Un document confidentiel, mis au point par un think tank de Riyad, esquisse un plan de sortie de crise à Gaza. En plus de l’exfiltation des cadres du mouvement islamiste vers l’Algérie, il suggère de déployer une force de maintien de la paix arabe dans l’enclave palestinienne.
Des ambulances et des camions sont garés du côté égyptien du poste-frontière de Rafah au sud de la bande de Gaza, dans la province du Sinaï, le 27 novembre 2023. KHALED DESOUKI / AFP
Sur le dossier brûlant de la guerre à Gaza, l’Arabie saoudite joue une partition singulière. Elle préside le comité arabo-islamique, mis en place à l’issue d’un sommet à Riyad, à la mi-novembre, qui fait la tournée des capitales occidentales pour plaider la cause du cessez-le-feu à Gaza. Dans le même temps, elle multiplie les envois d’aide humanitaire vers la bande côtière palestinienne. En deux mois et demi de guerre, trente-trois avions-cargos saoudiens, chargés à ras bord de matériel de première urgence, se sont déjà posés sur l’aéroport d’El-Arich, dans le Sinaï égyptien et quatre bateaux ont accosté à Port-Saïd, sur le canal de Suez.
En coulisses, l’Arabie saoudite s’efforce aussi de trouver une solution au conflit, dont le bilan humain, côté palestinien, approche des 20 000 morts. Le Monde s’est procuré un document confidentiel, élaboré par Abdelaziz Al-Sager, le directeur d’un centre de réflexion saoudien, le Gulf Research Center, qui esquisse un plan de sortie de crise. Le texte a été élaboré dans la foulée d’une rencontre, le 19 novembre à Riyad, entre M. Al-Sager et Anne Grillo, la directrice du département Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay. Il a été ensuite transmis au ministère des affaires étrangères français.
Le document suggère des pistes pour arrêter les hostilités à Gaza et stabiliser l’enclave. La plus singulière est l’évacuation vers Alger « des dirigeants militaires et sécuritaires du Hamas », une formule qui désigne probablement Mohammed Deif, le commandant des Brigades Ezzedine Al-Qassam, la branche armée du mouvement islamiste, et possiblement aussi Yahya Sinouar, le chef du Hamas à Gaza, très proche de l’aile militaire.
Déploiement d’une force arabe
L’Algérie est citée comme une possible destination d’exil pour ces hommes en raison de ses bonnes relations avec le Qatar et l’Iran, « les principaux partisans du mouvement Hamas », et de sa « capacité sécuritaire », qui lui permettrait de « contrôler les activités de ces dirigeants ». L’idée n’est pas sans rappeler l’évacuation en bateau, en 1982, de Yasser Arafat et des fedayins palestiniens, de la ville de Beyrouth, alors assiégée par l’armée israélienne. Le chef de l’Organisation de libération de la Palestine et ses troupes avaient rallié Athènes, sous escorte de la marine française, avant de s’installer à Tunis.
Parmi les autres points évoqués dans l’ébauche de plan de M. Al-Sager figure le déploiement dans Gaza de forces arabes de maintien de la paix, sous mandat des Nations unies, et la création d’un « conseil de transition conjoint », réunissant les principaux partis de Gaza (Hamas, Jihad islamique et Fatah), chargé de gérer l’enclave pendant quatre ans et d’organiser des scrutins présidentiel et parlementaire.
Le statut exact de ce document pose question. A-t-il été approuvé par le pouvoir saoudien ou bien s’agit-il d’une initiative purement personnelle ? Quelle suite lui a-t-il été donné ? Ni Mme Grillo ni M. Al-Sager n’ont répondu aux questions du Monde. Le système policier et ultracentralisé mis en place par Mohammed Ben Salman, l’homme fort de la couronne, et le fait que M. Al-Sager ait transmis ses suggestions au Quai d’Orsay incitent à penser que le ministère des affaires étrangères saoudien n’est pas totalement étranger à sa démarche.
AURIMAGES-LORENZO DE SIMONE /AURIMAGE- YOHAV LEMMER /AFP-ALAIN KELER /MYOP-ANADOLU VIA AFP-CHINE NOUVELLE /SIPA)
Le terrible conflit israélo-palestinien, qui s’est de nouveau embrasé cet automne, s’enracine très profondément dans une histoire violente, complexe et fascinante de près de trois mille ans. Du roi David aux accords d’Abraham et des croisades à la création de l’Etat d’Israël, la voici racontée en 33 dates clés, à retrouver à la une de « l’Obs » ce jeudi et jusqu’à la fin de l’année sur notre site.
On me pardonnera une remarque qui paraîtra décalée par rapport à la gravité des événements. Quand a été connu l’atroce massacre de masse commis le 7 octobre par le Hamas, une de mes premières pensées a été la suivante : « Heureusement que Jean Daniel n’a pas vu ça… » Nos plus anciens lecteurs connaissent l’importance de la question israélo-palestinienne dans notre magazine. Personne n’a oublié l’énergie que son fondateur mettait à faire advenir une paix juste et respectueuse de chacun. Il l’a raconté souvent, il en portait l’espoir dans sa chair même.
Edito | Israël-Palestine, un conflit au miroir de l’histoireNé d’une famille juive, il fut bouleversé, comme tant de juifs de par le monde, par le « miracle » de la création d’Israël, ce petit pays qui paraissait capable de mettre fin à la malédiction multimillénaire de l’errance et de la persécution.
Fils de l’Algérie, homme de gauche, anticolonialiste passionné, il savait aussi que rien ne serait possible sans faire une place au peuple arabe. Les plus anciens de la rédaction – dont je suis – se souviennent de son émotion lors des accords d’Oslo en 1993, et de la célèbre poignée de main entre le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et son vieil ennemi palestinien Yasser Arafat. Le rêve d’une vie était réalisé !
Un demi-siècle d’éclats de lumière et de longs tunnels de désespoir
Dans quel abîme de désespoir l’aurait plongé, trente ans plus tard, l’explosion de ce rêve dans un nouveau bain de sang et de haine ? Nous venons de feuilleter les innombrables couvertures que notre journal, depuis sa création en 1964, a consacrées au Proche-Orient. 1965 : « Quelle solution pour Israël ? » 1967 : « La guerre ! » Un an plus tard, l’espoir déjà : « Juifs et Arabes, vers la paix ? » Et ainsi de suite, jusqu’à nos jours. La guerre, la paix, la paix, la guerre.
Plus d’un demi-siècle d’éclats de lumière suivis de longs tunnels de désespoir. Chaque fois, une même ligne : rejet absolu des extrémistes racistes et meurtriers, d’où qu’ils viennent ; appui à ceux qui cherchent à concilier deux légitimités et à apaiser deux souffrances. Jean Daniel est mort en 2020. Son cap est toujours le nôtre. « L’Obs » n’a aucune complaisance envers les atrocités commises par le Hamas sur des civils innocents. Il sait aussi que le cycle infernal de violences que cette action a relancé – les bombardements sans discrimination tuant d’autres innocents – ne sera clos que lorsqu’on aura permis à deux peuples de coexister dans la sécurité et la dignité.
Pour le redire ici, il faut une fois encore en passer par l’histoire. Elle seule peut permettre de démêler l’écheveau complexe où nous sommes aujourd’hui. Elle ressemble, comme si souvent, à un interminable champ de bataille, mais a l’avantage de rappeler des faits et aide à nous extraire des messianismes exaltés qui, de part et d’autre, brouillent le jugement. La grande règle est d’accepter de lire l’histoire sans bandeau sur un œil, et de saisir qu’elle est d’autant plus riche et passionnante qu’elle est double.
Songez aux premières analogies venues du côté israélien pour décrire l’horreur du 7 octobre : un « pogrom », une barbarie « nazie ». D’éminents spécialistes de ces périodes ont depuis mis en garde contre des équivalences forcément trompeuses : les actes du Hamas relèvent du crime de masse, mais on ne peut les comparer avec d’autres abominations relevant d’un contexte différent. Quelle importance ?
Palestine : ces terres ont-elles été accaparées ?
L’imaginaire évoqué est présent dans les têtes des défenseurs d’Israël depuis sa naissance même. Le but de l’Etat rêvé par les pères du sionisme n’était-il pas de mettre fin à des siècles de persécutions, qui ont commencé avec l’antijudaïsme médiéval, redoublé à la fin du XIXᵉ siècle dans l’Empire tsariste, et culminé avec la machine de mort nazie ?
La découverte d’Auschwitz a été un choc et le motif principal qui a poussé l’Organisation des Nations unies, en 1947, à accorder aux juifs le droit de constituer un Etat. Israël devait être à jamais le havre où ils seraient à l’abri du retour de l’horreur. C’est l’argument de l’« Etat refuge ». Il est juste et reste, à raison, porté par la communauté internationale.
Chacun doit aussi avoir à l’esprit que les Arabes ont perçu ce même argument comme une injustice. En quoi était-ce à eux de payer les conséquences d’un crime commis en Europe dont ils n’ont été en rien responsables ?
De ce côté de la Méditerranée, la création d’Israël appartenait à une autre histoire : elle semblait l’ultime épisode d’un autre traumatisme, dont eux-mêmes ont souffert et commençaient alors à sortir, celui de la colonisation. Un Occidental voit les premiers sionistes débarquant en Palestine comme des victimes de l’antisémitisme à qui il faut donner un foyer. Un Arabe, comme les cousins des Européens d’Algérie venus les déposséder de leurs terres.
Ces terres ont-elles été accaparées ? Autre vaste question. Dès sa conception, le nom même de « sionisme » porte l’idée non pas d’« installation » à Sion – c’est-à-dire Jérusalem – mais de « retour ». C’est essentiel. Les juifs ne peuvent considérer comme une colonisation leur arrivée en Palestine, puisqu’ils la pensent comme le retour à la patrie lointaine dont ils ont été chassés, après une ultime révolte perdue contre les occupants romains, autour du Iᵉʳ siècle de notre ère.
Accords d’Oslo : chacune des deux parties reconnaît enfin le droit de l’autre à exister
Mais comment oublier que d’autres populations ont vécu aussi sur cette terre, avant ou à l’époque de la Judée – dont les Philistins, d’où vient le nom de Palestiniens, sont les plus connus –, et d’autres encore pendant des siècles après ? Faut-il les rayer de la carte ? Ce serait d’autant plus immoral et fou que la plupart de ces populations, devenues au cours des siècles chrétiennes et musulmanes, appartiennent à des religions issues spirituellement du judaïsme, qui s’enracinent dans la même histoire et placent au centre de leur vénération cette même Jérusalem qui n’appartient pas à une religion, mais à trois
Jérusalem, la Ville sainte avec le mur des Lamentations et le dôme du Rocher. (CORINNA KERN / LAIF / REA)
On voit beaucoup, depuis le 7 octobre, refleurir sur les réseaux sociaux un argument qui se veut sans appel : alors que les Juifs de l’Antiquité possédaient un Etat, la Palestine, après la destruction de celui-ci, n’en a jamais été un. C’est factuellement exact.
En dix-huit siècles, la région est restée une province régentée par des empires successifs (romain, byzantin, arabe, ottoman, puis britannique). Et alors ? En quoi n’avoir pas eu d’Etat annulerait-il le droit pour un peuple d’en former un ? Ceux qui professent une telle ineptie ont-ils ouvert un livre d’histoire ? Ni l’Italie ni l’Allemagne n’ont jamais été des Etats avant que leurs populations, au XIXᵉ siècle, se forment une conscience nationale qui a abouti, après des décennies de combat, à la formation des deux pays que nous connaissons. La conscience nationale palestinienne existe. Elle trouvera tôt ou tard son expression politique.
Après des décennies de déni réciproque, on a cru, avec les accords d’Oslo, cette lancinante question enfin réglée. Chacune des deux parties reconnaît enfin le droit de l’autre à exister.
Qui sera capable de relancer la machine d’espoir ?
Cette mécanique s’est vite brisée. Les responsables du désastre sont connus. Les fous de Dieu du Hamas, qui n’ont jamais cessé leurs actions violentes, en portent une part énorme. Doivent-ils nous faire oublier d’autres fous de Dieu, dont certains sont ministres du gouvernement israélien, qui, en poussant à la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem au nom d’un messianisme délirant, ont réussi à tuer dans l’œuf toute possibilité de créer un Etat palestinien véritable ? Qui sera capable de relancer la machine d’espoir ? Le panorama n’incite pas à l’optimisme.
Après le cauchemar du 7 octobre, suivi des bombardements sur Gaza, trop de souffrance, trop de haine se sont accumulées ici et là pour espérer que de nouveaux Rabin et Arafat, si tant est qu’il en existe encore, réussissent à se faire entendre de populations traumatisées. Dès lors, il faut espérer qu’une pression extérieure brise cette spirale du pire. D’où peut-elle venir ? On pense aux Etats-Unis, éternel gendarme de la région. Certes, la première puissance mondiale, soutien trop inconditionnel de l’Etat hébreu, est souvent apparue comme partiale. On ne peut oublier qu’elle fut aussi faiseuse de paix, en parrainant celle avec l’Egypte (1979), puis avec la Jordanie (1994) comme avec les Palestiniens lors des fameux accords d’Oslo.
Cet article fait partie d’un dossier sur l’histoire d’Israël et de la Palestine en 32 dates, depuis -1000 et le réel ou mystique royaume de David et Salomon jusqu’aux 7 octobre 2023 et les attaques terroristes du Hamas, en passant par la révolte des Juifs contre les Romains en 70, la prise de Jérusalem par les Anglais en 1917, l’intifada de 1936, la création de l’Etat d’Israël en 1948 suivie de l’exil de 700 000 Palestiniens, l’assassinat d’Abdallah Ier de Jordanie en 1951 et celui d’Yitzak Rabin en 1995…
Les mêmes ont hélas été incapables de les rendre viables. Obama a tenu en 2009, au Caire, un discours qui a suscité d’immenses espoirs. Il n’a été suivi d’aucun effet. Ensuite est venu Trump, affligeant d’inculture historique, et entraîné par une force redoutable : les Eglises évangéliques, d’autres fous de Dieu poussant à un soutien fanatique d’Israël au nom d’un messianisme dont on découvrira plus loin les détails effrayants.
Parallèlement, le même Trump a tenté une politique de deal, de normalisations bilatérales entre Tel-Aviv et divers Etats arabes qui eurent bien soin de mettre sous le tapis la « question palestinienne ». Celle-ci vient de se rappeler au monde de la façon la plus épouvantable. En lançant enfin quelques vagues condamnations à l’encontre de « colons extrémistes », Joe Biden semble se souvenir que les Palestiniens existent. Comment leur donnera-t-il une occasion d’espérer ? Pour l’instant, on l’ignore.
Faut-il donc compter sur l’Europe, et particulièrement sur la France ? Notre pays aussi semble terriblement fracturé. On a beaucoup critiqué la dérive sectaire de Jean-Luc Mélenchon et d’une partie de l’extrême gauche, empêtrés dans des considérations sémantiques pour refuser de qualifier de terroristes des actes de terreur. On a eu raison
On s’étonne qu’il n’y ait pas eu autant de critiques pour dénoncer la dérive d’une partie de la droite – la majorité des Républicains – et de l’extrême droite, qui s’est engouffrée tête baissée dans un soutien à la droite nationaliste israélienne et essaie d’importer le récit qu’elle met en place : il ne s’agit plus de défendre le droit de deux peuples à vivre côte à côte, mais de tout miser sur un seul, Israël, désormais présenté comme un avant-poste de la civilisation occidentale, luttant contre des barbares assimilés aux islamistes de Daech.
Ce raisonnement est inacceptable moralement. Que le Hamas ait une parenté idéologique avec les fanatiques de l’ex-prétendu « califat » est clair. Oser instrumentaliser ce fait pour dénier à tous les Palestiniens le droit à vivre en paix sur leur terre est honteux.
Par ailleurs, l’idée même de faire de l’Etat hébreu une sorte de citadelle occidentale hors d’Occident est une folie qui finira par une tragédie. Faut-il rappeler les cas historiques auxquels elle renvoie ? L’Afrique du Sud de l’apartheid, la Rhodésie, les Etats francs des croisades. Tous ont été balayés par l’histoire.
On le répète. Tous ces extrémistes, qu’ils soient d’extrême gauche ou de la droite dérivant vers l’extrême droite, sont des incendiaires qui conduisent au pire et affaiblissent la seule solution raisonnable, celle qu’implique la longue histoire que nous vous racontons ici, celle qui, à ce jour, reste portée par la France : deux peuples, une terre, et le droit pour chacun d’y vivre en sécurité et en paix.
Durant cette période où le peuple palestinien assène aux colonialistes sionistes la leçon qu’ils méritent, la seule qu’ils comprennent, j’examine de nouveau cette déclaration d’Albert Camus : «Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice.» (1) Cette manière sophiste et byzantine de parler signifie en réalité ceci : croire à la justice rendue aux opprimés, dans ce cas les Algériens colonisés, vient après la défense d’une mère qui fait partie de la population des oppresseurs. Qui objecterait que cette mère est de condition modeste n’enlève rien à sa position sociale : faire partie de la population coloniale et bénéficier des miettes concédées par l’exploitation coloniale.
Un colon sioniste israélien, qui se prétendrait «démocrate», «libéral», «progressiste», «humaniste», etc., ne raisonne-t-il pas de la même manière ? Avant de croire à la justice qui défend les mères palestiniennes, ce colon défend d’abord sa propre mère, donc, au détriment des mères palestiniennes.
Cette position explique la situation actuelle en Palestine occupée : pour la majorité de la population israélienne et pour la majorité de ceux qui la soutiennent dans la sphère capitaliste occidentale, quelques «mères» tuées par la résistance palestinienne – ce qu’une enquête internationale objective devrait prouver – justifie le génocide de milliers de mères palestiniennes.
Quant à ceux qui accordent à la citation susmentionnée de Camus une interprétation qui lui donne une image «démocrate», «libérale» et «humaniste», voici ce qu’il a écrit lui-même, et cela pendant que l’armée coloniale française massacrait la population civile algérienne et les patriotes combattants pour libérer l’Algérie du colonialisme, patriotes qui comprenaient une minorité de juifs et de citoyens d’origine européenne, notamment française, qui considéraient, eux, que la défense de la justice contre le colonialisme primait sur leurs «mères» : «En ce qui concerne l’Algérie, l’indépendance nationale est une formule purement passionnelle. Il n’y a jamais eu encore de nation algérienne. Les juifs, les Turcs, les Grecs, les Italiens, les Berbères auraient autant de droit à réclamer la direction de cette nation virtuelle. Actuellement, les Arabes ne forment pas à eux seuls toute l’Algérie. L’importance et l’ancienneté du peuplement français en particulier suffisent à créer un problème qui ne peut se comparer à rien dans l’histoire. Les Français d’Algérie sont eux aussi et au sens fort du terme des indigènes. Il faut ajouter qu’une Algérie purement arabe ne pourrait accéder à l’indépendance économique sans laquelle l’indépendance politique n’est qu’un leurre.» (2)
Remplacez «juifs, Turcs, Grecs, Italiens, Français d’Algérie» – Camus aurait pu ajouter les Romains et les Vandales – par «juifs israéliens», puis «Arabes» par «Palestiniens», et vous aurez l’argumentation sioniste colonialiste en ce qui concerne la Palestine.
Notons la spécification : «Les Français d’Algérie sont eux aussi et au sens fort du terme des indigènes.» Tiens, tiens ! De toute mon existence pendant l’époque coloniale, seuls nous, les Algériens – Arabes et Berbères confondus – étions catalogués comme «indigènes», même nos écoles, administrativement citoyens de seconde zone. Décidément, Camus s’aide de sophisme et de byzantinisme pour légitimer son illégitime position.
Par chance, le dieu de l’Ancien Testament ne promit pas l’Algérie comme Terre Promise aux Français. Cependant, comme les juifs testamentaires au pays des Cananéens, les Français envahirent l’Algérie par le fer et le sang dans le but du génocide de la population autochtone, à la manière des Amérindiens, pour installer leur auto-déclarée «civilisation», c’est-à-dire un système où l’oligarchie coloniale s’enrichit avec le concours du reste des colonisateurs, au détriment des «indigènes» : les «Arabes» et les «Berbères».
Notons également, dans le texte de Camus, la subtile opposition entre «Berbères» et «Arabes» : diviser pour régner. Malheureusement pour lui, «Arabes» et «Berbères», malgré des problèmes entre eux, combattaient comme Algériens l’ennemi commun colonialiste.
A propos de «mère », un Algérien d’origine espagnole préféra la justice à son père adoptif : le premier se nommait Jean Sénac-Yahia Lahouari et le second… Albert Camus. D’où la rupture entre les deux, à l’honneur de l’enfant adoptif, auteur du magnifique et significatif recueil Matinale de mon peuple. Sénac ne souffrait pas du complexe de supériorité du «petit Blanc pied-noir», comme les juifs installés en Palestine après la Nakba de 1948 se croient, eux aussi, «civilisés» par rapport aux Palestiniens qu’ils ont colonisés et que l’un des dirigeants sionistes considéra comme des «animaux».
Mais, objecteraient les défenseurs de l’écrivain Camus, et sa littérature qui eut l’honneur du prix Nobel ? Edward Saïd note dans les romans de Camus vis-à-vis des Algériens : «Une absence remarquable de remords ou de compassion. […] Ses romans et nouvelles racontent les effets d’une victoire remportée sur une population musulmane, pacifiée et décimée, dont les droits à la terre ont été durement restreints. Camus confirme donc et raffermit la priorité française, il ne condamne pas la guerre pour la souveraineté livrée aux musulmans algériens depuis plus d’un siècle, il ne s’en désolidarise pas. […] On fait de sa fidélité à l’Algérie française une parabole de la condition humaine. Tel est encore le fondement de sa renommée sociale et littéraire.» (3)
Et tel est le fondement de la renommée sociale et littéraire de ceux qui présentent le colonialiste invétéré Albert Camus comme «humaniste», «libéral», «démocrate», «progressiste». Les chiens de garde de tout système exploiteur se présentent toujours avec le plus plaisant maquillage : liberté, démocratie, droits de l’Homme et de la femme, culture, civilisation, mais toujours à l’avantage de l’exploiteur. Et si l’exploité conteste, bombes ! Bombes ! Bombes ! Au napalm, au phosphore sur les «animaux à deux pattes». Les Européens commencèrent à l’époque des «découvertes» du «Nouveau Monde», et leurs descendants continuent de manière identique : les meilleurs mots à la bouche et l’utilisation des armes les plus meurtrières contre les envahis luttant pour leur dignité.
Concluons. Par principe, toute «mère» est égale à une autre, mais une «mère» qui fait partie d’une population colonialiste ne devrait-elle pas renoncer à sa position exploiteuse au nom de cet autre principe : respecter l’indépendance des «mères» du pays conquis par les armes ? Comment ? En quittant ce pays ou, si la «mère» le considère sien, s’allier aux colonisés et combattre contre les colonisateurs.
Une défaite politique en temps de guerre ne se joue pas seulement sur le terrain militaire. Dans les guerres anticoloniales, la défaite du colonisateur est le produit de plusieurs facteurs. D’abord, son incapacité à vaincre en décimant la totalité des combattants, sa difficulté à supporter des pertes humaines et matérielles qui produisent des effets politiques dans sa propre société, son isolement diplomatique dans le monde. C’est exactement l’expérience de l’Algérie qui a mené la France à négocier avec les «terroristes». Je fais référence à la guerre d’Algérie parce qu’Israël est en train de vivre une expérience coloniale, quand bien même il s’en défend. Je me contenterai d’analyser la défaite qui menace Israël en m’appuyant sur l’histoire même de son armée, sans oublier l’histoire militaire et l’art de la guerre qui donnent de repères pour qualifier une défaite politique.
La configuration territoriale d’Israël, absence de profondeur stratégique doublée d’un encerclement de pays hostiles, est un facteur qui lui a imposé de choisir l’attaque comme stratégie. Encore faut-il avoir les moyens de cette stratégie et disposer du temps nécessaire pour atteindre des objectifs. Si les moyens militaires d’une stratégie d’attaque, en l’occurrence l’aviation et les blindés, étaient et sont à la portée d’Israël, le temps, denrée qui ne s’achète pas dans un supermarché, semble manquer aux généraux de son armée. Car seuls les hommes et femmes peuvent alimenter la durée d’une guerre. Et les hommes et les femmes ne se remplacent pas facilement dans une guerre, aussi bien dans les armées que dans l’économie du pays. Une économie dépend des bras et cerveaux qui la font marcher. Et Israël a mobilisé quelque 360 000 réservistes, en plus de son armée professionnelle composée de 180 000 soldats, autant de main-d’œuvre qui a déserté le marché du travail.
L’utilisation de l’aviation de guerre qui massacre par milliers des civils n’a pas fait avancer les buts de guerre annoncés par Netanyahou, à savoir la liquidation de la résistance et la libération des captifs. Et, quand, le 27 octobre, les troupes ennemies se sont affrontées sur les champs de bataille terrestre, le ton des chefs de l’armée israélienne était moins spartiate et leur rengaine de victoire était entachée d’un manque de crédibilité. Car des champs de bataille parvenaient des chiffres des pertes en homme et en matériels de plus en plus lourdes – nous verrons plus loin comment dans les guerres asymétriques, notamment dans une guerre urbaine, les tactiques de défense favorisent ceux qui connaissent leur territoire.
Outre ces pertes, Israël fait face à d’autres paramètres qui compliquent l’équation de son agression dont la facture politique et militaire va l’inciter à baisser le niveau de ses prétentions militaires et politiques. Il y a les bruits qui s’échappent des bureaux du gouvernement, portant sur les divergences sur la conduite de la guerre. Ces divergences opposent de vieux rivaux, l’ancien ministre de la Défense, Gantz, et Netanyahou. La façade d’unité affichée publiquement ne trompe personne. Elles suscitent plutôt des appels à la démission, notamment de la part de certaines familles des captifs de la résistance. Et l’ami américain n’est pas absent dans ce rejet de Netanyahou et le pousse à changer de gouvernement et renvoyer les ministres d’extrême-droite. Bref, les Américains se permettent tout car Israël leur doit tout, dollars et munitions pour continuer sa guerre. Car Biden se moque royalement du destin de Netanyahou qui est, à ses yeux, une mauvaise carte pour Israël, mais surtout un danger pour sa réélection et les intérêts américains au Moyen-Orient.
Toute cette litanie de contraintes et d’obstacles, pertes militaires, pressions des familles et de l’Oncle Sam, ont d’ores et déjà produit leurs effets. Ainsi, on apprend dans la presse que le Qatar et l’Egypte sont sollicités pour que les négociations sur les captifs reprennent. On a remarqué aussi, et ce n’est pas un hasard, que la réponse de la résistance a été rapide. Il n’y aura pas de libération des captifs sans un cessez-le-feu permanent et la fin du blocus de Gaza. Entre la demande d’Israël de reprise des négociations et le non catégorique de la résistance, on devine que les buts de guerre claironnés jusqu’à saturation dans les canaux de la propagande sont loin de sourire à Netanyahou. Les réalités du terrain, les pressions diplomatiques des Etats (vote de l’ONU), les manifestations dans le monde et surtout l’interdiction par les Américains d’élargir le conflit au Liban, ont réduit la marge de manœuvre et les capacités de réaction d’Israël. On le voit dans la faiblesse de sa riposte contre le Yémen et l’éparpillement de son armée sur trois fronts, Gaza, le reste de la Palestine et le Liban, d’où la prudence d’Israël à l’égard du Hezbollah et ses appels à la France pour faire évacuer la frontière par ledit Hezbollah. On peut toujours rêver, c’est gratuit ! Le «casse-tête» yéménite dans le Golfe, les bombardements des bases américaines en Irak et en Syrie suffisent à la peine des Américains.
L’ampleur de la prodigieuse opération du 7 octobre a tout de suite dépassé les frontières de la Palestine. Le monde entier avait les yeux braqués sur l’Etat d’Israël et cherchait à savoir la nature de sa récréation. Le bilan des pertes civiles et militaires de la seule journée du 7 octobre indiquait à Israël qu’il n’avait pas affaire à des amateurs. Les effets politiques et psychologiques déchirent la société israélienne et sèment l’inquiétude. Quant à l’Occident, atteint de migraine ukrainienne, la guerre menée par Israël fait détourner le regard de «l’exemple et courageux» Ukraine. Cependant, des voix souterraines émergent ici et là, réveillées par le vieux et antique réflexe de préservation des intérêts des Etats. Après deux mois de guerre impitoyable, beaucoup de stratèges, aussi bien étrangers qu’israéliens, doutent d’une victoire d’Israël. Ils analysent simplement ce conflit de nature asymétrique entre la faible Palestine et le puissant Israël. L’histoire et la géopolitique de la région et la présence de grandes puissances dans la région rétablissent quelque peu le rapport du faible au fort qui existe entre un mouvement de libération et une puissance occupante. Le monde entier connaît la résistance d’un peuple qu’on ne peut dorénavant chasser de sa terre. Il y a bien les zombis-colons qui déracinent ses oliviers, mais en vain car les Palestiniens restent accrochés à leur terre.
Les vrais spécialistes de l’histoire et de la géopolitique mettent en perspective l’opération du 7 octobre, en tenant compte des volcans qui se réveillent un peu partout. Et la situation actuelle rappelle celle de la chute, en 1920, de l’empire ottoman au Moyen-Orient, qui ouvrit la porte à un double mouvement : l’entrée de puissances occidentales impérialistes et la naissance de mouvements nationalistes qui mirent fin à une partie des monarchies de la région. Le 7 octobre en Palestine et ses retombées mondiales font ainsi entrer dans le jeu stratégique de la région des acteurs étatiques (Iran, Irak, Syrie) et de résistance (Palestiniens, Libanais, Yéménites). Mais aussi des puissances étrangères qui ont également des intérêts dans «nos» deux mondes parallèles, la fin d’un monde en voie de dédollarisation et un monde multilatéral qui fait entendre sa voix. Dans ce monde qui émerge, la Palestine apporte sa petite pierre avec le 7 octobre, mais aussi avec la stratégie de son combat dont la durée sur le terrain militaire participe à l’échec d’une aventure coloniale moderne. Dans cet Occident qui a des liens avec le colonialisme classique, il a tout intérêt à changer la posture de l’autruche qui met la tête dans le sable et à s’ouvrir aux droits des Palestiniens par des mesures concrètes.
L’art de la guerre appliqué par la résistance
Les Palestiniens ont étudié les forces et les faiblesses de leur ennemi. Sa puissance militaire et ses soutiens politiques, économiques et idéologiques lui permettent d’afficher son arrogance et de faire taire les «récalcitrants». Mais ses atouts ne l’ont pas mis à l’abri des surprises et des ruses de l’histoire. Et l’opposé de ces atouts se nomme peuple palestinien et soutiens des peuples du monde arabe, hostilité des pays voisins, étroitesse de son territoire. Toutes ces données ont poussé Israël à opter pour une stratégie d’attaque et à se doter de deux armes adaptées à cette stratégie : l’aviation et les blindés. Face à cette stratégie de l’ennemi, les Palestiniens ont opté pour d’autres chemins de lutte. Il leur fallait tenir compte de la dispersion géographique de leur peuple, tirer les leçons du combat mené à partir des pays voisins et «frères», s’apercevoir des limites du soutien des Etats arabes empêtrés et dépendants de l’Occident, etc.
Ici, j’ouvre une parenthèse sur l’hypothèse des accords d’Oslo. Ont-ils été signés par l’OLP dirigée par Arafat dans l’unique but de faire entrer une toute petite partie de leur peuple doté d’armes prévues par les accords d’Oslo pour leurs services de sécurité ? En clair, ces accords permettraient de ne plus lutter de l’extérieur mais de l’intérieur, d’où le déclenchement des intifadas. L’histoire et l’avenir nous le diront. Depuis les accords d’Oslo, la résistance, sous toutes ses formes, se déroule principalement en Palestine. A Gaza mais aussi dans des villes en principe gérées par l’autorité palestinienne, de véritables bastions armés s’opposent à l’entrée des troupes israéliennes. Mais c’est à Gaza que la résistance a trouvé les moyens de faire face militairement à l’ennemi pour qu’il ne s’aventure pas dans Gaza quand ça lui chante.
Quelle est l’arme imaginée par la résistance pour calmer les ardeurs de l’ennemi comme le fit le Hezbollah en 2006 ? Puisque Gaza est encerclée par terre et mer, la résistance construit une ville souterraine qui échappe aux satellites de l’ennemi et à ses bombes. Fini donc le confort et la sécurité à partir du ciel pour déloger les Palestiniens de leurs tunnels, Israël doit renouer avec la guerre terrestre en envoyant ses soldats au corps à corps. Et dans cette guerre, même avec les équipements qui protègent et facilitent les conditions du combat, à la fin des fins, ses soldats marchent à pied contre des ennemis qui viennent à leur rencontre. Dans la guerre asymétrique actuelle, le déséquilibre de l’armement des Palestiniens est compensé par un allié précieux : le temps qui taraude l’ennemi qui ne peut mobiliser des bras et des cerveaux sans risquer la paralysie de l’économie – ne pas oublier les contradictions politiques de la société israéliennes citées plus haut.
Ainsi, la ville souterraine de Gaza devient une sorte de profondeur stratégique de la résistance, où les combattants vivent en protégeant leurs structures de combat et de commandement et en sortent pour affronter l’ennemi. Et sur la terre ferme, les adversaires utilisent leurs «secrets» pour se terrasser mutuellement. Sur un champ de bataille en ruine à cause des bombardements, les atouts d’Israël – avions, hélicoptères et drones – ne donnent pas leur pleine potentialité de peur de toucher ses propres troupes. En revanche, les Palestiniens connaissent le terrain, ont fait des ruines leur zone de protection d’où ils tirent sur l’ennemi et ses blindés. Dans ces zones de désolation et de ruine, l’ennemi ne peut construire de solides campements où se regroupent ses soldats qui deviennent des cibles faciles.
«Un général doit mettre son attention à procurer à ses troupes des campements avantageux car c’est de là principalement que dépend la réussite de ses projets et de toutes ses entreprises.» (L’art de la guerre de Sun Tzu) (1). Dans cette guerre asymétrique, «un ennemi surpris est à demi vaincu ; il n’en est pas de même s’il a le temps de se reconnaître.» (Idem). Ainsi, les Palestiniens appliquent la tactique «surprendre l’ennemi, le frapper et disparaître». Disparaître sous terre et donc être invisible à l’ennemi, lequel avance à découvert au milieu de ruines minées. Voilà pourquoi la presse israélienne, en diffusant les pertes officielles, les accompagnent de phrases ainsi libellées : «Les batailles féroces dans le nord de Gaza entraînent des pertes cruelles.» «Féroces» et «cruelles», deux mots qui signifient que l’aventure en terre gazaouie n’est pas un chemin parsemé de fleurs.
En guise de conclusion, si les pertes continuent d’augmenter, les tirs amis et autres bavures prévues par a recommandation dite Hannibal (sacrifier le soldat et ne pas le laisser se faire prisonnier) se multiplient, engendrant la colère des familles des prisonniers. Si les Américains font appliquer leur désir d’arrêter la guerre début 2024, Netanyahou aura ses «otages» libérés. Mais la nouvelle phase politique, qui s’ouvrira notamment avec «l’avenir de Gaza» cher aux Américains se fera sans Netanyahou, mais certainement pas sans les véritables représentants de la Palestine. Sans être devin, la résistance sera toujours là car les Palestiniens, depuis 1948, ne veulent plus transporter de clé dans leurs poches (2). Le 7 octobre a ébranlé l’édifice de la colonisation et la Palestine ne sera plus ensevelie par les petites lâchetés d’un monde qui assure sa tranquillité sur le dos des sacrifices des peuples et l’exploitation de leurs richesses.
A. A.
1) Des reportages télé ont montré des troupes israéliennes faisant quelques kilomètres pour aller se reposer en Israël. Faire des campements dans un territoire ennemi si petit au milieu de ruines est risqué. Les vidéos de la résistance montrent des combattants sortant des tunnels ou bien embusqués dans des ruines, visant des chars ou attaquant des tentes de soldats israéliens.
2) Les Palestiniens chassés de leurs maisons en 1948 avaient emporté avec eux la clé de leur maison dans l’espoir de les retrouver de retour de leur exil forcé. Tout un symbole.
Que s'est-il passé réellement le 7 octobre. La réponse à cette question est cruciale. En effet le récit officiel Israélien sur l'attaque menée ce jour autour de Gaza par les combattants palestiniens du Hamas a joué un rôle essentiel dans la justification de ce qui apparait, dès à présent, comme l'une des opérations militaires les plus sanglantes, les plus cruelles et sauvages de l'Histoire contre une population.
Nous donnons à lire ici, aux lecteurs du Quotidien d'Oran, le résultat d'une enquête de grande qualité au sujet de ces évènements du 7 Octobre. Cette enquête a été menée par un journaliste, Asa Winstanley, bien connu par ses articles sur la question palestinienne. Elle a été méticuleuse, méthodique. Elle s'appuie sur une grande richesse de documents, visuels, sonores, écrits.
Nous publions aujourd'hui la deuxième partie de cetteenquête, la première ayant été publié le Jeudi 14 décembre 2023. (Djamel Labidi)
Les forces terrestres israéliennes ont également tué de nombreux civils israéliens. La première preuve révélée a été le témoignage de Yasmin Porat, une survivante du kibboutz Beeri, l'une des dizaines de colonies israéliennes le long de la frontière avec Gaza que les combattants palestiniens ont attaquées le 7 octobre.
Le récit de Porat a été diffusé en hébreu à la radio israélienne, mais est devenu viral au niveau international (23) lorsque The Electronic Intifada l'a traduit en anglais le 16 octobre (24). Participant à la rave Supernova, Porat s'est enfui vers Beeri, à proximité, peu après le début de l'assaut.
Le témoignage d'une survivante Yasmin Porat
Elle et une douzaine d'autres Israéliens ont été capturés par des combattants palestiniens qui, a-t-elle insisté, «ne nous ont pas maltraités. Ils nous ont traités avec beaucoup d'humanité. Porat a expliqué que leur objectif «était de nous kidnapper à Gaza. Pas pour nous assassiner. Les combattants avaient apparemment l'intention de les libérer au bout d'un jour.
Les détenus ont été autorisés à s'asseoir dehors pour attendre l'arrivée des négociateurs en otages. Il semble que les Palestiniens souhaitaient une sortie négociée.
Mais avec l'arrivée des forces spéciales, connues sous le nom de YAMAM, les choses se sont rapidement détériorées.
Les « négociateurs » ont annoncé leur présence par une pluie de coups de feu surprise.
« Soudain, une volée de balles du YAMAM nous a tiré dessus. Nous avons tous commencé à courir pour nous mettre à l'abri », a déclaré Porat à la télévision israélienne.
Un bâtiment apparemment rasé par les bombardements israéliens peut être vu dans une vidéo (25) tournée à Kfar Azza.
Porat a insisté sur le fait que les tirs aveugles « ont éliminé tout le monde, y compris les otages, car il y avait des tirs croisés très, très intenses ». Elle a vu des cadavres au sol.
La fusillade qui a suivi a duré une demi-heure, culminant avec deux obus de char tirés sur la maison où ils étaient détenus. Porat elle-même n'a survécu que parce qu'elle avait développé un lien avec un combattant palestinien parlant hébreu qui s'est finalement rendu.
Il semble que certains incidents involontaires de « tirs amis » se soient produits dans la réponse chaotique israélienne à l'offensive du 7 octobre. Mais il semble que le massacre de civils israéliens par l'armée israélienne puisse aussi être le résultat d'une politique calculée - ou, comme l'a dit le major Graeme, « se poursuivre comme s'il n'y avait pas d'otages ».
Le lieutenant-colonel Salman Habaka s'est précipité au kibboutz Beeri avec deux chars ce matin-là: «Je suis arrivé à Beeri pour voir le général de brigade Barak Hiram et la première chose qu'il me demande est de tirer un obus sur une maison», a-t-il déclaré, selon (26)The Guardian.» Nous sommes allés de maison en maison pour libérer les otages. Et c'est ainsi que se sont déroulés les combats jusqu'au soir. Dans les kibboutz et dans les rues.»
Bâtiments de kibboutz bombardés
Des photos publiées en ligne par Israël et une vidéo publiée (27) par The Telegraph montrent plusieurs bâtiments du kibboutz Beeri qui semblent avoir été bombardés par Israël.
Pendant cette période, selon (28) Haaretz (dans un article qui, là encore, n'a été publié qu'en hébreu), les commandants israéliens à Beeri « ont pris des décisions difficiles - notamment bombarder des maisons avec tous leurs occupants à l'intérieur afin d'éliminer les terroristes ainsi que les otages ».
Cela suggère qu'il y a eu une décision calculée de la part des officiers israéliens d'« éliminer » les détenus israéliens plutôt que de les laisser tomber entre les mains des Palestiniens à Gaza où ils pourraient être utilisés comme levier dans les négociations sur les prisonniers.
Selon (29) The Guardian, 108 habitants du kibboutz Beeri ont été tués lors de l'assaut. « Les corps des morts », a expliqué le journal après une tournée médiatique menée par l'armée le 10 octobre, « ont été amenés et disposés en attendant d'être récupérés » dans la salle à manger commune du kibboutz.
Mais selon (30) (31) le major Graeme dans la vidéo YouTube du 15 octobre, « un grand nombre » de détenus israéliens ont d'abord été détenus vivants par le Hamas dans la salle à manger de Be'eri.
«La salle à manger a été prise d'assaut par les forces spéciales», a-t-il expliqué. « D'après ce que j'ai compris, la majorité des otages ont été tués lors de cette tentative de sauvetage. Ils n'en ont sauvé que quatre Je pense que c'est 14 qui ont été tués.»
Les tactiques militaires brutales et aveugles d'Israël dans le kibboutz Beeri ont été répétées dans d'autres colonies frontalières de Gaza.
28 hélicoptères de combat ont tiré
L'Electronic Intifada a examiné chaque vidéo et photo publiée sur X (anciennement Twitter) entre le 7 et le 27 octobre par trois comptes officiels israéliens : @Israel, @IDF et @IsraelMFA. Nous avons également procédé à un examen approfondi des reportages des grands médias sur l'assaut contre le kibboutz Be'eri et d'autres colonies frontalières de Gaza.
Nous avons trouvé une multitude de preuves visuelles pour étayer les récits de Yasmin Porat et d'autres selon lesquels l'armée israélienne a attaqué ses propres colonies. Ces indications importantes selon lesquelles Israël a tué ses propres civils sont généralement enfouies sous des couches de propagande officielle israélienne d'atrocités (32) accusant le Hamas. L'armée israélienne a traité la colonie frontalière de Kfar Azza (en hébreu pour « Village de Gaza ») d'une manière tout aussi brutale que le kibboutz Be'eri.
Un reportage vidéo publié (33) par le Washington Post le 10 octobre a brièvement révélé deux bâtiments détruits dans la colonie, qui semblent tous deux avoir été bombardés par des chars.
Israël affirme que les combattants du Hamas ont incendié des bâtiments dans les colonies. Bien que d'autres bâtiments dans la vidéo semblent avoir été incendiés, au moins deux des bâtiments détruits ont été entièrement ou partiellement réduits en ruines. L'un d'entre eux a été presque totalement rasé, d'une manière étonnamment similaire aux frappes aériennes israéliennes qui anéantissent actuellement Gaza.
La vidéo est loin d'être unique . (34)
L'ampleur des destructions ne peut être expliquée de manière adéquate par les incendies ou par les armes légères (35) dont les combattants palestiniens étaient armés (36) ce jour-là - fusils, grenades, grenades propulsées par fusée et, dans quelques cas, mitrailleuses montées sur camions.
En revanche, cela peut s'expliquer par le type d'armement connu pour avoir été utilisé par Israël : obus de char, missiles Hellfire tirés depuis plus de deux douzaines d'hélicoptères Apache. Ces hélicoptères sont également armés de mitrailleuses de 30 mm qui tirent des obus dont chacun est « comme une grenade à main» (37), comme l'a dit le journal israélien Ynet. Ces canons dévastateurs conçus pour détruire les chars et capables de tirer environ 600 coups par minute sont présentés dans la vidéo ci-dessus.
Le 7 octobre, «28 hélicoptères de combat ont tiré au cours de la journée toutes les munitions qui se trouvaient dans leur ventre, dans une nouvelle course pour se réarmer», a rapporté Ynet.
A suivre
*Asa Winstanley L'Intifada électronique 23 novembre 2023
Avec des recherches supplémentaires réalisées par Ali Abunimah, Michael F. Brown, Tamara Nassar, Jon Elmer, Maureen Murphy et RefaatAlareer.
Traduit de l'anglais: https://electronicintifada.net/content/evidence-israel-killed-its-own-citizens-7-october/41156
Asa Winstanley est un journaliste d'investigation vivant à Londres qui écrit sur la Palestine et le Moyen-Orient. Il visite la Palestine depuis 2004 et est originaire du sud du Pays de Galles. Il écrit pour le site d'information palestinien primé The Electronic Intifada, où il est rédacteur adjoint et chroniqueur hebdomadaire pour le Middle East Monito
Les attaques du 7 octobre perpétrées par le Hamas en Israël ont poussé la plupart des pays de la région à revoir leurs relations avec Tel-Aviv. C’est le cas de la Turquie, dont la politique de rapprochement avec Israël se trouve remise en cause par la solidarité avec la Palestine adoptée par le président Recep Tayyip Erdoğan.
Alors que le 8 octobre le président turc Recep Tayyip Erdoğan avait réagi avec retenue et modération aux attaques menées par le Hamas, invitant les deux parties au dialogue pour trouver une solution diplomatique, la violence des représailles israéliennes a obligé la Turquie à adopter une attitude plus critique. Les ambitions de médiation du président turc ont fait long feu. Et il a qualifié le mouvement Hamas d’« organisation de libération nationale luttant pour la liberté du peuple palestinien ». Comment expliquer ce revirement ?
Depuis son enlisement en Syrie, Ankara tente de sortir de son isolement en normalisant ses relations avec nombre de voisins et pays de la région comme l’Arménie, l’Égypte, mais aussi Israël avec lequel la rupture datait de 2010. L’économie avait un besoin crucial de coopération avec Tel-Aviv. En effet, le volume des échanges commerciaux entre la Turquie et Israël était d’un peu plus de 10 milliards d’euros en 2022. Au centre de leur coopération se trouve notamment le dossier gazier méditerranéen. Ankara prévoyait de participer à la construction d’un gazoduc offshore pour transporter le gaz israélien du champ Léviathan vers le sol continental turc. La Turquie envisageait d’en acheter une part pour un usage local, et d’en exporter une autre vers l’Europe. De même, sur le plan touristique, le nombre de touristes israéliens est en augmentation depuis quelques années, atteignant le nombre de 560 000 en 2022, ce qui profite à la compagnie Turkish Airlines qui effectuait à la veille de la crise 10 vols par jour entre Tel-Aviv et Istanbul. Cette politique de rapprochement était sur le point d’aboutir, ce qui explique la retenue des premières réactions. Le président Erdoğan ne venait-il pas, en septembre 2023, de rencontrer à New York pour la première fois le premier ministre Benyamin Nétanyahou, dont la visite à Ankara était annoncée pour septembre ou octobre ? Tous ces efforts ont été anéantis.
Dans le cadre de sa politique de normalisation régionale, la Turquie avait incité ses protégés exilés Frères musulmans, égyptiens et autres — Hamas compris — à faire preuve de discrétion dans leurs activités sur le sol turc. La surprise de l’attaque et sa violence sonnent comme un camouflet à Ankara. Privilégiant les intérêts supérieurs de la Turquie, dépendant d’une relation apaisée avec Israël, Erdoğan a donc initialement choisi la modération et la médiation. Elle aurait même demandé, à certains cadres du Hamas de quitter la Turquie.
« LE DOUBLE STANDARD DES OCCIDENTAUX »
Mais tous les appels à l’apaisement ayant échoué, comme les tentatives turques de faire libérer des otages, et la violence de la réaction israélienne ayant atteint une telle ampleur, le pouvoir a totalement changé de position, avec notamment deux déclarations fracassantes du président Erdoğan. Le 24 octobre dans son discours lors du congrès du Parti de la justice et du développement (AKP), il a affirmé, sous les applaudissements de députés debout, que « le Hamas n’est pas une organisation terroriste, c’est un groupe de moudjahidines qui défendent leurs terres ». L’emploi de ce mot est tout sauf anodin. Élever les combattants du Hamas au rang de « moudjahidines », ceux qui sont engagés dans la guerre sainte, permet de mesurer la teneur symbolique du positionnement d’Erdoğan.
Pour enfoncer le clou, quatre jours plus tard, le président s’en est pris aussi aux Occidentaux qu’il a accusés de « double standard et de complicité dans les crimes commis par Israël contre des civils palestiniens ». Pourtant, une prise de position aussi tranchée risque d’avoir des conséquences négatives pour la Turquie à court comme à moyen terme, de mettre en cause la normalisation avec Israël et d’irriter les Occidentaux. Changeant et imprévisible, le comportement d’Erdoğan, tant en politique intérieure qu’extérieure, n’est jamais évident à discerner.
Une première explication veut qu’Erdoğan, prenant ouvertement la défense du Hamas, cède à une nature refoulée, ancrée dans la militance islamiste. On décrit souvent à son sujet une personnalité complexe, double, d’un côté ouvert et pragmatique, et de l’autre idéologue et dogmatique. Pris entre ses ambitions personnelles et ses valeurs idéologiques, il oscille entre ces deux extrémités. Recherchant un leadership sur la région, il aurait fini par céder à sa nature profonde. Mais cette explication psychologico-politique est très insuffisante.
DES CALCULS DE POLITIQUE INTÉRIEURE
Une autre explication relève de la logique géopolitique. Ainsi, entre le 7 et le 24 octobre, constatant l’évolution de la situation sur le terrain et les réactions qu’elle suscite dans la région et au-delà, Erdoğan aurait misé, dans l’intérêt supérieur de son pays, pour une critique virulente des représailles d’Israël, l’objectif étant de placer la Turquie en pole position du monde musulman. Là aussi l’argument n’est que peu convaincant.
Une troisième explication avancée par divers journalistes en Turquie repose sur le narratif d’un rôle de médiateur refusé à Erdoğan qui, par frustration ou jalousie, aurait renversé la table pour attirer l’attention et se faire remarquer sur la scène internationale. Cette explication par la mégalomanie ne peut éclairer à elle seule le comportement du président.
Enfin, une quatrième explication, qui relève des calculs de politique intérieure et de considérations électoralistes (un sujet pour lequel Erdoğan est passé maître) mérite d’être prise en compte. Les élections municipales se profilent, en principe pour le printemps 2024, et il y accorde autant d’importance qu’aux scrutins nationaux, d’autant que l’enjeu est de taille cette année puisqu’il s’agit de reconquérir les deux villes que sont Istanbul et Ankara, perdues au profit de l’opposition en 2019. Raffermir son image internationale peut lui assurer quelques paquets de voix, sachant que la population est massivement sensible à la cause palestinienne. Ce point de vue est pourtant à relativiser aussi. La population est certes solidaire de la Palestine, mais elle est aussi très préoccupée par la fragilité de l’économie qui dépend de bonnes relations avec Israël et les pays occidentaux et qui aura à pâtir de nouvelles tensions.
L’EXTRÉMISME D’ISRAËL
Comme souvent, les analystes essaient de donner du sens aux attitudes et prises de position d’Erdoğan en le mettant dans une position trop centrale, c’est-à-dire en l’isolant du contexte dans lequel il se trouve, et en oubliant de mesurer ses faits et gestes à l’aune de ses rivaux ou partenaires ou, tout simplement, en sous-estimant la propension du président turc à agir et réagir en fonction de l’évolution d’une situation politique donnée.
Dès lors, si toutes ces hypothèses n’éclairent qu’un aspect fragmentaire de la stratégie politique d’Erdoğan, comment comprendre le revirement du président turc ? Sans être totalement fausses, ces explications font l’impasse sur l’attitude d’Israël après les attaques et l’extrémisme de sa politique à Gaza. Ayant reçu de l’Occident une forme de blanc-seing vengeur, Israël a réagi de façon excessive et disproportionnée. A la sidération ont succédé des condamnations molles sur un mode attentiste. Israël semblant hésiter entre incursion, occupation et colonisation de la bande de Gaza, le destin de Gaza et des Gazaouis reste plus qu’incertain. L’intensité des bombardements et le nombre élevé de morts innocents ont provoqué un choc émotionnel mondial, mêlant impuissance et indignation, notamment dans le monde musulman. Ils ont aussi consolidé l’unité et la solidarité. Et le soutien quasi inconditionnel de l’Occident à Israël, perçu dans les consciences collectives du monde musulman comme une alliance judéo-chrétienne contre les Palestiniens et le monde musulman a presque forcé une forme de loyauté de nombre de leaders musulmans.
UN FOSSÉ ENTRE DEUX PERCEPTIONS
Aussi, le fait que la plupart des médias et intellectuels dans le monde occidental aient pris fait et cause pour la défense d’Israël creuse chaque jour davantage le fossé entre ces deux perceptions du conflit et de la marche du monde. Or, depuis toujours Erdoğan agit avec la prétention du souci de l’intérêt du monde musulman, et la brutalité des bombardements indiscriminés de l’armée israélienne l’a fait basculer dans le camp des Palestiniens.
Mais ces choix ne vont pas sans conséquences. L’image d’Erdoğan s’était quelque peu améliorée auprès de ses partenaires occidentaux à la faveur de la guerre en Ukraine où il avait joué un rôle de médiateur, notamment grâce à l’accord céréalier. Il était apparu pragmatique et diplomate, et s’était rendu quasi indispensable. Sa nouvelle position propalestinienne va lui faire perdre une grande partie de cette crédibilité regagnée, et il redevient aux yeux des Occidentaux irascible, imprévisible, populiste. Sa visite officielle le 17 novembre 2023 en Allemagne, où il a réitéré ses convictions, n’a fait que renforcer cette perception.
Plus grave encore, c’est toute la Turquie qui va souffrir d’une nouvelle crise avec l’Occident. La question de l’adhésion turque à l’Union européenne (UE) s’éloigne un peu plus. La Commission européenne a rendu le 8 novembre son rapport annuel sur l’élargissement de l’UE à plusieurs pays candidats. Si les regards sont tournés vers l’Ukraine, la Moldavie, et même la Géorgie, aucune mention n’est faite de la Turquie. Enfin, avec les États-Unis la crise sera encore plus aiguë et portera sans doute un coup d’arrêt à sa politique d’amélioration des liens avec Ankara. Ainsi, la levée de l’embargo sur les ventes d’armes, notamment la livraison de F-16 risque de traîner, alors que la Turquie a un besoin crucial de rattraper son retard en matière d’aviation. Toutefois, dans ce dossier, la Turquie a encore une chance d’obtenir le feu vert du Congrès. En effet, l’entrée de la Suède dans le club de l’OTAN n’a toujours pas été approuvée par le Parlement turc qui tergiverse, pour donner plus de latitude à Erdoğan dans sa politique vis-à-vis de l’Occident. Sans livraison de F-16, il parait peu probable que le Parlement turc trouve le temps dans son agenda de consacrer une session à l’entrée de la Suède à l’OTAN.
UN NOUVEL ORDRE MONDIAL
Enfin, l’effet le plus dommageable est l’arrêt net du processus de normalisation avec Israël. Alors que des années d’efforts de part et d’autre avaient enfin permis le rapprochement entre les deux pays, la prise de position d’Erdoğan casse à nouveau le processus, et c’est l’économie turque qui va en pâtir. Certes, la rupture des liens diplomatiques ne stoppera pas les échanges, mais peut sérieusement ralentir leur essor. Le grand projet de coopération gazière via la Turquie à destination de l’Europe de nouveaux gisements gaziers israéliens risque d’être difficile à négocier.
Pour autant, même si à court terme les effets de cette prise de position sont néfastes, la crise a mis en évidence les fractures de l’ordre international dont l’Occident pro-israélien n’est plus le seul maître. Le soutien occidental unanime à Israël heurte le « Sud global » et apparaît minoritaire dans cette nouvelle forme de bipolarité. Ainsi le choix de la défiance face à un Occident en déclin laisse-t-il entrevoir une préférence beaucoup plus réfléchie de la Turquie à l’émergence d’un Sud aspirant à la souveraineté et à une indépendance substantielle et dans lequel la Turquie pourrait occuper une place importante.
Que s'est-il passé réellement le 7 octobre. La réponse à cette question est cruciale. En effet le récit officiel israélien sur l'attaque menée ce jour autour de Gaza par les combattants palestiniens du Hamas a joué un rôle essentiel dans la justification de ce qui apparait, dès à présent, comme l'une des opérations militaires les plus sanglantes, les plus cruelles et sauvages de l'Histoire contre une population. Nous donnons à lire ici, aux lecteurs du Quotidien d'Oran, le résultat d'une enquête de grande qualité au sujet de ces évènements du 7 Octobre. Cette enquête a été menée par un journaliste, Asa Winstanley, bien connu par ses articles sur la question palestinienne. Elle a été méticuleuse, méthodique. Elle s'appuie sur une grande richesse de documents, visuels, sonores, écrits. Elle a recours même, quand cela est nécessaire pour certains évènements, à un éclairage historique. Les sources de cette enquête sont des Palestiniens, des Juifs, des Israéliens, des gens de différentes origines de différents pays, journalistes, reporters, ou témoins, ou spécialistes de de la question palestinienne. Quand on entre dans cette enquête on frémit, on est stupéfait, presque incrédule, horrifié, par tant de cynisme. Les preuves sont là, accumulées, vérifiables. Ne serait-on pas alors devant l'une des plus grandes mystifications, l'une des plus grandes manipulations de l'Histoire ? Il faut la lire et se faire soi-même une opinion.
Ce texte comporte une présentation particulière. Un grand nombre de notes. Il était, en effet, à l'origine, électronique avec des liens internet directement dans le texte. Ceci n'est pas possible dans une édition papier. Ces notes ont donc été mises en bas de page. Il suffira de faire un copier-coller en ligne, sur Internet, pour avoir accès à leur contenu. Leur consultation est absolument nécessaire pour connaitre la vérité. Elles donnent en effet accès aux preuves matérielles, concrètes, vidéos, images, témoignages, de ce qui est dit dans le texte et de ce qui s'est passé le 7 Octobre. (Djamel Labidi)
Un major de l'armée israélienne à la retraite a admis qu'Israël avait probablement tué certains des 1200 Israéliens que le gouvernement prétend qu'ils ontété assassinés par le Hamas le 7 octobre. Ces aveux, découverts par The Electronic Intifada(1), sont l'une des confirmations les plus élevées à ce jour qu'Israël a tué un grand nombre, sinon la plupart, des civils morts au cours de l'offensive palestinienne. Le major Graeme Samedi, il a été révélé qu'une source officielle israélienne avait conclu pour la première fois (2) que les tirs israéliens avaient touché au moins certains Israéliens. Cet ensemble croissant de preuves sape le récit officiel israélien selon lequel de sauvages terroristes palestiniens envahissent Israël et sont déterminés à massacrer des civils. Le Hamas maintient (3) que ses cibles étaient militaires et qu'il n'a pas intentionnellement tué des civils. L'aveu de l'officier israélien est apparu dans une série de vidéos publiées le 7 octobre par Legacy Conversations (4), une obscure chaîne YouTube (5) gérée par des vétérans de l'armée et de la police du régime de l'apartheid en Afrique du Sud. Leur invité vedette est un homme né en Afrique du Sud qui s'est installé (5/a) en Israël à l'âge de 18 ans et a passé 29 ans dans l'armée. Il a participé à l'invasion du Liban en 2006 et à l'invasion de Gaza en 2014. Le vétéran se fait appeler « Major Graeme », et se sert de pseudonymes probables que sont « Graeme Ipp » et (5/b) « Graeme I ». Dans une vidéo publiée (5/c) seulement une semaine après le 7 octobre, le major Graeme a déclaré que les détenus Israéliens détenus par les Palestiniens avaient été « probablement tués par des frappes aériennes israéliennes lorsque l'armée de l'air israélienne a attaqué des véhicules qui rentraient à Gaza ». S'exprimant près de deux semaines avant le début de l'incursion terrestre ((5/d) plus large d'Israël dans le nord de Gaza, le major Graeme a expliqué qu'après les frappes aériennes, « il y avait là des corps que les forces spéciales sont allées récupérer ». Des otages brûlés vifs par les bombardements dans les colonies S'il est exact, ce récit suggère qu'Israël tente de dissimuler les preuves selon lesquelles - intentionnellement ou non - il a tué ses propres civils le 7 octobre. Ce récit souligne à tout le moins la nécessité urgente d'une enquête internationale sur ce qui s'est réellement passé le 7 octobre. Un groupe anonyme d'Israéliens a écrit une lettre ouverte (6) appelant à une enquête indépendante. Mais il semble peu probable qu'Israël autorise cela et semble dissimuler les preuves, enterrant certains corps avant qu'ils ne soient identifiés. Israël n'a également fait aucun effort (6/a) pour recueillir des preuves médico-légales auprès des organismes appuyant ses allégations de viols et d'agressions sexuelles par des Palestiniens. Après avoir affirmé (6/b) pendant plus de trois semaines qu'« au moins 1 400 » Israéliens avaient été tués, Israël a officiellement révisé le 10 novembre son bilan (6/c) à « environ 1 200 ». Le porte-parole israélien Mark Regev a admis par inadvertance la semaine dernière que 200 (7) des morts « avaient été si gravement brûlés que nous pensions qu'ils étaient les nôtres, en fin de compte, apparemment, il s'agissait de terroristes du Hamas ». Cela indique que les bombardements israéliens sur les colonies frontalières de Gaza ont été si intenses et aveugles qu'ils ont brûlé vifs de nombreux otages israéliens ainsi que les combattants palestiniens. La suggestion du major Graeme semble être confirmée par une vidéo précédente et graphique publiée par Israël d'une voiture bombardée contenant des cadavres calcinés. Mais les cadavres dans la vidéo semblent avoir été instantanément incinérés par une explosion massive de bombe. Deux des cadavres incinérés - probablement des otages israéliens - se trouvaient sur la banquette arrière au moment de l'impact. Les corps semblent figés dans une douleur voyante, mais instantanée. La voiture montre également des signes d'avoir été bombardée depuis les airs, avec le toit complètement tordu et détruit. Une vidéo de plusieurs frappes aériennes similaires (7/a) a été mise en ligne par l'armée israélienne dans la matinée du 7 octobre. Le message affirmait que les véhicules étaient « des cibles de l'organisation terroriste Hamas dans la bande de Gaza ». Si ces véhicules contenaient des détenus israéliens sous la garde de combattants palestiniens retournant à Gaza, il est probable qu'ils aient tous été tués par Israël - mais cela s'est ensuite ajouté au bilan des morts israéliens « assassinés par le Hamas ». Depuis le 7 octobre, de plus en plus de preuves ont été rapportées en hébreu indiquant qu'un nombre important, quoique indéterminé, d'Israéliens ont été tués par les forces israéliennes lors de l'assaut du 7 octobre. Ces récits ont été rapportés en anglais principalement par des médias indépendants, notamment The Electronic Intifada (8), Mondoweiss (9), The Grayzone (10) et The Cradle (11 ). Un élément clé de ces preuves a été traduit en anglais (12) par The Electronic Intifada le 11 novembre. Le média israélien Ynet a cité (13) le commandant d'un escadron (14) d'hélicoptères israélien qui a déclaré que le 7 octobre, l'armée de l'air avait envoyé plus de deux douzaines d'hélicoptères d'attaque - ainsi que des drones Elbit - pour tirer tout le long de la frontière de Gaza en utilisant des missiles Hellfire et des mitrailleuses. «Tirez sur tout ce que vous voyez» Selon le récit d'Ynet d'une évaluation préliminaire de l'armée de l'air, « il était très difficile de faire la distinction entre les terroristes et les soldats ou civils [israéliens] », mais il a ordonné à ses pilotes « de tirer sur tout ce qu'ils voyaient dans la zone de la clôture », avec Gaza de toute façon. « La fréquence des tirs sur des milliers de terroristes était énorme au début, et ce n'est qu'à un certain moment que les pilotes ont commencé à ralentir leurs attaques et à choisir soigneusement leurs cibles », rapporte le journal, citant une enquête de l'armée de l'air israélienne. La justification de cette attaque apparemment aveugle était « d'arrêter le déluge de terroristes et les masses meurtrières qui affluaient sur le territoire israélien par les trous de la clôture ». Mais étant donné que les combattants palestiniens revenaient à Gaza avec des détenus israéliens exactement au même moment où d'autres Palestiniens arrivaient de Gaza ce jour-là, tirer sur « tout » dans la zone de la barrière inclurait nécessairement les détenus israéliens. Selon l'armée de l'air, au cours des quatre premières heures, ses pilotes « ont attaqué environ 300 cibles, la plupart en territoire israélien ». La rave Supernova s'est également déroulée très près de la barrière frontalière - entre celle-ci et la colonie israélienne voisine du kibboutz Beeri. Israël avait initialement affirmé (14/a) que 260 Israéliens y étaient morts. Ce nombre est ensuite passé à 364 (15). Samedi, une source policière a confirmé pour la première fois qu'Israël avait tué certains de ses propres habitants lors de la rave du 7 octobre. Le journal israélien Haaretz a rapporté qu'une enquête policière avait conclu qu'un (16) « hélicoptère de combat israélien arrivé sur les lieux et ayant tiré sur des terroristes avait apparemment également touché certains participants au festival ». Une deuxième source policière anonyme (16/a) a critiqué Haaretz et a semblé revenir sur cette déclaration le lendemain, mais n'a pas nié qu'Israël avait tué certains Israéliens. Des images israéliennes diffusées (17) le même jour que l'article de Ynet mentionné ci-dessus montraient ce que l'armée de l'air prétendait être des attaques contre « des terroristes palestiniens s'infiltrant en Israël dans la matinée du 7 octobre ». Les images semblent montrer des frappes aériennes extrêmement aveugles sur plusieurs voitures civiles, similaires à celles montrées dans la vidéo graphique des cadavres incinérés, ainsi que des tirs de mitrailleuses sur des personnes fuyant et marchant à pied. Le champ labouré dans la vidéo ressemble beaucoup à d'autres images publiées en ligne (18) de rave-goers israéliens fuyant l'événement Supernova. Une voiture civile le long de la frontière de Gaza un instant avant qu'elle ne soit détruite par l'armée de l'air israélienne. Alors que la campagne génocidaire d'Israël contre Gaza a coûté la vie à au moins 14 000 Palestiniens (18/a), les détenus israéliens à Gaza ont également été victimes des bombardements aveugles d'Israël. La branche armée du Hamas affirme que (19) 60 Israéliens ont été tués jusqu'à présent par les frappes aériennes israéliennes sur Gaza. Dans la série YouTube sud-africaine, le major Graeme explique la logique militaire. « Malgré toutes les difficultés et la douleur qu'implique une décision comme celle-là, l'armée israélienne continue comme s'il n'y avait pas d'otages », a-t-il déclaré. Israël « ne peut tout simplement pas se permettre... de permettre au Hamas d'utiliser avec succès ces boucliers humains [israéliens]... cela n'arrive pas. Alors c'est tout.» Il a également déclaré que « certains contrôles et limitations » des frappes aériennes israéliennes avaient été supprimés. La «directive Hannibal» Le major Graeme faisait peut-être référence à une doctrine militaire israélienne secrète et de longue date connue sous le nom de Directive Hannibal (20), du nom d'un ancien général carthaginois qui s'est empoisonné plutôt que d'être capturé. Israël a établi une doctrine visant à décourager les combattants de la résistance arabe (21) de capturer des soldats israéliens qui pourraient ensuite être échangés dans le cadre d'échanges négociés de prisonniers. En 2011, Israël a libéré 1 027 prisonniers palestiniens (21/a) en échange d'un seul soldat israélien capturé (21/b). La directive Hannibal a fait l'objet d'une surveillance mondiale accrue après qu'elle ait été utilisée pour tuer un soldat israélien lors de l'invasion de Gaza en 2014. En 2016, l'armée israélienne a déclaré que « l'ordre tel qu'il est compris aujourd'hui » serait annulé. « Cette décision ne constitue pas nécessairement un changement complet de politique mais une clarification », a rapporté (21c) le Times of Israel. Mais la doctrine semble désormais avoir été relancée. S'exprimant en hébreu sur un podcast de Haaretz, le colonel de réserve de l'armée de l'air NofErez a déclaré que (22) ce qui s'est passé près de la clôture était un « Hannibal de masse » et qu'ils avaient imaginé des scénarios similaires pendant 20 ans.
(à suivre)
Que s'est-il passé réellement le 7 octobre. La réponse à cette question est cruciale. En effet le récit officiel israélien sur l'attaque menée ce jour autour de Gaza par les combattants palestiniens du Hamas a joué un rôle essentiel dans la justification de ce qui apparait, dès à présent, comme l'une des opérations militaires les plus sanglantes, les plus cruelles et sauvages de l'Histoire contre une population. Nous donnons à lire ici, aux lecteurs du Quotidien d'Oran, le résultat d'une enquête de grande qualité au sujet de ces évènements du 7 Octobre. Cette enquête a été menée par un journaliste, Asa Winstanley, bien connu par ses articles sur la question palestinienne. Elle a été méticuleuse, méthodique. Elle s'appuie sur une grande richesse de documents, visuels, sonores, écrits. Elle a recours même, quand cela est nécessaire pour certains évènements, à un éclairage historique. Les sources de cette enquête sont des Palestiniens, des Juifs, des Israéliens, des gens de différentes origines de différents pays, journalistes, reporters, ou témoins, ou spécialistes de de la question palestinienne. Quand on entre dans cette enquête on frémit, on est stupéfait, presque incrédule, horrifié, par tant de cynisme. Les preuves sont là, accumulées, vérifiables. Ne serait-on pas alors devant l'une des plus grandes mystifications, l'une des plus grandes manipulations de l'Histoire ? Il faut la lire et se faire soi-même une opinion. Ce texte comporte une présentation particulière. Un grand nombre de notes. Il était, en effet, à l'origine, électronique avec des liens internet directement dans le texte. Ceci n'est pas possible dans une édition papier. Ces notes ont donc été mises en bas de page. Il suffira de faire un copier-coller en ligne, sur Internet, pour avoir accès à leur contenu. Leur consultation est absolument nécessaire pour connaitre la vérité. Elles donnent en effet accès aux preuves matérielles, concrètes, vidéos, images, témoignages, de ce qui est dit dans le texte et de ce qui s'est passé le 7 Octobre. (Djamel Labidi) Un major de l'armée israélienne à la retraite a admis qu'Israël avait probablement tué certains des 1200 Israéliens que le gouvernement prétend qu'ils ontété assassinés par le Hamas le 7 octobre. Ces aveux, découverts par The Electronic Intifada(1), sont l'une des confirmations les plus élevées à ce jour qu'Israël a tué un grand nombre, sinon la plupart, des civils morts au cours de l'offensive palestinienne. Le major Graeme Samedi, il a été révélé qu'une source officielle israélienne avait conclu pour la première fois (2) que les tirs israéliens avaient touché au moins certains Israéliens. Cet ensemble croissant de preuves sape le récit officiel israélien selon lequel de sauvages terroristes palestiniens envahissent Israël et sont déterminés à massacrer des civils. Le Hamas maintient (3) que ses cibles étaient militaires et qu'il n'a pas intentionnellement tué des civils. L'aveu de l'officier israélien est apparu dans une série de vidéos publiées le 7 octobre par Legacy Conversations (4), une obscure chaîne YouTube (5) gérée par des vétérans de l'armée et de la police du régime de l'apartheid en Afrique du Sud. Leur invité vedette est un homme né en Afrique du Sud qui s'est installé (5/a) en Israël à l'âge de 18 ans et a passé 29 ans dans l'armée. Il a participé à l'invasion du Liban en 2006 et à l'invasion de Gaza en 2014. Le vétéran se fait appeler « Major Graeme », et se sert de pseudonymes probables que sont « Graeme Ipp » et (5/b) « Graeme I ». Dans une vidéo publiée (5/c) seulement une semaine après le 7 octobre, le major Graeme a déclaré que les détenus Israéliens détenus par les Palestiniens avaient été « probablement tués par des frappes aériennes israéliennes lorsque l'armée de l'air israélienne a attaqué des véhicules qui rentraient à Gaza ». S'exprimant près de deux semaines avant le début de l'incursion terrestre ((5/d) plus large d'Israël dans le nord de Gaza, le major Graeme a expliqué qu'après les frappes aériennes, « il y avait là des corps que les forces spéciales sont allées récupérer ». Des otages brûlés vifs par les bombardements dans les colonies S'il est exact, ce récit suggère qu'Israël tente de dissimuler les preuves selon lesquelles - intentionnellement ou non - il a tué ses propres civils le 7 octobre. Ce récit souligne à tout le moins la nécessité urgente d'une enquête internationale sur ce qui s'est réellement passé le 7 octobre. Un groupe anonyme d'Israéliens a écrit une lettre ouverte (6) appelant à une enquête indépendante. Mais il semble peu probable qu'Israël autorise cela et semble dissimuler les preuves, enterrant certains corps avant qu'ils ne soient identifiés. Israël n'a également fait aucun effort (6/a) pour recueillir des preuves médico-légales auprès des organismes appuyant ses allégations de viols et d'agressions sexuelles par des Palestiniens. Après avoir affirmé (6/b) pendant plus de trois semaines qu'« au moins 1 400 » Israéliens avaient été tués, Israël a officiellement révisé le 10 novembre son bilan (6/c) à « environ 1 200 ». Le porte-parole israélien Mark Regev a admis par inadvertance la semaine dernière que 200 (7) des morts « avaient été si gravement brûlés que nous pensions qu'ils étaient les nôtres, en fin de compte, apparemment, il s'agissait de terroristes du Hamas ». Cela indique que les bombardements israéliens sur les colonies frontalières de Gaza ont été si intenses et aveugles qu'ils ont brûlé vifs de nombreux otages israéliens ainsi que les combattants palestiniens. La suggestion du major Graeme semble être confirmée par une vidéo précédente et graphique publiée par Israël d'une voiture bombardée contenant des cadavres calcinés. Mais les cadavres dans la vidéo semblent avoir été instantanément incinérés par une explosion massive de bombe. Deux des cadavres incinérés - probablement des otages israéliens - se trouvaient sur la banquette arrière au moment de l'impact. Les corps semblent figés dans une douleur voyante, mais instantanée. La voiture montre également des signes d'avoir été bombardée depuis les airs, avec le toit complètement tordu et détruit. Une vidéo de plusieurs frappes aériennes similaires (7/a) a été mise en ligne par l'armée israélienne dans la matinée du 7 octobre. Le message affirmait que les véhicules étaient « des cibles de l'organisation terroriste Hamas dans la bande de Gaza ». Si ces véhicules contenaient des détenus israéliens sous la garde de combattants palestiniens retournant à Gaza, il est probable qu'ils aient tous été tués par Israël - mais cela s'est ensuite ajouté au bilan des morts israéliens « assassinés par le Hamas ». Depuis le 7 octobre, de plus en plus de preuves ont été rapportées en hébreu indiquant qu'un nombre important, quoique indéterminé, d'Israéliens ont été tués par les forces israéliennes lors de l'assaut du 7 octobre. Ces récits ont été rapportés en anglais principalement par des médias indépendants, notamment The Electronic Intifada (8), Mondoweiss (9), The Grayzone (10) et The Cradle (11 ). Un élément clé de ces preuves a été traduit en anglais (12) par The Electronic Intifada le 11 novembre. Le média israélien Ynet a cité (13) le commandant d'un escadron (14) d'hélicoptères israélien qui a déclaré que le 7 octobre, l'armée de l'air avait envoyé plus de deux douzaines d'hélicoptères d'attaque - ainsi que des drones Elbit - pour tirer tout le long de la frontière de Gaza en utilisant des missiles Hellfire et des mitrailleuses. «Tirez sur tout ce que vous voyez» Selon le récit d'Ynet d'une évaluation préliminaire de l'armée de l'air, « il était très difficile de faire la distinction entre les terroristes et les soldats ou civils [israéliens] », mais il a ordonné à ses pilotes « de tirer sur tout ce qu'ils voyaient dans la zone de la clôture », avec Gaza de toute façon. « La fréquence des tirs sur des milliers de terroristes était énorme au début, et ce n'est qu'à un certain moment que les pilotes ont commencé à ralentir leurs attaques et à choisir soigneusement leurs cibles », rapporte le journal, citant une enquête de l'armée de l'air israélienne. La justification de cette attaque apparemment aveugle était « d'arrêter le déluge de terroristes et les masses meurtrières qui affluaient sur le territoire israélien par les trous de la clôture ». Mais étant donné que les combattants palestiniens revenaient à Gaza avec des détenus israéliens exactement au même moment où d'autres Palestiniens arrivaient de Gaza ce jour-là, tirer sur « tout » dans la zone de la barrière inclurait nécessairement les détenus israéliens. Selon l'armée de l'air, au cours des quatre premières heures, ses pilotes « ont attaqué environ 300 cibles, la plupart en territoire israélien ». La rave Supernova s'est également déroulée très près de la barrière frontalière - entre celle-ci et la colonie israélienne voisine du kibboutz Beeri. Israël avait initialement affirmé (14/a) que 260 Israéliens y étaient morts. Ce nombre est ensuite passé à 364 (15). Samedi, une source policière a confirmé pour la première fois qu'Israël avait tué certains de ses propres habitants lors de la rave du 7 octobre. Le journal israélien Haaretz a rapporté qu'une enquête policière avait conclu qu'un (16) « hélicoptère de combat israélien arrivé sur les lieux et ayant tiré sur des terroristes avait apparemment également touché certains participants au festival ». Une deuxième source policière anonyme (16/a) a critiqué Haaretz et a semblé revenir sur cette déclaration le lendemain, mais n'a pas nié qu'Israël avait tué certains Israéliens. Des images israéliennes diffusées (17) le même jour que l'article de Ynet mentionné ci-dessus montraient ce que l'armée de l'air prétendait être des attaques contre « des terroristes palestiniens s'infiltrant en Israël dans la matinée du 7 octobre ». Les images semblent montrer des frappes aériennes extrêmement aveugles sur plusieurs voitures civiles, similaires à celles montrées dans la vidéo graphique des cadavres incinérés, ainsi que des tirs de mitrailleuses sur des personnes fuyant et marchant à pied. Le champ labouré dans la vidéo ressemble beaucoup à d'autres images publiées en ligne (18) de rave-goers israéliens fuyant l'événement Supernova. Une voiture civile le long de la frontière de Gaza un instant avant qu'elle ne soit détruite par l'armée de l'air israélienne. Alors que la campagne génocidaire d'Israël contre Gaza a coûté la vie à au moins 14 000 Palestiniens (18/a), les détenus israéliens à Gaza ont également été victimes des bombardements aveugles d'Israël. La branche armée du Hamas affirme que (19) 60 Israéliens ont été tués jusqu'à présent par les frappes aériennes israéliennes sur Gaza. Dans la série YouTube sud-africaine, le major Graeme explique la logique militaire. « Malgré toutes les difficultés et la douleur qu'implique une décision comme celle-là, l'armée israélienne continue comme s'il n'y avait pas d'otages », a-t-il déclaré. Israël « ne peut tout simplement pas se permettre... de permettre au Hamas d'utiliser avec succès ces boucliers humains [israéliens]... cela n'arrive pas. Alors c'est tout.» Il a également déclaré que « certains contrôles et limitations » des frappes aériennes israéliennes avaient été supprimés. La «directive Hannibal» Le major Graeme faisait peut-être référence à une doctrine militaire israélienne secrète et de longue date connue sous le nom de Directive Hannibal (20), du nom d'un ancien général carthaginois qui s'est empoisonné plutôt que d'être capturé. Israël a établi une doctrine visant à décourager les combattants de la résistance arabe (21) de capturer des soldats israéliens qui pourraient ensuite être échangés dans le cadre d'échanges négociés de prisonniers. En 2011, Israël a libéré 1 027 prisonniers palestiniens (21/a) en échange d'un seul soldat israélien capturé (21/b). La directive Hannibal a fait l'objet d'une surveillance mondiale accrue après qu'elle ait été utilisée pour tuer un soldat israélien lors de l'invasion de Gaza en 2014. En 2016, l'armée israélienne a déclaré que « l'ordre tel qu'il est compris aujourd'hui » serait annulé. « Cette décision ne constitue pas nécessairement un changement complet de politique mais une clarification », a rapporté (21c) le Times of Israel. Mais la doctrine semble désormais avoir été relancée. S'exprimant en hébreu sur un podcast de Haaretz, le colonel de réserve de l'armée de l'air NofErez a déclaré que (22) ce qui s'est passé près de la clôture était un « Hannibal de masse » et qu'ils avaient imaginé des scénarios similaires pendant 20 ans.
Asa Winstanley ; Djamel LabidiPublié dans Le Quotidien d'Oran le 14 - 12 - 2023
(*)Asa Winstanley L'Intifada électronique 23 novembre 2023 Avec des recherches supplémentaires réalisées par Ali Abunimah, Michael F. Brown, Tamara Nassar, Jon Elmer, Maureen Murphy et Refaat Alareer. Traduit de l'anglais: https://electronicintifada.net/content/evidence-israel-killed-its-own-citizens-7-october/41156 Asa Winstanley est un journaliste d'investigation vivant à Londres qui écrit sur la Palestine et le Moyen-Orient. Il visite la Palestine depuis 2004 et est originaire du sud du Pays de Galles. Il écrit pour le site d'information palestinien primé The Electronic Intifada, où il est rédacteur adjoint et chroniqueur hebdomadaire pour le Middle East Monitor
Les commentaires récents