Lors d’un hommage national rendu à Gisèle Halimi, ce mercredi 8 mars, le président Emmanuel Macron a rappelé les faits d’humiliation, de torture et de viol infligés par l’armée française à la militante du FLN Djamila Boupacha lors de la guerre d’Algérie. Portrait d’une icône nationale.
Née le 9 février 1938 à Bologhine (anciennement Saint-Eugène), quartier situé sur les hauteurs d’Alger, Djamila Boupacha est une militante du Front de libération nationale. Tout juste âgée de 22 ans, elle est arrêtée le 10 février 1960 en compagnie de son père, de son frère, de sa sœur Nafissa et de son beau-père, et accusée de tentative d’attentat pour avoir posé une bombe, désamorcée à temps par les démineurs de l’armée, à la Brasserie des Facultés, à Alger, le 27 septembre 1959.
Emprisonnée clandestinement, elle sera pendant plus d’un mois violée et torturée par des parachutistes de l’armée française. Le récit qu’en fera Simone de Beauvoir dans Le Monde en juin 1960 est particulièrement glaçant : « Électrodes fixées sur le bout des seins, sur les jambes, le sexe, le visage, l’aine, coups de poing, brûlures de cigarettes, elle est ensuite suspendue par un bâton au-dessus d’une baignoire dans laquelle elle est immergée à plusieurs reprises. »
Son frère réussit toutefois à prévenir l’avocate Gisèle Halimi, qui décide de prendre son cas en charge dès mars 1960. La première rencontre entre l’avocate et la jeune militante a lieu dans la prison de Barberousse, le 17 mai 1960. Djamila décrit à son avocate comment les militaires l’ont violée en lui introduisant dans le vagin le manche d’une brosse à dents, puis le goulot d’une bouteille de bière : « On m’administre le supplice de la bouteille. C’est la plus atroce des souffrances. Après m’avoir attachée dans une position spéciale, on m’enfonça dans le ventre le goulot d’une bouteille. Je hurlai et perdis connaissance pendant, je crois, deux jours », dira Djamila.
L’affaire n’aura un retentissement médiatique international qu’en juin 1960, avec la création d’un Comité pour Djamila Boupacha. Un comité présidé par la romancière et philosophe Simone de Beauvoir et composé de membres prestigieux, dont l’écrivain et philosophe Jean-Paul Sartre, le poète Louis Aragon, l’écrivain martiniquais Aimé Césaire ou encore l’anthropologue Germaine Tillion.
Amnistiée en 1962
De crainte qu’elle ne soit tuée dans sa cellule, son comité de soutien fait pression et obtient son transfert par avion militaire en métropole. Elle est placée en détention à la prison de Fresnes le 21 juillet 1960, puis à celle de Pau. Elle comparaît à Caen en juin 1961 dans le cadre de l’instruction de sa plainte – déposée par Gisèle Halimi – à l’encontre de ses tortionnaires. Au cours de cette audience, elle va identifier courageusement ses bourreaux. « La torture a toujours existé jusqu’à la fin de la guerre », a dit un jour Djamila Boupacha lors d’un entretien accordé à France Inter.
Djamila Boupacha est amnistiée en application des accords d’Évian et libérée le 21 avril 1962. Réfugiée chez Gisèle Halimi, elle est séquestrée puis transférée à Alger par la Fédération de France du FLN, qui dénonce « l’opération publicitaire tentée à des fins personnelles » par l’avocate Gisèle Halimi.
Devenue une icône de la lutte de libération nationale, Djamila Boupacha va progressivement s’effacer de la scène publique, jusqu’au 15 février 2022, lorsque le président Abdelmadjid Tebboune la nomme sénatrice. Proposition qu’elle décline pour rester une simple citoyenne parmi les siens. Djamila Boupacha est aussi connue pour avoir été immortalisée par Pablo Picasso, qui réalisa un portrait d’elle au fusain pour la sauver de la guillotine en mars 1962.
Anti-franquiste convaincu, Picasso s’était intéressé très tôt à la révolution algérienne et tenta de dénoncer les souffrances de la femme algérienne sous le colonialisme à travers une quinzaine de toiles et de lithographies. Cette série s’achève avec le fameux portrait au fusain de Djamila qui paraît à la une des Lettres françaises du 8 février 1962 et en ouverture du plaidoyer de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi, publié chez Gallimard.
En juillet 2008, le portrait de Boupacha a été exposé au MaMa, le Musée public national d’art moderne et contemporain d’Alger, à l’occasion d’une grande exposition intitulée « Les peintres internationaux et la révolution algérienne ». Son acheminement de Marseille à Alger s’était fait sous haute sécurité. La valeur du portrait de Djamila réalisé par Pablo Picasso est aujourd’hui estimée à 400 millions de dollars.
Djamila Boupacha dessinée par Picasso illustrant le livre publiée par Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi en 1962 sur la militante FLN. L’artiste peintre espagnol Pablo Ruiz Picasso, a réalisé un dessin la veille du cessez-le-feu (mars 1962), pour sauver de la guillotine Djamila Boupacha. Anti-franquiste, l’artiste s’est intéressé à la révolution algérienne dès son déclenchement en 1954, et tenta de montrer et de dénoncer les souffrances de la femme algérienne sous le colonialisme, à travers une quinzaine de toiles et de lithographies. Cette série s’achève avec l’œuvre (un portrait) sur Djamila Boupacha, dont le dessin réalisé au fusain, paraît à la une des Lettres françaises du 8 février 1962 et en ouverture du plaidoyer de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi
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