Larbi Ben M’hidi, héros incontesté de la Révolution algérienne
Le film Ben M’hidi de Bachir Derais sort plus de six ans après sa mise au placard. Le long métrage a été projeté à l’Opéra d’Alger Boualem Bessaih.
La salle était archicomble dans la soirée du lundi 4 mars 2024. L’avant-première officielle s’est déroulée en présence de la ministre de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji, du ministre des Moudjahidine et des Ayants droit, Laïd Rebiga, du ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Brahim Merad, et du président du Conseil de la nation, Salah Goudjil. Les invités, eux, étaient venus nombreux pour assister à la projection d’un film qui a fait couler beaucoup d’encre avant sa sortie nationale.
En 2018, la commission de visionnage du ministère des Moujahidine, qui a contribué au financement du film à presque 30%, avait émis une cinquantaine de réserves sur certains passages de Ben M’hidi.
Selon le réalisateur, la commission n’avait pas apprécié certaines scènes du film, comme une altercation entre Larbi Ben M’hidi et Ahmed Ben Bella au Caire, à cause du non-acheminement des armes aux combattants aux maquis et au rôle effectif de la Délégation de l’extérieur du FLN.
Avec Aït Ahmed et Khider, Ben Bella faisait partie de cette délégation, chargée de mener une action diplomatique en faveur de la Révolution et de la cause de l’indépendance.
Dans le film, Larbi Ben M’hidi (Khaled Benaissa) déclare à l’adresse de Ben Bella : «Nous n’avons jamais eu besoin d’un chef.» «Je ne comprends pas cette idée de la primauté de l’intérieur sur l’extérieur.
Comment voulez-vous avoir de la crédibilité en s’adressant aux chefs d’Etat ? Si je ne parle pas en ma qualité du FLN, qui va me recevoir ? Je suis là pour rassembler les Algériens et les Egyptiens. Gamel Abdel Nasser et Sawt Al Arab (radio) sont des piliers solides pour notre cause. Nous devons rassembler les Libyens et les Marocains pour qu’ils soient avec nous», réplique Ben Bella.
Échange vif entre Ben Bella et Ben M’hidi
«Et que faisons nous à l’intérieur ? Allons-nous demander des armes à notre ennemi ?» s’interroge Ben M’hidi. Il demande sur un ton coléreux que la Délégation envoie des armes aux maquis et parle du Congrès de la Soummam. Cette scène de querelle semble avoir été atténuée au montage.
Dans le film, l’échange vif entre Ben Bella et Ben M’hidi est maintenu. Ben Bella apparaît comme un homme hautain, méprisant, insensible aux sollicitations de Ben M’hidi. Ben Bella devient invisible après dans le film alors qu’Aït Ahmed et Khider n’apparaissent pas.
Le réalisateur développe cette thèse discutable de «l’inefficacité» supposée de la Délégation extérieure du FLN durant tout le film ne cherchant à aucun moment à équilibrer le récit. Son «verdict» est tranchant.
«Nous avons besoin d’armes, pas de paroles», répond Ben M’hidi à un commentaire fait par Sawt Al Arab (radio basée au Caire) sur la lutte armée algérienne. Cette radio avait pourtant servi de relais puissant à la lutte armée des Algériens au moment où un black-out médiatique était imposé par la France coloniale.
Messali El Hadj, fondateur du PPA- MTLD (Parti du peuple algérien- Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), est également invisible dans le film. «Je suis allé voir Messali El Hadj. Il n’a rien voulu savoir.
Selon lui, seul le congrès devait décider», confie Ben M’hidi dans le film. «Le PPA-MTLD ne sortira jamais de ses crises de personnalités et de ses lignes de l’opposition entre messalistes et centralistes», tranche Mohamed Boudiaf (Samir El Hakim).
Le rôle de Ferhat Abbas minoré
Même le rôle de Ferhat Abbas est évacué en une seule scène lorsque le fondateur de l’Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA) demande d’aller voter, en 1946. «Vous allez libérer le pays avec quoi ? Avec des glands (ballout) ?» s’interroge Ferhat Abbas.
Dans le combat pour l’indépendance du pays, Ferhat Abbas avait eu un rôle plus important que cette image que le film tend benoîtement à véhiculer de lui, comme opposé à la lutte armée et adepte de la capitulation. Après le Congrès de la Soummam en 1956, Abbas entrait au Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA) puis au Comité de coordination et d’exécution (CCE), une année plus tard.
Le film, riche en dialogues politiques, se concentre sur les discussions entre les chefs historiques de la Révolution. Larbi Ben M’hidi, Krim Belkacem (Iddir Benaibouche), Didouche Mourad (Fethi Nouri), Mohamed Boudiaf (Samir El Hakim), Mustapha Ben Boulaïd (Mourad Oudjit) et Rabah Bitat.
Ces deux derniers n’apparaissent que peu dans le film. N’ont-ils pas joué de rôle dans la préparation et l’exécution de l’action militante armée ? Qu’ont-ils fait au maquis ?
«Nous devons écrire dans la Déclaration (du 1er novembre), si nous venons à mourir, défendez nos mémoires», proclame Didouche Mourad. Applaudissement dans la salle. Krim Belkacem propose «d’immortaliser» le moment. D’où la fameuse photo en noir et blanc des six chefs historiques, quatre debout et deux assis. Nouvel applaudissement accompagné de youyou dans la salle. Cette photo, prise à Bab El Oued, à Alger, est l’une des plus célèbres de la Guerre de Libération nationale.
Le manque d’armement
Le déclenchement de la cette guerre, le 1er novembre 1954, est évoqué à travers des extraits de couvertures des médias coloniaux parlant «des attentats de la Toussaint». Rapidement dans le film, Mohamed Boudiaf constate le manque d’armement pour les combattants et écrit à Ben M’hidi en parlant «d’un climat de suspicion».
Le contexte politique de cette situation n’est pas suffisamment expliqué pour comprendre cette missive de Boudiaf. La mise en contexte est inévitable dans une fiction basée sur des faits historiques réels. A quel moment l’armement manquait au maquis ? Et pourquoi ?
Au maquis, Larbi Ben M’hidi est montré assis dans une chaumière lorsqu’il reçoit un messager de Abane Ramdane. Les scènes de combat sont rares dans le film et Ben M’hidi, officier de l’ALN, n’est pas montré arme à la main. Ben M’hidi, surnommé «el hakim» (le sage), rencontre Abane Ramdane (Nidhal Mellouhi), à Alger. L’idée est que la direction de la Révolution «parle d’une seule voix» pour «arracher l’indépendance par les armes».
Abdelhafid Boussouf apparaît une seule fois dans le long métrage, où il évoque la politique de Jacques Soustelle, alors gouverneur général de l’Algérie, qui met en avant «les nationalistes modérés» pour dialoguer avec eux. «Il veut qu’on les égorge tous», dit-il. Boussouf, membre du Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA) et chef du MALG (Ministère de l’Armement et des Liaisons générales) n’aura plus de parole dans le film.
Abane Ramdane, par contre, occupe une bonne place dans le long métrage où il explique sa volonté d’organiser le Congrès de la Soummam pour «réorganiser» la Révolution. «Il faut un règlement pour fixer les tâches et le rôle de chacun», proclame-t-il. Il dit assumer «l’ordre de condamner à mort les messalistes» (l’ordre a été donné au colonel Amirouche pour liquider les militants du MNA).
Congrès de la Soummam
Au cours des événements du film, Ben M’hidi est devenu presque un adjoint de Abane, habillé en chef incontesté de la Révolution. Ben M’hidi accepte tout ce que lui suggère Abane. Boudiaf, Ben Khedda, Zighout et Bentobbal sont réduits à des tâches et à des voix secondaires.
Au Congrès, Ben M’hidi et Abane dominent les débats, le rôle des autres participants sont diminués. «Tu sais Abane qu’ils sont moins instruits mais ils ont le cœur net», soutient Ben M’hidi. Pourtant, dans ce Congrès, les intervenants s’exprimaient en français soigné où ils évoquait «le quorum» et «le démocratisme» lors d’un débat sur l’absence de Mostefa Ben Boulaïd, lequel Ben Boulaïd était mort dans les Aurès en mars 1956, soit cinq mois avant le Congrès !
«Ben Bella se croit président. Tu crois qu’il va risquer sa vie à traverser les frontières et venir assister avec nous à ce Congrès», tranche Abane. A l’époque, il n’existait aucun élément pouvant étayer cette thèse sur «les ambitions présidentielles» supposées de Ben Bella.
Le film évoque, avec un certain courage, les différentes visions par rapport à l’utilité et l’efficacité du combat pour l’indépendance du pays. «Face à la violence des Français qu’est-ce qu’on peut faire ?» s’interroge Krim Belkacem. «Des actions isolées et non organisées sont un grand risque à l’échelle nationale et internationale», répond Ben M’hidi.
«Ce qui nous intéresse est d’étendre la lutte à tout le territoire algérien. Et pour cela, il faut décréter la primauté du politique sur le militaire», appuie Abane. Une idée rejetée par Zighout. «Ferhat Abbas et Youcef Ben Kheda sont des militants de la dernière heure», proclame Bentobal. «Nous devons accepter les Algériens quels qu’ils soient, l’essentiel est d’atteindre l’indépendance», tempère Ben M’hidi. Abane disparaît ensuite. Dans le film, il est sorti comme il est entré, par effraction.
Scène de torture
Le film de Bachir Derrais est le premier long métrage algérien à plonger au cœur des désaccords entre les chefs de la Révolution, les différences d’appréciation, les antagonismes idéologiques.
Le cinéaste a tenté de s’éloigner, selon sa vision, des récits historiques conventionnels en cherchant d’autres vérités auprès de ceux qui avaient connu Larbi Ben M’hidi, comme Brahim Chergui et Hachemi Troudi.
Abdelkrim Bahloul, qui a écrit le scénario d’après le texte de Mourad Bourboune, s’est basé sur le récit fait par Drifa Ben M’hidi sur son frère et sur des sources documentaires. La brève scène de torture, montrée dans le film, ne restitue réellement pas le supplice subit par Larbi Ben M’hidi, livré aux mains de l’impitoyable capitaine parachutiste Paul Aussaresses.
Cet officier, connu pour ses actes de torture et de maltraitance, apparaît pour la première fois dans un film algérien.
Un film où les méfaits de la colonisation française ne sont pas suffisamment apparents pour appuyer la nécessité de lutter pour l’indépendance du pays et le rôle des femmes dans cette lutte est abordé d’une manière peu approfondie, même si un ou deux dialogues soulignent cette question.
Demain, 4 mars, sera diffusé à 19h le film enfin autorisé de Bachir Derraïs Ben M’hidi, projection confidentielle à l’Opéra d’Alger et événement de l’année, une quinzaine de ministres et une foule de cadres de ministères et d’ayant-droits étant annoncés. Première pénurie d’avant-Ramadhan, celle des cartons d’invitation.
Dans la nuit du 3 au 4 mars 1957, Larbi Ben M’hidi, arrêté sourire aux lèvres par les parachutistes français dans un immeuble du Sacré- Cœur à Alger le 23 février, est pendu par le général Aussaresses sans autre forme de procès, après de longues séances de torture.
Le sombre officier avouera son forfait 40 ans plus tard, ainsi que le meurtre de l’avocat Ali Boumendjel, sans avoir été inquiété. 61 ans après 1957, un film est réalisé sur ce héros de la Révolution et 67 ans plus tard, il sera diffusé dans un opéra à Alger, la nuit, et la date de sortie en salles pour le grand public n’a pas encore été fixée.
Si Ben M’hidi pourrait expliquer à lui seul la violence de la colonisation, le film éponyme pourrait aussi expliquer à lui seul la problématique du cinéma algérien.
Alors que le film a été réalisé en 2018, il a été longtemps bloqué pour des réserves, entre autres sur la personnalité de Ben M’hidi et les querelles internes lors de la Révolution, et il faudra attendre mars 2022 pour que le ministre des Moudjahidine, Laïd Rebigua, annonce à l’occasion de la commémoration du 65e anniversaire de la mort de Larbi Ben M’hidi que le film de Bachir Derraïs «sera présenté courant 2022».
Toujours rien, puis en décembre 2022, le réalisateur du film et les ministères de la Culture et des Moudjahidine signent un protocole pour lever «toutes les entraves et interdictions», accords pour la diffusion aussi complexes que les Accords d’Evian, sauf que le film restera encore dans les tiroirs encore plus d’un an jusqu’à ce 4 mars 2024 béni, jour anniversaire de l’assassinat de Ben M’hidi. Mais qui a donné l’autorisation de diffusion ?
Une directive présidentielle, selon les sources, le Président ayant été irrité par ce long feuilleton sans fin, donnant l’ordre suivi par la ministre de la Culture de «lâcher» le film, ce qui a conduit à cette projection organisée dans la précipitation. Par ailleurs, selon les mêmes sources, l’ancien comité de visionnage du ministère des Moudjahidine, ayant été changé pour des hommes plus ouverts, aurait facilité la libération du film, sur la libération.
En gros et pour les chiffres, 4 millions d’euros de budget, une équipe de 200 personnes et 6 ans de retard, et si ce n’est pas le premier film sur la Révolution, 562 articles dans la presse écrite et 72 segments diffusés à la radio ou à la télévision sur Ben M’hidi ont été recensés, ce qui l’a rendu célèbre avant même sa sortie.
76 SECONDES
«Nous sommes passés de 55 à 5 réserves», affirme Bachir Derrais, et au final, «en tout et pour tout, ce sont 76 secondes qui ont été coupées pour un film qui dure 1h56 minutes». «Les scènes supprimées sont liées à des dates, aux noms de certains protagonistes ainsi qu’à quelques phrases non conformes à la vérité des faits historiques», a précisé le réalisateur. 76 secondes pour 6 ans de blocage, qui finalement ont généré 3 mn de coupures, sans remontage, quelques dialogues coupés, le réalisateur expliquant qu’il a «réussi à négocier de remonter le film à ma guise en respectant l’article 5 de la loi du cinéma en Algérie, donc c’est un exploit», Une loi très contraignante avec sa nouvelle version en cours qui continue à faire l’objet de critiques, des commissions de lecture et de visionnage partout, «pour chaque scénario évoquant une scène se déroulant dans une mosquée, il faut une demande au ministère des Affaires religieuses», explique le producteur, «s’il aborde la Révolution, c’est une demande au ministère des anciens Moudjahidine, une scène avec des policiers, c’est une demande à la DGSN, même chose pour l’armée, les douanes, la gendarmerie».
Si cette loi devait passer, ce qui n’est pas encore sûr puisqu’elle pourrait être bloquée au niveau du Sénat sur instruction présidentielle, il faudra s’armer de patience, préparer un scénario aujourd’hui pour tourner 6 ans plus tard. Bref, c’est à l’opéra, construit par les Chinois et offert gracieusement à l’Algérie, que le film sera projeté, 1500 places avec des bousculades téléphoniques pour avoir des places, organisation sans communication sérieuse par le CADC, Centre algérien de la cinématographie, ce qui a fait dire au réalisateur que «il est probable que cette séance soit l’une des plus discrètes et des moins médiatisées de l’histoire du cinéma algérien depuis l’indépendance».
Ben M’hidi mort, son film ressuscité, Bachir Derrais va-t-il s’arrêter là ? Un peu, même si en tant que producteur il est déjà sur deux films et comme réalisateur travaille sur un sujet sensible «qui ne va pas les intéresser», explique-t-il, « j’arrête avec les institutions étatiques».
Reste la vraie question : qu’aurait pensé Ben M’hidi lui-même de ce film, de tous ces retards et blocages, des commissions de lecture et de visionnage et de la loi sur le cinéma ? On ne le saura jamais. C’est pour ça qu’il faut faire du cinéma.
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Demain, 4 mars, sera diffusé à 19h le film enfin autorisé de Bachir Derraïs Ben M’hidi, projection confidentielle à l’Opéra d’Alger et événement de l’année, une quinzaine de ministres et une foule de cadres de ministères et d’ayant-droits étant annoncés. Première pénurie d’avant-Ramadhan, celle des cartons d’invitation.
Dans la nuit du 3 au 4 mars 1957, Larbi Ben M’hidi, arrêté sourire aux lèvres par les parachutistes français dans un immeuble du Sacré- Cœur à Alger le 23 février, est pendu par le général Aussaresses sans autre forme de procès, après de longues séances de torture.
Le sombre officier avouera son forfait 40 ans plus tard, ainsi que le meurtre de l’avocat Ali Boumendjel, sans avoir été inquiété. 61 ans après 1957, un film est réalisé sur ce héros de la Révolution et 67 ans plus tard, il sera diffusé dans un opéra à Alger, la nuit, et la date de sortie en salles pour le grand public n’a pas encore été fixée.
Si Ben M’hidi pourrait expliquer à lui seul la violence de la colonisation, le film éponyme pourrait aussi expliquer à lui seul la problématique du cinéma algérien.
Alors que le film a été réalisé en 2018, il a été longtemps bloqué pour des réserves, entre autres sur la personnalité de Ben M’hidi et les querelles internes lors de la Révolution, et il faudra attendre mars 2022 pour que le ministre des Moudjahidine, Laïd Rebigua, annonce à l’occasion de la commémoration du 65e anniversaire de la mort de Larbi Ben M’hidi que le film de Bachir Derraïs «sera présenté courant 2022».
Toujours rien, puis en décembre 2022, le réalisateur du film et les ministères de la Culture et des Moudjahidine signent un protocole pour lever «toutes les entraves et interdictions», accords pour la diffusion aussi complexes que les Accords d’Evian, sauf que le film restera encore dans les tiroirs encore plus d’un an jusqu’à ce 4 mars 2024 béni, jour anniversaire de l’assassinat de Ben M’hidi. Mais qui a donné l’autorisation de diffusion ?
Une directive présidentielle, selon les sources, le Président ayant été irrité par ce long feuilleton sans fin, donnant l’ordre suivi par la ministre de la Culture de «lâcher» le film, ce qui a conduit à cette projection organisée dans la précipitation. Par ailleurs, selon les mêmes sources, l’ancien comité de visionnage du ministère des Moudjahidine, ayant été changé pour des hommes plus ouverts, aurait facilité la libération du film, sur la libération.
En gros et pour les chiffres, 4 millions d’euros de budget, une équipe de 200 personnes et 6 ans de retard, et si ce n’est pas le premier film sur la Révolution, 562 articles dans la presse écrite et 72 segments diffusés à la radio ou à la télévision sur Ben M’hidi ont été recensés, ce qui l’a rendu célèbre avant même sa sortie.
76 SECONDES
«Nous sommes passés de 55 à 5 réserves», affirme Bachir Derrais, et au final, «en tout et pour tout, ce sont 76 secondes qui ont été coupées pour un film qui dure 1h56 minutes». «Les scènes supprimées sont liées à des dates, aux noms de certains protagonistes ainsi qu’à quelques phrases non conformes à la vérité des faits historiques», a précisé le réalisateur. 76 secondes pour 6 ans de blocage, qui finalement ont généré 3 mn de coupures, sans remontage, quelques dialogues coupés, le réalisateur expliquant qu’il a «réussi à négocier de remonter le film à ma guise en respectant l’article 5 de la loi du cinéma en Algérie, donc c’est un exploit», Une loi très contraignante avec sa nouvelle version en cours qui continue à faire l’objet de critiques, des commissions de lecture et de visionnage partout, «pour chaque scénario évoquant une scène se déroulant dans une mosquée, il faut une demande au ministère des Affaires religieuses», explique le producteur, «s’il aborde la Révolution, c’est une demande au ministère des anciens Moudjahidine, une scène avec des policiers, c’est une demande à la DGSN, même chose pour l’armée, les douanes, la gendarmerie».
Si cette loi devait passer, ce qui n’est pas encore sûr puisqu’elle pourrait être bloquée au niveau du Sénat sur instruction présidentielle, il faudra s’armer de patience, préparer un scénario aujourd’hui pour tourner 6 ans plus tard. Bref, c’est à l’opéra, construit par les Chinois et offert gracieusement à l’Algérie, que le film sera projeté, 1500 places avec des bousculades téléphoniques pour avoir des places, organisation sans communication sérieuse par le CADC, Centre algérien de la cinématographie, ce qui a fait dire au réalisateur que «il est probable que cette séance soit l’une des plus discrètes et des moins médiatisées de l’histoire du cinéma algérien depuis l’indépendance».
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Reste la vraie question : qu’aurait pensé Ben M’hidi lui-même de ce film, de tous ces retards et blocages, des commissions de lecture et de visionnage et de la loi sur le cinéma ? On ne le saura jamais. C’est pour ça qu’il faut faire du cinéma.
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