Livres
La plus grande leçon de Don Quichotte. L'ingénieux derviche Sidi Ahmed Ibn Engeli et le soldat Saavedra. Roman de Stepan Kucera (traduit du tchèque par Eurydice Antolin). Editions Frantz Fanon, Alger 2023, 249 pages, 1 200 dinars
Une «leçon de littérature sur le plus grand auteur du XXème siècle» ? Peut-être, mais surtout un conte écrit à la manière des anciens contes arabes. On a donc un derviche, ascétique et chétif qui, à cause de ses lectures excessives et son manque de sommeil et de nourriture, a du mal à se tenir au même endroit, mais ingénieux. Sidi Ahmed Benengeli s'achète une chamelle usée (Sérédipité), a pour livre de chevet les voyages d' Ibn Batouta et s'en va explorer le monde. A l'image de Hidalgo Don Quichotte de la Manche.
Donc, plusieurs (més-) aventures, chacune devant une histoire à part entière. Il se sauve à chaque fois en racontant une histoire, un peu comme Shéhérazade des Mille et une Nuits. On rencontre aussi le soldat Saavedra (Miguel de Cervantès de Saavedra...), lui-même en captivité à Alger. Il revenait de la bataille de Lépante...
Alger, ville cosmopolite, au «chaos organisé», où l'on rencontre des gens de différentes nationalités, où l'on parle plusieurs langues... une ville qui grouille de pirates et de corsaires... et de belles demoiselles, captives ou non.
Saavedra ne connaît pas l'arabe et ne peut donc traduire en espagnol le récit de voyage de Sidi Ahmed Ibn Engeli. Il le laisse lui raconter son histoire et le paraphrase librement lui-même.
L'Auteur : Né en 1985, écrivain, parolier et journaliste tchèque. Deux romans nominés à leur parution pour «Magnesia Litera», le plus prestigieux prix littéraire en République tchèque. En 2022, l'ambassade de République tchèque à l'initiative de son ambassadeur de l'époque, l'a invité pour une résidence d'écriture en Algérie. Et, il était présent au Sila 2023.
Extraits : «En ville (note : La Casbah), il rencontra des renégats du monde entier. Là vivaient des Turcs, Moscovites, Polonais, Magyars, Tchèques, Allemands (...) et même quelques Indiens du Nouveau Monde ainsi que des Arabes et des Juifs expulsés de Grenade qui, à Alger, avaient trouvé un nouveau foyer (...). De sa religion native chacun n'avait gardé pour partir que le strict nécessaire, laissant tout ce qui était lourd et ancien de l'autre côté de la mer» (pp 30-31), «Alger était une ville de feux et de bois, d'arbres fruitiers, de bains et de femmes aux paumes de mains colorées par le henné» (p 31), «La ville multilingue d'Alger, accordant la liberté de religion à ses habitants, était pour Cervantès non seulement un monde radicalement différent, mais aussi l'opposé de l'Espagne avec son inquisition. Ce qu'il a vécu dans les Barbaresques a changé à jamais sa perception du réel et lui a appris à regarder le monde «depuis l'autre côté», avec une plus grande tolérance, une plus grande liberté et un regard neuf sur l'humanité» (p 108), «Dans l'Espagne de l'an 1605, moment de la première publication de Don Quichotte, il était risqué d'écrire et de parler l'arabe et plus encore d'écrire et de parler l'hébreu : L'Inquisition avait durement châtié de nombreux chrétiens pour la seule connaissance de l'une de ces langues» (p 111).
Avis - Un voyage époustouflant... et déroutant dans un pan de notre Histoire passée. Un livre étrange, à l'écriture étrange, à la mise en page étrange, truffé de contes et d'histoires étranges. Mais un livre, un «labyrinthe à mille portes» qui ne nous est pas étranger. Il nous transporte dans des mondes pas si étranges que ça : Nos rêves d'enfant -ou d'adulte «mal fini» - et notre soif d'aventures.
Citations : «Dans le désert, des yeux sains sont une source d'illusions, car on ne voit que le sable que le vent fait virevolter ici et là, formant des collines qui se déplacent» (p50), «Un guide expérimenté, que ce soit un homme ou un chameau, a donc bien plus de valeur qu'une caravane chargée de perles et d'ambre» (p50), «Qui peut juger de ce qui est animal ou humain ? «(p 103), «Qu'il n'est pas sage de jouer avec les grandes choses. Elles peuvent détruire même celui qui se sent dans son bon droit» (p 206).
L'espion d'Alger. Roman de Nabil Benali. Casbah Editions, Alger 2019 (auto-édité auparavant, en août 2017), 336 pages, 800 dinars (Fiche de lecture déjà publiée. Extraits pour rappel seulement. Fiche complètein www.almanach-dz.com/bibliotheque dalmanach-dz.com/histoire)
1607. Alger, «El Mahroussa», avec ses corsaires «barbaresques», son Pacha, sa Taïfa des raïs, son Ojak et ses occupants Ottomans venus de La (Sublime) Porte... représentés par un Pacha aidé de janissaires au yatagan bien aiguisé et de collecteurs d'impôts sans pitié. Une époque, une gouvernance et des lieux encore très mal connus faute de documents, mis à part ceux produits par les Occidentaux, commerçants, captifs, espions ou missionnaires (...)
Sujet central du livre : Il faut à tout prix libérer Alexander. Le père, Don Miguel sollicite Cheikh Mansour, un érudit au service du Pacha qui, se trouve, donc, malgré lui, mêlé à une affaire de corsaires et de trafic de captifs chrétiens... Il est vrai que, «turjman» personnel du Pacha d'Alger, il peut hâter les choses. On a même, présente sur les lieux, Maria, très amoureuse, qui ne veut pas quitter Alger sans son Alexander. (...)
De l'aventure, un peu d'amour, l'intrigue, la mort, le courage, la lâcheté, l'espionnage et, bien sûr, la corruption, les échanges de prisonniers...Tout un maquis... Pas facile à débroussailler ! D'autant que ce ne sont pas les rebondissements qui manquent... avec, à la fin, des coupables devenus innocents et des innocents devenus coupables... et une dame à laquelle on donnait pourtant le bon Dieu en confession mais qui se révèle grande espionne... (...)
L'Auteur : Né à Oran (1972), des études de journalisme (Alger, années 90). Producteur d'émissions télévisées, il vit entre Alger, Paris et Doha.(...)
Extraits : «Pour les marins, le lien avec la mer est comme l'amour d'une femme capricieuse. Ils peuvent la maudire autant qu'ils veulent, ils ne la quitteront pour rien en ce monde. Elle punit sans merci la moindre de leurs erreurs, les fait souffrir, les prive de tout et eux, ils sont là, heureux de la subir, tant que la subir leur permet de vivre près d'elle» (p195).
Avis - Ouvrage bien épais, bien documenté, mais qui rend assez confuse la vie d'Alger sous domination(s) corsaire et ottomane
Citations : «En commerce, partout, il y a deux sortes d'hommes : ceux dont la parole est sacrée et les autres qu'il vaut mieux n'avoir jamais rencontrés de sa vie» (p22).
par Belkacem Ahcene-Djaballah
Jeudi 2 mai 2024
https://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5329509
.
Les commentaires récents