Le chef de l’État a défendu mercredi la loi qui fait triompher les idées de l’extrême droite. Faisant le lien entre immigration et insécurité, il n’a pas pris la peine de mentionner tous les obstacles que doivent affronter les étrangers, directement liés aux défaillances de nos politiques migratoires.
Partout depuis des mois, on entend dire que l’immigration est un « problème » ou qu’il y a un « problème migratoire » à régler. Emmanuel Macron a repris cette rhétorique mercredi 20 décembre, sur le plateau de C à vous, lors de sa première intervention médiatique suivant le vote de la loi sur l’immigration le 19 décembre.
« Il y a un problème d’immigration dans le pays, parce qu’il y a trop d’immigration clandestine et que ça crée des déséquilibres, des sujets, des pressions », a-t-il déclaré, ajoutant que cette situation « faisait pression sur notre système ». Le chef de l’État a également affirmé qu’il y avait « plus de pression migratoire » en France qu’il y a dix ans.
Personne sur le plateau ne l’a repris sur la réalité des chiffres : 16 % des personnes ayant demandé l’asile en Europe en 2022 l’ont fait en France (contre 25 % en Allemagne), et notre pays est celui qui bénéficie du taux de protection parmi les plus faibles d’Europe (70 % des demandes sont rejetées). Gérald Darmanin lui-même s’en est vanté lors des discussions entourant la loi immigration, lorsque celle-ci n’en était qu’au stade de projet.
Certes, l’Europe – et la France par voie de conséquence – a connu un afflux d’exilé·es, notamment de réfugié·es, en 2015 et au-delà, venus en partie de Syrie et d’autres pays ayant connu les printemps arabes. Là encore, la France ne figure pas parmi les pays qui ont le plus ouvert leurs portes. Alors que l’immigration a progressé de 60 % en Europe de l’Ouest entre 2000 et 2020, elle n’a augmenté que de 36 % en France. L’Allemagne d’Angela Merkel a accueilli plus d’un million de réfugiés, sous les critiques ou les congratulations de certains États parfois, faisant l’honneur de l’Europe en des temps particulièrement sombres.
Lorsqu’Emmanuel Macron affirme haut et fort, à une heure de grande écoute à la télévision, que l’immigration est un « problème » ou engendre des « pressions », il oublie donc de dire que, dans les faits, le nombre de personnes ayant rejoint le territoire français n’est pas suffisamment élevé pour chambouler nos politiques intérieures. Et il crache au passage à la figure de millions d’étrangers en France, qu’ils soient arrivés légalement ou non, qu’ils vivent aujourd’hui sur notre sol avec ou sans papiers, qu’ils travaillent ou non.
Politique de non-accueil
Le vrai problème, c’est la politique de non-accueil mise en place par l’État français, qui conduit de nombreux exilés à survivre dans la rue ou sur des campements indignes, alors que l’hébergement est un droit fondamental. Il faut se rendre sur le terrain pour constater que, dans les camps informels qui se constituent en région parisienne, se trouvent des femmes, des enfants ou des bébés, des hommes, parmi lesquels des demandeurs d’asile, qui devraient pourtant avoir une place d’hébergement via le dispositif national d’accueil qui le prévoit.
On y trouve également des réfugié·es ayant obtenu la protection de la France, et qui devraient, en toute logique, obtenir un logement pour parvenir à s’intégrer correctement. Comment oublier Omar*, réfugié érythréen rescapé de l’attaque au sabre, sur un camp de Bercy, laissé sans prise en charge jusqu’à ce que les associations d’aide aux migrant·es ne se mobilisent pour lui offrir un semblant de stabilité ? Il aura fallu que Ian Brossat, alors élu à la Ville de Paris, se charge personnellement de son dossier afin qu’il obtienne un logement digne de ce nom.
Confrontés à des situations particulièrement difficiles, certains en perdent la raison et sont condamnés à errer dans les rues de la capitale ou d’ailleurs – on pense à l’assaillant de l’attaque au couteau d’Annecy en juin 2023. Ils doivent subir la précarité, le sans-abrisme, mais aussi le harcèlement policier quasi systématique, comme l’a démontré un récent rapport du Collectif accès au droit (CAD) ; lorsqu’il ne s’agit pas de violences policières, souvent passées sous silence ou ne donnant pas lieu à des poursuites judiciaires.
Nejma Brahim
21 décembre 2023 à 19h55
https://www.mediapart.fr/journal/politique/211223/le-vrai-probleme-ce-n-est-pas-l-immigration-c-est-emmanuel-macron
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