35e régiment d'infanterie de Belfort était présent pour commémorer l'appel du 18 juin 1940. | © Préfecture du Territoire de Belfort
Les commémorations de l’appel du 18-Juin ont rassemblé autorités, élus et candidats aux élections législatives, ce mardi. La figure du général de Gaulle est souvent invoquée par les partis politiques. Et ils sont de plus en plus nombreux à revendiquer son héritage. Quitte à en oublier l’histoire. Reportage.
« Le pauvre, il se retournerait dans sa tombe ! » L’historienne belfortaine Marie-Antoinette Vacelet est sans ambiguïté lorsque l’on évoque les récupérations politiques transpartisanes de la figure du général de Gaulle. Ce mardi 18 juin, au square du Souvenir, à Belfort, l’autrice du livre Le Territoire de Belfort dans la tourmente 1939-1944, accompagne le jeune vainqueur du concours national de la résistance 2024, aux commémorations de l’appel du 18-Juin. Un discours prononcé par le général de Gaulle, le 18 juin 1940, depuis Londres, pour appeler à résister, alors que la France du maréchal Pétain s’apprête à signer l’armistice avec l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler. « La Flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas », avait-il alors déclaré. C’était il y a 84 ans. Si l’on commémore encore cet épisode de l’histoire, la portée de son message est à questionner, alors que l’extrême droite s’implante durablement en Europe et qu’elle est aux portes du pouvoir en France.
Comme le souligne La Croix, cette commémoration est une aubaine pour de nombreuses forces politiques de se « réclamer de son héritage », alors que se profilent les élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. « Je comprends que tout le monde le revendique, ça leur donne une image rassurante », valide l’historienne, spécialiste de l’Épuration.
La filiation la plus naturelle d’un parti, aujourd’hui, avec le général de Gaulle est celle du parti Les Républicains (LR) (la filiation principale relie le parti du Rassemblement du peuple (RPF) créée par le général de Gaulle en 1947 à l’actuel parti Les Républicains) . Mais l’alliance décrétée par Éric Ciotti, actuel patron du parti, avec le Rassemblement national, a justement fait éclater les digues. Elle a provoqué une crise en interne. Mais elle questionne aussi sur le socle idéologique. Le Rassemblement national est issu du Front national, lancé en 1972, notamment par Jean-Marie Le Pen. Il s’est construit dans un anti-gaullisme, que ce soit avec des figures de la collaboration pendant la Seconde Guerre mondiale comme Pierre Bousquet (Waffen SS de la division Charlemagne), ou avec des figures liées à la guerre d’Algérie, proches de l’organisation de l’armée secrète (OAS), qui a tenté d’assassiner le général de Gaulle au Petit-Clamart, en 1962.
« Le gaullisme, c’est la souveraineté et la démocratie »
Localement, les élus LR (lire notre article) ne suivent pas la ligne du président du parti et refuse toutes alliances avec le RN, mais aussi avec la majorité. Ian Boucard, député sortant, se présente dans la 1re circonscription (Sud Territoire), et Didier Vallverdu, dans la 2nde circonscription (Nord Territoire). Pour Damien Meslot, maire LR de Belfort, l’héritage de de Gaulle convoque « une France forte et rayonnante ». Un discours qu’il maîtrise à la perfection et une figure qu’il invoque régulièrement dans ses propos. Mais l’édile est beaucoup moins à l’aise lorsque l’on questionne sur la récupération de la figure du général par les différents partis politiques. Il appelle à « se souvenir de l’histoire » et glisse que les « extrêmes sont mauvais », sans vouloir plus épiloguer, pas loin de tourner les talons.
Les candidats soutenus par le Rassemblement national dans le Territoire de Belfort, Guillaume Bigot et Carine Manck, n’ont pas manqué d’apparaître à cette commémoration. L’éditorialiste de CNews et candidat dans la 2nde circonscription du Territoire de Belfort (lire notre article), n’a pas hésité à répondre, tandis que Carine Manck a marqué un léger pas de recul. « Le gaullisme, c’est la souveraineté et la démocratie, estime-t-il, avant d’argumenter : Il a toujours respecté et écouté son peuple et n’a jamais rien fait contre. Depuis 2005 (et le vote contre lors du référendum pour une constitution européenne, NDLR), il n’y a plus ce respect. » Depuis plusieurs années, le parti convoque de plus en plus la figure du général de Gaulle, à l’image du voyage de Marine Le Pen le 18 juin 2020 à l’île de Sein, indiquant alors que le RN est “dans la continuité des idées du général”. « Le fait que le RN se réfère au général de Gaulle est un mensonge énorme », déplore Marie-Antoinette Vacelet, qui replace encore une fois la filiation du parti en opposition à Charles de Gaulle.
Pour Marie-Antoinette Vacelet, ancienne élue de gauche au conseil municipal de Belfort, « on est peut-être sur la fin de l’héritage de de Gaulle ». D’analyser encore : « Aujourd’hui, personne ne l’incarne. Il avait une audace pour faire face à Pétain et aux nazis, notamment dû à son passé militaire. Personne n’a la même expérience que lui. » Dans La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paul Ricoeur écrit : « Je reste troublé par l’inquiétant spectacle que donnent le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoire et d’oublis. » En cette période de campagne électorale, l’appel du général de Gaulle et les références à ses actions deviennent un cas d’école. Mémoire convoquée. Histoire oubliée.
Belfort était présent pour commémorer l'appel du 18 juin 1940. | © Préfecture du Territoire de Belfort
mercredi 19 juin 2024 à 18:13
https://letrois.info/dossiers/elections/au-monument-aux-morts-tout-le-monde-se-revendique-du-general-de-gaulle/
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