La question de la récupération des fonds et des biens issus de la corruption d’hommes d’affaires, de militaires et des politiciens véreux ainsi que des parties influentes incarcérés pour corruption était une promesse de campagne du président mal élu Abdelmadjid Tebboune.
Aujourd’hui le bonhomme s’en remet à ses bons souvenirs et relance ce va-t-en guerre à la recherche de Dinars perdus dilapidés dans le cadre de la récupération des fonds dissimulés frauduleusement à l’étranger ou même en Algérie à travers des biens éparpillés çà et là. C’est d’ailleurs de l’un de ceux-là d’où est repartie cette affaire. Dimanche dernier, effectivement, le chef d’état lors du Conseil des ministres tenu sous sa présidence, avait sommé ses troupes d’accélérer la remise en production de l’usine des huiles végétales de Jijel, qui appartenait aux frères Kouninef, actuellement en détention pour corruption, lançant ainsi la première étape d’un début du processus de récupération.
C’est que l’histoire va chercher loin elle couterait au bas mot estiment les experts, plus de 7,5 milliards d’euros et 600 milliards de DA, un joli pactole pour des caisses assoiffées. Si pour ce qui est de récupérer l’argent volé et dissimulé à l’étranger, autant en faire son deuil tant les procédures complexes prendraient du temps pour le rapatrier, les démarches à entamer, se déroulant sous la houlette diplomatique. Au Bled c’est un autre son de cloche et cela semble plus envisageable. Mais dans cette histoire du voleur volé, et entre nous, le vrai pactole est en devises fortes et donc entre de bonnes mains chez les autres. Ce qui reste au pays va avec les pertes et profits. Et l’Exécutif algérien en ces temps durs est tout aise de rencontrer le fameux « limaçon » de la fable.
Sauf que là, la problématique de la récupération des biens et fortune des richissimes oligarques et hauts responsables du régime Bouteflika ne pourrait se faire, qu’après que toutes les voies de recours eussent été épuisées. D’ailleurs, seule la cour d’Alger « une voix de son maître sans équivoque », où se déroulent les procès en appel des accusés concernées par la confiscation de biens mal acquis, est apte ou non de confirmer les demandes de la partie civile, qui est le Trésor public en ordonnant donc la confiscation de biens précisément identifiés et localisés. Ce qui toutefois peut prendre parfois plusieurs mois, voire des années mais bien moins que pour l’autre opération de rapatriement.
Ces grands dossiers qui s’élèvent à 7,5 milliards d’euros, ont pour hommes d’affaires des sommités comme, Ali Haddad, Mahieddine Tahkout , Mourad Eulmi, Abdelghani Hamel, les frères Kouninef ainsi que des accusés de parts et d’autres, notamment ceux dont les biens ont fait l’objet d’un ordre de saisie dans l’affaire du montage automobile. La majorité de ces biens à confisquer se trouve dans la capitale Alger et ses environs, il s’agit de terrains, usines, sièges de sociétés ou bureaux… L’opération est, sauf retournement de situation comme c’est souvent le cas en Algérie, certes, des plus plausibles sur le plan juridique car la justice est toute acquise à l’exécutif qui n’est autre que l’uniforme en Algérie, mais elle restera dans le temps complexe à appliquer. Mais qu’on se le dise ! dans l’état actuel des choses ce n’est qu’une passation de mains ou de pouvoir. Les nouveaux « ayant droit » se bousculent déjà aux portillons de la bonne fortune que partage volontiers le parrain. C’est comme ça en Algérie depuis plus de six décennies. Les bonnes habitudes ne se perdent pas.
Les pays du Maghreb sont, eux aussi, touchés par des fortes chaleurs. C'est le cas de l'Algérie, notamment où le thermomètre frôle parfois les 50 degrés. Dans ce contexte, les conditions de travail sont extrêmement difficiles.
Canicule en Algrie : Plusieurs wilayas du nord du pays en alerte rouge
Bakou, 18 juillet
L’Algérie fait face, depuis le début de mois de juillet courant, à des vagues de chaleur caniculaire. Des températures très élevées dépassant les 48 °C sont enregistré par l’office algérien de météorologie (ONM) qui a classé, ce mardi, treize wilayas du nord du pays en alerte rouge, indique l’Agence Anadolu.
En raison des « températures exceptionnelles » enregistrées depuis lundi dernier dans plusieurs régions, l’ONM a élevé, selon un nouveau BMS (bulletin météorologique spécial) diffusé ce mardi, le niveau d’alerte à la troisième catégorie.
« Des températures extrêmes dépassant les 48 degrés Celsius à l’ombre sont attendues. Les températures minimales seront quant à elles comprises entre 34 et 38 degrés Celsius. Ces conditions s’étendront de 10 heures à 18 heures après midi », a noté la même source.
Les wilayas (départements) concernées par ce nouveau BMS, a précisé l’ONM, sont : « Alger, Tipaza, Tizi Ouzou, Boumerdès et Blida (Centre du pays), Relizane, Chlef et Ain Defla (Ouest) ainsi que Béjaia, Mostaganem, Annaba, Skikda et El Tarf (Est).
Il s’agit de la deuxième forte vague de chaleur qui frappe le nord algérien en quelques jours. Cette situation est marquée par des températures élevées, des vents très chauds et un fort taux d’humidité.
En raison des fortes chaleurs, plusieurs villes du pays, ont enregistré des pics de consommation de l’électricité dépassant les 18.377 mégawatts, le 11 juillet dernier. L’utilisation intense des climatiseurs provoque régulièrement des coupures de l’électricité qui durent pendant plusieurs heures.
Cette situation risque de durer jusqu’à la fin de l’été. Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM) des Nations unies, les vagues de chaleur vont se répéter et devenir plus intenses. «Ces phénomènes continueront à s’intensifier et le monde doit se préparer à des vagues de chaleur plus intenses », a estimé l’OMM, qui a expliqué cette situation par l’effet El Niño.
« Le phénomène El Niño, qui s’est récemment déclaré, ne fera qu’amplifier l’occurrence et l’intensité des vagues de chaleur extrême », a alerté la même source. Cette vague chaleurs concerne, selon la même source, l’Amérique du Nord, l’Asie, l’Afrique du Nord et le bassin méditerranéen, avec des températures qui vont dépasser les 40 °C pendant plusieurs jours.
« L’un des phénomènes notables que nous avons observés est que le nombre de vagues de chaleur simultanées dans l’hémisphère Nord a été multiplié par six depuis les années 1980. Cette tendance ne montre aucun signe de diminution », a noté l’OMM.
L’organisme onusien, rappelons-le, avait affirmé que la planète a connu, du 3 au 9 juillet courant, « la semaine la plus chaude jamais enregistrée », précisant que ce n’est que le début de « l’effet cumulé du réchauffement climatique causé par l’activité humaine et du retour du phénomène El Niño ».
« La situation actuelle est la preuve que le changement climatique est hors de contrôle », avait déploré le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à l’occasion de la présentation du dernier rapport d’évaluation des objectifs de développement durable (ODD).
Dans ce document, l’ONU a affirmé que « le monde connaît déjà un réchauffement proche de 1,2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, sous l’effet de l’activité humaine, essentiellement l’utilisation des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz), provoquant un cortège de catastrophes, à savoir les canicules, la sécheresse, les incendies, la montée des eaux ».
François Gouyette fait ses adieux à l’Algérie. Arrivé, il y a près de trois ans à la tête de l’ambassade de France à Alger, le diplomate a prononcé vendredi 14 juillet, à l’occasion de la fête nationale française, son dernier discours en tant qu’ambassadeur.
« Nous célébrons ensemble le 14 juillet. C’est ma dernière cérémonie. Je quitterai Alger après-demain (dimanche 16 juillet) », a-t-il déclaré, en soulignant qu’il clôture une carrière diplomatique de 42 ans au « service de la France ».
Atteint par la limite d’âge pour un diplomate, François Gouyette sera remplacé par Stéphane Romatet qui prendra bientôt ses fonctions de nouvel ambassadeur de France en Algérie.
Avant son départ définitif, François Gouyette a délivré quelques messages alors que la relation entre l’Algérie et la France traverse à nouveau une zone de turbulences.
« L’Algérie et la France entretiennent, par-delà les blessures du passé et les crises, des liens uniques que nous devons préserver, cultiver et renforcer », a soutenu François Gouyette.
Gouyette a rappelé que les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron se sont « résolument engagés» sur cette voie, comme en témoigne la Déclaration d’Alger, signé le 27 août 2022, qui fixe, selon lui, un « cadre ambitieux», pour ce qui « pourrait et surtout ce qui devrait être » la relation entre l’Algérie et la France dans les années à venir, et ce, dans tous les domaines : économie, sécurité, culture, mobilité.
L’Algérie et la France ont intérêt à « travailler ensemble » d’une « manière plus étroite, plus fluide, mais aussi plus sereine », a ajouté François Gouyette, en précisant que le président Macron « n’a jamais dévié de cet objectif ».
Algérie – France : François Gouyette quitte Alger et envoiedes messages forts
« Je tiens à rappeler, devant vous, le caractère exceptionnel des efforts qu’il a entrepris pour l’atteindre. Il y a eu durant le premier quinquennat et jusqu’à aujourd’hui, des gestes extrêmement forts visant à établir, sans faux-semblant, la réalité de la colonisation française », a développé François Gouyette, en citant les reconnaissances de l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel, la mort sous torture de Maurice Audin, la restitution des crânes des résistants algériens…
Il a cité aussi la présence du président Macron sous le pont de Bezons en 2022 lors de la commémoration des massacres du 17 octobre 1961 à Paris, la visite de trois jours du président français en Algérie en août 2022.
« Un président français se déplace rarement aussi longtemps dans un pays étranger, sauf et encore en Chine et aux États-Unis », a remarqué François Gouyette qui a rappelé la visite, en octobre dernier à Alger, de la Première ministre Élisabeth Borne, qui était accompagnée de 15 membres du gouvernement français.
« J’insiste sur le caractère inhabituel, voire inédit, d’une telle mobilisation, un signe parmi d’autres du caractère prioritaire pour la France de relancer sa relation avec l’Algérie », a souligné François Gouyette.
L’ambassadeur a souligné qu’il ne « s’agissait pas d’un caprice ou d’une passade », a-t-il dit, en soulignant que l’Algérie et la France sont « conviées par l’histoire, la géographie, ce lien spécial qui unit nos deux peuples, à inventer ensemble un partenariat » qui, en citant Rousseau, « n’aura jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point d’imitateur ».
En interdisant coup sur coup les deux principales mobilisations contre les violences policières à Paris, le gouvernement entend, selon une coordination nationale, réduire au silence les proches de victimes. Malgré cette répression, la mobilisation s’étoffe encore.
Sur injonction directe de Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, la préfecture de police de la capitale a pris un nouvel arrêté d’interdiction contre l’appel de la Coordination nationale contre les violences policières – rassemblant de nombreux collectifs de familles et de proches de jeunes gens tués par des policiers.
Un appel pourtant soutenu par une centaine d’associations (LDH, Attac, Amnesty International, etc.) d’organisations syndicales (CGT, FSU, Solidaires et Unef) et politiques (FI, EELV et NPA). Et le tribunal administratif a validé, sans moufter, cette suspension des libertés d’expression et de manifestation.
«Darmanin nous infligeune double peine: après la mort de nos proches, il s’agit de nous invisibiliser, de nous réduire au silence»
De quoi susciter une bronca chez les organisateurs, qui avaient convoqué la presse, à quelques pas de la place de la République. «Nous étions pourtant allés très loin dans la conciliation en proposant de nous contenter d’un simple rassemblement, mais le gouvernement n’a rien voulu savoir, dénonce Omar Slaouti, l’un des porte-parole de cette coordination. C’est une double peine que Darmanin nous inflige: après la mort de nos proches, il s’agit de nous invisibiliser, de nous réduire au silence, alors que, pour des raisons que chacun comprendra aisément, il n’est pas question d’aller à la confrontation avec la police avec notre coordination qui rassemble des enfants, des parents et des grands-parents. »
Avant de se replier pour un meeting dans un gymnase, plein comme un œuf, du XX e arrondissement, ouvert en urgence pour l’événement par la mairie, une dizaine de représentants des collectifs témoignent devant les journalistes.
Sur les pancartes, ils réclament l’interdiction des techniques d’interpellation les plus dangereuses et même létales qui sont, pour certaines, interdites dans les pays européens ou aux États-Unis : plaquage ventral, clé d’étranglement, « pliage », etc.
À travers leurs récits, beaucoup dénoncent un traitement post-mortem indigne des victimes de violences policières. «Mon frère a été lynché par la police, puis il a été déshumanisé par l’institution judiciaire», dénonce ainsi Fatou Dieng, sœur de Lamine Dieng, mort au cours d’une interpellation en 2007 à Paris.
En plus de la suppression de l’IGPN, qui doit, selon eux, être remplacée par une «instance de contrôle indépendante de la police»,tous réclament en chœur l’abrogation immédiate de l’article L. 435.1 du Code de sécurité intérieure, introduit dans la loi de 2017 par Bernard Cazeneuve et qui permet aux agents de police et aux gendarmes d’utiliser leurs armes à feu notamment dans les cas de refus d’obtempérer. «Nous refusons d’obtempérer face au racisme de la police et du gouvernement»,retourne Issam El Khalfaoui, le père de Souheil, abattu par un policier en 2021 à Marseille.
sur France 3 lundi 17 juillet 2023 est déprogrammé
Inédit en clair à la télévision, le film "Profession du père" réalisé en 2020 par Jean-Pierre Améris, sera diffusé sur France 3 lundi 17 juillet 2023 à 22:45.
L'histoire en quelques lignes...
En 1961, le jeune Émile, 11 ans, vit entre l'école et la maison, aux côtés de sa mère et de son père. Celui-ci est son héros. Et pour cause, il est un jour parachutiste, l'autre ceinture noire de judo, espion, ou encore fondateur et ténor des Compagnons de la chanson.
Avec son père, ils vont se lancer dans la résistance pour le compte de l'OAS. De multiples missions vont être confiées à l'enfant pour lutter contre l'indépendance de l'Algérie, et ce, jusqu'au projet d'assassinat du général de Gaulle.
Plein d'admiration, le gamin ne voit pas que son père est malade et qu'il le manipule.
Avec : Benoît Poelvoorde, Jules Lefebvre et Audrey Dana.
Déprogrammation :
En raison de la disparition de Jane Birkin, France Télévisions modifie sa programmation afin de rendre hommage à l'artiste. Le film "Profession du père" est déprogrammé. Pour en savoir plus, consultez notre article : Hommage à Jane Birkin sur France 2, France 3 et France 5
En froid avec Paris, Alger crée la surprise en généralisant l’anglais dans l’enseignement supérieur. Un projet sérieusement compromis par le manque de moyens.
L’entrée de l’Université Alger 3. Photo AFP
La décision a pris le système éducatif de court. Dans une note rendue publique le 1er juillet par le ministre algérien de l’Enseignement supérieur, Kamel Beddari, celui-ci enjoint aux chefs des établissements universitaires de se préparer, dès la rentrée 2023-2024, à opter pour l’anglais comme langue d’enseignement, en remplacement du français. Si le document ne précise pas les filières ni les modules concernés par cette injonction, il vise principalement les matières techniques et scientifiques, encore dispensées dans la langue de Molière. Les sciences humaines étant quant à elles généralement enseignées en langue arabe.
La mesure a surpris toute la communauté universitaire, bien que des formations au profit des enseignants aient été lancées dès septembre dernier. Dans chaque université, le ministre demande désormais à ces derniers de se constituer en équipes pédagogiques selon la matière ou le module, « et ce avant le départ en vacances », débutées au lendemain de l’annonce des autorités. L’enjeu est de taille : former 80 % des enseignants en un temps record. C’est dire la détermination du gouvernement pour mettre en application un projet qui ne revêtait a priori aucun caractère d’urgence.
Pas étonnant donc qu’aucun débat n’ait été lancé. Le pouvoir semble vouloir profiter de l’apathie qui frappe la société civile depuis l’épuisement du Hirak en 2021, afin de faire passer des projets pour le moins controversés. Les délais impartis aux enseignants pour se mettre à l’anglais sont-ils suffisants et réalistes ? Ces derniers sont-ils convaincus de cette évolution ? Quid des étudiants qui, pour la plupart, suivaient jusque-là leur cursus en français ? Autant de questions aux réponses sans contours, au grand regret de nombre d’enseignants.
Des signes de rejet
De leur côté, l’appréhension est telle que des remous ou des actions de protestation ne sont pas à écarter à la rentrée. Notamment à Béjaia, épicentre du Hirak en 2019-2020 et située en Kabylie, où la tendance générale penche au rejet de l’instruction ministérielle. Dans cette région, les universités utilisent presque exclusivement le français, y compris pour les sciences humaines, à l’exception du droit et des lettres arabes. Elles devraient donc être concernées par la réforme sur l’ensemble de leurs cursus. « Certains enseignants s’y opposent en considérant que l’usage de l’anglais dans nos universités doit se faire graduellement et doit être un projet à long terme, explique un professeur de mathématiques à l’Institut d’informatique de Bejaia qui a souhaité garder l’anonymat. D’autres jugent, à cause du manque de maîtrise de la langue, que l’enseignement en anglais est voué à l’échec. »
Les plus lésés dans cette histoire sont les étudiants concernés, qui ne commencent à apprendre l’anglais qu’au collège, avec un volume horaire des plus réduits. Eux doutent fort de pouvoir suivre les cours normalement. « C’est une grande absurdité ! lance Karim, étudiant en génie civil à l’Université Houari Boumédiene d’Alger. Déjà qu’on a de la peine à suivre les cours en français, on imagine mal comment on va s’adapter à la nouvelle situation… »
Si le sociologue Nacer Djabi estime que la généralisation de l’anglais exige des moyens qui sont loin d’être réunis pour l’instant, il nuance cependant : « C’est une bonne chose d’un point de vue stratégique, au vu de la place de cette langue universelle dans le domaine scientifique. » Il regrette néanmoins qu’en Algérie, la question des langues soit souvent « politisée », pointant l’absence de « consensus au sein des élites » et de débat au sein de la société.
Même appréhension dans certains cercles politiques. Pour l’opposant Samir Benlarbi, « la généralisation de l’anglais est somme toute nécessaire, mais il faut que ce soit bien étudié et planifié, loin de tout calcul géopolitique ou considération politicienne ».
Les injonctions ne suffisent plus
Or la décision est symptomatique des tensions agitant les relations franco-algériennes depuis la déclaration controversée en octobre 2021 du président français Emmanuel Macron descendant en flammes le « système politico-militaire » d’Alger. L’Algérie a aussitôt rappelé son ambassadeur en exprimant son « rejet de toute ingérence dans ses affaires intérieures ». Depuis cette date, les relations entre les deux pays n’ont cessé de se détériorer, ouvrant la voie à toutes les surenchères. En août 2022, le chef de l’État Abdelmajid Tebboune avait affirmé sa préférence pour l’anglais, « langue internationale », qualifiant au passage le français de « butin de guerre ». Cette année-là, en pleine crise diplomatique avec la France, le gouvernement décidait déjà de s’attaquer au français, en faisant interdire sans coup férir l’utilisation de la langue dans la documentation officielle de certains départements ministériels, comme celui de la Formation professionnelle et celui de la Jeunesse et des Sports.
Cette anglicisation antifrançaise menée au pas de charge s’était poursuivie en septembre avec l’introduction de la langue de Shakespeare dès la troisième année primaire. Certains pédagogues avaient initialement dénoncé une « idéologisation » de l’école et un choix « antipédagogique », car il fallait désormais que des élèves de 9 ans apprennent quatre langues en même temps. Outre l’anglais, le français, l’arabe et le tamazight sont enseignés dans toutes les écoles d’Algérie. Mais les voix dissonantes se sont vite tues.
Plus fondamentalement, la polémique révélait un profond clivage dans l’opinion publique entre ceux qui, plus nombreux et plus visibles sur les réseaux sociaux, qualifient la prévalence de la langue de l’ancien colonisateur d’« invasion culturelle » et ceux qui contestent la « défrancisation » au nom du pluralisme linguistique et de l’ouverture sur la modernité. Les partisans de cette thèse aiment rappeler que l’épouvantail de la « défrancisation » avait maintes fois été brandi par le passé, comme lors des manifestations du 22 février 2019, mais le pas n’avait jamais été franchi, signe que le gouvernement n’est pas conséquent dans ses décisions.
On se souvient que l’idée de remplacer le français par l’anglais dans l’enseignement supérieur avait été lancée en juin 2019, en pleine ébullition du Hirak. Des rumeurs, fortement relayées par les groupes dits « badissistes » (en référence à Cheikh Benbadis, fondateur de l’Association des ulémas dans les années 1930), avaient circulé sur des décisions qui seraient prises dans le sens d’une « défrancisation » de l’espace public. Elle sera suivie, deux mois plus tard, d’un ordre du pouvoir en place sommant tous les commerçants de respecter strictement l’usage prioritaire de l’arabe dans les enseignes, sous peine de sanctions administratives. Tandis que la décision n’a pas été respectée et qu’il n’y a pas eu de sanctions contre les contrevenants, cette expérience avait prouvé que les injonctions ne suffisent plus…
Comme les autres pays d’Afrique du Nord, l’Algérie voit arriver des migrants subsahariens, en transit ou pour y chercher du travail. Leurs conditions de vie et de séjour sont particulièrement difficiles, dans un climat marqué par la montée du racisme anti-noirs et les campagnes d’expulsions massives.
Sac à dos entre les jambes, la tête tenue par une main et le regard perdu, Sidi Yahia attend sa chance. Assis sur un escalier qui mène à une rue commerçante du quartier Safsafa, dans la banlieue sud d’Alger, ce Malien de 26 ans espère être choisi par un employeur. Autour de lui, le quartier rempli de commerces de matériaux de construction grouille de monde. À quelques mètres, en bas de l’escalier, deux ouvriers algériens attendent, eux aussi, une opportunité qui ne viendra probablement pas. Nous sommes fin avril, et le mois de ramadan tire à sa fin. Les ouvriers journaliers algériens et subsahariens se donnent rendez-vous sur des trottoirs ou carrefours, en quête d’une mission ponctuelle. Ils sont généralement sollicités par des citoyens qui construisent leur maison ou de petits entrepreneurs en bâtiment en manque de main-d’œuvre.
Le soleil est au zénith et l’approche de l’Aïd génère une certaine frénésie commerçante. Mais Sidi Yahia est préoccupé par autre chose : ce mois de piété pour de nombreux musulmans est celui de la clémence, mais pas forcément de l’abondance des offres d’emploi. Sans doute saignés par les dépenses liées aux festivités et à l’inflation qui touche l’économie algérienne depuis de longs mois, les employeurs se font rares. Malgré un manque cruel en main-d’œuvre dans certains domaines, comme le bâtiment et l’agriculture du fait d’une aversion croissante pour les métiers difficiles (un fait aggravé par la mise en place d’une allocation chômage par le gouvernement algérien), les immigrés subsahariens ne profitent pas des déséquilibres importants sur le marché du travail. La législation n’encourage en effet pas le recrutement d’une main-d’œuvre étrangère.
AU MALI, « NOUS RISQUONS DE QUITTER NOS MAISONS À TOUT MOMENT »
Dans un français correct, Sidi Yahia, vêtu d’une élégante veste noire qui laisse apparaître une belle montre, raconte que malgré sa polyvalence — il est à la fois peintre, manœuvre et parfois maçon — « il y a des jours où je trouve du travail, d’autres non. C’est vraiment aléatoire […] J’ai travaillé durant de longues semaines, avec mon frère, chez quelqu’un. Mais cela n’a pas duré plus que ça ». Il explique que son rêve est de « monter une petite affaire » avec l’argent gagné en Algérie.
S’il s’en sort mieux en Afrique du Nord que dans son pays, ce jeune homme originaire de Segou (sud du Mali) ne gagne pas des fortunes. « Je gagne entre 1 500 et 2 500 DA [entre 7,5 et 16 euros] par jour. » C’est en gros conforme à ce que gagnent les ouvriers algériens journaliers pour un temps plein, ce qui permet de générer un revenu trois fois supérieur au SNMG, le salaire national minimum garanti qui est d’environ 100 euros par mois. Mais comme pour la majorité écrasante des journaliers, Diarra n’a pas droit à la couverture sociale. Ni lui ni ses employeurs ne cotisent aux organismes de la sécurité sociale, et cela lui suffit juste pour vivre.
ulter les difficultés liées à la situation administrative de Sidi Yahia. Pour arriver jusqu’à Alger, il a dû suivre les chemins tortueux du désert : « J’ai parcouru les 4 000 km qui relient Segou à Alger en 4 à 5 jours. Un camion m’a déposé d’abord à Gao, puis un autre m’a conduit jusqu’à la frontière algérienne, à Timiaouine. De là, j’ai rejoint Tamanrasset, puis Alger », détaille notre interlocuteur qui atteste que comme une bonne partie des convois transportant des migrants subsahariens, le sien n’a pas été intercepté par les autorités algériennes. Il est ainsi arrivé à Alger le 15 juin 2015. Sept ans après, il reconnaît avoir eu de la chance puisque c’est son frère qui s’était occupé des frais de voyage. « Il a dû payer environ 300 euros aux passeurs », admet-il.
S’il a quitté son Mali natal, c’est pour échapper au conflit : « Je travaillais comme éleveur pour aider ma famille, mes parents aujourd’hui décédés, ma belle-mère et mes frères et sœurs. Mais depuis 2012, le début de la guerre a tout changé. La situation était devenue dangereuse ». Son frère Soleimane, 35 ans, était déjà à Alger où il avait ses habitudes. Le rejoindre était la seule option possible pour lui. « Les groupes armés s’attaquaient au bétail. Puis, la sécheresse est venue aggraver la situation », se désole encore l’ouvrier.
Le Mali vit depuis son indépendance au début des années 1960 au rythme des coups d’État, une instabilité politique chronique à l’ombre de laquelle prolifèrent des groupes armés en tout genre : djihadistes, bandits, trafiquants d’armes et de drogues. À cela s’ajoute la sécheresse qui rend toute activité agricole difficile et alors que tout investissement est périlleux. « Il existe des eaux souterraines. Mais l’insécurité fait qu’on ne peut rien investir. Nous risquons de quitter nos maisons à tout moment » affirme-t-il. Quant à l’idée de rester au Mali pour travailler dans le bâtiment, « il ne faut pas rêver ». Non seulement les emplois ne sont pas disponibles, mais les salaires sont tellement réduits qu’ils n’assurent pas le minimum de vie décente.
« MON RÊVE ÉTAIT DE VENIR ICI »
Assis sur le bord d’une barrière d’un carrefour d’une voie express menant de Ain Naadja (banlieue sud d’Alger) à Blida, Ahmed n’a pas la chance de Diarra. Ce Nigérien de 21 ans, venu de la région de Zinder, vit au jour le jour. Ses vêtements usagés, presque crasseux et les claquettes en lambeaux qu’il porte ce jour de mai en disent long sur son état. Pour réunir la somme nécessaire à son voyage algérien, il a dû travailler dur dans son pays et emprunter de l’argent : « Mon rêve était de venir ici », dit-il d’un verbe hésitant, dans un français à peine compréhensible, alors que nombre d’Algériens rêvent d’un ailleurs en Europe.
Les premières chaleurs de l’année ont déjà commencé à écraser le ciel algérois, mais n’empêchent pas des dizaines de jeunes subsahariens, essentiellement venus du Niger, de se tenir prêts, en quête d’une opportunité de travail ou d’un repas offert par des bienfaiteurs. La simple vue d’une voiture qui s’arrête provoque un attroupement. Ce jour-là, Ahmed n’a pas trouvé de « boulot », et la semaine a été à l’avenant. Alors, en attendant un hypothétique recruteur, il discute avec ses amis. « Je suis content d’être ici », s’efforce-t-il d’avancer en arabe algérien, sans doute pour gagner notre sympathie. La discussion est difficile, d’autant qu’en plus du handicap de la langue, l’attroupement provoqué par notre présence risque d’attirer l’attention de la police.
DES ABRIS DE FORTUNE À LA PÉRIPHÉRIE DES VILLES
Le chemin d’Ahmed ne ressemble pas à celui de Sidi Yahia. Les deux jeunes hommes partagent pour partie les mêmes raisons pour s’exiler. Le Malien a fui la guerre en plus de conditions économiques très difficiles. Pour le Nigérien, la faim, le chômage et le dénuement demeurent à l’origine de son départ du pays, rendant eux aussi la vie quasi impossible. Dans la région d’origine de ses parents, la terre est infertile. Le chômage atteint des sommets et les occasions d’embauches se raréfient
Malgré leurs bonnes volontés et contrairement à leurs rêves de départ, ces jeunes subsahariens ne vivent pas dans l’eldorado fantasmé. Comme la majorité de ses semblables, Ahmed dort dans des chantiers où s’entassent des dizaines de jeunes étrangers, arrivés récemment en Algérie. Souvent, les seuls mobiliers disponibles sont des matelas poussiéreux. Les sanitaires, lorsqu’ils sont disponibles, se trouvent à l’extérieur, et les occupants sont obligés de chercher les rares points d’eau extérieurs disponibles, créant des points de rassemblements qui les rendent visibles. C’est d’ailleurs cette précarité sanitaire qui permet souvent à la police d’interpeller les groupes d’immigrés dans le but de les renvoyer chez eux.
Ces dernières années, certains étrangers ont créé des camps de fortune dans la périphérie des villes où s’entassaient des milliers de personnes dans des conditions d’hygiène épouvantables. Ces bidonvilles ont été démantelés par les autorités et leurs occupants renvoyés dans leur pays. C’est le cas d’un taudis bâti à Hasnaoua, dans la banlieue sud de Tizi-Ouzou. Ahmed, directeur d’une entreprise à Alger, se souvient du temps où il devait passer par ce regroupement, crée dans un terrain vague. « Il n’y avait pas de toilettes ni d’eau courante. Les migrants faisaient leurs besoins à même le sol. L’odeur était devenue insupportable », raconte-t-il avec un sentiment où la pitié pour ces desperados se mêle à la recherche d’une solution politique au phénomène de l’immigration clandestine. Le camp a fini par être démantelé par les autorités.
Une fois encore, Sidi Yahia est plus chanceux. Son frère aîné Soleimane, convenablement inséré économiquement, a loué un appartement à Birkhadem, à une dizaine de kilomètres au sud d’Alger. En plus de sa femme et leurs deux enfants, il héberge son jeune frère qui a donc un toit et l’accès à des repas réguliers. Leur maison dispose du nécessaire : de l’eau courante, de l’électricité et du gaz, en plus d’être bien située, proche des axes et opportunités d’emploi, mais aussi de crèches ou écoles privées. C’est là un indéniable luxe pour des immigrés qui se plaignent souvent de la difficulté d’accéder à des prestations de base, à cause notamment de l’absence de documents nécessaires à leur établissement dans le pays.
DES EXPULSIONS MASSIVES
Alors que des médias occidentaux et subsahariens rapportent souvent des cas d’expulsions massives de migrants subsahariens1 Sidi Yahia semble plus au moins épargné. Mais à quel prix ? « Je n’ai ni permis de travail ni carte de séjour. C’est intenable ». Il nous montre son passeport. Pour entrer en Algérie, il n’a pas besoin de visas, mais, afin de demeurer en règle, « tous les trois mois, je dois quitter le territoire pour avoir le cachet de la police aux frontières sur mon passeport. Je fais souvent un aller-retour Alger-Niamey ou je sors par la frontière tunisienne. À chaque retour, je peux donc rester trois mois. Cela me coûte de l’argent et du temps », explique calmement Sidi Yahia. Il poursuit en affirmant qu’il lui est impossible de stabiliser sa situation administrative : « Mon seul rêve est de travailler légalement, ici, en Algérie. Je veux payer mes impôts mes cotisations sociales et bénéficier des prestations dont peuvent bénéficier les Algériens. Maintenant, si je tombe malade, je ne peux pas aller à l’hôpital ». Il raconte le jour où ce cachet sur son passeport, preuve de sa légalité malgré tout, l’a sauvé. « Une fois, j’ai été arrêté lors d’une rafle de la police. On m’avait enlevé mon téléphone portable. Mais quelques heures après, j’ai été relâché après avoir montré mon passeport. »
Évidemment, ces défis quotidiens, tant économiques qu’administratifs, ne concernent pas seulement Ahmed et Sidi Yahia. « On relève une tendance à la baisse des travailleurs migrants en situation régulière et une hausse sensible des travailleurs étrangers sans aucune couverture sociale. L’intégration économique des migrants en situation irrégulière exerçant dans l’économie informelle est désormais un défi constant », relève une récente étude menée par le Centre de recherche en économie appliquée en développement (CREAD), basé à Alger, qui s’intéresse à la question migratoire dans le pays d’Afrique du Nord.
ABANDONNÉS DANS LE DÉSERT ?
Grâce à des accords passés avec les pays subsahariens, notamment le Niger, l’Algérie renvoie chaque année des centaines de migrants. Parfois, des journalistes sont invités à couvrir ces opérations à partir des centres de regroupement installés dans plusieurs villes du nord, puis dans un grand camp « doté de toutes les commodités » à Tamanrasset, dans l’extrême sud. Des médias ont évoqué récemment des expulsions massives et citant des ONG, ils ont décrit des migrants « laissés » dans le désert, à la frontière nigérienne. Le 22 juin 2023, l’AFP citant des ONG, a fait état de plus de 9 000 migrants renvoyés d’Algérie et bloqués à Assamaka, dans le nord du Niger, depuis le début de l’année. Selon les autorités régionales d’Agadez, 9 192 migrants (8 828 hommes, 161 femmes, 152 garçons et 51 filles), la plupart originaires d’Afrique subsaharienne, sont arrivés à Assamaka depuis le début de l’année. En réponse, les autorités ont toujours affirmé pratiquer un « traitement humain » des migrants. Mais récemment encore, en écho aux discours diffusés par exemple par les autorités tunisiennes, elles ont accusé des « parties extérieures » d’inonder le pays de migrants2.
Durant de longues semaines, nous avons tenté de contacter le ministère de l’intérieur, l’Organisation internationale de la migration (OIM) et des associations d’aide aux migrants. Nous n’avons reçu aucune réponse.
ALI BOUKHLEF
Journaliste algérien indépendant, a travaillé pour les quotidiens Liberté et Al Watan.
Entre l’Algérie et le Niger, la prison à ciel ouvert d’Assamaka
Depuis 2014, l’Algérie multiplie les expulsions vers le Niger de migrants subsahariens dans des convois plus ou moins officiels, et sans aucune humanité. Abandonnés dans le désert, ils doivent marcher plusieurs heures pour atteindre le village d’Assamaka, où, livrés à eux-mêmes, ils survivent comme ils peuvent.
e Hirak est l’expression d’un puissant désire d’indépendance du peuple vis-à-vis des tenants du pouvoir.
La nuit de la Toussaint, une poignée d’Algériens a sollicité le destin et a bravé le danger pour lancer une révolution nationale. Pour libérer le pays de la longue nuit coloniale. Enfants nés hors de cette période, nous n’avons de mémoire que pour la suite : après l’indépendance, l’Algérie plongée dans une lutte implacable pour le pouvoir. Ici, récit d’une épopée révolue.
De brefs souvenirs. Quelques bribes. L’intrusion de soldats en armes dans la hara de Langare. Cris. Peur. Panique. Menaces. Bruits de bottes. Armes bien en vue. Mères éplorées. Pères hagards. Enfants hébétés. J’eus sûrement peur ce jour-là, mais je ne saurais dire si j’avais conscience de ce qui nous arrivait alors. Le tragique de la situation était accentué par la misère que vivaient nos parents. Leur malchance était liée aux pénibles métiers du bâtiment. A leur inculture également. Ils ne s’expliquaient pas leurs tribulations dans un pays qui était le leur.
Pourquoi, se demandaient-ils, s’ingérait-on ainsi dans notre vie ? Paisibles nous sommes, et nous le resterons. Parmi nous, rares étaient ceux qui pouvaient comprendre les aberrations du système colonial. Infime minorité, à vrai dire.
Quartier de Langare. Des maisons sommairement construites et réparties à l’intérieur en chambrées où nous nous entassions en familles. Les briques en toub, en terre, étaient visibles à l’œil nu. Une architecture sommaire.
L’urbanisme ? Un luxe. Autour, la désolation comme au douar des Ouled Mosly où naquit et vécut ma mère. Des terrains vagues baptisés Châaba. Littéralement lieux déserts où souvent gisaient les immondices et où erraient les chiens sans maîtres. Et où nous allions jouer au ballon, faute de terrains adéquats ; c’était là que nous vidions nos querelles en bagarres sous la houlette d’un arbitre improvisé. Gare au perdant car s’il rentrait le nez en sang ou l’œil tuméfié et les vêtements déchiquetés ou simplement en poussière boueuse, il avait affaire à son paternel qui ne manquait pas là l’occasion de lui administrer la raclée de sa vie…
Nous vivions à la périphérie de la ville. Mais pas seulement. A l’ombre des sombres heures de la guerre de Libération. Surtout pour nos parents, le jour exploités dans les chantiers et la nuit suspects de rébellion dans leur propre pays. Par moments, il leur arrivait d’en faire amèrement les frais car ils étaient conduits sans ménagement, manu militari, à la sortie de la ville, dans un stade pour y rester la journée, exposés en masse sans nourriture ni eau… De pareils souvenirs dormaient agités dans nos mémoires qui méritaient mieux… Pauvres pères…
Des bruits de bottes insistants dans la courette. Des torches allumées dans l’obscurité régnante qui ajoutait à la terreur des femmes déjà au paroxysme de la peur.
La soldatesque franchissait brutalement et sans crier gare les portes de ces maisons. Avec force cris et gesticulations pour effrayer encore plus les paisibles occupants dont certains dormaient déjà. Comme à la campagne. Figés comme des statues devant leurs seuils, nos parents étaient souvent rudoyés et, sans retenue, copieusement insultés et roués de coups. Il fallait qu’ils avouent quelques délits et crimes, forcément commis à l’endroit des gaouris ; en tous cas, ils devaient coopérer avec l’administration coloniale appuyée par la force des baïonnettes en vue de dénoncer quelques fellagas, ces coupeurs de routes, embusqués quelque part dans les recoins de ces quartiers malfamés où la population européenne bien née ne rêvait mettre le pied.
Ces descentes policières effectuées par des militaires laissaient les uns et les autres, femmes, enfants et hommes, dans un état d’immense détresse psychologique à telle enseigne que les langues se déliaient durant de nombreux jours après pour les évoquer à la seule fin de conjuration.
Ce qui explique sans doute que nos jeunes consciences en éprouvaient une sainte répulsion. On installa en nous une peur que seul le temps réussit à nous en débarrasser. Nos princes s’en inspirèrent hélas après l’indépendance. Terroriser un peuple pour le dominer faisait alors partie de la panoplie des occupants indus du pouvoir ; comment devait-on alors espérer fraterniser avec la population tout occupée à digérer ses peurs et qui, vaquant à ses affaires, flirtait avec l’indigence quotidiennement renouvelée ? C’était pure illusion.
Pourtant, le Viêtnam a été l’occasion de mesurer les limites de pareille politique. Avec Dien Bien Phu. Il est vrai que le général Giap a pu dire depuis que le colonialisme est un mauvais élève…
De Langare, je ne garde que ce douloureux et vague souvenir. Avec dépit. Une trace a échappé au temps, une photo avec mon vénéré père. La seule. Debout tous les deux, près de la maison qui me vit naître. Tout autour, la Châaba, elkhla, oualou, nada, niente, rien. Autant dire le néant. Le vide sidéral.
C’étaient les banlieues d’alors, où nous étions recalés tels des cancres. Nos mères n’en sortaient quasiment jamais. Nos pères si, pour aller dans les chantiers vendre leur force de travail. Pour un salaire de misère, payé à la quinzaine. De quoi reconduire le quotidien vécu à la force du poignet.
Mon père habillé d’un semblant de costume sombre et coiffé d’une kachta enroulée autour du chef. Me tenant contre lui, les cheveux luisants au soleil, je portais de pied en cap un habit tout en blanc, avec une paire de sandales. C’était probablement l’été.
De Langare, nous déménageâmes à El-Combatta, Les Combattants, quartier inséré dans la ville en une suite de villas qui appartenaient alors aux Roumis. Le must alors en matière d’habitat. Quant à nous, autochtones et indigènes, nous étions logés à la même enseigne que beaucoup d’autres Djazaïris, c’est-à-dire de façon sommaire. Vu les revenus d’alors, nous avions droit à une chambrée dans une grande maison dont le propriétaire, Kaddour, passait avec un guide, du fait de sa cécité, pour réclamer son loyer. Gare aux retardataires car les menaces d’expulsion étaient à portée de parole. La sévérité n’était pas le moindre de ses caprices. Dieu lui pardonne.
La vie y était réglée de la façon la plus traditionnelle, les femmes à la maison — occupant le dedans — et les hommes vaquant aux affaires du dehors. Il y avait là, parmi nos voisins immédiats, Mohammed Leqbaïli, appelé ainsi du fait de ses origines berbères, et sa femme Fatma. Elle ne revit son époux que quelques années après l’indépendance du pays si bien qu’elle vécut seule avec ses deux petits-enfants. Et une anecdote ô combien douloureuse me revient à l’esprit. Je la revois assise près de la porte de sa piaule en train de me quémander un quelconque service lorsqu’un homme cria dès le seuil de la porte d’entrée principale, comme de coutume alors, «étrig» pour libérer la route, et de s’engouffrer dans le long corridor de la maison collective où nous logions tous.
Comme les femmes mariées ne devaient pas se laisser voir, elle ferma précipitamment sa porte alors que j’avais mes doigts posés sur la porte entrouverte si bien qu’elle se referma brutalement sur mes doigts. Je sautais au plafond de douleur ; mes doigts en furent ensanglantés. Je vous laisse imaginer les pleurs à chaudes larmes versés ce jour-là du fait d’el hechma, la honte d’être vue par un autre homme.
Nous échouâmes donc dans une grande maison appelée alors hara datant de l’ère coloniale. Composée de petites chambrées, elles firent à l’époque le bonheur du bailleur qui les louait à des familles dont le dénuement se mesurait à l’œil nu. Guère d’espace.
A l’entrée, plusieurs petites pièces sur une rangée bordée par un couloir d’à peine un mètre. Hygiène exécrable. Pour une dizaine de familles, parents et enfants, un cabinet de toilettes infect et infesté de souris. Promiscuité imposée. Les gens ne pouvaient avoir quasiment pas d’intimité. Fenêtres minuscules. Certaines chambres avaient des murs aveugles, l’aération étant un luxe. Quatre murs et un sol en ciment. C’est à peine exagéré de qualifier ces chambres de cellules. Juste de quoi loger la plèbe.
Au bout de ce couloir, sorte de tunnel non éclairé, une courette avec d’autres chambres en carré. Identiques dans leur conception que celles du couloir. En l’absence des maris, la petite cour servait aux femmes de lieu de rendez-vous où certaines d’entre elles se retrouvaient pour deviser. Claustrées comme dans un harem. Que de fois, il m’arrivera de les découvrir en train de faire la chasse aux souris échappées de la petite pièce d’un mètre servant de salle d’eau dont la porte fermait mal. Heureusement, quasiment juste en face de notre hara, il y avait un hammam… A même la cour, un semblant d’escalier menait à l’unique étage où le propriétaire de céans dressait parfois ses quartiers lorsqu’il lui arrivait de visiter ses locataires, souvent pour les tancer à cause de loyers impayés. Avec force menaces…
Durant la guerre de Libération nationale, tel est l’espace qui a servi d’univers à toute une flopée de familles qui espéraient exister. Survivre fut le credo quotidien de ces familles. Bien des querelles ont jonché cette promiscuité. Souvent pour des broutilles. C’était une manière de penser son existence. De panser cette blessure sociale vécue d’emblée dès l’indépendance. Occupés à vaquer à leur profession, les hommes échappaient à ces rixes anodines mais riches de quelques vocables dont enfants nous aurions souhaité nous passer.
Plus tard, après la cruelle guerre de 7 ans. En face de notre hara, quelques familles avaient pu prendre possession de maisons. Des biens vacants comme elles furent désignées officiellement.
Plus tard, j’appris que nombre d’entre elles étaient des familles de chahids, martyrs de l’indépendance. Et perpendiculairement à notre ruelle, un quartier tout en villas les unes contiguës aux autres. Elles étaient occupées précédemment par des Gaouris qui devaient être fonctionnaires, enseignants… La classe moyenne sans doute qui, les fins de semaine d’été, ouvraient toutes grandes les fenêtres d’où s’échappaient musique et rires. Joie de vivre dont nous étions sevrés.
Bannis. Handicapant que cette situation dont gamins nous ne comprenions ni les tenants ni les aboutissants. Et pour cause, nous guettions attristés nos géniteurs patentés tous les soirs au retour de leur travail harassant. Nous espérions la clé qui nous ouvrirait les joies de l’enfance, la nôtre étant maudite. Quasiment, aucun de nos parents n’échappait un tant soit peu à la dure condition de forçats des chantiers ; beaucoup de familles végétaient ainsi.
Il est vrai cependant que la colonisation est une page sombre dans l’histoire mondiale. Singulièrement celle de l’Europe. Comment pratiquer l’amnésie ? Comment la mémoire collective algérienne pourrait-elle effacer cette page ? Comme on a coutume de le dire : l’amnistie n’est pas l’amnésie. Le devoir de
mémoire subsiste dans les consciences de générations entières nées avant comme après l’indépendance. Si le Président Mitterrand a pu estimer que l’Etat français et la République française ne sont pas responsables de Vichy et n’avait pas à faire d’excuses, son successeur, le Président Chirac, l’a fait. Mais ni ce dernier, ni ses successeurs n’ont voulu présenter aux Algériens la moindre excuse au nom de la France officielle. Encore moins une juste réparation. Ce que les Canadiens et Australiens officiels ont fait.
Il est en effet loin le temps où la France découvrait l’or dans les caves de La Casbah d’Alger où était entassé un butin estimé, nous dit-on, à plus de cinq cent millions de francs de l’époque, l’équivalent sans doute de quelque quatre milliards d’euros. D’aucuns pensent que le trésor de la Régence d’Alger devait servir à Charles X pour corrompre le corps électoral. Déjà Alger était à l’origine de bouleversements politiques en France. Semblerait-il, ce trésor a profité à des militaires, des banquiers et des industriels, les Seillière et les Schneider, outre à Louis Philippe. Mais l’or d’Alger servit également au développement de la sidérurgie française. Quels résultats et quels produits pour nous indigènes ?…
Ainsi, pour mon père, véritable damné des chantiers, payé à la quinzaine. Souvent endetté auprès de notre épicier attitré, Hamma. Ma mère m’envoyait systématiquement chez lui pour moult courses : dix douros de sucre, dix douros de café, quinze douros d’huile… C’était la chanson de mon enfance. Je répétais la quantité et le nom des denrées voulues par ma mère le long du trajet.
Avec sa bonne bouille, Hamma ne manquait jamais l’occasion de sortir son stylo pour ses additions. « Tu diras à ton père de passer demain pour me régler, sinon plus de crédits », disait-il.
Il était notre créancier, mais aussi un peu notre sauveur car sans lui, il était difficile de boucler les fins de mois au vu des maigres salaires de nos parents. Certains étaient toutefois mieux lotis que nous. Surtout que, les mères vaquant aux affaires domestiques, les pères échappaient aux draconiennes contraintes des chantiers. Si bien qu’il leur arrivait de sortir parfois avec un fruit à la main. Suprême bonheur pour un gamin d’alors…
Durant la guerre de libération nationale, la vie de nos parents fut des plus laborieuses. Après l’indépendance, elle le fut hélas tout autant. Leur indigence était de plus adossée à un analphabétisme alors endémique.
Ajoutez à cela les tracasseries coloniales et vous aurez en face de vous des gens continuellement écrasés par leur destin. Un quotidien implacable. Beaucoup de voisins, d’amis et de parents vivaient ainsi, il est vrai. D’où leur propension à tout miser sur leur progéniture. Chacun d’eux rêvait d’un destin exceptionnel pour ses enfants. A tort ou à raison, l’école fut alors considérée comme l’idéal tremplin pour éliminer tous obstacles afin d’arriver à se construire une place dans la société. Une sorte de revanche sur le sort qui a été le leur.
L’école fut sans doute notre planche de salut. Nos pères espéraient énormément nous voir grandir dans un milieu plus prospère que le leur. Il est vrai aussi que moult familles, nos voisins immédiats, comptaient nombre d’enfants.
Familles nombreuses dont les enfants de certaines d’entre elles ne dépassèrent hélas pas le niveau d’études primaires. Confiés souvent à la rue, notre éducation en pâtit. Du moins pour certains d’entre nous. Libération nationale. Libération sociale, culturelle, économique, politique. Cette révolution tarde après celle nationale.
Que de défis encore pour s’affranchir du sous-développement. Après l’indépendance du territoire national du joug colonial, esprit de Novembre es-tu encore là ?
Ammar Koroghli
Ammar Koroghli
*Poète (« L’Abc et le Alif »; « Sous l’exil l’espoir »), nouvelliste (« Les menottes au quotidien » ; « Mémoires d’immigré ») ; essayiste (« Institutions politiques et développement en Algérie »). Avocat.
Un Algérien se souvient du 5 Juillet 1962, fête de l’indépendance nationale, un jour indélébile de la mémoire algérienne. Mais enfin, comment en est-on arrivé là ? Et à quel prix ? Du 5 juillet 1830 au 5 juillet 2023 : de la prise d’Alger au 61e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie.
Le 5 juillet 2023, l’Algérie célèbre son 61e anniversaire de l’indépendance. Fanfares, défilés, parades, concerts et feux d’artifice sont prévus dans chaque grande ville d’Algérie. Une date hautement symbolique sous le signe de l’unité nationale, mais qui ne doit pas faire oublier ce passé «chargé» de faits et méfaits d’une colonisation française extrêmement violente. Après des décennies d’humiliations, de bouleversements et de répressions sanglantes, l’heure de l’indépendance est à la joie indélébile et au bonheur d’une nouvelle renaissance qui reviennent de droit à ses vrais habitants, les Algériens.
L’Algérie, qui depuis l’Antiquité a subi et supporté toutes les dominations et occupations possibles, devient un Etat indépendant le 5 juillet 1962, un jour indélébile de la mémoire algérienne qui ne ressemble à aucun autre, magique et inoubliable. Dans mes souvenirs d’enfance, c’est une alternance de fêtes et de moment de tristesse et de deuil pour les disparus sans sépultures où nos chouhada sont en quelque sorte encore présents. La joie : mon père et mes deux frères venaient d’être libérés. Le deuil : un parent proche sans sépulture, «disparu» durant la Bataille d’Alger. Mémoire et reconnaissance en ce jour magique sur l’admirable courage des familles de chouhada, des femmes violées, des martyrs des «enfumades», des rescapés des camps de regroupements, des enfants de disparus, des enfants nés sous X, des irradiés de Reggane…
L’indépendance nationale, mais à quel prix ?
Le passé est encore douloureux, cimenté dans nos mémoires collectives, les blessures béantes et les cicatrices indélébiles toujours pénibles sont présentes à ce jour. J’étais un jeune Algérien âgé de 12 ans à l’époque ; je me souviens de ce jour magique que je ne pourrai jamais effacer de ma mémoire.
Le 5 juillet 1962, un climat de liesse règne, notre immeuble à La Casbah d’Alger s’est vidé pendant une semaine. Tout le monde était dehors. Les gens ne dormaient pas, ne mangeaient pas, ne travaillaient pas, de jour et de nuit. A Climat de France, chez ma sœur, avec mes neveux, on repeignait les murs et façades d’immeuble en blanc, puis on ajoutait des inscriptions «Vive l’indépendance», «Tahia El Djazaïr»… Je me déplaçais aussi partout dans les rues d’Alger, sur les capots de voiture, criant ma joie. Je me suis blessé, j’ai perdu deux dents en tombant de l’arrière d’un camion à la rue de la Lyre. Ce moment est cimenté dans ma mémoire. Quand j’y pense, aucune citation ou émotion ne peut le résumer.
Un jour magique : c’est une journée qui ne ressemble à aucune autre. En ce 5 Juillet 1962, l’Algérie fête, dans la frénésie, l’indépendance que doit proclamer le soir-même le général de Gaulle. Cent trente-deux ans de colonisation jour pour jour après la prise d’Alger par les Français… Hommes, femmes et enfants défilent dans les rues, au cri de «Vive l’Algérie indépendante», vêtus de leurs habits de fête, drapeaux du Front de libération nationale (FLN) au vent. C’est un événement que l’on ne vit qu’une fois. De tous les villages, toute la population venait, les hommes, les femmes de tous âges. Ils dansaient, ils chantaient. On se rencontrait, on criait. C’était l’euphorie.
La population goûte à la liberté retrouvée, les combattants de l’Armée de libération nationale (ALN) paradent dans les rues, les exilés préparent leur retour et les chefs politiques s’apprêtent à endosser le costume de gouvernants. Avec l’indépendance, arrachée après plus de sept années de guerre et la victoire du «oui» au référendum du 1er juillet, sonne l’heure de la délivrance. Tandis que les adultes emménageaient dans les appartements laissés vacants, les gamins s’adonnaient au pillage des magasins.
C’est un peu comme si tous les habitants du 93 s’installaient sur les Champs-Elysées. Il faut imaginer les boutiques laissées à l’abandon… Je me suis d’ailleurs allégrement servi pour jouer au Robin des Bois. De Bab Azzoun, j’ai ramené des rouleaux de tissus que j’ai offerts à toutes les voisines de notre immeuble. Les bijouteries étaient vides ! Tout le monde se servait. Tout le monde était content.
La plus grande joie a été le retour à la maison de mes deux frères. Ils rentraient sains et saufs chez eux, dans un pays libéré, après avoir été incarcérés dans la prison de Serkadji et condamnés à mort. J’avais 12 ans, cette nuit du 5 Juillet 1962, la grande surprise et beaucoup d’émotion, c’est le retour mes frères Mohamed et Laadi, condamnés à mort, ils ont été libérés. De la prison Barberousse, à une demi-heure de notre domicile du 24, rue Randon (actuellement rue Amar Ali), ils sont arrivés la nuit accompagnée d’au moins une dizaine de prisonniers libérés et ne sachant où dormir, le temps de passer la nuit puis de rejoindre leurs familles.
Ma mère leur a préparé des cafés et des boissons. Tout le monde dans notre immeuble criait et pleurait de joie, les femmes lançaient des youyous stridents. Ils sont venus voir et félicité ces hommes qui ont donné leur vie pour l’indépendance de l’Algérie. Les voisins frappaient continuellement à notre porte pour embrasser mes deux frères. C’était la joie des retrouvailles, des pleurs, des rires, des moments inoubliables cimentés dans ma mémoire. Les hommes fatigués parlaient sans cesse, dansaient, chantaient et refusaient de dormir.
Le lendemain, mon frère Mohamed est parti rejoindre ses amis de La Force locale, en l’occurrence le Commandant Azzedine, le capitaine Nachet et les frères Oussedik. Une nuit inoubliable, magique, bien cimentée dans ma mémoire de jeune Yaouled. Pendant leur absence, des armes et de l’argent étaient dissimulés sous le lit de mes parents. Je me rappelle, j’étais avec mon frère Mohamed à un siège de la Force locale, j’ai pris un revolver dans un appartement à Diar Djamaâ que j’ai caché dans mon cartable.
C’est un local où il y avait des grenades, des revolvers et plein de munitions. En fait c’était un dépôt de munitions de la force locale. Mon neveu Faouzi a pris une grenade, puis après je ne sais pas s’il l’a donnée à quelqu’un. Ce revolver je l’avais toujours lors des manifestations du 5 Juillet 1962 caché dans mon cartable lors de la rentrée scolaire en 6e au lycée Guillemin, devenu plus tard lycée Okba. Puis de peur je l’ai jeté dans une des rues de La Casbah.
Pendant ce temps-là, la fête battait son plein. Avec des copains armés, on a tourné dans les quartiers européens, sur les capots des voitures, en criant de joie «Tahia El Djazaïr». D’ailleurs, je me suis blessé en tombant d’un camion rue de la Lyre. Le 5 juillet 1962 restera pour moi une fête inoubliable. Historique cette ambiance festive, cimentée dans ma mémoire. Même avec la bouche en sang et deux dents cassées. Sur les capots des voitures, des jeunes filles bien habillées brandissaient des drapeaux.
Cette fête est inoubliable, cette ambiance festive…
Des cris de joie, des larmes et des youyous dans les villes, villages, douars et quartiers d’Algérie. Des dizaines de milliers de femmes, d’enfants et d’hommes ont chanté et dansé sur les places d’Alger et au square Port Saïd transformé en piste de danse. Fanions, guirlandes et drapeaux vert et blanc avec l’étoile et le croissant rouges envahissent les rues. Des enfants bien habillés portent des tenus de fête tricolores, assis sur des charrettes à vélo et plus souvent du haut des camions ou sur les capots de voitures criant «Tahia El Djazaïr», en frappant des mains, chantant et dansant...
A défaut de camions, parfois accrochés à des lampadaires, des arbres, parapets et balcons, occupés par des grappes de gens. Le drapeau algérien est fièrement déployé aux fenêtres. Les femmes vêtues de blanc, sans la petite voilette (adjar), poussent des youyous dans les rues. C’est du jamais vu dans l’histoire de l’Algérie. Les villes sont envahies par la foule et les klaxons des voitures. La joie éclate, le bruit et l’excitation extrême, des évanouissements dus à la chaleur du mois de juillet, des cris, des enfants errants, perdus. Et ça durait comme ça des jours et des jours.
Le 5 Juillet 1962 : l’indépendance de l’Algérie est proclamée. Que dire : la joie dans les rues, un peuple colonisé 132 ans qui retrouve son indépendance… Moi le yaouled (gamin) de La Casbah, j’avais 12 ans à l’époque. C’était un moment de folie et d’euphorie. L’exode des Français d’Algérie, qui avait débuté dès le mois de mai, s’est précipité. Pour eux, c’était «la valise ou le cercueil». Ils n’envisageaient pas d’alternative. Bab El Oued, la rue Michelet et la rue d’Isly se sont ainsi vidés de leurs habitants.
Durant les derniers jours, c’était la panique. Le «oui» avait obtenu 99,72% des suffrages lors du référendum du 1er juillet, le premier scrutin loyal depuis 132 ans. Pendant au moins dix jours, Alger n’était plus une ville mais une fête permanente. Les femmes ne parlaient plus, elles poussaient des youyous à longueur de journée. Les enfants étaient redevenus des enfants. Les grands aussi. Il régnait une sorte d’anarchie joyeuse. C’était une joie indélébile, un événement que je ne peux oublier même si je perdais la raison. Après tout ce que nous avions vécu comme persécutions, peur et cauchemar en permanence, c’était comme une révélation divine et une nouvelle naissance. On nous appelait musulmans, Arabes ou indigènes jamais Algériens.
Les Arabes, que les colons accablaient de barbarie, paresse, de vanité...
Le mépris des Européens et les humiliations ont fait de l’Algérien un méchant, un révolté, un révolutionnaire épris de liberté et de justice. Pouvoir vivre sans cette peur, imaginer qu’on peut circuler librement, crier notre joie sans avoir à se justifier était inouï, c’était presque incroyable, inimaginable. Alors qu’on nous avait interdit d’être Algérien et nous étions étrangers dans notre propre pays, nous les bicots, tronc de figuier, ratons, crouilles, singes, bougnoules, sous-homme, ce jour-là, tout semblait permis, tout semblait possible.
Dans toute l’Algérie les gens étaient dans les rues et descendaient des douars environnants pour exprimer leur joie, et beaucoup de personnes, hommes, femmes et familles entières, s’embarquaient au hasard dans des camions en direction d’Alger pour défiler et fêter «l’indépendance». Pour terminer, non à l’oubli et gloire à nos martyrs. Après 132 ans de colonisation, «tout empire périra», l’Algérie revient toute entière à «ses habitants, les vrais». Ce jour indélébile, inoubliable et magique du 5 Juillet 1962 est toujours présent dans la mémoire collective des Algériennes et Algériens.
Le gouvernement algérien, sur instruction du président Abdelmadjid Tebboune, a décidé d’introduire l’anglais dans son système éducatif et scolaire afin de remplacer la langue française.
L’annonce a déjà été faite le 1er août 2022 par Abdelmadjid Tebboune. Cette décision controversée, prise dans un contexte de tensions entre Alger et Paris, prend effet dès l’entrée scolaire 2023.
C’est une manière pour l’état d’Alger de narguer la France pour l’immixtion de ses dirigeants dans les affaires internes ou externes algériennes.
Bien que la langue française ait longtemps été considérée comme la langue de l’éducation et de l’administration, le gouvernement estime que l’anglais offre davantage d’opportunités sur la scène internationale. Cependant, cette décision a suscité un débat passionné au sein de la société civile quant à son impact sur la culture et l’identité nationale des Algériens.
Le gouvernement a évoqué plusieurs raisons justifiant sa décision de remplacer la langue française par l’anglais.
Tout d’abord, l’anglais est aujourd’hui largement reconnu comme la langue internationale des affaires, de la science, de la technologie et de la communication.
En adoptant l’anglais comme langue d’enseignement principale, l’Algérie espère mieux préparer ses étudiants à s’intégrer facilement dans l’économie mondiale et à accéder à des opportunités d’emploi plus vastes.
Le gouvernement a souligné que l’anglais faciliterait l’accès aux connaissances et aux ressources mondiales. De nos jours, une grande partie des publications scientifiques, des études universitaires et des avancées technologiques sont disponibles en anglais.
En faisant de l’anglais la langue d’étude principale, l’Algérie souhaite permettre à ses étudiants d’accéder à ces ressources sans barrières linguistiques, favorisant ainsi l’innovation et le développement.
Après les classes primaires, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Kamel Baddari, a décidé d’adopter l’anglais comme langue d’enseignement dans les universités algériennes à partir de la rentrée universitaire 2023-2024. Cette démarche intervient après le lancement de programmes de formation au profit des enseignants universitaires en septembre dernier.
Cependant, cette décision suscite des préoccupations de la part des francophiles quant à son impact sur les relations avec la France.
Un 5 juillet est une date marquante dans la vie du pays. Elle est une halte pour un bilan obligatoirement objectif pour répertorier ce qui a été réalisé, ce qui n'a pas été entrepris et mesurer le chemin qui reste à parcourir. En 61 ans, l'Algérie a vu des vertes et des pas mûres, mais globalement le redressement est évident et à bien des égards sa souveraineté a gagné en galons.
La perfection n'est pas aisée à atteindre, mais la vérité est que les Algériens sont autrement mieux lotis que beaucoup de leurs semblables dans le monde. Il leur est exigé aujourd'hui de transformer en qualité ce qu'ils ont en quantité. De mieux ordonner leurs acquis dans une multitude de domaines.
Conclure que la pleine indépendance est totalement assurée serait se contenter d'un état des lieux où des efforts plus conséquents sont exigés pour qu'une plus large aisance de vie soit garantie pour la majorité des Algériens.
De fait, nul pays au monde et conséquemment nul peuple, très loin des apparats trompeurs chez quelques-uns, ne peut prétendre atteindre la plénitude d'une indépendance car la souveraineté totale de chacun suppose l'abstraction des interdépendances mondiales. L'enchevêtrement des relations et les liens des intérêts établis de facto prêtent une lourde et large signification à l'indépendance qui ne se limite pas à la simple détention d'un emblème national.
Si la symbolique et les symboles ne lient pas l'entame et la finalité de la marche du peuple, il est vain de vouloir atteindre le parachèvement d'un progrès que chacun est en droit d'attendre.
Que de secousses l'Algérie a vécues jusqu'à mettre son existence en danger. Mais ses enfants ont pu rester debout et su marquer leur présence dans un monde devenu un petit village où jouer des coudes nécessite de plus en plus de hardiesse, efforts et circonspection. Elever davantage son émergence nécessite encore plus d'intelligence et un éloignement encore plus long de l'autosatisfaction. Elle a en sa faveur des capacités humaines et des richesses intarissables pour s'élever au niveau d'une réelle indépendance pour que sa souveraineté ait le sens juste qu'elle doit avoir.
Après de longs mois d'hésitations et de faux-fuyants, l'entité sioniste a mis les points sur les i à propos de sa reconnaissance d'une soi-disant souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Et, le Maroc qui appelle à cette reconnaissance de tous ses vœux, en reçoit pour son grade en se faisant chanter par Israël, comme il l'a été par les Etats-Unis sous l'administration de Donald Trump, qui a proposé au roi Mohamed VI de normaliser ses relations diplomatiques avec Israël en contrepartie d'une reconnaissance par ses soins de la marocanité du Sahara occidental. Ce fut exécuté en 2020, quelques jours avant que le président Trump ne quitte la Maison Blanche.
Le gouvernement israélien a annoncé, lundi 3 juillet, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, qu'il était prêt à reconnaître la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental si le Maroc acceptait d'accueillir le sommet du Néguev. Un sommet réunissant les pays signataires des accords d'Abraham qui devait se tenir au Maroc en mars, et qui a été reporté à plusieurs reprises, et ce, en signe de protestation contre la campagne militaire d'Israël en Cisjordanie occupée et l'expansion illégale des colonies.
Le Maroc est face à un véritable dilemme, doit-il se plier à la demande de l'entité sioniste en mettant de côté la condamnation de l'expansion illégale des colonies et la répression contre les Palestiniens et accueillir ce sommet du Néguev, en octobre ou septembre, ou refuser d'accueillir ce sommet en s'en tenant aux principes avancés et risquer de ne pas obtenir cette reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara occidental par Israël ? Cela serait un suicide politique si le Maroc acceptait d'organiser ce sommet du Néguev dans des moments où la situation se détériore dans les territoires occupés, avec un déchaînement des violences contre les Palestiniens et le maintien, voire le renforcement, de l'expansion des colonies par le gouvernement sioniste. Pis encore, cela ne serait pas moins qu'une humiliation pour le Maroc. Et que chercherait l'entité sioniste à faire goûter à tous les pays arabes, à part l'humiliation, si elle en avait les moyens ? Le début du renforcement des relations entre les deux pays remonte donc à trois ans, et depuis, le Maroc n'a pas fini d'attendre que l'entité sioniste reconnaisse sa souveraineté sur le Sahara occidental. Il en vient presque à quémander cette reconnaissance auprès de tous les pays, mais le cas d'Israël reste bien particulier. Le Maroc a signé les accords d'Abraham en normalisant ses relations diplomatiques avec ce pays, alors qu'Israël refuse de lui rendre l'ascenseur en signe de reconnaissance envers cette normalisation, vue d'Israël comme une grande victoire sur les pays arabes qui refusent tout rapprochement avec l'entité sioniste avant que la Palestine n'obtienne tous ses droits, dont la création d'un Etat palestinien souverain. En tout cas, pour en arriver à exercer ouvertement une telle pression, qu'aucun pays qui se respecte n'accepterait, Israël doit bien connaître les faiblesses du Maroc qui, jusque-là, ne s'est pas encore offusqué d'une telle attitude.
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