Certaines personnes souhaitent écrire leur vie afin de laisser une trace. C'est ce qu'a fait Raymond Bouilloux, un Arinthodien ayant participé aux essais nucléaires en Algérie.
Raymond Bouilloux présente son livre Les mémoires de vie de Raymond Bouilloux, Vétéran des Essais Nucléaires français. ©Nathalie Coron
Raymond Bouilloux, comment vous est venue cette idée d’écrire vos mémoires ?
Depuis longtemps, j’avais envie d’écrire, laisser une trace à mes enfants, mes petits-enfants, ma famille, mes amis. Mais je ne savais pas comment m’y prendre.
C’est une amie, avec son compagnon, qui m’ont poussé à le faire. Lors de différentes occasions auxquelles nous nous retrouvions, je leur racontais mes histoires de vie et ils en redemandaient à chaque fois.
Ils m’encourageaient à écrire jusqu’au jour où mon amie est venue à la maison avec un cahier et un crayon qu’elle m’a remis, en me disant : « À présent, tu as tout ce qu’il faut pour débuter ton histoire ».
De là, j’ai commencé la belle aventure. J’ai écrit ce qui me venait à l’esprit, sur différents chapitres de ma vie…
Une fois un certain nombre de pages écrites, je ne savais pas quoi en faire. Une autre amie, avec qui j’en discutais un jour, m’a parlé d’une biographe locale qui pouvait me venir en aide pour mettre en forme un manuscrit prêt à être édité.
Je l’ai contactée. Une amitié forte est née de cette rencontre, qui a encore enrichi mon histoire.
Comment vous y êtes-vous pris alors ?
Eh bien, je lui ai confié mes pages d’écriture qu’elle a ainsi mises en forme, entre et écriture réécriture.
Le premier travail a été de les remettre dans un ordre chronologique. D’autres pages se sont rajoutées.
Elle me demandait d’écrire ce que je ressentais, selon un thème choisi, pour la prochaine séance.
Elle a été tout le long à mon écoute et fait en sorte de ne pas transformer mes idées, mais plutôt de leur donner vie à travers une écriture toujours respectueuse.
Cela a été un travail de longue haleine, mais la récompense de voir le livre achevé en valait la peine !
Raymond Bouilloux
Que raconte votre livre ?
Je voulais transmettre mon histoire à ma famille. Alors bien entendu, j’ai commencé par les origines de mes parents, jurassienne pour maman (Arinthod) et bressane pour papa (Cuiseaux), ma naissance et ma petite adolescence dans la région lyonnaise, alors que j’étais un « gone » sur les bancs de l’école, jusqu’à notre retour en Petite Montagne lorsque j’avais dix ans, jusqu’à mes états de service dans l’armée qui m’ont conduit pendant la guerre d’Algérie.
C’est une partie de ma vie que je ne peux pas oublier et que je me devais de transmettre. De retour en France, j’ai rencontré l’amour de ma vie, Janine, une femme merveilleuse dotée d’une très grande sensibilité, comme moi, avec qui je fonderai ma si belle famille.
Ayant trouvé un travail sur la région lyonnaise au sein du Centre d’Études et de Recherches Renault, nous nous installerons là-bas.
Notre vie fut ponctuée de moments merveilleux que viendront troubler parfois certains événements moins heureux, comme peuvent l’être ceux d’une vie, que nous surmonterons toujours ensemble.
Bien entendu, je devais aussi parler de mes passions que sont la chasse à la bécasse, les différents chiens qui m’ont accompagné, la pêche et le vélo. Tout autant de sujets sur lesquels j’ai pris beaucoup de plaisir à m’attarder.
Au cours de ces récits, j’ai aussi fait référence à l’incroyable évolution de la nature et des constatations prises sur le fait comme celles d’un petit gibier beaucoup moins nombreux de nos jours qu’à l’époque, tout comme les poissons, notamment les truites.
Une chose est sûre et je le dis dans mon livre : « De toutes ces années d’expérience, je peux affirmer : il ne faudrait pas toucher la nature, nulle part dans le monde ».
Préserver le devoir de mémoire est devenu un véritable sacerdoce ?
Oui, transmettre aux plus jeunes et aussi continuer à honorer ceux qui sont morts pour la France. C’est pour cela que je me suis engagé auprès de la FNACA (Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie).
Je suis porte-drapeau lors de nombreuses cérémonies dans le département et je le fais avec fierté et beaucoup d’honneur.
Le maire d'Arinthod, Jean-Charles Grosdidier, accroche la médaille de la Défense nationale des essais nucléaires sur le blouson du vétéran Raymond Bouilloux. (archives) ©Nathalie Coron
Pour information, nous avons créé à notre retour de Reggane (Guerre d’Algérie), l’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven), dont le président, Jean-Luc Sans, a dit à l’époque : « Nos souvenirs ne sont pas peuplés de djebels (montagnes), nous ne sommes que des oubliés avec le Sahara en carte postale, les îles lointaines en photos souvenirs, n’ayant que modestement au fond des yeux… l’image de l’Apocalypse. Pourtant, nous avons nos morts ! Non pas foudroyés aux champs d’honneur, mais lentement emprisonnés aux champs d’horreur de la déchéance et de l’oubli. Nous avons aussi nos blessés ! Mais leurs plaies sont invisibles et ne cicatrisent jamais ! Nous avons nos veuves, nos orphelins ! Mais leurs maris, leurs pères, ne sont pas morts à la guerre. Ils sont vulgairement partis d’un cancer infligé par un engin de Paix. Nous avons tous suivi les ordres de la Nation pour que vivent la liberté et la paix ! ».
Nous avions à l’époque reçu, mes camarades et moi, la Croix d’honneur du vétéran et l’insigne du Centre saharien d’expérimentation militaire (CSEM).
La croix représentant une explosion atomique sur une croix du désert avait été dessinée par Wolinski lui-même qui faisait partie de la mission comme moi « La gerboise bleue » , qui n’était autre que le nom de l’explosion atomique qui eut lieu le 13 février 1960, à 7 h 04.
Nous étions à 28 km du point 0, mais nous avons vu l’éclair thermique malgré le fait que nous nous cachions les yeux.
Dans un rayon de 300 mètres, la température serait montée à plusieurs millions de degrés. Tout a été déformé sur place, le fer ayant fondu, prenant des formes qu’aucun artiste n’aurait pu sculpter…
Raymond Bouilloux
Quelques longues années plus tard, nous avons reçu, avec tous mes camarades encore vivants, la médaille de la Défense nationale avec agrafe Essais nucléaires accordée par le Grand Chancelier de la Légion d’honneur. Soixante ans après. Il était temps ! Beaucoup nous ont quittés.
C’est tout cela que je voulais transmettre. C’est un livre d’amour de la vie avant tout, de ces petites choses de tous les jours qui font que la vie est belle, qu’elle vaut le coup d’être vécue… Et transmise…
SOURCE : Arinthod. Raymond Bouilloux, vétéran des essais nucléaires, a écrit ses mémoires | Voix du Jura (actu.fr)
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