TÉMOIGNAGE DE DEUX PORTELAIS, ANCIENS COMBATTANTS DE LA GUERRE D'ALGÉRIE
Guerre d'Algérie (1954-1962) (archives ecpad)
La guerre d’Algérie ou Révolution algérienne est aussi appelée guerre d’indépendance algérienne ou guerre de libération nationale.
C’est un conflit qui s’est déroulé de 1954 à 1962,
principalement en Algérie, avec des répercussions en France métropolitaine puisqu’elle a entraîné de graves crises politiques avec pour conséquences le retour au pouvoir du général de Gaulle et la chute de la Quatrième République.
Chez nombre d’anciens combattants, ce souvenir de ces mois douloureux de service et de guerre est toujours vivace.
André Chiffré a fait son service militaire pendant la guerre d’Algérie de 1958 à 1960 près de la frontière avec le Maroc. Cette période reste pour lui très douloureuse et surtout une guerre inutile puisqu’elle s’est soldée par une Indépendance.
Il faisait partie des jeunes appelés « envoyés pour rien » en Algérie, « sacrifiés » comme les nombreux Algériens qui servaient dans l’armée française et qui ont fini soit rapatriés en France, soit égorgés.
Il nous raconte que pendant cette guerre il faisait des patrouilles et des embuscades la nuit et des opérations le jour.
A neuf, ils parcouraient la campagne de minuit à 6h du matin pour essayer de surprendre les groupes ennemis qui changeaient de place, les Fellagas marocains, et passaient la frontière pour venir rançonner les Algériens et retournaient ensuite chez eux pour racheter des armes avec cet argent et continuer le combat. Ils les attrapaient grâce à des embuscades posées près des guets mais risquaient un coup de poignard dans le dos ou une balle de mitraillette. Il se souvient de ces balles qui sifflaient et tapaient sur la paroi rocheuse en faisant des étincelles.
Tous les matins il devait faire des ouvertures de route pour de riches propriétaires avec un engin blindé de reconnaissance (petit tank sur roues) pour voir s’il n’y avait pas de fils tendus qui déclencheraient des mines.
Alain Jurado avait 20 ans à l’époque, mais il n’a pas oublié son voyage mémorable de janvier 1962 depuis Port-Vendres jusqu’à Alger. Le bateau qui les transportait, lui et 200 à 300 jeunes, était un simple rafiot et tout le monde avait le mal de mer et vomissait.
Une fois arrivés, « ça pétait de partout !», nous dit-il et tous étaient vraiment très impressionnés. Ils sont restés deux nuits dans le bateau avant de débarquer.
Des camions les ont emmenés au campement dans la montagne d’Ouarsenis, au sud d’Alger,à Tiaret, où ils ont eu droit au « baptême du feu » : on leur tirait dessus pour de faux pour les habituer à ce qui allait les attendre et ces pauvres jeunes pris par surprise ont eu si peur qu’ils ont sauté depuis le camion jusque dans le fossé !
Il se souvient qu’ils dormaient sous des tentes sur des lits picot et tous les soirs ils marchaient de nuit dans le froid pendant 20 à 30 km, sac au dos, sans lumière ! Pendant ces opérations commandos, il leur arrivait de tomber de temps en temps dans des embuscades comme un jour où il y a eu une douzaine de morts et lui a pu se réfugier sous un espèce de dolmen pour ne pas mourir.
Il se rappelle qu’il y a eu les vivres bloqués pendant trois mois et qu’ils vivaient alors sur les réserves. La nourriture journalière était une simple boîte de sardines pourries, une feuille de salade et beaucoup de bières pour oublier. D’ailleurs il a perdu 15 kg pendant cette guerre !
Il y avait aussi beaucoup de petites tortues grecques et donc chacun en avait une en guise de compagnie, « la mienne s’appelait Gertrude », nous confie-t-il.
« Une période difficile mais on se fait des tas d’amis à cause de la peur », explique Alain. Il n’oubliera jamais celui qui lui a sauvé la vie : c’était un copain qui était libéré mais qui a tenu à le remplacer pour faire une dernière opération et qui est mort à sa place avec toute la section.
Il se souvient aussi d’un autre copain qui était marié, avait un enfant et en attendait un autre. Il a été libéré le jour où sa femme a accouché du second pour être rapatrié en France ; mais malheureusement sur la passerelle à Alger une rafale de mitraillette l’a tué.
Il était toujours en Algérie pour le « cessez-le-feu » au mois de mars, suite aux accords d’Evian où on leur a pris les armes et il n’était pas rassuré du tout !
Puis il y a eu l’Indépendance de l’Algérie le 5 Juillet et finalement ils ont été rapatriés en septembre avec 200 ou 300 harkis (arabes éclaireurs pour l’armée françaises) qui n’ont pas été protégés par De Gaulle qui était au pouvoir et ont fini égorgés dans la vallée du Chelif comme il a pu le voir de ses propres yeux…
Enfin arrivé à Port-Vendres, il a dû prendre le train directement pour l’Allemagne, sans même pouvoir s’arrêter à Portel.
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https://www.lepetitjournal.net/11-aude/e11n-littoral/2020/12/07/nous-avons-ete-sacrifies-en-algerie/
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