elle peut apporter à l’économie algérienne.
La pêche aux investisseurs pétroliers internationaux de l’Alnaft et de son directeur général, Mourad Beldjehem, sera-t-elle plus efficiente que celles de ses prédécesseurs ? Même s’il réussit mieux, il restera la partie la plus difficile du rétablissement du secteur, la stabilisation au minimum de la consommation intérieure de carburant et de gaz grâce à un relèvement des tarifs publics de l’énergie. Depuis 2016, les équipes successives au pouvoir y renoncent de peur d’une réaction populaire qui pourrait anéantir le régime. En sera-t-il de même cette fois ? L’Algérie « avance à grands pas »8, affirmait récemment un éditorial d’El-Moudjahid, le journal du régime, reprenant des propos du président de la République. Mais dans quelle direction ?
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