En visite pendant deux jours à Mayotte, la cheffe de file du RN s’est surpassée sur ses thèmes de prédilection, l’immigration et l’insécurité, dans l’espoir de se démarquer du pouvoir macroniste, qui a récupéré une bonne partie de son programme dans ce département de l’océan Indien.
Mamoudzou (Mayotte).– Samedi 20 avril, dans le quartier de Cavani, la rue du Stade est fidèle à ce qu’elle est depuis plusieurs semaines : des cabas sont accrochés aux grilles, le linge y sèche, des marmites et des matelas sont disposés contre les murs. Au sol, sur les trottoirs brûlants, les propriétaires de ces maigres biens, demandeurs d’asile ou réfugiés. Ils viennent majoritairement d’Afrique des Grands Lacs et de Somalie et vivent ici depuis que la préfecture, sur ordre du gouvernement, a vidé le stade attenant de ses occupants.
Les familles y avaient jusqu’ici trouvé refuge et installé des cabanes de bois et de bâches afin de se protéger des intempéries et des agressions régulières, suscitant l’ire d’une partie de la population locale. C’est de cette occupation et des rues de ce quartier qu’est né le mouvement des barrages qui a paralysé l’île pendant un mois et demi en début d’année.
« C’est encore pire maintenant », indique à Marine Le Pen l’ancien président du conseil départemental, Daniel Zaïdani, qui vient d’être jugé pour détournement de fonds publics. La cheffe de file du Rassemblement national (RN) a débarqué un peu plus tôt dans un 4x4 flanqué de drapeaux tricolores. Elle a été accueillie par les chants des collectifs anti-immigration, les bises et les selfies, sous les regards médusés ou inquiets des familles de migrants. Tous observent en silence la caravane se diriger vers un terrain multisport qui accueillera le meeting du jour et d’où résonneront dans tout le quartier des mots qui se veulent des cris de détresse, mais transpirent la haine.
Marine Le Pen et Daniel Zaïdani dans le quartier de Cavani à Mamoudzou, le 20 avril.
Une sono à plein régime relaie ainsi le plaidoyer d’une membre du collectif local. « Nous sommes asphyxiés, la population ne vit plus », dit-elle, fustigeant « des migrants qui ont aujourd’hui pris d’assaut les rues du quartier », avant de les imaginer propagateurs du choléra puis de « refuser d’être exposée à une immigration violente dans tous les sens du terme ». Marine Le Pen, bardée de colliers de fleurs de jasmin, est aussi conquise que le terrain l’est à sa cause. « Ces migrants font caca dehors, devant nos enfants », hurle une autre femme qui dénonce la « complicité de certaines associations pseudo humanistes ».
L’ancienne candidate à la présidentielle ne se saisira pas du thème associatif : elle a été condamnée pour diffamation après avoir accusé La Cimade de se rendre complice des passeurs lors de son dernier déplacement à Mayotte en décembre 2021. Elle avait alors rejoint les collectifs qui faisaient le siège devant les locaux de l’association à Mamoudzou. Mais la voilà rassurée quand la militante dénonce « les effets d’annonce du gouvernement » au micro.
Duel en terre mahoraise
Car depuis sa dernière visite, le gouvernement, et plus spécifiquement Gérald Darmanin, a fait sien les discours de la députée d’extrême droite concernant Mayotte, en mêlant toujours davantage immigration et insécurité. Le ministre de l’intérieur a su compter sur le fervent soutien des collectifs à l’heure de l’opération Wuambushu, dont « l’échec » ne lui est d’ailleurs pas imputé.
Pour faire lever les barrages, Gérald Darmanin a même coupé l’herbe sous le pied des collectifs, qui n’en demandaient pas tant, en proposant l’abrogation du droit du sol à Mayotte. Surtout, il a permis à ces collectifs de s’institutionnaliser en les assurant notamment de leur participation à l’élaboration de la future loi Mayotte.
Grégoire Mérot
https://www.mediapart.fr/journal/france/210424/face-un-gouvernement-qui-vient-sur-son-terrain-le-pen-surencherit-mayotte
.
Les commentaires récents