Lors de la bataille d’Alger en 1957, le fondateur du Front national, aujourd’hui Rassemblement national, a torturé. Dans « À l’air libre », l’historien Fabrice Riceputi documente les preuves, en dialogue avec Malika Rahal, directrice de l’Institut d’histoire du temps présent.
Inspirée de propositions d’extrême droite, la loi sur l’immigration a été votée le 19 décembre. 201 personnalités appellent à manifester partout en France dimanche. Dans « À l’air libre », Sophie Binet (CGT), Jacques Toubon (ancien Défenseur des droits), l’écrivaine Alice Zeniter et Edwy Plenel expliquent pourquoi ils en seront.
Par micheldandelot1 dans Accueil le 19 Janvier 2024 à 12:17 http://www.micheldandelot1.com/binet-toubon-zeniter-trois-voix-contre-la-loi-immigration-video-a215298161
Deux millions d’appelés ont combattu en Algérie. À leur retour, la plupart se sont tus. Comment parler de leur expérience à leurs parents ou leurs grands-parents qui avaient déjà connu deux guerres mondiales ? Ou à des civils qui n’avaient pas pris la mesure de ce conflit ? Depuis une quinzaine d’années, encouragée par les historiens et des associations d’anciens combattants, leur parole se libère peu à peu. L’historien Tramor Quemeneur, ancien élève de Benjamin Stora, recueille depuis plus de vingt ans leurs témoignages. Historia en publie une sélection inédite, passée au filtre de la rigueur scientifique. Une immersion qui reflète toute la complexité de cette « guerre sans nom ».
"La guerre d’Algérie, guerre fratricide de populations cohabitant depuis plus de cent trente ans, guerre asymétrique opposant une armée conventionnelle à une autre pratiquant la guérilla, a donc constitué un conflit où tous les coups étaient permis, et tous les moyens utilisés. Est-ce à dire qu’il n’y a pas eu des traces d’humanité dans ce conflit ?"interroge Tramor Quemeneur. La réponse est précisément dans ce numéro entièrement consacré à la guerre d’Algérie et à ceux qui y ont participé.
En complément des documents originaux issus des archives d’anciens appelés, replacés dans leur contexte historique, des récits vont revivre l'époque :
Tramor Quemeneur raconte dans Un « art français de la guerre » comment l’armée française a utilisé dans cette guerre non conventionnelle des armes qui ne l’étaient pas non plus, au détriment de la population. Il explique ensuite dans « Gagner les cœurs et les esprits » quelles ont été les actions pour tenter de se concilier les populations algériennes et motiver des conscrits peu enclins pour certains à se battre. Et se penche dans « Mémoires d’appelés, mémoires blessées » sur la manière dont la dernière « génération du feu » a été marquée par cette expérience au point pour certains de se murer dans le silence.
Jean-Paul Mari dans « La « Bleuite », mal mortel du FLN, évoque la stratégie développée par le capitaine Léger, officier des services de renseignements français, pour endiguer la vague d’attentats qui frappe Alger au début de l’année 1957.
La chronique d’Emmanuel de Waresquiel – qui nous livre une très intéressante et profonde réflexion sur la conscience. "La conscience, écrit-il, c’est ce qui reste lorsque le drame est consommé. Personne ne peut nous la ravir. Certains préfèrent celle des vainqueurs, d’autres celle des vaincus."
https://www.historia.fr/parution/mensuel-856
Au cœur de l'histoire : Paroles de soldats, témoignages de la Guerre d’Algérie (Franck Ferrand)
L’Europe et sa projection nord-américaine se revendiquent d’une universalité des droits humains que leurs actes n’ont cessé de contredire. Face à leur inaction devant la destruction de la Palestine par l’État d’Israël, c’est l’Afrique du Sud qui, aujourd’hui, défend cet universel.
LaLa requête de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ) des Nations unies contre l’État d’Israël, sur le « caractère génocidaire » de sa guerre contre les Palestiniens et Palestiniennes de Gaza, n’est pas seulement un événement juridique sans précédent. Elle marque un renversement géopolitique : tandis que tous les peuples du monde constatent, à travers la tragédie palestinienne, l’usage à géométrie variable par l’Europe et les États-Unis d’Amérique des valeurs universalistes dont ils se réclament, c’est un pays emblématique des causes émancipatrices du tiers-monde, anticoloniales et antiracistes, qui en reprend le flambeau.
Il suffit de lire l’exceptionnel document produit par la diplomatie sud-africaine et d’écouter l’exposé (voir ci-dessous, d’autant que nos médias audiovisuels ne l’ont guère relayé), jeudi 11 janvier, de ses arguments devant la CIJ pour prendre la mesure de l’éclipse intellectuelle d’un continent, le nôtre, dont les États-nations ont si longtemps prétendu dire, codifier et imposer le bien, le juste et le vrai.
Car, en temps réel et sous le regard du monde entier, face au martyre de Gaza, ils n’ont rien dit – ou si peu : quelques appels hypocrites à la retenue – et rien fait – ou pis : fait tout le contraire en livrant massivement et tout récemment encore, à l’instar des États-Unis, armes et munitions à Israël. Rien dit et rien fait quand la population de l’un des territoires les plus densément peuplés de la planète est attaquée par l’une des armées les plus puissantes au monde, celle de l’État qui l’assiège après l’avoir occupé, dans une campagne de bombardements la plus intensive de l’histoire militaire moderne.
Pire qu’Alep en Syrie, pire que Marioupol en Ukraine, pour s’en tenir à deux références contemporaines qui mettent en cause la Russie, mais proportionnellement pire aussi, en intensité, que les bombardements alliés sur l’Allemagne nazie.
Une punition indiscriminée
Par les actes de son armée comme par les paroles de ses dirigeants, c’est bien un peuple qu’a ciblé l’État d’Israël dans sa riposte vengeresse à l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas et à ses massacres de civils israéliens. Loin d’une réplique proportionnée, c’est une punition indiscriminée qui a été mise en œuvre contre une population à raison de son origine, de son identité, de sa culture, de son histoire.
C’est le peuple palestinien de Gaza, et, à travers lui, l’idée même d’une Palestine viable, d’une vie et d’une existence sous ce nom, avec ce qu’il charrie de sociabilité et de citoyenneté, qui a été désigné comme le coupable qu’il fallait châtier, sans discernement aucun. Et ceci, de façon explicite au premier jour, par la voix du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou lui-même, appelant à une guerre sainte en faisant référence à Amalek, ce peuple que, dans la Bible (I Samuel XV, 3), Dieu ordonne d’exterminer – « Tu ne l’épargneras point, et tu feras mourir hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs et brebis, chameaux et ânes ».
En à peine trois mois de guerre, on compte déjà des dizaines de milliers de morts, de disparus et de blessés, des civils pour l’essentiel, en majorité des enfants et des femmes. Tout un monde a été détruit à jamais, les habitations et les hôpitaux, les lieux de vie et de culte, les écoles et les universités, les administrations, les magasins, les monuments, les bibliothèques, les cimetières même.
« Aucun endroit n’est sûr à Gaza », n’a pas hésité à affirmer le secrétaire général des Nations unies António Guterres, le 6 décembre 2023 dans sa lettre solennelle au Conseil de sécurité. Depuis, les humanitaires des ONG et les agences de l’ONU ne cessent d’alerter sur l’eau polluée, le risque de famine, la misère incommensurable et le désespoir infini, bref la destruction sans retour d’une partie de la Palestine occupée.
Sinistre retournement : l’État dont la légitimité initiale est fondée sur la conscience du crime de génocide commis contre les Juifs par le nazisme et ses alliés est aujourd’hui confronté à l’accusation de le reproduire contre les Palestiniens. Dans la Convention de 1948 invoquée par l’Afrique du Sud, le crime de génocide désigne des actes « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Rafaël Lemkin, l’inventeur du mot – du grec genos et du latin cide –, le définissait comme « un complot visant à annihiler ou affaiblir des groupes d’ordre national, religieux ou racial ».
Le débat juridique sera mené au fond mais, dans l’immédiat – et c’est l’enjeu de la procédure d’urgence devant la CIJ –, il s’agit d’interrompre au plus vite un processus d’annihilation, d’épuration, d’expulsion, d’effacement et de destruction des Palestiniens et Palestiniennes de Gaza qui a des caractéristiques génocidaires.
Comme l’ont tragiquement rappelé les génocides commis au Rwanda en 1994 et en Bosnie en 1995, ce n’est en rien relativiser l’unicité de la Shoah, ce plan concerté par le régime nazi d’une extermination industrielle de millions d’êtres humains, que d’entretenir une vigilance universelle sur la répétition, dans d’autres contextes et sous des formes différentes, de cet incommensurable crime de l’humanité contre elle-même.
Mais l’histoire retiendra que les puissances qui incarnent l’Occident, cette réalité politique née de la projection de l’Europe sur le monde, alors même qu’elles se font gloire d’avoir proclamé l’universalité et l’égalité des droits, se sont dérobées à cette vigilance en abandonnant la Palestine à son triste sort. À travers l’audace sud-africaine, ce sont dès lors les peuples et les nations ayant pâti de cette appropriation dominatrice de l’universel par les puissances occidentales qui s’en font aujourd’hui les meilleurs défenseurs. Qui, en somme, rappellent à l’Europe la promesse qu’elle a trahie.
« Si nous voulons répondre à l’attente de nos peuples, il faut chercher ailleurs qu’en Europe » : ce sont presque les derniers mots des Damnés de la terre (1961), cet essai de Frantz Fanon qui, depuis sa parution, a fait le tour de la planète, et ils peuvent se lire comme la prédiction du renversement qui, aujourd’hui, s’accomplit. Cet appel à « changer de bord » revendiquait une échappée émancipatrice dans la quête d’un humanisme véritable, où le souci de l’humanité ne soit plus éclipsé par les intérêts de nations dominatrices ou par les identités de peuples conquérants. Dans le sillage du Discours sur le colonialisme (1955) de son compatriote martiniquais Aimé Césaire, Les Damnés de la terre magnifiait un universalisme véritable, sans nation propriétaire, sans frontière identitaire.
« Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme, où qu’il se trouve », avait écrit Fanon en conclusion de son premier livre, Peau noire, masques blancs (1952), où il rappelait cette mise en garde de « [son] professeur de philosophie, d’origine antillaise : “Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous” », avec ce commentaire : « Un antisémite est forcément négrophobe. » En exergue d’un des chapitres, il avait placé ces mots d’Aimé Césaire : « Il n’y a pas dans le monde un pauvre type lynché, un pauvre homme torturé, en qui je ne sois assassiné et humilié. »
Le droit international est la traduction juridique de cet humanisme essentiel. Un humanisme dont Fanon, une décennie plus tard, celle des guerres coloniales françaises, du Vietnam à l’Algérie, constatait rageusement que l’Europe l’avait renié.
« Quittons, écrit-il alors dans Les Damnés de la terre, cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde. […] L’Europe s’est refusée à toute humilité, à toute modestie, mais aussi à toute sollicitude, à toute tendresse. Elle ne s’est montrée parcimonieuse qu’avec l’homme, mesquine, carnassière homicide qu’avec l’homme. Alors, frères, comment ne pas comprendre que nous avons mieux à faire que de suivre cette Europe-là. »
Dans ce réquisitoire où il dresse l’Europe contre elle-même, Fanon en brandit la promesse trahie pour mieux revendiquer un dépassement qui, enfin, l’accomplisse. Cette Europe qui a proclamé l’égalité naturelle, puis édicté l’universalité des droits, piétinait et saccageait l’une et l’autre par le colonialisme et l’impérialisme, les déniant aux peuples et aux humanités qu’elle opprimait et exploitait.
Poison mortel
Et c’est cette imposture dévastatrice que la longue injustice faite à la Palestine par l’occupation et la colonisation de ses territoires depuis 1967, la ségrégation et la discrimination de son peuple qui en découlent, ont perpétuée jusque dans notre présent, diffusant au sein même de la société israélienne un poison mortel pour les idéaux démocratiques dont témoigne l’ascension de forces juives d’extrême droite, aussi racistes que le sont des antisémites.
La résonance actuelle de ce livre-manifeste prouve que l’espérance internationaliste et humaniste de la décolonisation n’est pas une vieillerie révolue, mais toujours une promesse active. Paru quelques jours avant le décès de son auteur, qui avait épousé la cause indépendantiste algérienne, Les Damnés de la terre fut publié fin 1961, soit l’année même où Nelson Mandela, renonçant à la stratégie non violente de l’ANC sud-africaine face au régime d’apartheid, alla s’entraîner à la lutte armée auprès du FLN algérien dans ses bases clandestines au Maroc, quelques mois avant son arrestation le 5 août 1962.
Mais la résonance va encore au-delà : l’apartheid, régime de ségrégation raciale, fut institué en 1948, l’année où, à la fois, fut adoubée par les Nations unies la création de l’État d’Israël, proclamée la Déclaration universelle des droits de l’homme et approuvée la Convention sur le génocide.
Relire Frantz Fanon, c’est donc prendre la mesure de ce qui se joue pour notre futur autour de ce que la Palestine dit au monde depuis que son droit à exister en tant qu’État souverain lui est dénié, alors qu’avec Yasser Arafat à sa tête, elle a fini par concéder ce droit à l’État d’Israël, malgré l’expulsion – la Nakba – dont une partie de son peuple a été la victime en 1948. Qui, aujourd’hui, va sauver l’universalité et, surtout, l’universalisable – au sens d’un partage et d’une solidarité – des droits, de la justice et de l’égalité, échappant ainsi à leur appropriation prédatrice par des États, des peuples et des nations qui se prétendent propriétaires légitimes d’un universel au point de s’autoriser à le contredire et à le bafouer dès que leurs égoïsmes, notamment économiques, sont en péril ?
L’Afrique du Sud apporte la réponse devant la Cour de La Haye : l’origine ne protège de rien, il n’y a pas d’universel dont telle nation, civilisation, culture, etc., aurait le monopole ou le privilège, il n’y a que de l’universalisable qui se joue à chaque épreuve concrète où le sort d’une humanité particulière – agressée, persécutée, violentée, discriminée, effacée, exterminée, etc. – met en péril celui de l’humanité tout entière. Rigoureusement juridique sur le terrain du droit international, cette requête devant la CIJ pose la question politiquement décisive de l’universalité sans frontières des valeurs supranationales dont se réclament, du moins sur le papier, les États-nations de notre continent et l’Union européenne qui les regroupe.
Alors que Jean-Marie Le Pen ne cesse de clamer son innocence concernant son implication dans des actes de torture en Algérie, durant la guerre de libération (1954-1962), un nouveau livre « Le Pen et la Torture » qui paraîtra prochainement en France, accable l’ancien chef du Front National (FN), actuel Rassemblement National (RN), sur son implication dans des exactions en Algérie.
Dans « Le Pen et la torture. Alger 1957, l’histoire contre l’oubli » qui sort le 19 janvier en France, l’historien Fabrice Riceputi démontre, preuves à l’appui, un fait avéré pour la mémoire collective en France et en Algérie, mais toujours remis en question par une certaine classe politique en France. Il s’agit de l’implication directe du fondateur du Front national (FN), Jean-Marie Le Pen, dans des actes de torture en Algérie.
Dans ce livre de 144 pages, Fabrice Riceputi, historien, chercheur associé à l’Institut d’histoire du temps présent, reconstitue, documents, cartographie et témoignages à l'appui, le passé tortionnaire de Jean-Marie Le Pen en Algérie. Fabrice Riceputi, pilier du site histoirecoloniale.net, et coanimateur, avec l’historienne Malika Rahal, du projet « Mille Autres » sur la disparition forcée, la torture et les exécutions sommaires durant la bataille d’Alger, est revenu dans un entretien au journal L’Humanité, sur son dernier ouvrage consacré à l’ancien chef du FN.
Le passé tortionnaire de Jean-Marie Le Pen en Algérie avec preuves
L’historien affirme que ce qui l’a poussé à écrire ce livre sur le passé algérien de Le Pen, est venu suite à une émission diffusée en mars 2023 sur la radio France Inter, dans laquelle il a pu entendre qu’il n’y aurait « pas de preuves » que Le Pen a torturé à Alger en 1957. « Après être tombé de ma chaise, j’ai réalisé que les nombreuses pièces de ce dossier, publiées ici et là, dans la presse surtout, de 1957 à 2002, n’avaient jamais été rassemblées, contextualisées et présentées aux lecteurs. Avec ce livre, c’est désormais chose faite », affirme-t-il.
Pour Fabrice Riceputi, il n’y a aucun doute sur la participation de Jean-Marie Le Pen à des actes de torture durant la guerre d’Algérie. « Les sources disponibles – archives, enquêtes, témoignages – ne laissent aucun doute », tranche-t-il. « Pour peu qu’on les confronte au contexte précis de l’opération militaro-policière baptisée "Bataille d’Alger", à laquelle Le Pen participa. Je n’ai pas pu accéder à son dossier militaire. J’ai consulté les archives de son régiment, le 1er REP. Mais elles ne consignent jamais les activités illégales que sont la détention clandestine de « suspects », leur torture et leur exécution sommaire », ajoute-t-il.
Torture durant la guerre d’Algérie : ces témoins qui accablent Jean-Marie Le Pen
L’auteur dit avoir eu recours à une quinzaine de témoignages recueillis de 1957 à 2002, lui permettant d’établir « une chronologie des agissements de Le Pen, et même de les cartographier. Ils font état de plusieurs dizaines de victimes de torture, mais aussi d’exécutions sommaires, durant les deux mois et demi de présence effective de Le Pen à Alger », durant la guerre d’Algérie.
Pour l’historien, Jean-Marie Le Pen qui s’est engagé dans l’armée française en Algérie en 1956 comme officier de renseignement, « avait très souvent revendiqué le fait d’avoir assumé cette fonction-clé » durant la bataille d’Alger en 1957. « Mais il lui est aussi arrivé de le nier, quand il s’est défendu d’avoir lui-même torturé, car on sait que les officiers de renseignement ont massivement pratiqué la torture de ceux qu’ils considéraient comme suspects de liens avec la rébellion ».
« Les témoignages montrent qu’il a commandé et pratiqué la torture dans quelques-uns des centres de torture installés par dizaines à Alger, dont la villa Sésini (connue aussi comme la ville Susini) ou la villa des Roses, mais aussi parfois au domicile même de certains « suspects », devant témoins. L’une des victimes le relie à Paul Aussaresses, qui dirigeait de véritables escadrons de la mort », ajoute l’auteur.
lus de 5 000 enfants morts, bien plus encore de blessés et 900 000 déplacés… Les moins de 20 ans, qui représentent la moitié de la population de l’enclave de Gaza, paient depuis trois mois le plus lourd tribut à la guerre
« Vais-je mourir avant d’avoir 21 ans ? » Dissimulée sous les couvertures de son lit de fortune − un matelas dans le couloir à l’abri des fenêtres −, Nowar écrit dans son cahier devenu son journal de guerre. « L’autre soir, j’ai cru mourir lorsqu’un missile s’est écrasé à quelques mètres de notre maison. Toutes les fenêtres se sont brisées, le verre a été soufflé. J’ai pleuré dans les bras de mes frères et sœurs, persuadée que nous allions mourir dans la nuit », raconte-t-elle. Depuis le retour de la guerre dans l’enclave, Nowar Diab, jeune Palestinienne de 20 ans, étudiante en littérature à l’université d’Al-Azhar de Gaza, a déjà connu quatre lieux de refuge. Les bombardements et l’offensive terrestre menés par l’armée israéliennel’ont poussée à un exil qui semble sans fin. Gaza City, Al-Shati, Khan Younès puis Rafah, à l’extrémité sud de la bande, à la frontière avec l’Egypte. Désormais, Nowar se sent en danger partout :
« Il n’y a pas de place où on puisse être à l’abri à Gaza. Il ne reste plus rien du quartier de Cheikh Radwan, à Gaza City, où j’ai grandi, où j’ai mes souvenirs. Ma maison a été bombardée, tout comme mon université. Et dans le Sud, censé être plus sûr, nous sommes aussi en proie aux bombes. Quand je ferme les yeux, je prie pour me réveiller ailleurs. Je suis encore en vie, mais tout est mort autour de moi. »
La jeune femme aux yeux noirs est persuadée d’assister à une nouvelle Nakba, « catastrophe » en arabe, l’exode auquel les Palestiniens ont été contraints en 1948, au moment de la création de l’Etat d’Israël.
Selon le dernier bilan du Hamas, 24 000 Gazaouis, majoritairement des civils, sont morts. Des quartiers, des villes entières ont été rasés, près de 2 millions de personnes (85 % de la population), déplacées. Les moins de 20 ans, qui représentent la moitié de la population, paient le plus lourd tribut. Au moins 5 350 enfants sont morts et 8 663 ont été blessésselon un bilan de l’Unicef − sans doute sous-estimé. Des milliers d’autres enfants sont portés disparus et se trouvent probablement sous les décombres.
Un « cimetière pour enfants » selon l’ONU
« Le prix payé chaque jour par les civils, notamment les enfants, est bien trop élevé », a déploré Antony Blinken, le secrétaire d’Etat américain, qui vient d’effectuer sa quatrième tournée régionale depuis le début du conflit. Gaza est devenue un « cimetière pour enfants », dénonce l’ONU, pour qui la bande est désormais l’endroit le plus dangereux au monde. Alors que l’Etat hébreu impose à l’enclave un état de siège complet depuis le 9 octobre (à l’exception de quelques camions et largages humanitaires autorisés), la vie de plus d’un million de mineurs est devenue un cauchemar sans fin.
Les conséquences des bombardements sont dramatiques : « Brûlures, amputations, membres écrasés par les effondrements, blessures invalidantes, énumère Jean-François Corty, vice-président de Médecins du Monde. Mais s’ajoutent aussi, pour cette population en bas âge particulièrement vulnérable, dont les défenses immunitaires sont altérées, les défauts de soins et de prévention, le manque de nourriture, la consommation d’eau saumâtre… »
Une grande partie des 900 000 enfants déplacés par la guerre vit en moyenne avec 1,5 à 2 litres d’eau par jour. Ils ne consomment quasiment que des céréales et du lait. L’état de famine pourrait être décrété si les conditions actuelles perdurent, affirme le collectif Integrated Food Security Phase Classification (IPC), l’outil de classification de l’insécurité alimentaire dans le monde. L’OMS met également en garde contrele risque qu’une épidémie de choléra ou d’hépatite A se propage rapidement dans l’enclave.
« Comme la Nakba en son temps, le récit de cette guerre, de ce cauchemar va s’imposer dans la conscience des jeunes Gazaouis et marquer leur existence », analyse Laetitia Bucaille, professeure de sociologie politique à l’Inalco (Institut national des Langues et Civilisations orientales) et spécialiste du conflit israélo-palestinien. « La jeune génération portera toute sa vie les marques physiques du conflit ; un nombre significatif de blessés et d’éclopés témoigneront pendant longtemps de la brutalité et de l’ampleur de l’opération israélienne », poursuit l’analyste.
Dans les hôpitaux gazaouis (15 sur 36 fonctionnent encore partiellement), le chaos règne, les blessés s’entassent, les amputations s’enchaînent sans anesthésie faute de matériel ou de médecins qualifiés. Chaque jour, dix enfants sont amputés d’un membre, selon l’ONG Save the Children. Un millier aurait perdu une ou deux jambes depuis le début du conflit.
Anxiété, peur, cauchemars
Privés de leurs liens sociaux, de leurs écoles, de leurs universités − bombardées, ou occupées par les déplacés −, les jeunes Palestiniens sont aussi confrontés, dans leurs années cruciales de croissance, à des troubles psychologiques importants. « Les enfants développent de l’anxiété, de la peur, des cauchemars, une incapacité à s’exprimer, à se concentrer et des difficultés à se sociabiliser », analyse Jonathan Crickx, porte-parole de l’Unicef, basé à Jérusalem. « Pour un enfant en pleine construction, le traumatisme a un impact double. Au-delà de la sidération et de l’effroi “classiques”, la violence est vécue comme une norme, car l’enfant n’a connu que la guerre », ajoute Marilyne Baranes, docteure en psychologie et spécialiste du syndrome post-traumatique. A Gaza aujourd’hui, aucune aide psychologique n’est fournie face à l’état de choc, au stress et à la dépression. Avant même cette guerre, les Nations unies estimaient à plus de 500 000 le nombre d’enfants nécessitant un soutien psychologique sur le territoire.
Cette génération, née après 2000 et qui a connu plus d’une guerre avec Israël (en 2008, 2012, 2014, 2021 et 2023) n’en est pas à son premier traumatisme. Les colons et l’armée israélienne ont certes quitté le territoire en 2005, mais après l’élection du Hamas en 2006 et sa prise de pouvoir en 2007, Israël a imposé à la bande un blocus, appuyé par l’Egypte. Dans cette prison à ciel ouvert sans issue possible, dont toutes les frontières maritimes, aériennes et terrestres sont contrôlées par les pays voisins, les enfants de Gaza ont grandi au rythme des pénuries, des difficultés économiques − le taux de chômage des jeunes s’élève à 75 % et le salaire moyen est de 3 à 5 dollars par jour − et des bombardements israéliens… Sans compter les arrestations et exécutions menées par le régime autoritaire du Hamas.
Beaucoupont tenté de fuir. Certains sont parvenus à rejoindre l’Egypte ou la Turquie, où des visas sont accordés aux Palestiniens. D’autres ont perdu la vie au large des côtes égyptiennes en Méditerranée − 360 jeunes sont morts en 2022. Mais la plupart sont restés bloqués dans les murs de l’enclave, faute d’argent ou d’autorisation de sortie du territoire. C’est le cas de Tala Albanna, jeune Palestinienne née à Gaza il y a vingt ans, qui rêve de fouler un jour le sol européen et de gagner les bancs de l’université d’Oxford au Royaume-Uni. En attendant, l’étudiante en droit survit à Deir-al Balah, au centre de Gaza, séparée d’une partie de sa famille, et avec l’impression de vivre il y a cent ans.
« Privés d’électricité et de gaz, nous utilisons un four en argile pour chauffer l’eau, cuisiner nos repas et préparer nos boissons. Nous n’avons que des conserves pour ne pas mourir de faim. La fumée dégagée par le four en argile s’est incrustée dans tous nos vêtements et est devenue notre parfum quotidien, raconte la jeune fille indignée. Nous vivons dans l’absurde. Nous marchons dans des rues pleines de déchets. Nous dépendons d’une charrette tirée par un âne comme moyen de transport. Nous faisons la queue pour obtenir de l’eau sale et saumâtre. »
Des recrues faciles pour le Hamas ou le Djihad islamique
Au sein de cette génération, la guerre a tout balayé. Les parties de football sur la plage de Gaza ont laissé place à des tournois entre unijambistes, victimes d’un tir ou d’un bombardement israélien. Les dessins d’enfants sur les murs des écoles de l’UNRWA (agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens) ont été recouverts par des graffitis porteurs de slogans politiques. Sur les réseaux sociaux, les esthétiques photos d’orangers et de dattiers de Gaza sont remplacées par de sombres clichésde corps d’enfants au teint blafard et aux cheveux blanchis par la poussière auxquels une bombe vient d’ôter la vie. Les tweets, stories et posts ne sontplus que des témoignages de guerre et deviennent lescris d’une jeunesse décimée, qui n’a sans doute jamais été aussi engagée. A l’instar de Plestia Alaqad, 22 ans, qui a abandonné son travail en ressources humaines pour endosser un gilet pare-balles et devenir correspondante de guerre sur Instagram. Ou encore Motaz Azaiza, photographe de 24 ans, élu « homme de l’année » par le mensuel « GQ Middle East », passé de 25 000 à 17,9 millions d’abonnés sur Instagram, davantage que Joe Biden.
Epuisés à force d’entendre le vrombissement incessant des drones au-dessus de leur tête, dévastés par la perte de proches, les jeunes Gazaouis voient leur avenir, déjà restreint, se réduire comme peau de chagrin. Sombrer dans la violence pourrait n’être plus que la seule porte de sortie. « Une partie de ces jeunes endeuillés et en colère seront des recrues faciles pour les groupes militaires tels que le Hamas ou le Djihad islamique, analyse Rafe Jabari, politologue franco-palestinien, expert du conflit israélo-palestinien. Comme à chaque guerre, le Hamas gagne en popularité chez les jeunes Palestiniens, car il est le seul à tenir tête à Israël. »
S’il est difficile de mesurer la popularité du groupe terroriste à Gaza, un sondage mené pendant la pause humanitaire (du 24 au 30 novembre) parun think tank de Ramallah,Palestinian Center for Policy and Survey Research,montre toutefois que 82 % des Palestiniens de Cisjordanie se disent satisfaits de l’action menée par le Hamas depuis le 7 octobre, mais que seuls 52 % des Gazaouis partagent cet avis : le groupe islamiste n’a en effet apporté en seize ans de pouvoir que guerre et misère.
« Ils n’ont jamais rencontré d’Israéliens »
« Je suis née et j’ai grandi sous le contrôle du Hamas. Je ne voterai jamais pour eux, confie anonymement une jeune Gazaouie née au début des années 2000. Ils nous manipulent, pratiquent le lavage de cerveau et le chantage. J’aimerais qu’ils retournent s’occuper de religion plutôt que de politique. Tant qu’ils seront au pouvoir, nous n’aurons pas d’espoir », poursuit la jeune femme dont un des proches a été victime de menaces du Hamas pour avoir refusé de rejoindre leurs rangs.
« Les Gazaouis sont convaincus, à tort ou à raison, qu’Israël veut anéantir le peuple palestinien », explique Laetitia Bucaille. Les jeunes encore plus que les générations plus âgées. « Ils n’ont jamais rencontré d’Israéliens, à la différence de leurs aînés, nombreux à partir travailler en Israël dans les années 1980 et à nouer des relations cordiales, voire amicales avec les Israéliens. Tout cela a disparu aujourd’hui. Les jeunes ne perçoivent plus les Israéliens que comme des militaires qui leur tirent dessus à la frontière, les bombardent et les enferment à Gaza », décrypte-t-elle.
Comment imaginer que cette jeunesse puisse un jour porter un message de paix ou soutenir un dialogue politique dont elle n’a jamais été témoin ? « On ne peut plus rester silencieux, on étouffe », écrit avec force Nowar Diab dans son journal de guerre. Pour exprimer son engagement, Nowar a choisi l’écriture, la peinture et les réseaux sociaux. Mais la jeune femme prévient : « Il y a une rage en nous qui finira un jour par sortir. »
Mes missions confidentielles. Le dossier Boumédiène/Houphouët-Boigny. Récit de Ghoulem Berrah (Dr), Casbah Editions, Alger 2023, 206 pages, 1.300 dinars
Des conversations (en réalité des échanges épistolaires) plus que fascinantes. Au-delà des problèmes politiques et économiques abordés au fil du temps et selon les événements, à travers un émissaire fidèle aux deux leaders et surtout à leurs idées et avis, on plonge dans la réalité de l'exercice -difficile- du pouvoir, car faisant face à des équations quasi impossibles (en apparence et sur le moment) à résoudre. La réalité des discussions hautement confidentielles, à la limite secrètes et pourtant décisives quant à la marche du monde.
Houari Boumédiène, l'Algérien. Houphouët-Boigny, l'Ivoirien, deux monstres politiques africains d'une époque alors très bousculée par des problèmes et obstacles entravant l'indépendance vraie, totale, c'est-à-dire économique, industrielle et financière et pas seulement politique, de l'Afrique et du tiers-monde. Ceci sans omettre les questions liées à la Palestine et aux restes du colonialisme, avec même le risque de voir Israël s'installer en Afrique. Tout ceci, aussi, pour éviter d'être pris entre le marteau soviétique et l'enclume américaine, la Chine ne s'étant pas encore totalement réveillée. (A noter qu'au départ, les deux présidents défunts, en l'occurrence, Houari Boumediene et Félix Houphouët-Boigny, étaient deux personnalités aux convictions, a priori, opposées. On peut dire que grâce au Dr Berrah, on passe de relations méfiantes et glaciales dans les années 1969, (rappel de l'ambassadeur d'Algérie en Côte d'Ivoire) à une grande amitié entre les deux chefs d'Etat, amitié scellée dès leur première rencontre en mai 1973 au Xe Sommet de l'OUA à Addis-Abeba et confirmée quelques mois plus tard au Sommet des non-alignés en septembre 1973 à Alger).
En même temps, au-delà de l'importance immédiate des contenus des messages échangés, on se retrouve avec des leçons de sciences politiques, stratégies et tactiques confondues, toujours adaptées aux situations rencontrées ou à venir.
On relève, aussi, combien est difficile la tâche d'un émissaire dans lequel est placée une confiance absolue des deux côtés. Un émissaire discret, rapide et, surtout, efficace qui, à travers ses «confidences», a fait montre, en tant qu'artisan infatigable de la paix, d'un talent exceptionnel qui a eu, tout de même, la chance de côtoyer des «leaders qui inspirent», des leaders prônant le «compter sur ses propres forces». Cinquante ans après, pour lui, la situation en Afrique, ne s'est guère améliorée et, écrit-il avant son décès, en 2022, «il est temps d'arrêter de blâmer la colonisation pour tous les maux de l'Afrique, de prendre le taureau par les cornes et d'avancer résolument dans la voie du progrès». Certains l'ont certes entendu, mais bien d'autres non. Hélas !
L'Auteur : Né en mai 1938 à Aïn Beïda et décédé en mars 2011 à Miami (USA). Membre fondateur de l'UGEMA, études de médecine, professeur de virologie (Université de Yale), membre de l'Académie des sciences de New York, émissaire, ambassadeur et conseiller spécial (1965-1993) du premier président de Côte d'Ivoire, Houphouët-Boigny. Il s'est retiré de la vie politique après le décès du président Houphouët-Boigny en 1993.
Sommaire : Remerciements (Vve Dr Ghoulem Berrah/Avant-propos/ Introduction/16 chapitres/Epilogue.
Extraits : «J'étais son conseiller spécial et son émissaire. Lui, était un leader, un virtuose. Lorsqu'on lui donnait la première note d'une partition, il la jouait mieux que tout le monde. Une bougie ne pouvant éclairer une autre bougie, le président Houphouët-Boigny était un phare» (p 15), «On ne reste pas dans la fourmilière pour se débarrasser des fourmis, il faut une stratégie. La guerre peut durer longtemps, mais même la guerre de Cent ans n'a pas duré cent ans, il y a eu des répits» (p 31), «L'Afrique a d'autres atouts, mais elle manque de confiance en elle. Les Arabes ont davantage d'atouts, cependant, ils ont jusqu'ici manqué de confiance en eux-mêmes» (Houphouët-Boigny, p 50), «L'Afrique est encore vierge et n'a pas dit son dernier mot. L'Europe et l'Amérique vieillissent, s'épanouissent et s'essoufflent. L'Afrique détient les cartes maîtresses de l'humanité» (Houphouët-Boigny, p.53), «Israël est et restera un corps étranger qui sera appelé à s'intégrer ou à disparaître. Il en est de même pour l'Afrique du Sud qui constitue le même problème qu'Israël, un corps étranger qui sera phagocyté» (Houphouët-Boigny, p61), «La paix qu'on nous impose est une paix rentable seulement pour ceux qui suscitent la guerre afin de continuer à placer leurs armes. Seuls les ateliers des engins meurtriers ne fermeront jamais leurs portes. Ils reprennent par la vente d'armes ce qu'ils sont obligés de céder pour obtenir les matières premières et le pétrole» (Houphouët-Boigny, p 135), «Nous sommes partisans de ce qui peut paraître une vue de l'esprit; un Etat démocratique et laïc, où chacun trouvera sa place. C'est la solution idéale, sinon la contradiction demeure. Les Etats-Unis sont les amis des Arabes, mais aussi d'Israël. Si le choix s'impose, ils seront toujours du côté d'Israël» ( Houphouët-Boigny, p 140), «Cet Etat (note : Israël) subira le sort de l'Afrique du Sud, des blancs d'Afrique du Sud; cet État finira éventuellement par s'intégrer dans la région, et il s'y dissoudra; dans le cas contraire, il sera complètement rejeté, il fait laisser faire le temps» (Houphouët-Boigny, p 152), «Tant que les Palestiniens n'auront pas de patrie, la place qui leur revient en Palestine, il n'y aura pas de paix» (Houphouët-Boigny, p 171).
Avis : Un ouvrage du genre documentaire de première main. Pour mieux comprendre la personnalité politique du président H. Boumédiène et de Houphouët-Boigny, mais aussi et surtout pour mieux comprendre les évolutions de bien des problèmes africains et internationaux (dont celui de la Palestine).
Citations : «Dans la vie, les amis les plus sûrs ne sont pas toujours ceux qui vous donnent raison. Dans la vie, les mieux considérés sont souvent les ennemis du bien» (Houphouët-Boigny, p 44) «Quand on aime une femme, on l'aime telle qu'elle est. Dès que l'on commence à lui dire les raisons pour lesquelles on l'aime, ses yeux, ses cheveux, son corps ou autre, c'est qu'on ne l'aime plus» (Houphouët-Boigny, p55), «Pour être quoi que ce soit, il faut d'abord exister. Et on n'existe pas en chantant, en pleurant ou en quémandant. On n'existe que si l'on est indépendant économiquement, et que l'on n'est pas obligé de tendre la main continuellement» (Houari Boumédiène, p84), «On n'est jamais seul quand on a raison» (Houari Boumédiène, p98), «Par nationalisation, j'entends donner une carte d'identité à la matière première produite dans chaque pays. Chaque pays doit être propriétaire de toutes ses richesses naturelles. Je ne crois pas que cela veuille dire socialisme» (Houari Boumédiène, p179), «La véritable richesse se trouve dans la terre inépuisable. Le pétrole, en revanche, semble abrutir ceux qui le possèdent. Il pousse à la paresse et il est toxique» (Houari Boumédiène p181).
La politique étrangère de l'Algérie, 1962-2022. Des idéaux de la révolution aux exigences de la realpolitik. Essai de Amar Abba (Préface de Abdelaziz Rahabi). Editions Frantz Fanon, Boumerdès 2022, 440 pages, 1.500 dinars
La couleur est annoncée dès le départ : «La politique étrangère de l'Algérie depuis 60 ans a été, dans son style comme dans son contenu, durant longtemps, plus une diplomatie de mouvement de libération au service d'une idéologie qu'une diplomatie d'Etat». Quelques causes : «la génération qui a lutté pour l'indépendance est restée (trop) longtemps au pouvoir», l'affirmation des principes, l'«intérêt» étant devenu un «gros mot». Bref, une approche idéologique, doctrinaire et même idéaliste. Soixante ans après l'indépendance, il y a plus de souplesse et de réalisme chez les Algériens qui semblent avoir adouci les arêtes les plus saillantes de leur démarche sur le plan international : «En un mot, ils sont passés (surtout et entre autres avec les Etats-Unis) d'une diplomatie des idéaux à une diplomatie des intérêts». L'Algérie possède aujourd'hui l'un des appareils diplomatiques les plus denses pour un pays à revenu intermédiaire.
L'Auteur : Né en 1948 à Ighil Mahni (Azeffoun). Etudes à l'ENA (Alger). Longue carrière dans la diplomatie (dont plusieurs postes au MAE) et ambassades en Afrique et en Europe. Retraite depuis 2019. Enseigne à l'Idri (MAE)
Table des matières : Avant-propos/ Préface/ Introduction/ Première partie : L'action bilatérale et régionale et la gestion des priorités stratégiques et des partenariats (5 chapitres)/Deuxième partie : L'action multilatérale sur la gestion commune de l'interdépendance et des défis globaux (7 chapitres)/ Troisième partie : Les moyens de l'action extérieure : ressources, structures et instruments (2 chapitres/ En guise de conclusion/ Acronymes, sigles et abréviations/ Index/ Bibliographie
Extraits : (...) «Sur le front diplomatique, la Chine a été le premier pays non arabe et la seule grande puissance à reconnaître le GPRA de jure, le 20 décembre 1958, quelques semaines seulement après la proclamation de ce dernier, en septembre 1958» (p 109), «Sur le plan géostratégique, la Syrie est la première défaite occidentale au Moyen-Orient» (p 203). «L'Algérie détient aujourd'hui le triste record de la candidature la plus ancienne à l'OMC (35 ans)» (p 296), «Le mensonge n'a pas de place en diplomatie. Il discrédite et démonétise rapidement celui qui le pratique. Que cela soit avec les autorités de son pays ou avec celles du pays où il exerce. Le diplomate doit leur préférer la mesure, la nuance et la sobriété» (p 390).
Avis: Un outil didactique (car très documenté et bien structuré) pour tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à la politique extérieure de notre pays et au fonctionnement de l'appareil diplomatique national.
Citations : «Les expériences humaines, dans nombre de régions du monde, ont démontré que les liens spirituels, qu'ils soient islamiques ou chrétiens, n'ont pu résister devant les coups de boutoir de la pauvreté et de l'ignorance, pour la simple raison que les hommes ne veulent pas aller au paradis le ventre creux» (Houari Boumediene, à la Conférence islamique au sommet de Lahore au Pakistan, le 23 février 1974 cité, p 259), «Force est de reconnaître que comme l'histoire est écrite par les vainqueurs, la justice est rendue par eux» (p 346). «Le corps diplomatique est un véritable marché de l'information et que pour en obtenir, il faut savoir en donner» (p 392).
Paris. Mercredi, 10 janvier 2024. Ils sont surarmés de caméras, d'appareils photo, de micros, de stylos, de blocs notes. Ils sont journalistes, reporteurs, correspondants, envoyés spéciaux. Les derniers témoins du génocide sioniste à Gaza. Ils sont les cibles prioritaires de l'armée israélienne.
Samedi, 6 janvier 2024. Deux roquettes provoquent la mort, dans leur voiture à Khan Younes, dans le sud de Gaza, de deux journalistes, Hamza al-Dahdouh, fils de Waël al Dahdouh, chef du bureau d'Al Jazeera,et Moustafa Thuraya, vidéaste pigiste à l'Agence France-Presse. Une éradication systématique du journalisme. Un crime de guerre à grande échelle. Un massacre sans fin. Une extermination totale. La chaîne internationale Al-Jazira demeure le dernier témoin. La famille de Waël al-Dahdouh, journaliste palestinien et chef du bureau de la télévision qatarie à Gaza, est décimée.
Il est la voix des damnés de la terre sainte. Il n'a quitté l'antenne ni après l'assassinat, 25 octobre 2023, de son épouse, de sa fille de sept ans, de son fils de quinze ans, de son petit-fils d'un an et demi, ni après avoir été blessé le 15 décembre 2023 aux côtés de son collègue Samer Abou Daqqa tué sur le coup, ni après le meurtre de son fils aîné, Hamza al-Dahdouh, journaliste, vingt-sept ans. Il déclare : « Hamza était tout pour moi. Alors que nous, les palestiniens, nous sommes pleins d'humanité, les sionistes sont emplis de haine meurtrière ». Il couvre jusqu'où bout les événements dans sa ville natale, Gaza, réduite en cendres, avant de transférer ses bureaux et ses équipes à Rafah.Il compense la conscience absente d'un monde livré aux manipulations politiques et médiatiques.
Dimanche, 17 décembre 2023. Une tribune signée par deux cents journalistes sonne désespérément l'alarme. « Chaque jour, nos consœurs et confrères palestiniens se mettent en danger pour documenter la situation et informer le monde sur la situation aÌ Gaza. Le Comiteì pour la protection des journalistes, qui tient des statistiques depuis 1992, signale que les derniers mois représentent la période la plus meurtrière pour les journalistes dans un conflit.
C'est la plus grande atteinte à la liberté de la presse et d'expression jamais observée. Dans l'horreur qui étreint Gaza, les journalistes palestiniens sont en première ligne. Les violations contre la libertéì de la presse commises par la machine de guerre israélienne ne sont pas nouvelles, à l'exemple de l'exécution de Shireen Abu Akleh le 11 mai 2022 à Jénine en plein reportage. Nous dénonçons, par ailleurs, l'asymeìtrie de la compassion aÌ l'œuvre dans les meìdias français, justifiant l'injustifiable, et la partialitéì de la couverture médiatique, qui occulte la réalitéì de la guerre coloniale en cours. Nous dénonçons le fait que des journalistes soient sanctionnés et censureìs dans leurs reìdactions lorsqu'ils ne font pas preuve de complaisance par rapport aÌ la version de l'armeìe israeìlienne.
Nous apportons tout notre soutien au journaliste Mohammed Kaci, deìsavoueì par la chaine TV5 Monde pour une interview jugée trop critique. Le relai biaiseì des événements, la minimisation de la colonisation, la dédramatisation des carnages israéliens sont une faillite journalistique et morale. La stratégie israélienne réduit au silence les populations civiles, détruit les infrastructures des médias. Notre rôle n'est pas de relayer la propagande militaire. Notre rôle est d'informer, de rapporter les faits réels ».
A Gaza, les écoles se transforment en charniers d'enfants, les maternités en cimentières de nouveaux nés. Des corps écrasés par les chars gisent dans les décombres. L'apocalypse dans toute son horreur. Les puissances occidentales apportent leur aide militaire inconditionnelle à l'armée sioniste. Elles garantissent son impunité dans le Conseil de Sécurité de l'Onu. Les journalistes palestiniens ne meurent pas de balles perdues et de dommage collatéraux. Ils sont expressément frappés pour empêcher toute documentation écrite, photographique, audiovisuelle. Ils ne sont plus visés individuellement par un sniper. Des missiles téléguidés exterminent plusieurs reporters à la fois. Selon le Syndicat des journalistes palestiniens, soixante maisons de journalistes, vingt-quatre stations de radio, soixante trois bureaux de médias ont été détruits. Le 9 octobre 2023, un raid de l'aviation anéantit le district de Rimal abritant le bâtiment Hiji et plusieurs médias. Le rédacteur en chef Saeed al-Taweel du site Al-Khamsa News, les correspondants Mohammed Sobboh et Hisham Alnwajha de l'agence de presse Khabar, sont tués.
Audrey Azoulay, directrice générale de l'Unesco publie un communiqué de protestation : « Je déplore la mort des journalistes Saeed Al-Taweel, Mohammed Sobboh et Hisham Alnwajha. Je demande une enquête indépendante pour déterminer les circonstances de cette tragédie. Les journalistes couvrant des situations de conflit doivent être protégés en tant que civils, conformément au droit international humanitaire et à la résolution 2222/2015 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la protection des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé dans les situations de conflit ». Toujours en octobre 2023, le journaliste Assaad Shamlakh est liquidé avec neuf membres de sa famille par une frappe aérienne de leur demeure à Sheikh Ijlin.
En novembre 2023, la journaliste Alaa Taher Al-Hassanat et le photojournaliste Mohammed Moin Ayyash sont éliminés de la même manière avec plusieurs de leurs proches. La terrorisation sioniste atteint parfois son objectif. Le dimanche 7 janvier 2024, Anas El Najar, correspondant du China Media Group annonce l'abandon de sa mission : « Ma couverture journalistique s'arrête là. Inutile de transmettre des informations de terrain à une planète qui n'a aucune humanité, aucun empathie ».
L'Organisation danoise International Media Support pointe ce conflit comme le plus funeste des conflits depuis un siècle, 83 journalistes morts à Gaza en deux mois, 71 morts pendant la guerre d'Irak en trois ans, 69 journalistes morts pendant la Seconde Guerre mondiale en six ans, 63 journalistes morts pendant la guerre du Vietnam en vingt ans. Le Syndicat des journalistes palestiniensdénombre 109 reporters délibérément abattus en trois mois.
Le Comité de protection des journalistes, basé à New York, confirme globalement ces chiffres, 72 palestiniens, 4 israéliens, 3 libanais. Les journalistes étrangers sont interdits d'accès sur le territoire palestinien ou soumis au contrôle permanent de l'armée israélienne.
Quand un journaliste gazaoui meurt, il n'y a personne pour le remplacer. Personne ne peut s'exposer à une mort certaine. La journaliste Ayat al-Khadour dénonce l'utilisation de bombes au phosphore blanc et de bombes thermobariques : « Les occupants israéliens larguent des bombes au phosphore blanc sur la zone de Beit Lahia, des bombes sonores effrayantes. La situation est terrifiante ». Elle ajoute :« Cela pourrait être ma dernière vidéo ». Peu de temps après, le lundi 20 novembre 2023, elle tombe sous un bombardement. L'utilisation de bombes au phosphore blanc, fournies par les Etats Unis, est confirmée par le Washington Post daté du 11 décembre 2023. L'origine américaine des obus est vérifiée par Human Rights Watch. Les mêmes codes de fabrication apparaissent sur des obus au phosphore blanc alignés à côté de pièces d'artillerie israéliennes dans la ville de Sderot, près de la bande de Gaza, sur une photo prise le 9 octobre 2023. L'armée sioniste veut, à tout prix, rendre sa guerre invisible au prix d'une monstrueuse boucherie. Les fake-news, l'intelligence artificielle, la peste internétique brouillent les pistes.
Si je vous dis que Karim Benzema est son amant, est-ce que vous pouvez deviner le nom de sa maitresse ? Non ce n’est pas Zahia… mauvaises langues que vous êtes, mais عدالة. Non pas le vice mais la Justice… Je vous retrace son parcours en soulignant deux ou trois feux d’artifice…
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