PARIS, 16 Juin (AFP). – Ils étaient plus de 800.000 à traverser la Méditerranée pendant l’été 1962, fermant la parenthèse de 130 années de présence française en Algérie pour recommencer leur vie de zéro dans une métropole qui les accueillait plutôt froidement.
Colons fortunés ou petites gens, descendants de Français, d’Espagnols, d’Italiens ou de Maltais, ils rentraient «au pays», en métropole. Ils sont aujourd’hui deux millions en France, y compris les «harkis», ces anciens supplétifs de l’armée française, et ils viennent de commémorer en week-end à Marseille cet épisode tragique du rapatriement.
La guerre est perdue, les accords d’Evian ont été signés en mars 1962, ratifiés par référendum en avril en métropole par 90% de oui. L’indépendance de l’Algérie est effective en juillet. A Oran, 1.500 pieds-noirs sont massacrés. Les Français d’Algérie ne voient plus qu’une seule alternative: «la valise ou le cercueil».
Les bateaux sont pris d’assaut, on organise un pont aérien. Les rapatriés laissent derrière eux leurs maisons, leurs terres, leurs commerces, leurs cimetières et les souvenirs de leur enfance.
Ironie de l’Histoire, les ancêtres de ces nouveaux exilés avaient gagné l’Algérie le plus souvent pour fuir la France. Un petit peuple en quête d’opportunités et d’espaces neufs avait emboîté le pas aux militaires qui avaient conquis Alger en 1830. Ils étaient rejoints, au fil des péripéties de l’Histoire, par les bannis de la révolution de 1848, les Alsaciens chassés par la guerre de 1870, les exilés de la Commune.
Arrivée en catastrophe
Durant l’été 1962, les rapatriés débarquent en catastrophe à Marseille et s’installent d’abord dans le Sud de la France, qui leur rappelle leur pays perdu. Puis drainés par la croissance économique, certains remontent prudemment vers les villes du Nord. D’autres choisissent l’Espagne, les Etats-Unis ou des pays «neufs» à coloniser, l’Argentine, l’Afrique du Sud, le Canada.
Aujourd’hui encore, les «pieds-noirs» sont installés pour les deux tiers au Sud de la France, le reste vivant principalement dans la région parisienne.
Face à l’exode massif de l’été 62, la France est d’abord prise au dépourvu. «Beaucoup sont des vacanciers», affirme alors le secrétaire d’Etat aux Rapatriés Robert Boulin. L’afflux inattendu de 10.000 rapatriés par jour en moyenne engorge ports et aéroports, lycées et casernes, transformés en dortoirs de fortune.
On donne à chacun quelques centaines de francs et un billet de train pour éparpiller sur le territoire ces réfugiés qui ont laissé derrière eux un patrimoine évalué à 50 milliards de francs de 1962.
Là-bas, ils étaient fonctionnaires, exploitants agricoles, petits salariés et commerçants. Ils débarquent en France avec un modeste pécule de 5.000 francs par famille en moyenne, et une mauvaise réputation. En métropole, on a d’eux l’image d’exploiteurs, de racistes, de putschistes, et de fauteurs de guerre. On les associe aux attentats commis par l’Organisation de l’armée secrète (OAS) en France et en Algérie, à la guerre d’Algérie et à ses milliers de morts, tout ce que la France voudrait oublier.
Dans un pays souffrant d’une pénurie de logements, on accueille les nouveaux venus avec méfiance, voire avec hostilité. Ils sont d’abord regroupés dans des baraquements. Leur désespoir fait monter le taux national de suicides en 1962.
La France du plein emploi a pourtant les moyens de les accueillir. Au fil des ans, leur intégration s’est révélée exceptionnelle, et les réussites individuelles exemplaires.
Plus éduqués que la moyenne des Français, poussés par le désir d’une revanche sociale, et n’ayant plus rien à perdre, les anciens pionniers de la Metidja ont contribué au développement de l’agriculture dans le Midi.
Détenteurs d’un droit de vote dès leur arrivée, ils deviennent un poids électoral non négligeable, surtout dans le Sud. L’organisation le Recours, dont le président Jacques Roseau sera assassiné en 1993, utilise la pression électorale des rapatriés pour gagner des avantages en leur faveur, obtenant trois lois d’indemnisation en 1970, 78 et 87.
Aujourd’hui, à la différence des «harkis» dont l’intégration est encore douloureuse, les pieds-noirs se sont fondus dans la société française, gardant la nostalgie d’un pays qui leur est désormais interdit.
La guerre est perdue, les accords d’Evian ont été signés en mars 1962, ratifiés par référendum en avril en métropole par 90% de oui. L’indépendance de l’Algérie est effective en juillet. A Oran, 1.500 pieds-noirs sont massacrés. Les Français d’Algérie ne voient plus qu’une seule alternative: «la valise ou le cercueil».
Les bateaux sont pris d’assaut, on organise un pont aérien. Les rapatriés laissent derrière eux leurs maisons, leurs terres, leurs commerces, leurs cimetières et les souvenirs de leur enfance.
Ironie de l’Histoire, les ancêtres de ces nouveaux exilés avaient gagné l’Algérie le plus souvent pour fuir la France. Un petit peuple en quête d’opportunités et d’espaces neufs avait emboîté le pas aux militaires qui avaient conquis Alger en 1830. Ils étaient rejoints, au fil des péripéties de l’Histoire, par les bannis de la révolution de 1848, les Alsaciens chassés par la guerre de 1870, les exilés de la Commune.
Arrivée en catastrophe
Durant l’été 1962, les rapatriés débarquent en catastrophe à Marseille et s’installent d’abord dans le Sud de la France, qui leur rappelle leur pays perdu. Puis drainés par la croissance économique, certains remontent prudemment vers les villes du Nord. D’autres choisissent l’Espagne, les Etats-Unis ou des pays «neufs» à coloniser, l’Argentine, l’Afrique du Sud, le Canada.
Aujourd’hui encore, les «pieds-noirs» sont installés pour les deux tiers au Sud de la France, le reste vivant principalement dans la région parisienne.
Face à l’exode massif de l’été 62, la France est d’abord prise au dépourvu. «Beaucoup sont des vacanciers», affirme alors le secrétaire d’Etat aux Rapatriés Robert Boulin. L’afflux inattendu de 10.000 rapatriés par jour en moyenne engorge ports et aéroports, lycées et casernes, transformés en dortoirs de fortune.
On donne à chacun quelques centaines de francs et un billet de train pour éparpiller sur le territoire ces réfugiés qui ont laissé derrière eux un patrimoine évalué à 50 milliards de francs de 1962.
Là-bas, ils étaient fonctionnaires, exploitants agricoles, petits salariés et commerçants. Ils débarquent en France avec un modeste pécule de 5.000 francs par famille en moyenne, et une mauvaise réputation. En métropole, on a d’eux l’image d’exploiteurs, de racistes, de putschistes, et de fauteurs de guerre. On les associe aux attentats commis par l’Organisation de l’armée secrète (OAS) en France et en Algérie, à la guerre d’Algérie et à ses milliers de morts, tout ce que la France voudrait oublier.
Dans un pays souffrant d’une pénurie de logements, on accueille les nouveaux venus avec méfiance, voire avec hostilité. Ils sont d’abord regroupés dans des baraquements. Leur désespoir fait monter le taux national de suicides en 1962.
La France du plein emploi a pourtant les moyens de les accueillir. Au fil des ans, leur intégration s’est révélée exceptionnelle, et les réussites individuelles exemplaires.
Plus éduqués que la moyenne des Français, poussés par le désir d’une revanche sociale, et n’ayant plus rien à perdre, les anciens pionniers de la Metidja ont contribué au développement de l’agriculture dans le Midi.
Détenteurs d’un droit de vote dès leur arrivée, ils deviennent un poids électoral non négligeable, surtout dans le Sud. L’organisation le Recours, dont le président Jacques Roseau sera assassiné en 1993, utilise la pression électorale des rapatriés pour gagner des avantages en leur faveur, obtenant trois lois d’indemnisation en 1970, 78 et 87.
Aujourd’hui, à la différence des «harkis» dont l’intégration est encore douloureuse, les pieds-noirs se sont fondus dans la société française, gardant la nostalgie d’un pays qui leur est désormais interdit.
le 17 juin 1997 à 00h00
https://www.lorientlejour.com/article/231445/Ils_etaient_800.000_a_franchir_la_Mediterranee%252C_en_1962_Les_pieds-noirs%252C_ou_la_nostalgie_dun_pays_desormais_interdit.html
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