La question est légitime quand on considère les contradictions, les non-dits, la rétention de l'information visuelle, les invraisemblances, les bizarreries de l'information délivrée à ce sujet par les autorités israéliennes.
Les autorités israéliennes, au plus haut niveau, décrivent des visions d'horreur, «des bébés décapités, des femmes violées et éventrées, des corps coupés en morceaux». Le récit est relayé largement par les medias occidentaux. On ajoute même chaque fois de nouveaux détails macabres, sans même que les personnes, et elles l'avouent parfois elles-mêmes, n'aient vu des images de ces horreurs. Elles racontent ce que racontent ceux... à qui on a raconté. Et c'est là où le bât blesse. Il y a peu d'images vraiment significatives, du moins à la hauteur du récit des descriptions faites. On a l'impression que chaque fois qu'il est promis des images, qu'il y a esquive et que la vérité s'éloigne, que pour un prétexte ou un autre, on ne voit pas ces images.
L'argument donné sans cesse, par les autorités israéliennes pour la rétention de l'information en images, c'est qu'elles sont «insoutenables».
Ceux critiques, qui demandent des preuves concrètes, des images, des témoignages en nombre, sont accusés systématiquement de «relativisme», un terme qui rappelle étrangement ceux de révisionnisme, de négationnisme, c'est-à-dire des éléments de langage employés concernant la Shoah. Mais ce qui fait la réalité des massacres de la Shoah, de ce génocide historique, ce sont précisément les images, les témoignages. On n'a pas hésité à montrer, à des générations entières, des images terribles, des corps squelettiques empilés, des crânes, des cheveux, des dents stockés comme des matières premières, les images des déportations dans les trains, celles des rescapés de la Shoah etc... Pourquoi? Parce que la Shoah est vraie. On n'a pas craint à ce moment-là de choquer les gens. Ils avaient besoin de savoir. Personne n'en a fait le reproche. Ce discours sur «les images qu'on ne montre pas car insoutenables» est bien suspect.
Une vidéo officielle de 43 minutes
Les autorités israéliennes ont probablement senti le danger pour leur crédibilité et elles ont organisé, relativement tard, à partir du 7 novembre, des projections d'une vidéo officielle sur les évènements du 7 Octobre, des projections destinées à lever les doutes qui commençaient à se développer autour de leur récit. Mais cela n'a fait que renforcer la suspicion.
Ces projections, ont été entourées d'un luxe de précautions. Elles ont été organisées soit par l'armée israélienne soit par les ambassades d'Israël. Ensuite, il a été interdit aux participants de conserver leur smartphone ou un quelconque appareil d'enregistrement. Le public a été trié sur le volet. Il y aurait donc des gens qu'on a jugés plus capables de «supporter» ces «images insupportables». Mais pourquoi ces gens seraient-ils plus à même de les voir, de les «supporter». Sur quels critères ont-ils été sélectionnés. En France ce sont des députés qui sont invités par l'association «France-Israël» pour voir la projection qui a lieu à l'Assemblée nationale française.. On craint de le comprendre, le seul critère n'a pas été la neutralité mais la partialité, la position vis-à-vis d'Israël. Toutes ces précautions sont étonnantes.
La vidéo montée et produite par les services de l'armée israélienne serait une vidéo de 43 minutes. Elle serait le résultat d'une compilation de vues prises par les assaillants eux-mêmes sur leur smartphones et par des caméras de surveillance ou embarquées, dit-on, «dans des voitures». D'après les présents aux séances de projection de la vidéo, il y aurait peu de scènes nouvelles par rapport à ce qui a circulé sur les réseaux sociaux. C'est ce que dit Michel Scott, grand reporter à TF1, qui a assisté le 7 Novembre à une projection organisée par l'ambassade d'Israël à Paris (1), :»les trois quarts des scènes avaient déjà été diffusées sur les réseaux sociaux, notamment via les canaux du Hamas, ou sur le fil Télégramme de membres des premiers secours israéliens» . De manière générale, ceux qui ont vu cette vidéo donnent les impressions qu'ils ont ressenties devant ces atrocités mais pas de descriptions. C'est le cas aussi d'une vidéo diffusée sur Europe 1 (2). On reste sur notre faim d'informations exactes.
La «Rave- Party» tout à côté de Gaza
La principale vidéo, le principal témoignage visuel public, donc contrôlable, des massacres qui auraient été commis par les combattants du Hamas est, semble-t-il, celle qui concerne la fameuse «Rave-party» du festival «Tribe of Nova», dans le désert de Be'eri aux alentours de Gaza. Le journal «Le Monde», entre autre médias, a publié le 11 Octobre cette vidéo (3). Les images parlent très peu d'elles-mêmes et seul le commentaire, inséré dans le média par le journal, leur donnent vraiment un sens. On a des images de l'ordre donné par la sécurité de quitter les lieux, et de la panique qui s'ensuit. On a alors un commentaire qui dit que «Hamas tire dans la foule» mais pas d'images correspondant à ce commentaire.
On a surtout des images d'un grand désordre de voitures des participants à la party, laissées dans cette fuite générale. Il y a une seule séquence forte, celle d'abord de quelqu'un qui est décrit comme un milicien de Hammas, armé, et qui entraine un homme prisonnier, et celle en même temps d'une forme floutée couchée à côté d'une voiture et dont le commentaire dit que c'est un homme blessé et qu'il va être abattu froidement. Ce sont les images les plus dures. . Elles se trouvent en fin de vidéo, sans qu'il y ait une continuité filmée avec les précédentes.
Cette vidéo de la «rave-party» semble d'ailleurs être effectivement la pièce essentielle car elle est reprise par l'organisation Human Rights Watch qui précise qu'elle l'a «vérifiée» (4) . L'organisation dit qu'elle montre « trois incidents d'assassinats délibérés». Mais là aussi, c'est surtout le commentaire qui dicte la compréhension des évènements, et les images ne prouvent pas la tuerie systématique dont fait état le récit officiel israélien.
Par contre, une vidéo d'enquête du journal «Le Monde» (5) montre bien que l'essentiel de l'action de Hamas ce 7 Octobre est une attaque militaire où le Hamas était surtout préoccupé par l'assaut des installations de l'armée israéliennes autour de Gaza.
Les autorités parlent, au sujet de cette «Rave-party» de champs jonchés de morts. Mais aucune image à ce sujet dans la vidéo, rien, strictement rien.. Pourquoi ? Rien n'empêchait pourtant de prendre des images plus tard, à l'arrivée des secours. Les informations de cette vidéo sont, sur ce point, contradictoires. Ainsi, par exemple, le 8 novembre, le journal français «les Échos» (6) décrit dans son commentaire «des amoncellements de corps brûlés, suppliciés, ou couverts de sang, un policier israélien arpentant le lieu de la rave party dont 240 participants ont été exécutés en demandant en vain «y a-t-il quelqu'un de vivant ?». Mais toujours pas d'images publiques. Les autorités israéliennes parlent de milliers de participants à cette «Rave-party». Il n'y a pourtant que peu de témoignages de ceux- ci. Un article du quotidien israélien Haaretz dit qu' « un hélicoptère de l'armée israélienne aurait tiré sur les participants à cette rave- party» (7) . Est-ce la raison de l'absence d'images ?
Dans la vidéo projetée dans les ambassades, «ceux qui ont vu» citent surtout, parmi les images nouvelles, «celles particulièrement horribles, disent-ils, de deux enfants qui sont debout à côté du corps de leur père touché par l'explosion d'une grenade tandis qu'un assaillant ouvre calmement un frigidaire pour boire un coca-cola. (Michel Scott, témoignage sur TF1, (1).
C'est cette scène dont on parlera beaucoup comme principal point d'appui à «un massacre sans précèdent historique».
Un récit sans images
D'après le récit officiel israélien une grande partie des massacres auraient été commis dans les Kibboutz (villages communautaires ) alentour, particulièrement à «Be'eri» et «Kfar Aza». Un reportage de TF1 (8) ) à Kfar Aza rapporte les propos du général de division Itai Veruv, présent sur les lieux :»des mères, des pères, des bébés, de jeunes familles ont été tués dans leur lit, leurs abris, leurs salles à manger et leurs jardins». Le général précise «les «terroristes leur ont coupé la tête». Mais c'est encore uniquement un récit. Le reportage montre l'entrée de soldats et de journalistes dans le Kibboutz et trois ou quatre formes de cadavres dans une housse noire. Rien d'autre. Les reporters ont tenté de se rendre à Be'eri mais impossible d'y accéder, «L'armée évoque une zone de guerre» disent-ils. D'autres reporters confirment que l'armée israélienne «tient à distance de ces kibboutz les journalistes» (9) Pourquoi ? Dans un reportage de France info du 11 Octobre (10), le journaliste note:» Contrairement à ce qui s'était passé à Boutcha, en Ukraine, aucun journaliste n'a pu voir des cadavres ni les compter sur un seul lieu».
Dans un autre reportage (11), le 10 Octobre, un reporter de I24 news, chaine continue israélienne, parle du Kibboutz de Kfar Azza, à 800 m de la bande de Gaza. Il dit qu'il y a eu «d'âpres combats pendant 36 heures» et qu'il y a les corps «de 70 terroristes». Aurait-on là l'explication des corps qui gisent, qui pourraient ne pas être en réalité des civils, ce qu'on ne peut savoir puisqu'ils sont recouverts. Mais aussi l'explication des maison brulées, détruites, présentées partout comme le résultat des actes terroristes. Une question vient naturellement à l'esprit alors: quelle responsabilité a l'armée israélienne dans les morts de civils au cours de combats où elle a probablement tiré à l'arme lourde sur les endroits où les combattants de Hamas s'étaient retranchés?
Dans un autre reportage daté du 9 novembre (12) un journaliste du journal français «»Le Point» est lui aussi au kibboutz de Kfar Aza . Il montre du sang sur les murs, sur des coussins. Mais il dit «qu'on ne sait pas s'il s'agit du sang de combattants de Hamas ou d'israéliens». Au sujet du sang sur les coussins, les officiels présents de l'armée israélienne expliquent que «des enfants ont essayé de se protéger de leurs coussins et ont été abattus». Rien, évidemment ne permet de l'affirmer si ce n'est le récit qu'ils font.
Un seul article de presse français donne beaucoup de détails sur «l'horreur des massacres». C'est celui du journal français «Libération», paru le 2 novembre (13). Il s'agit de la correspondance d'un journaliste, Nicolas Rouger, qui dit, lui, avoir vu cette vidéo officielle à Tel Aviv même. Il parle lui d'une vidéo de 48 minutes et non de 43 minutes. Étrangement, le journal «Libération» est le seul à donner ces détails précis que n'ont pas donnés ceux qui ont assisté à la vidéo, supposée être la même, projetée en France. Mais, là aussi, il s'agit du récit du journaliste sur la vidéo, et non pas d'images.
Pourquoi donc cette absence d'images publiques ? La question est lancinante. Les autorités israéliennes préféraient-elles mettre en jeu leur crédibilité plutôt que de montrer des preuves visuelles, matérielles, concrètes, irréfutables, par crainte, comme elles le disent, d'images «insoutenables» qui risqueraient de choquer le public ? Il y a là, pour le moins une incohérence, un mystère.
La moisson faite par cette vidéo officielle israélienne, offerte à l'attention d'un public sélectionné dans différents pays occidentaux pour la plupart (pourquoi occidentaux ?) est finalement bien maigre, et en tout cas absolument pas à la mesure du récit officiel apocalyptique israélien des massacres.
Beaucoup de questions
Beaucoup de questions restent alors posées.
Les autorités israéliennes ont à cor et à cris parlé de «'40 bébés décapités». 40 bébés, cela fait autant de familles, le double de parents, de grands parents, un grand nombre de proches. Les a-t-on vus ? A-t-on vu au moins des funérailles ?
Le moment, semble-t-il, où cette «information» nait est le reportage du 10 Octobre, déjà mentionné, celui d'un journaliste de la chaine en information continue israélienne I24 news. Il y dit:» «On parle de femmes, d'enfants à qui on a coupé la tête, de dizaines de maisons brulées...». Il n'a rien vu, il dit «on parle», mais il le dit avec des sanglots dans la voix, avec une émotion communicative. Désormais, cette «information» va se répandre partout et devenir une vérité. La nouvelle de ces «bébés décapités» est lancée, sur aucune base, par ce reporter de la chaine israélienne.
Pour sa part, France info (10) signale que les gradés de l'armée israélienne présents sur les lieux, dont le major-général Itai Veruv, ne parlent pas explicitement de plusieurs cas d'enfants décapités» et la chaine française ajoute: «un porte-parole du Maguen David Adom, l'équivalent israélien de la Croix-Rouge, indique qu'il n'est pas en mesure de confirmer les informations, notamment, des décapitations de dizaines de bébés, comme cela a été diffusé par certains médias.»
Cette affaire des bébés décapités n'est aucunement documentée. Cela deviendra, pourtant, un des éléments centraux de la propagande israélienne, des médias et des hommes politiques qui la relaient. Même le président Biden s'est laissé aller à reprendre cette information, le mercredi 11 Octobre, en affirmant en «avoir vu les photos», avant qu'un porte-parole de la Maison blanche ne le contredise quelques heures après. C'est grave, très grave. Ce n'est pas sans rappeler à la fois l'affaire de la tuerie des bébés dans leur couveuse au Koweït et qui a joué un rôle déclencheur dans la guerre américaine contre l'Irak, et celle du tube brandi par le Secrétaire d'État Colin Powell avant le déclenchement de la deuxième guerre contre l'Irak. Autre temps, mêmes mœurs ?
Où sont «les tètes décapitées, les corps coupés en morceaux, les femmes violées, les femmes enceintes éventrées», décrites à longueur de medias. Aucune vidéo n'en porte la trace. On l'a dit, l'attaque a été essentiellement militaire. Des combattants pressés par l'ennemi, ayant si peu de temps, auraient pris tout leur temps à se livrer à ces horreurs ? D'autre part, ces images d'horreurs auraient pu être filmées après par les sauveteurs. Au moins comme archives. L'ont-elles été ? Rien n'indique, jusqu'à présent, leur existence
On parle officiellement de 3000 combattants de Hamas (journal «Les Échos», 8 novembre) et que 2000 auraient été tués. Aucune image, même pas d'éventuels combats. Ses combattants se seraient-ils évanouis, leurs corps auraient-ils disparu ?
Les autorités israéliennes parlent de 300 soldats israéliens tués. Y a-t-il des officiers parmi eux ? Silence radio. Ce nombre de morts ahurissant s'explique-t-il parce que les soldats n'ont pas combattu, peut- être à cause de l'effet de surprise.
Cela aurait été donc une véritable humiliation et expliquerait la rage, le désir de vengeance tel qu'il s'est exprimé à Gaza. Mais alors pourquoi cette discrétion incroyable à ce sujet, pas d'images, pas même celles des nombreuses funérailles et honneurs officiels qu'il y aurait dû avoir. Rien de tout cela. Cela reste un comportement dont la signification échappe encore.
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