Aline, Jeanne, Aïcha et Yamina ont grandi avec l’histoire de leurs pères durant la guerre d’Algérie et les conséquences de leur engagement auprès de l’armée française. Dans "Filles de Harkis", elles racontent leur enfance et leur vie de femmes dans une France qui les a longtemps cachées.
Le 15 février 2022, 60 ans après la fin de la guerre, la France demandait officiellement pardon pour "les conditions indignes de l’accueil" réservé aux 90.000 Harkis et à leurs familles ayant fui l’Algérie après l’indépendance.
C’est par le prisme de l’intime que la réalisatrice Lucie Boudaud a choisi d’évoquer cette page douloureuse de l’Histoire, le sort des Harkis, ces oubliés de la République.
Et c’est à des femmes qu’elle a souhaité donner la parole, car les filles de Harkis ont joué un rôle considérable auprès de leurs pères et de leurs familles, tout au long de leur vie.
A Nice, Draguignan, ou encore Manosque, "Filles de Harkis" nous emmène à la rencontre d’Aline, Jeanne, Aïcha et Yamina. Depuis leur enfance, elles luttent contre un destin que leurs pères n’ont pas réellement choisi. Aujourd’hui, elles disent encore et toujours leur besoin de reconnaissance, mais aussi de respect.
Mon père a fait la guerre d’Algérie malgré lui, c’est une histoire qui l’a happé.
Jeanne
Des représailles sanglantes
Pendant les 8 années de conflit, 200.000 civils algériens sont engagés comme supplétifs par l’armée française, ils sont appelés les Harkis. Le 18 mars 1962, les accords d’Evian signent la fin de la guerre. L’Algérie gagne son indépendance.
Mais malgré la promesse de la France de protéger ces supplétifs algériens, les représailles sont sanglantes. A partir de 1962, près de 90.000 harkis et leurs proches fuient le pays. Seule une famille sur deux sera aidée par la France.
L’armée place d’abord les Harkis dans des camps de transit, comme celui de Saint-Maurice - L'Ardoise dans le Gard. Les conditions de vie sont épouvantables. "Des enfants mouraient de froid, c’était terrible Saint-Maurice - L’Ardoise, un camp d’une injustice inimaginable" raconte Jeanne. "Des milliers de personnes étaient dans ce camp, des centaines de familles. Mes parents y sont restés un an."
Au fil des années, les familles sont déplacées vers d’autres camps de regroupement, majoritairement dans le sud de la France.
De leur jeunesse passée dans ces camps cachés à l’écart des villages, jusqu’à leur parcours d'adultes, ces femmes courageuses nous livrent le récit de leur vie. Témoignages forts, bouleversants.
Enfants, on avait le sentiment d’être une anomalie, des êtres hybrides parce qu’on était régulièrement insultés, traités de sale traître, de sale arabe et à chaque fois on se heurtait à cette double assignation, sans comprendre. On ne nous a pas expliqué que l'on était enfants de Harkis. Et ça bouscule, ça crée de véritables fêlures sur la confiance en soi, sur l’estime de soi, sur l’image que l’on peut avoir de soi.
Yamina
Longtemps oubliées de la République, aujourd’hui sur le chemin de la résilience, Aline, Jeanne, Aïcha et Yamina continuent de tisser leur histoire entre ces deux pays que sont l’Algérie, terre de leurs pères, et la France où elles ont grandi et fini par trouvé leur place.
Gardiennes de cette histoire tragique, c’est par l’écriture, le témoignage, la transmission qu’elles redonnent vie à une existence abîmée par une mémoire familiale douloureuse. Leurs mots sont à la fois des armes et des baumes pour elles et leurs familles.
Plus de 60 ans après la fin de la guerre d’Algérie, si certaines souffrent encore d’avoir été livrées à une vie jalonnée de difficultés, de rejet et de précarité, d’autres estiment que la France leur a malgré tout permis de se trouver et de s’émanciper. Aujourd’hui encore, leur vie ne cesse de communiquer avec celle de leurs pères.
"Filles de Harkis" à voir et revoir sur france.tv
Un documentaire de 52 mn de Lucie Boudaud.
Une coproduction France Télévisions / 13 Productions.
Diffusion jeudi 28 mars 2024 à 23h05 sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.
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