Le destin incroyable d'un fils du village Aït R'zine à Béjaïa
De la vallée de la Soummam aux ruelles de Villeurbanne, découvrez l'incroyable parcours des arrière-grands-parents de Jordan Bardella. Suivez nous dans un voyage au coeur des origines oubliées du président du RN...
Rassemblement national (RN) nous emmène loin des routes habituelles. Pas vers Drancy, encore moins vers Turin, mais en Algérie, dans la wilaya de Béjaïa, plus précisément à Aït R'zine, dans la daïra d'Ighil Ali. Dans notre quête d'un passé presque centenaire, nous rencontrons les cousins de celui qui plaide la rupture avec le pays de son ancêtre. Sur le chemin, la statue de Cheikh El Mokrani trône comme pour signifier la résistance héroïque du peuple algérien contre le colonialisme. Une sorte d'arrêt sur image qui vient souligner que les Algériens de 2024, de 1962 et de 1954, doivent beaucoup à leurs ancêtres. C'est prioritairement ce que retiennent les habitants de Aït R'zine.
Au détour d'une ruelle, toute en pente, notre guide s'arrête devant les vestiges de ce qui fut la première petite maison des Mada où Mohand- Seghir naquit et a grandi jusqu'à l'adolescence. Nous sommes à la première décade du XXe siècle.
On se surprend à imaginer la misère dans laquelle vit ce petit bout d'homme et sa famille, sous le joug d'une colonisation génocidaire. Sur le visage du cousin, dont les traits rappellent quelque peu ceux du président du RN, on imagine l'adolescent, son arrière- grand-oncle, obligé de quitter sa famille pour rembourser une dette colossale, dont la colonisation est pour beaucoup. Un véritable drame qui, par la force du temps, des évènements et des rencontres fortuites, a fini par engendrer un jeune politicien, né dans un quartier en France où vivent beaucoup de descendants d'émigrés algériens. L'écrasante majorité des congénères de Bardella ont sauvegardé, leur part d'Algérianité.
À l'origine du succès politique construit dans le déni des ancêtres, une histoire de privation, d'émigration, mais aussi d'amour. Car Mohand-Seghir, a certes quitté sa Kabylie natale pour aider sa famille à rembourser ses dettes, mais sur son chemin de vie, il a croisé Denise Annette avec qui il a fait un bout de chemin. Une histoire familiale pleine de contradictions et de surprises, où passé et présent s'entremêlent de manière inattendue...
Notre enquête débute par la recherche de la preuve. Il fallait confirmer ce qui se rapportait en France sur les origines réelles d'un chef du premier parti de France. Xénophobe et héritier direct d'un mouvement fasciste, antisémite et anti-émigré, créé par des criminels de l'OAS et SS allemands.
Ces derniers pratiquaient la ratonnade systématique contre les Italiens et les Algériens sur plus de 70 ans d'Histoire. La contradiction est majeure, mais la preuve est néanmoins faite. Nous parvenons à nous procurer un extrait de l'acte de naissance de l'arrière-grand-père de Jordan Bardella. Sur ce document officiel, il est écrit en arabe, noir sur blanc ce que l'on pouvait lire sur les réseaux sociaux. Mohand-Seghir Mada est né le 12 novembre 1903 à Aït R'zine. Fils de Tahar et de Mada Dahbia, il a été inscrit à l'état civil le 13 novembre 1903 par l'administrateur principal de l'époque, Léon Lehocq. Mohand- Seghir Mada a épousé Denise Annette Jaeck le 27 février 1937 en France. Jordan Bardella a donc bel et bien des origines algériennes!
Un air de ressemblance...
Nos investigations nous conduisent ensuite à la famille Mada, originaire du village de Guendouz, chef-lieu de la commune de Aït R'zine. On se rend alors dans ce petit hameau devenu, aujourd'hui, une belle petite ville. À l'entrée, on est de suite attiré par la plaque d'une boucherie qui porte le nom très évocateur pour nous de: «Boucherie Mada!». Espérons que ce n'est pas un mauvais présage...
On y trouve un jeune homme souriant et très sympathique. «Je suis Tarek Mada, propriétaire de la boucherie». Il nous lance: «Je suis le cousin de Jordan Bardella». Il nous invite à rencontrer le neveu de l'arrière- grand- père de Jordan Bardella. «C'est mon grand- oncle, le frère de mon père qui sont les enfants de Dada Bachir, grand frère de Mohand-Seghir», nous explique notre interlocuteur. On va donc à la rencontre de cet homme de 90 ans, l'aîné des Mada.
Moussa est la copie conforme de Mohand-Seghir, dont la photo de sa pierre tombale est disponible sur Internet. En se rapprochant de cet homme, on est frappé par un petit air de famille avec le petit cousin, Jordan. Les yeux peut-être, la forme du visage sûrement. Ils ont en tout cas le même regard perçant, et l'allure sympathique, qui font l'image du protégé de Marine Le Pen. Il est content de nous voir. Il avoue n'avoir jamais connu son oncle qui n'a pas remis les pieds au pays depuis qu'il l'a quitté en 1921. C'est un «Amdjah» (un terme kabyle définissant les émigrés qui ont pris un aller- sans retour)!
L'histoire qui mène à la France
Mada Moussa, neveu de l'arrière- grand-père, de Jordan, nous raconte alors l'histoire de la famille. «En 1921, c'était la famine pour nous les autochtones. Par- dessus tout, ma famille a eu des problèmes de dettes». Cette même année Mohand- Seghir et son frère prennent le bateau en direction de la France. Leur aventure dure 15 longues années. Les dettes de la famille remboursées, avec en prime de petites économies accumulées, il était convenu qu'ils retournent au pays. Mohand-Seghir préfère rester en France au risque de prendre le statut d'«Amdjah». La cause: une belle petite parisienne lui a tourné la tête. Denise Annette Jaeck, a ravi le coeur de l'arrière- grand- père de Jordan! Elle en fut l'arrière- grand-mère et, de fait, une actrice du destin incroyable d'un arrière- petit-fils qui s'est laissé séduire par l'extrême droite. Les années passent, Mohand- Seghir finit par couper définitivement les ponts avec le reste de la famille.
«On avait entendu parler de nos cousins, sans jamais les rencontrer. On savait que l'on avait, un cousin Roland René et deux cousines, Simone-Denise et Réjane, grand-mère de Jordan Bardella», fait savoir Moussa, l'aîné des Mada, encore en vie. Mais le destin a ses raisons que la raison ignore. Entre les Mada et les Bardella, une autre histoire naît, un autre amour. Rejane Mada rencontre, un enfant d'émigré comme elle, Guérimno Bardella, italien d'origine. Ils donnent naissance à Olivier Bardella, le père de Jordan. Cette fois, c'est une Algérienne qui épouse un Italien.
Les cousins «rebeus» du président du RN!
Les deux branches des Mada se perdent jusqu'aux années 1980. L'un des enfants de Bachir, un des frères de Moussa, va travailler en France. Sur les Pages jaunes, il retrouve son cousin Roland René, frère de la grand-mère de Jordan. Les liens sont renoués. Les cousins sympathisent et Roland décide de découvrir, l'Algérie, le pays de ses origines. «Il vient plusieurs fois au pays», nous révèle Tarik Mada, notre ami boucher. «La fille de Roland, Véronique, finit par épouser mon frère aîné Farid. Il travaille chez Renault et vit à Montreuil», ajoute Tarik. Les Mada voudraient certainement y trouver leur revanche, contre ce petit Jordan qui refuse de regarder par-delà la Méditerranée. Ils n'en disent rien de bon et concentrent leurs souvenirs sur ceux, d'entre eux, qui ont donné leur vie pour l'indépendance de l'Algérie. Les enfants de cette nouvelle union, Yani et Elyas, réécriront à leur tour l'histoire de cette famille...
Il est écrit en arabe, Mohand-Seghir Mada est né le 12 novembre 1903 à Aït R'zine. Fils de Tahar et de Mada Dahbia, il a été inscrit à l'état civil le 13 novembre 1903 par l'administrateur principal de l'époque, Léon Lehocq. Mohand-Seghir Mada a épousé Denise Annette Jaeck le 27 février 1937 en France.
Walid AÏT SAÏD
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