Un p hommage au pénitencier de Koléa
https://tipaza.typepad.fr/mon_weblog/2009/03/un-p%C3%A9nitencier-%C3%A0-kol%C3%A9a.html
Samhouni elkhaoua :)
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Samhouni elkhaoua :)
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Rédigé le 16/01/2024 à 15:52 dans Chansons | Lien permanent | Commentaires (0)
À Rafah, aux portes de l’Égypte, un million de personnes campent jusque sur la plage. Youssef, Asma et tant d’autres sont prisonniers de la bande de Gaza, où, d’évacuation en évacuation, ils survivent avec leurs familles, des enfants aux personnes âgées. Témoignages.
« Je« Je suis encore en vie, et tu sais quoi ? Je vais aller habiter sous une tente à Rafah. » Après plusieurs jours sans connexion Internet, Youssef* envoie ce premier message vocal sur Facebook. Une note qu’il termine par un ricanement cynique et nerveux à la fois. C’est donc une tente collée à la frontière égyptienne qui sera le dernier refuge pour Youssef, sa femme enceinte de cinq mois et leurs deux enfants.
Cent jours après le début du conflit entre Israël et la bande de Gaza, 23 968 personnes, principalement des enfants et des femmes, ont été tuées dans des frappes aériennes, selon le ministère de la santé du Hamas. Des milliers d’autres sont encore portées disparues sous les décombres. Les personnes blessées, pour la plupart privées de soins, se comptent aussi par milliers. Plus de la moitié des hôpitaux de l’enclave palestinienne ne fonctionnent plus, selon l’ONU. Au tableau de ce désastre humanitaire, il faut ajouter les 136 otages israéliens dont on ignore le sort exact.
Pris au piège du siège total imposé par Israël et de la fermeture du point de passage vers l’Égypte, Youssef et sa famille, dont ce n’est pas le premier déplacement, ne pourront aller plus loin. Déjà, en octobre, ils avaient rejoint le camp de réfugié·es de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza. Une frappe aérienne avait anéanti en quelques secondes l’appartement où elle vivait à Gaza City. Youssef avait juste eu le temps de récupérer quelques affaires et de sauver sa voiture, dans laquelle il avait fait monter tout le monde.
Direction donc Nuseirat, une des safe places (« lieux sûrs ») établies par l’armée israélienne. Mais début janvier, ce camp de réfugié·es est à son tour pris pour cible par cette même armée. Elle demande aux milliers de personnes installées là de quitter au plus vite leurs habitations, assurant que des combattants du Hamas s’y cachent.
« Ils ont jeté des tracts sur le quartier où on était en disant qu’on devait évacuer, alors on est tous partis. » Mais cette fois, plus de carburant dans la voiture. La fuite de Youssef et de sa famille se fait dans une petite carriole. « Je ne pouvais plus acheter de fuel. Avant, c’était 7 shekels [1,70 euros] le litre, maintenant c’est 120 shekels [30 euros]», explique le père de famille gazaoui.
Sur Facebook, les messages audio se succèdent, noyés dans un brouhaha immense en arrière-fond. Les cris, les pleurs d’enfants se mêlent aux voix de femmes et d’hommes. « Pour le moment, on est dans une école de l’ONU à Rafah. On partage une salle de classe avec 25 autres personnes mais je pense qu’une tente, ça sera plus sain pour ma femme enceinte et les enfants », poursuit Youssef.
Tout au sud de l’enclave palestinienne, des centaines de milliers de familles s’entassent désormais derrière les barbelés qui marquent la frontière avec l’Égypte. La bande de Gaza était avant la guerre une prison à ciel ouvert. Rafah en est désormais la dernière cellule.
« Les gens sont partout ! Il y a trop de monde dans la ville. Les déplacés vivent dans les mosquées, sous des tentes, voire dans la rue. Mais il pleut, et il fait froid », raconte Asma dans un français parfait. La Palestinienne, enseignante de 42 ans, s’était promis de ne pas quitter son appartement de Khan Younès, mais le 21 décembre, elle a dû se résoudre à tout abandonner. « Les soldats israéliens nous ont demandé d’évacuer en lançant des tracts. »
Asma est donc partie avec son père, âgé de 90 ans, et sa mère, 77 ans. « On a mis presque une heure pour leur faire descendre les trois étages de notre immeuble. On a juste pu prendre avec nous des choses essentielles : de la farine, du sel, des boîtes de sardines, des couvertures. Je ne voulais pas partir, j’ai tellement pleuré. »
Selon le maire de Rafah, un million de personnes sont arrivées dans sa ville depuis le 7 octobre, et l’afflux se poursuit. Rafah est désormais un immense camp. Les tentes s’alignent partout, même sur le bord de la mer. Sur les images transmises par des journalistes palestiniens sur place, partout des enfants. Des petites filles et des petits garçons qui jouent dans la boue et au milieu des déchets.
La ville n’est pas à l’abri des frappes aériennes israéliennes. Ces dernières semaines, des familles entières ont été décimées dans le bombardement de leur immeuble. La guerre du ciel n’a jamais épargné personne dans la bande de Gaza. Le 12 janvier, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, Martin Griffiths, l’a répété : « Il n’y a pas d’endroit sûr à Gaza, où une vie humaine digne est quasi impossible. »
Il n’y a aucun avenir pour moi.
Le 13 janvier, après une semaine de silence, Asma reprend contact et envoie une série de messages audio sur WhatsApp. Sa voix est fatiguée, son souffle coupé. Elle suffoque presque, comme étouffée par l’angoisse. « Les nouvelles sont mauvaises, dit-elle. L’armée israélienne est proche de ma maison. J’ai peur. » Asma marque une pause, puis reprend. « J’ai perdu l’école où je travaillais, je ne veux pas qu’on me prenne aussi ma maison. Je ne peux pas tout perdre. Cet appartement, c’était mon lieu de paix. C’est trop, je n’ai plus d’espoir. »
Dans un dernier message audio, la Palestinienne se souvient que ce mois de janvier aurait dû se dérouler autrement. Loin de la violence et de la terreur. « On devait venir en France avec d’autres professeurs gazaouis. Cet été, je voulais aussi aller en Égypte pour y passer quelques jours. J’avais un amoureux et maintenant... je ne sais plus où j’en suis. Lui aussi n’a plus de maison. Tout cela s’est fini. Il n’y a aucun avenir pour moi. »
Début janvier, plusieurs responsables israéliens ont évoqué un possible déplacement de la population de la bande de Gaza vers d’autres pays. Une option portée par Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, deux ministres ultranationalistes du gouvernement Nétanyahou. Parmi les pays évoqués, l’Égypte mais aussi le Congo. Un plan rejeté en bloc par la communauté internationale.
Au cœur de l’enclave, de nombreux Palestiniens cherchent à partir à tout prix. Depuis le début de la guerre, Youssef le répète quasiment dans chaque discussion : « Trop c’est trop. » Il espère pouvoir rejoindre l’Europe et offrir une vie stable à ses enfants. Mais comment sortir de ce siège, de ce piège qui se referme chaque jour un peu plus sur lui ?
Il faut imaginer que pour les familles qui sont à Rafah, l’Égypte est toute proche. Leur sécurité est à portée de vue, juste derrière des barbelés. Mais le poste-frontière entre l’enclave palestinienne et le territoire égyptien est ouvert seulement aux camions humanitaires autorisés à entrer dans la bande de Gaza. Depuis le début du conflit, Le Caire s’oppose fermement à tout déplacement massif de population vers le désert du Sinaï.
On se retrouve sur la plage à Gaza.
En temps normal, un Palestinien peut traverser ce point de passage après avoir payé 450 euros. Désormais, en faisant appel à des réseaux de trafic d’êtres humains, il faut débourser 4 000 à 5 000 dollars par personne, selon une source palestinienne locale. C’est la seule solution pour être inscrit sur la liste des personnes qui ont un permis pour sortir.
« Je ne veux pas quitter la bande de Gaza comme cela et aller dans n’importe quel pays. Je veux que l’on me donne une autre nationalité, un travail. Le droit d’avoir une autre vie », explique Asma. Depuis la création de l’État d’Israël en 1948, des centaines de milliers de Palestiniens et Palestiniennes ont été contraint·es à l’exil au Liban, en Jordanie ou en Syrie, où pour la majorité elles et ils vivent encore dans des conditions très précaires.
Sa terre, Rami Abou Jamus s’y accroche avec conviction. « On se retrouve sur la plage à Gaza. » C’est l’une de ses phrases préférées. Chaque jour, le journaliste palestinien partage son quotidien à Rafah. C’est là qu’il survit avec sa femme et son fils, âgé de deux ans et demi. Il s’appelle Walid. Son père le filme régulièrement. À chaque nouvelle vidéo, les traits du petit garçon se creusent un peu plus. Son visage d’enfant porte l’empreinte d’une guerre qui dure depuis cent jours. Une guerre déjà trop longue.
Céline Martelet
15 janvier 2024 à 12h55
https://www.mediapart.fr/journal/international/150124/bande-de-gaza-100-jours-de-desespoir-au-coeur-d-une-guerre-trop-longue
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Rédigé le 15/01/2024 à 10:54 dans Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
Dans ce documentaire exceptionnel, nous suivons la quête de vérité d’une femme, Sarah, sur les origines de sa famille. Lorsqu’elle est devenue mère, la jeune trentenaire a décidé de briser l’omerta sur le passé de sa famille. Son grand-père était harki et a combattu pendant la guerre d'Algérie aux côtés de l’armée française. Après l’indépendance de l’Algérie, en 1962, toute la famille s'est réfugiée en France. Mais au lieu d'être accueillie à bras ouverts, celle-ci, comme de nombreux harkis, a été parquée dans un camp dans le Lot-et-Garonne. C'est dans ce lieu, toujours habité aujourd'hui, que Sarah commence sa quête.
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Rédigé le 15/01/2024 à 07:02 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Certaines personnes souhaitent écrire leur vie afin de laisser une trace. C'est ce qu'a fait Raymond Bouilloux, un Arinthodien ayant participé aux essais nucléaires en Algérie.
Raymond Bouilloux présente son livre Les mémoires de vie de Raymond Bouilloux, Vétéran des Essais Nucléaires français. ©Nathalie Coron
Raymond Bouilloux, comment vous est venue cette idée d’écrire vos mémoires ?
Depuis longtemps, j’avais envie d’écrire, laisser une trace à mes enfants, mes petits-enfants, ma famille, mes amis. Mais je ne savais pas comment m’y prendre.
C’est une amie, avec son compagnon, qui m’ont poussé à le faire. Lors de différentes occasions auxquelles nous nous retrouvions, je leur racontais mes histoires de vie et ils en redemandaient à chaque fois.
Ils m’encourageaient à écrire jusqu’au jour où mon amie est venue à la maison avec un cahier et un crayon qu’elle m’a remis, en me disant : « À présent, tu as tout ce qu’il faut pour débuter ton histoire ».
De là, j’ai commencé la belle aventure. J’ai écrit ce qui me venait à l’esprit, sur différents chapitres de ma vie…
Une fois un certain nombre de pages écrites, je ne savais pas quoi en faire. Une autre amie, avec qui j’en discutais un jour, m’a parlé d’une biographe locale qui pouvait me venir en aide pour mettre en forme un manuscrit prêt à être édité.
Je l’ai contactée. Une amitié forte est née de cette rencontre, qui a encore enrichi mon histoire.
Comment vous y êtes-vous pris alors ?
Eh bien, je lui ai confié mes pages d’écriture qu’elle a ainsi mises en forme, entre et écriture réécriture.
Le premier travail a été de les remettre dans un ordre chronologique. D’autres pages se sont rajoutées.
Elle me demandait d’écrire ce que je ressentais, selon un thème choisi, pour la prochaine séance.
Elle a été tout le long à mon écoute et fait en sorte de ne pas transformer mes idées, mais plutôt de leur donner vie à travers une écriture toujours respectueuse.
Cela a été un travail de longue haleine, mais la récompense de voir le livre achevé en valait la peine !
Raymond Bouilloux
Que raconte votre livre ?
Je voulais transmettre mon histoire à ma famille. Alors bien entendu, j’ai commencé par les origines de mes parents, jurassienne pour maman (Arinthod) et bressane pour papa (Cuiseaux), ma naissance et ma petite adolescence dans la région lyonnaise, alors que j’étais un « gone » sur les bancs de l’école, jusqu’à notre retour en Petite Montagne lorsque j’avais dix ans, jusqu’à mes états de service dans l’armée qui m’ont conduit pendant la guerre d’Algérie.
C’est une partie de ma vie que je ne peux pas oublier et que je me devais de transmettre. De retour en France, j’ai rencontré l’amour de ma vie, Janine, une femme merveilleuse dotée d’une très grande sensibilité, comme moi, avec qui je fonderai ma si belle famille.
Ayant trouvé un travail sur la région lyonnaise au sein du Centre d’Études et de Recherches Renault, nous nous installerons là-bas.
Notre vie fut ponctuée de moments merveilleux que viendront troubler parfois certains événements moins heureux, comme peuvent l’être ceux d’une vie, que nous surmonterons toujours ensemble.
Bien entendu, je devais aussi parler de mes passions que sont la chasse à la bécasse, les différents chiens qui m’ont accompagné, la pêche et le vélo. Tout autant de sujets sur lesquels j’ai pris beaucoup de plaisir à m’attarder.
Au cours de ces récits, j’ai aussi fait référence à l’incroyable évolution de la nature et des constatations prises sur le fait comme celles d’un petit gibier beaucoup moins nombreux de nos jours qu’à l’époque, tout comme les poissons, notamment les truites.
Une chose est sûre et je le dis dans mon livre : « De toutes ces années d’expérience, je peux affirmer : il ne faudrait pas toucher la nature, nulle part dans le monde ».
Préserver le devoir de mémoire est devenu un véritable sacerdoce ?
Oui, transmettre aux plus jeunes et aussi continuer à honorer ceux qui sont morts pour la France. C’est pour cela que je me suis engagé auprès de la FNACA (Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie).
Je suis porte-drapeau lors de nombreuses cérémonies dans le département et je le fais avec fierté et beaucoup d’honneur.
Le maire d'Arinthod, Jean-Charles Grosdidier, accroche la médaille de la Défense nationale des essais nucléaires sur le blouson du vétéran Raymond Bouilloux. (archives) ©Nathalie Coron
Pour information, nous avons créé à notre retour de Reggane (Guerre d’Algérie), l’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven), dont le président, Jean-Luc Sans, a dit à l’époque : « Nos souvenirs ne sont pas peuplés de djebels (montagnes), nous ne sommes que des oubliés avec le Sahara en carte postale, les îles lointaines en photos souvenirs, n’ayant que modestement au fond des yeux… l’image de l’Apocalypse. Pourtant, nous avons nos morts ! Non pas foudroyés aux champs d’honneur, mais lentement emprisonnés aux champs d’horreur de la déchéance et de l’oubli. Nous avons aussi nos blessés ! Mais leurs plaies sont invisibles et ne cicatrisent jamais ! Nous avons nos veuves, nos orphelins ! Mais leurs maris, leurs pères, ne sont pas morts à la guerre. Ils sont vulgairement partis d’un cancer infligé par un engin de Paix. Nous avons tous suivi les ordres de la Nation pour que vivent la liberté et la paix ! ».
Nous avions à l’époque reçu, mes camarades et moi, la Croix d’honneur du vétéran et l’insigne du Centre saharien d’expérimentation militaire (CSEM).
La croix représentant une explosion atomique sur une croix du désert avait été dessinée par Wolinski lui-même qui faisait partie de la mission comme moi « La gerboise bleue » , qui n’était autre que le nom de l’explosion atomique qui eut lieu le 13 février 1960, à 7 h 04.
Nous étions à 28 km du point 0, mais nous avons vu l’éclair thermique malgré le fait que nous nous cachions les yeux.
Dans un rayon de 300 mètres, la température serait montée à plusieurs millions de degrés. Tout a été déformé sur place, le fer ayant fondu, prenant des formes qu’aucun artiste n’aurait pu sculpter…
Raymond Bouilloux
Quelques longues années plus tard, nous avons reçu, avec tous mes camarades encore vivants, la médaille de la Défense nationale avec agrafe Essais nucléaires accordée par le Grand Chancelier de la Légion d’honneur. Soixante ans après. Il était temps ! Beaucoup nous ont quittés.
C’est tout cela que je voulais transmettre. C’est un livre d’amour de la vie avant tout, de ces petites choses de tous les jours qui font que la vie est belle, qu’elle vaut le coup d’être vécue… Et transmise…
SOURCE : Arinthod. Raymond Bouilloux, vétéran des essais nucléaires, a écrit ses mémoires | Voix du Jura (actu.fr)
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Rédigé le 15/01/2024 à 06:35 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
https://www.poesielavie.com/2018/04/nizar-qabbani-quelques-poemes.html
PREMIER POÈME
I
Quand sauras-tu
Mon cher monsieur
Que je ne serai pas
- Comme d'autres -
Une de tes petites amies,
Une conquête féminine
Ajoutée au nombre de tes conquêtes,
Un chiffre inscrit
Sur les registres de tes comptes?
Quand le sauras-tu?
II
Quand sauras-tu
- Chameau en errance du désert,
Toi dont la variole a rongé
Le visage et le poignet-
Que je ne serai point
Une cendre dans ta cigarette ?
Ni énième tête entre mille têtes
Sur ton oreiller,
Non plus une statuette
Dont tu auras augmenté le prix
Dans la folie de tes enchères,
Ou un sein sur le poli duquel
Tu auras imprimé le moule de tes empreintes?
Quand le sauras-tu?
III
Quand sauras-tu
Que tu ne me drogueras pas
Par ton pouvoir, ni ton renom,
Et que tu ne posséderas pas le monde
Avec ton naphte, tes royalties,
Avec ton pétrole
Dont les relents s'exhalent de tes nippes,
Et avec les voitures que tu déposes
Aux pieds de tes nombreuses maîtresses?
Où sont donc passées
De tes chamelles les bosses?
Où a donc disparu
De tes mains le tatouage?
Que sont devenues
De tes tentes les béances?
Toi, aux talons gercés,
Toi l'esclave de tes passions,
Toi dont les épouses font partie
De tes hobbies,
Femmes que tu alignes par dizaines
Sur le lit de tes jouissances,
Insectes que tu momifies
Sur les murs de tes salons?
Quand le sauras-tu?
IV
Toi, frappé d'indigestion,
Quand sauras-tu
Que je ne suis pas de celles
Qu'impressionne ton paradis
Ou qu'effraie ton enfer?
Quand sauras-tu
Que ma dignité est plus précieuse
Que l'or entassé dans tes proches,
Et que le climat où mes pensées baignent
Est bien loin de tes climats,
Toi où a couvé le féodal
Dans la vermine de tes helminthes,
Toi dont le désert rougit de honte
Lorsqu'il entend ton appel?
Quand le sauras-tu?
V
Patauge donc
Prince de Bitume
Tel une éponge
Dans la fange de tes plaisirs
Et dans tes errements,
Ton pétrole?
Tu peux le déverser
Aux pieds de tes maîtresses!
Les boîtes de nuit de Paris
Ont tué en toi toute fierté,
Là-bas, aux pieds d'une prostituée
Tu as enterré ton amour propre,
Alors, tu as bradé al Qods,
Tu as bradé Dieu,
Tu as bradé de tes morts les cendres,
Comme si les lances d'Israël
N'ont jamais tué tes sœurs,
N'ont jamais détruit nos demeures,
Et n'ont jamais brûlé,
Nos Saintes Écritures,
Comme si les bannières d'Israël
Ne se sont jamais plantées
Sur les lambeaux
De tes drapeaux,
Comme si tous ceux
Qui furent crucifiés
Aux arbres de Jaffa
Aux arbres de Jéricho
Et de Bir Sbaa
N'étaient pas de ta race.
Al Qods baigne dans son sang
Pendant que te dévorent
Tes propres passions
Comme si le drame
Ne te concernait point!
Quand donc l'Être Humain
Se réveillera-t-il dans ta carcasse?
Nizar Kabbani
ECLAIRCISSEMENTS
POUR LES LECTEURS DE MA POESIE
Et les âmes naïves racontent
Que je suis entré dans le boudoir des filles
Pour n'en plus ressortir.
Ces gens réclament qu'on dresse pour moi l'échafaud
Parce que j'ai chanté
De ma bien aimée la beauté.
Moi, je n'ai pas comme d'autres
Fait commerce de haschish
Ni volé
Ni tué,
Mais en plein jour j'ai aimé.
Ai-je donc pour cela Dieu renié?
Les âmes naïves disent de moi
Que mes poèmes
Des enseignements du Ciel se sont écartés.
Qui a dit que l'amour a attenté
A l'honneur du Ciel.
Le Ciel est mon ami :
Il pleure quand je pleure
Et il rit
Quand je ris.
Les étoiles, leur éclat augmente,
Si un jour je suis amoureux.
Qu'y a-t-il donc d'aberrant
Quand je chante
De ma bien aimée le nom?
Et quand je le sème à tous vents
Comme une forêt de châtaigniers.
Je continuerai ce commerce,
Comme tous les prophètes
Je continuerai, aède,
A chanter l'enfance,
A chanter
La pureté et l'innocence,
Je continuerai à décrire les beautés
De ma bien aimée
Jusqu'à fondre sa chevelure d'or
Dans l'or des soirs.
Moi - et je souhaite rester moi-
Enfant qui barbouille comme cela l'enchante
Les façades des étoiles
Jusqu'à ce que l'amour dans ma patrie
Devienne comme l'air qu'on respire,
Et que je devienne le dictionnaire
Des étudiants de l'amour passionné
Et que je devienne moi
L'alphabet balbutiéSur leurs lèvres.
Nizar Kabbani
PSALMODIE
SUR LES MAUSOLEES DES SANTONS
Je vous rejette tous
Et je mets fin au dialogue
Je n'ai plus rien à dire
J'ai fait un autodafé
De mes dictionnaires et de mes effets,
J'ai fui la poésie antique
Et la rime en "r" du long poème de Farazdak,
J'ai émigré de ma voix
J'ai émigré des cités du sel amer
Et des poèmes de poterie peinte.
J'ai apporté mes arbres à votre désert
De désespoir les arbres se sont suicidés;
J'ai apporté ma pluie à votre sécheresse
La pluie s'est retenue de tomber ;
J'ai planté mes poèmes dans vos matrices
Ils se sont étouffés.
O matrice, porteuse de poussière et d'épines!
II
J'ai essayé de vous arracher
De la colle de l'histoire,
Du calendrier des fatalités,
De la poésie pleurarde des clichés,
Du culte des pierres ;
J'ai tenté de libérer Troie assiégée,
Alors le siège m'a assiégé.
Je vous rejette, oui, je vous rejette
Vous qui avez créé votre Dieu
A partir de la bave,
Vous qui avez élevé une coupole
A chaque santon,
Un lieu de pèlerinage
A chaque faux prophète.
J'ai tenté de vous sauver
De la clepsydre qui vous engloutit
A chaque instant du jour et de la nuit,
Des amulettes que vous portez sur vous,
Des psalmodies récitées sur vos tombes,
Des derwiches tourneurs,
De la diseuse de bonne aventure,
Et de la danse du Zaar.
J'ai tenté de planter un clou dans votre chair,
Mais, j'ai désespéré
De votre chair et de mes serres,
J'ai désespéré de l'épaisseur du mur,
J'ai désespéré de mon désespoir.
Hier, je me suis pendu
Aux tresses de ma maîtresse
Mais je n'ai pu lui faire l'amour
Comme je l'ai habituée,
Les traits de son corps étaient étranges,
Le lit était froid
Le froid était froid,
Le sein de celle que j'aime était une vieille orange pressée,
Et un drapeau percé.
Je regarde, hagard, sur la carte de l'arabisme:
A chaque empan de terre un Califa est né
Un pouvoir absolu s'est établi,
Une tente a été dressée...
Le drapeau et les sceaux me font rire,
Les empires me font rire,
Les Sultanats de pacotille,
Les lois originales,
Les cheikhs du pétrole,
Les mariages de courte jouissance
Et les instincts déréglés.
Je marche, visage étranger dans Grenade
J'embrasse les enfants, les arbres et les minarets renversés,
Là, les Almoravides ont campé,
Ici, les Almohades se sont établis,
Là, ont eu lieu les orgies,
Ici, s'est effectuée la transe,
Là, un manteau ensanglanté,
Ici, un échafaud dressé.
Tribus arabes!
Dispersez-vous comme des feuilles mortes!
Entretuez-vous! Disputez-vous! Suicidez-vous!
O coup de poignard
Pour une seconde fois
Du genre d'une certaine Andalousie vaincue!
Nizar Kabbani
photographie de Jocelyn Womba
Le poème Balkis fut écrit à la mémoire de sa seconde épouse, Balqis al-Rawi, une enseignante irakienne qu'il avait rencontrée lors d'un récital de poésie à Bagdad, morte dans un attentat contre l'ambassade d'Irak en 1981 à Beyrouth, où elle travaillait pour la section culturelle du gouvernement irakien. Il se compse de plus de 100 vers.
Merci à vous,
Merci à vous,
Assassinée, ma bien aimée!
Vous pourrez dès lors
Sur la tombe de la martyre
Porter votre funèbre toast.
Assassinée ma poésie!
Est-il un peuple au monde,
-Excepté nous-
Qui assassine le poème?
O ma verdoyante Ninive!
O ma blonde bohémienne!
O vagues du Tigre printanier!
O toi qui portes aux chevilles
Les plus beaux des anneaux!
Ils t'ont tuée, Balkis!
Quel peuple arabe
Celui-là qui assassine
Le chant des rossignols!
Balkis, la plus belle des reines
Dans l'histoire de Babel!
Balkis, le plus haut des palmiers
Sur le sol d'Irak!
Quand elle marchait
Elle était entourée de paons,
Suivie de faons.
Balkis, ô ma douleur!
O douleur du poème à peine frôlé du doigt!
Est-il possible qu'après ta chevelure
Les épis s'élèveront encore vers le ciel?
Où est donc passé Al Samaw'al?
Où est donc parti Al Muhalhil?
Les anciens preux, où sont-ils?
Il n'y a plus que des tribus tuant des tribus,
Des renards tuant des renards,
Et des araignées tuant d'autres araignées.
Je te jure par tes yeux
Où viennent se réfugier des millions d'étoiles
Que, sur les Arabes, ma lune,
Je raconterai d'incroyables choses
L'héroïsme n'est-il qu'un leurre arabe?
Ou bien, comme nous, l'Histoire est-elle mensongère?
Balkis, ne t'éloigne pas de moi
Car, après toi, le soleil
Ne brille plus sur les rivages.
Au cours de l'instruction je dirai:
Le voleur s'est déguisé en combattant,
Au cours de l'instruction je dirai:
Le guide bien doué n'est qu'un vilain courtier.
Je dirai que cette histoire de rayonnement (arabe)
N'est une plaisanterie, la plus mesquine,
Voilà donc toute l'Histoire, ô Balkis!
Comment saura-t-on distinguer
Entre les parterres fleuris
Et les monceaux d'immondices?
Blakis, toi la martyre, toi le poème,
Toi la toute-pure, toit la toute-sainte.
Le peuple de Saba, Balkis, cherche sa reine des yeux,
Rends donc au peuple son salut!
Toi la plus noble des reines,
Femme qui symbolise toutes les gloires des époques sumériennes!
Balkis, toi mon oiseau le plus doux,
Toi mon icône la plus précieuse,
Toi larme répandue sur la joue de la Madeleine!
Ai-je été injuste à ton égard
En t'éloignant des rives d'Al A'damya?
Beyrouth tue chaque jour l'un de nous,
Beyrouth chaque jour court après sa victime.
La mort rôde autour de la tasse de notre café,
La mort rôde dans la clé de notre appartement,
Elle rôde autour des fleurs de notre balcon,
Sur le papier de notre journal,
Et sur les lettres de l'alphabet.
Balkis! sommes-nous une fois encore
Retournés à l'époque de la jahilia ?
Voilà que nous entrons dans l'ère de la sauvagerie,
De la décadence, de la laideur,
Voilà que nous entrons une nouvelle fois
Dans l'ère de la barbarie,
Ere où l'écriture est un passage
Entre deux éclats d'obus,
Ere où l'assassinat d'un frelon dans un champ
Est devenu la grande affaire.
Connaissez-vous ma bien aimée Balkis?
Elle est le plus beau texte des œuvres de l'Amour,
Elle fut un doux mélange
De velours et de beau marbre.
Dans ses yeux on voyait la violette
S'assoupir sans dormir.
Balkis, parfum dans mon souvenir!
O tombe voyageant dans les nues!
Ils t'ont tuée à Beyrouth
Comme n'importe quelle autre biche,
Après avoir tué le verbe.
Balkis, ce n'est pas une élégie que je compose,
Mais je fais mes adieux aux Arabes,
Balkis, tu nous manques… tu nous manques...
Tu nous manques...
La maisonnée recherche sa princesse
Au doux parfum qu'elle traîne derrière elle.
Nous écoutons les nouvelles,
Nouvelles vagues, sans commentaires.
Balkis, nous sommes écorchés jusqu'à l'os.
Les enfants ne savent pas ce qui se passe,
Et moi, je ne sais pas quoi dire…
Frapperas-tu à la porte dans un instant?
Te libéreras-tu de ton manteau d'hiver?
Viendras-tu si souriante et si fraîche
Et aussi étincelante
Que les fleurs des champs?
Balkis, tes épis verts
Continuent à pleurer sur les murs,
Et ton visage continue à se promener
Entre les miroirs et les tentures.
Même la cigarette que tu viens d'allumer
Ne fut pas éteinte,
Et sa fumée persistante continue à refuser
De s'en aller.
Balkis, nous sommes poignardés
Poignardés jusqu'à los
Et nos yeux sont hantés par l'épouvante.
Balkis, comment vas-tu pu prendre mes jours et mes rêves?
Et as-tu supprimé les saisons et les jardins?
Mon épouse, ma bien aimée,
Mon poème et la lumière de mes yeux,
Tu étais mon bel oiseau,
Comment donc as-tu pu t'enfuir ?
Balkis, c'est l'heure du thé irakien parfumé
Comme un bon vieux vin,
Qui donc distribuera les tasses, ô girafe?
Qui a transporté à notre maison
L'Euphrate, les roses du Tigre et de Ruçafa?
Balkis, la tristesse me transperce.
Beyrouth qui t'a tuée ignore son forfait,
Beyrouth qui t'a aimée
Ignore qu'elle a tué sa bien aimée
Et qu'elle a éteint la lune.
Balkis! Balkis! Balkis!
Tous les nuages te pleurent,
Quidonc pleurera sur moi?
Balkis, comment vas-tu pu disparaître en silence
Sans avoir posé tes mains sur mes mains?
Balkis, comment as-tu pu nous abandonner
Ballottés comme feuilles mortes par le vent ballottées,
Comment nous as-tu abandonnés nous trois
Perdus comme une plume dans la pluie?
As-tu pensé à moi
Moi qui ai tant besoin de ton amour,
Comme Zeinab, comme Omar?
Balkis, ô trésor de légende!
O lance irakienne!
O forêt de bambous!
Toi dont la taille a défié les étoiles,
D'où as-tu apporté toute cette fraîcheur juvénile?
Balkis, toi l'amie, toi la compagne,
Toi la délicate comme une fleur de camomille.
Beyrouth nous étouffe, la mer nous étouffe,
Le lieu nous étouffe.
Balkis, ce n'est pas toi qu'on fait deux fois,
Il n'y aura pas de deuxième Balkis.
Balkis ! les détails de nos liens m'écorchent vif,
Les minutes et les secondes me flagellent de leurs coups,
Chaque petite épingle a son histoire,
Chacun de tes colliers en a plus d'une,
Même tes accroche-cœur d'or
Comme à l'accoutumée m'envahissent de tendresse.
La belle voix irakienne s'installe sur les tentures,
Sur les fauteuils et les riches vaisselles.
Tu jaillis des miroirs
Tu jaillis de tes bagues,
Tu jallis du poème,
Des cierges, des tasses
Et du vin de rubis.
Balkis, si tu pouvais seulement
Imaginer la douleur de nos lieux!
A chaque coin, tu volettes comme un oiseau,
Et parfumes le lieu comme une forêt de sureau.
Là, tu fumais ta cigarette,
Ici, tu lisais,
Là-bas tu te peignais telle un palmier,
Et, comme une épée yéménite effilée,
A tes hôtes tu apparaissais.
Balkis, où est donc le flacon de Guerlain?
Où est le briquet bleu?
Où est la cigarette Kent?
Qui ne quittait pas tes lèvres?
Où est le hachémite chantant
Son nostalgique chant?
Les peignes se souviennent de leur passé
Et leurs larmes se figent;
Les peignes souffrent-ils aussi de leur chagrin d'amour?
Balkis, il m'est dur d'émigrer de mon sang
Alors que je suis assiégé entre les flammes du feu
Et les flammes des cendres.
Balkis, princesse!
Voilà que tu brûles dans la guerre des tribus.
Qu'écrirais-je sur le voyage de ma reine,
Car le verbe est devenu mon vrai drame ?
Voilà que nous recherchons dans les entassements des victimes
Une étoile tombée du ciel,
Un corps brisé en morceaux comme un miroir brisé.
Nous voilà nous demander, ô ma bien aiméme,
Si cette tombe est la tienne
Ou bien celle en vérité de l'arabisme?
Balkis, ô sainte qui as étendu tes tresses sur moi!
O girafe de fière allure!
Balkis, notre justice arabe
Veut que nos propres assassins
Soient des Arabes,
Que notre chair soit mangée par des Arabes,
Que notre ventre soit éventré par des Arabes,
Comment donc échapper à ce destin?
Le poignard arabe ne fait pas de différence
Entre les gorges des hommes
Et les gorges des femmes.
Balkis, s'ils t'ont fait sauter en éclats,
Sache que chez nous
Toutes les funérailles commencent à Karbala
Et finissent à Karbala
Je ne lirai plus l'Histoire dorénavant,
Mes doigts sont brûlés
Et mes habits sont entachés de sang.
Voilà que nous abordons notre âge de pierre,
Chaque jour, nous reculons mille ans en arrière!
A Beyrouth la mer
A démissionné
Après le départ de tes yeux,
La poésie s'interroge sur son poème
Dont les mots ne s'agencent plus,
Et personne ne répond plus à la question,
Le chagrin, Balkis, presse mes yeux comme une orange.
Las! je sais maintenant que les mots n'ont pas d'issue,
Et je connais le gouffre de la langue impossible;
Moi qui ai inventé le style épistolaire
Je ne sais par quoi commencer une lettre,
Le poignard pénètre mon flanc
Et le flanc du verbe.
Balkis, tu résumes toute civilisation,
La femme n'est-elle pas civilisation?
Balkis, tu es ma bonne grande nouvelle.
Qui donc m'en a dépouillé?
Tu es l'écriture avant toute écriture,
Tu es l'île et le sémaphore,
Balkis, ô lune qu'ils ont enfouie
Parmi les pierres!
Maintenant le rideau se lève,
Le rideau se lève.
Je dirai au cours de l'instruction
Que je connais les noms, les choses, les prisonniers,
Les martyrs, les pauvres, les démunis.
Je dirai que je connais le bourreau qui a tué ma femme
Je reconnais les figures de tous les traîtres.
Je dirai que votre vertu n'est que prostitution
Que votre piété n'est que souillure,
Je dirai que notre combat est pur mensonge
Et que n'existe aucune différence
Entre politique et prostitution.
Je dirai au cours de l'instruction
Que je connais les assassins,
Je dirai que notre siècle arabe
Est spécialisé dans l'égorgement du jasmin,
Dans l'assassinat de tous les prophètes,
Dans l'assassinat de tous les messagers.
Même les yeux verts
Les Arabes les dévorent,
Même les tresses, mêmes les bagues,
Même les bracelets, les miroirs, les jouets,
Même les étoiles ont peur de ma patrie.
Et je ne sais pourquoi,
Même les oiseaux fuient ma patrie.
Et je ne sais pourquoi,
Même les étoiles, les vaisseaux et les nuages,
Même les cahiers et les livres,
Et toutes choses belles
Sont contre les Arabes.
Hélas, lorsque ton corps de lumière a éclaté
Comme une perle précieuse
Je me suis demandé
Si l'assassinat des femmes
N'est pas un dada arabe,
Ou bien si à l'origine
L'assassinat n'est pas notre vrai métier?
Balkis, ô ma belle jument
Je rougis de toute mon Histoire.
Ici c'est un pays où l'on tue les chevaux,
Ici c'est un pays où l'on tue les chevaux.
Balkis, depuis qu'ils t'ont égorgée
O la plus douce des patries
L'homme ne sais comment vivre dans cette patrie,
L'homme ne sait comment vivre dans cette patrie.
Je continue à verser de mon sang
Le plus grand prix
Pour rendre heureux le monde,
Mais le ciel a voulu que je reste seul
Comme les feuilles de l'hiver.
Les poètes naissent-ils de la matrice du malheur?
Le poète n'est-il qu'un coup de poignard sans remède porté au cœur?
Ou bien suis-je le seul
Dont les yeux résument l'histoire des pleurs?
Je dirai au cours de l'instruction
Comment ma biche fut tuée
Par l'épée de Abu Lahab,
Tous les bandits, du Golfe à l'Atlantique
Détruisent, incendient, volent,
Se corrompent, agressent les femmes
Comme le veut Abu Lahab,
Tous les chiens sont des agents
Ils mangent, se soûlent,
Sur le compte de Abu Lahab,
Aucun grain sous terre ne pousse
Sans l'avis de Abu Lahab
Pas un enfant qui naisse chez nous
Sans que sa mère un jour
N'ait visité la couche de Abu Lahab,
Pas une tête n'est décapitée sans ordre de Abu Lahab
La mort de Balkis
Est-elle la seule victoire
Enregistrée dans toute l'Histoire des Arabes?
Balkis, ô ma bien aimée, bue jusqu'à la lie!
Les faux prophètes sautillent
Et montent sur le dos des peuples,
Mais n'ont aucun message!
Si au moins, ils avaient apporté
De cette triste Palestine
Une étoile,
Ou seulement une orange,
S'ils nous avaient apporté des rivages de Ghaza
Un petit caillou
Ou un coquillage,
Si depuis ce quart de siècle
Ils avaient libéré une olive
Ou restitué une orange,
Et effacé de l'Histoire la honte,
J'aurais alors rendu grâce à ceux qui t'ont tuée
O mon adorée jusqu'à la lie!
Mais ils ont laissé la Palestine à son sort
Pour tuer une biche!
Balkis, que doivent dire les poètes de notre siècle!
Que doit dire le poème
Au siècle des Arabes et non Arabes,
Au temps des païens,
Alors que le monde Arabe est écrasé
Ecrasé et sous le joug,
Et que sa langue est coupée.
Nous sommes le crime dans sa plus parfaite expression;
Alors écartez de nous nos œuvres de culture.
O ma bien aimée, ils t'ont arrachée de mes mains,
Ils ont arraché le poème de ma bouche,
Ils ont pris l'écriture, la lecture,
L'enfance et l'espérance.
Balkis, Balkis, ô larmes s'égouttant sur les cils du violon!
Balkis, ô bien aimée jusqu'à la lie!
J'ai appris les secrets de l'amour à ceux qui t'ont tuée,
Mais avant la fin de la course,
Ils ont tué mon poulain.
Balkis, je te demande pardon;
Peut être que ta vie a servi à racheter la mienne
Je sais pertinemment
Que ceux qui ont commis ce crime
Voulaient en fait attenter à mes mots.
Belle, dors dans la bénédiction divine,
Le poème après toi est impossible
Et la féminité aussi est impossible.
Des générations d'enfants
Continueront à s'interroger sur tes longues tresses,
Des générations d'amants
Continueront à lire ton histoire
O parfaite enseignante!
Les Arabes sauront un jour
Qu'ils ont tué une messagère
Nizar Kabbani
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https://www.poesielavie.com/2018/04/nizar-qabbani-quelques-poemes.html
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Rédigé le 14/01/2024 à 19:49 dans Poésie/Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
LAISSER MOURIR LES PALÉSTINIENS SEULS... QUELLE TRISTESSE !
1
J'essaie, depuis l'enfance, de dessiner ces pays
Qu'on appelle-allégoriquement-les pays des Arabes
Pays qui me pardonneraient si je brisais le verre de la lune...
Qui me remercieraient si j'écrivais un poème d'amour
Et qui me permettraient d'exercer l'amour
Aussi librement que les moineaux sur les arbres...
J'essaie de dessiner des pays...
Qui m'apprendraient à toujours vivre au diapason de l'amour
Ainsi, j'étendrai pour toi, l'été, la cape de mon amour
Et je presserai ta robe, l'hiver, quand il se mettra à pleuvoir...
2
J'essaie de dessiner des pays...
Avec un Parlement de jasmin...
Avec un peuple aussi délicat que le jasmin...
Où les colombes sommeillent au dessus de ma tête
Et où les minarets dans mes yeux versent leurs larmes
J'essaie de dessiner des pays intimes avec ma poésie
Et qui ne se placent pas entre moi et mes rêveries
Et où les soldats ne se pavanent pas sur mon front
J'essaie de dessiner des pays...
Qui me récompensent quand j'écris une poésie
Et qui me pardonnent quand déborde le fleuve de ma folie...
3
J'essaie de dessiner une cité d'amour
Libérée de toutes inhibitions...
Et où la féminité n'est pas égorgée... ni nul corps opprimé
4
J'ai parcouru le Sud... J'ai parcouru le Nord...
Mais en vain...
Car le café de tous les cafés a le même arôme...
Et toutes les femmes-une fois dénudées-
Sentent le même parfum...
Et tous les hommes de la tribu ne mastiquent point ce qu'ils mangent
Et dévorent les femmes une à la seconde
5
J'essaie depuis le commencement...
De ne ressembler à personne...
Disant non pour toujours à tout discours en boîte de conserve
Et rejetant l'adoration de toute idole...
6
J'essaie de brûler tous les textes qui m'habillent
Certains poèmes sont pour moi une tombe
Et certaines langues linceul.
Je pris rendez-vous avec la dernière femme
Mais j'arrivai bien après l'heure.
7
J'essaie de renier mon vocabulaire
De renier la malédiction du "Mubtada" et du "Khabar"
De me débarrasser de ma poussière et me laver le visage à l'eau de pluie...
J'essaie de démissionner de l'autorité du sable...
Adieu Koraich...
Adieu Kouleib...
Adieu Mudar...
8
J'essaie de dessiner ces pays
Qu'on appelle-allégoriquement- les pays des Arabes,
Où mon lit est solidement attaché,
Et où ma tête est bien ancrée,
Pour que je puisse differencier entre les pays et les vaisseaux...
Mais... ils m'ont pris ma boîte de dessin,
M'interdisent de peindre le visage de mon pays...;
9
J'essaie depuis l'enfance
D'ouvrir un espace en jasmin.
J'ai ouvert la première auberge d'amour... dans l'histoire des Arabes...
Pour accueillir les amoureux...
Et j'ai mis fin à toutes les guerres d'antan entre les hommes.et les femmes,
Entre les colombes... et ceux qui égorgent les colombes...
Entre le marbre... et ceux qui écorchent la blancheur du marbre...
Mais... ils ont fermé mon auberge...
Disant que l'amour est indigne de l'Histoire des Arabes
De la pureté des Arabes...
De l'héritage des Arabes...
Quelle aberration!!
10
J'essaie de concevoir la configuration de la patrie ?
De reprendre ma place dans le ventre de ma mère,
Et de nager à contre courant du temps,
Et de voler figues, amandes, et pêches,
Et de courir après les bateaux comme les oiseaux
J'essaie d'imaginer le jardin de l'Eden?
Et les potentialités de séjour entre les rivières d'onyx?
Et les rivières de lait...
Quand me reveillant... je découvris la futilité de mes rêves.
Il n'y avait pas de lune dans le ciel de Jéricho...
Ni de poisson dans les eaux de l'Euphrate...
Ni de café à Aden...
11
J'essaie par la poésie... de saisir l'impossible...
Et de planter des palmiers...
Mais dans mon pays, ils rasent les cheveux des palmiers...
J'essaie de faire entendre plus haut le hennissement des chevaux;
Mais les gens de la cité méprisent le henissement!!
12
J'essaie, Madame, de vous aimer...
En dehors de tous les rituels...
En dehors de tous textes.
En dehors de tous lois et de tous systèmes.
J'essaie, Madame, de vous aimer...
Dans n'importe quel exil où je vais...
Afin de sentir, quand je vous étreins, que je serre entre mes bras le terreau de mon
pays.
13
J'essaie -depuis mon enfance- de lire tout livre traitant des prophètes des Arabes,
Des sages des Arabes... des poètes des Arabes...
Mais je ne vois que des poèmes léchant les bottes du Khalife
pour une poignée de riz... et cinquante dirhams...
Quelle horreur!!
Et je ne vois que des tribus qui ne font pas la différence entre la chair des femmes...
Et les dates mûres...
Quelle horreur!!
Je ne vois que des journaux qui ôtent leurs vêtements intimes...
Devant tout président venant de l'inconnu..
Devant tout colonel marchant sur le cadavre du peuple...
Devant tout usurier entassant entre ses mains des montagnes d'or...
Quelle horreur!!
14
Moi, depuis cinquante ans
J'observe la situation des Arabes.
Ils tonnent sans faire pleuvoir...
Ils entrent dans les guerres sans s'en sortir...
Ils mâchent et rabâchent la peau de l'éloquence
Sans en rien digérer.
15
Moi, depuis cinquante ans
J'essaie de dessiner ces pays
Qu'on appelle-allégoriquement- les pays des Arabes,
Tantôt couleur de sang,
Tantôt couleur de colère.
Mon dessin achevé, je me demandai :
Et si un jour on annonce la mort des Arabes...
Dans quel cimetière seront-ils enterrés?
Et qui les pleurera?
Eux qui n'ont pas de filles...
Eux qui n'ont pas de garçons...
Et il n'y a pas là de chagrin
Et il n'y a là personne pour porter le deuil!!
16
J'essaie depuis que j'ai commencé à écrire ma poésie
De mesurer la distance entre mes ancêtres les Arabes et moi-même.
J'ai vu des armées... et point d'armées...
J'ai vu des conquêtes et point de conquêtes...
J'ai suivi toutes les guerres sur la télé...
Avec des morts sur la télé...
Avec des blessés sur la télé...
Et avec des victoires émanant de Dieu... sur la télé...
17
Oh mon pays, ils ont fait de toi un feuilleton d'horreur
Dont nous suivons les épisodes chaque soir
Comment te verrions-nous s'ils nous coupent le courant??
18
Moi, après cinquante ans,
J'essaie d'enregistrer ce que j'ai vu...
J'ai vue des peuples croyant que les agents de renseignements
Sont ordonnés par Dieu... comme la migraine... comme le rhume...
Comme la lèpre... comme la gale...
J'ai vue l'arabisme mis à l'encan des antiquités,
Mais je n'ai point vue d'Arabes!!
Nizar Kabbani
"Non, nous ne sommes pas des Arabes.
Assez de mensonge, de tromperie, de fraude, de faiblesse, d’impuissance et de peur. Le Syrien n’est pas un Arabe, l’Irakien n’est pas Arabe, l'Égyptien n’est pas un Arabe, le Libanais n’est pas un Arabe, le Jordanien et le Palestinien non plus. Nous sommes des Levantins, nous sommes des Byzantins, des syriaques, des Chaldéens, des Assyriens, des Coptes, nous sommes les descendants des Mésopotamiens, des Phéniciens, des Pharaons, nous sommes du Levant et de son peuple autochtone.
Nous ne sommes pas des Arabes
Assez de viol, et de falsification de l’Histoire, de la géographie, de la vérité́ et de la réalité́.
Les descendants de l’Arabie sont les Arabes -et pour rester fidèle à l’Histoire- nous disons qu’il y a des tribus arabes qui sont devenues chrétiennes mais l’arabité́ de la minorité́ ne saurait se généraliser à la majorité́ Levantine qui n’a jamais été́ Arabe. Même si nous sommes arabophones, cela ne veut pas dire pour autant que nous sommes des Arabes.
L’Américain qui parle anglais n’est pas un anglais pour autant, le brésilien qui parle portugais n’est pas portugais pour autant, et l’Argentin qui parle espagnol n’est pas espagnol pour autant.
Ce sont des langues coloniales héritées d’un passé colonial.
Même si nous parlons arabe, nous ne sommes pas des Arabes et nous ne ressemblons en rien aux Arabes, ni dans la pensée, ni dans le goût, ni non plus dans la civilisation.
Eux, leur terre est le désert alors que la nôtre elle est celle du lait, du miel, de la figue, de l’amande, de la pomme et du raisin.
Nos ancêtres avaient cultivé la terre et s’y sont enracinés et ils y sont devenus «des authentiques» quant à̀ vous, vous êtes des nomades, vous ne semez point et vous n’y êtes jamais enracinés.
Nos ancêtres avaient planté la vigne, fabriqué du vin et cultivé la musique, ils ont fait la fête, ils ont dansé, ils ont construit des civilisations et ont écrit des livres, vos grands-parents ont bu du sang et ils le font toujours, ils ont dansé sur des cadavres de certains d’entre eux et ont abattu certains d’entre eux pour faire la fête et ils le font toujours. Ils ont détruit les civilisations et brulé des livres et ils le font toujours
Que ce soit dans l’histoire ancienne ou dans l’histoire contemporaine, nous ne vous ressemblons point. Notre passé est fait d’épopées, de science, et de gloire, quant à̀ vous, votre passé est une trahison, votre présent est une trahison et votre avenir est une trahison.
Nous ne vous ressemblons en rien, ni par notre passé humain, ni par notre passé chrétien, ni par notre passé musulman.
Les musulmans de mon pays, sont des musulmans aimants de la science, de la vie, alors que vous avez élevé́ des peuples emplis de haine, de complexes, de maladies, qui adorent la mort.
Notre passé est une civilisation, une science, une littérature, une musique, une poésie, votre passé est fait de sang, d’invasions, de haine et de convoitises.
Celui qui est devenu musulman dans mon pays, après l’invasion arabe, a gardé́ sa noblesse sociale, ses traditions, et ses coutumes et même celui qui a vécu parmi nous est devenu l’un des nôtres du point de vue social, nous avons mangé́ ensemble, dansé ensemble, ri ensemble et pleuré ensemble, mais vous, vous ne changez jamais.
1400 ans et vous ne changez jamais et quand vous vous êtes rendu compte que vous n’arriverez pas à nous changer, vous avez détruit notre pays, notre patrimoine, notre coexistence et vous nous avez détruits.
Le musulman Levantin n’a plus foi en vous, vous le dégoutez plus que vous l’êtes pour un chrétien Levantin. Nous vous avons enseigné, construit vos villes, vos hôpitaux et vos universités et préservé votre langue.
Si seulement nous ne l’avons pas fait, si seulement nous vous avons laissé à la justice de Dieu et votre destin plus foncé que votre pétrole. Nous étions un pont entre vous et l’occident et vous êtes devenus un outil entre les mains de l’occident pour détruire notre Orientalité́. Nous vous avons connu à travers vos fruits, un passé barbare, fait d’humiliations et de fractures.
Rappelez-nous une seule victoire à̀ vous ? Ou une seule gloire à vous ?
Vos victoires se réduisent à l’anéantissement de l’autre, du frère à frère, du fils à son père pour le pouvoir, ou pour une femme, ou pour un chameau, ou encore pour un âne.
L’occident vous a écrasé́, celui-là̀ même que vous taxé d’infidèle et vous lui lâchez quand même les pieds pour qu’il préserve vos trônes, et voler ensuite les deniers des pauvres pour remplir les banques de l’Occident.
On en a assez et on ne couvrira plus jamais cette farce à partir d’aujourd’hui.
Nizar Qabbani
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Rédigé le 14/01/2024 à 14:53 dans Palestine, Paléstine, Poésie/Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
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Rédigé le 13/01/2024 à 17:10 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
l paraît que le jour du jugement dernier, nous serons tous désemparés car le frère ne pourra pas voler au secours de son frère, ni le fils au secours de son père…
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Rédigé le 13/01/2024 à 14:58 dans Israël, Lejournal Depersonne, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
Livres
L'aliénation colonialiste et la résistance de la famille algérienne. Essai de Salima Sahraoui-Bouaziz dite Saadia et Rabah Bouaziz dit Lakhdar. Casbah Editions, Alger 2014,
221 pages, 850 dinars
Un travail à deux accompli au cours de la guerre de libération nationale. Basé sur des observations, sur de la documentation durant les moments de répit alors que la Fédération de France du FLN voyait son action armée «réduite», après les spectaculaires actions du «second front» de l'été 1958.
Un travail de recherche et de réflexion engagé et il ne pouvait en être autrement vu le contexte et les dangers de l'époque. Un travail qui peut paraître manichéiste, avec une impression de parti pris d'accusation systématique du pouvoir colonial. Une impression récusée, aujourd'hui (lors de la réédition en octobre 2013), par Salima Sahraoui-Bouaziz qui «assume» l'opinion que le colonialisme avait sciemment et méthodiquement entrepris de saper la société algérienne dans ses fondements, dans ses valeurs, dans sa dignité. Une opinion qui, il est vrai, ne peut que faire l'unanimité des septuagénaires et bien plus (dont je fais partie).
A noter que cet ouvrage, ce «plaidoyer», a été achevé d'imprimer le 10 août 1961 (ce qui en fait un document d'archives historique inestimable) sur les presses de la coopérative d'imprimerie du pré-Jérôme (propriété de Niels Andersson, qui avait renoncé à ses droits d'édition pour la parution, à Alger, en 2013, celui-là même qui avait édité Henri Alleg et «La Question», Bachir Boumaza et «La Gangrène», Hafid Keramane et «La Pacification», Mohamed Boudia et «Naissances», Robert Davezies, le prêtre de la Mission de France et «Le Temps de la Justice»), à Genève, sous les noms d'auteurs : «Saadia-et-Lakhdar». Avec une préface de (feu) Benyahia Belkacem, membre du collectif des Instructeurs politiques de l'Ecole des Cadres de la Fédération de France et l'un des rédacteurs attaché au Comité fédéral. Facile à lire aujourd'hui, pas facile du tout à faire alors !
Les Auteurs : - Salima Sahraoui-Bouaziz, née le 2 février 1936 à Blida. Grande sportive (athlétisme). Militante FLN dès 1956, Permanente, entre autres, dans l'OS de la Fédération de France du FLN. Médecin neurologue
- Rabah Bouaziz, né le 13 avril 1928. Emprisonné pour ses activités politiques dès 1955. Maquisard (wilaya IV) puis, en 1957, responsable de l'OS (action armée) auprès de la Fédération de France du FLN. Député et membre du Comité central du FLN après l'indépendance. Études de droit et avocat de 1978 à 1983. Décédé à Alger le 11 octobre 2009.
Table des matières : Présentation/La naturalisation/Résistance au service dans l'armée française/La prostitution/Emigration et mariage mixte.
Extraits : «Rien que pour la guerre de 1914-18, sur les 173.000 Algériens que le gouvernement français a expédiés sur les champs de bataille, 56.000, soit les 31% ont été tués, alors qu'il y eut 19% de tués parmi les troupes françaises» (p 46), «En fait, depuis longtemps, ce qui a pu apparaître à la surface de notre société d'opprimés comme résignation n'a été en grande partie qu'une attitude adaptée des nôtres pour mystifier l'ennemi avec lequel nous avons dû constamment ruser face à ses efforts déployés pour créer un climat de passivité, un état d'esprit de vaincu» (p 57), «Pendant la guerre d'Indochine, le recrutement dans certaines régions s'est fait au poids : mille francs le kilo de chair humaine en Oranie.
Le recruteur-maquignon pesait celui qui se présentait et lui remettait une prime en rapport avec le chiffre indiqué par la bascule» (p 83), «Dans nos rangs, dans les cellules des prisons, ici même, nous ont rejoints des hommes de toutes confessions. Vous avez des israélites, des musulmans, des catholiques et des athées aussi. Ceux-là ont choisi l'Algérie libre de demain, non celle de ceux qui se croient pétris dans une farine supérieure. Ceux-là sont des frères et ils ne s'y trompent pas» (p 219).
Avis : Un ouvrage «militant» écrit par deux patriotes engagés dans la lutte clandestine. Une écriture simple et claire et, surtout, directe et sans fioritures. Une approche qui pourrait apparaître comme «has been» mais d'une qualité historique incontestable. Une partie de l'histoire du pays et de sa résistance introuvable ailleurs.
Citations : «La Nation algérienne n'est pas la France, ne peut être la France et ne veut pas être la France. Elle a son territoire déterminé, qui est l'Algérie avec ses limites actuelles» (Cheikh Abdelhamid Ben Badis, cité p 17), «Le peuple algérien avait refusé ses enfants à l'armée française, mais il les a vus avec fierté prendre place dans les rangs de son armée à lui, l'ALN. Les mères algériennes considèrent, à juste raison, chaque combattant de l'ALN comme leur fils» (p 98), «Si ailleurs, elle (note : la prostitution) peut être attribuée à une mauvaise politique sociale ou à une tare d'un régime politique et économique, en Algérie (note : durant la période coloniale), elle est la conséquence d'une domination étrangère qui l'utilise comme moyen de maintien d'un régime imposé» (p.102), «Jusqu'à l'éclatement de la révolution, le poste de radio ou le phonographe ont été boycottés par les nôtres, parce que, précisément considérés comme des instruments malsains» (p 146), «Le racisme ouvert des Européens à l'égard de tout Algérien, non seulement exaspère mais contribue à provoquer la contre-réaction populaire; elle se cristallise face à tout ce qui vient de l'Européen et s'exerce de tout son poids sur quiconque des siens qui tenterait de s'égarer» (p 173), «L'«exode» de jeunes par milliers vers la France (note : durant la période coloniale), le vide qu'ils laissaient, ont profondément impressionné la sensibilité populaire, allant jusqu'à donner un fond nouveau, une expression nouvelle à notre culture» (p 196).
Le Mont-Saint-Michel, situé en Normandie (France), est un lieu religieux (car abritant une Abbaye) et touristique mythique côté histoire, mais aussi côté architecture de l'ensemble, assez prodigieux, semblant s'élever vers le ciel, (avec Saint-Michel brandissant son épée) «dans une singulière homogénéité, conjuguant la beauté du site et la hardiesse des hommes».
Il représente, assurément, un haut lieu emblématique de la chrétienté. Ce qui fait oublier qu'au Moyen-Âge, un architecte, né et formé dans l'Andalousie musulmane, avait grandement contribué à sa construction. Andréas était maître maçon, artisan accompli dans l'art de construire. Il avait été formé dans les meilleurs ateliers et chantiers d'Andalousie et de la Méditerranée. Il avait parcouru des milliers de kilomètres et marché des mois et des mois depuis qu'il avait quitté Cordoue.
Des siècles plus tard, un jeune émigrant «harrag», bel homme au demeurant, issu d'un pays du Sahel se retrouve à Ibiza, lieu de tous les plaisirs et de toutes les ambitions. Il est embauché dans la milice d'une secte mondiale tentaculaire, «La Féérique», qui a pour objectif de s'attaquer à la célèbre statue (se trouvant au sommet du mont) en vue de réaliser une prophétie apocalyptique et prendre le pouvoir. Avec un Q. G. installé au Sultanat Palace Empire, lieu de plaisirs, de jeux et de débauche, avec un grand chef, gourou aux allures d'Antéchrist, médium sur les bords, ayant fait ses premières armes au sein d'escadrons de la mort au Guatemala, des cadres aux dents longues, une belle «influenceuse» géniale, la maîtrise des nouveaux procédés technologiques et une «alliance gouvernementale» s'étendant de l'Europe du Nord au golfe Persique, on devine aisément la politique menée et l'idéologie à mettre en place envisagée. Pour cela, il faut détruire la statue de Saint-Michel et la remplacer par celle de la Joconde, symbole «des temps nouveaux». La liberté personnelle ne va-t-elle pas jusqu'à se permettre de choisir son propre «dieu» et faire adorer par les masses la figure déifiée de la Joconde de Léonard de Vinci. L'opération est lancée mais elle échouera, entraînant la mort du Maître et son remplacement par l'influenceuse tombée sous le charme de notre bel émigrant. On attend la suite, car l'Alliance est toujours là.
L'Auteur : Né à Constantine. Universitaire ayant occupé plusieurs fonctions supérieures (secteur de la Communication et auprès de l'Unesco), linguiste, financier, spécialiste en communication, écrivain, auteur de plusieurs études, essais et romans.
Extraits : «La lettre G était un symbole particulier consacré par la Franc-maçonnerie ancienne, placée entre l'équerre et le compas, elle orne le degré de compagnon et commande la connaissance, elle pouvait aussi bien libérer qu'aliéner» (p 28), «Les hommes sont mauvais mais ne se l'avouent pas, c'est pourquoi ils créent des symboles qui sont autant de mensonges, car seul le mal existe. S'il en était autrement, le monde serait-il ce qu'il est ?» (p 39), «Seul celui qui a en lui le plus de haine peut comprendre et dominer les hommes et le monde, car celui-ci est mené par la haine. Seule la haine comme moteur et ses manifestations en vue de sidérer et de tétaniser l'humanité, peuvent permettre de contrôler celle-ci» (p 45), «Le chef de la Féérique savait aussi combien les symboles pesaient souvent plus que la réalité et comment leur fonctionnement était fascinant pour diriger et commander aux gens» (p 78).
Avis : Une bien étrange oeuvre. Roman d'anticipation ? Roman ésotérique ou roman à suspense. Un récit-fiction qui nous décrit le complotisme «religieux» (le mortellement dogmatique) de manière originale. Se lit facilement mais se comprend difficilement.
Citations : «Est ou Ouest, peu importe la direction, toutes ces religions se ressemblent, elles brident les libertés et briment les droits et ne dirigent que vers lirrationnel» (p 20), «Le rêve, pour celui qui en perce les signes, était une sorte de porte, sur soi d'abord et sur l'avenir ensuite» (p 88), «Les hommes veulent tous s'élever mais pas dans le même sens, ni pour le même but» (p 115), «La trahison est, sans doute, de la nature humaine, le trait saillant. Elle contient en elle ce qui rabaisse et compromet la dignité. Elle est fondée sur l'ingratitude, le mensonge et le déshonneur. Elle se manifeste par le mensonge, l'hypocrisie et la compromission. Elle vise au faux, à l'indu, à l'abus et à l'inique. Plus encore, celui qui trahit les hommes, trahit Dieu et celui qui trahit Dieu est celui qui ne sera pas sauvé» (p 117).
par Belkacem Ahcene-Djaballah
Samedi 13 janvier 2024
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5326706
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Rédigé le 13/01/2024 à 07:47 dans Littérature, Livres | Lien permanent | Commentaires (0)
Le mot «trahison» est souvent utilisé dans le monde arabe pour qualifier le comportement de certains dirigeants arabes par rapport au conflit israélo-palestinien. La «rue arabe», comme on dit, c'est-à-dire les peuples arabes, ne font pas dans le détail. Ils pensent que la plupart des dirigeants arabes trahissent, et «sont vendus à l'Occident».
Les choses ne sont pas aussi simples.
Ils sont peu nombreux, au fond, les chefs d''États arabes qui déclarent, en toutes circonstances, et en toutes situations, appuyer inconditionnellement la cause palestinienne et , qui, donc, soutiennent aujourd'hui Hamas. Celui- ci, et la résistance de Gaza, cristallisent en effet actuellement cette cause et sont donc devenus le point de clivage entre la sincérité de ce soutien et le simple discours de circonstance. Beaucoup d'autres États arabes restent attentistes ou ont bien trop à faire avec leurs problèmes, qui sont souvent le fait d'ailleurs, directement ou indirectement, des pressions et des ingérences étrangères. C'est ce qui explique que la Ligue arabe est dominée actuellement par une minorité d' États arabes, presque tous des monarchies, partisans des «accords dits d'Abraham», c'est à dire de la dite «normalisation» des relations avec Israël.
C'est ce qui donne ce sentiment diffus de trahison dans l'opinion arabe. Les dirigeants israéliens eux même ont conforté ce sentiment.. Ils n'ont pas hésité à révéler, par exemple, que deux rois arabes, le rois du Maroc feu Hassan 2, pour la guerre des six jours en 1965, et feu Hussein de Jordanie, en 1973, pour la guerre d'octobre, leur ont fourni des renseignements.(1). Machiavélisme ou vérités ? Il pourrait donc y avoir même une trahison au premier degré, directe, triviale. El Kadhafi en avait accusé directement certains des dirigeants arabes (2), les accusant de pactiser avec les États-Unis. Il l'a payé de sa vie.
La «normalisation»
Le crypto-sionisme version arabe
Au-delà des arguments économiques et sécuritaires, il y a comme toujours, de l'idéologie. De la même manière que le colonisé idéalisait la puissance coloniale, certains dirigeants arabes se sont mis à fantasmer Israël. Il y a, en filagramme chez ces dirigeants arabes, et les élites qui leur sont attachées, la conviction de la puissance intrinsèque du sionisme. Or c'est cette idée qui constitue l'essence du sionisme et explique son arrogance irrépressible. On pourrait donc sur ce point, observer un rapprochement étonnant, entre l'idéologie de ces dirigeants arabes et celle du crypto-sionisme, dont on a parlé dans des articles précédents (3).
Il y a donc un crypto-sionisme version arabe. On peut, par exemple, retrouver à huis clos, chez ces dirigeants, le même récit que celui des crypto-sionistes au sujet du conflit actuel, celui que c'est Hamas qui est responsable de tous les malheurs des palestiniens et de Gaza.
Les victoires israéliennes ont joué un rôle dans cette surestimation du sionisme chez des dirigeants au nationalisme chancelant, ou tout simplement féodaux, et toujours enclins à subordonner l'intérêt national à celui de la pérennité de leur trône ou de leur pouvoir, comme dans toute vision féodale. C'est la prépondérance de ces intérêts étroits qui expliquent la permanence de leurs positions malgré les déboires de la «normalisation» des relations avec Israël, comme c'est le cas en Égypte et en Jordanie, et déjà au Maroc, en attendant de voir le bilan que présenteront au monde arabe les Émirats arabes Unis et autres pays du Golfe.
De Jugurtha à El Kadhafi
On ne peut dominer une nation, ou tout groupe humain, sans avoir des relais en son sein. C'est une règle constatée depuis la nuit des temps. C'était la règle d'or de l'Empire romain, qui explique sa durée, et avant lui, celle de l'Égypte des pharaons, pendant cinq mille ans. Les pharaons élevaient en leur cour les princes des pays ou tribus dominés puis les renvoyaient chez eux, sûrs de leur influence idéologique et civilisationnelles sur eux, et donc de leur fidélité. Rome décernait le titre d' «ami de Rome» aux princes qui l'avaient servie et notamment aidée à dominer leur propre peuple. Ils n'estimaient d'ailleurs que leur victoire n'avait été complète que lorsqu'ils avaient amené, dans une guerre, l'adversaire à livrer ses propres chefs.
Ainsi, ils n'étaient tranquilles, sûrs d'eux qu'après avoir ainsi fait perdre son âme à une nation, et donc toute velléité de résistance. Jugurtha, le Numide fut ainsi livré par le Numide, Bocchus, son beau-père. Celui-ci reçut, en récompense, la partie occidentale de la Numidie et devint «ami de Rome». Et hier à peine, Milosevitch, Saddam, El Kadhafi ont été les victimes de l'empire américain, avec les mêmes méthodes de domination, dans une réincarnation de l'Empire romain..
C'est peut être l'un des aspects qui rend la domination d'Israël si cruelle, si impitoyable, mêlant les tueries à l'humiliation, ainsi qu'aux tentatives de subjuguer, de circonvenir certaines élites et certains dirigeants arabes.
L'œuf et la poule
Il en résulte un débat qui ressemble à celui de l'œuf et de la poule, concernant l'émergence des pays arabes. Faut-il avant tout la démocratie, comme ce fut la revendication des « printemps arabes», afin que les dirigeants soient l'émanation réelle de leurs peuples et de leurs aspirations, et qu'ils aient ainsi la force de résister aux ingérences étrangères, ou bien faut-il être d'abord nationaliste, libérer la nation de la domination étrangère, celle-ci étant la principale source des entraves à la démocratie nationale, à travers les différents canaux de l'ingérence, de la plus soft ( culturelle, économique..), à la plus brutale, celle de l'intervention armée. On retrouve, actuellement le même débat en Afrique.
Ces deux thèses sont toujours en présence, en discussions, en confrontations. La question reste, en fait, ouverte en permanence. Elle n'est pas théorique. Elle est pratique. Elle dépendra probablement des opportunités historiques. Ici une révolution nationaliste, par en haut, comme actuellement en Afrique, avec comme objectif la libération de la tutelle étrangère et des rapports néocoloniaux, ici une révolution démocratique, par en bas, comme les tentatives des «printemps arabes», les deux pouvant , à un moment , se rejoindre.
Mais ce qui se passe aujourd'hui, dans la remise en cause du vieil ordre international, avec les BRICS sur le plan économique, la Chine et la Russie sur les plans politique, diplomatique et militaire, semble donner bien plus d'opportunités historiques, sous des angles divers, à cette question, en chantier depuis le siècle précédent, de l'émergence d'une souveraineté et d'une égalité réelles des nations.
Au final, cette question de «la trahison» dans les rangs arabes se révèle comme bien plus complexe qu'elle n'apparait au début. Le sentiment de trahison est la vision subjective d'une question, en fait, objective, celle de la libération du monde arabe de la domination étrangère, une domination d'ailleurs de plus en plus sophistiquée, de plus en plus voilée, car de plus en plus en recul. Elle débouche sur deux visions, sur deux voies, l'une «occidentaliste» à travers les accords chancelants d'Abraham, et le maintien de l'influence et de la domination des États Unis et d'Israël dans la région, l'autre de libération de la Palestine Et si la question palestinienne est si vitale, comme la ressentent les peuples arabes, c'est qu'elle concentre toutes les contradictions du monde arabe comme elle réclame leur solution.
Elle appelle sans cesse à l'unité du monde arabe tout en en montrant les failles et les contradictions. La Palestine est le moteur historique du monde arabe. De fait, au-dessus des États et des gouvernements arabes, c'est elle qui «fait bouger» le monde arabe, qui l'interroge, qui le remet en question, qui ravive sans cesse son énergie nationale.
La solution «occidentaliste» de la question palestinienne, comme elle a été conduite par les États Unis jusqu'à présent et depuis des décennies, s'est avérée être une impasse historique. L'argument «de la normalisation» des relations avec Israël, le contrat passé des «accords d'Abraham», ont pris toute leur signification réelle, dans le martyr du peuple palestinien, dans la tentative actuelle «d'une solution finale», celle du nettoyage ethnique, celle de régler la question palestinienne en la supprimant.
L'héroïsme obstiné, le combat inlassable de la Palestine pour son existence forcent l'admiration du monde entier. Le monde entier reconnait la Palestine. Il reste aux dirigeants occidentaux à la reconnaitre à leur tour, sans autre échappatoire. Cela fait 75 ans qu'aucune répression n'a pu entamer la résistance du peuple palestinien. Et elle ne pourra jamais y parvenir. Ne serait-il pas temps, pour eux, de le comprendre?
Notes
Rédigé le 13/01/2024 à 05:03 dans Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
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