Ce poème paru dans "l'Avenir de Mascara" du 31 août 1940, nous est envoyé par notre lecteur M.Guy Mermod, que nous remercions. Le poème n'est pas signé mais il est sans doute dû à la plume de Charles Dubar dont l'article paru dans "l'Echo de Bougie", et reproduit dans le même journal, fait état des mêmes réflexions.
La Légion d'honneur, ce dernier mot l'indique, Fut créée autrefois par le Grand Empereur, Pour marquer des héros, les exploits magnifiques, Et les récompenser de leur haute valeur.
Chapeau bas, devant ceux qui vraiment la méritent ! Leurs noms sont au Tableau d'Honneur de la Nation: Mais les institutions, à la longue s'effritent Et croulent sous le poids des viles concussions!
Au ciel, Napoléon, chaque jour, l'âme émue D'y voir tant de rubans de l'Ordre qu'il Créa, Dit au Bon Dieu: "Je vais les passer en revue... Venez donc admirer tous ces braves soldats..."
Le défilé commence: Oh! Sans cérémonies! L'Empereur avait mis simplement sa grand'croix Sur un vieux complet gris, sans or ni broderies, Puis il interrogea le premier de son choix:
-"Qu'as-tu fait pour avoir cette croix que tu portes?... -"Moi? J'étais épicier...Oui Sire c'est en gros Que je vendais, bon prix, des lots de toutes sortes: Des conserves, du lard, des nouilles, des pruneaux!
"Va-t-en, fit l'Empereur...Voyons. toi, je suppose... "Moi? J'étais journaliste et des gouvernements, Etant subventionné, j'ai défendu leur cause. On m'a décoré pour...SERVICES EMINENTS!
-"Pars! dit Napoléon dont la colère augmente... Et toi? "Je dirigeais un grand trust financier. Je savais spéculer sur le change, la rente... Oui, j'ai eu mon ruban grâce aux petits rentiers!
"Ça, cria l'Empereur, c'est vraiment fantastique! Et toi? - "Sire, j'étais avocat sans procès ; Je pris des opinions, fis de la politique... Et j'obtins cette croix d'un ministre à succès!
-"Et toi, vite réponds! -"Moi. Sire, j'étais riche; J'avais une écurie, un château, un cheptel, J'ai vendu des prix fous des poulains, des pouliches; Mais j'ai fait prospérer le Pari Mutuel.
-"Un autre, par pitié! -"Moi, Sire, dans la vie, Je l'avoue humblement, d'exploits, je n'ai pas fait; Mais, j'avais une femme élégante et jolie, Qui, dans les ministères...beaucoup fréquentait!
Napoléon rageait, retenant un blasphème! "Et toi, l'as-tu gagnée...enfin...par exception? -"Sire, je le crois bien, et pensez si je l'aime, Pour avoir ce bijou, j'ai payé deux millions!
Bande de flibustiers!...Usurpateurs de gloire!... Hurla Napoléon, chassant les décorés, C'est ainsi que sur terre, on souille ma mémoire En vendant pour de l'or cet emblème sacré?
Il restait, dans un coin, un dernier légionnaire -"Eh bien! Qu'attends-tu? -"Sire, daignez m'écouter! Je ne suis qu'un poilu de la dernière guerre, Pendant près de cinq ans, pour eux, j'ai dû lutter...
"Bien que blessé sept fois, j'ai survécu quand même, Alors l'on m'a donné une maigre pension... Pour la femme, l'enfant, c'était souvent carême! Mais à quoi bon se plaindre...en France, ils sont légion!
"Et pourtant cette croix, Sire, je vous l'assure, Ah! Comme je l'aurais portée avec orgueil! Ce n'est qu'une fois mort des suites de blessures Qu'elle fut déposée, un jour, sur mon cercueil..."
Napoléon pleurait..."Enfin, dit-il, un BRAVE! Viens m'embrasser, petit! "Et fixant l'autre tas, Il arracha sa croix, et puis...d'une voix grave: "Prends-la! Tu la mérites, mais ne la porte pas!"
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