La vice-présidente est entrée en campagne pour combler l’écart qui se creusait entre Joe Biden et Donald Trump. Un changement radical de politique n’est néanmoins pas attendu.
La vice-présidente américaine Kamala Harris a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Washington, le 25 juillet 2024. Roberto Schmidt/AFP
Vice-présidente relativement effacée et à la popularité limitée, Kamala Harris fait désormais l’objet de toutes les attentions. Avec le récent retrait de Joe Biden de la course présidentielle pour briguer un second mandat, celle qui est devenue la candidate quasi officielle du Parti démocrate cherche à se démarquer de son patron – tout en défendant leur bilan conjoint. En plus d’être une femme, de 59 ans, de mère indienne et de père jamaïcain, l’ancienne procureure entend affirmer sa position sur les dossiers brûlants pour espérer attirer les déçus de l’actuel président. Et la visite du Premier ministre israélien à Washington cette semaine, sur invitation du Congrès américain, lui a donné une première occasion de dessiner les contours d’une politique étrangère quelque peu différente de Joe Biden. Depuis près de dix mois, le locataire de la Maison-Blanche s’est posé en soutien inconditionnel de l’État hébreu, tout en critiquant parfois la conduite de la guerre à Gaza, mais rechignant souvent à utiliser les moyens de pression à sa disposition.
Fermeté américaine face à Israël
« Nous ne pouvons pas nous permettre de devenir insensibles à la souffrance, et je ne resterai pas silencieuse », a-t-elle fermement déclaré après sa rencontre bilatérale avec Benjamin Netanyahu jeudi, en référence à la famine qui règne à Gaza et au bilan humain de la guerre en cours depuis le 7 octobre, qui s’élève à près de 40 000 morts selon les chiffres du ministère de la Santé local. Lors d’une conversation qualifiée de « franche », Kamala Harris a aussi appelé à la « fin permanente » des hostilités, indiquant qu’il « est temps de conclure cet accord », en parlant du deal proposé par les États-Unis fin mai pour un cessez-le-feu et la libération des otages. Un message également véhiculé par Joe Biden lors de sa rencontre avec le chef du gouvernement israélien un peu plus tôt dans la journée, que les médias américains ont néanmoins trouvé plus joviale – malgré les tensions existant entre les deux dirigeants. Après les annonces de Kamala Harris suivant sa rencontre avec le Premier ministre israélien, ce dernier était contrarié et a exprimé des inquiétudes sur les répercussions négatives que cela pourrait avoir sur l’accord en cours de négociation, en raison de l’affichage de dissensions entre les deux alliés, selon un responsable israélien cité par le média Axios.
En insistant sur la fermeté affichée à l’égard d’Israël et de son Premier ministre contesté aussi en interne, Kamala Harris vise les électeurs jeunes et/ou déçus de la politique moyen-orientale du président démocrate, que beaucoup surnomment « Genocide Joe ». Dans le Michigan notamment, État-pivot avec une forte population arabo-musulmane, deux délégués démocrates – censés investir le candidat du parti pour la présidentielle – ont laissé entendre qu’ils pourraient reconsidérer leur refus de Kamala Harris si elle adopte une autre approche sur Gaza, a révélé Axios. Ils se seraient en outre engagés alors à mobiliser près de 730 000 partisans qui avaient refusé de s’engager pour Joe Biden lors des primaires démocrates, glissant un bulletin « Uncommitted » dans l’urne. Alors que le Parlement israélien a voté le 18 juillet une loi symbolique rejetant l’établissement d’un État palestinien, Kamala Harris a souligné comme objectif de la fin de la guerre « que le peuple palestinien puisse exercer son droit à la liberté, à la dignité et à l’autodétermination » – suivant la politique officielle américaine de soutien à la solution à deux États.
Des critiques, mais un soutien à Israël
Par le passé, la vice-présidente avait déjà haussé le ton. Début mars, elle a été la responsable la plus importante de l’administration Biden à appeler pour la première fois à un cessez-le-feu immédiat lors d’un discours symbolique à Selma, en Alabama. Selon des proches cités par les médias américains, la Maison-Blanche avait adouci un texte qui se voulait plus virulent à l’encontre de l’allié israélien. Dans la même veine, Kamala Harris a brillé mercredi par son absence lors du discours au Congrès du Premier ministre israélien – qui fait par ailleurs l’objet d’une demande de mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale –, alors que le protocole diplomatique voulait qu’elle l’accueille en tant que présidente du Sénat. Se justifiant, son équipe a plaidé un événement prévu à l’avance à Indianapolis, balayant toute interprétation sur l’engagement de la candidate en faveur de la sécurité d’Israël.
Si elle s’est montrée plus critique dans ses discours que Joe Biden, sa vice-présidente ne s’est toutefois jamais opposée à ses politiques. Et les observateurs n’envisagent pas un changement radical de direction d’ici à l’élection. Kamala Harris a ainsi réitéré son attachement à la défense d’Israël lors de sa rencontre avec Benjamin Netanyahu, alors que son mari, le premier conjoint juif d’un président ou vice-président, a pris la parole à plusieurs reprises contre la montée de l’antisémitisme depuis le 7 octobre. Une manière de ne pas perdre le soutien des pro-israéliens au sein du parti divisé et en dehors, dans une Amérique polarisée. Jeudi, alors que des milliers de manifestants se rassemblaient devant le Capitole pour protester contre la présence du Premier ministre israélien au Congrès, Kamala Harris avait dénoncé des « actes méprisables de la part de manifestants antipatriotiques et une rhétorique dangereuse alimentée par la haine », alors que des drapeaux américains étaient brûlés ou remplacés par des drapeaux palestiniens devant la station ferroviaire Union Station et que certains avaient tagué sur une fontaine « Le Hamas arrive ».
Les républicains font planer l’ambiguïté
Son adversaire Donald Trump joue lui aussi sur les deux tableaux. Il a réitéré jeudi son appel à Benjamin Netanyahu à « en finir rapidement » avec la guerre lors d’un entretien avec la chaîne conservatrice Fox News, soulignant la détérioration de l’image d’Israël. Son colistier, le sénateur James David Vance, s’est pour sa part excusé pour le discours de Benjamin Netanyahu au Congrès, sous prétexte d’un événement de campagne. Reste que le Parti républicain est vu comme le plus favorable à Israël, plus de 90 % de ses candidats aux législatives qui se sont exprimés sur le sujet ont affirmé leur soutien à une aide inconditionnelle en faveur d’Israël, selon une étude de la Brookings Institution datant de début juillet. L’ancien président et prétendant à un second mandat s’est ainsi réjoui sur son réseau social TruthSocial – commentant une lettre du président palestinien Mahmoud Abbas condamnant la tentative d’assassinat dont il a fait l’objet le 13 juillet – de rencontrer le Premier ministre israélien en Floride ce vendredi dans sa propriété de Mar-a-Lago.
OLJ / Par Laure-Maïssa FARJALLAH, le 26 juillet 2024 à 17h04
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