Livres
La planète mauve et autres nouvelles. Recueil de nouvelles de Safia Ketou. Editions Nâaman, Sherbrooke (Québec/Canada), 1983, 183 pages (acquis au près d'une «librairie» de rue /Alger)
Ecrites, pour la plupart, entre 1962 et 1978, ces dix-huit nouvelles ne sont autres que des parcelles de vie. Ici, rêve et la réalité s'y mêlent, formant une atmosphère irisée, faite d'euphorie et de mélancolie. Pour mieux les «comprendre» et comprendre l'auteure, il faut revenir en arrière, avec une (petite) partie de sa vie -la plus délicate, celle de l'enfance et de la prime jeunesse - durant l'ère coloniale, avec tous ses traumatismes et ses rêves et celle, plus longue, de la jeunesse, avec ses espérances et ses projets, durant les premières années de l'indépendance du pays.
A travers ces nouvelles, on a des hommes et des femmes, des couples et la solitude. On a le passé, le présent et l'avenir... l'auteure ayant été la toute première à avoir abordé des sujets science-fiction. On a des personnages pouvant parfois dérouter, amuser ou fasciner, à la fois forts et vulnérables, sympathiques et secrets. C'est dire l'écriture calme et perturbante de l'écrivaine, qui a été aussi, et on l'a peut-être trop oublié, poétesse, critique d'art et journaliste (à l'Aps, ce qui était et est encore une référence en matière de justesse des phrases et des mots). Elle a donc tout fait pour communiquer avec ses lecteurs, pour leur offrir une gerbe de beauté... tout cela avec pour objectif de semer l'espoir dans les cœurs et les âmes meurtris.
Sa nouvelle, «La planète mauve» est un long récit de science-fiction. Elle amène deux astronautes (algériens), perdus dans l'espace, sur une autre planète où l'on mène une vie d' «immortel(-le) »... presque parfaite. Le rêve?
L'Auteure : Née Rabhi Zohra à Aïn Sefra (Saïda) en novembre 1944 (et décédée le 29 janvier 1989 à Alger). Enseignante (1962-1969), puis critique d'art et, depuis 1973, journaliste (une longue carrière à l'Aps). Membre de l'Union des écrivains algériens .Auteure d'un recueil de poèmes («Amie Cithare» en 1979 : de la poésie faite de tendresse, pétrie avec amour, pas un mot de trop, pas un mot de travers, pas un mot en porte-à-faux), d'une pièce de théâtre et une série d'histoires pour enfants. Premier écrivain algérien à avoir écrit des récits de science-fiction
Table des nouvelles : 18
Extraits : «Nous n'avons jamais perdu notre dignité. Ce qu'il nous faut récupérer, c'est notre liberté» (Propos d'un moudjahid, p21), «C'est l'ère lunaire. C'est le siècle du progrès. Et pourtant.... C'est l'ère lunaire. C'est le siècle de l'instruction. Et pourtant... C'est l'ère lunaire. C'est lère de la science. Et pourtant... La maladie, la famine et l'ignorance sucent les forces vitales » (pp 32-33), «Il est absolument certain qu'un socialisme spécifique à chaque pays peut exister. Il n'est pas irréalisable ; l'être humain a prouvé qu'il était capable d'effectuer des prodiges. Il sera à son apogée le jour où il réalisera le socialisme universel parce qu'il aura atteint un degré de conscience suffisant» (p78).
Avis - Safia Ketou, une journaliste entière, toute consacrée à son métier, mais aussi (et surtout) une femme, une dame tellement engagée et tellement idéaliste. Un recueil à découvrir ou à re-découvrir pour vous dévoiler vos rêves d'être sensible et des pans intimes de votre âme... surtout lorsqu'elle est meurtrie. Des récits et des rêves, mais aussi des écrits de libération et de liberté... et d'espoir.
Citations : «L'amour véritable ne peut s'épanouir dans un climat d'égoïsme et de mésentente. Il doit être librement consenti de part et d'autre. Pour durer, il lui faut de l'harmonie et de la tendresse» (p16), «Alors ce fut Novembre. Un coup de feu éclata, suivi d'un autre puis de cent. Et la neige devint rouge...» (p37), «Le 5 juillet 1962 restera gravé dans le cœur et la mémoire des Algériens... C'est un jour sublime... c'est un jour aimé... Aucune œuvre d'art n'égalera une telle journée, elle-même chef-d'œuvre vivant, vital pour toute une nation» (pp 38-39), «L'art est le plus beau langage. Il est accessible à tous. Il n'exige pas de traduction. Il s'adresse au meilleur de notre être. C'est un baume. Il console. Il apaise. Il pourrait guérir les maladies mentales. Pourquoi pas ? Ce serait une thérapie agréable. Par la sonate, sonathérapie. Par la symphonie, symphothérapie. Cantathérapie, pour la cantate...» (p 114), «L'arène de l'hygiène (note : celle des agents éboueurs) est invisible ; pour décoration, elle n'a que la misère «(p 126), «Le travail, l'altruisme, l'unité, l'intégrité, la vigilance sont les antidotes contre les minorités sans scrupules «(p130), «Plus confuse est la liberté individuelle qui exige de la part de son détenteur beaucoup de bon sens parce qu'elle est un choix permanent. Zigzaguer, composer, vivre en parasite, s'installer dans le mensonge, c'est porter atteinte à la liberté des autres» (p131)
J'habite en mouvement. Poésie. Anthologie (2001-2021) de Samira Negrouche. Editions Barzakh, Alger 2023, 281 pages, 900 dinars (Fiche de lecture déjà publiée in almanach-dz.com/culture/bibliotheque dalmanach. 9 septembre 2023.Extraits pour rappel)
Une œuvre à nulle autre pareille tant dans le fond que dans la forme. Assurément sortant de l'ordinaire. De la poésie, de la prose mais aussi, en filigrane, de l'essai. Une anthologie qui puise dans la totalité de l'œuvre de Samira Negrouche durant deux décennies.
Une œuvre ample et protéiforme où résonne «la profondeur du chant du monde». Une œuvre qui, au fil des ans et des créations, s'est complexifiée, interrogeant les lisières, les frontières, toutes les frontières, le dialogue avec l'Autre, le lien à la Terre et ses subtilités, aux langues, au corps, à l'amour... Bref, comme elle le dit assez bien dans un entretien de presse, «un livre né d'une concordance de désirs et de la fin d'un cycle manquant».
La sélection s'est faite à partir de livres publiés entre 2001 et 2021(...)
L'Auteure : Née à Alger où elle y vit. Poète, essayiste et traductrice. Médecin de formation. Plusieurs publications. Elle a, aussi, coordonné, durant dix ans, à Alger, un festival de poésie (...)
Extraits : (...) «Il y a des pages sans écriture qui vous traversent au bout de la nuit celles qu'un éditeur n'attend pas et qui sont le chemin vers un livre imaginaire que vous regardez s'éloigner à mesure que le temps passe vous préférez penser qu'il est à jamais dans la mémoire morte de l'ordinateur» (p 99).
Avis - Il faut aimer l'expression poétique, la gymnastique des mots et l'art de la mise en page pour apprécier pleinement. Un ensemble thématique, musical et visuel très original. Il faut seulement ne pas se décourager. A lire. Puis à re-lire... et bien regarder.
Citations : «Les poètes sont des êtres de solitude. Ils embrassent tout : vivants et non-vivants, lesquels les envahissent pour les faire naître à leur destin» (Nimrod, poète, romancier et essayiste tchadien, préface» (p10), (...) «Je ne dors pas la nuit. Quand le silence tombe, ce sont les visages qui remontent dans ma mémoire, ceux que je n'ai jamais vus aussi» (p245), «Toute vie est mouvement, c'est une des évidences qu'il faut pourtant se rappeler
chaque jour, qu'il faut s'entendre dire chaque jour, qu'il faudrait observer à chaque instant» (p251).
par Belkacem Ahcene-Djaballah
udi 16 mai 2024
https://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5329829
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