Le souvenir Français de Masevaux a réalisé une compilation de souvenirs de 26 anciens combattants, « Nos vies en Algérie, 54-62… », afin de rappeler les tragédies de ce conflit et d’y sensibiliser la nouvelle génération. L’Ami hebdo est l’un des soutiens de cet ouvrage.
Il y a eu 170 morts de 8h à 17h. J’étais mitrailleur de half-track, et j’ai été un moment remplacé par un légionnaire. Quand je suis revenu, il avait reçu une balle dans la tête », raconte avec gravité l’un des «anciens » présents à l’école maternelle de Sentheim pour la présentation du livre mémoire du Souvenir Français de Masevaux. «Mon Lieutenant, c’était un De Dietrich. C’était un Monsieur. Un jour, il a acheté un fennec, prétendument jeune, mais qui avait plein de poils gris. Je lui ai alors dit qu’il s’était fait avoir, et lui refusait de l’admettre. Alors un jour, j’ai fait passer l’animal à travers un tuyau de poêle, comme ça on était tous d’accord : le fennec n’avait plus un seul poil gris », ajoute un second en rigolant. Dans la salle, une trentaine de « biffins » (fantassins), de « tringlots » (logistique), de « graisseux » (matériel), « d’artoches » (artilleurs), de « basanes » (cavaliers), de « cuistots», accompagnés de leurs familles.
Les uns ont combattu ensemble ou se sont croisés au gré de la vie quotidienne dans les bases, les autres ont appris à se connaître au travers des histoires versées dans cet intéressant recueil. A Claude Iltis, fantassin au 15-3, répondaient ainsi Auguste Jenn, transmetteur, et André Reitzer, du matériel. A François Zimmermann, des troupes du génie, faisait face Constant Lehmann, cavalier blindé. A côté d’André Schwob, artilleur, était assis Bernard Behra, ancien responsable de l’ordinaire. «L’Alsaco des cuisines.» Tous ont des histoires, tantôt drôles, tantôt tragiques, mais toutes sont représentatives d’une période de l’Histoire. « Il nous a semblé important de rassembler tous ces souvenirs, ces tranches de vie, afin de les transmettre à la prochaine génération. Je rappelle d’ailleurs que le général Zeller, l’un des putschistes, avait des attaches dans la vallée de Masevaux », lance en préambule Antoine Ehret, président du comité local du Souvenir Français. Rappelant à la fois l’épineuse question de la fin officielle du conflit et du cessez-le-feu, que les terroristes du FLN n’avaient pas respecté, le président évoque aussi l’enjeu mémoriel que constitue ce conflit qui n’a jamais vraiment été soldé. «Le gouvernement de l’Algérie entretient une guerre imaginaire », ajoute le président, précisant que cela empêche selon lui une véritable réconciliation, au contraire du lien franco-allemand qui a réussi à surmonter les épreuves de la guerre et les rancunes. C’est ce qui rend ce livre aussi indispensable. Alors que la part de jeunes issus de l’immigration, notamment nord-africaine, ne cesse de croître au sein de la société française, ce livre constitue donc une autopsie d’un drame et un plaidoyer pour l’avenir, une invitation à aller de l’avant. Dans l’assistance, Jean Lindecker représente par exemple son frère, jeune soldat qui avait été assassiné en Algérie après le cessez-le-feu. Il aspire pourtant aujourd’hui à la paix.
En parallèle, les professeurs et élèves du lycée Vogt de Masevaux et les étudiants du lycée Gutenberg de Illkirch-Graffenstaden ont réalisé, pour les uns des vidéos, pour les autres la maquette de l’ouvrage proprement dit. Une démarche empreinte de transmission intergénérationnelle qui a particulièrement marqué les participants. « N’hésitez pas, si vous avez des enfants ou des petits enfants qui savent se servir de Word, à leur dicter vos souvenirs ou à leur demander de vous aider à les écrire. Ça va être de beaux moments. Le Souvenir Français pourra peut-être à l’avenir faire un autre livre ! », conclut Antoine Ehret, avec probablement un soupçon d’idée derrière la tête.
Guillaume Sevin
https://www.ami-hebdo.com/nos-vies-en-algerie-la-guerre-sans-haine-des-masopolitains/
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