Ils disent qu'elle est aux portes des démocraties, qu'elle revient d'un long séjour dans les ténèbres de l'humanité, elle a entendu l'appel des peurs, du désarroi et de l'incertitude.
L'extrême droite, cette maladie qui ne peut se nourrir que du désespoir et des morts en a senti l'odeur. Pour tous les démocrates, elle avance et se délecte de sa sortie d'une longue hibernation, elle a toujours été aux aguets, elle attendait son heure. Elle a faim, elle rugit et avance en un pas décidé. Elle se souvient de ces temps où elle avait décimé tout sur son passage, c'était le temps de sa splendeur et de sa gloire. Elle veut le retrouver, le reprendre et revivre son exaltation passée.
Partout en Europe et dans de nombreux autres pays, elle ressent le moment favorable pour elle de son entrée, acclamée par la supplique bruyante de ceux qui la réclament.
Du latin « pestis » qui signifie fléau, brune a pour origine la couleur des chemises des nazis. Le fléau brun, comme la peste, s'était déversé en une gigantesque folie meurtrière.
Généralisée à bien d'autres régimes, la peste brune peut prendre, comme le diable, tous les visages et tous les noms. Fascisme, nazisme, populisme et bien d'autres carapaces sont les siennes. Ils relèvent tous d'un parcours qui semble différent dans les faits mais absolument identiques dans leur doctrine et leur but.
La peste brune veut éliminer tous ceux qui lui paraissent faibles. Elle n'épargne que les races qu'elle estime être pures et gorgées d'un nationalisme exacerbé. Elle élimine tout ce qui est étranger à la nation qu'elle définit par la force de l'ordre et aux dogmes du passé. Ce passé, c'est son terreau, la raison de sa puissance. Pourtant vous souvenez-vous du point d'interrogation du titre car cette peur n'est pas justifiée, l'extrême droite fait cette fois-ci un mauvais calcul. Les peuples sont vaccinés par son dernier passage. Il est trop tôt pour elle de revenir, en tout cas dans l'étendue qu'elle pensait pouvoir annexer. On ne voit en effet que les menaces actuelles, on en oublie la réalité car la peur fait perdre le discernement. L'extrême droite a déjà conquis le pouvoir dans certains pays et a été contrainte d'édulcorer son langage et ses prétentions doctrinaires.
En Autriche, il y bien longtemps que la vague brune n'a plus les moyens de ses ambitions. En Pologne, l'aventure s'est arrêtée dans les premiers contreforts du régime autoritaire, bloqué par la nécessité du soutien économique européen. Elle a aujourd'hui perdu le pouvoir.
En Italie, à peine arrivée au pouvoir avec tambours et trompettes, la chef du gouvernement Melloni, fille et adepte du fascisme de Mussolini, la voilà déjà obligée de revenir d'une manière stupéfiante sur ses promesses électorales. Elle ne souhaite plus pour son pays la sortie de l'Europe et, sacrilège de tous les sacrilèges pour l'extrême droite, elle veut faire appel à un million d'immigrés pour soutenir l'économie italienne et sa démographie en déclin.
Marine Le Pen fait tout pour sa réhabilitation dans la sphère de la république et de la démocratie. Elle a compris que le chemin tracé par son père était une impasse pour accéder enfin au pouvoir qu'elle sait maintenant incompatible avec les idées de la peste brune. Quant à l'ennemi juré, l'Europe, elle ne parle plus de sa sortie mais de son amendement. Il ne lui reste plus que la thématique de l'immigration mais elle ressent bien que les besoins de l'industrie et des services sont en manque vital de main-d'œuvre. Et que là aussi, la baisse de la natalité n'est pas pour la faire réussir. Le parti néo-franquiste espagnol, Vox, vient de connaître une véritable déroute électorale après une ascension fulgurante. Que devient le nationaliste Nigel Faraj en Grande-Bretagne ? Lui qui avait poussé les Britanniques au Brexit et qui est obligé aujourd'hui de se murer dans un quasi-silence en affirmant à demi-mot que ses promesses n'étaient pas vraiment des mensonges mais qu'elles n'avaient pas été comprises. Au final, comme en Italie, non seulement l'immigration n'a pas cessé mais la Grande-Bretagne la réclame pour son économie.
L'extrême droite s'est trompée dans son analyse du passé. Dans sa période faste, elle était arrivée en Italie et en Allemagne après que la situation avait été dévastée par les retombées en Europe de la grande crise de 1929 et que l'humiliation des peuples avait été à son comble après le traité de Versailles. Nous en sommes loin dans le monde. Elle doit repartir en voyage retour. Mais comme toutes les épidémies que l'humanité a connues, le mal est toujours présent, en embuscade. La solution n'est donc pas d'avoir peur mais d'être perpétuellement en vigilance.
par Sid Lakhdar Boumediene
Mardi 13 février 2024
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