Si Zelensky ne capitule pas, de mauvaises surprises l'attendent. D. R.
Depuis le début du désastre de la contre-offensive ukrainienne face aux troupes russes, suivi de la compréhension par les partenaires occidentaux de la faillite de leur projet sur le territoire de l’Ukraine, le pouvoir à Kiev s’est retrouvé devant une réalité effroyable : le refus de la continuation des investissements venus des sources qui lui ont assuré auparavant d’être impérissables – le début de la fin du règne de Zelensky et de son entourage.
Pourtant, une telle fin était parfaitement prévisible. Seule l’ignorance de l’histoire et du mode opératoire doctrinal des protagonistes nous condamne à sa répétition. Dans mon analyse datant d’un an, «La guerre en Ukraine : les véritables raisons du conflit», j’avais déjà mentionné les éléments constitutifs de la future défaite de Kiev : […] Au moment venu, quand le pouvoir américain considérera que le retour sur investissement dans la guerre en Ukraine est suffisant ou bien quand il fera le constat que la probabilité à atteindre le seuil de satisfaction est trop faible, il abandonnera le régime de Kiev. Il l’abandonnera de la même manière que le régime afghan d’Ashraf Ghani a été abandonné et les Kurdes en Irak et en Syrie ont été abandonnés, après avoir accompli, partiellement, les missions qui leurs ont été attribuées par l’Amérique contre la promesse de la création d’un Etat kurde. La promesse qui n’engageait que ceux qui l’écoutaient.
De ce fait, et vu que malgré la pression des sanctions occidentales sans précèdent la Russie dispose toujours de finances publiques saines – dette négligeable, balance commerciale excédentaire et aucun déficit budgétaire –, le conflit en Ukraine ne peut ne pas être importé par les Russes, dans une forme ou une autre.
De plus que, élément fondamental : pour la Fédération de Russie, ceci est un élément existentiel ; pour les Etats-Unis d’Amérique, comme déjà mentionné, il ne l’est pas […].»
Les intentions initiales des Russes
Les pseudo-experts du camp occidental n’ont trouvé qu’une parade pour justifier leur grave manque de vision, d’anticipation et d’évaluation du potentiel de Moscou : répéter les mantras sur l’impuissance de la Russie à continuer à mener la guerre, vu qu’elle reste sur ses positions et n’avance guère sur le front depuis un an.
La myopie analytique ne leur permet pas de percevoir la réalité dérangeante. Si la Fédération de Russie a eu l’initiative unilatérale au début de la guerre de proposer la signature de l’accord de paix qui devait avoir lieu à Istanbul à l’époque, quand elle était incontestablement en position de force, y compris selon le point de vue du camp «atlantiste», cela ne signifie qu’une seule chose : au moment d’entrer dans la négociation, Moscou avait déjà obtenu la satisfaction au niveau des acquis territoriaux – les territoires pro-russes récupérés à l’Ukraine – et il ne lui restait qu’à obtenir de Kiev l’engagement sur son statut de neutralité vis-à-vis de l’OTAN, soit l’assurance juridique de la non présence des forces armées du camp ennemi sur le territoire de l’Etat tampon qu’est devenu l’Ukraine pour la Russie depuis 1991.
Aujourd’hui, la Russie reste stationnée d’une manière inébranlable sur ses positions acquises sur le front et ne se contentera qu’une fois épuisées les dernières forces matérielles et humaines restantes de l’armée ukrainienne. Ceci n’est ni un signe de faiblesse ni, encore moins, un hasard.
Les thèses ukraino-occidentales stipulant que la Russie aurait visé la disparition de l’Etat ukrainien en tant qu’entité étatique sont, tout simplement, fantaisistes et ne sont que le reflet de l’amateurisme déconcertant de leurs auteurs. Les événements qui ont eu lieu à Istanbul au début de la guerre en sont la preuve : si Moscou avait comme objectif la disparition de l’Ukraine, jamais elle ne se serait mise autour d’une table de négociation de sa propre initiative au tout début de la guerre, tandis qu’elle dominait la situation sur le terrain et que ses troupes étaient positionnées dans les faubourgs de Kiev qui se trouvaient dans un état de chaos. Les troupes russes n’ont été retirées qu’en gage de bonne volonté au moment de la signature de l’accord d’Istanbul par la partie ukrainienne. Signature suivie de l’annulation au lieu de la ratification.
La révélation
Vingt mois se sont écoulés depuis les événements mentionnés. Ce fin novembre 2023, un personnage très controversé de la scène politique ukrainienne a été mis sur le devant de la scène, dans l’espace médiatique ukrainien, et a fait des révélations qui ont produit l’effet d’une bombe auprès de l’opinion publique ukrainienne. Révélation considérée par la communauté d’experts ukrainiens indépendants comme la plus scandaleuse de l’année en cours.
Dans une interview accordée à la chaîne de télévision ukrainienne 1+1 par David Arakhamia, qui n’est autre que le chef de la fraction parlementaire du parti Serviteur du peuple, le parti politique de Volodymyr Zelensky, il a évoqué les circonstances des négociations entre la Russie et l’Ukraine qui ont eu lieu à Istanbul en mars-mai 2022. Il était à la tête de la délégation ukrainienne.
Arakhamia se souvient de la position des Russes à l’époque : «Ils ont espéré presque jusqu’au dernier moment que nous allions accepter la neutralité. Cela était leur objectif principal. Ils étaient prêts à terminer la guerre si nous prenions la neutralité – comme la Finlande autre fois – et si nous prenions des obligations de ne pas entrer dans l’OTAN.»
Il a également mentionné que les «conseillers à la sécurité» de Washington, de Londres, de Varsovie et de Berlin ont eu accès à l’intégralité des documents discutés sur la table de négociation.
En parlant des raisons de l’annulation de l’accord, il en n’a évoqué qu’une seule sérieuse : la visite de Boris Johnson à Kiev : «Boris Johnson est venu à Kiev et a dit : nous ne signerons rien du tout avec eux, nous allons, tout simplement, faire la guerre.»
Il est à noter que le parlementaire n’a pas prononcé un seul mot concernant Boutcha. Et, rappelons-nous, l’unique version officielle de Kiev et du camp «atlantiste» de l’époque de la raison de l’arrêt des pourparlers avec les Russes et de l’annulation de l’accord d’Istanbul était le prétendu «massacre de la population civile perpétré par des troupes russes» dans cette ville.
Cet illustre personnage termine son interview avec la grande fierté d’avoir dupé la délégation russe : «Nous avons accompli notre mission de faire traîner les choses avec la note 8 sur 10. Ils [les Russes] se sont décontractés, sont partis et nous avons pris la direction de la solution militaire.» (1)
Cette révélation a fait découvrir au grand public ukrainien la réalité de la guerre qui aurait pu aisément être arrêtée dans ses débuts et que ce n’est qu’à l’initiative directe de l’Occident collectif, via son émissaire Boris Johnson, qu’elle a été relancée d’une manière forcée et a eu comme conséquence des centaines de milliers de morts ukrainiens et davantage de blessés graves et de mutilés, ainsi que la destruction quasi totale de l’économie et des infrastructures du pays qui prendront des décennies pour s’en remettre et revenir au niveau d’avant-guerre qui était déjà déplorable.
Le rappel
Etant à l’opposé de tout ce qui était servi par l’appareil de la propagande étatique inégalé agissant en Ukraine et dans les pays occidentaux depuis bientôt deux ans, les informations révélées cette fin novembre 2023 ont provoqué une véritable stupéfaction auprès des masses ukrainiennes, auparavant formatées et endoctrinées par des récits de toute autre nature.
Pourtant, pour des esprits non aveuglés par les narratifs «otaniens», les choses ont été d’une évidence flagrante dès le début du conflit en cours.
Lors de mon interview du mois de mai 2023 à la publication française L’Eclaireur des Alpes, cette réalité était déjà évoquée non pas comme l’une des probabilités, mais comme l’unique évidence avec des conséquences immédiates appropriées : «Rappelez-vous les expertises sérieuses qui ont été faites sur la capacité de l’Ukraine à maintenir la résistance contre la Russie. A l’époque, juste avant le déclenchement de la guerre, il était estimé que l’Ukraine ne pouvait tenir qu’un temps très limité face à la Russie.
Contrairement aux informations développées dans les mass médias occidentaux et malgré les événements que l’on observe sur le terrain, j’aimerais souligner que ces experts, qui ont prévu que l’Ukraine ne pourrait résister qu’un temps limité, n’ont eu nullement tort. Ils ne se sont nullement trompés dans leurs prévisions.
Mes propos peuvent paraître étonnants vis-à-vis de ce qu’on observe depuis plus d’un an. Pourtant, il n’y a pas à s’étonner. Il ne faut jamais oublier que le déclenchement de la phase active des hostilités a eu lieu fin février 2022 et que, déjà fin mars 2022, il y a eu des pourparlers à Istanbul entre l’Ukraine et la Russie. Pour quelles raisons une partie qui se sent forte et qui sait qu’elle a encore des capacités considérables de résistance se mettrait-elle autour d’une table de négociation pour convenir d’une forme de reddition ? Ça ne se passe jamais ainsi. Les Ukrainiens se sont mis autour d’une table de négociation en étant conscients que leurs capacités de résistance étaient très limitées.
A Istanbul, quand les deux parties ont trouvé un consensus sur la majorité d’éléments clés de l’accord sur l’arrêt des hostilités, quand ils ont été pratiquement à un pas de la ratification du document de l’accord de paix, il y a eu un virage à 180 degrés du côté ukrainien. Pourquoi ? Il ne faut pas avoir une grande expérience dans le monde des affaires pour comprendre : dans le cadre de la négociation, quand une des deux parties fait volte-face du jour au lendemain, cela ne signifie qu’une seule chose, cette partie a eu une contre-proposition de la part des concurrents de ceux qui sont en face d’elle. C’est comme cela que cela se passe dans le monde des affaires. Dans la politique, c’est pareil.
Si l’Ukraine a pu se permettre le luxe de faire une croix sur l’accord de paix, c’est tout simplement qu’elle a reçu une contre-proposition. Et cette contre-proposition ne pouvait venir que du camp occidental. Les événements qui ont suivi ont dévoilé les éléments de cette proposition : l’Ukraine a reçu une proposition pour l’ouverture d’une gigantesque ligne de crédit partiellement payable en armement. En contrepartie, l’Ukraine devait s’engager à s’interdire de conclure un accord d’arrêt de guerre face à la Russie et fournir la «main-d’œuvre» combattante. C’était ça l’accord.
Afin de répondre au second engagement de Kiev, les frontières nationales de l’Ukraine pour sortir du pays ont été fermées. En France, on n’en parle pas beaucoup car c’est une vérité trop gênante, mais, au début de la guerre, il y a eu un gigantesque exode des populations des territoires ukrainiens, notamment de la population masculine. Les hommes savaient que s’ils ne partaient pas, ils seraient envoyés au feu. Quand on parle à la télévision occidentale de l’héroïsme ukrainien, ça me fait sourire, sachant parfaitement que le pays se serait vidé des futurs combattants en un temps très réduit si les frontières n’étaient pas interdites de passage […].» (2)
La capitulation et le transfert des responsabilités
Dans l’interview de David Arakhamia, l’une des personnes clés de la politique de l’Ukraine d’aujourd’hui, en parlant de plusieurs sujets, il a également évoqué la nécessité d’organiser un référendum national sur la question des éventuelles concessions territoriales à la Russie en échange de l’accord de paix.
La signification de cette déclaration est d’une importance stratégique : le régime de Kiev prépare auprès de l’opinion publique du pays non seulement sa capitulation, mais également, et surtout, le transfert sur les épaules du peuple ukrainien meurtri depuis bientôt deux ans de la responsabilité de sa politique désastreuse mise en place par le camp occidental américano-centrique, qui a provoqué des centaines de milliers de morts et a dévasté le pays.
Ainsi, ce n’est pas le régime en place, mais soi-disant le peuple qui devra prendre la décision et sur la cessation de guerre et sur la perte des territoires nationaux.
Nul doute que ce simulacre de référendum ou une initiative similaire aura lieu. Le fait que Zelensky a déjà annoncé que cela serait à la limite de l’impossible de mettre en place et de réaliser les futures élections présidentielles du 31 mars 2024, car, pour commencer, une partie non négligeable de la population se situant à l’étranger, sur les champs de bataille ou sur les territoires occupés par la Russie, n’aura pas l’accès physique aux centres de vote. Ce fait ne sera certainement pas un obstacle pour organiser la passation de la lourde responsabilité de la perte de la guerre sur les épaules du peuple ukrainien.
Néanmoins, si Volodymyr Zelensky, étant d’ores et déjà un cadavre politique, n’est pas en train de préparer la passation du pouvoir vers le Parlement ukrainien (Verhovna Rada) aussi ultranationaliste et corrompu que lui-même, et ceci est en dehors de tout processus électoral – ce qui est hautement probable – des surprises fort désagréables l’attendent dans un avenir proche.
Une contribution d’Oleg Nesterenko
Président du Centre de Commerce & d’Industrie Européen (CCIE, France), spécialiste de la Russie, de la Communauté des Etats indépendants (CEI) et de l’Afrique subsaharienne, ancien directeur du MBA, ancien professeur auprès des masters des grandes Ecoles de commerce de Paris.
décembre 2, 2023
https://www.algeriepatriotique.com/2023/12/02/comment-le-cadavre-politique-zelensky-prepare-la-capitulation-de-lukraine/
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